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Compréhension du processus d'engagement écologique - l'importance du collectif, des connaissances et des émotions pour une transformation intérieure et extérieure de nos représentations


par Laurie Benisti
Institut Catholique de Paris - Politiques environnementales et management du développement durable 2018
  

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BIBLIOGRAPHIE

· Servigne Pablo & Stevens Raphaël (2015) - Comment tout peut s'effondrer - Petit manuel de collapsologie à l'usage des générations présentes - Seuil, 2015

· Servigne Pablo, Stevens Raphaël, et Chapelle Gauthier (2015) - Une autre fin du monde est possible - Seuil, 2018

· Diamond Jared, Effondrement, Gallimard, 2006

· Bihouix Philippe, L'âge des low tech, Seuil, 2014

· Macy Joanna, Ecopsychologie pratique et rituels pour la Terre, Le Souffle d'or, 2008

· Harari Yuval Noah - Sapiens, une brève histoire de l'humanité - Albin Michel, 2015

· Bohler Sebastien, le bug humain, Robert Laffont, 2019

· Gifford Robert, The dragons of inaction : psychological barriers that limit climate change mitigation and adaptation. American Psychologist, 2011

· Chefurka Paul, Climbing the ladder of awareness, 2012

· Soulé Bastien, Observation participante ou participation observante ? Usages et justifications de la notion de participation observante en sciences sociales, Recherches Qualitatives Vol. 27(1), pp127-140, 2007

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ANNEXES

Entretiens individuels

Annexe 1 : Retranscription d'entretien - Thibaud Griessinger Retour au mémoire

Thibaud est chercheur consultant en sciences du comportement appliquées aux questions de transition écologique. Il travaille au ACTE Lab (Approche Comportementale de la Transition Ecologique), qui a pour mission d'accompagner des collectivités territoriales ou des associations pour les aider à comprendre les points de blocages de changements de comportements, et comprendre comment adapter les stratégies et les outils pour les rendre les plus efficaces possible. Le ACTE Lab fait à la fois du conseil (utiliser les connaissances et les méthodologies pour optimiser les outils et les moyens d'actions), et de la recherche (avoir une meilleure compréhension des blocages). Il s'agit donc à la fois d'utiliser les connaissances déjà acquises, et d'en formuler de nouvelles ; de faire des ponts entre la recherche académique et le terrain.

L'entretien avait pour objectif de mieux comprendre le changement de comportement via le prisme d'un chercheur travaillant sur ces questions au quotidien. Ce document est une retranscription partielle de l'entretien : il contient les extraits les plus importants de l'entretien vis-à-vis de notre objet d'étude.

Sur le niveau de connaissances des enjeux écologiques

Distinction entre connaissances d'ordre global et d'ordre pratique : « Il y a des connaissances qui peuvent être d'ordre très globales, c'est-à-dire par exemple il y a un réchauffement climatique qui prend son origine dans nos émissions de carbone, de gaz à effet de serre. Ce sont des connaissances globales, physiques sur la compréhension des mécanismes. Et il y a des connaissances plus d'ordre pratique, c'est-à-dire comment mon mode de vie, le mode d'organisation de la société dans laquelle je m'inclue est émettrice de carbone et participe au dérèglement climatique. Donc là, ce sont des connaissances un peu plus ancrées dans le quotidien, qui sont dans mes modes de transport, d'alimentation... ce qui cause ça et à quel point est-ce que ça cause ça. Donc il y a différents niveaux de connaissances, et il y a déjà beaucoup à creuser sur c'est quoi avoir conscience du problème, de quel problème on parle, et surtout d'avoir conscience de la complexité du problème, et ça c'est quelque chose de très difficile. »

Niveau de connaissance global avancé dans la société française : « Par exemple, les sondages qui sont faits par l'ADEME, essaient de mesurer le niveau de connaissance global. Sur ces sondages, le niveau de conscience des problèmes est assez élevé, et à peu près constant. »

Conscience grandissante de l'implication de nos modes de vies sur la situation écologique : « Par exemple, le tri a été très vite acquis, sur les déplacements, l'alimentation, ça commence à bouger. Et on voit que ce n'est pas dû simplement à la facilité de le faire, mais à la conscience que ces actions posent un problème d'un point de vue environnemental. » Une tendance cependant difficile à évaluer, car les sondages n'abordent jamais ces niveaux de granularité.

