Entretiens individuels
Annexe 1 : Retranscription d'entretien - Thibaud Griessinger
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Thibaud est chercheur consultant en sciences du comportement
appliquées aux questions de transition écologique. Il travaille
au ACTE Lab (Approche Comportementale de la Transition Ecologique), qui a pour
mission d'accompagner des collectivités territoriales ou des
associations pour les aider à comprendre les points de blocages de
changements de comportements, et comprendre comment adapter les
stratégies et les outils pour les rendre les plus efficaces possible. Le
ACTE Lab fait à la fois du conseil (utiliser les connaissances et les
méthodologies pour optimiser les outils et les moyens d'actions), et de
la recherche (avoir une meilleure compréhension des blocages). Il s'agit
donc à la fois d'utiliser les connaissances déjà acquises,
et d'en formuler de nouvelles ; de faire des ponts entre la recherche
académique et le terrain.
L'entretien avait pour objectif de mieux comprendre le
changement de comportement via le prisme d'un chercheur travaillant sur ces
questions au quotidien. Ce document est une retranscription partielle de
l'entretien : il contient les extraits les plus importants de l'entretien
vis-à-vis de notre objet d'étude.
Sur le niveau de connaissances des enjeux
écologiques
Distinction entre connaissances d'ordre global et
d'ordre pratique : « Il y a des connaissances qui peuvent
être d'ordre très globales, c'est-à-dire par exemple il y a
un réchauffement climatique qui prend son origine dans nos
émissions de carbone, de gaz à effet de serre. Ce sont des
connaissances globales, physiques sur la compréhension des
mécanismes. Et il y a des connaissances plus d'ordre pratique,
c'est-à-dire comment mon mode de vie, le mode d'organisation de la
société dans laquelle je m'inclue est émettrice de carbone
et participe au dérèglement climatique. Donc là, ce sont
des connaissances un peu plus ancrées dans le quotidien, qui sont dans
mes modes de transport, d'alimentation... ce qui cause ça et à
quel point est-ce que ça cause ça. Donc il y a différents
niveaux de connaissances, et il y a déjà beaucoup à
creuser sur c'est quoi avoir conscience du problème, de quel
problème on parle, et surtout d'avoir conscience de la complexité
du problème, et ça c'est quelque chose de très difficile.
»
Niveau de connaissance global avancé dans la
société française : « Par exemple, les
sondages qui sont faits par l'ADEME, essaient de mesurer le niveau de
connaissance global. Sur ces sondages, le niveau de conscience des
problèmes est assez élevé, et à peu près
constant. »
Conscience grandissante de l'implication de nos modes
de vies sur la situation écologique : « Par exemple, le
tri a été très vite acquis, sur les déplacements,
l'alimentation, ça commence à bouger. Et on voit que ce n'est pas
dû simplement à la facilité de le faire, mais à la
conscience que ces actions posent un problème d'un point de vue
environnemental. » Une tendance cependant difficile à
évaluer, car les sondages n'abordent jamais ces niveaux de
granularité.
Importance de développer une
compréhension de la complexité et de l'aspect systémique
de ces enjeux pour pouvoir avoir des changements de comportements
efficaces. C'est sûrement sur cet aspect qu'il y a beaucoup de
progrès à faire sur la connaissance des enjeux de la population.
« Là où c'est difficile, c'est que quand tu as une
sensibilisation qui n'est pas faite comme AC le fait, qui est faite sur une
liste de choses à faire, c'est
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compliqué parce que les écogestes sont
dépendants de tout un tas de choses. Quand on dit de remplacer les sacs
en plastique par des sacs en papier mais qu'en fait les sacs en papier
consomment énormément d'eau, quand on dit mange moins de viande
mais en fait manger du quinoa ou des avocats produits à l'autre bout du
monde pollue, et que finalement c'était une viande élevée
localement en plein air où il n'y a pas les mêmes problèmes
que la viande venant d'argentine par exemple où il y a une
déforestation massive... En fait, on voit très bien que c'est
compliqué de sensibiliser sur des actions spécifiques. Quand AC
le fait en mettant l'emphase sur l'énergie, là c'est plus
intéressant car c'est plus facile de voir à l'échelle
individuelle comment tu peux arriver à faire le lien entre ton mode de
vie et ces problématiques, et tu peux toi-même être
constructeur d'actions que tu peux mettre en place, toi-même tu peux vite
voir si la voiture ou la trottinette électriques sont vraiment
écolos. Donc ce sont des stratégies de l'ordre de
l'heuristique qui peuvent porter leurs fruits. »
Sur le « intention-action gap » et les
blocages à l'engagement
Décalage entre l'intention et l'action
: « Le « intention action gap », c'est quand on voit
que des personnes qui ont l'intention, qui savent quoi faire, qui veulent
faire, se trouvent bornés par leur propre capacité de changement,
par la capacité de changement du groupe social dans lequel ils sont, et
par l'environnement technique et physique, le système socio-technique.
