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Brancardier : le rôle du cadre de santé pour valoriser la fonction


par Rachel PLAUT
IFCS Rouen - master 1: Management des Organisations du Secteur Sanitaire et Social 2019
  

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Institut de Formation
des Cadres de Santé
du CHU de Rouen
14 rue du Professeur Stewart
76000 Rouen

Brancardier :

Le rôle du cadre de santé

pour valoriser la fonction

Sous la direction de Mr François

Plaut Rachel
Promotion 2018-2019

Et

ru .i . Éiaui . PraimpatiO
itirLIUMPEPRANCASE

Charte anti-plagiat de la Direction régionale et départementale de la Jeunesse, des sports et (le la Cohésion sociale de Normandie

La Direction Régionale et Dépaiteinentale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion sociale délivre sous I'autorité du Préfet de région les diplômes de travail social et professions de santé non médicales et sous l'autorité du Ministre chargé des sports les diplômes du champ du sport et de l'animation,

Elle est également garante de la qualité des enseignements délivrés dans les dispositifs de formation préparant à l'obtention des diplômes des champs du travail social, de l'animation et du sport.

C'est dams le but de garantir la valeur des diplômes qu'elle délivre et la qualité des dispositifs de formation qu'elle évalue que les directives suivantes sont formulées àl'endroit des étudiants et stagiaires en formation.

Article 1 :

« Le plagiat consiste h insérer dans tout travail, écrit ou oral, des formulations, phrases, passages, images, en les faisant passer pour siens. Le plagiat est réalisé de la part de l'auteur du travail (devenu le plagiaire) par l'omission de la référence correcte aux textes ou aux idées d'autrui et à leur source }>`.

Article 2 :

Tout étudiant, tout stagiaire s'engage à encadrer par des guillemets tout texte ou partie de texte emprunté(e); et à faire figurer explicitement dans l'ensemble de ses travaux les références des sources de cet emprunt. Ce référencement doit permettre au lecteur et correcteur de vérifier l'exactitude des informations rapportées par consultation des sources utilisées.

Article 3 :

Le plagiaire s'expose aux procédures disciplinaires prévues au règlement de fonctionnement de l'établissement de formation. En application. du Code de l'éducation et du Code pénal', il s'expose également aux poursuites et peines pénales que la DRDJSCS est en droit d'engager. Cette expositionvattt également pour tout complice du délit.

Article 4 :

Tout étudiant et stagiaire s'engage à faire figurer et à signer sur chacun de ses travaux, deuxième de couverture, cette charte duinent signée qui vaut engagement :

PLAUT Rachel

Je soussigné-e .... ....... . . .. . . . ...

atteste avoir pris connaissance de la charte ami plagiat élaborée par la DRDJSCS de Nornuaudie et de m'y être conformé-e.

Et certifie que le mraémoire/dossier présenté étant le fruit de trou travail personnel, je veillerai à ce qu'i1 ire puisse être cité sans respect des principes de cette charte

Rouen Le 05/05/2019

Fait à .................................. Le ............................... _ signature

Site Université de Genève l http://www.unifie.clrlses/telecharaerfuniseidirective-PLAGIAT-1909201Lpdf

" Article L331-3 du Code de l'éducation : « les fraudes commises dans les examens et les concours publics qui ont pour objet l'acquisition d'uus diplôme délivré par l'Etat sont réprimées dans les conditions fixées par la loi du 23 décembre 1901 réprimant les fraudes dans les examens et concours publics ».

Articles 121-6 et 121-7 du Code pénal.

27 octobre 2017 Siège : immeuble Normandie li - 55, rue Amiral cécilie- Tells ROUEN Cedex 1 - Tel. 02 32 18 15 20-- Fax 02 32 19 15 93
wormormandie drdisc5.aauv.fr

Remerciements

Je tiens à remercier mon directeur de mémoire Mr Bergeot pour son accompagnement durant ce travail de recherche ainsi que mes collègues du groupe-mémoire Christine, Eglantine, Franck, Géraldine, et Magalie.

Un grand merci à Claire, collègue de travail, de promotion et aujourd'hui amie, qui m'a été d'un grand soutien durant ces dix mois de formation.

J'adresse toute ma reconnaissance à Mme Reix qui m'a permis d'accéder à cette formation et à Laetitia pour sa lecture attentive et ses conseils avisés.

Je tiens à remercier tous les professionnels qui ont bien voulu m'accorder de leur temps et répondre à mes questions lors des entretiens.

Merci à tous les brancardiers que j'ai géré ; ils m'ont inspirée pour l'élaboration de ce

travail.

Merci également à ma famille qui m'a soutenue même à distance et à mes amis Marina, Angélique, Damien, Grégory, Lucas et Romain, qui m'ont encouragée chacun à leur manière tout au long de cette année.

Enfin je remercie particulièrement mon mari et ma fille pour leur présence, leur réconfort et leur patience à mon égard.

« Chacun a besoin de sentir que ses attentes, ses spécificités sont prises en compte et qu'il est utile à l'entreprise, ce qui donne un sens au travail. » (ARACT, 2011)

Table des matières

Introduction 1

I. La problématique 2

1. La situation de départ 2

2. Question de départ et lectures exploratoires 7

3. Question de recherche et hypothèses 10

II. Le cadre conceptuel 10

1. Le brancardier : un agent dispersé 11

1.1 Les agents dispersés : définition 11

1.2 Focus sur les brancardiers 11

1.2.1 L'évolution de la fonction 11

1.2.2 Le statut 12

1.2.3 Les compétences 13

1.3 Le brancardier au sein de l'organisation 15

1.3.1 Le brancardier au sein de l'institution 16

1.3.2 Le brancardier au sein d'une équipe 17

1.3.3 Le brancardier et l'usager 19

2. Le management des équipes dispersées 19

2.1 Généralités de la fonction cadre de santé. 19

2.1.1 Les rôles interpersonnels 20

2.1.2 Les rôles liés à l'information : 20

2.1.3 Les rôles décisionnels : 21

2.2 Le cadre de santé dans un contexte de management à distance 22

2.2.1 Définitions 22

2.2.2 Principes du management à distance 23

2.2.3 Les temps d'échanges 26

3. La collaboration interprofessionnelle 27

3.1 La collaboration 28

3.1.1 Définitions 28

3.1.2 Le concept de collaboration interprofessionnelle 28

3.1.3 Le cadre de santé : un acteur de la collaboration 30

3.2 Les représentations 31

3.2.1 Définition 31

3.2.2 Le concept de représentation sociale 32

4. La reconnaissance au travail 33

4.1 Définitions 34

4.2 La satisfaction d'un besoin 34

4.3 La notion de reconnaissance au travail 35

4.4 Les conséquences de la reconnaissance sur l'individu 37

4.5 Le rôle du manager à distance dans la reconnaissance 38

III. Le cadre empirique 40

1. La méthodologie de travail 40

1.1 Les objectifs de l'enquête 41

1.2 L'entretien semi-directif 41

2. Le choix des établissements 41

3. L'analyse de contenu 43

3.1 La méthode 43

3.2 L'analyse des entretiens 43

3.2.1 La vision des encadrants sur la fonction de brancardier 43

3.2.2 La collaboration 48

3.2.3 Manager à distance l'équipe des brancardiers 55

3.2.4 La qualité de vie au travail des brancardiers 63

3.2.5 Synthèse de l'analyse 73

4. La confrontation aux hypothèses 75

5. Les limites du travail de recherche 76

IV. Le positionnement cadre 77

1. La projection cadre au regard de la recherche 77

1.1 Le rôle du cadre dans la communication 78

1.2 Le rôle du cadre et le management participatif 79

1.3 Le rôle du cadre dans la qualité de vie au travail 79

2. Le positionnement au regard de la fonction cadre de santé 82

Conclusion 84

Bibliographie 85

Sommaire des annexes 89

Table des figures et des tableaux

Figure N°1 : L'« effet pygmalion » 36

Figure N°2 : Tableau présentant les professionnels interrogés .40

Glossaire

ANACT : Agence Nationale pour l'Amélioration des Conditions de Travail

ANFH : Association Nationale pour la Formation permanente du personnel Hospitalier.

ARACT : Agence Régionale pour l'Amélioration des Conditions de Travail

AS : Aide-soignante

ASH(Q) : Agent des Services Hospitaliers (Qualifiés)

CAE : Contrat d'Accompagnement dans l'Emploi

CREX : Comité de Retour d'EXpérience

DECT : Digital Enhanced Cordless Telephone

FSEI : Fiche de Signalement d'Evènements Indésirables

IDE : Infirmière

IRM : Image par Résonnance Magnétique

OMS : Organisation Mondiale de la Santé

SAMU : Service d'Aide Médicale Urgente

SSIAD : Service de Soins Infirmiers A Domicile

SMIC : Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance

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Introduction

Aujourd'hui lorsque l'on pense aux membres qui travaillent au sein d'un établissement de soins, on pense dans un premier temps aux professionnels médicaux et paramédicaux. Pourtant, un établissement hospitalier est composé de multiples professions permettant de faire fonctionner cette organisation, chacune d'entre elles étant un rouage important, oeuvrant pour le même objectif : la prise en charge du patient.

Parmi ces professions, il existe des agents qui s'occupent du transport des patients, ce sont les brancardiers ; ils sont un maillon essentiel de la chaine et participent grandement à la prise en charge du patient durant son parcours d'hospitalisation. Ces agents dispersés, sont éparpillés à différents endroits de l'hôpital, effectuant leurs missions sur les espaces de travail d'autres professionnels. Aussi, la gestion de ces agents mobiles sous-entend pour le cadre de santé de faire du management à distance.

Par ailleurs, pour permettre une prise en charge de qualité du patient, le brancardier sera amené à collaborer avec tous les professionnels de l'établissement. Cette collaboration sera facilitée par la communication et la reconnaissance mutuelle du travail de l'Autre, afin de limiter les représentations mutuelles des uns envers les autres.

Enfin ces agents, qui sont pourtant essentiels au bon fonctionnement de l'organisation hospitalière, peuvent manquer parfois de considération. Le rôle du cadre sera alors fondamental pour valoriser cette fonction et rendre visible leur travail au sein de l'institution ; il aura un rôle à jouer pour les impliquer dans la vie institutionnelle et leur permettre de se sentir utiles et de faire entendre leur voix.

Ce travail de recherche s'appuie sur notre questionnement de départ qui fait suite à une situation de travail vécue et qui met en lumière que cette fonction de brancardier mérite d'être valorisée. Nous avons émis trois hypothèses permettant d'étayer notre questionnement.

A partir de là, nous avons réalisé dans une deuxième partie, un éclairage théorique permettant de mettre en évidence les points de vue des différents auteurs. Nous avons fait le choix de consacrer un chapitre au métier de brancardier pour mettre en lumière cette profession et mettre en évidence leur rôle au sein de l'institution.

Dans une troisième partie, nous avons analysé les investigations effectuées sur le terrain et nous les avons confrontées à nos recherches bibliographiques.

Enfin, nous avons consacré la dernière partie à notre positionnement en tant que future cadre de santé, nous avons exposé ce que ce travail de recherche nous a apporté et nous avons abordé comment nous nous projetions dans notre future fonction.

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I. La problématique

1. La situation de départ

L'établissement où nous travaillons s'étend sur deux sites hospitaliers et emploie près de 2500 salariés tous professionnels confondus. Nous sommes arrivée dans le service d'hépato gastro/cardiologie au troisième étage le mardi 1er mars 2016. Ce service de vingt-et-un lits dépend du pôle médecine qui comprend quatorze services sur les deux sites, dont quatre sur le site où nous travaillons. Issue d'une filière infirmière, nous avons rapidement compris les attentes de cette équipe qui avait besoin d'une cadre réactive aux demandes (telles que les demandes de convalescences, de réparations...) et qui gère l'organisation du service. Nous avons été accompagnée par les autres cadres du pôle médecine et nous avions le soutien de la cadre de pôle également.

En lien avec une baisse d'activité dans le service dû à l'arrêt de l'activité de cardiologie au mois de septembre, nous avons informé la cadre de pôle de notre inquiétude quant à nos missions dans le service puisqu'il était question de supprimer six lits. Durant le mois d'octobre, la directrice des soins par le biais de la cadre de pôle, nous a donc proposé de gérer une nouvelle équipe : celle du brancardage et de la chambre mortuaire, car leur cadre de santé faisait valoir ses droits à la retraite. Nous avons alors rencontré la cadre du pôle médico-technique afin de connaître les missions du cadre de santé dans ce service. Le pôle médico-technique est composé des services de l'imagerie médicale, des laboratoires, des pharmacies, des services de stérilisation, du brancardage et la chambre mortuaire d'un des deux sites. Après trois jours de réflexion, nous décidons de prendre en charge cette nouvelle équipe. Ce poste nous permettait d'avoir une vision plus élargie du parcours du patient au sein de l'établissement, et d'intégrer un nouveau pôle, le pôle médico-technique. Nous allions donc remplacer une cadre en poste depuis quinze ans. Avant de partir définitivement de l'établissement, elle nous a expliqué pendant deux heures le fonctionnement général au brancardage et à la chambre mortuaire, et nous a décrit chaque agent. L'équipe est composée de onze brancardiers, un coursier, et un agent de chambre mortuaire ; elle est essentiellement composée d'hommes. La plupart d'entre eux (huit agents sur onze) exercent depuis plus de cinq ans. Leurs horaires s'étendent de 6h à 21h, en dehors de ces horaires ce sont les aides-soignant(e)s des urgences qui prennent le relai. Il était nécessaire que nous comprenions leurs missions et leur rôle primordial dans l'établissement, et nous n'avions pas de fiche de poste sur laquelle nous appuyer. Le brancardier a un rôle clé dans l'organisation de la prise en charge du patient ; il doit le transporter d'un service à un autre. Il transmet des informations : par exemple, pour un patient en précautions complémentaires, il va s'assurer que le service imagerie est bien informé pour que le patient soit pris en charge en « bout de chaîne ». Il collabore avec les médecins, les soignants et le personnel administratif en interne, et avec les pompiers, gendarmes, ambulanciers et pompes funèbres en externe. Dans certains établissements, les brancardiers possèdent un diplôme d'aide-soignant ; dans celui où nous travaillons le brancardier n'a pas besoin de formation particulière. Cependant, une fois en poste, il faut qu'il se forme aux gestes d'urgence, qu'il fasse

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la formation « agent de chambre mortuaire » et celle qui concerne le rôle du brancardier afin d'identifier les limites de ses fonctions et de repérer ses responsabilités notamment en ce qui concerne l'identitovigilance, la sécurité du patient et le secret professionnel.

Son travail est dépendant de l'activité des autres services. Si les urgences ont un afflux de patients, les brancardiers seront davantage sollicités pour aller à l'imagerie ou transporter les patients dans les services. En fonction de la présence de certains médecins aux consultations, comme l'ophtalmologiste qui ne consulte qu'une fois par semaine, l'activité au brancardage sera majorée. Leur charge de travail est assez aléatoire ; certains jours vont être très calmes et il y aura d'autres journées très chargées. D'autres missions leur sont attribuées telles que le nettoyage des fauteuils et brancards, le rangement des tenues et des draps.

Leur espace de travail s'étend à tous les services de l'hôpital. Le local où ils se retrouvent, se situe au rez-de jardin, à l'endroit où est stationné le véhicule du SMUR (Service Mobile d'Urgence et de Réanimation). Il y fait très froid l'hiver car le garage n'est pas chauffé. La position du local est pourtant stratégique car celui-ci se trouve à proximité du service imagerie et de l'ascenseur qui mène aux urgences et au bloc opératoire ; néanmoins, n'est-ce pas un manque de considération que de les laisser dans une pièce située dans un garage, sans lumière naturelle, à respirer les gaz d'échappement du véhicule et du groupe électrogène ? Leurs conditions de travail ne sont pas optimales. Par ailleurs, ils sillonnent les couloirs, et sont parfois gênés par l'architecture du bâtiment ce qui leur demande parfois de multiples manipulations lorsqu'ils transportent un patient en lit. Aussi, lorsque le projet d'installation d'une nouvelle salle d'IRM (Imagerie par Résonnance Magnétique) a été envisagé, les brancardiers n'ont pas été conviés et n'ont pas pu donner leur avis. Néanmoins, la cadre de pôle était présente et pouvait parler en leur nom. Les brancardiers l'ont mal vécu, ils se disaient qu'encore une fois on prenait des décisions sans les concerter. Pourquoi alors ne pas prendre en compte les avis de ces agents qui arpentent les couloirs, manipulent les lits et qui savent quel espace est nécessaire pour pouvoir manoeuvrer. Ils doivent en permanence s'adapter aux organisations et aux locaux des autres services et faire en sorte de ne pas perdre de temps dans leurs prises en charge. Parfois, ils sont confrontés à des problématiques liées à des décisions pour lesquelles ils n'ont pas été concertés. Nous pensons notamment à la maintenance des ascenseurs réservés aux brancardiers. Le responsable du service technique avait omis d'informer l'ensemble du personnel, dont l'équipe du brancardage qui est la première concernée, de cette maintenance des deux ascenseurs. Cela a entrainé des retards de prise en charge ; les brancardiers ne pouvaient pas transporter les patients au bloc opératoire car les lits ne rentraient pas dans les autres ascenseurs. Il a fallu qu'ils attendent notre arrivée pour que nous puissions débloquer cette situation. Les équipes du bloc opératoire et de chirurgie étaient en colère après eux, même si ce n'était pas de leur faute. Pourquoi la faute est-elle rejetée sur les brancardiers ? Et pourquoi l'équipe du brancardage n'a-t-elle pas été concertée au sujet de cette maintenance ?

Une fois dans l'année, nous leur donnions des carnets de traçabilité à remplir, où ils notaient chaque transport effectué. Cela nous permettait de connaître leur charge de travail, mais également d'évaluer l'activité de chacun d'eux. Cependant, cette estimation était biaisée car cette traçabilité avait été effectuée pendant un mois seulement, ce qui n'était pas représentatif de leur travail à l'année. Par ailleurs, certains brancardiers ne comprenaient pas l'intérêt de cette traçabilité et s'inquiétaient pour le maintien de l'effectif. Sur l'autre site du

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centre hospitalier, le service brancardage fonctionne avec un logiciel et un régulateur envoie des missions aux différents brancardiers par le biais d'un smartphone. Cela signifie, que les transports sont tracés, et que la charge de travail est équilibrée ; mais sur le site où nous travaillons il est difficile de contrôler si le travail est réparti équitablement. Les brancardiers travaillent néanmoins avec un DECT (Digital Enhanced Cordless Telephone) chacun dédié à un secteur notamment les urgences, le bloc opératoire, les consultations et les autres services. Une fois le planning établi, l'un d'entre eux attribue le DECT du bloc opératoire de façon équitable afin que ce ne soit pas toujours les mêmes qui soient affectés à ce secteur. Nous avons remarqué que peu de brancardiers étaient intéressés par l'attribution du DECT des consultations; il y avait une grande charge de travail sur ce secteur car les brancardiers recevaient plusieurs appels en même temps ce qui nécessitait de la concentration et de l'organisation. Nous avons alors demandé à ce que ce DECT soit également distribué sur le planning comme celui du bloc opératoire et réparti le plus équitablement possible afin de réduire les tensions dans l'équipe.

Les sollicitations des différents services ne tiennent pas toujours compte de leurs difficultés à eux. En effet, s'il y a un agent absent dans leur équipe et qu'aucun autre agent ne peut revenir, alors on doit prévoir un fonctionnement en mode dégradé, c'est-à-dire qu'il y a une personne de moins dans l'équipe pour faire le même travail. L'équipe doit par conséquent, travailler à six. Aucun remplacement n'est prévu, tant que le mode dégradé fonctionne, en revanche s'il n'y avait aucune possibilité notamment en période de congés annuels, alors la cadre de pôle faisait appel aux agents de l'équipe du brancardage de l'autre site. Ces fonctionnements créaient des tensions au sein même de l'équipe mais également avec les autres services. En effet, ils faisaient le même travail avec une personne en moins, cela engendrait donc du stress, de la fatigue, parfois du retard dans les prises en charge et ils étaient plus nerveux. Il est arrivé que le bloc opératoire nous appelle pour nous dire que les brancardiers mettaient du temps à venir chercher les patients. Nous leur avons alors expliqué par téléphone que les brancardiers étaient en sous-effectifs et qu'en plus il y avait un nouvel agent, une femme, qui avaient besoin d'être accompagnée. Habituellement, les brancardiers poussent les lits, seuls, et notamment lorsqu'ils sont en sous-effectif mais la brancardière n'arrivait pas à manipuler un lit sans aide. Cela engendrait donc un ralentissement dans les prises en charge et un mécontentement des professionnels des différents services, les difficultés des brancardiers n'étaient pas prises en compte. En revanche, les autres services faisaient appel à eux lorsqu'il leur manquait du personnel : le bloc opératoire demandait que l'on pallie l'absence du brancardier de bloc, les urgences leur demandaient de récupérer les bilans sanguins lorsque leur coursier était en arrêt de travail. Ils exécutent d'autres tâches qui ne relèvent pas de leurs missions premières mais ils le font pour rendre service : ils sont souvent appelés par les urgences pour maitriser un patient agressif ou dans les différents services pour aider à l'installation des patients ou pour mobiliser des patients en surpoids. Certaines tâches dépassent même leurs compétences comme débrancher et rebrancher l'oxygène, changer une protection car le patient est souillé ; mais ils le font pour ne pas déranger et pour préserver le confort et la dignité du patient.

Lors des évaluations annuelles, nous nous sommes rapprochée des autres cadres pour savoir si elles pouvaient nous donner leur avis au sujet de cette équipe et selon elles, ils étaient

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disponibles et respectueux et elles étaient même surprises de leurs connaissances au sujet de la chambre mortuaire. Les brancardiers sont formés comme agents de chambre mortuaire, ils ont un grand respect pour les défunts et leurs familles. Ils peuvent être des personnes ressources pour les services lorsque ceux-ci veulent des informations sur les procédures de transfert de corps par exemple et ils connaissent la conduite à tenir en cas de manque de places à la chambre mortuaire. Mais les soignants des services ne savent pas que les brancardiers ont de telles connaissances. Alors comment valoriser ces savoirs auprès des autres services ? Nous nous rendions régulièrement à leur local, ce qui nous permettait de prendre en compte leurs problématiques et d'essayer de leur apporter des réponses. Mais nous percevions régulièrement des difficultés avec les autres services, peut-être dû à un manque de communication. Les brancardiers nous faisaient part de leur mécontentement lorsque les professionnels de santé ne venaient pas les aider, pour l'installation d'un patient notamment. Nous leur expliquions alors, comment l'activité s'organise dans les unités de soins notamment, afin qu'ils connaissent le travail des autres professionnels afin d'améliorer la qualité de leur collaboration. Aussi, étant issue d'une filière infirmière, nous avons pu leur expliquer les fonctionnements des services de soins.

Notre bureau n'était pas à proximité de leur local et il était difficile parfois de percevoir les tensions qui régnaient au sein de l'équipe, même quand nous passions les voir. Aussi, nous avons été alertée un jour par un délégué syndical qui avait fait partie de l'équipe du brancardage et qui restait proche de certains d'entre eux. Il est venu nous signaler, six mois après notre prise de poste, un problème de conflit au sein de l'équipe, et plus particulièrement entre deux agents. Ce conflit existait depuis déjà un moment car il avait commencé alors qu'ils étaient encore gérés par l'ancienne cadre mais elle ne nous en avait pas informée. Nous n'avions malheureusement rien remarqué. Le problème, c'est que dès lors que nous étions avec eux, ils ne se comportaient pas de la même manière que lorsque nous n'étions pas là. Est-ce que notre présence plus régulière et plus fréquente aurait permis d'éviter cela ?

Il nous paraissait important de les inclure dans des groupes de travail pour qu'ils parlent de leur métier. C'est en cela qu'ils ont pu participer à l'élaboration de la fiche métier qui allait servir à évaluer leurs compétences lors des entretiens annuels. Ils ont ainsi pu mettre en avant leurs compétences auprès du service de la formation continue. Par ailleurs, certains ont pu participer au groupe « processus brancardage » composé de la cellule qualité et des cadres de santé du pôle chirurgie et urgence. Cela leur a permis de discuter autour du parcours du patient et de la sécurisation du transport à toutes les étapes et autour de problématiques qu'ils rencontraient lors des prises en charge des patients dans les différentes unités. Nous avions le sentiment que c'était un moyen de reconnaître leur travail au sein de l'institution. C'était une façon de rendre visible leur travail, car justement ils ont souvent le sentiment d'être « invisibles ». Parfois lorsqu'ils passent dans les couloirs et qu'ils saluent les autres agents, on ne leur répond pas. On ne vient pas toujours les aider lorsqu'ils font l'entrée d'un patient dans les services. Les couloirs sont souvent encombrés par des chariots ; c'est pour cela qu'ils ont apprécié le passage des experts lors de la certification car aucun chariot ne restait dans les couloirs à ce moment-là. Aussi, on leur attribue des tâches dans les autres services, sous prétexte que c'est leur travail, comme par exemple le nettoyage des brancards des urgences, alors que ce n'est pas leur matériel, amener un bilan au laboratoire ou une ordonnance à la pharmacie. Ils

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ont l'impression d'être « les petites mains » des autres services. Alors parfois, ils sont énervés, par le manque de considération des autres professionnels. Ils sont un maillon important de la chaîne et pourtant, leur travail n'est pas reconnu à sa juste valeur. Parfois, ils évitent même à certains services de recevoir une plainte ; nous pensons notamment à la famille d'un patient, qui était installé sur un brancard des urgences souillé par du sang qui n'était pas le sien. Le fils était très mécontent car son père avait été installé sur un brancard qu'il considérait comme étant sale. Le brancardier lui a dit qu'il allait s'en charger et en informer le service. Il a pris une photo du brancard souillé, avec son téléphone, et nous l'avons transmise à la cadre du service, sans faire de Fiche de Signalements d'Evènements Indésirables (FSEI). Ce qui aurait pu être reçu comme un remerciement, n'a pas pris la tournure escomptée. L'équipe des urgences a très mal pris le fait que le brancardier s'occupe de ce problème. Il pensait bien faire en évitant une plainte, mais nous n'avions pas prévu ces réactions.

Notre temps de travail prévu au service brancardage et chambre mortuaire était de 20% ; ce qui laissait 80% pour l'unité de soins. Cela revient à dire qu'une journée par semaine devait leur être consacrée. Mais, étant donnés les aléas de chacun des services, il nous était difficile de partager notre temps comme cela. Certains brancardiers auraient préféré avoir un cadre de santé à temps plein, parce qu'ils voyaient que le cadre de santé devait s'occuper des problématiques de l'autre service d'affectation et que leurs requêtes n'étaient parfois pas prioritaires. Ils voulaient être reconnus comme une équipe à part entière et auraient préféré ne pas partager leur cadre avec un autre service. Un jour par semaine, est-ce vraiment suffisant pour que ces agents se sentent reconnus par le cadre de santé ? Comment reconnaître le travail de son équipe lorsque le cadre de santé partage son temps de travail et qu'il travaille « à distance » ?

La gestion de ces deux équipes très différentes en termes de composition et d'organisation nous a permis de nous questionner sur notre façon de manager à leurs côtés :

- Dans le service de soins nous pouvions faire du management de proximité, notre bureau étant situé dans le service, nous assistions aux transmissions, nous communiquions avec les infirmières et aides-soignantes au sujet des patients, nous pouvions évaluer leur savoir, savoir-être et savoir-faire plus facilement car nous étions plus présente et nous connaissions leur travail, étant nous-même issue d'une filière soignante.

- Avec l'équipe des brancardiers, travailler en proximité était plus difficile, car ceux-

ci étaient constamment en mouvement, à différents endroits de l'hôpital.

Nous allons à présent, au regard de notre situation de départ, mettre en lumière ce qui nous interpelle et explorer la littérature, afin de s'informer autour du questionnement énoncé.

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2. Question de départ et lectures exploratoires

Au regard de la description de notre situation de départ, la question que nous pouvons nous poser est la suivante:

Dans quelle mesure le cadre de santé, peut-il valoriser le travail des brancardiers dans les établissements de santé ?

Le sujet des brancardiers est peu traité dans les littératures. Certains articles sont parus dans des journaux locaux mais peu d'ouvrages littéraires abordent le sujet.

Nos recherches exploratoires nous ont menée à la lecture d'un article écrit en 1995, par Pillet-Moreels. Il y est évoqué une réorganisation au sein de l'hôpital de Dieppe pour améliorer le transport des malades en créant un service central de brancardage. L'auteur met l'accent sur « une fonction souvent mal considérée » qui...