Importance de développer une compréhension de la complexité et de l'aspect systémique de ces enjeux pour pouvoir avoir des changements de comportements efficaces. C'est sûrement sur cet aspect qu'il y a beaucoup de progrès à faire sur la connaissance des enjeux de la population. « Là où c'est difficile, c'est que quand tu as une sensibilisation qui n'est pas faite comme AC le fait, qui est faite sur une liste de choses à faire, c'est

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compliqué parce que les écogestes sont dépendants de tout un tas de choses. Quand on dit de remplacer les sacs en plastique par des sacs en papier mais qu'en fait les sacs en papier consomment énormément d'eau, quand on dit mange moins de viande mais en fait manger du quinoa ou des avocats produits à l'autre bout du monde pollue, et que finalement c'était une viande élevée localement en plein air où il n'y a pas les mêmes problèmes que la viande venant d'argentine par exemple où il y a une déforestation massive... En fait, on voit très bien que c'est compliqué de sensibiliser sur des actions spécifiques. Quand AC le fait en mettant l'emphase sur l'énergie, là c'est plus intéressant car c'est plus facile de voir à l'échelle individuelle comment tu peux arriver à faire le lien entre ton mode de vie et ces problématiques, et tu peux toi-même être constructeur d'actions que tu peux mettre en place, toi-même tu peux vite voir si la voiture ou la trottinette électriques sont vraiment écolos. Donc ce sont des stratégies de l'ordre de l'heuristique qui peuvent porter leurs fruits. »

Sur le « intention-action gap » et les blocages à l'engagement

Décalage entre l'intention et l'action : « Le « intention action gap », c'est quand on voit que des personnes qui ont l'intention, qui savent quoi faire, qui veulent faire, se trouvent bornés par leur propre capacité de changement, par la capacité de changement du groupe social dans lequel ils sont, et par l'environnement technique et physique, le système socio-technique. Donc il y a différents niveaux d'obstacles, de barrières, qui vont limiter le passage de l'intention à l'action. Et les blocages comportementaux, sur lesquels travaille le ACTE Lab, sont une partie du problème, ce n'est pas tout. Il y a besoin de faire bouger les choses à l'échelle politique, économique, et également à l'échelle comportementale, à la fois individuelle et collective. Les imaginaires et nouveaux récits entrent dans le collectif et dans le comportement. En fait, il y a des boucles de rétroaction entre tous ces blocages qui font que si une part de la population fait des efforts à son échelle, change de récits, d'imaginaire, de rapport à l'environnement... il y a de grandes chances que ça se transmette en changement du marché, que les industriels s'adaptent, et aussi en pressions fortes sur les élus. Et ça marche dans l'autre sens. Ces boucles de rétroaction ne sont en général pas prises en compte dans les rapports prospectifs de B&L, de Carbone 4. Donc c'est compliqué, mais on arrive à différents points de blocages : les habitudes, les normes sociales, les représentations, la capacité de faire attention et d'être conscient de ça à chaque minute... »

Différents types de blocages selon le type de population et selon le contexte : « Il y a des blocages plus d'ordre culturel ou social, d`autres plus de l'ordre de l'habitude ou physique. Donc ça dépend de l'échelle socio-économique. Après, même si elle est liée il y a l'échelle géographique. Il y a l'échelle d'âge aussi. Donc en fonction de la population à laquelle tu t'intéresses, il y aura différents points de blocages. Notre boulot est d'essayer de comprendre, en fonction des comportements et des populations, quels sont les points de blocages les plus importants. Dans le covoiturage par exemple, il y a des blocages plus de l'ordre de la confiance : laisser entrer quelqu'un dans son espace personnel, d'arriver à se synchroniser... ce sont des types de blocages très spécifiques à ce comportement. Il y a des blocages très différents sur la consommation de viande : ça va toucher aux pratiques alimentaires, à la culture, à la physionomie aussi car tu peux avoir des carences... »