Donc il y a différents niveaux d'obstacles, de barrières, qui
vont limiter le passage de l'intention à l'action. Et les blocages
comportementaux, sur lesquels travaille le ACTE Lab, sont une partie du
problème, ce n'est pas tout. Il y a besoin de faire bouger les choses
à l'échelle politique, économique, et également
à l'échelle comportementale, à la fois individuelle et
collective. Les imaginaires et nouveaux récits entrent dans le collectif
et dans le comportement. En fait, il y a des boucles de
rétroaction entre tous ces blocages qui font que si une part de
la population fait des efforts à son échelle, change de
récits, d'imaginaire, de rapport à l'environnement... il y a de
grandes chances que ça se transmette en changement du marché, que
les industriels s'adaptent, et aussi en pressions fortes sur les élus.
Et ça marche dans l'autre sens. Ces boucles de rétroaction ne
sont en général pas prises en compte dans les rapports
prospectifs de B&L, de Carbone 4. Donc c'est compliqué, mais on
arrive à différents points de blocages : les habitudes, les
normes sociales, les représentations, la capacité de faire
attention et d'être conscient de ça à chaque minute...
»
Différents types de blocages selon le type de
population et selon le contexte : « Il y a des blocages plus
d'ordre culturel ou social, d`autres plus de l'ordre de l'habitude ou physique.
Donc ça dépend de l'échelle socio-économique.
Après, même si elle est liée il y a l'échelle
géographique. Il y a l'échelle d'âge aussi. Donc en
fonction de la population à laquelle tu t'intéresses, il y aura
différents points de blocages. Notre boulot est d'essayer de comprendre,
en fonction des comportements et des populations, quels sont les points de
blocages les plus importants. Dans le covoiturage par exemple, il y a des
blocages plus de l'ordre de la confiance : laisser entrer quelqu'un dans son
espace personnel, d'arriver à se synchroniser... ce sont des types de
blocages très spécifiques à ce comportement. Il y a des
blocages très différents sur la consommation de viande :
ça va toucher aux pratiques alimentaires, à la culture, à
la physionomie aussi car tu peux avoir des carences... »
Distinction entre action et pratique :
« L'action ça va être de recycler : t'as un emballage, tu le
mets dans une poubelle. Une pratique, c'est par exemple le transport. Parce que
ça va s'inclure dans toute une planification de ta journée, dans
un rapport à ta mobilité différent. Diminuer ta
consommation de viande ça peut être une action, mais aussi se
rapprocher de la pratique si ça implique une évolution de ton
quotidien. Donc toutes les actions ne sont pas égales parce qu'elles
s'incluent plus ou moins dans un contexte individuel et nécessitent plus
ou moins d'expertise, de connaissance. Quand l'action est dépendante
d'autres actions, on parle de pratique. Si c'est une action
indépendante, on parle d'action. Donc c'est une autre distinction
importante à prendre en compte : plus l'action est dépendante
d'autres, plus ça va être difficile. Les pratiques sont plus
difficiles à changer que des actions individuelles. Comprendre les
interdépendances entre actions et pratiques est une des clés pour
essayer de faire opérer des changements de mode de vie et pas des
actions spécifiques. »
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Sur les principaux récits et croyances en
contradiction avec les changements de modèle
Le récit de la déconnexion à la
nature : « Le récit le plus fort, c'est
peut-être le fait qu'on se soit déconnecté de notre
environnement. La chaîne d'interaction avec notre environnement
s'agrandit. Entre ce que tu consommes et la manière dont c'est produit,
la chaîne s'est allongée jusqu'au point qu'il peut y a voir des
dizaines d'étapes entre les deux. Il y a une déconnexion forte
entre le rapport à la terre et la production, et la consommation. Donc
il y a déjà ce récit qui s'est créé de cette
non-nécessité d'avoir un rapport aux ressources directement, et
qu'on peut être indépendant de l'environnement dans lequel on se
situe. Je ne sais pas comment on pourrait appeler ça, la
dématérialisation peut-être. De penser qu'on peut
s'abstraire des contraintes géographiques, saisonnières,
environnementales, et qu'on peut avoir tout tout le temps, en permanence. C'est
un récit fort. »
Le récit libéral : « Le
récit libéral un récit extrêmement fort qui est de
dire que n'importe qui peut changer, peut s'abstraire de son environnement, de
son contexte, quand on veut on peut... Cette espèce de truc de la
motivation où le libre-arbitre suffit et c'est la condition
nécessaire et suffisante au changement. C'est un récit qui est
pas mal ancré et qui pose tout un tas de problèmes. Un des
problèmes majeurs que ça pose, c'est le fait qu'on
considère que dans un environnement où on va te faciliter
l'accès à la consommation, aux ressources, tu as les mêmes
capacités à te restreindre, à te contrôler. Ce
récit est faux dans la mesure où une partie de notre
capacité d'inhibition et de contrôle est dépendante de
notre environnement. A partir du moment où c'est difficile pour toi
d'avoir accès à du sucre, à du plaisir... parce que ton
environnement ne permet pas d'avoir accès à tout, tout de suite,
ton environnement le contraint. On arrive à s'équilibrer parce
qu'on n'a pas tout, tout de suite. Mais une fois que cette friction est
baissée, il n'y a plus de contrôle qui vient de l'envi-ronnement,
donc tout repose sur ta capacité à te contrôler, à
t'inhiber. C'est là où on puise dans nos propres ressources, on a
conservé la capacité de penser qu'on était capables de
ça avant, et que notre environnement n'était pas une forme de
contrainte. Un autre problème du récit libéral est
l'aspect individualiste qu'il implique : en tant qu'individu, on pourrait se
passer de la collectivité ou du groupe. Mais c'est un truc que les
sciences du comportement mettent à bas, en disant que si t'es tout seul
tu peux t'en tirer en oubliant le fait que quand t'es dans une structure
socio-technique, c'est la production du groupe. Donc on a tendance à
penser qu'on peut s'en tirer seul parce qu'on a tout à disposition : les
magasins, la sécu... Mais si on se retrouve seul dans une jungle, dans
un champ, on ne s'en sortira pas... Donc il y a toujours ce récit, qui
est le même en fait, le récit libéral, de l'individu seul
et libre, la pensée qu'on peut s'extraire de tout, qu'on peut être
libre de toute attache sociale, environnementale... »
Sur les émotions et le changement de
comportement
Fonction des émotions : « En
science cognitive, il y a 6 émotions qui ont des caractéristiques
et une portée évolutive. Une émotion provoque une
réaction assez rapide qui va passer par tout un tas de processus
d'ana-lyse, de réflexion, de contrôle d'inhibition etc et ont pour
but d'envoyer un signal rapide aux autres ou vers soi-même. C'est une
fonction de ressenti mais aussi de communication et d'expression dans une
perspective émotive. Donc ces émotions ne sont pas là par
hasard, elles ont un intérêt. Et elles ont des
conséquences. Par exemple, à partir du moment où tu as
peur, tu ne vas pas être dans l'analyse ou dans la réflexion.
Souvent, dans les émotions, on met aussi des réactions, ou des
sentiments, des ressentis. Là c'est de différente nature. Si on
met l'anxiété dedans, c'est un stress continu qui peut être
déclenché par une inadéquation entre tes
représentations et tes actions, la dissonance cognitive. Ca peut
être du stress parce qu'on a plus de planification claire, on est dans
l'incertain, extrêmement stressant et anxiogène. Donc là on
ne va pas être dans quelque chose de moteur. »
Impact émotionnel des changements :
« A partir du moment où des représentations sont remises en
question, ça va provoquer des émotions d'anxiété,
de stress face à l'incertain. Ces émotions vont mener à
mettre
en place tout un tas de ressources pour refaire sens. Si tu
te rends compte que ton mode de vie est délétère,
ça nécessite de remettre en cause un certain nombre de certitudes
et de représentations qui s'étaient stabilisées, sur
lesquelles tu t'appuyais pour aller de l'avant sur autre chose. Donc en effet,
tu vas t'attaquer à des bases que tu pensais stables. C'est
anxiogène, ça conduit à des périodes de stress,
d'anxiété, de doutes, de remises en question etc. Dans un
contexte social, ça peut aussi conduire à la peur de l'exclusion
de l'autre, facteur de stress aussi. »
Refoulement des émotions négatives
« Il y a aussi un récit de l'optimiste, cette
espèce d'injonction à être tout le temps optimiste,
assertif. Comme un récit qu'il y avait à l'époque que
l'erreur était inacceptable, elle n'était pas du tout vue comme
un signal d'apprentissage comme ça l'est réellement. Il y a une
injonction à ne pas montrer ses émotions négatives. C'est
de l'ordre du narratif, on est dans les normes sociales. A partir du moment
où normativement c'est considéré comme mal vu, que tu vas
être mal accepté si tu parles trop de tes problèmes parce
qu'il faut être positif, ça peut être
générateur de stress, de refoulement, donc négatif.
»
Hygiène mentale : « Mais il y a
des possibilités de faire en sorte de diminuer la souffrance pour
être plus confortable face à l'incertain, plus flexible
cognitivement, d'accepter le doute, d'avoir une vision complexe des choses...
on entre dans des changements de dispositions mentales, de gestion cognitive.
C'est là où il faut avoir ce que certains appellent une «
hygiène mentale » qui te permet d'être confortable dans ces
milieux. On peut imaginer la situation inverse. Là, c'est une situation
proactive où tu te dis il faut changer, donc tu te mets à
remettre en question tout un tas de trucs. Mais tu peux avoir une situation
dans laquelle tu vas considérer comme acquis ta situation
financière, ton accès aux ressources, à l'eau potable...
Imagine demain il y a un blackout ou un stress hydrique. Tu vas te retrouver
dans une situation d'incertitudes où tu ne vas pas du tout savoir
gérer l'aléa, l'incertain. Tu vas pas du tout savoir remettre en
question certains trucs. Donc que ce soit dans le fait de le subir ou
d'être proactif, dans les 2 cas il y a un intérêt à
faciliter cette flexibilité mentale pour faire en sorte de moins subir
ces émotions qui sont extrêmement coûteuse en
énergie. Donc c'est là où il y a besoin de
stratégies de régulation émotionnelle, d'acceptation du
doute ou de l'incertain. »
Régulation émotionnelle et gestion des
émotions :« Mieux les émotions sont
gérées, utilisées à bon escient, plus elles sont
facteur de changement. Plus tu les subis, plus tu es incapable d'identifier ce
qui les déclenche et ce à quoi elles peuvent te servir, et plus
ça va être facteur de paralyse. La régulation
émotionnelle est pas mal utilisée en psychologie clinique, elle a
pour but de faire en sorte de moins subir de situation, qu'il y ait moins
d'émotions qui viennent directement dans une situation de nature
à déclencher des émotions négatives, et que tu
puisses arriver à être dans la proposition et dans la projection.
Il y a des stratégies de régulation émotionnelle qui
peuvent porter leurs fruits sur ces questions. Plus t'arrives à
gérer tes émotions, plus ça peut être moteur. Et
à noter que réguler ses émotions, ce n'est pas les
refouler, c'est les accepter, et les utiliser à bon escient »
Sur l'aspect libérateur de la prise de
conscience :
« A partir du moment où tu te sens en
contrôle de ton environnement, tu te sens agent de ta transformation, de
ton destin. Ce doit être une émotion proactive, ça peut
être moteur aussi avec les autres, pour développer une
intelligence. C'est sûr que c'est beaucoup plus émancipateur
d'être acteur de son environnement que de le subir. A partir du moment
où tu perçois ton environnement comme plus contrôlable, tu
le perçois comme moins hostile, et ça te met dans une
prédisposition à pouvoir te projeter plus facilement, de
coopérer, être moins orienté sur le court terme ou la
survie. »
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Sur la recherche :
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Recherche et émotions : « La
question des émotions est rarement ou jamais abordée de front en
recherche sur les questions écologiques. C'est peut-être
clairement un point aveugle. C'est une piste de réflexion
intéressante. Mais encore une fois, l'idée serait de comprendre
ce qui va générer ces émotions, de comprendre ce qui les
fait survenir qui nous intéresse. Plus essayer de diminuer le stress,
l'anxiété, les émotions négatives. Donc comprendre
ce qui peut les faire émerger et faire en sorte de faciliter ça.
En fait, il y a un doctorant qui vient d'entrer en thèse à Oxford
et qui bosse avec nous, qui lui va aborder les questions de bien-être en
écologie. Il est spécialisé dans les conditions
évolutives au bien-être : ce qui garantit le bien-être et
quel rôle joue le bien-être dans une perspective
évolutionniste. Comment on peut concilier le bien-être avec le
sacrifice. Est-ce que c'est forcément incompatible, est-ce qu'il y a des
manières de le rendre compatibles, ça nécessite de
comprendre ce qu'est le bien-être et comment il émerge. »
Recherche et transformation des personnes :
« Je pense qu'il y a des conditions à
l'émancipation qui doivent prendre en compte les connaissances qu'on a
sur ce qui paralyse, ce qui ne paralyse pas... Là je pense que les
sciences du comportement ont beaucoup de choses à apporter sur essayer
de planifier une transformation cadrée pour ne pas tomber dans la
paralysie. Ce sont des travaux intéressants à faire. Les
conditions de bon accompagnement de la transformation des personnes »
Recherche et désobéissance civile
: « Les chercheurs commencent à s'intéresser un peu
aux actions de désobéissance. C'est intéressant, tu te
sens reprendre possession d'une certaine forme d'agentivité, mais c'est
cadré, et c'est ce qui permet d'engager. Les sociologues
s'intéressent un peu à la désobéissance civile. Sur
le côté émancipateur du groupe dans ce genre d'actions. Je
ne suis pas sûr qu'il y ait d'études en psychologie. Mais les
approches sont complémentaires, et il y aurait un travail super
intéressant à faire sur ces questions avec un regard sociologie +
psychologie ».
Conciliation entre urgence écologique et
lenteur du processus de recherche : « Il y a eu aussi que cette
urgence-là fait une pression supplémentaire. Maintenant, je suis
beaucoup plus rationnel dans les choix que je fais. Il y a des trucs où
avant où j'aurais dit on prend le temps, je fais ça. Maintenant
je fais un calcul à chaque fois de est-ce que ça a un impact et
est-ce que ça m'intéresse. J'essaie de maximiser l'impact des
choix. Ça facilite aussi les choses parce que ça élague
les possibles, ça donne un cap. Mais c'est frustrant, parce que tous les
mois où on est sur un projet, on voit le temps passer. Qui vient du fait
que la recherche est un processus lent, et d'aligner ça avec l'urgence
écologique ce n'est pas évident. Des fois tu as envie de vivre
sur l'instant, mais tu te dis il faut du long terme. Allier des
stratégies long terme avec une urgence, c'est là le plus dur,
mais c'est le plus vertueux, il ne faut pas se précipiter. Ça
prend du temps de penser les choses, de les réfléchir, de bien
les comprendre pour guider l'action... C'est long, mais c'est
nécessaire. Il faut arriver à catalyser les connaissances
accumulées pour les pousser vers une action en réponse à
une urgence. C'est une équation hyper difficile à
résoudre, mais nécessaire. Et ça cadre la recherche,
ça oriente la recherche vers l'action, ça donne un cap. Il faut
aussi une pluridisciplinarité. »
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