...« souffre d'une absence de reconnaissance sociale, qui est liée à certaines conduites en contradiction avec l'impératif de service, de l'intérêt et du confort des personnes soignées. L'absence de structure, un statut indéfini, une hiérarchie protéiforme, sont autant de notions à considérer pour comprendre en partie les dysfonctionnements attribués à l'exercice de la profession de brancardier. »

Cet hôpital forme les brancardiers au métier d'aide-soignant pour développer leurs connaissances et leurs compétences auprès du patient, leur permettant ainsi d'être mieux intégrés au sein de l'institution qui les emploie et d'être épanouis au travail. Un des brancardiers du service que nous gérions venait de cet hôpital. C'est le seul brancardier à avoir un diplôme d'aide-soignant. Il nous avait expliqué que durant le temps de leur formation à l'institut de formation des aide-soignant(e)s, l'établissement recrutait des personnes en contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE). Cela permettait aux brancardiers de retrouver leur poste à leur retour. Il nous expliquait qu'il avait proposé cela à la cadre de pôle médico-technique de l'établissement où nous travaillions. Selon lui, le fait d'avoir ce diplôme lui permet d'effectuer des actes que les autres brancardiers ne sont pas censés faire comme par exemple déconnecter et reconnecter les lunettes à oxygène sur l'obus et sur les prises murales.

Dans la revue Soins Cadres un dossier sur le management à distance incluait un article sur les brancardiers. Alors peut-on dire qu'encadrer des brancardiers correspond à un management à distance ? Selon Benshimi et Nagels (2013), le brancardier gère et organise une « part invisible du travail ». Il n'est pas rare en effet, que pour faciliter le travail des soignants et ne pas déranger par exemple, le brancardier remette le bracelet d'identification au patient car celui-ci l'a retiré. Cela implique de savoir où se trouvent ces bracelets, de trouver une étiquette au nom du patient et donc de se mettre en retard dans sa propre organisation. Il doit aussi s'adapter à la « situation critique » c'est-à-dire l'imprévu ; cela lui demande d'être réactif aux demandes des services. Gérer cette « situation critique » nécessite une compétence de

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communication et une adaptation au travail. Le brancardier « dépend de l'organisation des autres mais son travail se répercute sur l'organisation entière ».

Se ming An (2018), témoigne de son activité en tant que brancardier. Il explique s'être souvent senti transparent à l'égard des autres professionnels. Il exprime ne pas s'être senti reconnu. Il ajoute aussi qu'au moindre retard, la faute était souvent rejetée sur les brancardiers. Il aborde également le manque de communication entre les services ce qui engendrait parfois des dysfonctionnements et créait des tensions. Il poursuit en disant que lorsqu'il arrivait pour transporter un patient, parfois celui-ci n'était pas prêt, ce qui entrainait des retards dans leur prise en charge. Son travail se fait dans l'ombre des autres personnels, il est l'exécutant de demandes prononcées par les professionnels des différents services.

Nous pouvons aussi constater que le métier de cadre à l'hôpital a beaucoup évolué. Bourret (2006) fait un retour sur l'histoire de la fonction cadre de santé. Elle explique qu'au départ l'hôpital appelé « la maison des pauvres » s'occupait de recueillir les « exclus » qu'ils soient malades, infirmes, pauvres. C'étaient les religieuses qui veillaient à l'exécution des « soins et des tâches annexes » sous l'autorité de leur supérieure. Au 19ème siècle, au moment de la laïcisation des hôpitaux, apparaissent les « surveillantes laïques ». Comme l'explique l'auteur, « Être reconnue comme infirmière la plus experte est un atout important pour être nommée surveillante. » En 1975, la création du service infirmier voit arriver différents grades dont la « surveillante d'unités de soins, surveillante-chef et infirmière générale ». Et vers 1985 l'appellation surveillante va être remplacée par le métier de cadre infirmier comme l'explique un collectif sous la direction de Dominique Bourgeon (2012). En 1995, la profession de cadre infirmier disparaît au profit de celle de cadre de santé. L'accès à la formation va d'ailleurs s'élargir à plusieurs professions paramédicales. Le diplôme de cadre de santé est régi par le Décret n°95-926 du 18 août 1995 et l'accès à la formation est aujourd'hui ouvert à plusieurs professions paramédicales.

Aujourd'hui, tout cadre, quelle que soit la filière dont il est issu, pourra travailler dans n'importe quel service d'un établissement sanitaire ou médico-social, même s'il n'a pas de connaissance ni de compétence particulière dans le domaine. Aussi, les restrictions budgétaires amènent les établissements de santé à partager le temps de travail du cadre de santé sur plusieurs services ou sur plusieurs sites.

Si l'on se réfère au répertoire des métiers de la fonction publique hospitalière (Ministère des solidarités et de la santé, 2018), le cadre de santé est un encadrant des unités de soins. Les principales missions qui lui sont attribuées sont les suivantes : Organiser l'activité de soins et des prestations associées, manager l'équipe et coordonner les moyens d'un service de soins, médicotechniques ou de rééducation, en veillant à l'efficacité et la qualité des prestations, développer la culture du signalement et gérer les risques, développer les compétences individuelles et collectives, participer à la gestion médico-économique au sein du pôle. Celles-ci se déclinent selon les activités suivantes : Contrôle et suivi de la qualité et de la sécurité des soins et activités paramédicales dans son domaine ; coordination et suivi de la prise en charge de prestations ; élaboration et rédaction de rapports d'activité ; encadrement de proximité d'équipe(s) ; gestion et développement des personnels ; montage, mise en oeuvre, suivi et gestion de projets spécifiques au domaine d'activité ; organisation et suivi de l'accueil (agents,

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stagiaires, nouveaux recrutés.) ; planification des activités et des moyens ; contrôle et communication des données ; promotion des réalisations / des projets spécifiques à son domaine d'activité ; veille spécifique à son domaine d'activité.

Nous voyons que le cadre de santé assure la promotion des réalisations et des projets. Par-là, il reconnaît le travail de ses collaborateurs. Au service du brancardage, le cadre de santé fait le lien entre les différents services, il prend en compte les besoins des brancardiers, il communique avec ses pairs lorsqu'il existe des dysfonctionnements dans le parcours du patient ou bien dans la gestion du matériel ; les brancardiers ont leur propre matériel mais ils utilisent aussi celui des services et notamment, des fauteuils roulants et les lits patients. Ces lits sont très lourds, par conséquent, dès qu'il y a une panne, cela complique leur travail et ils risquent de se blesser. Le cadre de santé du brancardage veille à ce que les agents travaillent dans de bonnes conditions, avec du matériel qui fonctionne. Il est leur représentant au sein de l'hôpital.

Le peu d'ouvrages littéraires au sujet des brancardiers nous amènent à nous interroger sur le manque d'intérêt envers ces agents.

Lors d'une conférence sur « La reconnaissance au travail » organisée par l'Association Nationale pour la Formation permanente du personnel Hospitalier (ANFH, 2018), Richard considérait que le travail participe à la reconnaissance de la personne mais que le rapport au travail a changé. Il est professeur assistant à INSEEC Business School et a publié en 2015 un article en collaboration avec Abord de Chatillon, Professeur des Universités à l'IAE de Grenoble, intitulé « Du sens, du lien, de l'activité et du confort ». Dans cet écrit, ils évoquent « Les représentations collectives et psychosociologiques du bien-être au travail ». Ils expliquent que « l'individu n'est pas un être isolé, il s'inscrit dans un collectif de travail, un environnement social ». Le regard que va porter l'Autre sur le travail du brancardier va augmenter ou au contraire réduire son besoin de reconnaissance. Lecomte (ANFH, 2018), docteur en psychologie et fondateur du site « Psychologie positive » mettait en avant le fait que la reconnaissance passe par la confiance de la part des responsables hiérarchiques. Reconnaître l'Autre, c'est prendre en compte sa singularité mais aussi sa capacité à interagir avec son environnement. La reconnaissance est un besoin essentiel au bien-être de l'individu. Grolleau (ANFH, 2018), sociologue-consultant présent à la conférence également, remet en question la théorie de Maslow (Annexe 1). Ce dernier situait le besoin de reconnaissance quasiment au sommet de sa pyramide ce qui signifiait qu'il y avait d'autres besoins à satisfaire en priorité avant celui-ci. Selon le sociologue, ce besoin se situerait plutôt à la base, car il est devenu fondamental aujourd'hui. Ce besoin de reconnaissance passe par l'appréciation de ses compétences par l'Autre, que ce soit le cadre de santé, le personnel médico-soignant ou même l'usager.

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3. Question de recherche et hypothèses

Ces lectures nous amènent à nous interroger et à identifier la question de recherche suivante :

Dans un contexte de management à distance, dans quelle mesure le cadre de santé peut-il valoriser les savoir-faire des brancardiers dans un établissement de santé ?

Pour répondre à cette question, voici les hypothèses que nous pouvons formuler :

1- Dans un contexte de management à distance, la reconnaissance des savoir-faire des brancardiers est favorisée lors d'échanges individuels et collectifs avec le cadre de santé.

2- Le cadre de santé du brancardage rend visibles les savoir-faire des brancardiers auprès des services par l'intermédiaire de ses pairs.

3- Le cadre de santé favorise la collaboration interprofessionnelle en informant les brancardiers sur les contraintes des soignants.

Au vu de ces propositions, nous allons développer le cadre théorique en lien avec notre questionnement.

II. Le cadre conceptuel

Au regard de cette question de recherche et de ces hypothèses nous pouvons dégager différents concepts que nous allons définir et développer. Ceux-ci nous paraissent pertinents pour mener une réflexion et éclairer de façon théorique notre questionnement.

Nous nous intéresserons dans un premier temps aux brancardiers, leur statut, leurs missions au sein d'une organisation. Ensuite, nous nous attacherons à la fonction cadre et à son rôle dans le management à distance. Puis nous traiterons de la collaboration interprofessionnelle dans une troisième partie. Enfin nous aborderons le concept de reconnaissance au travail

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1. Le brancardier : un agent dispersé

1.1 Les agents dispersés : définition

Selon le dictionnaire (Larousse, 2019), disperser signifie « séparer des personnes et les répartir en différents points d'un espace. »

Une équipe dispersée est donc un ensemble d'individus séparés à divers endroits.

Selon Daoudi (2010), « il s'agit d'une entité organisationnelle dont les membres sont physiquement éloignés ; qui collaborent pour accomplir des objectifs communs ; et dont les technologies d'information et de communication constituent un support incontournable pour son fonctionnement » (p.56)

Peuvent être considérées comme étant dispersées, des équipes telles que celles du Service de Soins Infirmiers A Domicile (SSIAD), les équipes mobiles de soins palliatifs et de la douleur par exemple, les équipes du Service d'Aide Médicale Urgente (SAMU), les équipes de remplacement (infirmières et aides-soignantes), les brancardiers.

Nous allons plus particulièrement nous intéresser aux équipes de brancardiers.

1.2 Focus sur les brancardiers

Le brancardier est l'agent qui assure le transport des patients au sein des établissements de soins. Il est un acteur-clé durant l'hospitalisation du patient. Le Dictionnaire (Larousse, 2019) le définit comme « porteur de civière », ou « préposé au service des brancards pour blessés ». Nous allons donc commencer par un peu d'histoire, et mettre en avant que la fonction de brancardier a évolué.

1.2.1 L'évolution de la fonction

Autrefois comme le décrivait Derheimer (1871), les brancardiers ramassaient les soldats blessés au combat et creusaient des fosses pour enterrer les morts. Leurs outils de travail étaient des civières ou des brancards. Il expliquait être devenu brancardier après s'être présenté pour s'engager auprès de la « Société de secours aux blessés de terre et de mer ». Il n'avait pas de formation ni de qualification particulière.

La fonction « brancardier » a beaucoup évolué. En effet, aujourd'hui, le travail des brancardiers consiste à transporter des personnes ayant des troubles de la mobilité, trop fatigués pour se déplacer seuls, ou ayant besoin d'être accompagnées d'un service à un autre dans un établissement de soins (vers les services de soins, l'imagerie, le bloc opératoire, les

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consultations). Ils s'occupent aussi d'emmener les défunts à la chambre mortuaire dans certains établissements.

Le matériel à leur disposition est varié, ils peuvent effectuer le transport du patient en lit, sur un fauteuil ou sur un brancard, voire même l'accompagner à pied et utiliser du matériel comme des planches de transfert pour faciliter l'installation du patient. Leur travail s'effectue essentiellement en interne contrairement à celui des ambulanciers.

1.2.2 Le statut

Autrefois et comme l'explique Derheimer (1871), cette fonction ne nécessitait pas de formation particulière lors du recrutement ; néanmoins, une fois engagé, l'auteur a participé à des exercices de brancardage avant de pouvoir aller sur le terrain. Il considère que ces fonctions pouvaient être exercées par tout individu :

« Lecteur, vous voilà initié maintenant au genre de nos exercices quotidiens, et vous demeurez convaincu, n'est-ce-pas, que le plus maladroit, à la condition d'être bipède et pas manchot, pouvait remplir ses fonctions sans diplôme. C'est aussi mon avis ». (p.20)

Aujourd'hui encore, être brancardier ne nécessite pas d'avoir un diplôme, ni de qualification. D'ailleurs, il n'existe pas de diplôme propre à l'exercice des fonctions de brancardier, contrairement à celles d'ambulancier. En effet, pour exercer en tant qu'ambulancier, il est nécessaire de suivre 18 semaines de formation pour obtenir un diplôme d'Etat d'Ambulancier (Martin, 2017).

Cependant il est recommandé d'avoir une bonne condition physique, puisque cette fonction nécessite la manutention de charges lourdes. La majorité des agents au service du brancardage sont des hommes mais ces postes sont aussi ouverts aux femmes. (RegionsJob, l'observatoire des métiers, 2019)

Une bonne condition physique est nécessaire puisqu'un lit médicalisé pèse environ 100 kg, parfois plus selon les modèles (Hill Rom, 2019). Si l'on y ajoute le poids d'un patient adulte, les brancardiers peuvent pousser plus de 150 kg.

Les brancardiers ont un statut d'agent des services hospitaliers qualifié (ASHQ) de catégorie C et leur salaire avoisine le Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance (SMIC) (Diplomeo, 2019). La plupart des agents recrutés n'ont aucune connaissance spécifique du milieu hospitalier, cependant certains professionnels peuvent avoir travaillé comme pompier ou ambulancier. En 1992, Larcher, alors sénateur des Yvelines a tenté de revaloriser le statut des brancardiers puisque selon lui, les brancardiers et les agents des services hospitaliers qualifiés ont des missions différentes :

« Il fait observer que la spécificité de ces fonctions nécessite l'acquisition et la mise en oeuvre de connaissances particulières dans le domaine des relations avec les malades et des techniques de manutention. Par ailleurs, il observe que, devant l'absence de reconnaissance d'un statut spécifique sur le plan national, certains établissements ont été

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conduits à créer des statuts locaux au profit de ces catégories de personnel, rompant ainsi l'égalité de traitement dont devraient normalement bénéficier les personnels exerçant des fonctions identiques dans l'administration hospitalière ».

Mais sa requête auprès du Ministère de la Santé est restée vaine. Dans certains établissements, comme celui de Dieppe que nous avons précédemment cité, les agents de l'équipe du brancardage ont un diplôme d'aide-soignant.

Il existe des passerelles qui sont notifiées dans la fiche métier du brancardier (Ministère des solidarités et de la santé, 2018). Le brancardier peut évoluer vers un autre métier, par le biais de la promotion professionnelle, comme aide-soignant, agent de chambre mortuaire ...voire infirmier par exemple.

1.2.3 Les compétences

Selon Le Boterf (2015), être compétent ne signifie pas nécessairement d'avoir un diplôme mais c'est être capable d'agir dans des situations compliquées. Pour agir avec compétence le sujet peut faire appel à ses capacités personnelles telles que :

Ø « Les connaissances » :

o Le savoir théorique est nécessaire pour comprendre les situations problèmes et pour savoir comment agir.

o Les connaissances de l'environnement professionnel c'est-à-dire du matériel, des organisations, des réglementations, des normes sociales.

o Les connaissances des procédures c'est-à-dire de la conduite à tenir.

Ø « Les savoir-faire » :

o Techniques : il s'agit de maîtriser la procédure et non pas seulement de la connaître.

o Relationnels : ils se caractérisent par de l'écoute, des conseils, des feedbacks, la gestion de conflit.

o Empiriques : ils sont liés à l'expérience, à la capacité à résoudre des problèmes. Ils sont difficilement transférables car ils prennent en considération l'expertise ce qui sous-entend la connaissance des ficelles du métier.

o Cognitifs : ils font appel au système intellectuel permettant d'expliciter, d'analyser, de résoudre des problèmes.

Ø « Les émotions » : elles peuvent avoir un effet positif dans la prise de décision. Les émotions jouent le rôle de « signal d'alarme ou d'encouragement » (p.98) face à une situation ou dans la résolution de problèmes.

Ø « Les capacités personnelles » : aussi appelées les savoir-être. L'auteur préfère le terme d'« exigences sur la façon d'agir en situation » (p.99). Elles désignent les qualités du professionnel à agir face à une situation particulière. L'auteur insiste sur le fait que des personnalités différentes peuvent exercer le même métier.

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Selon cet auteur, une compétence comprend deux dimensions, individuelle et collective, que l'on ne peut dissocier. D'après lui, un professionnel devra prendre en considération ses ressources personnelles, telles que nous l'avons décrit ci-dessus mais aussi les ressources de l'environnement telles que le réseau de contacts, les procédures...

Selon De Montmollin (cité par Belzile et Couturier, 2018), « la compétence est le fait de l'activité d'un acteur réalisant une tâche dans un contexte réel de travail ». (p.146)

Selon Belzile et Couturier (2018), une compétence est la capacité d'un individu à agir avec efficience pour exécuter les missions attendues de lui et à mettre en oeuvre cette capacité dans une situation particulière. Cette capacité est donc assimilée par l'individu mais elle est aussi reconnue par l'Autre le rendant alors plus légitime. Ils confirment les propos de Le Boterf cité précédemment, en précisant que le fait de détenir un diplôme ne rend pas l'individu compétent et ils ajoutent que l'individu peut être plus compétent dans une situation que dans une autre.

Selon eux, de la compétence, émanent quatre caractéristiques : (p. 148)

Ø La « tâche » : ce que l'individu doit faire

Ø L'« intervenant » : celui qui mobilise ses savoirs, savoir-faire, savoir-être et ses savoir-agir

Ø La « situation clinique » : celle dans laquelle l'individu va agir dans un espace et une temporalité

Ø L'« activité » : l'ensemble des actes réalisés par l'individu afin d'exécuter une mission confiée dans une situation particulière.

Selon Osty (2003), « les savoirs effectivement mobilisés dans l'activité de travail ne se limitent pas à l'acquisition de connaissances, mais mettent en oeuvre des savoirs issus de l'expérience même de travail » (p.90). Selon l'auteur, la notion de compétence est associée à celle de l'action, car elle est sans cesse mise à l'épreuve dans la résolution de situations inopinées. La scène de travail est le lieu où se transmettent « des savoir-faire, s'échangent des pratiques et s'apprécie la pertinence des savoirs acquis » (p.90).

Les brancardiers sont formés « sur le tas » ( destinationsante.com, 2017). Ils apprennent à se familiariser avec les lieux, le matériel, les pathologies rencontrées. Ils sont formés aux gestes d'urgences, à l'hygiène hospitalière afin de connaitre les précautions standards et complémentaires et ainsi se protéger et protéger les patients. Certaines formations leur sont consacrées et leur permettent de comprendre leurs missions en tant que brancardier, l'une d'entre elles s'intitule « Brancardier : initiation à la fonction » (afpc formation, 2019). Ces différentes formations leur permettent l'acquisition de connaissances nécessaires à l'exercice de leurs fonctions. Ensuite des formations en manutention sont recommandées afin de préserver leur santé physique, limiter les troubles musculo-squelettiques et manipuler le patient en toute sécurité. Par ailleurs, nous venons de voir que l'absence de diplôme du brancardier n'a aucun lien avec le fait qu'il puisse agir avec compétence.

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En se référant à la fiche métier du brancardier, décrite dans le répertoire des métiers de la fonction publique hospitalière (Ministère des solidarités et de la santé, 2018), voici quels sont les savoir-faire attendus du brancardier :

Ø Accueil et installation du patient, aménagement de l'environnement (confort et sécurité)

Ø Transport de patient

Ø Nettoyage et entretien des équipements, machines, outillages, véhicules spécifiques à son domaine d'activité

Ø Recueil / collecte de données ou informations spécifiques à son domaine d'activité

Ø Saisie, mise à jour et / ou sauvegarde de données, d'informations, de tableaux, dans son domaine d'activité

Ø Surveillance de l'état de santé des personnes accueillies dans son domaine d'intervention.

Voici les missions qui sont confiées au brancardier. Nous allons maintenant voir quelle est sa place dans l'organisation.

1.3 Le brancardier au sein de l'organisation

Le brancardier a un rôle essentiel au sein de l'institution puisqu'il fait le lien entre les différents services. Il ne travaille pas seul mais au sein d'une organisation. Il est un individu au sein d'un collectif.

Le dictionnaire Larousse (2019) définit l'organisation de la sorte :

Ø Action d'organiser, de structurer, d'arranger, d'aménager :

Ø Manière dont quelque chose se trouve structuré, agencé ; la structure elle-même : Groupement, association, en général d'une certaine ampleur, dont les buts sont définis par un qualificatif.

Organiser c'est ( Larousse, 2019) :

Ø S'occuper de chacun des éléments d'un ensemble de façon à constituer un tout cohérent et adapté à sa destination.

Ø Structurer quelque chose de telle manière

Selon Bernoux (2009), l'organisation du travail reposait, au temps de la 2ème révolution industrielle sur une décomposition du travail à l'initiative de Taylor, avec l'idée de la bonne personne au bon endroit. C'est l'organisation scientifique du travail. Les organisations du travail ont fait l'objet de nombreuses études afin d'analyser les comportements des individus au travail. L'organisation impose des règles. Selon Crozier (cité par Guérin, 2018), c'est le système formel et celui-ci est nécessaire ; mais il existe aussi un système informel qui correspond à la transgression des règles, il est inévitable et il repose sur des stratégies d'acteurs.

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Selon Bernoux (2009), une organisation est définie comme :

« un construit humain ou un ensemble humain structuré. Cet ensemble, composé de membres qui y développent des stratégies particulières, qui les structurent dans un ensemble de relations régulières soumises aux contraintes changeantes de l'environnement, est donc lui-même en mouvement permanent ». (p.156)

L'organisation est formalisée par (p135-136) :

Ø « Une division des tâches » : cela sous-entend que les tâches sont réparties de manière que chaque individu sache ce qu'il a à faire sans empiéter sur le travail de l'Autre.

Ø « Une distribution des rôles » : « le mot rôle renvoie à celui d'acteur. » Chaque individu va occuper la fonction à sa manière, différemment de son prédécesseur. « [...] tout membre d'une organisation se comporte comme un acteur capable -et souvent même chargé- d'interpréter de manière nouvelle un rôle identique. »

Ø « Un système d'autorité » : il est généralement de type « pyramidal ». L'individu doit respecter les directives descendantes de l'institution.

Ø « Un système de communication » : le but est de créer des liens entre les individus et de permettre un « contact rapide » entre eux.

Ø « Un système de contribution-rétribution » : il est basé sur le principe de l'échange : Le salarié répond aux directives de l'institution et en contrepartie il reçoit un salaire.

Organiser le travail, c'est aussi prendre en compte les conditions de travail des agents, « l'amélioration des conditions de travail étant à la fois un moyen de rendre ce travail plus efficace, et une approche de valorisation et de reconnaissance des agents. » (Bonhoure, Gallet, Pépin, Tonneau, 1996)

C'est en cela que l'institution hospitalière est une organisation puisque ces différentes caractéristiques lui permettent de fonctionner selon des règles préétablies.

1.3.1 Le brancardier au sein de l'institution

L'institution hospitalière est une organisation qui fonctionne selon un organigramme afin de pouvoir identifier la place et la fonction des personnes ayant une autorité. Selon De Kervasdoué (2011), « les hôpitaux sont aujourd'hui organisés de façon matricielle, avec une direction générale d'établissement [...], chapeautant des pôles d'activités, eux-mêmes regroupant un certain nombre de services ou unités fonctionnelles fédérés dans un projet de pôle » (p.53). Selon les établissements, le brancardier peut être au sein du pôle médico-technique qui regroupe les plateaux-techniques tels que le service imagerie, la pharmacie, le laboratoire ou bien le service stérilisation ; mais il peut également faire partie du pôle Direction, du pôle chirurgie ou bien être inclus au sein même d'un service. Le brancardier est subordonné à l'autorité d'un cadre de santé ou d'un directeur.

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Le brancardier au sein de l'institution exécute les tâches qui lui sont confiées conformément à une fiche de poste préétablie. Celle-ci va lui permettre de connaitre ses missions et les attentes de l'institution en termes de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être. Selon Bernoux (2009), elle permet de clarifier le travail, elle est un outil d'évaluation et elle fixe les règles, tout comme le contrat de travail et le règlement intérieur. Cela correspond au système formel auquel doivent se soumettre les brancardiers. En récompense de sa contribution dans la réalisation des tâches qui lui incombent, le brancardier recevra une rétribution : un salaire.

Le brancardier ne travaille pas seul et collabore avec les différents services, que ce soit l'imagerie, le bloc opératoire les consultations, les urgences ou les différents services de soins.

Comme nous l'avons expliqué précédemment, sa fonction consiste à transporter le patient d'un endroit à un autre, en l'installant au préalable sur du matériel nécessaire à ce transport. Le brancardier, tout comme l'ensemble du personnel d'un établissement de santé, oeuvre pour le patient mais chacun selon des tâches bien définies. Ils partagent un objectif commun qui est la prise en charge du patient dans le respect et la dignité de celui-ci. Il est donc nécessaire de travailler en collaboration.

Collaborer sous-entend donc qu'il y ait des interactions sociales entre les individus. Cela sous-entend aussi de connaître le travail de l'Autre, ses limites et ses contraintes et ainsi rompre avec ses propres représentations. Nous ferons un point, plus loin, sur la collaboration interprofessionnelle et sur la notion de représentations.

1.3.2 Le brancardier au sein d'une équipe

Le brancardier est un agent « mobile », c'est-à-dire qu'il change de position régulièrement. Son espace de travail c'est donc l'hôpital dans son ensemble : il arpente les couloirs, rentre dans les chambres des patients, dans les salles d'examens, dans les salles de soins, dans les secrétariats il va à la chambre mortuaire... Il a accès à une grande partie des locaux de l'hôpital et sa fonction s'exerce donc au sein des espaces des autres.

Cependant, le brancardier fait partie d'une équipe. Cette équipe est dispersée à différents endroits de l'hôpital. La notion d'équipe correspond à un « ensemble de personnes travaillant à une même tâche » (Larousse, 2019).

Formarier (2012) cite Abrami et Cauvin pour donner la définition d'une équipe :

Ø Selon Abrami : « Une équipe peut être définie comme étant un groupe de personnes interagissant afin de se donner ou d'accomplir une cible commune, laquelle implique une répartition des tâches et la convergence des efforts des membres de l'équipe ».

Ø Selon Cauvin : « Une équipe est le lieu où se développent les solidarités, où se renforcent les actions de chacun par le jeu des échanges, où s'unifie l'activité, où se crée un esprit commun ».

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Au sein d'une équipe, chacun va être une ressource pour l'Autre et pourra apprendre de l'Autre. En effet, le brancardier se formant sur le « tas », va travailler avec ses pairs et observer comment ils évoluent au sein de l'organisation. Il va accroitre ses connaissances et ses compétences en évoluant au sein d'une équipe. Par cohésion nous entendons, entraide, harmonie. Selon Mucchielli (2017), lorsque le lien d'appartenance est de qualité et qu'il est perçu comme tel par les membres de l'équipe, alors la cohésion d'une équipe sera plus forte. Nous pouvons alors dire que plus un agent se sentira intégré et plus la cohésion dans l'équipe sera importante. Néanmoins, chacun peut vouloir s'affirmer, pour être reconnu du groupe et c'est en cela que les relations au sein d'une équipe peuvent se traduire par des jeux de pouvoir. Au sein d'une équipe, chaque professionnel développe sa propre stratégie afin de s'affirmer, d'améliorer ou de préserver sa position. Selon Mucchielli (2017), il existe une structure informelle du groupe et il souligne que les membres du groupe tissent des liens entre eux. Il ajoute que dans un groupe certains individus sont plus influents, il peut s'y jouer « une lutte pour le leadership, entre plusieurs leaders potentiels » (p.70). La quête du leadership s'apparente à une quête de pouvoir.

Bernoux (2009) définit le pouvoir comme « la capacité pour certains individus ou groupes d'agir sur d'autres individus ou groupes » ; il cite Crozier et Friedberg qui énuméraient 4 sources de pouvoir :

Ø « L'expertise » : Dès lors que le ou les individus seront les seuls en capacité de résoudre un problème, ils seront pourvus d'un certain pouvoir. Cette source est considérée comme étant fragile, elle « confère du pouvoir si elle est liée à une situation stable et reconnue dans l'organisation » (p.185) et elle nécessite l'adhésion des autres aux décisions de celui ou de ceux considérés comme experts.

Ø « La maitrise des relations avec l'environnement » : Cette source est considérée comme étant « plus importante et plus stable » (p.186) car le ou les individus qui ont des connaissances solides d'une organisation les utiliseront afin d'affermir leur pouvoir.

Ø « La communication » : Elle a une grande valeur stratégique. La qualité de l'information à transmettre est déterminante, et la façon dont elle va être communiquée le sera d'autant plus.