Distinction entre action et pratique : « L'action ça va être de recycler : t'as un emballage, tu le mets dans une poubelle. Une pratique, c'est par exemple le transport. Parce que ça va s'inclure dans toute une planification de ta journée, dans un rapport à ta mobilité différent. Diminuer ta consommation de viande ça peut être une action, mais aussi se rapprocher de la pratique si ça implique une évolution de ton quotidien. Donc toutes les actions ne sont pas égales parce qu'elles s'incluent plus ou moins dans un contexte individuel et nécessitent plus ou moins d'expertise, de connaissance. Quand l'action est dépendante d'autres actions, on parle de pratique. Si c'est une action indépendante, on parle d'action. Donc c'est une autre distinction importante à prendre en compte : plus l'action est dépendante d'autres, plus ça va être difficile. Les pratiques sont plus difficiles à changer que des actions individuelles. Comprendre les interdépendances entre actions et pratiques est une des clés pour essayer de faire opérer des changements de mode de vie et pas des actions spécifiques. »

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Sur les principaux récits et croyances en contradiction avec les changements de modèle

Le récit de la déconnexion à la nature : « Le récit le plus fort, c'est peut-être le fait qu'on se soit déconnecté de notre environnement. La chaîne d'interaction avec notre environnement s'agrandit. Entre ce que tu consommes et la manière dont c'est produit, la chaîne s'est allongée jusqu'au point qu'il peut y a voir des dizaines d'étapes entre les deux. Il y a une déconnexion forte entre le rapport à la terre et la production, et la consommation. Donc il y a déjà ce récit qui s'est créé de cette non-nécessité d'avoir un rapport aux ressources directement, et qu'on peut être indépendant de l'environnement dans lequel on se situe. Je ne sais pas comment on pourrait appeler ça, la dématérialisation peut-être. De penser qu'on peut s'abstraire des contraintes géographiques, saisonnières, environnementales, et qu'on peut avoir tout tout le temps, en permanence. C'est un récit fort. »

Le récit libéral : « Le récit libéral un récit extrêmement fort qui est de dire que n'importe qui peut changer, peut s'abstraire de son environnement, de son contexte, quand on veut on peut... Cette espèce de truc de la motivation où le libre-arbitre suffit et c'est la condition nécessaire et suffisante au changement. C'est un récit qui est pas mal ancré et qui pose tout un tas de problèmes. Un des problèmes majeurs que ça pose, c'est le fait qu'on considère que dans un environnement où on va te faciliter l'accès à la consommation, aux ressources, tu as les mêmes capacités à te restreindre, à te contrôler. Ce récit est faux dans la mesure où une partie de notre capacité d'inhibition et de contrôle est dépendante de notre environnement. A partir du moment où c'est difficile pour toi d'avoir accès à du sucre, à du plaisir... parce que ton environnement ne permet pas d'avoir accès à tout, tout de suite, ton environnement le contraint. On arrive à s'équilibrer parce qu'on n'a pas tout, tout de suite. Mais une fois que cette friction est baissée, il n'y a plus de contrôle qui vient de l'envi-ronnement, donc tout repose sur ta capacité à te contrôler, à t'inhiber. C'est là où on puise dans nos propres ressources, on a conservé la capacité de penser qu'on était capables de ça avant, et que notre environnement n'était pas une forme de contrainte. Un autre problème du récit libéral est l'aspect individualiste qu'il implique : en tant qu'individu, on pourrait se passer de la collectivité ou du groupe. Mais c'est un truc que les sciences du comportement mettent à bas, en disant que si t'es tout seul tu peux t'en tirer en oubliant le fait que quand t'es dans une structure socio-technique, c'est la production du groupe. Donc on a tendance à penser qu'on peut s'en tirer seul parce qu'on a tout à disposition : les magasins, la sécu... Mais si on se retrouve seul dans une jungle, dans un champ, on ne s'en sortira pas... Donc il y a toujours ce récit, qui est le même en fait, le récit libéral, de l'individu seul et libre, la pensée qu'on peut s'extraire de tout, qu'on peut être libre de toute attache sociale, environnementale... »

