L'intégration aérienne en Afrique: une analyse à partir des politiques du ci el unique africain de l'ASECNA et du MUTAA de l'union africainepar Amédée MISSIKA MBIANG IRIC- Université de Yaoundé 2 Soa - Master professionnel en Relations Internationales, option Intégration Région le et Management des Institutions Communautaires 2021 |
1- Intégration régionaleEn relation avec ce concept, le Professeur Joseph KI-ZERBO faisait déjà une remarque : « Sur l'intégration régionale, presque tout a été dit ; et pourtant presque tout reste à faire. Tel est le drame de l'Afrique, la dichotomie entre un verbe qui reste stérile et un processus qui nous échappe »22(*). Ces mots indiquent à merveille qu'il faut continuer à creuser le sens du mot intégration. Les définitions disponibles aujourd'huine manquent pas d'indiquer que « l'intégration régionale africaine » c'est l'inverse du cloisonnement des espaces géographiques, culturels, économiques et politiques. Pour le Sociologue français Emile DURHEIM, « quand la société est fortement intégrée, elle tient les individus sous sa dépendance, considère qu'ils sont à son service, par conséquent, ne leur permet pas de disposer d'eux-mêmes à leur fantaisie »23(*). Cette définition semble appréhender l'intégration comme phénomène contraignant, pourtant l'intégration est un processus volontariste. L'intégration régionale serait, pour Jean-Paul SAGADOU, « la convergence politique, économique et sociale d'un ensemble de pays conscients des limites des politiques nationales et désireux d'optimiser leurs chances de développement »24(*). Pour cet auteur, l'intégration régionale africaine renverrait donc au fait pour les Etas africains de mettre ensemble les ressources humaines et naturelles afin de sortir le continent du sous-développement. Cette définition nous paraît incomplète car son auteur semble limiter l'intégration à la coopération ; de plus, il semble oublier que l'intégration conduit à une fédération. Ainsi, il est donc judicieux de creuser ailleurs. Pascal CHAIGNEAU dans son dictionnaire des Relations Internationales, appréhende l'intégration régionale comme un phénomène ; de ce fait, elle pourrait être conçue comme fusion, voire même une fédéralisation sur le plan politico-économique des Etats partageant le même espace géographique et ayant le souci de construire une communauté. C'est le stade le plus achevé de la coopération. Elle se fonde sur des liens préférentiels entre ses pays membres25(*). Cette définition, bien que montrant que l'intégration conduit à la fédération, son auteur semble oublier que l'intégration n'apparaît pas d'un coup de bâton magique, or c'est un processus. Ceci nous contraint à explorer d'autres définitions, notamment celle donnée par Karl DEUTSCH. Karl DEUTSCH a pu dire que « l'intégration régionale est un processus par lequel la régularité et l'intensité des interactions entre certains Etats et entre certaines sociétés s'accroissent, permettant la constitution d'une communauté de sécurité, d'une interdépendance accrue, d'une identité partagée favorisant dans une aire géographique particulière, le développement d'actions collectives institutionnalisées, pouvant aller jusqu'à l'unification politique »26(*). Quoique Karl DEUTSCH ait montré que l'intégration régionale conduirait, par un processus à l'unification, il ne nous montre pas les différentes étapes qui conduiraient à cette unification. Ceci nous amène donc à explorer la définition donnée par Bela BALASSA. Selon Bela BALASSA27(*), l'intégration peut être définie soit comme un processus28(*), soit comme un état29(*). Ainsi, il a pu énumérer cinq (5) grandes étapes pour parvenir à une intégration totale à savoir : 1-La zone de libre-échange, qui est l'étape pendant laquelle les Etats de la région échangent librement leurs marchandises à la suite de la suppression des obstacles tarifaires et non tarifaires ; 2-L'union douanière, qui est l'étape pendant laquelle les obstacles douaniers sont éliminés, un tarif extérieur commun est fixé dans la région ; 3-Le marché commun qui résulte de l'ouverture de l'ensemble des marchés des produits, du travail et des capitaux ; 4-L'union économique et monétaire qui consiste en l'harmonisation des politiques économiques ; 5-L'union politique qui est l'unification totale des politiques économiques, affaires étrangères et de défense communes. Pour cet auteur, l'intégration politique est la dernière étape à atteindre car l'intégration est tout d'abord une intégration économique. Il la définit comme « un processus et une situation qui, à partir d'une société internationale morcelée en unités indépendantes les unes des autres, tendent à leur substituer de nouvelles unités plus ou moins vastes, dotées au minimum du pouvoir de décision soit dans un domaine, soit dans l'ensemble des domaines relevant de la compétence des unités intégrées de façon à susciter au niveau des structures, une participation de tous au maintien et développement de la nouvelle unité »30(*). Bien que cette définition montre que l'intégration conduit à l'unification, force est de constater qu'elle semble ne pas remettre en question la notion même de souveraineté des Etats. Au-delà de ces définitions de l'intégration régionale, celles qui semblent pertinentes et plus édifiantes que nous adopterons dans le cadre de cette étude sont celles données par Ernst HAAS et Philipe HUGON. Selon Ernst HAAS31(*), l'intégration régionale est : « le processus par lequel les acteurs politiques dans plusieurs ensembles nationaux sont persuadés de modifier leur loyauté, leurs attentes et leurs activités politiques vers un nouveau centre dont les institutions possèdent ou demandent autorité sur les Etats nationaux préexistants ». Le néo-fonctionnalisme dans cette logique sert tout simplement à expliquer comment et pourquoi les Etats cessent d'être pleinement souverains, comment et pourquoi ils fusionnent volontairement avec leurs voisins et perdent ainsi leurs attributs de souveraineté tout en acquérant de nouveaux moyens propres à résoudre des conflits qui pourraient surgir entre eux. Pour lui, la volonté politique des Etats est très capitale car il doit s'agir d'un choix rationnel. Les Etats se mettent ensemble pour résoudre un problème bien précis et pour cela, ils se dotent d'institutions et de moyens nécessaires. Ernst HAAS accorde ainsi une importance fondamentale à l'action volontariste des institutions centrales ; lesquelles sont à l'origine des différents effets induits de l'intégration. Autant dire que pour lui, l'intégration économique procède de l'intégration politique. Et les institutions régionales sont le moteur de l'intégration. Pour Philippe HUGON32(*), c'est un processus qui conduit à un plus grand degré de concertation entre les acteurs, d'interconnexion entre les unités et de la diversification des activités conduisant à une relative irréversibilité. Elle suppose un transfert de souveraineté et conduit à une construction d'identité. Elle est donc une question géopolitique qui renvoie aux interdépendances économiques, culturelles et politiques. De ce fait, elle se traduit par un abandon partiel de la souveraineté dans un espace élargi ou « pool de souveraineté ». Pour l'auteur, on peut la percevoir comme la mise sur pied d'ensembles plurinationaux permettant de dépasser les rivalités entre les Etats ; c'est-à-dire un moyen de mettre fin aux conflits et établir un véritable climat de paix dans les relations internationales. Par ailleurs, il met en avant ce qu'il appelle les « zones naturelles ». Par zones naturelles, l'auteur explique que l'intégration vise à faire coïncider les réseaux d'échanges transnationaux qui sont encadrés par des régulations sociopolitiques et un système institutionnel. Enfin, l'auteur démontre que l'intégration est une réponse à la mondialisation, car elle trouve une solution médiane entre un « souverainisme dépassé » et un « mondialisme lamineur ». Ce que l'on remarque de ces définitions, c'est qu'elles mentionnent toutes que l'intégration part d'un processus, d'une construction volontariste des Etats. Même si pour certains, elle devrait suivre un certain ordre et pour d'autres elle revêt plusieurs dimensions, pour nous, elle reste un processus volontaire des Etats. Lesdits Etats devraient appartenir à un espace géographique commun et partager un ensemble de ressources. Ils vont donc apprendre à céder progressivement leur souveraineté dans le but de construire un nouveau pôle chargé d'apporter une réponse plus adaptée à leurs défis et les conduire à un plus grand développement.Ramener à la présente étude, il s'agira d'analyser ici l'intégration aérienne. * 22 Joseph KI-ZERBO, Repères pour l'Afrique, Dakar, Silexd Nouvelles du Sud, 2007, P.152, cité par Jean-Paul SAGADOU, « L'intégration africaine ou le désir de l'autre »... , p.44. * 23 Emile DURKHEIM, De la division du travail social, Paris, PUF, 1893, p.12. * 24 Jean Paul SAGADOU, Op.cit. * 25 Pascal CHAIGNEAU, (sous la direction de), Dictionnaire des relations internationales, Paris, Economica, 1998, p.234. * 26 Karl DEUTSCH, cité par Marie-Claude SMOUTS et al, Dictionnaire des relations internationales, Op.cit., p.10. * 27 Cf. les travaux de Bela BALASSA sur l'intégration économique dans son ouvrage The theory of economicintegration, Homewood, Richard D. Irwin, Inc. 1961, p.10. * 28 En tant que processus, l'intégration est le processus par lequel plusieurs pays décident de constituer un même espace économique au sein duquel les obstacles tentent à être éliminés. * 29 En tant qu'Etat donné d'un système, l'intégration renvoie à un aspect caractérisé par un degré élevé de cohésion sociale, politique et économique. * 30Bela BALASSA, Op.cit. * 31Ernst HAAS, The uniting of Europe, Political, Social and Economic forces, Stanford, SUP, 1958, p.16. * 32 Philippe HUGON, Analyse comparative des processus d'intégration économique régionale, Paris, Cered. Université Paris-Nanterre, p.45. |
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