Ø « L'utilisation des règles organisationnelles » : Connaître les règles et savoir les utiliser permet de disposer d'un pouvoir.

Travailler en équipe nécessite quelques arrangements et une adaptation aux individus ; et ces jeux de pouvoir peuvent être à l'origine de conflits au sein d'une équipe. Par conflit, nous entendons « une violente opposition de sentiments, d'opinions, d'intérêts. » (Larousse, 2019).

Voyons maintenant quelle est sa place aux cotés de l'usager.

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1.3.3 Le brancardier et l'usager

Nous avons vu précédemment que le brancardier arrive sans qualification. Il se forme sur le « tas » dans un premier temps puis il accède à des formations afin de développer ses connaissances et ses compétences en termes de responsabilités vis-à-vis de l'usager notamment. (afpc formation, 2019)

Cependant, il apprend par le biais du cadre et de ses collègues, à faire preuve de vigilance concernant la vérification de l'identité, de respect de la pudeur et de la dignité du patient, et ce, en toute sécurité.

Les brancardiers ont des qualités relationnelles car ils prennent en charge les patients dans des situations parfois délicates. Être emmené à un examen ou au bloc opératoire représente une source d'anxiété majeure pour le patient. Le travail du brancardier prend tout son sens dans la relation à l'Autre, car comme le dit Se Ming An (2018), il « cherche le moyen de le tranquilliser en parole » (p.69). Le brancardier essaie de s'adapter au patient, à sa douleur. Cet auteur qui était brancardier aborde le sujet et explique « il nous faut aller plus délicatement, très doucement des fois, c'est à nous de gérer selon les situations de chaque personne » (p.47). Lorsque le patient est occupé par exemple à faire sa toilette ou à manger, le brancardier réorganise son travail et s'arrange pour repasser plus tard.

Nous venons de voir que le brancardier, malgré le fait qu'il n'ait pas de diplôme, est un acteur indispensable dans le parcours de soins du patient au sein de l'organisation. Il met à profit ses capacités relationnelles au service des patients.

2. Le management des équipes dispersées

2.1 Généralités de la fonction cadre de santé.

Nous allons évoquer le rôle et les missions du cadre et enfin nous essaierons de comprendre ses fonctions dans un contexte de management à distance.

Le cadre de santé est un manager. En 2006, Mintzberg décrit dix rôles du manager qu'il classe en trois catégories : Les rôles interpersonnels, les rôles liés à l'information, les rôles décisionnels que nous allons détailler.

Le rôle est défini par le Dictionnaire Larousse en 2019, comme la « fonction remplie par quelqu'un, attribution assignée à une institution. »

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2.1.1 Les rôles interpersonnels

Ø Le cadre, un symbole

Son statut impose certains engagements car le cadre de santé est pourvu d'une « autorité formelle ». En effet, il sera amené à signer des documents dont lui seul est habilité, ou bien être la personne que l'on souhaite rencontrer car il représente le service.

Ø Le cadre, un leader

Il est celui qui guide l'équipe, qui donne un but. Il prend en compte les besoins des agents et ceux de l'organisation. Il recentre l'ensemble de l'équipe vers un objectif commun, qui concernera le patient.

Ø Le cadre, un agent de liaison

Le cadre possède un réseau de relations extérieures à l'équipe qu'il gère. Homans ( cité par Mintzberg, 2006), les qualifie de « relations d'échange » : le cadre donne et reçoit à son tour. Il a un statut considéré comme plus élevé dans l'équipe et cela entraine un élargissement de ses contacts vers l'extérieur. Il multiplie le nombre de personnes ressources auxquelles il pourra faire appel en cas de nécessité, et pour lesquelles il saura être disponible en retour.

Le cadre de santé recentre les brancardiers sur la prise en charge du patient. Il va s'appuyer sur les autres cadres de santé pour connaître les dysfonctionnements de l'organisation du brancardage.

2.1.2 Les rôles liés à l'information :

Recevoir et transmettre des informations est une activité essentielle du cadre.

Ø Le cadre, un observateur actif

Le cadre cherche toujours à savoir ce qu'il se passe dans son organisation, il est en quête d'informations qui lui permettront de détecter les problèmes, mais aussi de savoir ce qui fonctionne bien. Les sources de ces informations sont à la fois internes et externes à l'organisation.

Ø Le cadre, un diffuseur

Le cadre joue un rôle essentiel dans la transmission de l'information et s'assure que celle-ci est de qualité. Il reçoit des informations, il va faire le tri dans ce qu'il va retransmettre à l'intérieur de son organisation. Selon l'auteur, il est plus facile de transmettre l'information lorsqu'elle est écrite que lorsqu'elle est en mémoire car sa diffusion est plus fidèle. Cela peut

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avoir pour résultat que le cadre va, soit submerger les agents d'informations, soit au contraire limiter les informations qu'il va leur transmettre au risque que ceux-ci n'aient pas toutes les données pour bien faire leur travail.

Ø Le cadre, un porte-parole

Le cadre parle au nom de l'équipe qu'il gère du fait de l'autorité qui lui est attribuée. Le fait d'être diffuseur de l'information, lui permet de maintenir avisés les personnes de l'extérieur comme sa hiérarchie par exemple.

Le cadre de santé du brancardage va s'appuyer sur les avis de ses pairs pour améliorer le transport des patients, mais aussi sur les avis des patients, sur les retours des autres professionnels également. Mais il va aussi informer ses pairs sur le travail des brancardiers et ainsi améliorer la collaboration avec les différents services.

2.1.3 Les rôles décisionnels :

Le cadre est amené à prendre régulièrement des décisions.

Ø Le cadre, entrepreneur

Il est à l'initiative et à la mise en place de changement au sein de l'organisation. La décision peut lui permettre de résoudre un problème et d'améliorer une situation. L'implication dans différents projets peut se faire à 3 niveaux :

o La délégation : le cadre choisit de déléguer la responsabilité des deux phases de la décision à une personne qu'il a choisie et se réserve le droit de le remplacer si celui-ci ne correspond pas à ses attentes.

o L'autorisation : l'agent suggère une solution au cadre qui fera le choix d'accepter ou pas après avoir évalué le risque. L'agent demande l'autorisation et le cadre garde le contrôle.

o La supervision : le cadre décide lui-même de se charger de la phase de conception dont il aura la responsabilité et qu'il va superviser. Il peut être amené à traiter plusieurs projets en même temps. Certains seront mis en attente, d'autres seront terminés, pendant que d'autres vont se mettre en place.

Ø Le cadre, régulateur

Le cadre fait face aux imprévus et apporte une correction aux différentes perturbations. Celles-ci peuvent être de 3 types : conflits entre subordonnés, conflits entre des organisations différentes, les pertes ou la menace de perte des ressources. Ces perturbations sont souvent signalées au cadre par d'autres personnes, le cadre ne les découvre pas toujours par lui-même.

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Néanmoins, il va consacrer de son temps à essayer d'apporter une solution rapide à cette perturbation et à trouver un équilibre, en en faisant sa priorité.

Ø Le cadre, répartiteur de ressources

Aucune décision n'est prise sans l'accord du cadre, cela lui permet de garder le contrôle sur la répartition des ressources.

Ø Le cadre, négociateur

Le cadre, du fait de son rôle de symbole, de porte-parole et de répartiteur des ressources, a un rôle à jouer dans les négociations concernant l'organisation dont il s'occupe.

Ces différents rôles décrits par Mintzberg (2006) montrent bien l'importance des fonctions du cadre de santé. Mais qu'en est-il lorsque celui-ci gère une équipe dispersée ? Nous allons maintenant aborder le concept de management à distance.

2.2 Le cadre de santé dans un contexte de management à distance

Au vu des évolutions au niveau des organisations hospitalières, et en lien avec des restrictions budgétaires, l'institution est amenée à partager le temps du cadre sur plusieurs services voire sur plusieurs sites.

Nous allons voir à quoi correspond le management à distance mais avant, nous définirons le management et la distance.

2.2.1 Définitions

Le Dictionnaire Larousse (2019) définit le management comme un « ensemble de techniques de direction, d'organisation et de gestion de l'entreprise. »

Selon Ollivier (2017), le management est :

« l'établissement de règles claires et communes qui définissent les rapports et les comportements que sont censés développer des professionnels dans l'exercice de leurs activités respectives. Il établit une structure stable, capable de supporter les variations d'environnement et les adaptations organisationnelles nécessaires. Ces règles répondent à une formalisation explicite, permettant à chacun d'apprécier avec justesse sa marge de manoeuvre, son pouvoir d'initiative et les limites de ses responsabilités. » (p. 11)

Le Larousse (2019) donne une définition de la distance en utilisant le terme « d'intervalle entre deux points, entre deux ou plusieurs personnes ».

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Selon Ollivier (2015), nous sommes habitués à concevoir le management dans une relation de proximité mais cette vision du management est transformée.

2.2.2 Principes du management à distance

Selon Léon (2013), « c'est la nature même de la relation managériale qui est à interroger, quelle que soit la distance géographique qui sépare manager et collaborateur. »

Selon Ollivier (2017), le management à distance oblige à repenser la position et la posture du manager ainsi que ses méthodes de travail, sa manière de conduire et d'animer une équipe.

L'auteur nomme quatre types de travail à distance : le travail à domicile, le travail nomade, la délocalisation chez le client, les télécentres et le coworking, les sites multiples. Celui qui nous intéresse est le travailleur nomade car celui-ci n'a pas de lieu de travail fixe. Même si les brancardiers travaillent au sein d'un établissement de santé, ils sont nomades car ils se déplacent régulièrement.

Selon lui, lorsque nous parlons de distance, nous pouvons être face à différents types de distance (p. 38-41):

Ø « La distance géographique »: elle est selon lui le premier degré de difficulté. Il explique que parfois il n'est pas nécessaire d'avoir une distance kilométrique pour être cloisonné, parfois un couloir, des portes fermées, un étage, suffisent pour créer cette distance. C'est le cas, lorsque le bureau du cadre de santé est situé à distance du local des brancardiers.

Ø « La distance culturelle » : le manager prend en compte l'existence de culture par métier ou par site et il est en mesure de pouvoir les analyser. Par culture, il entend l'identité du groupe.

Ø « La distance linguistique » : elle est en lien avec la présence dans le groupe d'individus n'ayant pas le même langage

Ø « La distance technologique » : le niveau de maitrise pour l'utilisation des outils numériques est différent.

Ø « La distance temporelle » : elle existe lorsque les individus travaillent sur des fuseaux horaires différents ce qui entraine un décalage entre le moment du signalement du problème et la recherche de solutions.

D'après cet auteur, « la distance géographique développe une distance opérationnelle car les informations n'arrivent plus en continu et le risque de se déconnecter des enjeux et priorités se renforce... » (p.43). Elle entraine un éloignement des relations, une régression progressive de la convivialité, une raréfaction des échanges informels et la difficulté à mettre en place le principe de solidarité.

Une des difficultés liées à la distance concerne la communication. Une relation en face-à-face permet de détecter le non-verbal c'est-à-dire tout ce qu'un individu laisse transparaitre sans

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avoir recours à la parole. Elle peut se caractériser par des expressions du visage, des gestes... tout ce qui n'est pas dit. Elle peut se faire de manière consciente ou inconsciente. En outre, cette relation à distance peut donner lieu à des interprétations, des malentendus de part et d'autre. L'autonomie qui est accordée aux professionnels entraine de ce fait des prises d'initiatives qui peuvent être parfois inadaptées. Le manque d'interactions entre le manager et les membres de l'équipe entraine une distance émotionnelle : les professionnels auront moins d'occasion d'exprimer leurs ressentis ce qui peut entrainer une démotivation.

L'auteur poursuit en indiquant que la confiance est capitale et doit être réciproque pour qu'un management à distance fonctionne. La confiance permet d'éviter des dérives comme le risque de conflit en lien avec des incompréhensions, de la concurrence voire de la jalousie ; une faible coopération qui se manifeste par une conservation des informations et un manque d'entraide, enfin un stress plus élevé pour les salariés qui doivent essayer de s'en sortir seuls. Selon l'auteur, pour qu'une relation de confiance puisse s'instaurer, il faut que les cadres aient déjà confiance en leurs propres capacités. Dans ce type de management, les managers craignent un non-respect des règles.

Le manager devra prendre en compte les enjeux et les leviers afin de lui permettre une meilleure gestion à distance. Les enjeux du management à distance sont caractérisés par la prise en compte des individualités et la décentralisation des responsabilités. Selon l'auteur, il est nécessaire que le manager connaisse ses collaborateurs avant de se lancer dans une réorganisation car il risque de se retrouver seul face au collectif. Il ajoute qu'un entretien pour faire connaissance avec chaque membre de l'équipe est nécessaire car chacun est différent et a besoin d'une attention particulière. Par ailleurs, il est déterminant d'identifier le rôle de chacun et de donner des responsabilités qui seront acceptées et assumées par les collaborateurs. Enfin le succès du management à distance repose sur la dynamique du groupe et sa capacité à s'impliquer dans les projets.

Le management à distance demande au cadre une remise en cause de ses habitudes de fonctionnement, et de définir des objectifs pour ses collaborateurs. Manager à distance permet de développer l'autonomie des agents dans la prise de décisions et de les responsabiliser davantage, mais l'auteur ajoute que les professionnels sont aussi plus demandeurs d'échanges. « Le manager à distance dispose plus que tout autre d'une vision claire du développement de son équipe et de sa capacité à se mouvoir dans un environnement complexe. » (p. 53)

Dans une chronique de 2015, Ollivier explique que « le management d'une équipe éparpillée dans l'espace entraîne du fait des contraintes spatiales et temporelles, une hiérarchisation des priorités plus conséquente ». Le cadre de santé va déléguer certaines tâches. Les agents fonctionnent avec une certaine autonomie mais chacun devra savoir où est sa place. Le sociologue indique qu'il est nécessaire d'établir des règles et d'harmoniser les pratiques, et que « la cohésion d'une équipe à distance se construit déjà dans la cohérence de son système d'organisation ». Par ailleurs, la communication et la transmission de l'information devront être optimisées afin d'éviter la redondance des renseignements et de signaler tout dysfonctionnement. Selon lui, le manager saura répondre aux besoins et demandes individuels, et être vigilant aux difficultés rencontrées par les agents. « Le besoin de reconnaissance et de

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feedback occupe un rôle plus conséquent dans la stimulation à agir des collaborateurs. » Le cadre de santé base son management sur la relation de confiance et utilise les temps formels comme informels.

Léon (2013) traite du contrôle de l'activité à distance. Selon elle, le management à distance peut se faire sous deux formes : « le suivi électronique de la performance et le management par objectifs ». Le suivi électronique permet le contrôle des heures de travail et des demandes traitées. Mais elle rajoute que ce suivi ressemble « aux principes tayloriens d'organisation du travail » et qu'il accentuerait le stress ressenti par les salariés. En ce qui concerne le management par objectifs, celui-ci met en avant les objectifs à atteindre, l'implication, et les retours sur les tâches accomplies. Certaines responsabilités sont alors attribuées au collaborateur et non au manager ce qui signifie que le collaborateur devra informer son supérieur hiérarchique de l'avancée du travail et signaler ce qui a ou n'a pas fonctionné. D'après elle, la gestion à distance nécessite un équilibre entre autonomie et contrôle. Elle ajoute que cet éloignement du terrain augmente l'écart entre le travail prescrit (ce qui est attendu) et le travail réel (celui qui est réalisé). La distance rend difficile l'évaluation du manager sur la situation dans laquelle se trouve l'agent et la pertinence de son jugement sur les actions réalisées.

Elle souligne également que la distance a un impact sur la communication qui est comme elle le dit « indispensable au bon fonctionnement d'une relation hiérarchique ». Dans le management à distance la communication peut alors se faire en face-à-face, par téléphone, ou par courriel... mais il existe des limites notamment en termes de gestion des priorités. En 2008, ce même auteur, indique que ces outils de communication rendent possibles « la dématérialisation et l'immédiateté des échanges » et cela permet de garder une proximité même à distance.

Selon elle, le manager laisse de l'autonomie à ses collaborateurs dans la prise de décision et l'auteur rajoute « les managers à distance doivent se limiter à donner un cap, une direction à suivre. » Ils prennent alors conscience de la difficulté d'établir une relation de confiance, et les situations problématiques attestent d'une défaillance de cette gestion à distance. Le cadre de santé devra être davantage attentif aux agents et à leurs préoccupations puisque la fréquence des temps d'échanges sera faible. L'auteur ajoute que le style de management est déterminant dans cette gestion à distance et évoque que la personne qui va procéder à l'évaluation de l'agent ne sera pas forcément, la plus à même de le faire. Elle conclue en disant que « les relations formelles ne sont pas le monopole du management à distance ».

Ollivier (2017) aborde « la notion de dépersonnalisation au service du collectif » (p. 70). Selon lui, la distance entraine un besoin de reconnaissance individuelle. Prendre en compte l'individu ne signifie pas encourager l'individualisme mais plutôt lui permettre de trouver sa place au sein du collectif. Un cadre sera crédible si les objectifs qu'ils donnent sont mesurables. La délégation permet le développement des compétences des collaborateurs, de maintenir leur motivation, et au manager de se dégager du temps. Le collaborateur se voit alors confier de nouvelles responsabilités.

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Il explique qu'il est intéressant pour le manager à distance d'avoir les leaders de son côté car ceux-ci pourront contribuer à impulser une dynamique de groupe. Il cite la loi de Pareto (20/80) qui indique que :

« 20% des membres d'une équipe représentent 80% du pouvoir d'influence au sein d'un groupe. L'enjeu ne consiste pas à obtenir l'adhésion de tous mais de cibler ceux qui

détiennent le pouvoir de faire évoluer ou pas l'état d'esprit du collectif. » (p.144)

2.2.3 Les temps d'échanges

« au-delà de la motivation et de l'envie de s'investir, il est nécessaire pour le manager de définir le système d'information qui va permettre de fluidifier et d'organiser les

échanges et les responsabilités des différents acteurs. » (Ollivier, 2017, p. 175).

Selon l'auteur, le manager à distance provoquera des moments d'échanges mais une communication essentiellement formelle peut générer du stress chez les collaborateurs. La diminution des moments d'échanges informels pourrait bloquer la cohésion dans une équipe car au-delà d'une distance physique, il y aurait une distance relationnelle. Il est donc nécessaire que le manager mette toutes les chances de son côté notamment en mangeant ou en prenant un café avec l'équipe. Ces temps d'échanges permettent de cerner l'ambiance au sein du groupe et de connaître les attentes des collaborateurs.

Les échanges sont essentiels et ils répondent à un besoin afin de prévenir des risques, tels que l'individualisme, et des tensions possibles. L'auteur ajoute que « c'est bien la qualité de la communication informelle qui fait progresser la communication formelle et non l'inverse » (p.183). Par ailleurs, le cadre aura une grande capacité de négociation avec ses pairs. Les réunions d'équipe permettent de faire un point sur les organisations mais également de prendre en compte chaque individu au sein du collectif : il sera possible de voir ceux qui prennent régulièrement la parole, ceux qui sont plus effacés et qui n'osent pas parler. Elles permettront de voir si certains prennent le dessus par rapport aux autres membres de l'équipe, s'il existe des jeux de pouvoir entre eux. Les entretiens annuels quant à eux permettent de faire un point avec chaque agent sur ses performances, ses compétences et ses capacités mais aussi de connaître son ressenti au sein de l'équipe et de façon plus générale dans son travail. En outre, il est essentiel de prendre en considération le savoir-être collectif et donc leur capacité à travailler ensemble, et à pouvoir collaborer avec les différents partenaires.

Ollivier (2017) indique que la communication est essentielle et qu'elle ne consiste pas uniquement en la diffusion d'informations. Selon lui « le besoin d'échange est très fort et il vient se télescoper avec les contraintes de temps des managers. » (p.156) Il poursuit en expliquant que le manager est davantage jugé sur son « empathie et sa proximité relationnelle » (p.160), que sur ses capacités d'orateur. Il met également en avant le fait que la communication non verbale est la façon dont le corps s'exprime. Les collaborateurs utilisent les signaux de la communication non verbale pour cerner l'état d'esprit du manager et même si ce dernier peut essayer de tromper avec les mots il est trahi par son attitude ; le manager fait preuve d'authenticité. Il vérifie aussi si le collaborateur a bien compris ce qu'il a voulu dire car il y a

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une perte d'informations entre ce que le manager souhaite faire comprendre et ce que le collaborateur va mémoriser. La communication met en relation un émetteur et un récepteur. Le manager à distance fera preuve d'une grande capacité d'adaptation, mais aussi de confiance envers son équipe pour leur laisser de l'autonomie et les responsabiliser.

Selon Vion (1992), la communication permet de donner du sens, d'établir une relation sociale et participe à la construction d'images identitaires permettant à l'individu de développer sa personnalité. L'auteur aborde la notion d'« histoire interactionnelle » qui comprend les différentes interactions auxquelles l'individu a été confronté dans sa vie et qui lui ont permis de développer son affectivité et sa vision du monde. « La connaissance des règles et de normes, les compétences et les capacités stratégiques dépendent de cette longue histoire au travers de laquelle le sujet se construit tout en communiquant et communique tout en se socialisant ». (p. 99)

Ollivier (2017) met en avant un point déterminant du management à distance : la valorisation qui peut être individuelle ou collective.

Selon Belzile et Couturier (2018), « la dimension collective importe [...] en ce que le milieu de travail est aussi un milieu de socialisation secondaire qui donne du sens à la vie du sujet » (p.163).

Les brancardiers doivent apprendre à connaître le travail des autres professionnels afin de pouvoir collaborer avec eux dans la prise en charge du patient. En prenant en compte le travail de l'autre, leur travail pourra également être reconnu par les autres professionnels. Cette reconnaissance mutuelle permet aux agents de s'accepter et de s'enrichir de leurs expériences.

Nous allons maintenant traiter de la collaboration interprofessionnelle et aborder le rôle du cadre pour favoriser cette collaboration.

3. La collaboration interprofessionnelle

La collaboration est essentielle en établissement de santé car elle se fait dans l'intérêt du patient. Pour collaborer, il sera nécessaire que chaque professionnel reconnaisse et comprenne le travail de ses collaborateurs afin de ne pas se limiter à ses représentations du travail de l'Autre. D'après Todorov (2013), « se sentir nécessaire aux autres (pour leur accorder une reconnaissance) fait qu'on se sent soi-même reconnu ». (p.25). Pour se sentir utile, il faudra que le brancardier collabore.

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3.1 La collaboration

3.1.1 Définitions

La collaboration est définie par le Dictionnaire Larousse (2019) comme « l'action de collaborer, de participer à une oeuvre avec d'autres ». Collaborer c'est « travailler de concert avec quelqu'un d'autre, l'aider dans ses fonctions ; participer avec un ou plusieurs autres à une oeuvre commune. »

3.1.2 Le concept de collaboration interprofessionnelle

Le terme « interprofessionnel » signifie selon le Dictionnaire Larousse (2019) « qui concerne plusieurs professions. »

Selon Moszyk (2017), « la plupart des activités humaines ne sont pas des activités individuelles et solitaires : elles sont le produit des actions concertées et coordonnées de plusieurs personnes. »

La collaboration interprofessionnelle est :

« un ensemble de relations et d'interactions qui permettent ou non à des professionnels de mettre en commun, de partager leurs connaissances, leur expertise, leur expérience, pour les mettre de façon concomitante au service des clients et pour le plus grand bien de ceux-ci ». (D'amour, Sicotte, & Levy, 1999, p.69)

Dans l'organisation, nous avons vu les notions de division des tâches et d'objectif commun. Des missions sont attribuées à certaines fonctions, et il est nécessaire pour que l'organisation fonctionne que chacun collabore. D'après Belzile et Couturier (2018), « La collaboration interprofessionnelle produit donc à terme un schème opératoire transversal qui exige des différents intervenants concernés par la situation, de convenir de ce but commun. » (p. 33). Le préfixe inter- renvoie à la notion de transformation de soi et de l'Autre. Il sous-entend une dépendance réciproque en termes de savoirs, il entraine une transformation identitaire des agents qui sont en contact ; il suggère qu'il y ait une progression et le développement d'une intelligence collective.

La collaboration interprofessionnelle permet aux professionnels d'augmenter leurs capacités à coordonner leurs actions. Collaborer leur permet d'être plus efficaces en combinant leurs efforts.

La mise en oeuvre d'une collaboration interprofessionnelle peut être malmenée par des résistances aux changements qui sous-entendent la défense des intérêts de chacun, « la fonction identitaire est centrale » (p.76). Selon les auteurs, il serait intéressant d'enseigner la collaboration interprofessionnelle en formation initiale et de poursuivre ces enseignements en formation continue. Mais pour bien se faire, l'apprentissage de la collaboration interprofessionnelle ne doit pas se réaliser qu'au travers des livres, elle doit se produire lors de

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contacts réels. Ils mentionnent que les formations sur la collaboration interprofessionnelle considèrent que les conflits interprofessionnels sont dus à un manque de compréhension mutuelle en lien avec des comportements, des « valeurs ou des représentations différentes d'un groupe professionnel à un autre » (p.77). Des représentations faussées sont sources de comportements inadaptés. Ils ajoutent qu'il peut arriver qu'en cas de défaillance dans la collaboration interprofessionnelle, la faute risque d'être attribuée à une seule personne alors que ces défaillances sont le résultat d'une organisation de travail qui ne met pas assez en avant ce principe de collaboration interprofessionnelle. Cela nous renvoie à la stratégie d'acteurs qu'évoque Crozier cité par Guérin (2018). Ces enjeux stratégiques altèrent la réussite de cette collaboration car chacun veut affirmer ou préserver sa position dans l'organisation. Les auteurs poursuivent en indiquant que ce phénomène peut créer des tensions entre les différents professionnels.

Afin d'assurer une collaboration interprofessionnelle, le management au sein de l'organisation fera en sorte d'instaurer des méthodes de médiation, en recentrant chaque partie sur un objectif commun pour permettre la modification de leur positionnement. Un dispositif de médiation permettrait à chacun de collaborer et donc de se transformer mutuellement.

Belzile et Couturier (2018) abordent le sujet des coordonnateurs en indiquant que ceux-ci travaillent sur un espace de travail étendu qui correspond au territoire de l'usager. Leurs organisations ne sont pas cloisonnées. Leurs responsabilités sont par conséquent plus larges. Nous pouvons mettre en lien l'espace de travail des coordonnateurs à celui des brancardiers puisque ceux-ci travaillent sur un territoire étendu.

Selon les auteurs, trois types de compétences sont appréciables dans la collaboration interprofessionnelle (p150-166):

Ø La première serait en lien avec la communication et la métacommunication. Ces compétences sont attendues chez tout professionnel de santé mais dans la réalité ce n'est pas toujours le cas. En ce qui concerne les compétences métacommunicationnelles, celles-ci permettent au groupe qui va chercher à collaborer, d'être efficace. Communiquer avec l'usager et ses proches nécessite de mobiliser des compétences métacommunicationnelles (comme adapter son langage, reformuler)

Ø La deuxième correspond à la médiation aussi appelées compétences collaboratives. Elle s'opère dans un premier temps par une adaptation mutuelle des professionnels qui vont interagir autour d'une cause commune.

Ø La dernière concerne la « réflexivité d'analyse de l'activité ». Elle complète la précédente. La réflexivité c'est la capacité du professionnel à réfléchir sur ses propres pratiques.

Les auteurs s'intéressent aux travaux menés en 2006 par la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé. Celle-ci affirme que :

les « preuves dites circonstancielles de l'efficacité du travail de collaboration interprofessionnelle sont suffisantes pour se mobiliser en ce sens, pour au moins les

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aspects suivants donnés comme exemple : la prévention de l'épuisement professionnel, la satisfaction au travail, l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins » (p. 169).

Moszyk (2017) cadre de santé, explique avoir fait un état des lieux au sein de l'équipe qu'il gérait en mettant en place un groupe de travail autour de la collaboration. Dans un premier temps, il demande aux agents de lui faire part de leurs représentations et de leur réflexion autour du sujet. Il se rend compte que selon les agents, la collaboration dépend de la personne avec qui ils vont devoir collaborer « la collaboration au quotidien est avant tout un rapport de personne à personne avant d'être un rapport de professionnel à professionnel. » Les aspects positifs de la collaboration qui se dégagent sont l'amélioration de la prise en charge du patient, de la communication et de la connaissance du travail de l'Autre. Les manifestations négatives sont à prendre aussi en considération telles que le manque de connaissance des spécificités des professionnels avec qui l'on collabore, des « conflits de représentations », des insuffisances (ne pas connaître le nom de ses collaborateurs par exemple, absence de remise en question, dévalorisation des collaborateurs...). Par ailleurs, les agents expriment des sentiments négatifs tels que l'« épuisement professionnel », « le sentiment de non reconnaissance, sentiment de méconnaissance du travail de l'Autre ».

Nous allons terminer cette partie en abordant le rôle du cadre pour favoriser cette collaboration.

3.1.3 Le cadre de santé : un acteur de la collaboration

Selon Moszyk (2017), le cadre de santé est la garant de la qualité des soins. Il veille au bon déroulement du parcours du patient. Par conséquent, il s'assure d'accompagner cette collaboration et s'appuie sur sa connaissance du terrain et de ses collaborateurs. Le cadre de santé fait changer les représentations en vue d'améliorer la collaboration.

L'auteur poursuit en expliquant que le cadre de santé améliore son management et que c'est un levier pour l'amélioration de la collaboration. Le cadre de santé fait preuve d'exemplarité et rappelle à ses collaborateurs qu'ils ne travaillent pas seuls et qu'ils participent à une prise en charge globale du patient. Il peut être nécessaire de leur rappeler également les règles de fonctionnement afin d'« éviter certaines attitudes autocentrées ou certains sentiments négatifs ».

L'auteur indique qu'un autre levier d'amélioration de la collaboration serait d'assurer le développement des compétences des agents afin de les conduire vers un cheminement de leur construction professionnelle. « Les postures de l'agent se nuanceront ainsi vers moins de certitudes ou de convictions sur la prise en charge et vers plus d'opérationnalité partagée ». Le cadre peut mener les agents à avoir une posture réflexive leur permettant de faire le lien entre leurs connaissances et leurs actes pour construire la compétence.

Le cadre recentre les professionnels autour d'un objectif commun c'est-à-dire le patient. Nous avons vu que dans la collaboration interprofessionnelle, les représentations pouvaient avoir un

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impact sur la qualité des interactions avec les autres professionnels. Nous allons maintenant aborder le concept de représentation.

3.2 Les représentations

Les professionnels d'un établissement de santé travaillent en interprofessionnalité. Pour mieux collaborer, il est nécessaire que chacun connaisse le travail de l'Autre et qu'il ne s'en fasse pas une représentation qui pourrait avoir une répercussion sur la qualité de la collaboration. En effet, les représentations d'un individu influencent son comportement face à l'Autre. Nous allons donner une définition et aborder le concept de représentations sociales.

3.2.1 Définition

Selon Jodelet (citée par Martinez, 2019), les représentations nous permettent d'interpréter la situation dans laquelle nous nous trouvons. C'est « donner un sens à l'inattendu ». C'est une manière d'interpréter et de penser notre réalité quotidienne, une forme de connaissance sociale. Elle définit la représentation comme « une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d'une réalité commune à un ensemble social. »

Selon le sociologue Dortier (2002), les représentations mentales sont :

Ø Organisées : elles « structurent notre paysage mental ». Les représentations sont associées à des idées selon une liste de propriétés : l'aspect, la catégorie, à quoi ça sert, vers quoi ça évolue. Mais selon lui, le fait de mettre un mot dans une catégorie peut entrainer l'exclusion de l'objet s'il n'est pas conforme à la description, à la représentation que l'on en a de lui. Il est difficile d'inclure un objet dans une catégorie lorsque celui-ci ne correspond pas à l'idée que l'on en a. Les représentations doivent être faites à partir d'un schéma. Cela suppose qu'elles soient encodées dans nos mémoires et rassemblées autour d'idées qui se ressemblent.

Ø Stables : elles sont ancrées par l'aspect psychologique, social et institutionnel propre à notre vie. C'est un héritage du passé ; elles sont en lien avec notre façon de penser, notre appartenance ou notre éducation. Elles sont propres à chacun. Et chaque individu aura des représentations différentes, qui lui ont été inculquées durant son enfance. C'est un « ancrage social », une stabilité dans la vie quotidienne ou le travail. C'est le sentiment d'appartenance à un groupe plutôt qu'un autre, puisqu'il aura les mêmes idées, les mêmes centres d'intérêts.

Ø Utiles : nos désirs, nos projets orientent nos représentations ainsi que notre statut d'être humain. Selon l'âge, le métier... la façon de voir les choses sera différente. Elles nous permettent d'évaluer les objets et d'agir, et déterminent nos comportements vis-à-vis d'eux « elles construisent nos goûts et nos dégoûts à l'égard de notre environnement. »

Ø Vivantes : elles sont en perpétuelles transformations. Elles peuvent être variables et être en opposition. Chacun interprète les informations qu'il reçoit à sa façon ; l'auteur évoque un

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phénomène de mutation, de filtrage cognitif. Les représentations peuvent avoir plusieurs sens, elles ne sont pas réduites à « une signification unique ».

Les représentations sont propres à chaque individu. Elles existent depuis l'enfance, elles sont nourries par nos expériences et elles déterminent nos choix.

3.2.2 Le concept de représentation sociale

Selon Jodelet (citée par Martinez , 2019), une représentation sociale est toujours la représentation de quelque chose ou de quelqu'un.

Selon Mannoni (2010), « les représentations sociales sont présentes dans la vie mentale quotidienne des individus aussi bien que des groupes et sont constitutives de notre pensée ». (p. 6). Chaque être, chaque objet nous renvoie à une image, à une idée, à un souvenir etc. Les représentations mentales font appel aux facultés cognitives et émotionnelles. Elles renvoient à des images qui éveillent en l'individu des émotions qu'elles soient positives ou négatives et vont avoir une influence sur la communication qu'il va avoir avec l'Autre. Les représentations négatives peuvent se caractériser par des préjugés et stéréotypes (ou idées reçues).

L'auteur s'intéresse aux relations interpersonnelles en lien avec la représentation de l'Autre. Il explique que :

« des rapports de rivalité, de soumission ou de complémentarité peuvent s'élaborer à partir de la mise en jeu des systèmes de représentation chez les interactants et la manière dont on se représente l'Autre détermine la relation hiérarchisée que l'on va mettre en oeuvre à son égard » (p. 94-95).

Le remplacement d'une représentation positive par une négative entraine la déconsidération. Il cite Goffman :

« on demande à l'individu stigmatisé de nier le poids de son fardeau et de ne jamais laisser croire qu'à le porter il ait pu devenir différent de nous ; en même temps, on exige qu'il se tienne à une distance telle que nous puissions entretenir sans peine l'image que nous nous faisons de lui. En d'autres termes, on lui conseille de s'accepter et de nous accepter en remerciement naturel d'une tolérance première que nous ne lui avons jamais tout à fait accordée. » (p. 97).

L'auteur explique que l'individu va adapter la représentation qu'il a de l'Autre ou d'un objet afin d'en faciliter son acceptation. Il va occulter cette pensée négative même s'il sait que ça le dérange. « Quant au stigmatisé il développe une représentation de son stigmate « en miroir » qu'il doit modeler sur celle des sujets normaux, et la remanie inconsciemment suivant l'image que ceux-ci lui renvoient de la perception de son stigmate. » (p. 98)

Selon Mannoni (2010), l'appréciation de l'Autre est affectée par l'évaluation du groupe d'appartenance, nous comprenons alors que le groupe peut nous influencer et modifier nos propres représentations.

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« Dans un mécanisme comme celui de l'attribution causale, on assiste également à l'émergence de représentations à peine masquées par la nouvelle dénomination. On constate, en effet, que, dans les phénomènes d'autoattribution, le sujet s'impute des traits de personnalité qui justifient son comportement particulier. Pour ce qui regarde l'hétéroattribution, chacun, se compose une « connaissance » de l'Autre, c'est-à-dire une représentation de l'Autre à travers laquelle il est considéré comme agressif ou bienveillant, indifférent et froid ou chaleureux et attentif, bon vivant et sympathique ou triste et ennuyeux. » (Mannoni, 2010, p. 108)

Selon Martinez (2019), les représentations nous limitent dans nos interactions sociales. Il est nécessaire de savoir les reconnaitre pour savoir comment agir. Elle cite Jovic qui a mis en avant que les représentations sociales visent à orienter et justifier des comportements et des interactions sociales, à construire et sauvegarder une identité.

D'après Abric (cité par Martinez, 2019), les représentations sociales comportent quatre fonctions principales :

Ø Une fonction de savoir : les connaissances vont avoir pour but de comprendre et d'expliquer la réalité. Elles vont permettre la communication et les interactions sociales.

Ø Une fonction identitaire : les représentations sociales déterminent l'identité sociale de chaque individu. Le mécanisme va apparaître dans le phénomène d'intégration ou de comparaison sociale.

Ø Une fonction d'orientation : les représentations sociales vont permettre au sujet d'appréhender les situations et de savoir comment agir dans un contexte spécifique.

Ø Une fonction justificatrice : elles permettent la justification d'un positionnement décidé par l'individu.

Cela détermine l'appartenance à un groupe et la capacité d'un individu à s'évaluer et à se différencier d'un autre groupe.

En favorisant la collaboration interprofessionnelle, le cadre de santé permet à ses collaborateurs de mieux communiquer, de mieux connaître le métier de l'Autre et qu'ainsi à l'inverse l'Autre apprenne à connaître leur travail , ceci afin de reconnaître la valeur de chacun au sein de l'organisation. La reconnaissance au travail permet de favoriser cette collaboration entre les professionnels.

Nous allons maintenant aborder le thème de la reconnaissance au travail

4. La reconnaissance au travail

Au-delà de ces organisations, il faut prendre en compte l'évolution sociétale et considérer que le rapport au travail a changé ; les salariés ont besoin de trouver du sens à ce qu'ils font, de se sentir utiles, que leur valeur et leur travail soient reconnus. Les brancardiers

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ont un statut particulier car comme nous l'avons présenté précédemment, leur métier n'est pas valorisé par un diplôme.

4.1 Définitions

Commençons par une définition du verbe reconnaître extraite du Larousse (2019): « Admettre comme vrai, réel, légitime »

Pour Honneth (2013), l'individu ayant un besoin de reconnaissance est « un être qui pour être épanoui, pour avoir une relation harmonieuse à lui-même, a besoin des autres. » (p.13). Celui-ci distingue 3 principes de reconnaissance : l'amour dans la sphère de l'intimité, le principe d'égalité dans la sphère des relations politiques et juridiques, le sentiment de se sentir utile dans la sphère collective.

Nous voyons en cela, que la reconnaissance dépend de l'Autre, du regard qu'il porte sur un autre individu.

Si nous nous attachons au mot travail maintenant, nous pouvons constater qu'étymologiquement ce mot vient du latin « tripalium » qui est un instrument de torture. Encore aujourd'hui, le travail peut être considéré comme une contrainte mais il permet de satisfaire des besoins. Le travail selon Dejours et Gernet (2009), est un rapport social, c'est un endroit où se créent des relations entre l'individu et les personnes avec qui et pour qui il travaille.

Le travail est un lieu où se créer des interactions sociales ; il permet de répondre à plusieurs besoins.

4.2 La satisfaction d'un besoin

Un besoin est une « exigence née d'un sentiment de manque, de privation de quelque chose qui est nécessaire à la vie organique. » (Larousse, 2019)

Selon Becker (2015), le thème de la reconnaissance n'est exprimé qu'en termes négatifs, ce qui signifie que les agents l'évoquent lorsqu'ils sont en manque de reconnaissance. Elle poursuit en expliquant que l'individu passe une grande partie de sa vie au travail. Le travail lui permet de créer du lien social, de développer des compétences et ainsi d'acquérir une identité sociale. D'après elle, « reconnaître une personne lui permet de se reconnaître » (p.12). « Le salarié a besoin d'un effet miroir qui lui confirme qu'il existe au sein de l'entreprise. » (p.13)

Le travail permet la satisfaction de certains besoins : par le gain d'un salaire le salarié peut répondre à ses besoins physiologiques et de sécurité. Mais il répond aussi au besoin d'appartenance à un groupe, au besoin d'estime (ou de reconnaissance) et de réalisation de soi. C'est ce que nous explique Maslow au travers de sa pyramide (Annexe 1) illustrant la

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hiérarchisation des besoins. Selon lui, il est indispensable que les besoins du bas de la pyramide soit satisfaits pour pouvoir prétendre à la satisfaction des besoins au sommet de cette pyramide.

Les besoins identifiés sont décrits de la base jusqu'au sommet :

Ø Les besoins physiologiques : le travail répond aux besoins de base (manger, boire, dormir...) grâce au salaire.

Ø Le besoin de sécurité : grâce aux revenus, l'individu peut bénéficier d'un environnement stable.

Ø Le besoin d'appartenance : l'individu se sent intégré dans son environnement social.

Ø Le besoin d'estime : il passe par l'appréciation des autres

Ø Le besoin d'accomplissement : Le travail donne du sens à l'existence, l'individu se sent utile.

En nous référant à la pyramide de Maslow (Annexe 1), nous pouvons avancer que les brancardiers pourront satisfaire les deux premiers besoins grâce à leur salaire. Le besoin d'appartenance va pouvoir être comblé grâce à la place qu'ils occupent dans l'équipe. Le besoin de reconnaissance s'intègre au besoin d'estime de soi. Si les compétences et les capacités sont reconnues alors il pourra se sentir utile et donc accompli.

4.3 La notion de reconnaissance au travail

Fayol (cité par Guérin, 2019), était un précurseur en matière de reconnaissance des travailleurs. Fayol ne souhaitait pas que le travail détruise. Il ne voulait pas que l'efficacité se fasse au détriment de l'efficience, au prix d'une consommation de moyens humains. Il désirait que les travailleurs puissent continuer à être fiers de faire ce qu'ils font et qu'ils aient le sentiment d'avoir une valeur. Il prenait en compte l'avis de ses collaborateurs et leur demandait de faire des propositions par le biais de boites à idées, de groupes de travail par exemple.

En 2018, l'agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT) mentionne qu'il existe différentes sources de reconnaissance. Selon une enquête menée en 2016, cette dernière peut provenir à 72% des collègues du service, à 68% du client, à 68% du manager, à 55% des collègues des autres services, et à 50% de la direction.

Lors d'une conférence organisée par l'ANFH (2018), Malarewicz, un psychiatre, explique que la reconnaissance permet d'apporter à chacun un « surcroît d'existence ».

Selon Paugam (2001), l'individu travaille pour gagner sa vie, s'épanouir personnellement et avoir une reconnaissance sociale.

Le besoin de reconnaissance au travail est devenu essentiel et concerne toutes les professions quelle que soit leur place dans la hiérarchie. Elle comprend 4 dimensions selon Brun (2002) (p.41)

Ø La reconnaissance de la personne

Ø La reconnaissance des résultats

Ø La reconnaissance de l'effort

Ø 36

La reconnaissance des compétences.

Selon ce même auteur, la reconnaissance au travail permet de garantir la préservation de l'identité des individus. Elle permet de donner du sens au travail et participe au bien-être au travail des professionnels. La reconnaissance passe par l'évaluation de l'Autre sur ce qu'il est et sur ce qu'il fait. Elle sous-entend qu'il y ait un jugement. Reconnaître c'est voir le travail. La reconnaissance dépend des interactions avec les autres et permet de satisfaire un besoin.

Piotet et Sainsaulieu (cité par un collectif sous la direction de Bourgeon, 2012), considèrent que :

« la reconnaissance et la distinction mutuelle s'élaborent autant par les échanges de la vie quotidienne entre collègues, avec des chefs, des adjoints et des subordonnés, que par les manières même de communiquer et d'intervenir sur le travail, qui fournissent aux uns et aux autres des indications sur la façon dont ils vous considèrent et vous admettent » (p.66).

La relation et l'échange avec l'Autre, permettent une meilleure compréhension du travail de l'un et de l'autre.

D'après Todorov (2013), la reconnaissance comprend deux étapes : dans un premier temps, on demande la reconnaissance de notre existence. Deuxièmement, la confirmation de notre valeur est nécessaire. L'individu a donc besoin d'être reconnu en tant que tel, en tant qu'être unique et singulier mais aussi que sa valeur soit reconnue, que ce soient ses savoirs, savoir-faire, savoir-être, sa capacité à agir dans un environnement, à réagir face à une situation, à interagir avec autrui.

Selon Dejours et Gernet (2009), la reconnaissance au travail passe par deux formes de jugement : « le jugement d'utilité technique, sociale ou économique est formulé par la hiérarchie, les subordonnés ou parfois même les clients. Le jugement de beauté porte quant à lui sur la qualité du travail (« beau boulot » ...) » (p. 30). Le fait d'être reconnu par l'Autre permet de donner du sens au travail. Les auteurs poursuivent en indiquant que toutes les professions ne sont pas reconnues de la même façon ; en effet, certaines sont considérées comme étant plus distinguées que d'autres donc plus valorisées.

La reconnaissance se traduit également par la confiance. Un cadre de santé aura confiance en ses collaborateurs et ceux-ci auront alors un sentiment d'efficacité personnelle fort. Selon Bandura (cité par Lecomte, 2004) l'efficacité personnelle n'est pas seulement individuelle. Bandura met en avant l'importance de l'efficacité collective. Il considère que les attitudes et les émotions des individus sont mieux prédits par l'influence combinée des croyances d'efficacité et par les performances attendues au sein de sociétés données. La confiance en soi est à l'origine du sentiment d'auto efficacité, concept développé par Bandura qui désigne « les croyances d'une personne sur sa capacité d'atteindre des buts ou de faire face à différentes situations. », qui se développent en vivant des expériences qu'on maitrise et qu'on réussit.

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4.4 Les conséquences de la reconnaissance sur l'individu

En 2018, l'ANACT distingue deux types de savoirs à reconnaître : les compétences et les savoir-être. Selon elle, reconnaitre le deuxième « soulève des risques de discrimination et de subjectivité trop forte. »

Malarewicz (2018), indique que la reconnaissance renforce l'identité de l'individu. Selon lui, plus l'individu a besoin d'être autonome et plus les autres lui sont indispensables. Il ajoute que la reconnaissance est « l'objet d'une constante négociation et marquée par la réciprocité : l'on donne si l'on reçoit et l'on reçoit si l'on donne. » et que l'individu peut être tenté d'attribuer aux autres des signes de reconnaissance dont il a lui-même besoin.

Le manque de reconnaissance a des effets négatifs sur l'individu.

Il existe deux formes de défaillance selon les psychiatres comme l'explique Todorov (2013), « le rejet » et « le déni ou manque de reconnaissance ». Il rajoute même que le manque de reconnaissance entraine de l'anxiété. Le déni de reconnaissance peut être considéré comme une souffrance car cela peut léser l'identité, la fragiliser. Selon Nunge et Mortera (1998), l'absence de signes de reconnaissance est signe de souffrance physique et psychologique.

Dejours (cité par Caillé, 2007) explique que la reconnaissance est ambigüe. Il dégage trois dimensions qu'il associe à la reconnaissance : la demande, la souffrance et la vulnérabilité :

Ø La demande : la reconnaissance nécessite l'investissement de l'individu dans une relation à l'Autre. Il intègre la notion d'attente à cette recherche de reconnaissance qui aurait une connotation négative.

Ø La souffrance : l'auteur associe la théorie de la reconnaissance à celle de la souffrance. Cette souffrance se traduirait par un sentiment d'injustice et elle aurait un rapport avec la notion de « mal ».

Ø La vulnérabilité : selon lui cette quête de reconnaissance pourrait entrainer le développement de pathologies mentales.

L'auteur ajoute que le manque de reconnaissance entraine la démotivation et que l'espoir d'être reconnu génère le désir de travailler ensemble. « La reconnaissance au travail, de surcroît, se révèle alors comme la médiation grâce à laquelle la souffrance au travail est transformée en plaisir. » (p. 65). Au travail, la reconnaissance souhaitée concerne le travail, c'est-à-dire la contribution dans le travail collectif et la coopération. Elle « porte non pas sur l'être mais sur le faire. » (p. 66). Il met en lien la reconnaissance de la qualité du travail individuel avec la possibilité d'accès à l'appartenance à un groupe. La reconnaissance du « faire » permet d'être reconnu en tant que personne mais aussi d'appartenir à un groupe.

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La reconnaissance peut avoir un « effet pygmalion » si elle est donnée dans un but de motiver l'individu:

Figure 1 : L'« Effet pygmalion ». (Lemmings, 2016)

Merton (cité par Vallée, 2018) traite des prophéties auto-réalisatrices. Elles influencent l'évolution d'un individu en formulant une hypothèse positive sur ses capacités à progresser. Ce sont des prédictions formulées au sujet d'un comportement ou d'une circonstance à venir qui transforment les interactions afin de produire ce qui est attendu. C'est l'« effet pygmalion ». Le jugement que l'on porte sur autrui ou sur soi-même conditionne en partie notre comportement. Si les autres reconnaissent ce que nous sommes, cela va avoir une influence positive sur nous et nous allons gagner en confiance, améliorer nos performances.

Selon Becker (2015), l'individu qui a besoin de reconnaissance a besoin de plaire en mettant en avant ses capacités. L'individu est aussi reconnu par ses pairs, par les personnes qui composent l'équipe dont il fait partie. Les pairs peuvent reconnaître la maitrise et la participation au sein du service. Lorsqu'un individu fait appel à un collègue plutôt qu'à un autre, il va chercher une expertise. Certains sont plus compétents dans certains domaines que dans d'autres. Dans une équipe, les agents se connaissent, connaissent les forces et les faiblesses des uns et des autres. La reconnaissance des forces d'un agent par les membres de l'équipe favorise son intégration au sein de cette équipe.

4.5 Le rôle du manager à distance dans la reconnaissance

Selon Becker (2015), pour être en capacité de montrer des signes de reconnaissance, il faut déjà faire preuve de bienveillance, d'empathie, être authentique et avoir confiance en soi. Elle évoque la culture de l'« image positive de soi-même » (p.39). D'après elle, il est nécessaire que le manager apprenne à connaître ses collaborateurs et que cela est déjà un signe de reconnaissance. Elle souligne l'importance du regard du manager sur ses collaborateurs. En effet, ils peuvent grâce à cela développer une image positive d'eux-mêmes ou à l'inverse, ressentir que le manager ne leur fait pas confiance et ils se considèreront comme étant incompétents. Avoir confiance en ses collaborateurs et le leur montrer est également un signe de reconnaissance.

39

Selon elle, l'entretien annuel d'évaluation est un levier de motivation mais il est conseillé de ne pas attendre ce moment pour donner des signes de reconnaissance. Un collaborateur qui se sentira reconnu sera plus impliqué dans son travail et fera davantage d'efforts. Le contraire entrainera une démotivation. Les collaborateurs ont tendance à se comparer à leurs collègues pour s'auto-évaluer sur leurs compétences et leurs valeurs. Mais elle peut être source de frustration si l'agent se sent moins compétent qu'un autre. Le cadre de santé va donc essayer d'être vigilant à ne pas favoriser l'envie et la jalousie, d'aider les agents à s'améliorer, à renforcer leur estime de soi et d'encourager le partage de compétences. Le cadre de santé essaie d'aider l'agent à trouver sa place afin qu'il trouve une cohérence entre ce qu'il est et ce qui est attendu de lui, qu'il trouve du sens à ce qu'il fait. Elle poursuit en faisant un focus sur le manager à distance et elle insiste en disant qu'il est primordial que celui-ci trouve les moyens de détecter les signes de communication non verbale qui pourraient traduire un besoin de reconnaissance. Elle ajoute que l'implication des agents dans l'action pour co-construire en équipe permet de les reconnaitre comme étant capables de le faire. Ils participent ainsi à leur propre développement, à celui de leur équipe et à celui de l'entreprise. Le collectif aussi est à prendre en considération. Le manager obtiendra le meilleur de chacun pour agir au service du collectif. Elle explique également que l'individu a un « double besoin de reconnaissance » (p.99) : il a besoin d'être reconnu au sein d'une équipe mais aussi en tant que personne au sein d'un collectif. L'auteur explique que le manager essaiera de s'adapter aux personnalités de ses collaborateurs pour ainsi mieux comprendre leurs besoins de reconnaissance. Par ailleurs, selon elle, le cadre devra faire preuve d'intelligence émotionnelle. Ce concept développé par Goleman dans les années 1990, « désigne notre capacité à reconnaitre nos propres sentiments et ceux des autres, à nous motiver nous-même et à bien gérer nos émotions en nous-même et dans nos relations avec autrui. » (p.170). Savoir gérer ses émotions permet d'être plus performant. L'individu a besoin de se sentir utile, valorisé et considéré par l'Autre afin de se sentir épanoui dans son travail et de maintenir sa motivation. L'auteur conclut en insistant sur le fait qu'il n'y a pas de méthode pour satisfaire le besoin de reconnaissance des agents, mais que la reconnaissance est source de motivation mais également d'épanouissement et de bien-être.

Selon Cayatte (2009), donner des signes de reconnaissance suppose de comprendre les attentes des agents pour s'y adapter. Cela passe par l'écoute active lors des entretiens individuels mais également par le repérage des signaux faibles. Ce repérage peut se faire en face à face mais aussi à distance par le biais du téléphone. En effet, les changements d'intonation de la voix, l'accélération ou le ralentissement de son débit, la survenue de silences ou de raclements de gorge permettent de détecter des signaux tels que l'embarras, l'enthousiasme... La reconnaissance peut se faire de différentes façons : entretien individuel sur site, téléphone, messagerie, réunions de groupe.

Selon l'ANACT (2018), le manager a un rôle clé dans le processus de reconnaissance qui se déroulerait selon trois étapes :

Ø « L'identification » : il s'agit de reconnaitre la singularité et la dignité de la personne avec authenticité. Cela consiste à personnaliser la reconnaissance sans pour autant être dans un mode de favoritisme ou à l'inverse de discrimination.

Ø

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« L'évaluation » : il s'agit de reconnaitre ce qui est accompli dans le travail. Elle s'appuie « sur des critères de jugement qu'on a intérêt à rendre explicites, sur l'objectivation du travail réalisé et sur la mise en visibilité des contraintes spécifiques d'un poste ou d'une fonction occupée par une personne ou un groupe. »

Ø « La récompense » : Elle ne passe pas que par la rétribution. Elle s'apprécie également par la confiance que le manager va porter sur ses collaborateurs, par le fait de leur donner des responsabilités, de les faire participer à des formations, de leur permettre d'évoluer ou de s'impliquer dans la vie organisationnelle. Cela permet de renforcer l'estime de soi, l'engagement, et le sentiment d'appartenance à une équipe.

L'agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (2018) ajoute qu'« il ne faut pas rabattre la question de la reconnaissance au jeu du « donnant-donnant » : reconnaître la personne, son travail, et les conditions de sa réalisation ne se ramène pas à une mesure de contribution-rétribution et dépasse le simple calcul (sans l'exclure) pour intégrer des dimensions relationnelles, d'égalité professionnelle, de parcours, d'engagement, de fidélisation, de justice et de pouvoir... »

Nous avons vu que la reconnaissance est fondamentale que ce soit pour l'individu ou pour l'institution. Elle est un moyen de favoriser l'engagement au travail, mais elle participe également au bien-être au travail de l'individu. L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) considère le bien-être au travail comme « un état d'esprit caractérisé par une harmonie satisfaisante entre d'un côté les aptitudes, les besoins et les aspirations du travailleur et de l'autre les contraintes et les possibilités du milieu de travail » (Chef d'entreprise, 2019).

Nous venons de voir que le cadre de santé a un grand rôle à jouer pour favoriser la reconnaissance au travail de ces agents. Nous allons maintenant mettre en lumière la vision des cadres au sujet de la fonction brancardier, voir comment ils les encadrent dans un contexte de management à distance, voir quelle est leur vision de la collaboration des brancardiers avec les autres professionnels de santé et comment ils favorisent la qualité de vie au travail de ces agents.

III.

Le cadre empirique

Nous allons à présent confronter l'éclairage théorique à l'expérience des professionnels sur le terrain, en faisant le lien avec notre question de recherche et nos hypothèses.

1. La méthodologie de travail

Nous avons choisi d'investiguer sur le terrain en réalisant des entretiens semi-directifs Nous allons vous présenter les objectifs que nous avons définis pour tenter de répondre à notre questionnement de départ et vous expliquer pourquoi nous avons fait le choix des entretiens semi-directifs.

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1.1 Les objectifs de l'enquête

Il était nécessaire avant d'aller sur le terrain de nous fixer des objectifs permettant de bien cadrer notre sujet. Les hypothèses définies et le cadre théorique que nous venons de réaliser nous ont permis de déterminer cinq objectifs pour effectuer nos entretiens :

1- Connaître les caractéristiques d'une équipe dispersée

2- Savoir si le management à distance a un impact sur la relation et l'évaluation du cadre avec l'équipe.

3- Savoir si les brancardiers connaissent le travail de l'Autre et savoir comment ils collaborent avec les autres services

4- Connaitre l'implication des brancardiers dans la vie organisationnelle

5- Comprendre comment le cadre de santé valorise le travail des brancardiers.

1.2 L'entretien semi-directif

Plusieurs méthodes existent pour investiguer sur le terrain : l'observation, les questionnaires, et les entretiens. Nous avons fait le choix de réaliser des entretiens semi-directifs parce qu'ils permettent, à l'aide de questions ouvertes, d'obtenir des réponses qui ne sont pas orientées, laissant ainsi la libre expression des professionnels interviewés. Cette méthode permet de fournir au chercheur des éléments de réponses auxquels ils n'avaient pas pensé et par conséquent d'enrichir ce travail de recherche ; mais également d'avoir l'opportunité de rebondir sur des réponses afin de les approfondir. Ces entretiens ont été enregistrés avec l'accord de chaque professionnel et après leur avoir garanti l'anonymat et la destruction des enregistrements à la fin de ce travail ; cela nous a permis d'une part d'être davantage concentrée dans les échanges et d'être fidèle à ce qui nous a été dit en retranscrivant mot pour mot les propos cités par les interviewés. Nous avons respecté la confidentialité des échanges en arrêtant l'enregistrement lorsque les professionnels ont reçu un appel téléphonique, que quelqu'un est intervenu dans le bureau ou bien lorsqu'ils nous ont tout simplement demandé de le faire. Nous nous sommes appuyée sur la même grille d`entretien (Annexe 2) auprès de tous les professionnels interrogés, nous permettant ainsi d'avoir des éléments de similitude ou de comparaison. Ces entretiens ont eu une durée comprise entre 39 minutes et 1 heure et 16 minutes.

Nous allons maintenant exposer les raisons qui ont motivé le choix des établissements.

2. Le choix des établissements

Nous avons enquêté auprès de huit établissements publics et privés, dans deux régions différentes. Nous identifierons ces établissements avec la lettre E suivie d'un chiffre donné à titre indicatif par ordre de réalisation des entretiens. La dimension des établissements est

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variable, le nombre d'agents à gérer ainsi que la fonction des professionnels responsables d'une équipe de brancardiers, varient également.

Au début de chaque entretien nous avons souhaité avoir quelques informations pour connaître le parcours du professionnel interrogé et ainsi créer un climat de confiance permettant à l'interviewé de s'exprimer sans réticence.

Le tableau qui suit, réunit les éléments recueillis en février 2019, permettant de répertorier les personnes interrogées. Il nous permettra également de coder les verbatims que nous allons utiliser par la suite dans notre analyse. Nous utiliserons des abréviations pour cadre de santé (CDS), faisant-fonction cadre de santé (FFCDS), cadre technique (CT), directeur opérationnel (DO) et directeur des soins infirmiers (DSI).

Identification

Sexe

Année du diplôme cadre ou Master

Ancienneté
dans le service

Nombre de
brancardiers

Temps
partagé

CDS- E1

M

2016

1,5 an

32

Oui

CDS- E2

F

2011

4 ans

3

Oui

CDS- E3

F

2014

4 ans

50

Non

FFCDS- E4

F

/

6 mois

3

Oui

CT- E5

M

/

5 ans

44

Non

DO- E6

M

2011

3 ans

6

Oui

DSI- E7

F

2005

8 mois

29

Oui

CDS- E8

F

1996

4 ans

5

Oui

Figure N°2 : Tableau présentant les professionnels interrogés

Nous avons mentionné « temps partagé » pour indiquer que certains encadrants ont plusieurs équipes à gérer. Nous noterons que les établissements numéro 4 et numéro 8 font partie d'un même centre hospitalier mais sont identifiés de cette façon car ce sont deux sites avec des organisations distinctes. La FFCDS-E4 était en poste depuis 6 mois seulement ; elle n'avait pas eu l'occasion de faire de réunion avec l'équipe, elle était encore en période de découverte de sa fonction, de ses équipes et des organisations. C'est la personne qui a eu le plus de difficultés à s'exprimer sur le sujet. Par ailleurs, le cadre technique a la particularité d'avoir lui-même une expérience en tant que brancardier, le directeur opérationnel a été cadre de santé dans la même structure que celle où il travaille aujourd'hui mais il n'a pas de diplôme de cadre de santé, en revanche il est en possession d'un master 2. Enfin la directrice des soins infirmiers a eu une expérience en tant que cadre de santé au service brancardage dans le même établissement.

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3. L'analyse de contenu

L'analyse de contenu permet de décrire de façon objective le contenu des éléments échangés lors des entretiens. Elle vise à rassembler les données obtenues afin de comprendre les opinions ainsi que les conduites des professionnels interrogés.

3.1 La méthode

Après avoir retranscrit chaque entretien, nous avons classé les propos des professionnels interviewés en cinq grandes catégories : la vision des encadrants sur la fonction de brancardier, la collaboration interprofessionnelle, le management à distance de l'équipe de brancardiers, la qualité de vie au travail de ces agents. Ces différentes thématiques ont été décomposées en sous-catégories afin d'ordonner les réponses obtenues. Cette catégorisation nous a alors permis d'être méthodique pour analyser le contenu des entretiens réalisés.

3.2 L'analyse des entretiens

Cette analyse sera quantitative, qualitative et interprétative pour donner du sens aux éléments que nous avons catégorisés. Nous avons fait le choix de présenter les parties dans cet ordre pour mettre en avant le travail des brancardiers et terminer sur la qualité de vie au travail.

3.2.1 La vision des encadrants sur la fonction de brancardier

Pour commencer, il fallait déterminer quelles étaient les caractéristiques de la fonction de brancardier dans un établissement de santé et connaître les différentes organisations mises en place. Il était essentiel d'aborder ce sujet, car comme nous l'avons évoqué au début de cet écrit, il existe très peu de littératures sur le sujet. Nous voulions donc consacrer une première partie abordant cette fonction de brancardier et montrer comment elle est perçue par les professionnels encadrants.

v Un statut inapproprié

Le métier de brancardier ne nécessite pas de diplôme. Le CT-E5 rajoute même « on peut embaucher qui on veut ». Six encadrants abordent le statut des brancardiers qui d'après eux, ne correspond pas à ce qu'ils font au quotidien. C'est ce que nous explique la CDS-E8 qui ne comprend pas qu'ils aient un statut d'ASHQ : « Après ils ont un statut particulier. C'est un vrai problème ». « Ils ont un statut d'ASHQ, ce qu'ils font enfin ça n'a rien à voir avec ça quoi ! Eux ils sont tout à fait au fait de ça, ils le mesurent qu'ils sont dans un champ vide finalement,

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ils ne se reconnaissent pas par rapport à une ASH, on voit bien qu'ils ne font pas le même travail ». On peut constater qu'elle ne trouve pas la dénomination de leur statut, cohérente, par rapport au travail qu'ils font au quotidien. Comme a pu l'évoquer Larcher (1992), la fonction de brancardier « paraît revêtir une spécificité justifiant la création d'un statut particulier de catégorie C, distinct de celui des A.S.H. (agents de service hospitalier) et des A.S.H. qualifiés, dont le décret statutaire prévoit qu'ils sont, pour les premiers, " chargés des travaux matériels dans les services accueillant les malades " et, pour les seconds, " chargés de l'entretien et de l'hygiène des locaux de soins " » Le DO-E6 met en avant que c'est un métier qui n'est pas bien payé : « les brancardiers ils sont en bas de l'échelle sur le plan des salaires », ce qui est aussi évoqué par le CDS-E8 que l'on sent déçue par ce constat : « ils sont quand même pas payés cher [...]ils sont payés au SMIC et pff enfin c'est dramatique quoi ! »

v Les missions confiées

La mission première des brancardiers que chacun s'accorde à décrire concerne le transport des patients d'un point A à un point B. Ils sont aussi missionnés pour répondre aux demandes des services et entretenir leur matériel. Les tâches décrites correspondent à celles retrouvées dans la fiche métier du répertoire des métiers (Ministère des solidarités et de la santé, 2018). Mais dans la majorité des établissements où nous avons réalisé nos entretiens, les brancardiers transportent les défunts à la chambre mortuaire ; ce n'est pas le cas dans l'E6 qui est un établissement privé et qui fait appel aux pompes funèbres. Il n'y a pas de chambre mortuaire dans cet établissement. En revanche, le CT-E5 et la DSI-E7 précisent que l'information concernant cette mission, est donnée lors du recrutement afin de préparer psychologiquement les candidats. « C'est quelque chose qui est toujours évoqué lors du recrutement » (DSI-E7). Certaines équipes fonctionnent avec un régulateur qui distribue les courses aux brancardiers ; ce fonctionnement on le retrouve dans les grandes équipes (plus de 20 agents). Cela permet d'équilibrer les courses, d'éviter des pas inutiles pour les brancardiers mais pour autant, chaque professionnel interrogé dont l'équipe travaille avec un régulateur, souligne les problèmes de réseaux qui rendent parfois défaillante l'organisation du brancardage, c'est pour cela d'ailleurs que la DSI-E7 nous informe vouloir revenir à l'ancien système avec des DECT. Sur la grande majorité des structures de santé, l'équipe de brancardage fonctionne au sein d'un « pool », c'est-à-dire une équipe à part entière composée exclusivement de brancardiers, mais ce n'est pas le cas de l'organisation de l'équipe du CDS-E8 : « tous les brancardiers de cet établissement sont rattachés à un service. Donc c'est comme une équipe dans un service où il y a les infirmières les aides-soignantes. Ils font partie de l'équipe. [...] c'est pas une équipe qui est externalisée ».

v Un métier qui s'apprend sur le tas

Le métier de brancardier s'apprend sur le tas. Cela nécessite quelques jours de formation afin de connaître les lieux, les organisations et de savoir comment prendre en charge le transport d'un patient. Le CDS-E1 ajoute : « Il y a un fil conducteur qui doit être pour tous à peu près le même [...] pour arriver au même résultat finalement, c'est-à-dire une bonne prise en charge des patients mais la manière de faire diverge un petit peu. On essaie de cibler les personnes

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pédagogues car tout le monde ne l'est pas. On peut être très professionnel, et faire très bien son taf et pas savoir le transmettre donc il faut aussi savoir choisir les personnes qui seront en capacité de transmettre les bonnes informations. Donc ça c'est aussi difficile car les nouveaux ils arrivent ils n'ont pas de formation de base. ». Il est nécessaire que les agents soient formés sur certains éléments notamment en ce qui concerne l'hygiène, les gestes d'urgence et la manutention. Une formation d'une semaine à Paris à l'école Louise Couvet reprend des notions d'hygiène, fait un focus sur les responsabilités, aborde la prise en charge du transport du patient en termes de manutention, de matériel à utiliser et traite le sujet de la prise en charge des défunts. (CDS-E3, CT-E5). « Alors c'est pas une formation diplômante [...] Elle est axée uniquement sur le métier brancardage ». (CT-E5). Le CDS-E8 évoque le fait qu'il est difficile de trouver des formations qui peuvent concerner les brancardiers mais elle explique qu'elle cherche des formations qui peuvent les intéresser : « c'est une formation qui vient d'être proposée et qui leur est très très utile c'est une formation sur tout ce qui est rites et laïcité. Ça leur donne des armes pour patienter quelque fois ou pour répondre aussi, dans la communication. Ils disaient que quelque fois ils allaient chercher des patients qui pouvaient être en train de prier, ils étaient désarmés par rapport à ça. Donc pour savoir qu'est-ce qu'il faut faire ».

Et puis, trois interviewés insistent sur l'importance de l'aspect relationnel de la fonction et des qualités requises pour faire ce métier :

Ø CDS-E1 : « car certes on forme sur le tas [...] voilà je veux dire prendre en charge un patient, communiquer avec lui, c'est pas forcément donné à tout le monde non plus »

Ø DSI-E7 : « il faut d'abord des prérequis, qu'ils aient déjà une approche du patient, donc qu'est-ce qu'un patient à l'hôpital, une approche du transport du patient donc voilà on met un patient dans un lit, comment on l'installe ? comment on le couvre ? de la confidentialité, du respect, du secret professionnel, de la notion de service public donc toute une réflexion autour du métier de brancardier et pas je pousse un lit comme je pousse un chariot avec des palettes dessus »

Ø CDS-E8 : « Parce que finalement ils apprennent sur le tas donc même au niveau relationnel ce n'est pas donné à tout le monde de faire ça »

Cette compétence est identifiée par Le Boterf (2015) comme un savoir-faire relationnel. Mais ce savoir-faire fait aussi appel à ce qu'il nomme les « capacité personnelles » qui permettent à un individu d'agir en situation.

v Un métier d'homme

Cinq encadrants soulignent que leur équipe est essentiellement composée d'hommes, c'est le cas pour CDS-E2, FFCDS-E4, DO-E6, DSI-E7, CDS-E8. Pour les autres, il y a seulement une femme. Les interviewés l'expliquent car c'est un métier physique qui nécessite de pousser des charges lourdes et de beaucoup marcher :

Ø « Les femmes c'était particulier c'est pas trop leur domaine ...et ça les met en difficulté les lits ils font 300 kg donc c'est difficile toute la journée. C'est un métier d'hommes ça c'est sûr » (CDS-E3).

Ø

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« C'est un métier très physique », « Le métier n'est pas fermé aux femmes. J'en ai qu'une, j'aimerai bien en avoir d'autres mais on n'a pas beaucoup de CV » (CT-E5).

Ø « Ça demandait un certain effort physique, ça reste un métier pénible [...] C'est un métier pénible » (DO-E6).

Ø « C'est quand même des gens qui font plus de quatorze-quinze kilomètres par jour qui doivent être à la fois avoir une bonne condition physique, à la fois s'adapter aussi bien à des gens âgés, des gens jeunes, des gens douloureux, agressifs enfin bon il faut beaucoup de compétences pour ça quand même » (CDS-E8).

Ø La DSI-E7 nous communique une raison différente pour expliquer qu'il n'y ait pas d'homme dans son équipe : « J'avoue que je suis assez prudente pour remettre des femmes dans l'équipe parce que là actuellement la pauvre (rire), parce que je crains qu'elle soit la petite main de ces messieurs. Car parfois c'est un peu le bazar ». Donc selon elle, une femme dans une équipe d'hommes serait considérée par ces derniers comme la personne chargée de l'entretien de leur salle de pause, ils auraient donc des représentations au sujet des femmes au sein du brancardage.

Nous pouvons constater que le recrutement au service du brancardage est fait majoritairement avec des hommes, d'une part car le métier attire plus d'hommes que de femmes au vu du peu de candidatures comme le décrit le CT-E5 et d'autre part car la difficulté physique liée au métier entraine le besoin pour certains recruteurs de mettre à ce poste des hommes plutôt que des femmes.

v Un métier mobile

A la notion de métier physique s'ajoute la notion de mobilité que les interviewés décrivent de différentes façons : Pour le CDS-E1 : « ils sont sur tout l'établissement », « dans tous les endroits de l'établissement » (CDS-E2). Pour la CDS-E3, « c'est une équipe mobile ». Pour la CDS-E8, et le CT-E5 : « elle navigue sur tout l'hôpital ». La FFCDS-E4 nous explique que c'est difficile à gérer car « ils ne seront pas à un endroit précis ». Les termes employés sont variés mais ils veulent dire la même chose c'est-à-dire que ce sont des agents mobiles.

Certains mettent en avant que l'avantage de la mobilité permet aux brancardiers d'être en relation avec tous les professionnels de santé de l'établissement. « Eux l'avantage qu'ils ont c'est qu'ils ont des liens avec tous les services. » (CT-E5) « comme tout métier comme ça en transversal, ils ont des relations avec tous les services » (CDS-E2). Dans tous les établissements où nous avons réalisé nos entretiens, les brancardiers sont des agents connus des autres professionnels de santé.

Pour le DO-E6, le fait d'être mobile a l'avantage de développer la capacité à être polyvalent. « Les agents qui sont monodisciplinaires, qui ne font qu'une seule discipline ils s'ennuient. ». Il compare cette activité à celle des infirmières qui font partie d'un pool de remplacement, qui changent souvent de service, ce qui selon lui, les rend plus « épanouies » et « ça leur donne envie d'apprendre, de progresser ». Il affirme que les brancardiers préfèrent changer, et ne pas rester toujours sur les mêmes tâches. Selon la DSI-E7, l'avantage d'aller

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partout comme elle le dit c'est qu'ils connaissent bien l'établissement et, de même que le DO-E6, elle insiste sur cette notion de polyvalence qui permet de faciliter les remplacements en cas d'absentéisme : « On ne s'enferme pas dans du trop dédié et on sait bien que les équipes de brancardiers sont des équipes où il y a un absentéisme assez important donc il faut que chacun puisse tourner sur tous les secteurs, c'est voilà la connaissance de tous les postes ». Ce n'est pas le cas pour la CDS-E8 qui nous indique qu'il y a peu d'absentéisme dans son équipe et selon elle cela est dû au fait que les brancardiers ne soient pas intégrés à un pool. Selon Conjard (cité par l'ARACT, 2017), « lorsqu'un salarié a le sentiment de ne plus être reconnu ou que son travail ne l'est plus, il se trouve en situation de mal-être, d'insatisfaction qui peut se traduire par des plaintes, un retrait, un désengagement, voire par un problème d'absentéisme, de turnover ». Nous pouvons donc penser que si les brancardiers présentent un absentéisme important, c'est peut-être en lien avec leur bien-être au travail.

Tout comme le CT-E5, la CDS-E8 associe la notion de liberté à la notion de mobilité : « donc ils naviguent dans tout l'hôpital [...] ils ont une certaine liberté aussi ».

Nous pouvons constater que la mobilité est perçue comme une dispersion des agents dans l'espace, cependant, elle a l'avantage de développer la polyvalence, de leur laisser une certaine liberté et de créer du lien social.

v Le brancardage : une prestation

Quatre professionnels interrogés évoquent la notion de « service prestataire » ce qui sous-entend que les brancardiers sont dépendants des autres services : « le fait que l'activité ne soit pas prévisible...elle n'est pas lisse sur la journée donc ils ont des moments de creux ». « Le brancardage c'est une prestation, c'est ce que je leur dis toujours ». (CDS-E2). Par prestation, le CDS-E1 entend que les brancardiers répondent à une demande : « on est quand même prestataire de service donc c'est ça aussi que j'essaie de leur faire comprendre, c'est que voilà, on va dire qu'on est à "disposition de" quand même », « c'est un peu le problème des services prestataires [...] où on envoie, on demande et il faut qu'on obtienne en fait. ». Pour la DSI-E7 qui a repris en main le service brancardage « ils sont prestataires de service pour les patients donc on n'est pas loin du soin ». Le CT-E5 ne l'exprime pas directement cependant ses propos signifient la même chose : « c'est un désavantage pour eux c'est qu'on est lié aux services ». Dans un article, le responsable du transport de l'hôpital de Genève (Richard, 2019) qualifie les brancardiers de « fourmis de l'hôpital ». Il compare les brancardiers à des fourmis car ce sont « des insectes qui sont réputés pour leur travail au service de la communauté, tout en restant dans l'ombre ». Ses propos rejoignent ceux de Nagels et Benshimi (2013, Mai) lorsqu'ils soulignent la « part invisible du travail ».

v L'évolution du métier

Certains encadrants évoquent une évolution possible vers d'autres métiers de la santé, ou bien d'autres envisagent le métier différemment. La CDS-E2 nous raconte comment certains brancardiers peuvent évoluer : « Il y en a un qui a tenté de rentrer en école d'aide-soignante ».

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Pour la DSI 7, ce métier n'est pas fait par vocation et la fonction elle-même va évoluer : « Ils ont fait ce job là pour manger avant tout je n'ai pas vraiment de vocation de brancardier ». C'est en cela qu'ils répondent au besoin physiologique évoqué par Maslow dans sa pyramide (Annexe 1). D'après elle, c'est avant tout un métier choisi pour répondre à un besoin physiologique. Le DO-E6 partage l'avis de la DSI-E7 en ce qui concerne les motivations à faire ce métier : « On fait brancardier c'est pas par vocation, je suis sûr que c'est pas par vocation. C'est un peu un métier où on n'a pas le choix, c'est un métier de transition pour faire autre chose, pour aller après vers des métiers de soins, ça n'a jamais été un métier de carrière ». Il a également une vision assez singulière sur l'évolution de ce métier : « si on peut et qu'on a la possibilité de supprimer ce métier ou au moins l'alléger mais le brancardage comme on le voit et comme on le connait aujourd'hui doit disparaitre [...] c'est ce qu'on appelle le « Lean ». Donc c'est une tâche, c'est un gaspillage en fait le brancardage. [...]. C'est ce qu'on appelle le juste à temps ». Nous supposons que les propos de ce professionnel s'expliquent par le fait qu'il manage dans une structure privée qui est spécialisée dans les actes de chirurgie et la patientèle est souvent plus autonome que dans un établissement public.

Nous nous sommes interrogée au sujet des perspectives d'évolution dans l'E8. En effet, il y a plusieurs équipes de brancardiers sur différents secteurs, ils peuvent donc postuler sur un secteur qu'ils ne connaissent pas. Pourtant la CDS-E8 explique : « Ils ont cette opportunité de perspective de changement de service mais ils le font rarement. Alors, soit ils évoluent vers un autre métier [...]. Ça dépend du niveau scolaire qu'ils ont ». Elle l'explique par le fait qu'ils se sentent intégrés au service et ils ne ressentent pas ce besoin de changer, ce qui contredit les propos du DO-E6 précédemment cité dans le paragraphe métier mobile.

Nous avons souhaité faire ce focus sur les brancardiers tant les lectures qui les concernent sont insuffisantes et nous avons essayé de dégager les éléments essentiels qui concernent cette profession. Nous allons maintenant évoquer la notion de collaboration entre les différents professionnels de santé.

3.2.2 La collaboration

Ce métier nécessite une collaboration avec les différents professionnels de l'établissement. Le brancardier va faire le lien entre les différents services. Chacun des professionnels interrogés a mis en avant le fait que de façon générale la collaboration et les relations avec les autres professionnels de santé se passaient bien. Pour autant il existe des petites incompréhensions parfois qui peuvent altérer ces relations. En effet, la méconnaissance du travail de l'Autre entraine des a priori et par conséquent des dysfonctionnements dans les organisations de chacun.

v Favoriser les rencontres

Pour favoriser la collaboration interprofessionnelle, certains encadrants expliquent associer les brancardiers à d'autres professionnels de santé, sur des temps de formation notamment, afin de favoriser les échanges. Selon le CDS-E1 : « on a essayé de coupler avec

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l'imagerie [...] pour essayer de renforcer la cohésion d'équipe, car des fois le manip qui va se retrouver seul et voilà le fait de faire les formations ensemble, ça permet il me semble de créer une cohésion et d'avoir des mêmes bases...je pense que c'est pas mal de les impliquer et en plus on se voit de manière différente en formation, y a pas de ... on va dans le même sens. V a pas de conflit. ». Il ajoute les avoir sollicités pour qu'ils puissent expliquer leurs problématiques aux professionnels de santé d'un service et chacun a pu s'exprimer sur ses attendus; cela leur a permis mutuellement de reconnaitre le travail de chacun.

v Le dépassement de tâches

Cependant à trop vouloir collaborer, les brancardiers peuvent oublier parfois quelles sont leurs responsabilités et où s'arrêtent leurs missions. Ils sont alors confrontés à un dépassement de tâches. Ils le font la plupart du temps pour ne pas déranger les équipes, ou bien parce qu'elles ne sont pas disponibles mais ils engagent leurs propres responsabilités. En effet, manipuler de l'oxygène ou des perfusions n'est pas inclus dans leur champ de compétences. C'est un élément que nous n'avions pas pris en compte dans l'éclairage théorique et pourtant cinq encadrants sur les huit interrogés nous font part de cette information. Nous pouvons cependant nous demander si ce n'est pas ce que Léon (2013) à voulu dire lorsqu'elle traite de l'écart entre travail prescrit et travail réel. « Le glissement de tâches est la réalisation de certains actes médicaux par des acteurs qui n'ont pas la qualification pour les exécuter » (Beltran, 2012).

Le CDS-E2 explique que le dépassement de tâches est courant. « Il y a toujours quelque chose qui reste difficile c'est lorsqu'ils prennent un patient qui est perfusé sous oxygène, ils manipulent ça, alors qu'ils ne devraient pas. Donc on avait bien dit au début, bah non on appelle l'infirmière et elle prépare le patient [...]. On ne va pas dire que c'est problématique car pour l'instant il n'y a pas eu de problème mais ça ne rentre pas dans le cadre de leurs compétences ». La CDS-E3 rencontre également ce genre de problème avec son équipe de brancardiers : « On avait d'autres problématiques aussi avec le branchement de l'oxygène ils ne sont pas habilités à le faire mais ils le faisaient quand même ».

La DSI-E7 a insisté auprès des brancardiers afin d'éviter l'exécution de tâches qui sont en dehors de leur champ de compétences et du fait de sa fonction hiérarchique, elle a également insisté auprès des cadres de proximité en transmettant l'information. « Ils sont parfois sollicités pour dépasser leur champ de compétence alors rebrancher l'oxygène etc etc ça ils savent que c'est formellement interdit. Ils ont pendant très longtemps pas été écoutés à ce niveau là parce que, je pense par méconnaissance, les managers qui les encadraient n'avaient pas cette notion de risques, donc ils l'ont fait ils savent plutôt bien le faire mais il est hors de question qu'il le fasse. Alors je leur ai expliqué le pourquoi, les conséquences que ça pouvait avoir, ils ont très bien compris donc ils ont ce sentiment de soutien et ça se passe bien ». Il est donc essentiel pour elle que ce soit un cadre de santé qui gère cette équipe car il a la connaissance des risques et des responsabilités avec les patients que n'auront pas forcément selon elle, des cadres administratifs ou techniques. Le CT-E5 a abordé ce sujet du dépassement de tâches lorsqu'il explique que les brancardiers sont sollicités « quand il y a une personne agressive. C'est juste une présence masculine, on n'intervient pas ». Il connaissait le travail pour avoir été lui-même brancardier et par ailleurs il est supervisé par une cadre supérieure de santé qui a donc la

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connaissance de l'organisation des soins. Avec sa position d'ancien brancardier, il a la connaissance du travail ce qui lui permet de gérer une équipe comme celle-ci, donc nous pensons qu'un cadre technique peut quand-même gérer un groupe de brancardiers. Il s'intéressera alors à ce qu'ils font au quotidien, se renseignera sur ce qu'ils ont le droit de faire ou non, et approfondira ses propres connaissances sur les fonctionnements des unités. Pour le CDS-E8 : « ils ont quand même beaucoup de responsabilités, je veux dire il y a des choses qu'ils peuvent faire et d'autres qu'ils ne peuvent pas faire ».

v Comprendre le travail de l'Autre

Il est nécessaire que chacun comprenne le travail de l'Autre pour collaborer de façon optimale. C'est ce qu'expliquent les professionnels que nous avons rencontrés. Pour le CDS-E1 : « il faut travailler tout ça donc c'est long, il y a différents acteurs. Il y a du travail de fond à faire en collaboration avec les différents services [...] le problème aussi des services ou ben des fois les patients ne sont pas prêts ils arrivent là-bas ils perdent du temps et donc ça prend du retard sur d'autres courses [...]. Malheureusement on est comme dans tout, acteur-dépendant. Les cadres ils vont répéter 15 fois à leur équipe, mettez les chariots du même côté, pour libérer l'espace pour les brancardiers [...]. Donc c'est ça qui dysfonctionne aussi. Il y a tellement d'intervenants, de possibilité de personnes en fait ». La DSI-E7 explique que parfois les brancardiers doivent emmener plusieurs patients en même temps au plateau technique ce qui ne les rassure pas. Selon elle, ils ont le sentiment que leur responsabilité est engagée: « s'il arrive quelque chose, qu'est-ce qu'on va nous dire parce que finalement c'est nous qui avons déposé le patient et si le patient s'aggrave dans ce laps de temps on va nous dire qu'on n'a pas fait notre travail, qu'on n'a pas prévenu etc... donc ça les met quand même en responsabilité quelque part [...]. On avait beaucoup de fiches d'évènement indésirables par méconnaissance du travail de l'autre et puis des fois pour des détails qui n'avaient pas de sens ». Cela sous-entend que, comme les autres professionnels n'ont pas conscience des inquiétudes des brancardiers et du risque engendré par ces pratiques.

L'avantage d'être mobile comme nous le disions précédemment c'est qu'ils ont des liens avec tous les services. Les relations se passent bien la plupart du temps, et en cas de problèmes il n'est pas rare que les brancardiers gèrent directement avec les autres professionnels. Entretenir de bonnes relations avec les autres professionnels permet de faciliter la collaboration. La CDS-E2 : « Le fait de leur fonction, ils ont quand même une relation avec l'ensemble du personnel et avec l'administration ». « Ils connaissent bien les professionnels des services. Ils collaborent assez bien que ce soit avec le plateau technique ou avec les services [...]. Ils savent bien qu'ils ne peuvent pas être là tout le temps à la minute mais qu'ils font leur possible ». Elle met en avant que « leur travail est bien considéré par les autres professionnels » et que les brancardiers sont parfois sollicités pour aider à l'installation des patients et ils acceptent de le faire. Comme nous l'avons vu dans notre éclairage théorique, selon Couturier et Belzile (2018), collaborer permet de combiner les efforts et donc d'être plus efficace. Par ailleurs, nous notons que cette population de brancardiers, étant donné qu'elle intervient sur beaucoup de services, est connue des autres professionnels de santé. « Comme ils tournent dans tous les services ils sont connus et ils entretiennent des bonnes relations avec les services. Ils collaborent assez facilement du coup, il y a des hauts et des bas ça dépend de chacun bien sûr mais en règle

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générale c'est une équipe qui collabore beaucoup » (CT-E5). Les relations et les échanges que les brancardiers peuvent entretenir avec les différents professionnels de l'établissement favorise la collaboration interprofessionnelle. Selon Dejours (cité par Caillé, 2007), un besoin de reconnaissance non satisfait entraine une démotivation et l'espoir d'être reconnu génère le désir de travailler ensemble.

Parfois, les brancardiers sont submergés de travail et doivent faire face à de multiples appels auxquels ils ne peuvent pas répondre immédiatement. C'est ce qu'explique la FFCDS-E4 : « au bout d'un moment ils me disent bah on ne peut pas se diviser ». Il s'agit là de faire en sorte que les équipes des différents services comprennent également que chacun a ses contraintes. Nous voyons donc que les professionnels des unités font parfois preuve d'impatience à l'égard des brancardiers.

La DSI-E7 confirme que cette collaboration interprofessionnelle est nécessaire et elle précise que cette équipe de brancardiers doit être gérée par un cadre de santé qui connaît les organisations de soins : « c'est vraiment un travail de collaboration, c'est pluriprofessionnel. On a essayé de tisser des liens avec les services de soins pour qu'on arrive à travailler ensemble, et puis ça a fonctionné ». Elle insiste sur la motivation des agents à améliorer la collaboration et que dans son établissement « c'était un moyen aussi de redorer cette image ». Elle ajoute par ailleurs que le cadre doit également connaître le travail de ses collaborateurs et savoir ce qu'il se passe dans les services c'est pour cela qu'il lui « parait indispensable que ce soit un cadre de santé, qui a la connaissance des services de soins, de la façon dont on peut effectivement animer les choses dans le service de soins ». Pour Moszyk (2017), le cadre de santé est la garant de la qualité des soins. Il veille au bon déroulement du parcours du patient. Par conséquent, il s'assure d'accompagner cette collaboration et s'appuie sur sa connaissance du terrain et de ses collaborateurs.

Cette collaboration sera possible si bien évidemment comme nous l'avons dit chacun comprend le travail de l'Autre mais également si chacun se respecte. C'est ce qu'évoque le CDS-E8 : « ils ont quand même à coeur que ça se passe le mieux possible, dans l'ambiance et les relations interprofessionnelles. Donc ça veut dire quand même qu'ils comprennent mais le fait aussi qu'ils soient attachés à un service fait qu'ils savent ce que c'est la vie d'un service avec ses obligations ses problématiques etc.... qu'ils ne voient pas forcément lorsqu'ils sont dans un pool. [...] Mais parce qu'ils connaissent les contraintes et c'est ce qu'ils disent » « Mais oui c'est important après il faut bien sûr aussi que les équipes les respectent ». Chaque acteur ne peut pas travailler dans son coin, chacun travaille pour un objectif commun (Bernoux, 2009) et en milieu hospitalier cet objectif commun c'est la prise en charge du patient

Cette collaboration peut s'avérer compliquée parfois. C'est le cas lorsque les individus se limitent à leurs représentations du métier des autres. Mais ces représentations se retrouvent chez tous les professionnels. Selon Moszyk (2017), le cadre de santé fait changer les représentations en vue d'améliorer la collaboration. Le CDS-E1 explique que parfois les brancardiers sont appelés par les infirmières pour les aider à mobiliser un patient et que lorsqu'ils se rendent dans le service, il arrive qu'ils surprennent les infirmièr(e)s et aides-soignant(e)s en pause et ils ne sont pas contents car ils ont le sentiment de travailler pendant que les autres ne font rien. D'où l'importance pour le cadre de communiquer et d'expliquer aux

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brancardiers :« 10 minutes avant tu ne sais pas ce qu'ils faisaient, peut-être que ça fait 2 heures qu'ils n'ont pas arrêté et qu'ils venaient juste de se poser alors voilà. ». Il mesure la nécessité de faire comprendre aux brancardiers « les difficultés des services, que des fois ils n'ont pas le choix non plus malheureusement, parce qu'il va manquer une validation de médecin...qu'ils n'ont pas non plus toutes les infos et qu'ils ne peuvent pas transmettre non plus certaines choses, donc c'est aussi de faire comprendre que chacun a des difficultés. » Son discours est le même pour les professionnels de santé qui s'impatientent de ne pas voir les brancardiers arriver assez vite « ouais mais il n'y a pas que votre service, il est occupé ailleurs, il se rendra disponible dès que possible, on se dit bah de toute façon il y a les "boy" ils vont le faire ». Nous pouvons constater que les professionnels ont chacun une représentation du métier de l'autre et qu'ils vont porter un jugement sur leurs collègues alors qu'ils n'ont pas la connaissance de leur situation de travail ni du contexte dans laquelle elle se déroule. C'est ce que confirme la CDS-E3 lorsqu'elle dit : « quand on n'a pas vu le travail de l'autre on ne peut pas critiquer on ne peut pas avoir de jugement ». Nous avons vu que Jodelet (citée par Martinez, 2019) considère que les représentations nous permettent d'interpréter la situation dans laquelle nous nous trouvons.

Quant au CT-E5, il nous fait part de certaines incompréhensions de la part des brancardiers, qui font parfois preuve d'un manque de tolérance dans un service où il y a une grande majorité d'infirmières arrivées récemment : « Dans ce service-là vous n'avez que des nouvelles infirmières, laissez-leur le temps d'arriver de s'adapter au service. Après elles font comme tout le monde. Quand on ramène un patient [...] ils doivent prévenir l'IDE ou l'AS et elle doit venir avec le brancardier et voir si tout va bien et donner un coup de main pour réinstaller le patient et dans ce service-là personne ne vient. Eux c'est tout de suite. Là pour le coup ils ne sont pas conciliants ». Le CT-E5 met en avant le fait qu'il faut être tolérant à l'égard des nouveaux et que tout professionnel a besoin d'un temps d'adaptation à la prise de ses nouvelles fonctions. Selon Mannoni (2010), les représentations sociales vont influencer la communication qu'un individu va avoir avec l'autre. Les représentations négatives peuvent se caractériser par des préjugés et stéréotypes (ou idées reçues) et elles risquent de mener les professionnels à être en conflit.

v Communiquer

Pour que cette collaboration se passe au mieux, il est une chose essentielle c'est la communication : d'agent à agent, de cadre à cadre, de cadre à équipe. Communiquer permet d'apaiser les tensions, d'analyser et de comprendre les situations, d'expliquer les difficultés rencontrées. Sept encadrants ont abordé cette notion de communication.

Pour le CDS-E1, il est nécessaire de transmettre aux autres professionnels de santé que lorsque les brancardiers sont appelés et qu'ils arrivent, il faut que le patient soit prêt : « ça aussi ce serait bien de communiquer à l'ensemble des services, des équipes de soins parce qu'ils ne se rendent pas compte de l'impact que ça a, parce que oui c'est que 5 minutes mais 5 minutes multipliées par le nombre de patients ça devient compliqué ». C'est en cela qu'il peut jouer le rôle de porte-parole comme l'a décrit Mintzberg (2006) afin de diffuser cette information. Par ailleurs, il nous explique avoir demandé aux brancardiers de signaler via les FSEI les

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dysfonctionnements qu'ils rencontraient : cela concernait les patients en précautions complémentaires qui n'étaient pas bien identifiés, les difficultés avec les ascenseurs qui se referment trop vite ou qui sont monopolisés par les autres professionnels. Toutes ces difficultés sont remontées à la direction qualité et à la direction des soins, ainsi un groupe de travail a pu être créé. Selon ce cadre de santé, il faudra que l'information soit descendante : « donc des rappels devront être faits par la direction auprès des cadres pour que les cadres fassent auprès de leurs équipes et ainsi de suite ».

Pour le CDS-E2 et le CT-E5, les cadres communiquent entre eux pour discuter autour des dysfonctionnement perçus : « Quand ils ont des problèmes et qu'ils ne peuvent pas les régler ils viennent me voir, et entre cadres on s'appelle » (CDS-E2). « Il faut qu'on arrive à débloquer tout ça. Donc en accord avec les autres cadres des autres services. [...] on va voir pour réfléchir ensemble [...] Le dialogue, le dialogue. On n'a que ça comme moyen. [...] Si je dois me déplacer je me déplace. Je ne suis pas souvent dans mon bureau. Et ça c'est aussi ma cadre sup qui m'a aiguillé là-dessus. [...] Et c'est ce que j'ai dit, je leur dis voilà n'hésitez pas, il y a quelque chose qui ne vous plaît pas on en parle, on m'appelle ». Le CT-E5 explique qu'il est déterminant d'expliquer aux cadres quel est le rôle du brancardier et que les dysfonctionnements ne sont pas toujours causés par eux : « moi j'explique que le brancardier n'est pas le point central de la maison, il faut comprendre qu'on ne peut pas toujours être à la demande de tout ce qu'il y a. Donc ça j'explique aux cadres [...] Et elles après elles transmettent à leurs équipes ». Pour faire connaître le travail de l'Autre, le cadre de proximité a un grand rôle à jouer : il va communiquer auprès de ses pairs qui seront le relai auprès de leurs équipes, comme le décrit Mintzberg (2006), il a un rôle dans la diffusion de l'information. Pour la CDS-E3, le rôle du cadre est essentiel en tant que porte-parole de ces agents « c'est voilà de transmettre son savoir en fait, ce qu'on connait de cette équipe ». Pour la FFCDS-E4, la CDS-E3 et la DSI-E7, la communication se fait auprès des cadres de santé, car il est nécessaire de leur expliquer le travail des brancardiers, car ils seront ensuite le relai auprès de leurs équipes. Communiquer autour des organisations mises en place d'après le FFCDS-E4 permet de réduire les tensions. « Après il peut y avoir des tensions mais sûrement lié à un manque de communication. Je pense déjà en refaisant le tour du site, je pense qu'en ayant l'information que le brancardier est tout seul, peut-être que ça pourrait aider ». Elle explique qu'elle transmettra l'information par mail aux différents cadres car elle pense que les professionnels ne connaissent pas l'organisation au sein du brancardage : « je crois qu'il y en a qui n'ont pas du tout le visu de ce qu'il se passe au niveau de l'organisation sur le site ». Pour Couturier et Belzile (2018), les conflits interprofessionnels sont dus à un manque de compréhension mutuelle en lien avec des comportements, des « valeurs ou des représentations différentes d'un groupe professionnel à un autre ».

La DSI-E7 explique qu'elle transmet les informations sur ses attentes en réunion de cadres. « Le dialogue fait que chacun se met autour de la table, chacun comprend les difficultés de l'autre » « Donc moi je réunis mes cadres de santé tous les mois donc ça fait partie d'un point d'information en leur disant que en aucun cas les brancardiers rebrancheront l'oxygène et qu'ils sont autorisés et surtout invités fortement à refuser de le faire... tout comme ils ont l'obligation de prévenir quand ils ramènent un patient et bien voilà c'est très lié, je ramène Mr ou Mme Untel attention il faut rebrancher l'oxygène. » Elle ajoute qu'elle communique

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facilement avec les cadres « une communication très fluide avec l'encadrement » et qu'elle n'hésite pas à demander aux cadres de proximité d'être attentifs à la collaboration entre les brancardiers et les autres professionnels. Nous voyons bien l'importance de la place de l'encadrant dans la diffusion de l'information. Ainsi, il permettra une meilleure collaboration entre les différents professionnels car les soignants auront la connaissance du champ de compétences des brancardiers.

Donner des explications permet de faciliter les échanges, de diminuer les tensions palpables et de résoudre un problème rapidement. Pour le CDS-E3, il est nécessaire que le brancardier communique avec les différents professionnels auprès desquels il intervient : « en cas de problème ils nous appellent, on demande ce qu'il se passe, on monte dans les services voir ce qu'il s'est passé, on va voir les brancardiers voir ce qu'il s'est passé. Le plus souvent c'était suite à des retards de prise en charge, des patients qui n'avaient pas leurs examens en temps et en heure. » Cette cadre insiste auprès de ses agents pour qu'ils communiquent avec les autres professionnels de santé : « Je pense que c'est [...] la façon dont entre guillemets vous formatez votre équipe. [...] prévenir quand vous arrivez, dire pourquoi vous êtes en retard, exprimer une problématique à la personne à qui vous vous adressez. [...] la communication se fait plus facilement ». « Parce que finalement les soignants attendaient des retours des brancardiers, pas je te dépose un patient et je m'en vais sans prévenir, j'arrive je me présente, même s'ils se connaissent, parce que des fois c'est des nouveaux il y a des étudiants ». C'est ce que Couturier et Belzile (2018) appellent la médiation aussi appelée compétence collaborative, elle s'opère dans un premier temps par une adaptation mutuelle des professionnels qui vont interagir autour d'un objectif commun. Le CDS-E1 ajoute que le travail de communication se fait également avec les brancardiers et il met en avant l'importance de bien communiquer : « c'est aussi dans la communication c'est ce que je leur dis. Si vous arrivez et que vous dites bah j'ai pas le temps (élève le ton) forcément la communication elle ne va pas passer. Vous dites oui là je termine ma course je finis avec le patient et je viens tout de suite. C'est une question de discours et de communication donc à travailler ça... mais dans les deux sens ». Nous constatons que la façon dont les professionnels vont interagir ensemble va impacter la qualité des relations qu'ils vont avoir. Comme nous l'explique Ollivier (2017), la communication implique un émetteur (celui qui transmet un message) et un récepteur (celui qui reçoit le message). Si la qualité du message est mauvaise ou bien si ce message est délivré de façon plutôt vive, sans y mettre les formes, alors la communication entre les deux sera altérée.

Communiquer et apprendre à se connaître permet de comprendre l'Autre. Pour la CDS-E8, les brancardiers ont de nombreuses interactions avec les autres professionnels ce qui leur permet de comprendre leur travail : « Ils échangent beaucoup avec les équipes, ils comprennent leur travail. Ils se connaissent à force. Ici c'est un établissement de taille humaine hein donc toute la journée ils vont dans les services donc ils connaissent les agents que ce soient les infirmières, les aides-soignantes, ils connaissent tout le monde ».

Nous venons de voir quelle est la place du manager pour rendre visible auprès de ses pairs, le travail des brancardiers. Nous mesurons également l'importance d'une bonne communication c'est-à-dire une communication faite sur un ton posé par l'émetteur afin que le message soit transmis correctement au récepteur.

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A présent, nous allons voir comment les managers perçoivent la gestion d'une équipe de brancardiers.

3.2.3 Manager à distance l'équipe des brancardiers

v La vision des encadrants sur ce type de management

Nous l'avons vu dans notre tableau présentant les professionnels interviewés, six parmi eux partagent leur temps de travail entre la gestion de l'équipe des brancardiers et la gestion d'une autre équipe. Une professionnelle a la particularité d'avoir l'équipe des brancardiers intégrée à l'autre équipe fixe qu'elle gère. Par équipe fixe, nous entendons une équipe qui effectue ses missions au sein d'un service. Seuls la CDS-E3 et le CT-E5 qui ont plus de quarante agents, gèrent uniquement cette équipe ; leur bureau se trouve à proximité du local des brancardiers ainsi que pour la CDS-E8, ce qui n'est pas le cas pour les autres professionnels.

Les professionnels qui ont la particularité de s'occuper de deux secteurs constatent des différences dans la gestion de leurs équipes : Pour le CDS-E1, la difficulté c'est de pouvoir communiquer avec les agents, le cadre sera alors parfois à la recherche d'un agent s'il a quelque chose à lui dire : « pour communiquer, pour voir comment ça se déroule, c'est beaucoup plus simple d'avoir une équipe fixe que dispersée donc [...] ça demande d'être toujours en mouvement pour essayer de voir les gens ». Il peut également y avoir une perte d'instantanéité au niveau de la communication. « Là s'il y a un problème dans un service [...] ils vont redescendre pour informer et du coup on perd la communication directe sur l'instant T donc c'est ça un peu la difficulté [...] ». Ses propos rejoignent ceux d'Ollivier (2017) lorsqu'il met en avant que la communication est une des difficultés liées à la distance. Pour la FFCDS-E4, nous pouvons constater qu'elle voit une différence entre le management d'une équipe fixe et celui d'une équipe mobile et qu'elle mesure la complexité d'avoir à gérer deux équipes avec des fonctionnements différents : « C'est vraiment une gestion à part et c'est compliqué quand on a à gérer et l'équipe soignante et l'équipe des brancardiers car ce ne sont pas les mêmes problématiques ». Pour la CDS-E2, ce qui rend ce management compliqué, c'est de ne pas toujours savoir où les agents se trouvent. Manager une équipe mobile s'apparente à la notion de management à distance et Ollivier (2017) ajoute que la distance géographique n'est pas forcément en lien avec la distance kilométrique. Nous constatons que pour ces encadrants la mobilité de cette équipe est une difficulté car comme l'explique l'un d'entre eux, elle peut être un frein à la communication car la distance entraine une perte de spontanéité dans l'échange.

C'est pour cela que, selon deux encadrants interrogés, ce type de management considéré comme étant à distance nécessite l'utilisation d'outils de communication. La CDS-E2 nous explique qu'elle met « des petits mots sur le tableau. On communique un minimum quand même, par mail aussi », et pour la FFCDS-E4 : « un management pas vraiment à distance parce qu'ils sont en bas et moi au 2ème donc on est quand même sur le même site. Mais c'est pas un management comme là où je suis à coté et c'est au bout du couloir. [...] sauf que si que si je descends ils sont dans les couloirs à transporter les patients donc c'est beaucoup par téléphone et quand ils peuvent ils passent dans mon bureau. Mais ça vient plus d'eux finalement parce

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que moi si je descends je ne vais pas forcément les voir ». Pour Léon (2008), ces outils de communication rendent possibles « la dématérialisation et l'immédiateté des échanges » et cela permet de garder une proximité même à distance. Même si selon la FFCDS-E4, ce n'est pas du management à distance, ses propos nous amènent pourtant à penser que manager une équipe dispersée correspond à un management à distance. Mais elle compare ce management avec celui de l'autre équipe qu'elle gère et pour elle, manager des agents mobiles n'a rien d'avantageux, car elle ne peut pas les rencontrer autant qu'elle le souhaiterait. Léon (2013) souligne que le style de management adopté par le cadre dans une gestion à distance est déterminant et elle met en avant le fait que les outils de communication permettent aujourd'hui d'avoir un contrôle « rapproché » de l'activité même à distance.

Ce management oblige à repenser la position et la posture du manager ainsi que ses méthodes de travail et cela demande au cadre une remise en cause de ses habitudes de fonctionnement. (Ollivier, 2017). C'est ce que nous confirme le CDS-E1 car selon lui ce type de management nécessite de se remettre en question car il y a des méthodes qui vont fonctionner avec une équipe fixe qui ne fonctionneront pas forcément avec une équipe à distance : « Des fois je veux faire passer des infos bah ça passe pas, [...] et je vais essayer de savoir comment transmettre de manière différente. On essaie toujours de se remettre en question pour améliorer les choses derrière ».

Pour certains encadrants, ce management implique de donner des responsabilités à des agents. C'est le cas pour la DSI-E7 qui a plusieurs responsabilités, c'est un management « A distance ». Elle le fait en attendant de mettre un cadre de proximité sur le poste. Elle va s'appuyer sur le régulateur, positionné en tant que faisant-fonction responsable, qui est en proximité avec l'équipe et qui peut gérer des petits dysfonctionnements. Néanmoins, elle supervise cette gestion et précise bien aux brancardiers que leur supérieur hiérarchique c'est elle et elle assoit bien son autorité auprès de cette équipe. Cela nous renvoie au système d'autorité de Bernoux (2009) parce qu'elle donne des directives à l'équipe: « Les décisions c'est moi qui les prends y compris pour les recrutements ». Pour Ollivier (2017), les enjeux du management sont caractérisés par la prise en compte des individualités et la décentralisation des responsabilités. Selon lui, le fait de déléguer permet au collaborateur de développer des compétences, de maintenir un niveau de motivation mais cela permet aussi au manager de se dégager du temps.

Par ailleurs, les managers à distance insistent sur la nécessité de respecter les règles de fonctionnement. C'est le cas pour deux encadrants interrogés. « J'ai pas deux discours. Ou bien vous faites partie d'une équipe qu'il faut redorer parce qu'effectivement j'ai trop entendu de dysfonctionnements sur le brancardage, je compte sur vous pour la redorer, pour être à l'image d'un professionnel digne de ce nom ou bien vous n'avez pas votre place au brancardage » (DSI-E7). Nous voyons bien dans ses propos qu'il est capital pour elle que les brancardiers ne sortent pas du cadre et qu'ils suivent une ligne de conduite. La CDS-E3 confirme qu'« il y a des règles à respecter ». Ce que nous venons d'aborder nous renvoie à ce qu'évoque Crozier (cité par Guérin, 2018) au sujet d'une organisation formelle mais aussi informelle puisque selon la DSI-E7 les dysfonctionnements au sein du brancardage sont parfois liés à une transgression des règles.

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Le cadre CT-E5 qui a une expérience dans le brancardage, a une proximité avec son équipe : une proximité « physique » d'une part car son bureau se situe juste à côté du local des brancardiers et d'autre part une proximité que l'on pourrait caractériser d'« expérientielle » car son parcours professionnel dans ce domaine lui permet de comprendre certaines situations mais aussi de recentrer le travail dans l'intérêt du patient lorsque les comportements dévient. « C'est pas parce que c'est un métier sans diplôme qu'il faut faire n'importe quoi on a des patients...et j'insiste et j'insiste le patient en haut et nous après. Ça c'est mon discours. C'est normal. J'ai vu les deux côtés ». Il insiste sur la finalité de leur travail c'est-à-dire la prise en charge du patient et lorsque les brancardiers sont en pause, le CT-E5 n'hésite pas à leur faire comprendre que la priorité est donnée au patient c'est ce que nous comprenons lorsqu'il nous fait part des réactions de ses agents : « je viens d'en faire cinq ! et il y en a un sixième après tu prendras ta pause fais-moi celui-là, toi t'es pas malade, toi tu peux attendre pas le patient. La pause elle peut attendre, la cigarette le café il peut attendre, t'es pas à un quart d'heure près ».

Le DO-E6 nous explique comment il voit son management c'est-à-dire autour de trois notions essentielles : « moi il y a trois choses que je dois mettre en avant auprès de mes équipes et de ma direction c'est ok l'efficience mais la qualité de vie au travail et surtout la qualité des soins. Donc c'est le tripode pour moi, pour un management exemplaire » Selon lui, ces 3 notions sont indissociables. Il ajoute par ailleurs qu'il faut adapter son style de management, qu'il faut utiliser tous les types de management et ne pas se limiter à une seule façon de faire :« Aujourd'hui on parle de management participatif, etc... mais je pense qu'il n'y a pas un style qui est meilleur que l'autre. Donc participatif voilà on va dire qu'on laisse faire, qu'on n'assume pas, directif ça ne marche pas, délégatif on délègue mais si c'est trop ça ne va pas. Donc il faut trouver, il faut essayer de prendre un peu de tout ».

Enfin, la CDS-E8 gère deux équipes mais elle a la particularité d'avoir son équipe de brancardiers intégrée à l'équipe de l'imagerie. Sur cet établissement, il y a une équipe de brancardiers postée aux urgences, une au bloc opératoire et une sur le pôle médecine. Elle explique : « on fonctionne toutes différemment » donc chaque cadre gère son équipe de brancardiers à sa façon selon elle. Elle nous indique que les brancardiers travaillent à distance ; pourtant ces propos paraissent en contradiction lorsqu'elle aborde le type de management qui selon elle serait :« un management de proximité ». Elle nous explique que les brancardiers travaillent au sein du service imagerie c'est pour cela que selon elle, elle fait du management de proximité car son bureau se trouve dans le service et les brancardiers font partie de cette unité ; ce ne serait pas le cas selon elle s'ils étaient intégrés à un pool de brancardage « quand on est dans un pool on peut avoir un management de proximité si on s'occupe que du pool mais le cadre lui-même est aussi dans une autre posture que quand on est attaché à un service. On est plus sur une prestation. Alors que moi je ne suis pas dans une prestation je suis vraiment dans du management, ils font partie de l'équipe à part entière ». D'après ce que nous comprenons, elle pense que manager les brancardiers dans un pool correspondrait à un management de proximité, seulement si le cadre ne s'occupe que de cette équipe. Or, pour la CDS-E3 qui avait uniquement cette équipe en gestion, le fait que cette équipe soit dispersée était parfois difficile à gérer car d'une part pour elle, : « L'inconvénient c'est qu'ils sont trop dispersés, parce qu'avec 50 personnes ou même 20 agents par jour on a du mal à savoir où

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est-ce qu'ils sont ». D'après elle, cela peut être source de conflits au sein même de l'équipe quand les collègues ne savent pas non plus où se trouve l'un d'entre eux.

v Les rencontres avec les agents

Ø Le formel

Les temps de rencontre avec les brancardiers s'organisent tant nous avons vu la complexité pour parvenir à les voir. Ces temps peuvent être soit collectifs soit individuels.

Le plus souvent les encadrants programment des réunions afin de mobiliser et de donner des informations à un maximum d'agents. C'est le cas de tous les professionnels interrogés sauf la FFCDS-E4. En poste depuis six mois, c'est une vraie difficulté pour elle d'organiser une réunion avec l'équipe « Là je vois pour une réunion ça fait deux fois qu'on recule la date car il y des impératifs qui se mettent au dernier moment ». Il semblerait que le fait d'avoir une très petite équipe ajoute une difficulté « Pour les avoir tous ensemble en plus c'est pareil c'est hyper complexe, du coup ils sont trois en tant qu'agents et du coup deux vont être pris sur leur lieu de travail donc le troisième est-ce qu'il peut revenir ? donc il faut que celui en repos revienne sur le lieu de travail, et ceux qui travaillent je ne peux pas les monopoliser pendant deux heures ». En revanche pour ceux qui réussissent à en planifier, c'est l'occasion de faire passer des messages mais également d'avoir des retours de la part de l'équipe, de discuter avec l'équipe autour d'« informations montantes et descendantes » comme l'évoque la DSI-E7. Pour le CDS-E1, cela permet « de faire des retours aussi sur des questions posées ». Par ailleurs, celui-ci insiste sur la notion de durée, et selon lui, il ne faut pas que ces réunions durent trop longtemps, pour ne pas monopoliser les agents infiniment. Cet avis est partagé par le CT-E5 : « je fais un staff avec toute l'équipe et on prend généralement 30-45 minutes pour parler tous ensemble. Moi je leur dis tout ce qui est à corriger tout ce qui ne va pas et eux aussi me font des retours ». Pour le CDS-E1, « 45 minutes maximum. Il y en a toujours deux qui restent pour répondre aux urgences et autre. La difficulté c'est de réunir l'équipe toute ensemble quand il y a des demandes un peu partout ». Selon lui, à partir du moment où une grande majorité de l'équipe a reçu l'information, il compte sur les agents pour transmettre l'information à leurs collègues, et notamment à leurs collègues de nuit qui se déplacent peu pour les réunions et que le cadre ne voit pas beaucoup : « je leur demande de passer le relai à leurs collègues aussi quoi. A partir du moment où il y a 80% de l'équipe qui l'a entendu... je pense qu'ils peuvent aussi communiquer entre eux et transmettre l'information ». Pour la CDS-E3, organiser des réunions n'est pas une difficulté, elle en organise tous les mois, elle en profite à ce moment-là « pour parler des problématiques, des nouvelles procédures, un problème qu'il y a eu, des ...retours des fiches indésirables. » « Je les préviens 15 jours à l'avance, je leur donne un ordre du jour. Ils ont le temps de travailler sur l'ordre du jour, ou de se réunir entre eux pour me faire part des problématiques ou des mécontentements ». La CDS-E8 profite de ce moment pour leur faire part de la façon dont ils sont perçus dans les services. Pour le DO-E6, « il y a des choses formalisées, réunions, conseils de bloc, réunion de service, réunion d'organisation par rapport au secteur brancardage ». La DSI-E7 souligne l'importance de pouvoir réunir l'équipe afin que chacun puisse avoir « le même niveau d'information ». Pourtant, selon Léon (2013), les « relations formelles ne sont pas le monopole du management à distance ».

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La CDS-E2 met en évidence la nécessité qu'ils aient un local suffisamment grand pour faciliter les échanges et elle ajoute qu'elle partage son bureau avec une autre cadre ce qui peut entrainer des réticences à parler de la part des agents. « C'est pareil je partage mon bureau avec ma collègue. Donc ça c'est important qu'ils aient un nouveau local déjà pour qu'ils aient une vraie salle de pause et puis pour qu'on puisse se réunir toute l'équipe ».

La DSI-E7 leur propose de prendre rendez-vous ce qui permet à l'agent de se sentir écouté. Le DO-E6 ajoute « Après moi je suis très très proche d'eux, je les reçois régulièrement ».

Ø L'informel

Pour autant, même avec une équipe dispersée, il est possible d'avoir des temps d'échanges informels.

Deux professionnels décrivent ces échanges comme « des entrevues entre deux portes » (DO-E6) (CDS-E1). Le CDS-E1 précise qu'il lui arrive d'échanger dans un couloir lorsque l'information n'est pas confidentielle. La CDS-E8 nous indique que ces temps informels peuvent se faire sous « des formats temps café ». Pour Ollivier (2017), ces temps d'échanges permettent de cerner l'ambiance au sein du groupe et de connaître les attentes des collaborateurs.

C'est une chose que le CDS-E1 apprécie : « j'aime bien faire aussi de l'informel » La CDS-E2, qui regrette de ne pas avoir souvent de temps de rencontre officiels car il n'y a pas de lieu approprié pour se réunir (le local étant trop exigu), opte parfois pour ces temps d'échanges imprévus. « Moi quand je veux les voir, je sors je regarde bon est-ce qu'ils sont à la cafétéria, s'il y a des choses que je peux leur dire je leur dis devant tout le monde si ce n'est pas confidentiel, sinon je vais voir s'ils sont dans leur local. Sinon tout à l'heure c'était dans un couloir ». D'après Ollivier (2017), « c'est bien la qualité de la communication informelle qui fait progresser la communication formelle et non l'inverse »

v Autonomie et confiance

Pour certains encadrants, le fait que les agents soient mobiles et qu'ils soient managés à distance les amènent à être autonomes. Mais avant de pouvoir acquérir cette autonomie, il faudra instaurer une relation de confiance.

Ø La relation de confiance

Quatre managers évoquent la nécessité d'instaurer une relation de confiance. Cette confiance s'acquiert par la connaissance de son équipe comme l'explique le CDS-E3 et selon la DSI-E7 elle est mutuelle. Pour Ollivier (2017), la confiance est capitale et doit être réciproque pour qu'un management à distance fonctionne. Pour le CDS-E2 cette relation de confiance passe par une autonomie des agents pour communiquer auprès des services sur ce qu'ils font tous les jours et ce même si elle a la connaissance de leur travail, cela permet de faciliter les échanges avec les différents professionnels.

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Pour le CDS-E3 et le CT-E5, la relation de confiance s'instaure également avec les agents si on est authentique, qu'on ose parler de son parcours, et que l'on comprend leur travail « Ils savent que j'ai commencé brancardier, ils savent que j'ai travaillé à l'amphi » (CT-E5).

Ø L'Autonomie

Cinq encadrants abordent le sujet de l'autonomie de cette équipe mais les raisons citées divergent.

Pour la CDS-E3, les agents qui avaient eu un parcours scolaire dans le domaine de la santé « se posaient souvent la question de savoir pourquoi le patient était dans tel état donc ils vont regarder puis selon la pathologie ils peuvent refuser ou pas de prendre en charge le patient. Ça leur laisse une marge d'autonomie ». Ils consultent alors le dossier informatisé du patient avant de prendre en charge un transport, pour s'assurer du matériel adéquat et prendre toutes les précautions nécessaires lors de l'installation du patient. Le cadre de santé leur laisse donc cette marge d'autonomie dans leurs organisations, certains consultent les dossiers et d'autres pas mais ils ont le choix. Nous aurions pu approfondir davantage cet élément de réponse concernant le refus de prise en charge car nous ne pensons pas que ce soit ce qu'elle ait voulu dire. Nous pensons que la prise en compte de l'état de santé du patient par les brancardiers leur permet de communiquer avec les autres professionnels afin d'assurer une meilleure prise en charge du patient.

La DSI-E7 confirme que, du fait d'avoir beaucoup de responsabilités et d'avoir à les gérer à distance, elle attend de ses agents « qu'ils puissent avoir une certaine autonomie en étant malgré tout encadré » afin qu'ils n'aient pas le « sentiment d'être un peu laissé en électron libre ». Selon elle, il faut qu'ils s'organisent ; bien évidemment elle reste attentive à ce qu'il se passe et elle a des retours du régulateur avec lequel elle fait des points hebdomadaires. Les propos du CT-E5 concordent avec ceux de la DSI-E7 lorsqu'il dit :« Ils sont assez libres de leur travail », « évidemment comme ils sont autonomes, ils se débrouillent eux-mêmes. Ils s'organisent quand même. » « L'avantage c'est que quand c'est bien coordonné, ils peuvent gérer leurs patients, arrêter un peu... prendre une pause et repartir ». D'après Ollivier (2015), dans un contexte de management à distance les agents sont autonomes mais chacun devra savoir où est sa place.

Pour le CDS-E1, il est nécessaire que les brancardiers soient autonomes dans le but de prendre les bonnes décisions en ce qui concerne le transport des défunts car dans cet établissement sont réalisés des prélèvements de cornée. Mais le cadre donne la priorité aux vivants donc ça responsabilise les brancardiers d'avoir à prioriser les demandes. D'après Léon (2013), le manager laisse de l'autonomie dans la prise de décision et se limite à « donner un cap, une direction à suivre ».

La vision de la CDS-E2 au sujet de l'autonomie des brancardiers ne concerne pas leurs organisations dans le travail mais plutôt la gestion de leur planning où elle leur laisse la liberté de planifier les astreintes.

D'après Léon (2013), la gestion à distance nécessite un équilibre entre autonomie et contrôle. Et c'est ce que met en avant la DSI-E7 lorsqu'elle précise que c'est bien de leur laisser de l'autonomie mais il faut que ce soit encadré.

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L'évaluation

Une des difficultés dans le management à distance est l'évaluation. En effet, la gestion de cette équipe nécessite l'utilisation d'outils pour les équipes ne fonctionnant pas avec un logiciel de distribution des courses. Certains brancardiers vont alors tracer leurs courses sur un document en papier. Ces outils permettent d'évaluer la charge de travail des agents et certains encadrants se basent également sur les retours de leurs collègues, l'implication des agents, et d'autres vont également les suivre.

Ø Fixer des objectifs

La prise en compte des objectifs fixés l'année passée est également déterminante pour voir si les agents ont tout mis en oeuvre pour s'investir dans leurs missions et permet de mesurer leur implication dans la vie du service. C'est ce que nous explique la CDS-E2 : « je les évalue par rapport aux objectifs fixés l'année précédente. Des objectifs en lien avec leurs missions. Je vois s'ils peuvent participer aux réunions. S'ils ont fait des choses, pas qui sortaient de leur cadre de travail mais savoir s'ils se sont investis ». Le CDS-E1 met en avant cette notion d'implication « Moi je vais regarder aussi comment ils s'impliquent, on demande des groupes de travail, donc est-ce qu'ils sont volontaires ou pas, est-ce qu'ils veulent s'impliquer ». Pour Léon (2013), le management par objectifs est fondamental dans un management à distance car il permet de définir les objectifs à atteindre, de mettre en avant l'implication et de faire des retours sur les tâches accomplies.

Ø La prise en compte des satisfactions et des mécontentements

Pour évaluer les agents, les encadrants prennent aussi en compte les FSEI, qui sont un indicateur permettant de pointer les dysfonctionnements. C'est le cas pour cinq encadrants (CDS-E1, CDS-E3, CT-E5, DSI-E7 et DO-E6). On a aussi les fiches d'évènements indésirables quand il y a des choses qui ne vont pas donc qui sont collectées et qui me sont adressées. Et à chaque fois, je les analyse, soit donc c'est un rappel à l'ordre ou voilà un recadrage ou soit c'est grave ou c'est dans le cadre d'un CREX où là donc on essaie de trouver tous les verrous qui ont sauté pour comprendre que le brancardier se retrouve dans cette situation, peut-être que c'est l'organisation qui est défaillante c'est pas le brancardier en question » (DO-E6). Selon Belzile et Couturier (2018), en cas de défaillance dans la collaboration interprofessionnelle, la faute risque d'être attribuée à une seule personne alors que ces défaillances sont le résultat d'une organisation de travail. Quatre encadrants vont prendre en compte les retours de leurs pairs. « J'ai aussi des retours des autres cadres » (CT-E5), c'est le cas également pour le CDS-E1 et la CDS-E8 qui sollicitent également leurs collègues. La DSI-E7 explique qu'elle a « un collectif cadre qui est très observateur [...] très attentif et qui me font des retours ». Le DO-E6 obtient des informations auprès de ses collaborateurs : « il y a les équipes qui sont au quotidien avec les brancardiers qui me remontent des informations, des dysfonctionnements ». Et puis le DO-E6 ajoute qu'un indicateur à prendre en compte pour évaluer la prise en charge des usagers « c'est les retours des patients aussi, sur les questionnaires de satisfaction des patients ».

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L'observation

Contrôler pour évaluer c'est possible mais ça nécessite de s'organiser. Selon le DO-E6, la manière de rester le plus objectif possible va être de suivre les agents afin de bien les connaître et savoir comment ils travaillent. Il ajoute que le cadre peut avoir de la sympathie pour ses agents mais il faut garder une distance professionnelle :« C'est normal on a des affinités, c'est humain. Mais il faut pas que ça déborde sur le rationnel. Il faut enlever ces sentiments pour que ce soit objectif ».

Pour le CDS-E1 :« Le souci de l'équipe dispersée c'est que même si on se dit qu'on va pouvoir les suivre dans les étages, on va pouvoir en suivre un à la fois ». [...] parce que c'est toujours pareil, quand on va essayer de les suivre ça va toujours bien se passer en général ils ne vont pas faire d'écart, c'est toujours comme ça de toute façon, quand on est présent on va être à l'heure. ». Ses propos sous-entendent le fait que les agents ne se comportent pas de la même façon quand le cadre est présent, l'observation peut alors être faussée. Evaluer les brancardiers, nécessite de prendre en compte également leur efficacité et de contrôler leur travail. Le CT-E5 nous explique que grâce au logiciel il peut connaître le nombre de transports réalisés en temps réel : « Quand je clique sur le nom j'ai le nombre de courses qu'ils ont fait. Après on peut évidemment prendre ça comme une surveillance mais on est obligé ». La CDS-E3 qui gérait uniquement cette équipe nous éclaire sur sa façon de procéder et nous évoque le fait qu'il est nécessaire d'observer pour connaître les agents et leur façon de travailler : « Donc ma façon d'évaluer leurs compétences, bah je les ai suivis tout simplement [...] par période. » « C'est ma façon d'avoir un oeil sur eux ». Selon elle, il est essentiel de savoir comment travaillent ses agents et pour cela il n'y a pas d'autres solutions que de s'intéresser à ce qu'ils font. « Pour manager une équipe, il faut la connaitre enfin moi je pars de ce principe, il faut la connaitre il faut être derrière elle, pas pour la juger l'observer, non c'est vraiment être derrière elle pour voir ce qu'elle fait. ». Le CT-E5 partage ce point de vue : Il faut vraiment être avec eux. Pour les évaluer, je les suis simplement. ». Sur conseil de sa cadre supérieure, il allait observer les agents directement dans leurs missions. « C'est comme ça que j'ai des informations, que je me rends compte de certaines choses ». Comme le décrit Ollivier (2017), et comme nous l'a indiqué le CDS-E3, « le manager à distance doit disposer plus que tout autre d'une vision claire du développement de son équipe et de sa capacité à se mouvoir dans un environnement complexe ». La CDS-E8 observe également leur façon de travailler tant sur le savoir-faire que sur le savoir-être : « Alors je les vois agir quand je les croise avec les patients je vois à peu près quand même quelle approche ils ont avec les patients, je vois si les patients sont couverts, si on respecte leur intimité la pudeur, je vois comment ils parlent au patient ». Pour la DSI-E7, il est question de vérifier l'assiduité des agents, et cela passe par l'évaluation des retards « la ponctualité car ça c'est un vrai problème au niveau du brancardage, « ici c'est très simple nous pointons » « le régulateur fait aussi très bien son travail donc il est en capacité de me dire untel arrive en retard régulièrement ». C'est le cas également pour le CDS-E1 « j'essaie d'être présent sur les heures d'arrivées pour voir s'il y a des retards ».

Ø La traçabilité

Les professionnels utilisent les outils de travail comme indicateurs. « De toute façon on voyait ceux qui travaillaient puisqu'on avait les feuilles de traçabilité puis je vérifiais que le

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nom correspondait bien à ce que ...par exemple, est-ce que les patients étaient bien réels ? Je vérifiais la véracité des informations en fait. Il m'arrivait de prendre des feuilles au hasard et de regarder si c'était vraiment tel et tel patient. Il m'est arrivé d'avoir des doutes ». Le DO-E6 et le CT-E5 se servent aussi d'outils pour évaluer la charge de travail de leurs agents et ils mettent en avant la notion d'équité. « J'ai mis en place une feuille. Aujourd'hui ils notent leurs transports. On arrive à voir leur charge de travail. Vous savez quand il y a une équité entre les gens, ça marche. Il faut juste être équitable. Le seul moyen de réussir c'est d'être équitable. » (DO-E6). Ses propos sont appuyés par ceux du CT-E5 : « A nous de faire attention qu'il n'y en ait pas qui fasse 15 patients en 1heure pendant qu'il y en a qui n'en font que deux. Ce qui est bien aussi c'est qu'avec le logiciel je peux voir où ils en sont, et ceux de l'imagerie je peux leur attribuer la course s'ils mettent trop de temps ».

Pour terminer, nous allons aborder la qualité de vie au travail des brancardiers vue par les professionnels interviewés.

3.2.4 La qualité de vie au travail des brancardiers

Parler de la qualité de vie au travail apparaît essentiel dans la vision qu'ont les professionnels interrogés de la fonction de brancardier.

v Les attentes des brancardiers selon les encadrants

Les personnes interviewées nous font part des retours des agents en ce qui concerne leur perception du travail et de leur place dans l'institution. Selon le CDS-E1, le CDS-E3, et le CT-E5 les agents soulignent le fait de ne pas être entendus lorsqu'ils disent : « oui mais ça fait 10 ans que c'est comme ça, ça bouge pas » « ils sont demandeurs qu'on règle certains problèmes »(CDS-E1), le CT-E5 ajoute que si les agents ne souhaitent plus participer à des réunions c'est aussi à cause de ça, car leur avis n'est pas pris en compte « vous ne nous écoutez pas. Vous faites comme vous voulez ». Selon Cayatte (2009), donner des signes de reconnaissance suppose de comprendre les attentes des agents pour s'y adapter.

Pour le CDS-E3, c'est une population qui se sent parfois peu considérée : « les pauvres, ils se sont souvent sentis délaissés ». Elle nous fait part des retours des brancardiers : « tout le monde s'en fout de nous ». Elle nous raconte que les agents lui font remarquer que ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas de diplôme, qu'ils ne sont pas infirmiers ni aides-soignants qu'ils sont « débiles » pour autant. Ces agents se sentent parfois inférieurs parce que les autres professionnels leur renvoient des jugements négatifs « de toute façon toi t'es que brancardier ». D'après Becker (2015), le « salarié a besoin d'un effet miroir qui lui confirme qu'il existe au sein de l'entreprise ». Par ailleurs, le CDS-E1 nous explique que les agents peuvent avoir des inquiétudes par manque d'informations et notamment en ce qui concerne les patients en précautions complémentaires et il était alors important pour lui de remettre à jour leur connaissance sur le sujet et qu'ils soient informés par les équipes. Selon lui, ils n'ont pas la reconnaissance des autres professionnels de santé qui les considèrent parfois comme des « boy » c'est-à-dire comme la « petite-main ». Dejours et Gernet (2009) mentionnent que certaines

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professions sont plus considérées que d'autres, c'est ce que nous constatons au travers des propos recueillis auprès des CDS-E3 et CDS-E1. Pour le FFCDS-E4 les brancardiers de l'établissement « sont en souffrance mais de par l'organisation », car ils sont en sous-effectif une journée par semaine et les sollicitations et incompréhensions des autres professionnels ont un impact sur leur bien-être au travail. Elle ajoute qu'« ils ont l'impression que ce qu'ils font n'est pas connu encore moins reconnu des équipes mais par manque d'informations je pense ».

Pour le CT-E5, les brancardiers ont besoin d'entendre du cadre qu'il reconnait leur travail, qu'il reconnait leurs efforts. Pour autant, c'est quelque chose que lui-même ne comprend pas, il a du mal à cerner pourquoi les agents ont besoin de cela. Il a été lui aussi brancardier, il connait donc le travail mais il explique « Je n'arrive pas à comprendre pourquoi ils ont besoin de ça. J'arrive pas à analyser. Même si j'ai travaillé au brancardage on ne travaillait pas de la même manière ». La reconnaissance de l'effort est une notion citée par Brun (2002).

Pour la DSI-E7 et le CDS-E8, ces agents manifestent un besoin d'appartenance à une équipe, et que cette équipe « a besoin d'un chef à sa tête » (DSI-E7). Le CDS-E8 s'exprime sur leur sentiment d'appartenance et cette notion, elle va l'utiliser quatre fois, ce qui montre que c'est quelque chose qu'elle estime essentielle pour eux. Elle explique que les brancardiers ont l'impression d'appartenir à une équipe. Ils ne veulent pas faire partie d'un pool de brancardage car ils ne veulent pas être des « pions » qu'on déplace. Le CT-E5 s'exprime à ce sujet en faisant référence à sa propre expérience. Son point de vue se rapproche de celui de la CDS-E8 lorsqu'il dit : « moi je ne travaillais pas en pool. On était affecté à un service. On était partie intégrante du service donc on était... moi je trouvais ça bien. Je pense qu'on était intégré différemment ».

Selon une enquête réalisée en 2017 par l'Agence Régionale pour l'Amélioration des Conditions de Travail. (ARACT), les notions associées à celle de la reconnaissance pour les salariés sont le salaire, les primes, l'appartenance à un groupe, le fait d'avoir des responsabilités, de se sentir utile et d'être respecté.

v Les conditions de travail

Nous allons voir à présent que leurs conditions de travail ne sont pas toujours facilitées.

Ø Les dysfonctionnements au quotidien

Pour le CDS-E1, le CT-E5, et la DSI-E7, les problèmes de réseaux informatiques sont néfastes à leurs organisations, et engendrent des pas inutiles de la part des brancardiers. « Dans leur quotidien c'est pénible et ça les ralentit » (CDS-E1). Ces dysfonctionnements peuvent entrainer des conflits : soit au sein de l'équipe, car le brancardier ne va pas être complaisant envers le régulateur à cause d'une demande de transport envoyée trop tard alors qu'il se trouvait à proximité ; soit avec les autres services car ces problèmes de réseaux entrainent des retards de prise en charge. Pour la DSI-E7, il est essentiel que les services se coordonnent car elle explique qu'un service demande à faire descendre tous les patients au même moment, ce qui dérange les brancardiers qui ont une conscience professionnelle et qui sont ennuyés de laisser les patients dans le couloir sans surveillance : « finalement on les met en danger ». Par ailleurs, le CDS-E1 met en avant que parfois les brancardiers prennent du retard et l'expliquent en disant

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« on a encore été là-bas et le patient n'était pas prêt », ce qui perturbe les organisations du brancardage mais aussi celles des unités où le patient est attendu. La FFCDS-E4 nous évoque la notion « d'interruption des tâches » lorsqu'ils brancardent, ils reçoivent des appels pour faire une autre course. Par ailleurs elle explique qu'ils doivent aller à la recherche d'informations : « ils doivent courir après l'infirmière c'est de l'assis c'est de l'allongé, il y a de l'appui pas d'appui, les bons ne sont pas remplis par les médecins, au niveau identitovigilance on y est pas du tout ; donc ce genre de dysfonctionnement par exemple ».

Ø Les espaces de travail

Les brancardiers travaillent sur les espaces de travail des autres professionnels et doivent s'adapter à l'environnement qu'ils rencontrent lorsqu'ils vont chercher les patients dans les services ; « dans les couloirs on ne peut jamais passer avec les lits » (CDS-E1). Ils interviennent sur un espace de travail étendu qui correspond au territoire de l'usager (Couturier & Belzile, 2018).

L'ensemble des professionnels interrogés soulignent l'importance que les brancardiers aient un local qui leur est propre, où ils peuvent patienter en attendant les courses. Le CDS-E1, la CDS-E2 et le CT-E5 expliquent que leur local a été ou va être amélioré pour qu'ils aient un lieu propre et confortable : le CT-E5 a fait repeindre la pièce et a fait installer des fauteuils relaxants, le CDS-E1 a fait mettre une télévision et le CDS-E2 va faire agrandir leur local.

Ce espace, même s'ils n'y sont pas toute la journée, leur permet d'avoir un endroit à eux, où ils peuvent se ressourcer et faire une pause et il est aussi un lieu de rencontre entre les agents et le cadre de santé.

Ø Le manque de considération

La DSI-E7 est claire sur le sujet ; selon elle, les managers qui ont été affectés sur ce service, au temps de la direction précédente, étaient ceux « dont on ne savait que faire ». Cette équipe a souffert d'un « sentiment d'abandon » « ils ont morflé ». Elle utilise des mots forts pour décrire que ce manque d'intérêt de la part des anciens encadrants a eu un impact sur leur bien-être au travail. D'après Becker (2015), donner des signes de reconnaissance serait source de motivation, d'épanouissement et de bien-être. Nous voyons ici qu'à l'inverse manquer de reconnaissance à un effet néfaste sur le bien-être au travail. Selon Nunge et Mortera (1998) , l'absence de signes de reconnaissance est signe de souffrance physique et psychologique. La DSI-E7 ajoute que le brancardier est parfois considéré comme « la cinquième roue du carrosse dans l'institution ». Elle l'explique en indiquant que la faute est souvent rejetée sur eux notamment en ce qui concerne les retards de prise en charge. « C'est pas une équipe qui a une reconnaissance de la part des équipes soignantes ». Le DO-E6 s'exprime sur le manque de considération lorsqu'il dit que « les brancardiers malheureusement, avant c'était le dernier de la chaine » ; il ajoute que depuis qu'il les gère il les sollicite aux réunions, il les intègre aux repas avec les médecins. Nous comprenons qu'avant qu'il les gère, ils étaient moins reconnus par l'institution.

Ø

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Prendre en compte les difficultés du métier et faciliter le quotidien

Pour le DO-E6, ce métier est plus fait pour les hommes que pour les femmes. Il explique avoir déjà eu une femme dans l'équipe mais cela a été très difficile pour elle sur le plan physique et elle n'était pas épanouie dans son travail. Pour lui, on ne peut pas laisser quelqu'un en souffrance. Le CDS-E1 insiste sur le fait qu'il y a des formations permettant d'« améliorer leurs conditions de travail car du coup ils vont être formés à la manutention de port de charge donc forcément en ayant une meilleure posture, on va avoir une meilleure qualité de travail, puisque du coup ils vont moins se fatiguer, ils vont moins se faire mal ». Pour la CDS-E3, ils ont besoin que le manager ne soit pas trop rigide « Il faut un peu plus de souplesse, parce que c'est un métier difficile donc ils ont aussi besoin de ça. »

Les encadrants des établissements E1, E2, E5 expliquent que les brancardiers ont à leur disposition un appareil leur permettant de faciliter le transport des patients en lit. Mais le CT-E5 ajoute qu'ils l'utilisent peu. Cet appareil permet le transport du lit à un seul brancardier. Or, s'ils l'utilisent peu c'est qu'ils veulent conserver aussi cette possibilité de faire le transport en binôme.

La CDS-E2 et la DSI-E7 ajoutent que leur parc de fauteuils ou de brancards a été renouvelé ce qui améliore leur travail au quotidien. La DSI-E7 précise que les fauteuils ont un système d'attache comme les caddies, afin de réunir les fauteuils à un même endroit et d'éviter que d'autres personnes les utilisent ; pourtant les brancardiers n'attachent pas toujours les fauteuils et donc « ils se pénalisent eux-mêmes » comme elle dit. Pour la CDS-E2, ils ont mis en place avec le service informatique la possibilité d'imprimer le planning journalier avec les examens et consultations déjà prévus ce qui leur permet d'avoir un aperçu de leur charge de travail même si d'autres courses se rajoutent dans la journée.

La DSI-E7 souligne l'importance de prendre en compte les « moyens humains » ; selon elle, cela est déterminant pour maintenir des conditions de travail convenables, en respectant les maquettages organisationnels. C'est sa priorité première, elle précise qu'elle « ne rechigne pas sur des modalités de remplacement quand il y a besoin ». Comme la DSI-E7, la CDS-E8 fait référence à des moyens matériels, il est nécessaire pour les deux encadrants que les brancardiers travaillent avec du matériel en bon état et pour cela la CDS-E8 n'hésite pas à appeler ses collègues « quand il y a des lits qui fonctionnent mal dans les services ».

Pour améliorer la qualité de vie au travail, l'établissement E2 propose les jeudis du bien-être avec soit des séances de massage soit des séances de sophrologie ouvertes à tout le personnel. Le DO-E6 précise que les brancardiers ne travaillent pas les week-ends, ni les nuits et selon lui c'est un « avantage considérable ».

Nous voyons que sept encadrants s'expriment sur le sujet et nous expliquent que des moyens sont mis en place dans leurs établissements ce qui suppose que les difficultés de ces agents sont réellement prises en compte.

v 67

La culture du donnant-donnant

Selon trois encadrants, pour qu'un agent soit bien au travail, il faut un peu de souplesse, les trois utilisent le terme du « donnant-donnant ». « Aujourd'hui c'est comme ça il faut donner pour recevoir il faut savoir donner un peu de mou pour que le jour où on a besoin pour la réorganisation qu'il y ait un rendu aussi. Il faut que ça marche dans les deux sens. » (CDS-E1). Pour le DO-E6, accorder du temps au personnel quand l'activité le permet n'est pas déraisonnable, car selon lui le personnel le rend bien et le jour où la charge de travail va être plus importante, les brancardiers vont travailler un peu plus longtemps que prévu. Selon lui, cette culture de donner pour recevoir fonctionne. Par ailleurs, il met en avant que ce sont des êtres humains et que le manager doit « être flexible dans l'organisation. Le cadre c'est bien mais il faut l'adapter essayer de réajuster tout le temps car si on reste figé dans un cadre on n'avance pas ». Pour la CDS-E8, cette façon de les manager fait qu'ils se sentent reconnus. Mais l'ANACT (2018) considère qu'« il ne faut pas rabattre la question de la reconnaissance au jeu du « donnant-donnant » : reconnaître la personne, son travail, et les conditions de sa réalisation ne se ramène pas à une mesure de contribution-rétribution.

v La prise en compte de leur avis

Tous les professionnels s'accordent à dire qu'ils sollicitent les agents pour qu'ils puissent donner leur avis, que ce soient dans des réunions institutionnelles ou dans des groupes de travail. Impliquer les agents permet de les valoriser. C'est ce que pense la CDS-E3 qui explique qu'« entendre leurs demandes, travailler avec eux, c'est valorisant ». La CDS-E8 confirme ces propos ; selon elle, cette implication leur permet de se sentir « importants dans la prise en charge du patient, ils se disent : on est un maillon de la chaine quoi ». Quant à la DSI-E7, elle ajoute que pour cette équipe qui a été en souffrance « ils ne peuvent être que partant quand on les initie aux projets ». D'après Dejours et Gernet (2009), le fait d'être reconnu par l'Autre permet de donner du sens au travail. Le DO-E6 va plus loin et explique que ça leur permet d'échanger avec des personnes qui sont « en haut de l'échelle » (il parle des médecins et de la direction) et selon lui « ça facilite leur quotidien ».

Le CDS-E1 leur propose de participer à des groupes de travail, il leur laisse le choix mais précise « vous faites valoir votre voix » « c'est de les impliquer, de leur faire dire ce que eux ils attendent aussi ». Celui-ci insiste sur le fait qu'il a besoin des brancardiers pour signaler les dysfonctionnements « sans vous, moi je ne peux pas travailler », c'est également leur montrer leur valeur leur faire comprendre que leur voix à de l'importance. Pour le DO-E6 c'est leur permettre de parler de leurs difficultés et puis d'après lui « c'est bien s'ils peuvent proposer des choses. Après ils peuvent que adhérer ». Le CDS-E1 ajoute qu'il est fondamental qu'ils s'impliquent pour faire évoluer les organisations de travail et éviter qu'ils ne soient « pas forcément satisfaits du résultat » mais participer leur permet également de savoir ce qui a été dit. La CDS-E2 partage cet avis en ce qui concerne les organisations de travail et elle précise :« on les associe à notre réflexion ». Pour le CDS-E2, il s'agit de les impliquer également dans le choix de matériel, de leur demander leur avis car pour elle « ce sont eux les utilisateurs ». Pour la FFCDS-E4, il s'agit de la faire participer à l'élaboration de documents et notamment en ce qui la concerne, la fiche de poste, cela afin de valoriser leur travail et leurs

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missions dans l'établissement. Nous avons vu que selon Becker (2015), l'implication des agents dans l'action, pour co-construire en équipe, permet de les reconnaitre comme étant capables de le faire.

Pour la CDS-E3et la CDS-E8, ça leur permet de faire autre chose, « ça les sortaient un peu de leur quotidien ». C'est impulser une « dynamique positive » ce qui favorise la motivation car sinon, selon elle, le travail est « rébarbatif ». Cet avis est partagé par le DO-E6, qui ajoute « tout ça c'est donner du sens à ce qu'ils font et les impliquer dans autre chose ». D'après la CDS-E2 et la CDS-E8, nommer des référents dans différents domaines est également un moyen de les impliquer et de leur donner des responsabilités. Selon l'ANACT (2018), impliquer l'agent correspond à l'étape de récompense du processus de reconnaissance et permet de renforcer l'estime de soi, l'engagement et le sentiment d'appartenance à une équipe.

v La reconnaissance des encadrants vis-à-vis de la fonction

Ø Les reconnaitre en tant que professionnels

Le CDS-E1 s'exprime sur le manque de reconnaissance de leur statut ; d'après lui, cette profession n'est pas reconnue d'une part parce qu'il n'y a pas de diplôme et d'autre part parce qu'« il n'y a pas de grille » ; lorsqu'il dit cela il traite de la grille salariale et du statut qu'ils ont. La CDS-E2 explique qu'ils sont considérés dans l'institution où elle travaille, « c'est des professionnels comme les professionnels de santé qui sont considérés, ils ne sont pas juste considérés comme des brancardiers que ce soit par moi mais surtout par leur collègues ».