Sur les émotions et le changement de comportement

Fonction des émotions : « En science cognitive, il y a 6 émotions qui ont des caractéristiques et une portée évolutive. Une émotion provoque une réaction assez rapide qui va passer par tout un tas de processus d'ana-lyse, de réflexion, de contrôle d'inhibition etc et ont pour but d'envoyer un signal rapide aux autres ou vers soi-même. C'est une fonction de ressenti mais aussi de communication et d'expression dans une perspective émotive. Donc ces émotions ne sont pas là par hasard, elles ont un intérêt. Et elles ont des conséquences. Par exemple, à partir du moment où tu as peur, tu ne vas pas être dans l'analyse ou dans la réflexion. Souvent, dans les émotions, on met aussi des réactions, ou des sentiments, des ressentis. Là c'est de différente nature. Si on met l'anxiété dedans, c'est un stress continu qui peut être déclenché par une inadéquation entre tes représentations et tes actions, la dissonance cognitive. Ca peut être du stress parce qu'on a plus de planification claire, on est dans l'incertain, extrêmement stressant et anxiogène. Donc là on ne va pas être dans quelque chose de moteur. »

Impact émotionnel des changements : « A partir du moment où des représentations sont remises en question, ça va provoquer des émotions d'anxiété, de stress face à l'incertain. Ces émotions vont mener à mettre

en place tout un tas de ressources pour refaire sens. Si tu te rends compte que ton mode de vie est délétère, ça nécessite de remettre en cause un certain nombre de certitudes et de représentations qui s'étaient stabilisées, sur lesquelles tu t'appuyais pour aller de l'avant sur autre chose. Donc en effet, tu vas t'attaquer à des bases que tu pensais stables. C'est anxiogène, ça conduit à des périodes de stress, d'anxiété, de doutes, de remises en question etc. Dans un contexte social, ça peut aussi conduire à la peur de l'exclusion de l'autre, facteur de stress aussi. »

Refoulement des émotions négatives « Il y a aussi un récit de l'optimiste, cette espèce d'injonction à être tout le temps optimiste, assertif. Comme un récit qu'il y avait à l'époque que l'erreur était inacceptable, elle n'était pas du tout vue comme un signal d'apprentissage comme ça l'est réellement. Il y a une injonction à ne pas montrer ses émotions négatives. C'est de l'ordre du narratif, on est dans les normes sociales. A partir du moment où normativement c'est considéré comme mal vu, que tu vas être mal accepté si tu parles trop de tes problèmes parce qu'il faut être positif, ça peut être générateur de stress, de refoulement, donc négatif. »

Hygiène mentale : « Mais il y a des possibilités de faire en sorte de diminuer la souffrance pour être plus confortable face à l'incertain, plus flexible cognitivement, d'accepter le doute, d'avoir une vision complexe des choses... on entre dans des changements de dispositions mentales, de gestion cognitive. C'est là où il faut avoir ce que certains appellent une « hygiène mentale » qui te permet d'être confortable dans ces milieux. On peut imaginer la situation inverse. Là, c'est une situation proactive où tu te dis il faut changer, donc tu te mets à remettre en question tout un tas de trucs. Mais tu peux avoir une situation dans laquelle tu vas considérer comme acquis ta situation financière, ton accès aux ressources, à l'eau potable... Imagine demain il y a un blackout ou un stress hydrique. Tu vas te retrouver dans une situation d'incertitudes où tu ne vas pas du tout savoir gérer l'aléa, l'incertain. Tu vas pas du tout savoir remettre en question certains trucs. Donc que ce soit dans le fait de le subir ou d'être proactif, dans les 2 cas il y a un intérêt à faciliter cette flexibilité mentale pour faire en sorte de moins subir ces émotions qui sont extrêmement coûteuse en énergie. Donc c'est là où il y a besoin de stratégies de régulation émotionnelle, d'acceptation du doute ou de l'incertain. »

Régulation émotionnelle et gestion des émotions :« Mieux les émotions sont gérées, utilisées à bon escient, plus elles sont facteur de changement. Plus tu les subis, plus tu es incapable d'identifier ce qui les déclenche et ce à quoi elles peuvent te servir, et plus ça va être facteur de paralyse. La régulation émotionnelle est pas mal utilisée en psychologie clinique, elle a pour but de faire en sorte de moins subir de situation, qu'il y ait moins d'émotions qui viennent directement dans une situation de nature à déclencher des émotions négatives, et que tu puisses arriver à être dans la proposition et dans la projection. Il y a des stratégies de régulation émotionnelle qui peuvent porter leurs fruits sur ces questions. Plus t'arrives à gérer tes émotions, plus ça peut être moteur. Et à noter que réguler ses émotions, ce n'est pas les refouler, c'est les accepter, et les utiliser à bon escient »

Sur l'aspect libérateur de la prise de conscience :

« A partir du moment où tu te sens en contrôle de ton environnement, tu te sens agent de ta transformation, de ton destin. Ce doit être une émotion proactive, ça peut être moteur aussi avec les autres, pour développer une intelligence. C'est sûr que c'est beaucoup plus émancipateur d'être acteur de son environnement que de le subir. A partir du moment où tu perçois ton environnement comme plus contrôlable, tu le perçois comme moins hostile, et ça te met dans une prédisposition à pouvoir te projeter plus facilement, de coopérer, être moins orienté sur le court terme ou la survie. »

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Sur la recherche :

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Recherche et émotions : « La question des émotions est rarement ou jamais abordée de front en recherche sur les questions écologiques. C'est peut-être clairement un point aveugle. C'est une piste de réflexion intéressante. Mais encore une fois, l'idée serait de comprendre ce qui va générer ces émotions, de comprendre ce qui les fait survenir qui nous intéresse. Plus essayer de diminuer le stress, l'anxiété, les émotions négatives. Donc comprendre ce qui peut les faire émerger et faire en sorte de faciliter ça. En fait, il y a un doctorant qui vient d'entrer en thèse à Oxford et qui bosse avec nous, qui lui va aborder les questions de bien-être en écologie. Il est spécialisé dans les conditions évolutives au bien-être : ce qui garantit le bien-être et quel rôle joue le bien-être dans une perspective évolutionniste. Comment on peut concilier le bien-être avec le sacrifice. Est-ce que c'est forcément incompatible, est-ce qu'il y a des manières de le rendre compatibles, ça nécessite de comprendre ce qu'est le bien-être et comment il émerge. »

Recherche et transformation des personnes : « Je pense qu'il y a des conditions à l'émancipation qui doivent prendre en compte les connaissances qu'on a sur ce qui paralyse, ce qui ne paralyse pas... Là je pense que les sciences du comportement ont beaucoup de choses à apporter sur essayer de planifier une transformation cadrée pour ne pas tomber dans la paralysie. Ce sont des travaux intéressants à faire. Les conditions de bon accompagnement de la transformation des personnes »

Recherche et désobéissance civile : « Les chercheurs commencent à s'intéresser un peu aux actions de désobéissance. C'est intéressant, tu te sens reprendre possession d'une certaine forme d'agentivité, mais c'est cadré, et c'est ce qui permet d'engager. Les sociologues s'intéressent un peu à la désobéissance civile. Sur le côté émancipateur du groupe dans ce genre d'actions. Je ne suis pas sûr qu'il y ait d'études en psychologie. Mais les approches sont complémentaires, et il y aurait un travail super intéressant à faire sur ces questions avec un regard sociologie + psychologie ».

Conciliation entre urgence écologique et lenteur du processus de recherche : « Il y a eu aussi que cette urgence-là fait une pression supplémentaire. Maintenant, je suis beaucoup plus rationnel dans les choix que je fais. Il y a des trucs où avant où j'aurais dit on prend le temps, je fais ça. Maintenant je fais un calcul à chaque fois de est-ce que ça a un impact et est-ce que ça m'intéresse. J'essaie de maximiser l'impact des choix. Ça facilite aussi les choses parce que ça élague les possibles, ça donne un cap. Mais c'est frustrant, parce que tous les mois où on est sur un projet, on voit le temps passer. Qui vient du fait que la recherche est un processus lent, et d'aligner ça avec l'urgence écologique ce n'est pas évident. Des fois tu as envie de vivre sur l'instant, mais tu te dis il faut du long terme. Allier des stratégies long terme avec une urgence, c'est là le plus dur, mais c'est le plus vertueux, il ne faut pas se précipiter. Ça prend du temps de penser les choses, de les réfléchir, de bien les comprendre pour guider l'action... C'est long, mais c'est nécessaire. Il faut arriver à catalyser les connaissances accumulées pour les pousser vers une action en réponse à une urgence. C'est une équation hyper difficile à résoudre, mais nécessaire. Et ça cadre la recherche, ça oriente la recherche vers l'action, ça donne un cap. Il faut aussi une pluridisciplinarité. »

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault