La présomption d'innocence en cas d'infractions flagrantes en droit procédural congolaispar Dominique Mutongo Hamisi Université Officielle de Bukavu - Graduat 2020 |
CHAPITRE DEUXIEME : LA PRESOMPTION D'INNOCENCE EN CAS DE FLAGRANCEEspérant que le lecteur nous ayant lu, dans notre premier chapitre, avec intérêt est à pareil instant suffisamment éclairé sur le sujet ; seule sera abordé avec rigueur dans le présent chapitre la notion de la présomption d'innocence en matière des infractions flagrantes. Il est ici question d'examiner avec plus d'intérêt possible la procédure recommandée lorsque doit être poursuivie une infraction flagrante ou réputée telle (section I). Et ce de l'arrestation à la condamnation définitive. Nous ne manquerons pas aussi d'examiner les abus en la matière et les responsabilités de leurs auteurs (section II) tout en proposant des pistes de solution aux différents problèmes afin de voir la justice être vécue dans toutes ses facettes et concrétiser la grande aspiration d'un Etat de droit. IX. SECTION I. LA PROCEDURE RECOMMANDEE EN CAS D'INFRACTION FLAGRANTE OU REPUTEE TELLEContrairement à la procédure pénale ordinaire, en cas de commission d'une infraction flagrante, l'on se trouve face à une procédure toute autre nécessitant une certaine célérité et qui fait d'ailleurs d'elle une procédure spéciale par rapport à celle normale. Chaque fois que l'ordre public est troublé de façon notoire et imminente la société semble en revendication de la réparation, d'où la poursuite du criminel. Ainsi, en matière d'infraction flagrante il y a nécessité d'analyser l'instruction préjuridictionnelle d'une part(§1) et de celle juridictionnelle (§2). §1. DE L'INSTRUCTION PREJURIDICTIONNELLE EN MATIERE DE FLAGRANCEChaque fois qu'est commise une infraction intentionnelle flagrante il est envisagé de recourir à l'arrestation de l'auteur du trouble à l'ordre public et le conduire immédiatement devant les autorités compétentes, lorsque c'est un tiers qui s'est saisi de la personne du présumé auteur (Ceci implique donc la vigilance et la collaboration de tous et de chacun55(*) dans la lutte contre la criminalité) ; ou de le déférer directement au parquet pour qu'il soit traduit sur le champ à l'audience du tribunal, s'il y en a une tenue56(*). Tel que la loi le relève, dans bien des cas, lorsqu'il s'est observé l'absence d'un OMP ou OPJ sur le lieu du crime pour constater l'infraction, l'auteur présumé est, sans transition, déféré au tribunal pour que celui-ci se prononce sur le fait lui reproché. Et dans cette hypothèse, si l'auteur présumé est jugé sur le champ, la procédure préparatoire semble inexistante et il ne restera, alors, que de parler de l'arrestation opérée par le particulier (A). Toutefois, lorsque l'OPJ ou l'OMP est présent sur le lieu toute cette procédure se voit respectée et il sied de préciser que des pouvoirs exorbitants, qu'il conviendra de préciser, lui sont réservés dans le cas d'espèce (B). A. Arrestation opérée par un particulier La lenteur de la justice congolaise a souvent fait l'objet de critique. Le peuple congolais est déçu de constater qu'entre le moment où une infraction est commise et celui où intervient la sanction, il s'écoule un laps de temps trop long, à telle enseigne que le jugement qui prononce la condamnation pénale se passe dans l'indifférence quasi-totale des citoyens. Pareille situation est de nature à faire échec à l'un des effets de toute peine prononcée en justice à savoir son caractère intimidant. Il s'impose donc de sanctionner dans le meilleur délai les infractions flagrantes, de manière à rétablir chez les citoyens la confiance en la justice ainsi que le sentiment de la crainte du châtiment57(*). Cependant avant l'avènement de l'O.L de 1978 relative à la répression des infractions flagrantes, le CPP congolais à son article 6 reconnait à toute personne, en cas d'infraction flagrante ou réputée telle, punissable d'au moins « trois ans d'emprisonnement », le pouvoir de se saisir de l'auteur d'une telle infraction et de le conduire immédiatement auprès de l'autorité judiciaire compétente la plus proche58(*). En partant de ces dispositions, le particulier peut, en cas de flagrance, arrêter l'auteur présumé de l'infraction sous les conditions prévues par la loi. Les articles 1 à 3 de l'ordonnance loi no 78/001 du 24 février 1978 relative à la répression des infractions flagrantes préconisent la procédure à suivre en cas d'une infraction intentionnelle flagrante. Ainsi simple qu'il parait le pouvoir d'arrêter reconnu aux particuliers est soumis pour son exercice au respect des conditions strictes. Ces conditions varient selon qu'il s'agit de l'art. 6 du CPP ou de l'O. L. du 24 février 1978. Pour l'art. 6 du CPP ces conditions portent sur les faits occasionnant l'arrestation et sur la procédure. 1) S'agissant des faits générateurs de l'arrestation, l'art 6 appelle à trois conditions cumulatives : - L'infraction doit être flagrante ou réputée telle ; - Elle doit être passible d'une peine de SP de 3 ans au moins ; - Aucun OPJ ou OMP, ne doit se trouver sur le lieu au moment où s'opère l'arrestation lorsque l'arrestation est opérée par un particulier. 2) S'agissant de la procédure à suivre c.à.d. se saisir de la personne de l'auteur présumé et le conduire devant l'OPJ le plus proche qui doit dresser vite un PV de constat. Ce dernier a l'obligation de déférer la personne devant l'OMP. Quant à l'O. L. du 24 février 1978, il faut tenir compte de deux conditions : - L'infraction intentionnelle doit être flagrante. Il est à remarquer que la présente O. L. n'érige pas un taux de peine à observer pour que l'auteur présumé soit arrêté. C'est ainsi que nous estimons que l'infraction commise peut être passible de n'importe quelle peine de SP. Nous estimons que la seule peine d'amende ne peut pas conduire à une telle arrestation ; mais étant donné que le particulier ne sait observer tous ces mécanismes, il doit, en tout cas de flagrance se saisir de l'individu et il reviendra à l'autorité la plus proche d'apprécier si les conditions sont réunies. Au cas où les conditions ne sont pas réunies, on ne peut pas enregistrer en charge du particulier une infraction d'arrestation arbitraire. En outre, le terme « intentionnelle » trouvé dans la loi suppose une l'infraction dont la réalisation requiert dans le chef de son auteur une intention coupable en guise d'élément moral, ou encore celle qui se commet avec connaissance et volonté d'accomplir l'acte illicite. - Aucun OPJ ou OMP, ne doit se trouver sur le lieu au moment où s'opère l'arrestation. Après arrestation, le devoir de conduire immédiatement devant un OPJ ou un OMP est à charge du particulier ayant arrêté le présumé auteur. Le législateur a prévu cette obligation pour éviter la vengeance privée et permettre aux organes judiciaires d'exercer effectivement et convenablement leur rôle répressif, mais aussi de maintien ainsi que le rétablissement de l'ordre public. Selon le professeur LUZOLO BAMBI, il y a des traces ou indices qui ne résistent pas au piège du temps, ils disparaissent après l'écoulement d'un laps de temps. Il a été jugé que commet l'infraction d'arrestation arbitraire et n'est pas fondé à invoquer l'exercice du droit d'arrestation reconnu aux particuliers, faute de flagrance, le prévenu qui revenu sur les lieux antérieurs, non pour amener les victimes de l'arrestation devant l'autorité mais pour autre chose, procède à cette arrestation par dol59(*). Cependant, il peut arriver que la personne qui arrête ne soit pas à mesure de conduire immédiatement le suspect auprès de l'OPJ suite aux circonstances qui entourent l'infraction commise. Nous avons le cas concret d'une jurisprudence dont la teneur suit : « En raison des circonstances particulières de l'arrestation qui fut faite un samedi après-midi, la détention prolongée et forcée exercée par un particulier qui avait cherché en vain dès l'arrestation une autorité judiciaire de l'endroit et qui avait dû lier l'auteur présumé qui avait tenté de s'enfuir, reste dans les limites prévues par l'art. 6 du CPP et exonère le prévenu de toute responsabilité pénale », (1ère Institution Elis., 18/11/1958. RJC 1964, n° 2, p. 98 avec note)60(*). Quant à la procédure, elle est la même que celle prévue à l'article 6 du CPP. B. Arrestation opérée par un OPJ ou OMP Contrairement au particulier, selon l'O. L. précitée, lorsque c'est un OPJ ou un OMP qui arrête l'auteur présumé d'une infraction flagrante, il est tenu de le conduire au parquet ou au tribunal selon que c'est l'OPJ ou l'OMP qui exerce l'arrestation. 1. Arrestation opérée par un OPJ Lorsqu'il faut constater une infraction flagrante ou réputée telle les pouvoirs d'instruction de l'OPJ se trouvent accrus. Toute fois cet accroissement de son pouvoir ne lui donne pas de porter atteinte à la présomption d'innocence car elle s'avère être un principe d'or qui doit être protégé à tout moment de la procédure. En cas de flagrance et que l'infraction est punissable de plus de « six mois d'emprisonnement », l'OPJ doit se rendre sur les lieux et, dans ce cas, il dispose des pouvoirs suivants : - Tous les pouvoirs de l'OMP susceptibles de délégation ; - Le droit de garder à vue toute personne trouvée sur les lieux de l'infraction jusqu'à la clôture de l'enquête. La garde à vue ainsi entendue est donc le droit de l'OPJ de défendre à toute personne de s'éloigner des lieux qu'il détermine jusqu'à la clôture du procès-verbal61(*). La loi prévoit même que l'OPJ peut être contraint d'utiliser la force en procédant à l'arrestation de toute personne qui opposerait quelque résistance à la garde à vue62(*). Cette espèce de garde à vue n'est pas à confondre avec celle prévue par l'art. 73 al.2 de la loi du 3 juillet 1978, relative aux attributions des officiers de police judiciaire. L'OPJ à compétence générale possède les pouvoirs déterminés à l'art. 5 du code de procédure pénale lorsque le chef d'une habitation lui requiert de constater l'infraction commise à l'intérieur de cette habitation63(*). 2. Arrestation opérée par un OMP En principe, le MP a la plénitude des pouvoirs d'instruction préparatoire, la flagrance de l'infraction n'ajoute pas grand-chose à ses pouvoirs, la seule exception est qu'en cas de flagrance il peut se passer de la permission du Président du TGI pour faire la réquisition du médecin aux fins d'exploration corporelle64(*). L'OMP a l'obligation d'instruire le plus rapidement possible (lorsque c'est un OMP qui est présent sur le lieu de crime pour constater l'infraction) car il doit, le jour même, conduire l'auteur présumé au tribunal pour qu'il soit statué sur la culpabilité ou non car, avant qu'un jugement lui condamnant ne soit rendu par un tribunal compétent légalement établi, il est toujours présumé innocent. Le ministère public est alors réduit en un tremplin servant à acheminer l'infracteur à l'audience du tribunal, par le fait que l'OMP n'étant pas celui qui a constaté l'infraction, il ne doit pas poser les actes lui dévolus par la procédure pénale ordinaire, mais au contraire lors qu'il lui ait parvenu l'auteur présumé, c'est pour qu'il lui traduise « sur-le-champ », sans autre forme de procès, à l'audience du tribunal compétent. C'est ce qu'il faut entendre des prescrits de l'article 1er alinéa 1er de l'ordonnance-loi sus-évoquée. Avant d'entamer le point sur l'instruction à l'audience, faisons une observation. Il s'observe que : L'O. L. sous examen s'applique à toute personne surprise en flagrant délit à l'exception de celles désignées aux art. 10 et 13 du CPP ; 164 à 167 de la const. RDC et ne s'applique pas non plus à l'encontre des personnes ciblées par le décret-loi du 7 juillet 1965 ratifiant la convention internationale de Vienne du 18 avril 1961 et celle du 24 avril 1963 sur les relations respectivement diplomatiques et consulaires, d'où les agents diplomatiques et consulaires. L'instruction préjuridictionnelle est quasi inexistante en cas des infractions intentionnelles flagrantes et donc ne tienne que l'instruction qui se veut d'être faite à l'audience car l'OPJ et l'OMP ne posent pas dans bien des cas les actes de procédure. Le taux de la peine pour que l'OMP puisse se saisir de la personne de l'auteur présumé d'une infraction intentionnelle flagrante n'est pas précisé par la loi. Toutefois, étant donné que l'OPJ exerce dans les mesures des pouvoirs lui délégués par l'OMP, il y a lieu de retenir en compensation du vide législatif que la peine, pour l'infraction commise, de 6 mois de prison vaut pour l'OMP comme chez l'OPJ. * 55 E. J. LUZOLO BAMBI LESSA, Manuel de procédure pénale, Kinshasa, PUC, 2011, p. 575. * 56 Art. 1 et 3 de l'O.L. portant répression des infractions flagrantes. * 57 Exposé des motifs de l'Ord. Loi n°78-001 du 24 Février 1978 relative à répression des infractions flagrantes, in J.O RDC, n° spécial du 15 mars 1978, p.15. * 58 E. J. LUSOLO BAMBI LESSA, Cours de procédure pénale, les éd. Issa blaise Multimédia, UNIKIN et UPC, pp. 208-209. * 59 R. LUKOO MUSUBAO, La jurisprudence congolaise en Droit pénal, Kinshasa, éd. On s'en sortira (OSS), 2006, n° 17, p. 27. * 60 K. KABA KASHALA, Code congolais de procédure pénale annoté, Kinshasa, éd. BATENA, 2006, pp. 10-11. * 61 E. J. LUZOLO BAMBI LESSA, Manuel de procédure pénale, Kinshasa, PUC, 2011, p. 237. * 62 Art. 5 du C.P.P * 63 Art.8, idem * 64 E. J. LUZOLO BAMBI LESSA, Op. cit, p. 237. |
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