Pour le CDS-E3, le DO-E6 et la CDS-E8, les brancardiers ont un grand rôle à jouer dans la prise en charge du patient. Pour le CDS-E3, il s'agit de « leur faire comprendre [...] que justement, c'est quand même le maillon de l'hôpital. S'il n'y a pas de brancardage qui va pousser les patients ?». Pour le DO-E6, le brancardier est « un pilier »,« brancardier c'est un métier et il a sa place et c'est un maillon de toute la chaine du soin et il faut voilà le considérer comme un élément important dans la prise en charge de nos patients », et « s'il veut vraiment gripper une organisation bah il la grippe » donc selon lui, le brancardier peut faire dysfonctionner une organisation entière car en prenant du retard dans la prise en charge des patients, il y aura du retard dans l'activité des autres services ; cet avis est partagé par la CDS-E8. Selon Benshimi et Nagels (2013), le brancardier « dépend de l'organisation des autres mais son travail se répercute sur l'organisation entière ». Par ailleurs nous pouvons constater que le DO-E6 a un discours un peu ambivalent car comme nous l'avons précédemment mentionné, selon lui cette fonction est amenée à disparaitre. Pourtant, il met en avant que le « brancardage reste quand même une mission très importante », il ajoute qu'« il faudrait au moins faire l'effort de communiquer avec cette population de brancardiers et on n'avancera pas tant que on n'a pas réussi à les intégrer dans les organisations, il faut pas les extraire, il faut qu'ils soient là, c'est la réalité ». La CDS-E8 exprime sa considération pour cette fonction, elle utilise des mots forts pour les caractériser et le mot important revient trois fois « très importants dans les services » « un maillon important dans l'hôpital » « c'est un rouage vraiment important dans le service », la DSI-E7 confirme ces propos : « un hôpital sans brancardier ça ne fonctionne pas, ça ils le savent ». Comme nous avons pu l'aborder dans l'éclairage théorique, selon Becker

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(2015), l'individu a besoin de se sentir utile, valorisé et considéré pour être épanoui dans son travail et maintenir sa motivation.

Nous pouvons constater que les encadrants ont de l'estime pour cette équipe et qu'ils reconnaissent sa valeur au sein de l'institution.

Ø Les écouter et s'intéresser à eux

Pour l'ensemble des professionnels interrogés, il est primordial de se rendre disponible et d'être à leur écoute.

« Là le fait [...] qu'on traite leur demande sur les difficultés qu'ils rencontrent, c'est la reconnaissance en fait je pense. Si on arrive à travailler dessus et à améliorer les choses, je pense que là ils seront dans cette reconnaissance... enfin je pense » (CDS-E1). Le CDS-E2 explique qu'il y a eu un audit sur les flux dans l'établissement et « eux ils étaient là pour renseigner la personne. Ils ont eu l'impression qu'on s'intéressait à leur travail ».

Pour le CT-E5, c'est aussi leur montrer qu'on leur consacre du temps, et pour cela, cet encadrant commence par aller les voir dès son arrivée sur son lieu de travail. « Ils savent que c'est d'abord eux ». Cet avis est partagé par la CDS-E8.

La FFCDS-E4 considère que cette profession manque de valorisation et selon elle, leur montrer de la considération c'est « être à l'écoute de leurs demandes... essayer de comprendre un peu leurs difficultés ».

Pour le DO-E6, il faut prendre en considération la singularité de l'agent et ne pas oublier que l'on est face à des humains : « Si on a cette faculté d'avoir de l'empathie vis-à-vis, donc voilà sans être complice, on demande pas à un manager d'être complice, mais au moins d'avoir de l'empathie donc comprendre la personne qui est en face, bah nous ça nous arrive aussi. Il faut accepter que la personne qui est en face notre collaborateur même si on est son supérieur hiérarchique que parfois il est pas bien ». Il met en avant cette valeur professionnelle qu'est l'empathie, mais avoir de l'empathie ne signifie pas sympathiser mais plutôt comprendre que les agents sont des humains avant tout. Comme nous l'avons précédemment mentionné, l'ANACT (2018) considère l'identification comme une étape du processus de reconnaissance. Selon elle, il s'agit de prendre en considération la singularité et la dignité de la personne afin d'apporter des signes de reconnaissance individualisés sans pour autant la favoriser.

Ø Leur permettre de se former, les faire évoluer

Six cadres évoquent la nécessité de faire participer les brancardiers à des formations.

« Moi je trouve qu'on peut les valoriser aussi en leur faisant faire des formations même si elles ne sont pas qualifiantes c'est important pour eux » (CDS-E2). La DSI-E7, du fait de son grade, nous explique qu'elle permet aux brancardiers d'accéder à des formations qui ne leur étaient pas proposées jusqu'à présent : « j'ouvre un maximum de formation pour eux, même s'ils ne sont pas soignants ». Quant au CDS-E8, il n'existe pas suffisamment d'opportunités de formation : « je sais que j'ai beaucoup eu de difficultés à trouver des formations qui les intéresse et tout ça. C'est un public auquel on ne pense pas assez je trouve ».

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Certains encadrants expliquent même les avoir aidés à préparer un concours que ce soit ASHQ, aide-soignant ou infirmier. C'est le cas des CDS-E3 et CDS-E8 qui considèrent que c'est valorisant pour eux d'évoluer. Et la CDS-E8 ajoute que c'est du rôle du cadre de faire évoluer les agents qui ont des capacités « c'est le regard de quelqu'un, sentir que quelqu'un a des compétences et leur demander s'ils veulent évoluer, c'est savoir quelque fois se priver de certains professionnels parce que on sait qu'ils ont du potentiel ». Elle ajoute que le fait qu'« ils travaillent plus à distance, ça n'empêche pas [...] de faire la même chose en termes de professionnalisation ».

Les CT-E5 et DO-E6 ont un discours similaire lorsqu'ils disent que c'est un métier difficile, « fatigant et usant » (CT-E5) et que par conséquent on ne le fait pas toute sa vie, « c'est une étape » (DO-E6) et c'est pour cela qu'ils insistent et qu'ils les encouragent à faire autre chose.

Permettre aux agents d'évoluer, de se former fait partie selon l'ANACT (2018), de l'étape de la récompense du processus de reconnaissance.

Ø Les remercier, les valoriser et le leur dire

Pour l'ensemble des encadrants, il faut savoir dire à un agent quand ça ne va pas mais il faut également lui dire quand ça va, quand ce qu'il fait c'est bien.

Pour deux établissements, il existe une valorisation financière : le CT-E5 explique que la formation à l'école Louise Couvet « c'est une formation qui valorise parce qu'après cette formation ils ont des points supplémentaires sur leur salaire » et ajoute qu'une prime d'intéressement est distribuée en fonction de la productivité (nombre de courses effectuées) de l'absentéisme et des retards, nous pouvons donc penser que c'est un levier de motivation pour les agents ; le DO-E6 lui, nous indique qu'une mission supplémentaire est confiée aux brancardiers, il s'agit d'une mission de sécurité incendie pour laquelle ils sont tous formés et qui leur apporte une compensation financière, c'est ce qu'il appelle la valorisation « extrinsèque ». La CDS-E8, même s'il n'y a pas de valorisation financière dans la structure où elle travaille, nous indique que dès qu'il s'agit de faire des heures supplémentaires dans un autre service pour combler un absentéisme, elle les sollicite et ils apprécient que la cadre de santé pense à eux et leur permette d'augmenter leur salaire ; elle ajoute par ailleurs que « c'est pas le salaire qui les valorise, ni leur statut ».

Il y a aussi la valorisation ,comme le dit le DO-E6, « intrinsèque » qui n'a pas de valeur financière mais elle est plus personnelle, c'est une valorisation de personne à personne , elle peut être soit individuelle ou collective. Ce qui lui paraît essentiel, c'est « que la personne sente que y a quand même un regard de l'autre qu'on apprécie ce qu'ils font, qu'ils sont sensibles à ce qu'ils font, qu'on respecte ce qu'ils font et ça ça a un impact sur la qualité de vie au travail », c'est porter un regard sur eux et leur dire qu'ils font bien leur travail, la CDS-E3, le CT-E5 et la DSI-E7 partagent ce point de vue et « ça leur faisait du bien, ça leur faisait plaisir » (CDS-E3).

Pour le CT-E5, c'est parler d'eux en bien lorsqu'il est en réunion, et il valorise aussi de façon individuelle, il encourage. Selon lui, « il faut leur dire la petite phrase qui va leur

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permettre de bien démarrer la journée car ça les encourage, ça les motive en tout cas pour certains ».

Certains encadrants soulignent l'importance de leur dire qu'ils sont des agents indispensables dans l'institution et la CDS-E3 en est convaincue « il faut leur dire qu'ils font du bon boulot qu'ils sont importants dans une équipe, qu'ils font partie de la chaine, que ce n'est pas que des brancardiers il n'y pas de sous métier, vous n'êtes pas inférieurs...vous faites partie de...en tout cas de l'équipe soignante ». « On a besoin de vous » explique le DO-E6 lorsqu'il parle des brancardiers. Ce dernier est convaincu qu'il faut valoriser leur travail « On essaie de leur dire et de leur faire comprendre que y a pas de sous-métier, ça reste un métier [...] moi je leur dis quand il y a pas de brancardier moi je suis très embêté, ça leur fait plaisir d'entendre ça » et tout comme le pense également la DSI-E7, les remercier pour ce qu'ils font « qu'est-ce que ça coute de leur dire merci »(DO-E6). La reconnaissance c'est « s'arrêter 5 minutes, leur demander comment ils vont, voilà leur donner une poignée de main enfin c'est du basique hein mais bon, savoir leur dire je vous remercie, j'ai su qu'hier il y avait une grosse activité vraiment voilà vous avez assuré c'est bien je vous remercie » (DSI-E7). Par ailleurs pour la DSI-E7, valoriser leur travail, c'est leur faire des retours sur la diminution des FSEI, leur faire remarquer qu'ils ont fait des efforts en ce qui concerne l'absentéisme et les informer des bons retours des autres professionnels de santé. « L'info est redescendue car c'est indispensable qu'ils aient des retours positifs et pas que voilà c'est de leur faute ».

La CDS-E8, tout comme nous l'avons vu avec le DO-E6, aborde la notion de respect pour parler de reconnaissance. Elle décrit que son rôle en tant que cadre « C'est les respecter en tant que personne », c'est apprendre à les connaître aussi et « qu'ils se sentent pas une roue, c'est qu'ils se sentent pas à part » « C'est les défendre » et c'est reconnaître leurs valeurs « C'est des gens qui ont de la valeur, des valeurs personnelles et professionnelles ». Selon elle, l'association de toutes ces petites actions fait que les brancardiers se sentent valorisés. La cadre de santé nous fait part d'un article écrit sur les brancardiers de l'établissement dont le titre est très parlant « avec les indispensables brancardiers ». Cet article était un signe de reconnaissance pour leur métier et la CDS-E8 évoque qu'ils ont relevé le défi de parler de leur métier avec brio en ajoutant « ce sont des gens qui s'adaptent à toutes situations, à des publics différents enfin moi je trouve qu'ils ont des capacités d'adaptation importantes ». Cette cadre n'hésite pas à féliciter ses agents et leur dire qu'elle est fière de ce qu'ils font.

Et puis pour les CDS-E8 et le DO-E6, les reconnaître c'est aussi de les intégrer au sein de l'équipe, et pour le DO-E6 c'est tisser des liens à l'extérieur en organisant des repas avec toute l'équipe. C'est selon lui « un management de fidélisation, d'approche plus humaine ». Il explique qu'il défend les intérêts de cette équipe auprès de la direction « si vous voulez qu'ils soient productifs, il faut qu'ils soient heureux dans ce qu'ils font. Moi je pense qu'avec ma petite expérience, c'est l'essentiel ». Ses propos nous renvoient à ceux de Bormans (2012) : « des salariés heureux [...] fournissent un travail de plus grande qualité, commettent moins d'erreurs et sont plus productifs et plus dévoués ».

Dejours (cité par Caillé, 2007) explique que lorsque la qualité du travail individuel est reconnue alors l'individu aura la possibilité d'appartenir à un groupe. Par ailleurs, d'après Becker (2015) « reconnaître une personne lui permet de se reconnaître ».

v

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Le ressenti des encadrants

Certains encadrants expriment leur ressenti sur la gestion de cette équipe et sur le plaisir qu'ils ont eu à gérer les brancardiers.

Trois encadrants indiquent que les brancardiers sont une équipe facile à manager : « j'ai moins de difficultés avec eux qu'avec certains professionnels de santé » (DSI-E7). Pour deux cadres, cela s'explique car ce sont des hommes. « Enfin je trouve que les hommes c'est assez facile à manager, ils ne font pas d'histoires à la limite. Mais y a pas de coup derrière » (CDS-E8). Pour la CDS-E3 manager une équipe d'hommes est un avantage « on va pas se mentir c'est des hommes [...] l'équipe a été plus facile à manager. [...] parce qu'un homme vous allez lui dire les choses il va vous dire les choses et le lendemain il aura oublié, voilà il va passer à autre chose et le boulot va se faire ». Donc nous comprenons que les hommes ont la capacité de ne pas rester sur leur position, ils ne cherchent pas les complications ce qui facilite le management de cette équipe selon ces trois encadrants. Pour gérer cette équipe, certains encadrants estiment qu'il faut savoir être parfois moins rigide : pour le CDS-E3, « le positionnement du cadre y joue aussi, tout dépend comment vous êtes.si vous êtes dans l'écoute etc...oui ça passe. Si vous êtes trop directive [...] Avec les brancardiers si c'est trop carré, on n'a pas de retour ». La DSI-E7 partage ce point de vue lorsqu'elle dit « je pense que c'est ça il faut qu'ils aient un chef vraiment reconnu comme tel mais il faut savoir les manager car si vous les braquez c'est mort si vous êtes trop laxiste alors là ils font ce qu'ils veulent ». Le DO-E6 nous explique que pour que le management de cette équipe fonctionne il faut « de la rigueur de l'équité » et prendre en compte « l'humain c'est important ».

La CDS-E3 mentionne :« c'est l'équipe la plus intéressante pour l'instant que j'ai eu à gérer ». Selon elle lorsqu'on pense hôpital, on pense aux professionnels de santé tels que les médecins, infirmières et aides-soignantes, « mais on ne pense pas aux autres métiers ». Elle termine en nous faisant savoir qu'elle a « un regard différent sur les brancardiers » et elle explique qu'elle fait comprendre aux équipes soignantes « que ce n'est pas un métier facile et que ce sont des gars qui sont de bonne volonté ». Pour la DSI-E7, « Moi je dis toujours que c'est la meilleure équipe que j'ai encadrée, c'est avec eux que j'ai eu le sentiment d'avoir le mieux travaillé, d'avoir fait de très belles choses » « C'est des équipes chouettes hein globalement ». Ces cadres expliquent leur plaisir à gérer cette équipe. Le DO-E6 montre un certain attachement lorsqu'il exprime le besoin de les protéger et montre qu'il porte une attention particulière à leur égard, comme s'ils étaient des êtres fragiles : « pour pouvoir préserver les équipes un métier quand même pas facile et donc le fait que je me rends disponible pour eux, c'est un petit peu... je les protège et ils se sentent en sécurité ». Par ailleurs, lorsque le CT-E5 parle de l'équipe qu'il gère, nous pouvons penser que lui aussi y est attaché et qu'il a de l'estime pour elle : « J'ai quand même une très bonne équipe » (il va le dire deux fois) ; « je suis satisfait d'eux » « Mais dans l'ensemble je suis assez fière de mon équipe, je le dis ».

La CDS-E8 s'inquiète quant au devenir de cette équipe car elle pense que les brancardiers vont être réunis au sein d'un pool. Elle pense que s'ils sont regroupés dans un pool, ils n'auront plus l'identification à un service. Elle a le sentiment que cette équipe n'est pas assez valorisée et elle nous le dit deux fois « c'est une équipe qui mérite d'être plus valorisée ».

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Au travers des propos recueillis auprès de ces professionnels, nous notons que cette équipe a toute la reconnaissance de leur supérieur hiérarchique et qu'elle procure chez les encadrants un certain attachement et la volonté de leur faciliter le quotidien.

3.2.5 Synthèse de l'analyse

Nous venons de voir que le brancardier a un statut particulier, celui d'ASHQ qui ne correspond en rien avec les missions qu'il réalise au quotidien.

Nous pouvons constater que les encadrants de ces équipes ont conscience que c'est un métier difficile, avec un statut qui ne correspond pas à leurs missions, qui nécessite d'avoir une bonne condition physique et qu'il est majoritairement effectué par des hommes. Ce métier laisse une certaine liberté aux agents ; en naviguant sur les différents secteurs de l'hôpital, ils créent des liens avec les autres professionnels de santé et ont l'avantage d'être polyvalents lorsqu'ils ne sont pas sectorisés ou « trop dédiés » (DSI-E7). Cependant, il semblerait que le fait d'être rattaché à un service renforcerait leur sentiment d'appartenance à une équipe.

Les brancardiers peuvent évoluer vers d'autres métiers de la santé s'ils le souhaitent. Selon certains encadrants, ce métier n'est pas fait par vocation, les agents font ce métier car ils n'ont pas le choix et qu'il leur permet répondre à des besoins physiologiques.

En outre, le service de brancardage est considéré comme un prestataire de service, qui doit répondre à la demande d'autres professionnels de santé. Afin de garantir une prestation de qualité, les brancardiers auront à collaborer avec les différents services. Cette collaboration permettra aux brancardiers d'être reconnus par les autres professionnels.

Nous avons pu voir qu'il était fondamental de collaborer pour que les relations se passent au mieux. La collaboration interprofessionnelle est indispensable dans un établissement de santé. Dans une organisation, chaque acteur analyse les opportunités et les limites dans une situation de travail et y voit ses propres intérêts. Collaborer nécessite de comprendre le travail de l'Autre, ceci pour limiter les représentations de chacun qui mènent parfois à des tensions, et éviter les dépassements de tâches qui incombent aux brancardiers.

Aussi, pour une qualité des soins optimales, la communication est primordiale. Comme l'indiquait la DSI-E7, il est nécessaire que le cadre de santé du brancardage sache ce qu'il se passe dans les services. Savoir communiquer devient alors une compétence primordiale pour optimiser la collaboration interprofessionnelle.

Le cadre a un rôle à jouer dans la diffusion de l'information. Il va informer ses pairs pour favoriser cette collaboration avec les différents services, il va être le porte-parole de cette équipe afin de faire connaître leurs contraintes, les difficultés qu'ils rencontrent auprès des services prestataires.

Par ailleurs, manager une équipe de brancardier peut être qualifié de management à distance dans la mesure où les agents sont séparés de l'encadrant par des portes, des couloirs. Manager une équipe fixe et une équipe dispersée sont deux choses différentes. Cela nécessite

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une remise en question comme nous l'a précisé le CDS-E1 car les façons de travailler avec une équipe fixe ne s'adapteront pas toujours à une équipe mobile.

Pour autant, certains professionnels s'accordent à dire que la communication est impactée par cette distance. Donc certains encadrants misent sur des temps d'échanges formels mais aussi informels. Pour certains encadrants, trouver des temps de rencontre peut paraitre difficile dans la mesure où il est compliqué de réunir l'équipe en même temps et que les agents sont dispersés.

Le management à distance sous-entend de laisser de l'autonomie à ses agents et par conséquent de leur faire confiance mais sans oublier de donner la direction et de garder le contrôle. En outre, dans un contexte de management à distance, le cadre de santé utilisera certains moyens pour évaluer les agents : nous avons vu que cette évaluation peut se faire en fixant des objectifs à atteindre, au moyen d'observations, de prise en compte des satisfactions et insatisfactions et les retours des collègues, des collaborateurs, des usagers. Nous avons pu voir également que pour contrôler l'activité à distance, des outils peuvent être nécessaires. Le cadre de santé pourra alors s'appuyer sur des feuilles de traçabilité de transport ou sur l'enregistrement des courses sur un logiciel par exemple.

Enfin, nous avons pu constater qu'améliorer la qualité de vie au travail des brancardiers passe par la prise en compte de leurs attentes, de leur avis dans les décisions qui peuvent être prises. Il est essentiel de les solliciter pour participer à des groupes de travail ou à des réunions. C'est un moyen pour qu'ils se sentent considérés. Ce métier physique dont le statut ne correspond en rien à ce qu'ils font au quotidien a besoin de reconnaissance de la part de la hiérarchie, mais aussi des autres professionnels. Ils ne veulent pas être considérés comme de simples pions mais comme des individus en capacité de réfléchir. Le cadre de santé va être le pivot qui va permettre d'améliorer leurs conditions de travail en faisant en sorte que les brancardiers travaillent avec du matériel en bon état. Il valorise leur travail de façon individuelle ou collective, se rend disponible, à leur écoute et rend visible leur travail auprès des autres cadres de santé. Le cadre reconnaît leur travail en leur donnant des responsabilités, en leur permettant de se former et d'évoluer au sein de l'institution. Pour terminer, nous avons pu observer que certains cadres montrent de la sympathie voire de l'attachement à cette équipe, allant jusqu'à vouloir les protéger. Cette équipe le plus souvent composée d'hommes est une équipe dite « facile à manager » selon certains professionnels interrogés, car ces agents ne sont pas rancuniers. Les managers ajoutent que les brancardiers méritent d'être davantage valorisés. Nous terminerons par le constat fait par la CDS-E3 qui considère que son regard sur eux a changé depuis qu'elle a pris en charge cette équipe. Il semblerait que cette expérience au brancardage permette de porter un autre regard sur cette profession parfois mal considérée par les autres professionnels de santé.

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4. La confrontation aux hypothèses

A présent, nous allons recentrer notre travail de recherche sur notre questionnement de départ.

Notre question de recherche était la suivante :

Dans un contexte de management à distance, dans quelle mesure le cadre de santé peut-il valoriser les savoir-faire des brancardiers dans un établissement de santé ?

Pour répondre à ce questionnement, nous avions formulé trois hypothèses pour tenter de guider notre travail de recherche.

1- Dans un contexte de management à distance, la reconnaissance des savoir-faire des brancardiers est favorisée lors d'échanges individuels et collectifs avec le cadre de santé.

Nous avons pu constater qu'au travers des entretiens que nous avons réalisés, le cadre en poste sur le service du brancardage reconnaît leur travail et leurs efforts. Il nous apparait déterminant pour le cadre, de maintenir des échanges avec cette équipe dans un contexte de management à distance étant donné que c'est une équipe qui se sent peu considérée, surtout par les autres professionnels de santé. Certains encadrants interrogés prennent en compte l'importance de valoriser cette équipe qui n'a pas de reconnaissance statutaire, ni diplômante.

Le brancardier a besoin de se sentir reconnu dans sa singularité mais aussi dans son travail au sein de l'institution. C'est pour cela que certains encadrants impliquent les agents dans des missions complémentaires afin de leur faire découvrir autre chose. La valorisation se fait également en permettant aux agents de se former, d'évoluer et cela veut dire qu'il faut savoir s'en séparer. Il s'agit aussi de les écouter et de s'intéresser à eux.

Nous constatons que dans un contexte de management à distance, le cadre parvient à organiser des temps de rencontre avec les agents. Ces professionnels interrogés valorisent le travail des agents de façon individuelle et collective lors d'échanges formels ou informels. Reconnaître le travail des brancardiers leur permet d'améliorer leur qualité de vie au travail.

Après avoir recueilli ces éléments, nous pouvons valider cette première hypothèse. Nous pouvons également ajouter que le cadre de santé valorise également les savoir-être des brancardiers car ceux-ci ont des capacités relationnelles dans leur approche du patient. Cependant, nous pouvons mentionner que les brancardiers recherchent également la reconnaissance des autres professionnels.

2- Le cadre de santé du brancardage rend visible les savoir-faire des brancardiers auprès des services par l'intermédiaire de ses pairs.

Pour permettre aux brancardiers de se sentir reconnus par les autres professionnels, nous avons vu que le cadre de santé communique avec ses pairs. Rendre visible le travail des

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brancardiers auprès des autres cadres de santé va permettre de faire reconnaître le travail de ces agents auprès des professionnels de santé. Nous avons pu constater que cette communication va permettre de comprendre le travail de l'Autre. En effet, l'information auprès des cadres de santé sera relayée auprès des équipes soignantes, leur permettant ainsi de comprendre les contraintes des brancardiers. Cette communication permettra d'éviter les dépassements de tâches réalisés par les brancardiers.

Comme nous avons pu l'évoquer au travers des investigations sur le terrain, cette communication est essentielle pour faire connaître le travail des brancardiers puisque sept professionnels ont abordé le sujet. Nous pouvons donc confirmer cette hypothèse au regard des données que nous avons pu collecter.

3- Le cadre de santé favorise la collaboration interprofessionnelle en informant les brancardiers sur les contraintes des soignants.

Enfin dans cette troisième hypothèse, il était question de permettre aux brancardiers de comprendre le travail des autres professionnels de santé afin de mieux collaborer avec eux, dans un but que leur travail soit aussi reconnu. Cette hypothèse se rapproche de la seconde dans la mesure où il est question de favoriser la compréhension du travail de l'autre.

Nous avons pu voir que globalement les brancardiers collaborent avec les différents services, ils entretiennent de bonnes relations avec les autres professionnels. Cependant, il peut arriver que les brancardiers aient des représentations du travail de leurs collègues. Parfois, ils n'auront pas tous les éléments leur permettant de comprendre une situation, c'est pour cela qu'il leur arrive de manquer de tolérance, c'est ce qu'abordent deux encadrants interrogés.

Nous pouvons alors valider partiellement cette hypothèse car il semblerait, au travers du recueil de données effectué, que la méconnaissance du travail de l'Autre est plus orientée des professionnels de santé vers les brancardiers que l'inverse.

5. Les limites du travail de recherche

Ce cheminement nous a permis de répondre à notre questionnement de départ et de valider totalement ou partiellement nos hypothèses, mais il a également mis en évidence des champs que nous n'avons pas pensé à exploiter. A l'issue de ce travail de recherche, nous identifions des obstacles qui nous ont limitée dans notre démarche.

Tout d'abord, en ce qui concerne l'éclairage théorique, nous pouvons affirmer que le manque d'ouvrages concernant les brancardiers, a limité ce travail. En effet, nous n'avons trouvé aucune lecture scientifique à ce sujet. Hormis deux articles, et des témoignages, nous regrettons que peu d'auteurs se soient penchés sur le sujet. Nous pouvons ajouter que dans notre éclairage théorique, il nous manquait une notion qui a été abordée lors des entretiens, telle que le management participatif et nous avons pris conscience que d'autres concepts auraient pu être plus approfondis comme le management des hommes par exemple.

Par ailleurs, pour les investigations de terrain nous avons été restreinte à un nombre d'entretiens à réaliser, ce qui ne peut être représentatif d'une généralité. En outre, les profils d'équipes gérés par les encadrants interrogés étaient différents : avec un effectif inégal et des structures avec un statut privé et public donc avec des moyens disparates. Par ailleurs, il nous a été difficile de trouver des établissements ayant une équipe de brancardiers, qui ont bien voulu nous recevoir. Nous regrettons de ne pas avoir pu interroger des brancardiers et des soignants sur cette problématique. Cependant, nous avons apprécié d'échanger avec des encadrants autour de ce sujet et cela nous a permis d'obtenir de nombreux éléments permettant d'éclairer notre questionnement. Nous pensons néanmoins que les entretiens avec des brancardiers et des soignants n'auraient peut-être pas donné lieu à une telle richesse dans les échanges et que nous aurions peut-être recueilli davantage de ressentis.

A cela, nous pouvons ajouter, que nous avons bien conscience que notre inexpérience en matière d'entretiens semi-directifs ne nous a pas permis de rebondir sur certaines réponses qui auraient mérité d'être plus approfondies. Nous pensons que des éléments nous manquaient dans notre grille d'entretien notamment pour mettre en lumière ce qui était mis en place par les cadres auprès des brancardiers pour faire connaître le travail des professionnels de santé. Cela nous a amenée à ne valider que partiellement notre troisième hypothèse.

Enfin, nous avons pu réaliser qu'il nous avait été difficile de ne pas avoir de réactions positives lorsque les encadrants nous apportaient des éléments permettant d'alimenter notre recherche et nous avons conscience que cela pouvait représenter un biais aux réponses apportées. Les entretiens ont duré plus de 39 minutes. Pour certains, il nous a été difficile de les recentrer lorsqu'ils nous donnaient des anecdotes ou lorsqu'ils nous montraient leur outil de travail, mais nous les sentions tellement intéressés par le sujet que nous les avons laissés s'exprimer.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon