Institut de Formation des Cadres de Santé du CHU
de Rouen 14 rue du Professeur Stewart 76000 Rouen
Brancardier :
Le rôle du cadre de santé
pour valoriser la fonction
Sous la direction de Mr François
Plaut Rachel Promotion 2018-2019
Et
ru .i . Éiaui .
PraimpatiO itirLIUMPEPRANCASE
Charte anti-plagiat de la Direction régionale
et départementale de la Jeunesse, des sports et (le la Cohésion
sociale de Normandie
La Direction Régionale et Dépaiteinentale de la
Jeunesse, des Sports et de la Cohésion sociale délivre sous
I'autorité du Préfet de région les diplômes de
travail social et professions de santé non médicales et sous
l'autorité du Ministre chargé des sports les diplômes du
champ du sport et de l'animation,
Elle est également garante de la qualité des
enseignements délivrés dans les dispositifs de formation
préparant à l'obtention des diplômes des champs du travail
social, de l'animation et du sport.
C'est dams le but de garantir la valeur des diplômes
qu'elle délivre et la qualité des dispositifs de formation
qu'elle évalue que les directives suivantes sont formulées
àl'endroit des étudiants et stagiaires en formation.
Article 1 :
« Le plagiat consiste h insérer dans tout travail,
écrit ou oral, des formulations, phrases, passages, images, en les
faisant passer pour siens. Le plagiat est réalisé de la part de
l'auteur du travail (devenu le plagiaire) par l'omission de la
référence correcte aux textes ou aux idées d'autrui et
à leur source }>`.
Article 2 :
Tout étudiant, tout stagiaire s'engage à
encadrer par des guillemets tout texte ou partie de texte emprunté(e);
et à faire figurer explicitement dans l'ensemble de ses travaux les
références des sources de cet emprunt. Ce
référencement doit permettre au lecteur et correcteur de
vérifier l'exactitude des informations rapportées par
consultation des sources utilisées.
Article 3 :
Le plagiaire s'expose aux procédures disciplinaires
prévues au règlement de fonctionnement de l'établissement
de formation. En application. du Code de l'éducation et du Code
pénal', il s'expose également aux poursuites et peines
pénales que la DRDJSCS est en droit d'engager. Cette expositionvattt
également pour tout complice du délit.
Article 4 :
Tout étudiant et stagiaire s'engage à faire
figurer et à signer sur chacun de ses travaux, deuxième
de couverture, cette charte duinent signée qui vaut engagement :
PLAUT Rachel
Je soussigné-e .... ....... . . .. . . . ...
atteste avoir pris connaissance de la charte ami plagiat
élaborée par la DRDJSCS de Nornuaudie et de m'y être
conformé-e.
Et certifie que le mraémoire/dossier
présenté étant le fruit de trou travail personnel, je
veillerai à ce qu'i1 ire puisse être cité sans respect des
principes de cette charte
Rouen Le 05/05/2019
Fait à .................................. Le
............................... _ signature
Site Université de Genève l
http://www.unifie.clrlses/telecharaerfuniseidirective-PLAGIAT-1909201Lpdf
" Article L331-3 du Code de l'éducation : « les
fraudes commises dans les examens et les concours publics qui ont pour objet
l'acquisition d'uus diplôme délivré par l'Etat sont
réprimées dans les conditions fixées par la loi du 23
décembre 1901 réprimant les fraudes dans les examens et concours
publics ».
Articles 121-6 et 121-7 du Code pénal.
27 octobre 2017 Siège : immeuble Normandie li - 55, rue
Amiral cécilie- Tells ROUEN Cedex 1 - Tel. 02 32 18 15 20-- Fax 02 32 19
15 93 wormormandie
drdisc5.aauv.fr
Remerciements
Je tiens à remercier mon directeur de mémoire Mr
Bergeot pour son accompagnement durant ce travail de recherche ainsi que mes
collègues du groupe-mémoire Christine, Eglantine, Franck,
Géraldine, et Magalie.
Un grand merci à Claire, collègue de travail, de
promotion et aujourd'hui amie, qui m'a été d'un grand soutien
durant ces dix mois de formation.
J'adresse toute ma reconnaissance à Mme Reix qui m'a
permis d'accéder à cette formation et à Laetitia pour sa
lecture attentive et ses conseils avisés.
Je tiens à remercier tous les professionnels qui ont
bien voulu m'accorder de leur temps et répondre à mes questions
lors des entretiens.
Merci à tous les brancardiers que j'ai
géré ; ils m'ont inspirée pour l'élaboration de
ce
travail.
Merci également à ma famille qui m'a soutenue
même à distance et à mes amis Marina, Angélique,
Damien, Grégory, Lucas et Romain, qui m'ont encouragée chacun
à leur manière tout au long de cette année.
Enfin je remercie particulièrement mon mari et ma fille
pour leur présence, leur réconfort et leur patience à mon
égard.
« Chacun a besoin de sentir que ses attentes, ses
spécificités sont prises en compte et qu'il est utile à
l'entreprise, ce qui donne un sens au travail. » (ARACT, 2011)
Table des matières
Introduction 1
I. La problématique 2
1. La situation de départ 2
2. Question de départ et lectures exploratoires 7
3. Question de recherche et hypothèses 10
II. Le cadre conceptuel 10
1. Le brancardier : un agent dispersé 11
1.1 Les agents dispersés : définition 11
1.2 Focus sur les brancardiers 11
1.2.1 L'évolution de la fonction 11
1.2.2 Le statut 12
1.2.3 Les compétences 13
1.3 Le brancardier au sein de l'organisation 15
1.3.1 Le brancardier au sein de l'institution 16
1.3.2 Le brancardier au sein d'une équipe 17
1.3.3 Le brancardier et l'usager 19
2. Le management des équipes dispersées 19
2.1 Généralités de la fonction cadre de
santé. 19
2.1.1 Les rôles interpersonnels 20
2.1.2 Les rôles liés à l'information :
20
2.1.3 Les rôles décisionnels : 21
2.2 Le cadre de santé dans un contexte de management
à distance 22
2.2.1 Définitions 22
2.2.2 Principes du management à distance 23
2.2.3 Les temps d'échanges 26
3. La collaboration interprofessionnelle 27
3.1 La collaboration 28
3.1.1 Définitions 28
3.1.2 Le concept de collaboration interprofessionnelle 28
3.1.3 Le cadre de santé : un acteur de la collaboration
30
3.2 Les représentations 31
3.2.1 Définition 31
3.2.2 Le concept de représentation sociale 32
4. La reconnaissance au travail 33
4.1 Définitions 34
4.2 La satisfaction d'un besoin 34
4.3 La notion de reconnaissance au travail 35
4.4 Les conséquences de la reconnaissance sur l'individu
37
4.5 Le rôle du manager à distance dans la
reconnaissance 38
III. Le cadre empirique 40
1. La méthodologie de travail 40
1.1 Les objectifs de l'enquête 41
1.2 L'entretien semi-directif 41
2. Le choix des établissements 41
3. L'analyse de contenu 43
3.1 La méthode 43
3.2 L'analyse des entretiens 43
3.2.1 La vision des encadrants sur la fonction de brancardier
43
3.2.2 La collaboration 48
3.2.3 Manager à distance l'équipe des brancardiers
55
3.2.4 La qualité de vie au travail des brancardiers 63
3.2.5 Synthèse de l'analyse 73
4. La confrontation aux hypothèses 75
5. Les limites du travail de recherche 76
IV. Le positionnement cadre 77
1. La projection cadre au regard de la recherche 77
1.1 Le rôle du cadre dans la communication 78
1.2 Le rôle du cadre et le management participatif 79
1.3 Le rôle du cadre dans la qualité de vie au
travail 79
2. Le positionnement au regard de la fonction cadre de
santé 82
Conclusion 84
Bibliographie 85
Sommaire des annexes 89
Table des figures et des tableaux
Figure N°1 : L'«
effet pygmalion » 36
Figure N°2 : Tableau présentant les
professionnels interrogés .40
Glossaire
ANACT : Agence Nationale pour
l'Amélioration des Conditions de Travail
ANFH : Association Nationale pour la
Formation permanente du personnel Hospitalier.
ARACT : Agence Régionale pour
l'Amélioration des Conditions de Travail
AS : Aide-soignante
ASH(Q) : Agent des Services Hospitaliers
(Qualifiés)
CAE : Contrat d'Accompagnement dans
l'Emploi
CREX : Comité de Retour
d'EXpérience
DECT : Digital Enhanced Cordless Telephone
FSEI : Fiche de Signalement
d'Evènements Indésirables
IDE : Infirmière
IRM : Image par Résonnance
Magnétique
OMS : Organisation Mondiale de la
Santé
SAMU : Service d'Aide Médicale
Urgente
SSIAD : Service de Soins Infirmiers A
Domicile
SMIC : Salaire Minimum Interprofessionnel de
Croissance
1
Introduction
Aujourd'hui lorsque l'on pense aux membres qui travaillent au
sein d'un établissement de soins, on pense dans un premier temps aux
professionnels médicaux et paramédicaux. Pourtant, un
établissement hospitalier est composé de multiples professions
permettant de faire fonctionner cette organisation, chacune d'entre elles
étant un rouage important, oeuvrant pour le même objectif : la
prise en charge du patient.
Parmi ces professions, il existe des agents qui s'occupent du
transport des patients, ce sont les brancardiers ; ils sont un maillon
essentiel de la chaine et participent grandement à la prise en charge du
patient durant son parcours d'hospitalisation. Ces agents dispersés,
sont éparpillés à différents endroits de
l'hôpital, effectuant leurs missions sur les espaces de travail d'autres
professionnels. Aussi, la gestion de ces agents mobiles sous-entend pour le
cadre de santé de faire du management à distance.
Par ailleurs, pour permettre une prise en charge de
qualité du patient, le brancardier sera amené à collaborer
avec tous les professionnels de l'établissement. Cette collaboration
sera facilitée par la communication et la reconnaissance mutuelle du
travail de l'Autre, afin de limiter les représentations mutuelles des
uns envers les autres.
Enfin ces agents, qui sont pourtant essentiels au bon
fonctionnement de l'organisation hospitalière, peuvent manquer parfois
de considération. Le rôle du cadre sera alors fondamental pour
valoriser cette fonction et rendre visible leur travail au sein de
l'institution ; il aura un rôle à jouer pour les impliquer dans la
vie institutionnelle et leur permettre de se sentir utiles et de faire entendre
leur voix.
Ce travail de recherche s'appuie sur notre questionnement de
départ qui fait suite à une situation de travail vécue et
qui met en lumière que cette fonction de brancardier mérite
d'être valorisée. Nous avons émis trois hypothèses
permettant d'étayer notre questionnement.
A partir de là, nous avons réalisé dans
une deuxième partie, un éclairage théorique permettant de
mettre en évidence les points de vue des différents auteurs. Nous
avons fait le choix de consacrer un chapitre au métier de brancardier
pour mettre en lumière cette profession et mettre en évidence
leur rôle au sein de l'institution.
Dans une troisième partie, nous avons analysé
les investigations effectuées sur le terrain et nous les avons
confrontées à nos recherches bibliographiques.
Enfin, nous avons consacré la dernière partie
à notre positionnement en tant que future cadre de santé, nous
avons exposé ce que ce travail de recherche nous a apporté et
nous avons abordé comment nous nous projetions dans notre future
fonction.
2
I. La problématique
1. La situation de départ
L'établissement où nous travaillons
s'étend sur deux sites hospitaliers et emploie près de 2500
salariés tous professionnels confondus. Nous sommes arrivée dans
le service d'hépato gastro/cardiologie au troisième étage
le mardi 1er mars 2016. Ce service de vingt-et-un lits dépend
du pôle médecine qui comprend quatorze services sur les deux
sites, dont quatre sur le site où nous travaillons. Issue d'une
filière infirmière, nous avons rapidement compris les attentes de
cette équipe qui avait besoin d'une cadre réactive aux demandes
(telles que les demandes de convalescences, de réparations...) et qui
gère l'organisation du service. Nous avons été
accompagnée par les autres cadres du pôle médecine et nous
avions le soutien de la cadre de pôle également.
En lien avec une baisse d'activité dans le service
dû à l'arrêt de l'activité de cardiologie au mois de
septembre, nous avons informé la cadre de pôle de notre
inquiétude quant à nos missions dans le service puisqu'il
était question de supprimer six lits. Durant le mois d'octobre, la
directrice des soins par le biais de la cadre de pôle, nous a donc
proposé de gérer une nouvelle équipe : celle du
brancardage et de la chambre mortuaire, car leur cadre de santé faisait
valoir ses droits à la retraite. Nous avons alors rencontré la
cadre du pôle médico-technique afin de connaître les
missions du cadre de santé dans ce service. Le pôle
médico-technique est composé des services de l'imagerie
médicale, des laboratoires, des pharmacies, des services de
stérilisation, du brancardage et la chambre mortuaire d'un des deux
sites. Après trois jours de réflexion, nous décidons de
prendre en charge cette nouvelle équipe. Ce poste nous permettait
d'avoir une vision plus élargie du parcours du patient au sein de
l'établissement, et d'intégrer un nouveau pôle, le
pôle médico-technique. Nous allions donc remplacer une cadre en
poste depuis quinze ans. Avant de partir définitivement de
l'établissement, elle nous a expliqué pendant deux heures le
fonctionnement général au brancardage et à la chambre
mortuaire, et nous a décrit chaque agent. L'équipe est
composée de onze brancardiers, un coursier, et un agent de chambre
mortuaire ; elle est essentiellement composée d'hommes. La plupart
d'entre eux (huit agents sur onze) exercent depuis plus de cinq ans. Leurs
horaires s'étendent de 6h à 21h, en dehors de ces horaires ce
sont les aides-soignant(e)s des urgences qui prennent le relai. Il était
nécessaire que nous comprenions leurs missions et leur rôle
primordial dans l'établissement, et nous n'avions pas de fiche de poste
sur laquelle nous appuyer. Le brancardier a un rôle clé dans
l'organisation de la prise en charge du patient ; il doit le transporter d'un
service à un autre. Il transmet des informations : par exemple, pour un
patient en précautions complémentaires, il va s'assurer que le
service imagerie est bien informé pour que le patient soit pris en
charge en « bout de chaîne ». Il collabore avec les
médecins, les soignants et le personnel administratif en interne, et
avec les pompiers, gendarmes, ambulanciers et pompes funèbres en
externe. Dans certains établissements, les brancardiers possèdent
un diplôme d'aide-soignant ; dans celui où nous travaillons le
brancardier n'a pas besoin de formation particulière. Cependant, une
fois en poste, il faut qu'il se forme aux gestes d'urgence, qu'il fasse
3
la formation « agent de chambre mortuaire » et celle
qui concerne le rôle du brancardier afin d'identifier les limites de ses
fonctions et de repérer ses responsabilités notamment en ce qui
concerne l'identitovigilance, la sécurité du patient et le secret
professionnel.
Son travail est dépendant de l'activité des
autres services. Si les urgences ont un afflux de patients, les brancardiers
seront davantage sollicités pour aller à l'imagerie ou
transporter les patients dans les services. En fonction de la présence
de certains médecins aux consultations, comme l'ophtalmologiste qui ne
consulte qu'une fois par semaine, l'activité au brancardage sera
majorée. Leur charge de travail est assez aléatoire ; certains
jours vont être très calmes et il y aura d'autres journées
très chargées. D'autres missions leur sont attribuées
telles que le nettoyage des fauteuils et brancards, le rangement des tenues et
des draps.
Leur espace de travail s'étend à tous les
services de l'hôpital. Le local où ils se retrouvent, se situe au
rez-de jardin, à l'endroit où est stationné le
véhicule du SMUR (Service Mobile d'Urgence et de Réanimation). Il
y fait très froid l'hiver car le garage n'est pas chauffé. La
position du local est pourtant stratégique car celui-ci se trouve
à proximité du service imagerie et de l'ascenseur qui mène
aux urgences et au bloc opératoire ; néanmoins, n'est-ce pas un
manque de considération que de les laisser dans une pièce
située dans un garage, sans lumière naturelle, à respirer
les gaz d'échappement du véhicule et du groupe
électrogène ? Leurs conditions de travail ne sont pas optimales.
Par ailleurs, ils sillonnent les couloirs, et sont parfois gênés
par l'architecture du bâtiment ce qui leur demande parfois de multiples
manipulations lorsqu'ils transportent un patient en lit. Aussi, lorsque le
projet d'installation d'une nouvelle salle d'IRM (Imagerie par
Résonnance Magnétique) a été envisagé, les
brancardiers n'ont pas été conviés et n'ont pas pu donner
leur avis. Néanmoins, la cadre de pôle était
présente et pouvait parler en leur nom. Les brancardiers l'ont mal
vécu, ils se disaient qu'encore une fois on prenait des décisions
sans les concerter. Pourquoi alors ne pas prendre en compte les avis de ces
agents qui arpentent les couloirs, manipulent les lits et qui savent quel
espace est nécessaire pour pouvoir manoeuvrer. Ils doivent en permanence
s'adapter aux organisations et aux locaux des autres services et faire en sorte
de ne pas perdre de temps dans leurs prises en charge. Parfois, ils sont
confrontés à des problématiques liées à des
décisions pour lesquelles ils n'ont pas été
concertés. Nous pensons notamment à la maintenance des ascenseurs
réservés aux brancardiers. Le responsable du service technique
avait omis d'informer l'ensemble du personnel, dont l'équipe du
brancardage qui est la première concernée, de cette maintenance
des deux ascenseurs. Cela a entrainé des retards de prise en charge ;
les brancardiers ne pouvaient pas transporter les patients au bloc
opératoire car les lits ne rentraient pas dans les autres ascenseurs. Il
a fallu qu'ils attendent notre arrivée pour que nous puissions
débloquer cette situation. Les équipes du bloc opératoire
et de chirurgie étaient en colère après eux, même si
ce n'était pas de leur faute. Pourquoi la faute est-elle rejetée
sur les brancardiers ? Et pourquoi l'équipe du brancardage n'a-t-elle
pas été concertée au sujet de cette maintenance ?
Une fois dans l'année, nous leur donnions des carnets
de traçabilité à remplir, où ils notaient chaque
transport effectué. Cela nous permettait de connaître leur charge
de travail, mais également d'évaluer l'activité de chacun
d'eux. Cependant, cette estimation était biaisée car cette
traçabilité avait été effectuée pendant un
mois seulement, ce qui n'était pas représentatif de leur travail
à l'année. Par ailleurs, certains brancardiers ne comprenaient
pas l'intérêt de cette traçabilité et
s'inquiétaient pour le maintien de l'effectif. Sur l'autre site du
4
centre hospitalier, le service brancardage fonctionne avec un
logiciel et un régulateur envoie des missions aux différents
brancardiers par le biais d'un smartphone. Cela signifie, que les transports
sont tracés, et que la charge de travail est équilibrée ;
mais sur le site où nous travaillons il est difficile de contrôler
si le travail est réparti équitablement. Les brancardiers
travaillent néanmoins avec un DECT (Digital Enhanced Cordless Telephone)
chacun dédié à un secteur notamment les urgences, le bloc
opératoire, les consultations et les autres services. Une fois le
planning établi, l'un d'entre eux attribue le DECT du bloc
opératoire de façon équitable afin que ce ne soit pas
toujours les mêmes qui soient affectés à ce secteur. Nous
avons remarqué que peu de brancardiers étaient
intéressés par l'attribution du DECT des consultations; il y
avait une grande charge de travail sur ce secteur car les brancardiers
recevaient plusieurs appels en même temps ce qui nécessitait de la
concentration et de l'organisation. Nous avons alors demandé à ce
que ce DECT soit également distribué sur le planning comme celui
du bloc opératoire et réparti le plus équitablement
possible afin de réduire les tensions dans l'équipe.
Les sollicitations des différents services ne tiennent
pas toujours compte de leurs difficultés à eux. En effet, s'il y
a un agent absent dans leur équipe et qu'aucun autre agent ne peut
revenir, alors on doit prévoir un fonctionnement en mode
dégradé, c'est-à-dire qu'il y a une personne de moins dans
l'équipe pour faire le même travail. L'équipe doit par
conséquent, travailler à six. Aucun remplacement n'est
prévu, tant que le mode dégradé fonctionne, en revanche
s'il n'y avait aucune possibilité notamment en période de
congés annuels, alors la cadre de pôle faisait appel aux agents de
l'équipe du brancardage de l'autre site. Ces fonctionnements
créaient des tensions au sein même de l'équipe mais
également avec les autres services. En effet, ils faisaient le
même travail avec une personne en moins, cela engendrait donc du stress,
de la fatigue, parfois du retard dans les prises en charge et ils
étaient plus nerveux. Il est arrivé que le bloc opératoire
nous appelle pour nous dire que les brancardiers mettaient du temps à
venir chercher les patients. Nous leur avons alors expliqué par
téléphone que les brancardiers étaient en sous-effectifs
et qu'en plus il y avait un nouvel agent, une femme, qui avaient besoin
d'être accompagnée. Habituellement, les brancardiers poussent les
lits, seuls, et notamment lorsqu'ils sont en sous-effectif mais la
brancardière n'arrivait pas à manipuler un lit sans aide. Cela
engendrait donc un ralentissement dans les prises en charge et un
mécontentement des professionnels des différents services, les
difficultés des brancardiers n'étaient pas prises en compte. En
revanche, les autres services faisaient appel à eux lorsqu'il leur
manquait du personnel : le bloc opératoire demandait que l'on pallie
l'absence du brancardier de bloc, les urgences leur demandaient de
récupérer les bilans sanguins lorsque leur coursier était
en arrêt de travail. Ils exécutent d'autres tâches qui ne
relèvent pas de leurs missions premières mais ils le font pour
rendre service : ils sont souvent appelés par les urgences pour
maitriser un patient agressif ou dans les différents services pour aider
à l'installation des patients ou pour mobiliser des patients en
surpoids. Certaines tâches dépassent même leurs
compétences comme débrancher et rebrancher l'oxygène,
changer une protection car le patient est souillé ; mais ils le font
pour ne pas déranger et pour préserver le confort et la
dignité du patient.
Lors des évaluations annuelles, nous nous sommes
rapprochée des autres cadres pour savoir si elles pouvaient nous donner
leur avis au sujet de cette équipe et selon elles, ils étaient
5
disponibles et respectueux et elles étaient même
surprises de leurs connaissances au sujet de la chambre mortuaire. Les
brancardiers sont formés comme agents de chambre mortuaire, ils ont un
grand respect pour les défunts et leurs familles. Ils peuvent être
des personnes ressources pour les services lorsque ceux-ci veulent des
informations sur les procédures de transfert de corps par exemple et ils
connaissent la conduite à tenir en cas de manque de places à la
chambre mortuaire. Mais les soignants des services ne savent pas que les
brancardiers ont de telles connaissances. Alors comment valoriser ces savoirs
auprès des autres services ? Nous nous rendions
régulièrement à leur local, ce qui nous permettait de
prendre en compte leurs problématiques et d'essayer de leur apporter des
réponses. Mais nous percevions régulièrement des
difficultés avec les autres services, peut-être dû à
un manque de communication. Les brancardiers nous faisaient part de leur
mécontentement lorsque les professionnels de santé ne venaient
pas les aider, pour l'installation d'un patient notamment. Nous leur
expliquions alors, comment l'activité s'organise dans les unités
de soins notamment, afin qu'ils connaissent le travail des autres
professionnels afin d'améliorer la qualité de leur collaboration.
Aussi, étant issue d'une filière infirmière, nous avons pu
leur expliquer les fonctionnements des services de soins.
Notre bureau n'était pas à proximité de
leur local et il était difficile parfois de percevoir les tensions qui
régnaient au sein de l'équipe, même quand nous passions les
voir. Aussi, nous avons été alertée un jour par un
délégué syndical qui avait fait partie de l'équipe
du brancardage et qui restait proche de certains d'entre eux. Il est venu nous
signaler, six mois après notre prise de poste, un problème de
conflit au sein de l'équipe, et plus particulièrement entre deux
agents. Ce conflit existait depuis déjà un moment car il avait
commencé alors qu'ils étaient encore gérés par
l'ancienne cadre mais elle ne nous en avait pas informée. Nous n'avions
malheureusement rien remarqué. Le problème, c'est que dès
lors que nous étions avec eux, ils ne se comportaient pas de la
même manière que lorsque nous n'étions pas là.
Est-ce que notre présence plus régulière et plus
fréquente aurait permis d'éviter cela ?
Il nous paraissait important de les inclure dans des groupes
de travail pour qu'ils parlent de leur métier. C'est en cela qu'ils ont
pu participer à l'élaboration de la fiche métier qui
allait servir à évaluer leurs compétences lors des
entretiens annuels. Ils ont ainsi pu mettre en avant leurs compétences
auprès du service de la formation continue. Par ailleurs, certains ont
pu participer au groupe « processus brancardage » composé de
la cellule qualité et des cadres de santé du pôle chirurgie
et urgence. Cela leur a permis de discuter autour du parcours du patient et de
la sécurisation du transport à toutes les étapes et autour
de problématiques qu'ils rencontraient lors des prises en charge des
patients dans les différentes unités. Nous avions le sentiment
que c'était un moyen de reconnaître leur travail au sein de
l'institution. C'était une façon de rendre visible leur travail,
car justement ils ont souvent le sentiment d'être « invisibles
». Parfois lorsqu'ils passent dans les couloirs et qu'ils saluent les
autres agents, on ne leur répond pas. On ne vient pas toujours les aider
lorsqu'ils font l'entrée d'un patient dans les services. Les couloirs
sont souvent encombrés par des chariots ; c'est pour cela qu'ils ont
apprécié le passage des experts lors de la certification car
aucun chariot ne restait dans les couloirs à ce moment-là. Aussi,
on leur attribue des tâches dans les autres services, sous
prétexte que c'est leur travail, comme par exemple le nettoyage des
brancards des urgences, alors que ce n'est pas leur matériel, amener un
bilan au laboratoire ou une ordonnance à la pharmacie. Ils
6
ont l'impression d'être « les petites mains
» des autres services. Alors parfois, ils sont énervés,
par le manque de considération des autres professionnels. Ils sont un
maillon important de la chaîne et pourtant, leur travail n'est pas
reconnu à sa juste valeur. Parfois, ils évitent même
à certains services de recevoir une plainte ; nous pensons notamment
à la famille d'un patient, qui était installé sur un
brancard des urgences souillé par du sang qui n'était pas le
sien. Le fils était très mécontent car son père
avait été installé sur un brancard qu'il
considérait comme étant sale. Le brancardier lui a dit qu'il
allait s'en charger et en informer le service. Il a pris une photo du brancard
souillé, avec son téléphone, et nous l'avons transmise
à la cadre du service, sans faire de Fiche de Signalements
d'Evènements Indésirables (FSEI). Ce qui aurait pu être
reçu comme un remerciement, n'a pas pris la tournure escomptée.
L'équipe des urgences a très mal pris le fait que le brancardier
s'occupe de ce problème. Il pensait bien faire en évitant une
plainte, mais nous n'avions pas prévu ces réactions.
Notre temps de travail prévu au service brancardage et
chambre mortuaire était de 20% ; ce qui laissait 80% pour l'unité
de soins. Cela revient à dire qu'une journée par semaine devait
leur être consacrée. Mais, étant donnés les
aléas de chacun des services, il nous était difficile de partager
notre temps comme cela. Certains brancardiers auraient
préféré avoir un cadre de santé à temps
plein, parce qu'ils voyaient que le cadre de santé devait s'occuper des
problématiques de l'autre service d'affectation et que leurs
requêtes n'étaient parfois pas prioritaires. Ils voulaient
être reconnus comme une équipe à part entière et
auraient préféré ne pas partager leur cadre avec un autre
service. Un jour par semaine, est-ce vraiment suffisant pour que ces agents se
sentent reconnus par le cadre de santé ? Comment reconnaître le
travail de son équipe lorsque le cadre de santé partage son temps
de travail et qu'il travaille « à distance » ?
La gestion de ces deux équipes très
différentes en termes de composition et d'organisation nous a permis de
nous questionner sur notre façon de manager à leurs
côtés :
- Dans le service de soins nous pouvions faire du management
de proximité, notre bureau étant situé dans le service,
nous assistions aux transmissions, nous communiquions avec les
infirmières et aides-soignantes au sujet des patients, nous pouvions
évaluer leur savoir, savoir-être et savoir-faire plus facilement
car nous étions plus présente et nous connaissions leur travail,
étant nous-même issue d'une filière soignante.
- Avec l'équipe des brancardiers, travailler en
proximité était plus difficile, car ceux-
ci étaient constamment en mouvement, à
différents endroits de l'hôpital.
Nous allons à présent, au regard de notre
situation de départ, mettre en lumière ce qui nous interpelle et
explorer la littérature, afin de s'informer autour du questionnement
énoncé.
7
2. Question de départ et lectures
exploratoires
Au regard de la description de notre situation de
départ, la question que nous pouvons nous poser est la suivante:
Dans quelle mesure le cadre de santé,
peut-il valoriser le travail des brancardiers dans les établissements de
santé ?
Le sujet des brancardiers est peu traité dans les
littératures. Certains articles sont parus dans des journaux locaux mais
peu d'ouvrages littéraires abordent le sujet.
Nos recherches exploratoires nous ont menée à la
lecture d'un article écrit en 1995, par Pillet-Moreels. Il y est
évoqué une réorganisation au sein de l'hôpital de
Dieppe pour améliorer le transport des malades en créant un
service central de brancardage. L'auteur met l'accent sur « une fonction
souvent mal considérée » qui...
...« souffre d'une absence de reconnaissance sociale, qui
est liée à certaines conduites en contradiction avec
l'impératif de service, de l'intérêt et du confort des
personnes soignées. L'absence de structure, un statut indéfini,
une hiérarchie protéiforme, sont autant de notions à
considérer pour comprendre en partie les dysfonctionnements
attribués à l'exercice de la profession de brancardier. »
Cet hôpital forme les brancardiers au métier
d'aide-soignant pour développer leurs connaissances et leurs
compétences auprès du patient, leur permettant ainsi d'être
mieux intégrés au sein de l'institution qui les emploie et
d'être épanouis au travail. Un des brancardiers du service que
nous gérions venait de cet hôpital. C'est le seul brancardier
à avoir un diplôme d'aide-soignant. Il nous avait expliqué
que durant le temps de leur formation à l'institut de formation des
aide-soignant(e)s, l'établissement recrutait des personnes en contrat
d'accompagnement dans l'emploi (CAE). Cela permettait aux brancardiers de
retrouver leur poste à leur retour. Il nous expliquait qu'il avait
proposé cela à la cadre de pôle médico-technique de
l'établissement où nous travaillions. Selon lui, le fait d'avoir
ce diplôme lui permet d'effectuer des actes que les autres brancardiers
ne sont pas censés faire comme par exemple déconnecter et
reconnecter les lunettes à oxygène sur l'obus et sur les prises
murales.
Dans la revue Soins Cadres un dossier sur le management
à distance incluait un article sur les brancardiers. Alors peut-on dire
qu'encadrer des brancardiers correspond à un management à
distance ? Selon Benshimi et Nagels (2013), le brancardier gère et
organise une « part invisible du travail ». Il n'est pas rare en
effet, que pour faciliter le travail des soignants et ne pas déranger
par exemple, le brancardier remette le bracelet d'identification au patient car
celui-ci l'a retiré. Cela implique de savoir où se trouvent ces
bracelets, de trouver une étiquette au nom du patient et donc de se
mettre en retard dans sa propre organisation. Il doit aussi s'adapter à
la « situation critique » c'est-à-dire l'imprévu ; cela
lui demande d'être réactif aux demandes des services. Gérer
cette « situation critique » nécessite une compétence
de
8
communication et une adaptation au travail. Le brancardier
« dépend de l'organisation des autres mais son travail se
répercute sur l'organisation entière ».
Se ming An (2018), témoigne de son activité en
tant que brancardier. Il explique s'être souvent senti transparent
à l'égard des autres professionnels. Il exprime ne pas
s'être senti reconnu. Il ajoute aussi qu'au moindre retard, la faute
était souvent rejetée sur les brancardiers. Il aborde
également le manque de communication entre les services ce qui
engendrait parfois des dysfonctionnements et créait des tensions. Il
poursuit en disant que lorsqu'il arrivait pour transporter un patient, parfois
celui-ci n'était pas prêt, ce qui entrainait des retards dans leur
prise en charge. Son travail se fait dans l'ombre des autres personnels, il est
l'exécutant de demandes prononcées par les professionnels des
différents services.
Nous pouvons aussi constater que le métier de cadre
à l'hôpital a beaucoup évolué. Bourret (2006) fait
un retour sur l'histoire de la fonction cadre de santé. Elle explique
qu'au départ l'hôpital appelé « la maison des pauvres
» s'occupait de recueillir les « exclus » qu'ils soient malades,
infirmes, pauvres. C'étaient les religieuses qui veillaient à
l'exécution des « soins et des tâches annexes » sous
l'autorité de leur supérieure. Au 19ème
siècle, au moment de la laïcisation des hôpitaux,
apparaissent les « surveillantes laïques ». Comme l'explique
l'auteur, « Être reconnue comme infirmière la plus experte
est un atout important pour être nommée surveillante. » En
1975, la création du service infirmier voit arriver différents
grades dont la « surveillante d'unités de soins, surveillante-chef
et infirmière générale ». Et vers 1985 l'appellation
surveillante va être remplacée par le métier de cadre
infirmier comme l'explique un collectif sous la direction de Dominique Bourgeon
(2012). En 1995, la profession de cadre infirmier disparaît au profit de
celle de cadre de santé. L'accès à la formation va
d'ailleurs s'élargir à plusieurs professions
paramédicales. Le diplôme de cadre de santé est régi
par le Décret n°95-926 du 18 août 1995 et l'accès
à la formation est aujourd'hui ouvert à plusieurs professions
paramédicales.
Aujourd'hui, tout cadre, quelle que soit la filière
dont il est issu, pourra travailler dans n'importe quel service d'un
établissement sanitaire ou médico-social, même s'il n'a pas
de connaissance ni de compétence particulière dans le domaine.
Aussi, les restrictions budgétaires amènent les
établissements de santé à partager le temps de travail du
cadre de santé sur plusieurs services ou sur plusieurs sites.
Si l'on se réfère au répertoire des
métiers de la fonction publique hospitalière (Ministère
des solidarités et de la santé, 2018), le cadre de santé
est un encadrant des unités de soins. Les principales missions qui lui
sont attribuées sont les suivantes : Organiser l'activité de
soins et des prestations associées, manager l'équipe et
coordonner les moyens d'un service de soins, médicotechniques ou de
rééducation, en veillant à l'efficacité et la
qualité des prestations, développer la culture du signalement et
gérer les risques, développer les compétences
individuelles et collectives, participer à la gestion
médico-économique au sein du pôle. Celles-ci se
déclinent selon les activités suivantes : Contrôle et suivi
de la qualité et de la sécurité des soins et
activités paramédicales dans son domaine ; coordination et suivi
de la prise en charge de prestations ; élaboration et rédaction
de rapports d'activité ; encadrement de proximité
d'équipe(s) ; gestion et développement des personnels ; montage,
mise en oeuvre, suivi et gestion de projets spécifiques au domaine
d'activité ; organisation et suivi de l'accueil (agents,
9
stagiaires, nouveaux recrutés.) ; planification des
activités et des moyens ; contrôle et communication des
données ; promotion des réalisations / des projets
spécifiques à son domaine d'activité ; veille
spécifique à son domaine d'activité.
Nous voyons que le cadre de santé assure la promotion
des réalisations et des projets. Par-là, il reconnaît le
travail de ses collaborateurs. Au service du brancardage, le cadre de
santé fait le lien entre les différents services, il prend en
compte les besoins des brancardiers, il communique avec ses pairs lorsqu'il
existe des dysfonctionnements dans le parcours du patient ou bien dans la
gestion du matériel ; les brancardiers ont leur propre matériel
mais ils utilisent aussi celui des services et notamment, des fauteuils
roulants et les lits patients. Ces lits sont très lourds, par
conséquent, dès qu'il y a une panne, cela complique leur travail
et ils risquent de se blesser. Le cadre de santé du brancardage veille
à ce que les agents travaillent dans de bonnes conditions, avec du
matériel qui fonctionne. Il est leur représentant au sein de
l'hôpital.
Le peu d'ouvrages littéraires au sujet des brancardiers
nous amènent à nous interroger sur le manque
d'intérêt envers ces agents.
Lors d'une conférence sur « La reconnaissance au
travail » organisée par l'Association Nationale pour la Formation
permanente du personnel Hospitalier (ANFH, 2018), Richard considérait
que le travail participe à la reconnaissance de la personne mais que le
rapport au travail a changé. Il est professeur assistant à INSEEC
Business School et a publié en 2015 un article en collaboration avec
Abord de Chatillon, Professeur des Universités à l'IAE de
Grenoble, intitulé « Du sens, du lien, de l'activité et du
confort ». Dans cet écrit, ils évoquent « Les
représentations collectives et psychosociologiques du bien-être au
travail ». Ils expliquent que « l'individu n'est pas un être
isolé, il s'inscrit dans un collectif de travail, un environnement
social ». Le regard que va porter l'Autre sur le travail du brancardier va
augmenter ou au contraire réduire son besoin de reconnaissance. Lecomte
(ANFH, 2018), docteur en psychologie et fondateur du site « Psychologie
positive » mettait en avant le fait que la reconnaissance passe par la
confiance de la part des responsables hiérarchiques. Reconnaître
l'Autre, c'est prendre en compte sa singularité mais aussi sa
capacité à interagir avec son environnement. La reconnaissance
est un besoin essentiel au bien-être de l'individu. Grolleau (ANFH,
2018), sociologue-consultant présent à la conférence
également, remet en question la théorie de Maslow (Annexe 1). Ce
dernier situait le besoin de reconnaissance quasiment au sommet de sa pyramide
ce qui signifiait qu'il y avait d'autres besoins à satisfaire en
priorité avant celui-ci. Selon le sociologue, ce besoin se situerait
plutôt à la base, car il est devenu fondamental aujourd'hui. Ce
besoin de reconnaissance passe par l'appréciation de ses
compétences par l'Autre, que ce soit le cadre de santé, le
personnel médico-soignant ou même l'usager.
10
3. Question de recherche et hypothèses
Ces lectures nous amènent à nous interroger et
à identifier la question de recherche suivante :
Dans un contexte de management à distance,
dans quelle mesure le cadre de santé peut-il valoriser les savoir-faire
des brancardiers dans un établissement de santé
?
Pour répondre à cette question, voici les
hypothèses que nous pouvons formuler :
1- Dans un contexte de management à distance, la
reconnaissance des savoir-faire des brancardiers est favorisée lors
d'échanges individuels et collectifs avec le cadre de santé.
2- Le cadre de santé du brancardage rend visibles les
savoir-faire des brancardiers auprès des services par
l'intermédiaire de ses pairs.
3- Le cadre de santé favorise la collaboration
interprofessionnelle en informant les brancardiers sur les contraintes des
soignants.
Au vu de ces propositions, nous allons développer le
cadre théorique en lien avec notre questionnement.
II. Le cadre conceptuel
Au regard de cette question de recherche et de ces
hypothèses nous pouvons dégager différents concepts que
nous allons définir et développer. Ceux-ci nous paraissent
pertinents pour mener une réflexion et éclairer de façon
théorique notre questionnement.
Nous nous intéresserons dans un premier temps aux
brancardiers, leur statut, leurs missions au sein d'une organisation. Ensuite,
nous nous attacherons à la fonction cadre et à son rôle
dans le management à distance. Puis nous traiterons de la collaboration
interprofessionnelle dans une troisième partie. Enfin nous aborderons le
concept de reconnaissance au travail
11
1. Le brancardier : un agent dispersé
1.1 Les agents dispersés :
définition
Selon le dictionnaire (Larousse, 2019), disperser signifie
« séparer des personnes et les répartir en différents
points d'un espace. »
Une équipe dispersée est donc un ensemble
d'individus séparés à divers endroits.
Selon Daoudi (2010), « il s'agit d'une entité
organisationnelle dont les membres sont physiquement éloignés ;
qui collaborent pour accomplir des objectifs communs ; et dont les technologies
d'information et de communication constituent un support incontournable pour
son fonctionnement » (p.56)
Peuvent être considérées comme
étant dispersées, des équipes telles que celles du Service
de Soins Infirmiers A Domicile (SSIAD), les équipes mobiles de soins
palliatifs et de la douleur par exemple, les équipes du Service d'Aide
Médicale Urgente (SAMU), les équipes de remplacement
(infirmières et aides-soignantes), les brancardiers.
Nous allons plus particulièrement nous intéresser
aux équipes de brancardiers.
1.2 Focus sur les brancardiers
Le brancardier est l'agent qui assure le transport des
patients au sein des établissements de soins. Il est un
acteur-clé durant l'hospitalisation du patient. Le Dictionnaire
(Larousse, 2019) le définit comme « porteur de civière
», ou « préposé au service des brancards pour
blessés ». Nous allons donc commencer par un peu d'histoire, et
mettre en avant que la fonction de brancardier a évolué.
1.2.1 L'évolution de la fonction
Autrefois comme le décrivait Derheimer (1871), les
brancardiers ramassaient les soldats blessés au combat et creusaient des
fosses pour enterrer les morts. Leurs outils de travail étaient des
civières ou des brancards. Il expliquait être devenu brancardier
après s'être présenté pour s'engager auprès
de la « Société de secours aux blessés de terre et de
mer ». Il n'avait pas de formation ni de qualification
particulière.
La fonction « brancardier » a beaucoup
évolué. En effet, aujourd'hui, le travail des brancardiers
consiste à transporter des personnes ayant des troubles de la
mobilité, trop fatigués pour se déplacer seuls, ou ayant
besoin d'être accompagnées d'un service à un autre dans un
établissement de soins (vers les services de soins, l'imagerie, le bloc
opératoire, les
12
consultations). Ils s'occupent aussi d'emmener les
défunts à la chambre mortuaire dans certains
établissements.
Le matériel à leur disposition est varié,
ils peuvent effectuer le transport du patient en lit, sur un fauteuil ou sur un
brancard, voire même l'accompagner à pied et utiliser du
matériel comme des planches de transfert pour faciliter l'installation
du patient. Leur travail s'effectue essentiellement en interne contrairement
à celui des ambulanciers.
1.2.2 Le statut
Autrefois et comme l'explique Derheimer (1871), cette fonction
ne nécessitait pas de formation particulière lors du recrutement
; néanmoins, une fois engagé, l'auteur a participé
à des exercices de brancardage avant de pouvoir aller sur le terrain. Il
considère que ces fonctions pouvaient être exercées par
tout individu :
« Lecteur, vous voilà initié maintenant au
genre de nos exercices quotidiens, et vous demeurez convaincu, n'est-ce-pas,
que le plus maladroit, à la condition d'être bipède et pas
manchot, pouvait remplir ses fonctions sans diplôme. C'est aussi mon avis
». (p.20)
Aujourd'hui encore, être brancardier ne nécessite
pas d'avoir un diplôme, ni de qualification. D'ailleurs, il n'existe pas
de diplôme propre à l'exercice des fonctions de brancardier,
contrairement à celles d'ambulancier. En effet, pour exercer en tant
qu'ambulancier, il est nécessaire de suivre 18 semaines de formation
pour obtenir un diplôme d'Etat d'Ambulancier (Martin, 2017).
Cependant il est recommandé d'avoir une bonne condition
physique, puisque cette fonction nécessite la manutention de charges
lourdes. La majorité des agents au service du brancardage sont des
hommes mais ces postes sont aussi ouverts aux femmes. (RegionsJob,
l'observatoire des métiers, 2019)
Une bonne condition physique est nécessaire puisqu'un
lit médicalisé pèse environ 100 kg, parfois plus selon les
modèles (Hill Rom, 2019). Si l'on y ajoute le poids d'un patient adulte,
les brancardiers peuvent pousser plus de 150 kg.
Les brancardiers ont un statut d'agent des services
hospitaliers qualifié (ASHQ) de catégorie C et leur salaire
avoisine le Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance (SMIC) (Diplomeo,
2019). La plupart des agents recrutés n'ont aucune connaissance
spécifique du milieu hospitalier, cependant certains professionnels
peuvent avoir travaillé comme pompier ou ambulancier. En 1992, Larcher,
alors sénateur des Yvelines a tenté de revaloriser le statut des
brancardiers puisque selon lui, les brancardiers et les agents des services
hospitaliers qualifiés ont des missions différentes :
« Il fait observer que la spécificité de
ces fonctions nécessite l'acquisition et la mise en oeuvre de
connaissances particulières dans le domaine des relations avec les
malades et des techniques de manutention. Par ailleurs, il observe que, devant
l'absence de reconnaissance d'un statut spécifique sur le plan national,
certains établissements ont été
13
conduits à créer des statuts locaux au profit de
ces catégories de personnel, rompant ainsi l'égalité de
traitement dont devraient normalement bénéficier les personnels
exerçant des fonctions identiques dans l'administration
hospitalière ».
Mais sa requête auprès du Ministère de la
Santé est restée vaine. Dans certains établissements,
comme celui de Dieppe que nous avons précédemment cité,
les agents de l'équipe du brancardage ont un diplôme
d'aide-soignant.
Il existe des passerelles qui sont notifiées dans la
fiche métier du brancardier (Ministère des solidarités et
de la santé, 2018). Le brancardier peut évoluer vers un autre
métier, par le biais de la promotion professionnelle, comme
aide-soignant, agent de chambre mortuaire ...voire infirmier par exemple.
1.2.3 Les compétences
Selon Le Boterf (2015), être compétent ne
signifie pas nécessairement d'avoir un diplôme mais c'est
être capable d'agir dans des situations compliquées. Pour agir
avec compétence le sujet peut faire appel à ses capacités
personnelles telles que :
Ø « Les connaissances » :
o Le savoir théorique est nécessaire pour
comprendre les situations problèmes et pour savoir comment agir.
o Les connaissances de l'environnement professionnel
c'est-à-dire du matériel, des organisations, des
réglementations, des normes sociales.
o Les connaissances des procédures c'est-à-dire
de la conduite à tenir.
Ø « Les savoir-faire » :
o Techniques : il s'agit de maîtriser la
procédure et non pas seulement de la connaître.
o Relationnels : ils se caractérisent par de
l'écoute, des conseils, des feedbacks, la gestion de conflit.
o Empiriques : ils sont liés à
l'expérience, à la capacité à résoudre des
problèmes. Ils sont difficilement transférables car ils prennent
en considération l'expertise ce qui sous-entend la connaissance des
ficelles du métier.
o Cognitifs : ils font appel au système intellectuel
permettant d'expliciter, d'analyser, de résoudre des
problèmes.
Ø « Les émotions » : elles
peuvent avoir un effet positif dans la prise de décision. Les
émotions jouent le rôle de « signal d'alarme ou
d'encouragement » (p.98) face à une situation ou dans la
résolution de problèmes.
Ø « Les capacités personnelles
» : aussi appelées les savoir-être. L'auteur
préfère le terme d'« exigences sur la façon d'agir en
situation » (p.99). Elles désignent les qualités du
professionnel à agir face à une situation particulière.
L'auteur insiste sur le fait que des personnalités différentes
peuvent exercer le même métier.
14
Selon cet auteur, une compétence comprend deux
dimensions, individuelle et collective, que l'on ne peut dissocier.
D'après lui, un professionnel devra prendre en considération ses
ressources personnelles, telles que nous l'avons décrit ci-dessus mais
aussi les ressources de l'environnement telles que le réseau de
contacts, les procédures...
Selon De Montmollin (cité par Belzile et Couturier,
2018), « la compétence est le fait de l'activité
d'un acteur réalisant une tâche dans un contexte réel de
travail ». (p.146)
Selon Belzile et Couturier (2018), une compétence est
la capacité d'un individu à agir avec efficience pour
exécuter les missions attendues de lui et à mettre en oeuvre
cette capacité dans une situation particulière. Cette
capacité est donc assimilée par l'individu mais elle est aussi
reconnue par l'Autre le rendant alors plus légitime. Ils confirment les
propos de Le Boterf cité précédemment, en précisant
que le fait de détenir un diplôme ne rend pas l'individu
compétent et ils ajoutent que l'individu peut être plus
compétent dans une situation que dans une autre.
Selon eux, de la compétence, émanent quatre
caractéristiques : (p. 148)
Ø La « tâche » : ce que
l'individu doit faire
Ø L'« intervenant »
: celui qui mobilise ses savoirs, savoir-faire, savoir-être et ses
savoir-agir
Ø La « situation clinique
» : celle dans laquelle l'individu va agir dans un
espace et une temporalité
Ø L'« activité »
: l'ensemble des actes réalisés par l'individu afin
d'exécuter une mission confiée dans une situation
particulière.
Selon Osty (2003), « les savoirs effectivement
mobilisés dans l'activité de travail ne se limitent pas à
l'acquisition de connaissances, mais mettent en oeuvre des savoirs issus de
l'expérience même de travail » (p.90). Selon l'auteur, la
notion de compétence est associée à celle de l'action, car
elle est sans cesse mise à l'épreuve dans la résolution de
situations inopinées. La scène de travail est le lieu où
se transmettent « des savoir-faire, s'échangent des pratiques et
s'apprécie la pertinence des savoirs acquis » (p.90).
Les brancardiers sont formés « sur le tas » (
destinationsante.com, 2017).
Ils apprennent à se familiariser avec les lieux, le matériel, les
pathologies rencontrées. Ils sont formés aux gestes d'urgences,
à l'hygiène hospitalière afin de connaitre les
précautions standards et complémentaires et ainsi se
protéger et protéger les patients. Certaines formations leur sont
consacrées et leur permettent de comprendre leurs missions en tant que
brancardier, l'une d'entre elles s'intitule « Brancardier : initiation
à la fonction » (afpc formation, 2019). Ces différentes
formations leur permettent l'acquisition de connaissances nécessaires
à l'exercice de leurs fonctions. Ensuite des formations en manutention
sont recommandées afin de préserver leur santé physique,
limiter les troubles musculo-squelettiques et manipuler le patient en toute
sécurité. Par ailleurs, nous venons de voir que l'absence de
diplôme du brancardier n'a aucun lien avec le fait qu'il puisse agir avec
compétence.
15
En se référant à la fiche métier
du brancardier, décrite dans le répertoire des métiers de
la fonction publique hospitalière (Ministère des
solidarités et de la santé, 2018), voici quels sont les
savoir-faire attendus du brancardier :
Ø Accueil et installation du patient,
aménagement de l'environnement (confort et sécurité)
Ø Transport de patient
Ø Nettoyage et entretien des équipements,
machines, outillages, véhicules spécifiques à son domaine
d'activité
Ø Recueil / collecte de données ou informations
spécifiques à son domaine d'activité
Ø Saisie, mise à jour et / ou sauvegarde de
données, d'informations, de tableaux, dans son domaine
d'activité
Ø Surveillance de l'état de santé des
personnes accueillies dans son domaine d'intervention.
Voici les missions qui sont confiées au brancardier.
Nous allons maintenant voir quelle est sa place dans l'organisation.
1.3 Le brancardier au sein de l'organisation
Le brancardier a un rôle essentiel au sein de
l'institution puisqu'il fait le lien entre les différents services. Il
ne travaille pas seul mais au sein d'une organisation. Il est un individu au
sein d'un collectif.
Le dictionnaire Larousse (2019) définit l'organisation de
la sorte :
Ø Action d'organiser, de structurer, d'arranger,
d'aménager :
Ø Manière dont quelque chose se trouve
structuré, agencé ; la structure elle-même : Groupement,
association, en général d'une certaine ampleur, dont les buts
sont définis par un qualificatif.
Organiser c'est ( Larousse, 2019) :
Ø S'occuper de chacun des éléments d'un
ensemble de façon à constituer un tout cohérent et
adapté à sa destination.
Ø Structurer quelque chose de telle manière
Selon Bernoux (2009), l'organisation du travail reposait, au
temps de la 2ème révolution industrielle sur une
décomposition du travail à l'initiative de Taylor, avec
l'idée de la bonne personne au bon endroit. C'est l'organisation
scientifique du travail. Les organisations du travail ont fait l'objet de
nombreuses études afin d'analyser les comportements des individus au
travail. L'organisation impose des règles. Selon Crozier (cité
par Guérin, 2018), c'est le système formel et celui-ci est
nécessaire ; mais il existe aussi un système informel qui
correspond à la transgression des règles, il est
inévitable et il repose sur des stratégies d'acteurs.
16
Selon Bernoux (2009), une organisation est définie comme
:
« un construit humain ou un ensemble humain
structuré. Cet ensemble, composé de membres qui y
développent des stratégies particulières, qui les
structurent dans un ensemble de relations régulières soumises aux
contraintes changeantes de l'environnement, est donc lui-même en
mouvement permanent ». (p.156)
L'organisation est formalisée par (p135-136) :
Ø « Une division des tâches » :
cela sous-entend que les tâches sont réparties de manière
que chaque individu sache ce qu'il a à faire sans empiéter sur le
travail de l'Autre.
Ø « Une distribution des rôles
» : « le mot rôle renvoie à celui d'acteur. »
Chaque individu va occuper la fonction à sa manière,
différemment de son prédécesseur. « [...] tout membre
d'une organisation se comporte comme un acteur capable -et souvent
même chargé- d'interpréter de manière nouvelle un
rôle identique. »
Ø « Un système d'autorité »
: il est généralement de type « pyramidal ».
L'individu doit respecter les directives descendantes de l'institution.
Ø « Un système de communication
» : le but est de créer des liens entre les individus et de
permettre un « contact rapide » entre eux.
Ø « Un système de
contribution-rétribution » : il est basé sur le principe
de l'échange : Le salarié répond aux directives de
l'institution et en contrepartie il reçoit un salaire.
Organiser le travail, c'est aussi prendre en compte les
conditions de travail des agents, « l'amélioration des conditions
de travail étant à la fois un moyen de rendre ce travail plus
efficace, et une approche de valorisation et de reconnaissance des agents.
» (Bonhoure, Gallet, Pépin, Tonneau, 1996)
C'est en cela que l'institution hospitalière est une
organisation puisque ces différentes caractéristiques lui
permettent de fonctionner selon des règles préétablies.
1.3.1 Le brancardier au sein de
l'institution
L'institution hospitalière est une organisation qui
fonctionne selon un organigramme afin de pouvoir identifier la place et la
fonction des personnes ayant une autorité. Selon De Kervasdoué
(2011), « les hôpitaux sont aujourd'hui organisés de
façon matricielle, avec une direction générale
d'établissement [...], chapeautant des pôles d'activités,
eux-mêmes regroupant un certain nombre de services ou unités
fonctionnelles fédérés dans un projet de pôle »
(p.53). Selon les établissements, le brancardier peut être au sein
du pôle médico-technique qui regroupe les plateaux-techniques tels
que le service imagerie, la pharmacie, le laboratoire ou bien le service
stérilisation ; mais il peut également faire partie du pôle
Direction, du pôle chirurgie ou bien être inclus au sein même
d'un service. Le brancardier est subordonné à l'autorité
d'un cadre de santé ou d'un directeur.
17
Le brancardier au sein de l'institution exécute les
tâches qui lui sont confiées conformément à une
fiche de poste préétablie. Celle-ci va lui permettre de connaitre
ses missions et les attentes de l'institution en termes de savoirs, de
savoir-faire et de savoir-être. Selon Bernoux (2009), elle permet de
clarifier le travail, elle est un outil d'évaluation et elle fixe les
règles, tout comme le contrat de travail et le règlement
intérieur. Cela correspond au système formel auquel doivent se
soumettre les brancardiers. En récompense de sa contribution dans la
réalisation des tâches qui lui incombent, le brancardier recevra
une rétribution : un salaire.
Le brancardier ne travaille pas seul et collabore avec les
différents services, que ce soit l'imagerie, le bloc opératoire
les consultations, les urgences ou les différents services de soins.
Comme nous l'avons expliqué
précédemment, sa fonction consiste à transporter le
patient d'un endroit à un autre, en l'installant au préalable sur
du matériel nécessaire à ce transport. Le brancardier,
tout comme l'ensemble du personnel d'un établissement de santé,
oeuvre pour le patient mais chacun selon des tâches bien définies.
Ils partagent un objectif commun qui est la prise en charge du patient dans le
respect et la dignité de celui-ci. Il est donc nécessaire de
travailler en collaboration.
Collaborer sous-entend donc qu'il y ait des interactions
sociales entre les individus. Cela sous-entend aussi de connaître le
travail de l'Autre, ses limites et ses contraintes et ainsi rompre avec ses
propres représentations. Nous ferons un point, plus loin, sur la
collaboration interprofessionnelle et sur la notion de
représentations.
1.3.2 Le brancardier au sein d'une
équipe
Le brancardier est un agent « mobile »,
c'est-à-dire qu'il change de position régulièrement. Son
espace de travail c'est donc l'hôpital dans son ensemble : il arpente les
couloirs, rentre dans les chambres des patients, dans les salles d'examens,
dans les salles de soins, dans les secrétariats il va à la
chambre mortuaire... Il a accès à une grande partie des locaux de
l'hôpital et sa fonction s'exerce donc au sein des espaces des autres.
Cependant, le brancardier fait partie d'une équipe.
Cette équipe est dispersée à différents endroits de
l'hôpital. La notion d'équipe correspond à un «
ensemble de personnes travaillant à une même tâche »
(Larousse, 2019).
Formarier (2012) cite Abrami et Cauvin pour donner la
définition d'une équipe :
Ø Selon Abrami : « Une équipe peut
être définie comme étant un groupe de personnes
interagissant afin de se donner ou d'accomplir une cible commune, laquelle
implique une répartition des tâches et la convergence des efforts
des membres de l'équipe ».
Ø Selon Cauvin : « Une équipe est
le lieu où se développent les solidarités, où se
renforcent les actions de chacun par le jeu des échanges, où
s'unifie l'activité, où se crée un esprit commun
».
18
Au sein d'une équipe, chacun va être une
ressource pour l'Autre et pourra apprendre de l'Autre. En effet, le brancardier
se formant sur le « tas », va travailler avec ses pairs et observer
comment ils évoluent au sein de l'organisation. Il va accroitre ses
connaissances et ses compétences en évoluant au sein d'une
équipe. Par cohésion nous entendons, entraide, harmonie. Selon
Mucchielli (2017), lorsque le lien d'appartenance est de qualité et
qu'il est perçu comme tel par les membres de l'équipe, alors la
cohésion d'une équipe sera plus forte. Nous pouvons alors dire
que plus un agent se sentira intégré et plus la cohésion
dans l'équipe sera importante. Néanmoins, chacun peut vouloir
s'affirmer, pour être reconnu du groupe et c'est en cela que les
relations au sein d'une équipe peuvent se traduire par des jeux de
pouvoir. Au sein d'une équipe, chaque professionnel développe sa
propre stratégie afin de s'affirmer, d'améliorer ou de
préserver sa position. Selon Mucchielli (2017), il existe une structure
informelle du groupe et il souligne que les membres du groupe tissent des liens
entre eux. Il ajoute que dans un groupe certains individus sont plus influents,
il peut s'y jouer « une lutte pour le leadership, entre plusieurs leaders
potentiels » (p.70). La quête du leadership s'apparente à une
quête de pouvoir.
Bernoux (2009) définit le pouvoir comme « la
capacité pour certains individus ou groupes d'agir sur d'autres
individus ou groupes » ; il cite Crozier et Friedberg qui
énuméraient 4 sources de pouvoir :
Ø « L'expertise » : Dès lors
que le ou les individus seront les seuls en capacité de résoudre
un problème, ils seront pourvus d'un certain pouvoir. Cette source est
considérée comme étant fragile, elle « confère
du pouvoir si elle est liée à une situation stable et reconnue
dans l'organisation » (p.185) et elle nécessite l'adhésion
des autres aux décisions de celui ou de ceux considérés
comme experts.
Ø « La maitrise des relations avec
l'environnement » : Cette source est considérée comme
étant « plus importante et plus stable » (p.186) car le ou les
individus qui ont des connaissances solides d'une organisation les utiliseront
afin d'affermir leur pouvoir.
Ø « La communication » : Elle a une
grande valeur stratégique. La qualité de l'information à
transmettre est déterminante, et la façon dont elle va être
communiquée le sera d'autant plus.
Ø « L'utilisation des règles
organisationnelles » : Connaître les règles et savoir les
utiliser permet de disposer d'un pouvoir.
Travailler en équipe nécessite quelques
arrangements et une adaptation aux individus ; et ces jeux de pouvoir peuvent
être à l'origine de conflits au sein d'une équipe. Par
conflit, nous entendons « une violente opposition de sentiments,
d'opinions, d'intérêts. » (Larousse, 2019).
Voyons maintenant quelle est sa place aux cotés de
l'usager.
19
1.3.3 Le brancardier et l'usager
Nous avons vu précédemment que le brancardier
arrive sans qualification. Il se forme sur le « tas » dans un premier
temps puis il accède à des formations afin de développer
ses connaissances et ses compétences en termes de responsabilités
vis-à-vis de l'usager notamment. (afpc formation, 2019)
Cependant, il apprend par le biais du cadre et de ses
collègues, à faire preuve de vigilance concernant la
vérification de l'identité, de respect de la pudeur et de la
dignité du patient, et ce, en toute sécurité.
Les brancardiers ont des qualités relationnelles car
ils prennent en charge les patients dans des situations parfois
délicates. Être emmené à un examen ou au bloc
opératoire représente une source d'anxiété majeure
pour le patient. Le travail du brancardier prend tout son sens dans la relation
à l'Autre, car comme le dit Se Ming An (2018), il « cherche le
moyen de le tranquilliser en parole » (p.69). Le brancardier essaie de
s'adapter au patient, à sa douleur. Cet auteur qui était
brancardier aborde le sujet et explique « il nous faut aller plus
délicatement, très doucement des fois, c'est à nous de
gérer selon les situations de chaque personne » (p.47). Lorsque le
patient est occupé par exemple à faire sa toilette ou à
manger, le brancardier réorganise son travail et s'arrange pour repasser
plus tard.
Nous venons de voir que le brancardier, malgré le fait
qu'il n'ait pas de diplôme, est un acteur indispensable dans le parcours
de soins du patient au sein de l'organisation. Il met à profit ses
capacités relationnelles au service des patients.
2. Le management des équipes
dispersées
2.1 Généralités de la fonction
cadre de santé.
Nous allons évoquer le rôle et les missions du
cadre et enfin nous essaierons de comprendre ses fonctions dans un contexte de
management à distance.
Le cadre de santé est un manager. En 2006, Mintzberg
décrit dix rôles du manager qu'il classe en trois
catégories : Les rôles interpersonnels, les rôles
liés à l'information, les rôles décisionnels que
nous allons détailler.
Le rôle est défini par le Dictionnaire Larousse
en 2019, comme la « fonction remplie par quelqu'un, attribution
assignée à une institution. »
20
2.1.1 Les rôles interpersonnels
Ø Le cadre, un symbole
Son statut impose certains engagements car le cadre de
santé est pourvu d'une « autorité formelle ». En effet,
il sera amené à signer des documents dont lui seul est
habilité, ou bien être la personne que l'on souhaite rencontrer
car il représente le service.
Ø Le cadre, un leader
Il est celui qui guide l'équipe, qui donne un but. Il
prend en compte les besoins des agents et ceux de l'organisation. Il recentre
l'ensemble de l'équipe vers un objectif commun, qui concernera le
patient.
Ø Le cadre, un agent de liaison
Le cadre possède un réseau de relations
extérieures à l'équipe qu'il gère. Homans (
cité par Mintzberg, 2006), les qualifie de « relations
d'échange » : le cadre donne et reçoit à son tour. Il
a un statut considéré comme plus élevé dans
l'équipe et cela entraine un élargissement de ses contacts vers
l'extérieur. Il multiplie le nombre de personnes ressources auxquelles
il pourra faire appel en cas de nécessité, et pour lesquelles il
saura être disponible en retour.
Le cadre de santé recentre les brancardiers sur la
prise en charge du patient. Il va s'appuyer sur les autres cadres de
santé pour connaître les dysfonctionnements de l'organisation du
brancardage.
2.1.2 Les rôles liés à
l'information :
Recevoir et transmettre des informations est une activité
essentielle du cadre.
Ø Le cadre, un observateur actif
Le cadre cherche toujours à savoir ce qu'il se passe
dans son organisation, il est en quête d'informations qui lui permettront
de détecter les problèmes, mais aussi de savoir ce qui fonctionne
bien. Les sources de ces informations sont à la fois internes et
externes à l'organisation.
Ø Le cadre, un diffuseur
Le cadre joue un rôle essentiel dans la transmission de
l'information et s'assure que celle-ci est de qualité. Il reçoit
des informations, il va faire le tri dans ce qu'il va retransmettre à
l'intérieur de son organisation. Selon l'auteur, il est plus facile de
transmettre l'information lorsqu'elle est écrite que lorsqu'elle est en
mémoire car sa diffusion est plus fidèle. Cela peut
21
avoir pour résultat que le cadre va, soit submerger les
agents d'informations, soit au contraire limiter les informations qu'il va leur
transmettre au risque que ceux-ci n'aient pas toutes les données pour
bien faire leur travail.
Ø Le cadre, un porte-parole
Le cadre parle au nom de l'équipe qu'il gère du
fait de l'autorité qui lui est attribuée. Le fait d'être
diffuseur de l'information, lui permet de maintenir avisés les personnes
de l'extérieur comme sa hiérarchie par exemple.
Le cadre de santé du brancardage va s'appuyer sur les
avis de ses pairs pour améliorer le transport des patients, mais aussi
sur les avis des patients, sur les retours des autres professionnels
également. Mais il va aussi informer ses pairs sur le travail des
brancardiers et ainsi améliorer la collaboration avec les
différents services.
2.1.3 Les rôles décisionnels
:
Le cadre est amené à prendre
régulièrement des décisions.
Ø Le cadre, entrepreneur
Il est à l'initiative et à la mise en place de
changement au sein de l'organisation. La décision peut lui permettre de
résoudre un problème et d'améliorer une situation.
L'implication dans différents projets peut se faire à 3 niveaux
:
o La délégation : le cadre choisit de
déléguer la responsabilité des deux phases de la
décision à une personne qu'il a choisie et se réserve le
droit de le remplacer si celui-ci ne correspond pas à ses attentes.
o L'autorisation : l'agent suggère une solution au
cadre qui fera le choix d'accepter ou pas après avoir
évalué le risque. L'agent demande l'autorisation et le cadre
garde le contrôle.
o La supervision : le cadre décide lui-même de
se charger de la phase de conception dont il aura la responsabilité et
qu'il va superviser. Il peut être amené à traiter plusieurs
projets en même temps. Certains seront mis en attente, d'autres seront
terminés, pendant que d'autres vont se mettre en place.
Ø Le cadre, régulateur
Le cadre fait face aux imprévus et apporte une
correction aux différentes perturbations. Celles-ci peuvent être
de 3 types : conflits entre subordonnés, conflits entre des
organisations différentes, les pertes ou la menace de perte des
ressources. Ces perturbations sont souvent signalées au cadre par
d'autres personnes, le cadre ne les découvre pas toujours par
lui-même.
22
Néanmoins, il va consacrer de son temps à
essayer d'apporter une solution rapide à cette perturbation et à
trouver un équilibre, en en faisant sa priorité.
Ø Le cadre, répartiteur de ressources
Aucune décision n'est prise sans l'accord du cadre,
cela lui permet de garder le contrôle sur la répartition des
ressources.
Ø Le cadre, négociateur
Le cadre, du fait de son rôle de symbole, de
porte-parole et de répartiteur des ressources, a un rôle à
jouer dans les négociations concernant l'organisation dont il
s'occupe.
Ces différents rôles décrits par
Mintzberg (2006) montrent bien l'importance des fonctions du cadre de
santé. Mais qu'en est-il lorsque celui-ci gère une équipe
dispersée ? Nous allons maintenant aborder le concept de management
à distance.
2.2 Le cadre de santé dans un contexte de
management à distance
Au vu des évolutions au niveau des organisations
hospitalières, et en lien avec des restrictions budgétaires,
l'institution est amenée à partager le temps du cadre sur
plusieurs services voire sur plusieurs sites.
Nous allons voir à quoi correspond le management
à distance mais avant, nous définirons le management et la
distance.
2.2.1 Définitions
Le Dictionnaire Larousse (2019) définit le management
comme un « ensemble de techniques de direction, d'organisation et de
gestion de l'entreprise. »
Selon Ollivier (2017), le management est :
« l'établissement de règles claires et
communes qui définissent les rapports et les comportements que sont
censés développer des professionnels dans l'exercice de leurs
activités respectives. Il établit une structure stable, capable
de supporter les variations d'environnement et les adaptations
organisationnelles nécessaires. Ces règles répondent
à une formalisation explicite, permettant à chacun
d'apprécier avec justesse sa marge de manoeuvre, son pouvoir
d'initiative et les limites de ses responsabilités. » (p. 11)
Le Larousse (2019) donne une définition de la distance
en utilisant le terme « d'intervalle entre deux points, entre deux ou
plusieurs personnes ».
23
Selon Ollivier (2015), nous sommes habitués à
concevoir le management dans une relation de proximité mais cette vision
du management est transformée.
2.2.2 Principes du management à
distance
Selon Léon (2013), « c'est la nature même
de la relation managériale qui est à interroger, quelle que soit
la distance géographique qui sépare manager et collaborateur.
»
Selon Ollivier (2017), le management à distance oblige
à repenser la position et la posture du manager ainsi que ses
méthodes de travail, sa manière de conduire et d'animer une
équipe.
L'auteur nomme quatre types de travail à distance : le
travail à domicile, le travail nomade, la délocalisation chez le
client, les télécentres et le coworking, les sites multiples.
Celui qui nous intéresse est le travailleur nomade car celui-ci n'a pas
de lieu de travail fixe. Même si les brancardiers travaillent au sein
d'un établissement de santé, ils sont nomades car ils se
déplacent régulièrement.
Selon lui, lorsque nous parlons de distance, nous pouvons
être face à différents types de distance (p. 38-41):
Ø « La distance géographique
»: elle est selon lui le premier degré de difficulté. Il
explique que parfois il n'est pas nécessaire d'avoir une distance
kilométrique pour être cloisonné, parfois un couloir, des
portes fermées, un étage, suffisent pour créer cette
distance. C'est le cas, lorsque le bureau du cadre de santé est
situé à distance du local des brancardiers.
Ø « La distance culturelle » : le
manager prend en compte l'existence de culture par métier ou par site et
il est en mesure de pouvoir les analyser. Par culture, il entend
l'identité du groupe.
Ø « La distance linguistique » : elle
est en lien avec la présence dans le groupe d'individus n'ayant pas le
même langage
Ø « La distance technologique » : le
niveau de maitrise pour l'utilisation des outils numériques est
différent.
Ø « La distance temporelle » : elle
existe lorsque les individus travaillent sur des fuseaux horaires
différents ce qui entraine un décalage entre le moment du
signalement du problème et la recherche de solutions.
D'après cet auteur, « la distance
géographique développe une distance opérationnelle car les
informations n'arrivent plus en continu et le risque de se déconnecter
des enjeux et priorités se renforce... » (p.43). Elle entraine un
éloignement des relations, une régression progressive de la
convivialité, une raréfaction des échanges informels et la
difficulté à mettre en place le principe de solidarité.
Une des difficultés liées à la distance
concerne la communication. Une relation en face-à-face permet de
détecter le non-verbal c'est-à-dire tout ce qu'un individu laisse
transparaitre sans
24
avoir recours à la parole. Elle peut se
caractériser par des expressions du visage, des gestes... tout ce qui
n'est pas dit. Elle peut se faire de manière consciente ou inconsciente.
En outre, cette relation à distance peut donner lieu à des
interprétations, des malentendus de part et d'autre. L'autonomie qui est
accordée aux professionnels entraine de ce fait des prises d'initiatives
qui peuvent être parfois inadaptées. Le manque d'interactions
entre le manager et les membres de l'équipe entraine une distance
émotionnelle : les professionnels auront moins d'occasion d'exprimer
leurs ressentis ce qui peut entrainer une démotivation.
L'auteur poursuit en indiquant que la confiance est capitale
et doit être réciproque pour qu'un management à distance
fonctionne. La confiance permet d'éviter des dérives comme le
risque de conflit en lien avec des incompréhensions, de la concurrence
voire de la jalousie ; une faible coopération qui se manifeste par une
conservation des informations et un manque d'entraide, enfin un stress plus
élevé pour les salariés qui doivent essayer de s'en sortir
seuls. Selon l'auteur, pour qu'une relation de confiance puisse s'instaurer, il
faut que les cadres aient déjà confiance en leurs propres
capacités. Dans ce type de management, les managers craignent un
non-respect des règles.
Le manager devra prendre en compte les enjeux et les leviers
afin de lui permettre une meilleure gestion à distance. Les enjeux du
management à distance sont caractérisés par la prise en
compte des individualités et la décentralisation des
responsabilités. Selon l'auteur, il est nécessaire que le manager
connaisse ses collaborateurs avant de se lancer dans une réorganisation
car il risque de se retrouver seul face au collectif. Il ajoute qu'un entretien
pour faire connaissance avec chaque membre de l'équipe est
nécessaire car chacun est différent et a besoin d'une attention
particulière. Par ailleurs, il est déterminant d'identifier le
rôle de chacun et de donner des responsabilités qui seront
acceptées et assumées par les collaborateurs. Enfin le
succès du management à distance repose sur la dynamique du groupe
et sa capacité à s'impliquer dans les projets.
Le management à distance demande au cadre une remise
en cause de ses habitudes de fonctionnement, et de définir des objectifs
pour ses collaborateurs. Manager à distance permet de développer
l'autonomie des agents dans la prise de décisions et de les
responsabiliser davantage, mais l'auteur ajoute que les professionnels sont
aussi plus demandeurs d'échanges. « Le manager à distance
dispose plus que tout autre d'une vision claire du développement de son
équipe et de sa capacité à se mouvoir dans un
environnement complexe. » (p. 53)
Dans une chronique de 2015, Ollivier explique que « le
management d'une équipe éparpillée dans l'espace
entraîne du fait des contraintes spatiales et temporelles, une
hiérarchisation des priorités plus conséquente ». Le
cadre de santé va déléguer certaines tâches. Les
agents fonctionnent avec une certaine autonomie mais chacun devra savoir
où est sa place. Le sociologue indique qu'il est nécessaire
d'établir des règles et d'harmoniser les pratiques, et que «
la cohésion d'une équipe à distance se construit
déjà dans la cohérence de son système
d'organisation ». Par ailleurs, la communication et la transmission de
l'information devront être optimisées afin d'éviter la
redondance des renseignements et de signaler tout dysfonctionnement. Selon lui,
le manager saura répondre aux besoins et demandes individuels, et
être vigilant aux difficultés rencontrées par les agents.
« Le besoin de reconnaissance et de
25
feedback occupe un rôle plus conséquent dans la
stimulation à agir des collaborateurs. » Le cadre de santé
base son management sur la relation de confiance et utilise les temps formels
comme informels.
Léon (2013) traite du contrôle de
l'activité à distance. Selon elle, le management à
distance peut se faire sous deux formes : « le suivi électronique
de la performance et le management par objectifs ». Le suivi
électronique permet le contrôle des heures de travail et des
demandes traitées. Mais elle rajoute que ce suivi ressemble « aux
principes tayloriens d'organisation du travail » et qu'il accentuerait le
stress ressenti par les salariés. En ce qui concerne le management par
objectifs, celui-ci met en avant les objectifs à atteindre,
l'implication, et les retours sur les tâches accomplies. Certaines
responsabilités sont alors attribuées au collaborateur et non au
manager ce qui signifie que le collaborateur devra informer son
supérieur hiérarchique de l'avancée du travail et signaler
ce qui a ou n'a pas fonctionné. D'après elle, la gestion à
distance nécessite un équilibre entre autonomie et
contrôle. Elle ajoute que cet éloignement du terrain augmente
l'écart entre le travail prescrit (ce qui est attendu) et le travail
réel (celui qui est réalisé). La distance rend difficile
l'évaluation du manager sur la situation dans laquelle se trouve l'agent
et la pertinence de son jugement sur les actions réalisées.
Elle souligne également que la distance a un impact
sur la communication qui est comme elle le dit « indispensable au bon
fonctionnement d'une relation hiérarchique ». Dans le management
à distance la communication peut alors se faire en face-à-face,
par téléphone, ou par courriel... mais il existe des limites
notamment en termes de gestion des priorités. En 2008, ce même
auteur, indique que ces outils de communication rendent possibles « la
dématérialisation et l'immédiateté des
échanges » et cela permet de garder une proximité même
à distance.
Selon elle, le manager laisse de l'autonomie à ses
collaborateurs dans la prise de décision et l'auteur rajoute « les
managers à distance doivent se limiter à donner un cap, une
direction à suivre. » Ils prennent alors conscience de la
difficulté d'établir une relation de confiance, et les situations
problématiques attestent d'une défaillance de cette gestion
à distance. Le cadre de santé devra être davantage attentif
aux agents et à leurs préoccupations puisque la fréquence
des temps d'échanges sera faible. L'auteur ajoute que le style de
management est déterminant dans cette gestion à distance et
évoque que la personne qui va procéder à
l'évaluation de l'agent ne sera pas forcément, la plus à
même de le faire. Elle conclue en disant que « les relations
formelles ne sont pas le monopole du management à distance ».
Ollivier (2017) aborde « la notion de
dépersonnalisation au service du collectif » (p. 70). Selon lui, la
distance entraine un besoin de reconnaissance individuelle. Prendre en compte
l'individu ne signifie pas encourager l'individualisme mais plutôt lui
permettre de trouver sa place au sein du collectif. Un cadre sera
crédible si les objectifs qu'ils donnent sont mesurables. La
délégation permet le développement des compétences
des collaborateurs, de maintenir leur motivation, et au manager de se
dégager du temps. Le collaborateur se voit alors confier de nouvelles
responsabilités.
26
Il explique qu'il est intéressant pour le manager
à distance d'avoir les leaders de son côté car ceux-ci
pourront contribuer à impulser une dynamique de groupe. Il cite la loi
de Pareto (20/80) qui indique que :
« 20% des membres d'une équipe
représentent 80% du pouvoir d'influence au sein d'un groupe. L'enjeu ne
consiste pas à obtenir l'adhésion de tous mais de cibler ceux
qui
détiennent le pouvoir de faire évoluer ou pas
l'état d'esprit du collectif. » (p.144)
2.2.3 Les temps d'échanges
« au-delà de la motivation et de l'envie de
s'investir, il est nécessaire pour le manager de définir le
système d'information qui va permettre de fluidifier et d'organiser
les
échanges et les responsabilités des
différents acteurs. » (Ollivier, 2017, p. 175).
Selon l'auteur, le manager à distance provoquera des
moments d'échanges mais une communication essentiellement formelle peut
générer du stress chez les collaborateurs. La diminution des
moments d'échanges informels pourrait bloquer la cohésion dans
une équipe car au-delà d'une distance physique, il y aurait une
distance relationnelle. Il est donc nécessaire que le manager mette
toutes les chances de son côté notamment en mangeant ou en prenant
un café avec l'équipe. Ces temps d'échanges permettent de
cerner l'ambiance au sein du groupe et de connaître les attentes des
collaborateurs.
Les échanges sont essentiels et ils répondent
à un besoin afin de prévenir des risques, tels que
l'individualisme, et des tensions possibles. L'auteur ajoute que « c'est
bien la qualité de la communication informelle qui fait progresser la
communication formelle et non l'inverse » (p.183). Par ailleurs, le cadre
aura une grande capacité de négociation avec ses pairs. Les
réunions d'équipe permettent de faire un point sur les
organisations mais également de prendre en compte chaque individu au
sein du collectif : il sera possible de voir ceux qui prennent
régulièrement la parole, ceux qui sont plus effacés et qui
n'osent pas parler. Elles permettront de voir si certains prennent le dessus
par rapport aux autres membres de l'équipe, s'il existe des jeux de
pouvoir entre eux. Les entretiens annuels quant à eux permettent de
faire un point avec chaque agent sur ses performances, ses compétences
et ses capacités mais aussi de connaître son ressenti au sein de
l'équipe et de façon plus générale dans son
travail. En outre, il est essentiel de prendre en considération le
savoir-être collectif et donc leur capacité à travailler
ensemble, et à pouvoir collaborer avec les différents
partenaires.
Ollivier (2017) indique que la communication est essentielle
et qu'elle ne consiste pas uniquement en la diffusion d'informations. Selon lui
« le besoin d'échange est très fort et il vient se
télescoper avec les contraintes de temps des managers. » (p.156) Il
poursuit en expliquant que le manager est davantage jugé sur son «
empathie et sa proximité relationnelle » (p.160), que sur ses
capacités d'orateur. Il met également en avant le fait que la
communication non verbale est la façon dont le corps s'exprime. Les
collaborateurs utilisent les signaux de la communication non verbale pour
cerner l'état d'esprit du manager et même si ce dernier peut
essayer de tromper avec les mots il est trahi par son attitude ; le manager
fait preuve d'authenticité. Il vérifie aussi si le collaborateur
a bien compris ce qu'il a voulu dire car il y a
27
une perte d'informations entre ce que le manager souhaite
faire comprendre et ce que le collaborateur va mémoriser. La
communication met en relation un émetteur et un récepteur. Le
manager à distance fera preuve d'une grande capacité
d'adaptation, mais aussi de confiance envers son équipe pour leur
laisser de l'autonomie et les responsabiliser.
Selon Vion (1992), la communication permet de donner du sens,
d'établir une relation sociale et participe à la construction
d'images identitaires permettant à l'individu de développer sa
personnalité. L'auteur aborde la notion d'« histoire
interactionnelle » qui comprend les différentes interactions
auxquelles l'individu a été confronté dans sa vie et qui
lui ont permis de développer son affectivité et sa vision du
monde. « La connaissance des règles et de normes, les
compétences et les capacités stratégiques dépendent
de cette longue histoire au travers de laquelle le sujet se construit tout en
communiquant et communique tout en se socialisant ». (p. 99)
Ollivier (2017) met en avant un point déterminant du
management à distance : la valorisation qui peut être individuelle
ou collective.
Selon Belzile et Couturier (2018), « la dimension
collective importe [...] en ce que le milieu de travail est aussi un milieu de
socialisation secondaire qui donne du sens à la vie du sujet »
(p.163).
Les brancardiers doivent apprendre à connaître
le travail des autres professionnels afin de pouvoir collaborer avec eux dans
la prise en charge du patient. En prenant en compte le travail de l'autre, leur
travail pourra également être reconnu par les autres
professionnels. Cette reconnaissance mutuelle permet aux agents de s'accepter
et de s'enrichir de leurs expériences.
Nous allons maintenant traiter de la collaboration
interprofessionnelle et aborder le rôle du cadre pour favoriser cette
collaboration.
3. La collaboration interprofessionnelle
La collaboration est essentielle en établissement de
santé car elle se fait dans l'intérêt du patient. Pour
collaborer, il sera nécessaire que chaque professionnel reconnaisse et
comprenne le travail de ses collaborateurs afin de ne pas se limiter à
ses représentations du travail de l'Autre. D'après Todorov
(2013), « se sentir nécessaire aux autres (pour leur accorder une
reconnaissance) fait qu'on se sent soi-même reconnu ». (p.25). Pour
se sentir utile, il faudra que le brancardier collabore.
28
3.1 La collaboration
3.1.1 Définitions
La collaboration est définie par le Dictionnaire
Larousse (2019) comme « l'action de collaborer, de participer à une
oeuvre avec d'autres ». Collaborer c'est « travailler de concert avec
quelqu'un d'autre, l'aider dans ses fonctions ; participer avec un ou plusieurs
autres à une oeuvre commune. »
3.1.2 Le concept de collaboration
interprofessionnelle
Le terme « interprofessionnel » signifie selon le
Dictionnaire Larousse (2019) « qui concerne plusieurs professions.
»
Selon Moszyk (2017), « la plupart des activités
humaines ne sont pas des activités individuelles et solitaires : elles
sont le produit des actions concertées et coordonnées de
plusieurs personnes. »
La collaboration interprofessionnelle est :
« un ensemble de relations et d'interactions qui
permettent ou non à des professionnels de mettre en commun, de partager
leurs connaissances, leur expertise, leur expérience, pour les mettre de
façon concomitante au service des clients et pour le plus grand bien de
ceux-ci ». (D'amour, Sicotte, & Levy, 1999, p.69)
Dans l'organisation, nous avons vu les notions de division
des tâches et d'objectif commun. Des missions sont attribuées
à certaines fonctions, et il est nécessaire pour que
l'organisation fonctionne que chacun collabore. D'après Belzile et
Couturier (2018), « La collaboration interprofessionnelle produit donc
à terme un schème opératoire transversal qui exige des
différents intervenants concernés par la situation, de convenir
de ce but commun. » (p. 33). Le préfixe inter- renvoie
à la notion de transformation de soi et de l'Autre. Il sous-entend une
dépendance réciproque en termes de savoirs, il entraine une
transformation identitaire des agents qui sont en contact ; il suggère
qu'il y ait une progression et le développement d'une intelligence
collective.
La collaboration interprofessionnelle permet aux
professionnels d'augmenter leurs capacités à coordonner leurs
actions. Collaborer leur permet d'être plus efficaces en combinant leurs
efforts.
La mise en oeuvre d'une collaboration interprofessionnelle
peut être malmenée par des résistances aux changements qui
sous-entendent la défense des intérêts de chacun, « la
fonction identitaire est centrale » (p.76). Selon les auteurs, il serait
intéressant d'enseigner la collaboration interprofessionnelle en
formation initiale et de poursuivre ces enseignements en formation continue.
Mais pour bien se faire, l'apprentissage de la collaboration
interprofessionnelle ne doit pas se réaliser qu'au travers des livres,
elle doit se produire lors de
29
contacts réels. Ils mentionnent que les formations sur
la collaboration interprofessionnelle considèrent que les conflits
interprofessionnels sont dus à un manque de compréhension
mutuelle en lien avec des comportements, des « valeurs ou des
représentations différentes d'un groupe professionnel à un
autre » (p.77). Des représentations faussées sont sources de
comportements inadaptés. Ils ajoutent qu'il peut arriver qu'en cas de
défaillance dans la collaboration interprofessionnelle, la faute risque
d'être attribuée à une seule personne alors que ces
défaillances sont le résultat d'une organisation de travail qui
ne met pas assez en avant ce principe de collaboration interprofessionnelle.
Cela nous renvoie à la stratégie d'acteurs qu'évoque
Crozier cité par Guérin (2018). Ces enjeux stratégiques
altèrent la réussite de cette collaboration car chacun veut
affirmer ou préserver sa position dans l'organisation. Les auteurs
poursuivent en indiquant que ce phénomène peut créer des
tensions entre les différents professionnels.
Afin d'assurer une collaboration interprofessionnelle, le
management au sein de l'organisation fera en sorte d'instaurer des
méthodes de médiation, en recentrant chaque partie sur un
objectif commun pour permettre la modification de leur positionnement. Un
dispositif de médiation permettrait à chacun de collaborer et
donc de se transformer mutuellement.
Belzile et Couturier (2018) abordent le sujet des
coordonnateurs en indiquant que ceux-ci travaillent sur un espace de travail
étendu qui correspond au territoire de l'usager. Leurs organisations ne
sont pas cloisonnées. Leurs responsabilités sont par
conséquent plus larges. Nous pouvons mettre en lien l'espace de travail
des coordonnateurs à celui des brancardiers puisque ceux-ci travaillent
sur un territoire étendu.
Selon les auteurs, trois types de compétences sont
appréciables dans la collaboration interprofessionnelle (p150-166):
Ø La première serait en lien avec la
communication et la métacommunication. Ces compétences sont
attendues chez tout professionnel de santé mais dans la
réalité ce n'est pas toujours le cas. En ce qui concerne les
compétences métacommunicationnelles, celles-ci permettent au
groupe qui va chercher à collaborer, d'être efficace. Communiquer
avec l'usager et ses proches nécessite de mobiliser des
compétences métacommunicationnelles (comme adapter son langage,
reformuler)
Ø La deuxième correspond à la
médiation aussi appelées compétences
collaboratives. Elle s'opère dans un premier temps par une adaptation
mutuelle des professionnels qui vont interagir autour d'une cause commune.
Ø La dernière concerne la «
réflexivité d'analyse de l'activité ». Elle
complète la précédente. La réflexivité c'est
la capacité du professionnel à réfléchir sur ses
propres pratiques.
Les auteurs s'intéressent aux travaux menés en
2006 par la Fondation canadienne de la recherche sur les services de
santé. Celle-ci affirme que :
les « preuves dites circonstancielles de
l'efficacité du travail de collaboration interprofessionnelle sont
suffisantes pour se mobiliser en ce sens, pour au moins les
30
aspects suivants donnés comme exemple : la
prévention de l'épuisement professionnel, la satisfaction au
travail, l'amélioration de la qualité et de la
sécurité des soins » (p. 169).
Moszyk (2017) cadre de santé, explique avoir fait un
état des lieux au sein de l'équipe qu'il gérait en mettant
en place un groupe de travail autour de la collaboration. Dans un premier
temps, il demande aux agents de lui faire part de leurs représentations
et de leur réflexion autour du sujet. Il se rend compte que selon les
agents, la collaboration dépend de la personne avec qui ils vont devoir
collaborer « la collaboration au quotidien est avant tout un rapport de
personne à personne avant d'être un rapport de professionnel
à professionnel. » Les aspects positifs de la collaboration qui se
dégagent sont l'amélioration de la prise en charge du patient, de
la communication et de la connaissance du travail de l'Autre. Les
manifestations négatives sont à prendre aussi en
considération telles que le manque de connaissance des
spécificités des professionnels avec qui l'on collabore, des
« conflits de représentations », des insuffisances (ne pas
connaître le nom de ses collaborateurs par exemple, absence de remise en
question, dévalorisation des collaborateurs...). Par ailleurs, les
agents expriment des sentiments négatifs tels que l'«
épuisement professionnel », « le sentiment de non
reconnaissance, sentiment de méconnaissance du travail de l'Autre
».
Nous allons terminer cette partie en abordant le rôle
du cadre pour favoriser cette collaboration.
3.1.3 Le cadre de santé : un acteur de la
collaboration
Selon Moszyk (2017), le cadre de santé est la garant
de la qualité des soins. Il veille au bon déroulement du parcours
du patient. Par conséquent, il s'assure d'accompagner cette
collaboration et s'appuie sur sa connaissance du terrain et de ses
collaborateurs. Le cadre de santé fait changer les
représentations en vue d'améliorer la collaboration.
L'auteur poursuit en expliquant que le cadre de santé
améliore son management et que c'est un levier pour
l'amélioration de la collaboration. Le cadre de santé fait preuve
d'exemplarité et rappelle à ses collaborateurs qu'ils ne
travaillent pas seuls et qu'ils participent à une prise en charge
globale du patient. Il peut être nécessaire de leur rappeler
également les règles de fonctionnement afin d'«
éviter certaines attitudes autocentrées ou certains sentiments
négatifs ».
L'auteur indique qu'un autre levier d'amélioration de
la collaboration serait d'assurer le développement des
compétences des agents afin de les conduire vers un cheminement de leur
construction professionnelle. « Les postures de l'agent se nuanceront
ainsi vers moins de certitudes ou de convictions sur la prise en charge et vers
plus d'opérationnalité partagée ». Le cadre peut
mener les agents à avoir une posture réflexive leur permettant de
faire le lien entre leurs connaissances et leurs actes pour construire la
compétence.
Le cadre recentre les professionnels autour d'un objectif
commun c'est-à-dire le patient. Nous avons vu que dans la collaboration
interprofessionnelle, les représentations pouvaient avoir un
31
impact sur la qualité des interactions avec les autres
professionnels. Nous allons maintenant aborder le concept de
représentation.
3.2 Les représentations
Les professionnels d'un établissement de santé
travaillent en interprofessionnalité. Pour mieux collaborer, il est
nécessaire que chacun connaisse le travail de l'Autre et qu'il ne s'en
fasse pas une représentation qui pourrait avoir une répercussion
sur la qualité de la collaboration. En effet, les représentations
d'un individu influencent son comportement face à l'Autre. Nous allons
donner une définition et aborder le concept de représentations
sociales.
3.2.1 Définition
Selon Jodelet (citée par Martinez, 2019), les
représentations nous permettent d'interpréter la situation dans
laquelle nous nous trouvons. C'est « donner un sens à l'inattendu
». C'est une manière d'interpréter et de penser notre
réalité quotidienne, une forme de connaissance sociale. Elle
définit la représentation comme « une forme de connaissance,
socialement élaborée et partagée, ayant une visée
pratique et concourant à la construction d'une réalité
commune à un ensemble social. »
Selon le sociologue Dortier (2002), les représentations
mentales sont :
Ø Organisées : elles « structurent
notre paysage mental ». Les représentations sont associées
à des idées selon une liste de propriétés :
l'aspect, la catégorie, à quoi ça sert, vers quoi
ça évolue. Mais selon lui, le fait de mettre un mot dans une
catégorie peut entrainer l'exclusion de l'objet s'il n'est pas conforme
à la description, à la représentation que l'on en a de
lui. Il est difficile d'inclure un objet dans une catégorie lorsque
celui-ci ne correspond pas à l'idée que l'on en a. Les
représentations doivent être faites à partir d'un
schéma. Cela suppose qu'elles soient encodées dans nos
mémoires et rassemblées autour d'idées qui se
ressemblent.
Ø Stables : elles sont ancrées par
l'aspect psychologique, social et institutionnel propre à notre vie.
C'est un héritage du passé ; elles sont en lien avec notre
façon de penser, notre appartenance ou notre éducation. Elles
sont propres à chacun. Et chaque individu aura des
représentations différentes, qui lui ont été
inculquées durant son enfance. C'est un « ancrage social »,
une stabilité dans la vie quotidienne ou le travail. C'est le sentiment
d'appartenance à un groupe plutôt qu'un autre, puisqu'il aura les
mêmes idées, les mêmes centres d'intérêts.
Ø Utiles : nos désirs, nos projets
orientent nos représentations ainsi que notre statut d'être
humain. Selon l'âge, le métier... la façon de voir les
choses sera différente. Elles nous permettent d'évaluer les
objets et d'agir, et déterminent nos comportements vis-à-vis
d'eux « elles construisent nos goûts et nos dégoûts
à l'égard de notre environnement. »
Ø Vivantes : elles sont en perpétuelles
transformations. Elles peuvent être variables et être en
opposition. Chacun interprète les informations qu'il reçoit
à sa façon ; l'auteur évoque un
32
phénomène de mutation, de filtrage cognitif. Les
représentations peuvent avoir plusieurs sens, elles ne sont pas
réduites à « une signification unique ».
Les représentations sont propres à chaque
individu. Elles existent depuis l'enfance, elles sont nourries par nos
expériences et elles déterminent nos choix.
3.2.2 Le concept de représentation
sociale
Selon Jodelet (citée par Martinez , 2019), une
représentation sociale est toujours la représentation de quelque
chose ou de quelqu'un.
Selon Mannoni (2010), « les représentations
sociales sont présentes dans la vie mentale quotidienne des individus
aussi bien que des groupes et sont constitutives de notre pensée ».
(p. 6). Chaque être, chaque objet nous renvoie à une image,
à une idée, à un souvenir etc. Les représentations
mentales font appel aux facultés cognitives et émotionnelles.
Elles renvoient à des images qui éveillent en l'individu des
émotions qu'elles soient positives ou négatives et vont avoir une
influence sur la communication qu'il va avoir avec l'Autre. Les
représentations négatives peuvent se caractériser par des
préjugés et stéréotypes (ou idées
reçues).
L'auteur s'intéresse aux relations interpersonnelles
en lien avec la représentation de l'Autre. Il explique que :
« des rapports de rivalité, de soumission ou de
complémentarité peuvent s'élaborer à partir de la
mise en jeu des systèmes de représentation chez les interactants
et la manière dont on se représente l'Autre détermine la
relation hiérarchisée que l'on va mettre en oeuvre à son
égard » (p. 94-95).
Le remplacement d'une représentation positive par une
négative entraine la déconsidération. Il cite Goffman :
« on demande à l'individu stigmatisé de
nier le poids de son fardeau et de ne jamais laisser croire qu'à le
porter il ait pu devenir différent de nous ; en même temps, on
exige qu'il se tienne à une distance telle que nous puissions entretenir
sans peine l'image que nous nous faisons de lui. En d'autres termes, on lui
conseille de s'accepter et de nous accepter en remerciement naturel d'une
tolérance première que nous ne lui avons jamais tout à
fait accordée. » (p. 97).
L'auteur explique que l'individu va adapter la
représentation qu'il a de l'Autre ou d'un objet afin d'en faciliter son
acceptation. Il va occulter cette pensée négative même s'il
sait que ça le dérange. « Quant au stigmatisé il
développe une représentation de son stigmate « en miroir
» qu'il doit modeler sur celle des sujets normaux, et la remanie
inconsciemment suivant l'image que ceux-ci lui renvoient de la perception de
son stigmate. » (p. 98)
Selon Mannoni (2010), l'appréciation de l'Autre est
affectée par l'évaluation du groupe d'appartenance, nous
comprenons alors que le groupe peut nous influencer et modifier nos propres
représentations.
33
« Dans un mécanisme comme celui de l'attribution
causale, on assiste également à l'émergence de
représentations à peine masquées par la nouvelle
dénomination. On constate, en effet, que, dans les
phénomènes d'autoattribution, le sujet s'impute des traits de
personnalité qui justifient son comportement particulier. Pour ce qui
regarde l'hétéroattribution, chacun, se compose une «
connaissance » de l'Autre, c'est-à-dire une représentation
de l'Autre à travers laquelle il est considéré comme
agressif ou bienveillant, indifférent et froid ou chaleureux et
attentif, bon vivant et sympathique ou triste et ennuyeux. » (Mannoni,
2010, p. 108)
Selon Martinez (2019), les représentations nous
limitent dans nos interactions sociales. Il est nécessaire de savoir les
reconnaitre pour savoir comment agir. Elle cite Jovic qui a mis en avant que
les représentations sociales visent à orienter et justifier des
comportements et des interactions sociales, à construire et sauvegarder
une identité.
D'après Abric (cité par Martinez, 2019), les
représentations sociales comportent quatre fonctions principales :
Ø Une fonction de savoir : les connaissances
vont avoir pour but de comprendre et d'expliquer la réalité.
Elles vont permettre la communication et les interactions sociales.
Ø Une fonction identitaire : les
représentations sociales déterminent l'identité sociale de
chaque individu. Le mécanisme va apparaître dans le
phénomène d'intégration ou de comparaison sociale.
Ø Une fonction d'orientation : les
représentations sociales vont permettre au sujet d'appréhender
les situations et de savoir comment agir dans un contexte spécifique.
Ø Une fonction justificatrice : elles
permettent la justification d'un positionnement décidé par
l'individu.
Cela détermine l'appartenance à un groupe et la
capacité d'un individu à s'évaluer et à se
différencier d'un autre groupe.
En favorisant la collaboration interprofessionnelle, le cadre
de santé permet à ses collaborateurs de mieux communiquer, de
mieux connaître le métier de l'Autre et qu'ainsi à
l'inverse l'Autre apprenne à connaître leur travail , ceci afin de
reconnaître la valeur de chacun au sein de l'organisation. La
reconnaissance au travail permet de favoriser cette collaboration entre les
professionnels.
Nous allons maintenant aborder le thème de la
reconnaissance au travail
4. La reconnaissance au travail
Au-delà de ces organisations, il faut prendre en
compte l'évolution sociétale et considérer que le rapport
au travail a changé ; les salariés ont besoin de trouver du sens
à ce qu'ils font, de se sentir utiles, que leur valeur et leur travail
soient reconnus. Les brancardiers
34
ont un statut particulier car comme nous l'avons
présenté précédemment, leur métier n'est pas
valorisé par un diplôme.
4.1 Définitions
Commençons par une définition du verbe
reconnaître extraite du Larousse (2019): « Admettre comme vrai,
réel, légitime »
Pour Honneth (2013), l'individu ayant un besoin de
reconnaissance est « un être qui pour être épanoui,
pour avoir une relation harmonieuse à lui-même, a besoin des
autres. » (p.13). Celui-ci distingue 3 principes de reconnaissance :
l'amour dans la sphère de l'intimité, le principe
d'égalité dans la sphère des relations politiques et
juridiques, le sentiment de se sentir utile dans la sphère
collective.
Nous voyons en cela, que la reconnaissance dépend de
l'Autre, du regard qu'il porte sur un autre individu.
Si nous nous attachons au mot travail maintenant, nous pouvons
constater qu'étymologiquement ce mot vient du latin « tripalium
» qui est un instrument de torture. Encore aujourd'hui, le travail peut
être considéré comme une contrainte mais il permet de
satisfaire des besoins. Le travail selon Dejours et Gernet (2009), est un
rapport social, c'est un endroit où se créent des relations entre
l'individu et les personnes avec qui et pour qui il travaille.
Le travail est un lieu où se créer des
interactions sociales ; il permet de répondre à plusieurs
besoins.
4.2 La satisfaction d'un besoin
Un besoin est une « exigence née d'un sentiment
de manque, de privation de quelque chose qui est nécessaire à la
vie organique. » (Larousse, 2019)
Selon Becker (2015), le thème de la reconnaissance
n'est exprimé qu'en termes négatifs, ce qui signifie que les
agents l'évoquent lorsqu'ils sont en manque de reconnaissance. Elle
poursuit en expliquant que l'individu passe une grande partie de sa vie au
travail. Le travail lui permet de créer du lien social, de
développer des compétences et ainsi d'acquérir une
identité sociale. D'après elle, « reconnaître une
personne lui permet de se reconnaître » (p.12). « Le
salarié a besoin d'un effet miroir qui lui confirme qu'il existe au sein
de l'entreprise. » (p.13)
Le travail permet la satisfaction de certains besoins : par
le gain d'un salaire le salarié peut répondre à ses
besoins physiologiques et de sécurité. Mais il répond
aussi au besoin d'appartenance à un groupe, au besoin d'estime (ou de
reconnaissance) et de réalisation de soi. C'est ce que nous explique
Maslow au travers de sa pyramide (Annexe 1) illustrant la
35
hiérarchisation des besoins. Selon lui, il est
indispensable que les besoins du bas de la pyramide soit satisfaits pour
pouvoir prétendre à la satisfaction des besoins au sommet de
cette pyramide.
Les besoins identifiés sont décrits de la base
jusqu'au sommet :
Ø Les besoins physiologiques : le travail
répond aux besoins de base (manger, boire, dormir...) grâce au
salaire.
Ø Le besoin de sécurité :
grâce aux revenus, l'individu peut bénéficier d'un
environnement stable.
Ø Le besoin d'appartenance : l'individu se sent
intégré dans son environnement social.
Ø Le besoin d'estime : il passe par
l'appréciation des autres
Ø Le besoin d'accomplissement : Le travail
donne du sens à l'existence, l'individu se sent utile.
En nous référant à la pyramide de Maslow
(Annexe 1), nous pouvons avancer que les brancardiers pourront satisfaire les
deux premiers besoins grâce à leur salaire. Le besoin
d'appartenance va pouvoir être comblé grâce à la
place qu'ils occupent dans l'équipe. Le besoin de reconnaissance
s'intègre au besoin d'estime de soi. Si les compétences et les
capacités sont reconnues alors il pourra se sentir utile et donc
accompli.
4.3 La notion de reconnaissance au travail
Fayol (cité par Guérin, 2019), était un
précurseur en matière de reconnaissance des travailleurs. Fayol
ne souhaitait pas que le travail détruise. Il ne voulait pas que
l'efficacité se fasse au détriment de l'efficience, au prix d'une
consommation de moyens humains. Il désirait que les travailleurs
puissent continuer à être fiers de faire ce qu'ils font et qu'ils
aient le sentiment d'avoir une valeur. Il prenait en compte l'avis de ses
collaborateurs et leur demandait de faire des propositions par le biais de
boites à idées, de groupes de travail par exemple.
En 2018, l'agence nationale pour l'amélioration des
conditions de travail (ANACT) mentionne qu'il existe différentes sources
de reconnaissance. Selon une enquête menée en 2016, cette
dernière peut provenir à 72% des collègues du service,
à 68% du client, à 68% du manager, à 55% des
collègues des autres services, et à 50% de la direction.
Lors d'une conférence organisée par l'ANFH
(2018), Malarewicz, un psychiatre, explique que la reconnaissance permet
d'apporter à chacun un « surcroît d'existence ».
Selon Paugam (2001), l'individu travaille pour gagner sa vie,
s'épanouir personnellement et avoir une reconnaissance sociale.
Le besoin de reconnaissance au travail est devenu essentiel
et concerne toutes les professions quelle que soit leur place dans la
hiérarchie. Elle comprend 4 dimensions selon Brun (2002) (p.41)
Ø La reconnaissance de la personne
Ø La reconnaissance des résultats
Ø La reconnaissance de l'effort
Ø 36
La reconnaissance des compétences.
Selon ce même auteur, la reconnaissance au travail
permet de garantir la préservation de l'identité des individus.
Elle permet de donner du sens au travail et participe au bien-être au
travail des professionnels. La reconnaissance passe par l'évaluation de
l'Autre sur ce qu'il est et sur ce qu'il fait. Elle sous-entend qu'il y ait un
jugement. Reconnaître c'est voir le travail. La reconnaissance
dépend des interactions avec les autres et permet de satisfaire un
besoin.
Piotet et Sainsaulieu (cité par un collectif sous la
direction de Bourgeon, 2012), considèrent que :
« la reconnaissance et la distinction mutuelle
s'élaborent autant par les échanges de la vie quotidienne entre
collègues, avec des chefs, des adjoints et des subordonnés, que
par les manières même de communiquer et d'intervenir sur le
travail, qui fournissent aux uns et aux autres des indications sur la
façon dont ils vous considèrent et vous admettent »
(p.66).
La relation et l'échange avec l'Autre, permettent une
meilleure compréhension du travail de l'un et de l'autre.
D'après Todorov (2013), la reconnaissance comprend
deux étapes : dans un premier temps, on demande la reconnaissance de
notre existence. Deuxièmement, la confirmation de notre valeur est
nécessaire. L'individu a donc besoin d'être reconnu en tant que
tel, en tant qu'être unique et singulier mais aussi que sa valeur soit
reconnue, que ce soient ses savoirs, savoir-faire, savoir-être, sa
capacité à agir dans un environnement, à réagir
face à une situation, à interagir avec autrui.
Selon Dejours et Gernet (2009), la reconnaissance au travail
passe par deux formes de jugement : « le jugement d'utilité
technique, sociale ou économique est formulé par la
hiérarchie, les subordonnés ou parfois même les clients. Le
jugement de beauté porte quant à lui sur la qualité du
travail (« beau boulot » ...) » (p. 30). Le fait d'être
reconnu par l'Autre permet de donner du sens au travail. Les auteurs
poursuivent en indiquant que toutes les professions ne sont pas reconnues de la
même façon ; en effet, certaines sont considérées
comme étant plus distinguées que d'autres donc plus
valorisées.
La reconnaissance se traduit également par la
confiance. Un cadre de santé aura confiance en ses collaborateurs et
ceux-ci auront alors un sentiment d'efficacité personnelle fort. Selon
Bandura (cité par Lecomte, 2004) l'efficacité personnelle n'est
pas seulement individuelle. Bandura met en avant l'importance de
l'efficacité collective. Il considère que les attitudes et les
émotions des individus sont mieux prédits par l'influence
combinée des croyances d'efficacité et par les performances
attendues au sein de sociétés données. La confiance en soi
est à l'origine du sentiment d'auto efficacité, concept
développé par Bandura qui désigne « les croyances
d'une personne sur sa capacité d'atteindre des buts ou de faire face
à différentes situations. », qui se développent en
vivant des expériences qu'on maitrise et qu'on réussit.
37
4.4 Les conséquences de la reconnaissance sur
l'individu
En 2018, l'ANACT distingue deux types de savoirs à
reconnaître : les compétences et les savoir-être. Selon
elle, reconnaitre le deuxième « soulève des risques de
discrimination et de subjectivité trop forte. »
Malarewicz (2018), indique que la reconnaissance renforce
l'identité de l'individu. Selon lui, plus l'individu a besoin
d'être autonome et plus les autres lui sont indispensables. Il ajoute que
la reconnaissance est « l'objet d'une constante négociation et
marquée par la réciprocité : l'on donne si l'on
reçoit et l'on reçoit si l'on donne. » et que l'individu
peut être tenté d'attribuer aux autres des signes de
reconnaissance dont il a lui-même besoin.
Le manque de reconnaissance a des effets négatifs sur
l'individu.
Il existe deux formes de défaillance selon les
psychiatres comme l'explique Todorov (2013), « le rejet » et «
le déni ou manque de reconnaissance ». Il rajoute même que le
manque de reconnaissance entraine de l'anxiété. Le déni de
reconnaissance peut être considéré comme une souffrance car
cela peut léser l'identité, la fragiliser. Selon Nunge et Mortera
(1998), l'absence de signes de reconnaissance est signe de souffrance physique
et psychologique.
Dejours (cité par Caillé, 2007) explique que la
reconnaissance est ambigüe. Il dégage trois dimensions qu'il
associe à la reconnaissance : la demande, la souffrance et la
vulnérabilité :
Ø La demande : la reconnaissance
nécessite l'investissement de l'individu dans une relation à
l'Autre. Il intègre la notion d'attente à cette recherche de
reconnaissance qui aurait une connotation négative.
Ø La souffrance : l'auteur associe la
théorie de la reconnaissance à celle de la souffrance. Cette
souffrance se traduirait par un sentiment d'injustice et elle aurait un rapport
avec la notion de « mal ».
Ø La vulnérabilité : selon lui
cette quête de reconnaissance pourrait entrainer le développement
de pathologies mentales.
L'auteur ajoute que le manque de reconnaissance entraine la
démotivation et que l'espoir d'être reconnu génère
le désir de travailler ensemble. « La reconnaissance au travail, de
surcroît, se révèle alors comme la médiation
grâce à laquelle la souffrance au travail est transformée
en plaisir. » (p. 65). Au travail, la reconnaissance souhaitée
concerne le travail, c'est-à-dire la contribution dans le travail
collectif et la coopération. Elle « porte non pas sur l'être
mais sur le faire. » (p. 66). Il met en lien la reconnaissance de la
qualité du travail individuel avec la possibilité d'accès
à l'appartenance à un groupe. La reconnaissance du « faire
» permet d'être reconnu en tant que personne mais aussi d'appartenir
à un groupe.
38
La reconnaissance peut avoir un « effet pygmalion »
si elle est donnée dans un but de motiver l'individu:
Figure 1 : L'« Effet pygmalion ». (Lemmings, 2016)
Merton (cité par Vallée, 2018) traite des
prophéties auto-réalisatrices. Elles influencent
l'évolution d'un individu en formulant une hypothèse positive sur
ses capacités à progresser. Ce sont des prédictions
formulées au sujet d'un comportement ou d'une circonstance à
venir qui transforment les interactions afin de produire ce qui est attendu.
C'est l'« effet pygmalion ». Le jugement que l'on porte sur autrui ou
sur soi-même conditionne en partie notre comportement. Si les autres
reconnaissent ce que nous sommes, cela va avoir une influence positive sur nous
et nous allons gagner en confiance, améliorer nos performances.
Selon Becker (2015), l'individu qui a besoin de
reconnaissance a besoin de plaire en mettant en avant ses capacités.
L'individu est aussi reconnu par ses pairs, par les personnes qui composent
l'équipe dont il fait partie. Les pairs peuvent reconnaître la
maitrise et la participation au sein du service. Lorsqu'un individu fait appel
à un collègue plutôt qu'à un autre, il va chercher
une expertise. Certains sont plus compétents dans certains domaines que
dans d'autres. Dans une équipe, les agents se connaissent, connaissent
les forces et les faiblesses des uns et des autres. La reconnaissance des
forces d'un agent par les membres de l'équipe favorise son
intégration au sein de cette équipe.
4.5 Le rôle du manager à distance dans la
reconnaissance
Selon Becker (2015), pour être en capacité de
montrer des signes de reconnaissance, il faut déjà faire preuve
de bienveillance, d'empathie, être authentique et avoir confiance en soi.
Elle évoque la culture de l'« image positive de soi-même
» (p.39). D'après elle, il est nécessaire que le manager
apprenne à connaître ses collaborateurs et que cela est
déjà un signe de reconnaissance. Elle souligne l'importance du
regard du manager sur ses collaborateurs. En effet, ils peuvent grâce
à cela développer une image positive d'eux-mêmes ou
à l'inverse, ressentir que le manager ne leur fait pas confiance et ils
se considèreront comme étant incompétents. Avoir confiance
en ses collaborateurs et le leur montrer est également un signe de
reconnaissance.
39
Selon elle, l'entretien annuel d'évaluation est un
levier de motivation mais il est conseillé de ne pas attendre ce moment
pour donner des signes de reconnaissance. Un collaborateur qui se sentira
reconnu sera plus impliqué dans son travail et fera davantage d'efforts.
Le contraire entrainera une démotivation. Les collaborateurs ont
tendance à se comparer à leurs collègues pour
s'auto-évaluer sur leurs compétences et leurs valeurs. Mais elle
peut être source de frustration si l'agent se sent moins compétent
qu'un autre. Le cadre de santé va donc essayer d'être vigilant
à ne pas favoriser l'envie et la jalousie, d'aider les agents à
s'améliorer, à renforcer leur estime de soi et d'encourager le
partage de compétences. Le cadre de santé essaie d'aider l'agent
à trouver sa place afin qu'il trouve une cohérence entre ce qu'il
est et ce qui est attendu de lui, qu'il trouve du sens à ce qu'il fait.
Elle poursuit en faisant un focus sur le manager à distance et elle
insiste en disant qu'il est primordial que celui-ci trouve les moyens de
détecter les signes de communication non verbale qui pourraient traduire
un besoin de reconnaissance. Elle ajoute que l'implication des agents dans
l'action pour co-construire en équipe permet de les reconnaitre comme
étant capables de le faire. Ils participent ainsi à leur propre
développement, à celui de leur équipe et à celui de
l'entreprise. Le collectif aussi est à prendre en considération.
Le manager obtiendra le meilleur de chacun pour agir au service du collectif.
Elle explique également que l'individu a un « double besoin de
reconnaissance » (p.99) : il a besoin d'être reconnu au sein d'une
équipe mais aussi en tant que personne au sein d'un collectif. L'auteur
explique que le manager essaiera de s'adapter aux personnalités de ses
collaborateurs pour ainsi mieux comprendre leurs besoins de reconnaissance. Par
ailleurs, selon elle, le cadre devra faire preuve d'intelligence
émotionnelle. Ce concept développé par Goleman dans les
années 1990, « désigne notre capacité à
reconnaitre nos propres sentiments et ceux des autres, à nous motiver
nous-même et à bien gérer nos émotions en
nous-même et dans nos relations avec autrui. » (p.170). Savoir
gérer ses émotions permet d'être plus performant.
L'individu a besoin de se sentir utile, valorisé et
considéré par l'Autre afin de se sentir épanoui dans son
travail et de maintenir sa motivation. L'auteur conclut en insistant sur le
fait qu'il n'y a pas de méthode pour satisfaire le besoin de
reconnaissance des agents, mais que la reconnaissance est source de motivation
mais également d'épanouissement et de bien-être.
Selon Cayatte (2009), donner des signes de reconnaissance
suppose de comprendre les attentes des agents pour s'y adapter. Cela passe par
l'écoute active lors des entretiens individuels mais également
par le repérage des signaux faibles. Ce repérage peut se faire en
face à face mais aussi à distance par le biais du
téléphone. En effet, les changements d'intonation de la voix,
l'accélération ou le ralentissement de son débit, la
survenue de silences ou de raclements de gorge permettent de détecter
des signaux tels que l'embarras, l'enthousiasme... La reconnaissance peut se
faire de différentes façons : entretien individuel sur site,
téléphone, messagerie, réunions de groupe.
Selon l'ANACT (2018), le manager a un rôle clé
dans le processus de reconnaissance qui se déroulerait selon trois
étapes :
Ø « L'identification » : il s'agit de
reconnaitre la singularité et la dignité de la personne avec
authenticité. Cela consiste à personnaliser la reconnaissance
sans pour autant être dans un mode de favoritisme ou à l'inverse
de discrimination.
Ø
40
« L'évaluation » : il s'agit de
reconnaitre ce qui est accompli dans le travail. Elle s'appuie « sur des
critères de jugement qu'on a intérêt à rendre
explicites, sur l'objectivation du travail réalisé et sur la mise
en visibilité des contraintes spécifiques d'un poste ou d'une
fonction occupée par une personne ou un groupe. »
Ø « La récompense » : Elle ne
passe pas que par la rétribution. Elle s'apprécie
également par la confiance que le manager va porter sur ses
collaborateurs, par le fait de leur donner des responsabilités, de les
faire participer à des formations, de leur permettre d'évoluer ou
de s'impliquer dans la vie organisationnelle. Cela permet de renforcer l'estime
de soi, l'engagement, et le sentiment d'appartenance à une
équipe.
L'agence nationale pour l'amélioration des conditions
de travail (2018) ajoute qu'« il ne faut pas rabattre la question de la
reconnaissance au jeu du « donnant-donnant » : reconnaître la
personne, son travail, et les conditions de sa réalisation ne se
ramène pas à une mesure de contribution-rétribution et
dépasse le simple calcul (sans l'exclure) pour intégrer des
dimensions relationnelles, d'égalité professionnelle, de
parcours, d'engagement, de fidélisation, de justice et de pouvoir...
»
Nous avons vu que la reconnaissance est fondamentale que ce
soit pour l'individu ou pour l'institution. Elle est un moyen de favoriser
l'engagement au travail, mais elle participe également au
bien-être au travail de l'individu. L'Organisation Mondiale de la
Santé (OMS) considère le bien-être au travail comme «
un état d'esprit caractérisé par une harmonie
satisfaisante entre d'un côté les aptitudes, les besoins et les
aspirations du travailleur et de l'autre les contraintes et les
possibilités du milieu de travail » (Chef d'entreprise, 2019).
Nous venons de voir que le cadre de santé a un grand
rôle à jouer pour favoriser la reconnaissance au travail de ces
agents. Nous allons maintenant mettre en lumière la vision des cadres au
sujet de la fonction brancardier, voir comment ils les encadrent dans un
contexte de management à distance, voir quelle est leur vision de la
collaboration des brancardiers avec les autres professionnels de santé
et comment ils favorisent la qualité de vie au travail de ces agents.
Nous allons à présent confronter
l'éclairage théorique à l'expérience des
professionnels sur le terrain, en faisant le lien avec notre question de
recherche et nos hypothèses.
1. La méthodologie de travail
Nous avons choisi d'investiguer sur le terrain en
réalisant des entretiens semi-directifs Nous allons vous
présenter les objectifs que nous avons définis pour tenter de
répondre à notre questionnement de départ et vous
expliquer pourquoi nous avons fait le choix des entretiens semi-directifs.
41
1.1 Les objectifs de l'enquête
Il était nécessaire avant d'aller sur le terrain de
nous fixer des objectifs permettant de bien cadrer notre sujet. Les
hypothèses définies et le cadre théorique que nous venons
de réaliser nous ont permis de déterminer cinq objectifs pour
effectuer nos entretiens :
1- Connaître les caractéristiques d'une
équipe dispersée
2- Savoir si le management à distance a un impact sur la
relation et l'évaluation du cadre avec l'équipe.
3- Savoir si les brancardiers connaissent le travail de l'Autre
et savoir comment ils collaborent avec les autres services
4- Connaitre l'implication des brancardiers dans la vie
organisationnelle
5- Comprendre comment le cadre de santé valorise le
travail des brancardiers.
1.2 L'entretien semi-directif
Plusieurs méthodes existent pour investiguer sur le
terrain : l'observation, les questionnaires, et les entretiens. Nous avons fait
le choix de réaliser des entretiens semi-directifs parce qu'ils
permettent, à l'aide de questions ouvertes, d'obtenir des
réponses qui ne sont pas orientées, laissant ainsi la libre
expression des professionnels interviewés. Cette méthode permet
de fournir au chercheur des éléments de réponses auxquels
ils n'avaient pas pensé et par conséquent d'enrichir ce travail
de recherche ; mais également d'avoir l'opportunité de rebondir
sur des réponses afin de les approfondir. Ces entretiens ont
été enregistrés avec l'accord de chaque professionnel et
après leur avoir garanti l'anonymat et la destruction des
enregistrements à la fin de ce travail ; cela nous a permis d'une part
d'être davantage concentrée dans les échanges et
d'être fidèle à ce qui nous a été dit en
retranscrivant mot pour mot les propos cités par les interviewés.
Nous avons respecté la confidentialité des échanges en
arrêtant l'enregistrement lorsque les professionnels ont reçu un
appel téléphonique, que quelqu'un est intervenu dans le bureau ou
bien lorsqu'ils nous ont tout simplement demandé de le faire. Nous nous
sommes appuyée sur la même grille d`entretien (Annexe 2)
auprès de tous les professionnels interrogés, nous permettant
ainsi d'avoir des éléments de similitude ou de comparaison. Ces
entretiens ont eu une durée comprise entre 39 minutes et 1 heure et 16
minutes.
Nous allons maintenant exposer les raisons qui ont motivé
le choix des établissements.
2. Le choix des établissements
Nous avons enquêté auprès de huit
établissements publics et privés, dans deux régions
différentes. Nous identifierons ces établissements avec la lettre
E suivie d'un chiffre donné à titre indicatif par ordre de
réalisation des entretiens. La dimension des établissements
est
42
variable, le nombre d'agents à gérer ainsi que
la fonction des professionnels responsables d'une équipe de
brancardiers, varient également.
Au début de chaque entretien nous avons souhaité
avoir quelques informations pour connaître le parcours du professionnel
interrogé et ainsi créer un climat de confiance permettant
à l'interviewé de s'exprimer sans réticence.
Le tableau qui suit, réunit les éléments
recueillis en février 2019, permettant de répertorier les
personnes interrogées. Il nous permettra également de coder les
verbatims que nous allons utiliser par la suite dans notre analyse. Nous
utiliserons des abréviations pour cadre de santé (CDS),
faisant-fonction cadre de santé (FFCDS), cadre technique (CT), directeur
opérationnel (DO) et directeur des soins infirmiers (DSI).
Identification
|
Sexe
|
Année du diplôme cadre ou Master
|
Ancienneté dans le service
|
Nombre de brancardiers
|
Temps partagé
|
CDS- E1
|
M
|
2016
|
1,5 an
|
32
|
Oui
|
CDS- E2
|
F
|
2011
|
4 ans
|
3
|
Oui
|
CDS- E3
|
F
|
2014
|
4 ans
|
50
|
Non
|
FFCDS- E4
|
F
|
/
|
6 mois
|
3
|
Oui
|
CT- E5
|
M
|
/
|
5 ans
|
44
|
Non
|
DO- E6
|
M
|
2011
|
3 ans
|
6
|
Oui
|
DSI- E7
|
F
|
2005
|
8 mois
|
29
|
Oui
|
CDS- E8
|
F
|
1996
|
4 ans
|
5
|
Oui
|
Figure N°2 : Tableau présentant les professionnels
interrogés
Nous avons mentionné « temps partagé »
pour indiquer que certains encadrants ont plusieurs équipes à
gérer. Nous noterons que les établissements numéro 4 et
numéro 8 font partie d'un même centre hospitalier mais sont
identifiés de cette façon car ce sont deux sites avec des
organisations distinctes. La FFCDS-E4 était en poste depuis 6 mois
seulement ; elle n'avait pas eu l'occasion de faire de réunion avec
l'équipe, elle était encore en période de
découverte de sa fonction, de ses équipes et des organisations.
C'est la personne qui a eu le plus de difficultés à s'exprimer
sur le sujet. Par ailleurs, le cadre technique a la particularité
d'avoir lui-même une expérience en tant que brancardier, le
directeur opérationnel a été cadre de santé dans la
même structure que celle où il travaille aujourd'hui mais il n'a
pas de diplôme de cadre de santé, en revanche il est en possession
d'un master 2. Enfin la directrice des soins infirmiers a eu une
expérience en tant que cadre de santé au service brancardage dans
le même établissement.
43
3. L'analyse de contenu
L'analyse de contenu permet de décrire de façon
objective le contenu des éléments échangés lors des
entretiens. Elle vise à rassembler les données obtenues afin de
comprendre les opinions ainsi que les conduites des professionnels
interrogés.
3.1 La méthode
Après avoir retranscrit chaque entretien, nous avons
classé les propos des professionnels interviewés en cinq grandes
catégories : la vision des encadrants sur la fonction de brancardier, la
collaboration interprofessionnelle, le management à distance de
l'équipe de brancardiers, la qualité de vie au travail de ces
agents. Ces différentes thématiques ont été
décomposées en sous-catégories afin d'ordonner les
réponses obtenues. Cette catégorisation nous a alors permis
d'être méthodique pour analyser le contenu des entretiens
réalisés.
3.2 L'analyse des entretiens
Cette analyse sera quantitative, qualitative et
interprétative pour donner du sens aux éléments que nous
avons catégorisés. Nous avons fait le choix de présenter
les parties dans cet ordre pour mettre en avant le travail des brancardiers et
terminer sur la qualité de vie au travail.
3.2.1 La vision des encadrants sur la fonction de
brancardier
Pour commencer, il fallait déterminer quelles
étaient les caractéristiques de la fonction de brancardier dans
un établissement de santé et connaître les
différentes organisations mises en place. Il était essentiel
d'aborder ce sujet, car comme nous l'avons évoqué au début
de cet écrit, il existe très peu de littératures sur le
sujet. Nous voulions donc consacrer une première partie abordant cette
fonction de brancardier et montrer comment elle est perçue par les
professionnels encadrants.
v Un statut inapproprié
Le métier de brancardier ne nécessite pas de
diplôme. Le CT-E5 rajoute même « on peut embaucher qui on
veut ». Six encadrants abordent le statut des brancardiers qui
d'après eux, ne correspond pas à ce qu'ils font au quotidien.
C'est ce que nous explique la CDS-E8 qui ne comprend pas qu'ils aient un statut
d'ASHQ : « Après ils ont un statut particulier. C'est un vrai
problème ». « Ils ont un statut d'ASHQ, ce qu'ils
font enfin ça n'a rien à voir avec ça quoi ! Eux ils sont
tout à fait au fait de ça, ils le mesurent qu'ils sont dans un
champ vide finalement,
44
ils ne se reconnaissent pas par rapport à une ASH,
on voit bien qu'ils ne font pas le même travail ». On peut
constater qu'elle ne trouve pas la dénomination de leur statut,
cohérente, par rapport au travail qu'ils font au quotidien. Comme a pu
l'évoquer Larcher (1992), la fonction de brancardier « paraît
revêtir une spécificité justifiant la création d'un
statut particulier de catégorie C, distinct de celui des A.S.H. (agents
de service hospitalier) et des A.S.H. qualifiés, dont le décret
statutaire prévoit qu'ils sont, pour les premiers, " chargés des
travaux matériels dans les services accueillant les malades " et, pour
les seconds, " chargés de l'entretien et de l'hygiène des locaux
de soins " » Le DO-E6 met en avant que c'est un métier qui n'est
pas bien payé : « les brancardiers ils sont en bas de
l'échelle sur le plan des salaires », ce qui est aussi
évoqué par le CDS-E8 que l'on sent déçue par ce
constat : « ils sont quand même pas payés cher
[...]ils sont payés au SMIC et pff enfin c'est dramatique quoi
! »
v Les missions confiées
La mission première des brancardiers que chacun
s'accorde à décrire concerne le transport des patients d'un point
A à un point B. Ils sont aussi missionnés pour répondre
aux demandes des services et entretenir leur matériel. Les tâches
décrites correspondent à celles retrouvées dans la fiche
métier du répertoire des métiers (Ministère des
solidarités et de la santé, 2018). Mais dans la majorité
des établissements où nous avons réalisé nos
entretiens, les brancardiers transportent les défunts à la
chambre mortuaire ; ce n'est pas le cas dans l'E6 qui est un
établissement privé et qui fait appel aux pompes funèbres.
Il n'y a pas de chambre mortuaire dans cet établissement. En revanche,
le CT-E5 et la DSI-E7 précisent que l'information concernant cette
mission, est donnée lors du recrutement afin de préparer
psychologiquement les candidats. « C'est quelque chose qui est
toujours évoqué lors du recrutement » (DSI-E7).
Certaines équipes fonctionnent avec un régulateur qui distribue
les courses aux brancardiers ; ce fonctionnement on le retrouve dans les
grandes équipes (plus de 20 agents). Cela permet d'équilibrer les
courses, d'éviter des pas inutiles pour les brancardiers mais pour
autant, chaque professionnel interrogé dont l'équipe travaille
avec un régulateur, souligne les problèmes de réseaux qui
rendent parfois défaillante l'organisation du brancardage, c'est pour
cela d'ailleurs que la DSI-E7 nous informe vouloir revenir à l'ancien
système avec des DECT. Sur la grande majorité des structures de
santé, l'équipe de brancardage fonctionne au sein d'un «
pool », c'est-à-dire une équipe à part entière
composée exclusivement de brancardiers, mais ce n'est pas le cas de
l'organisation de l'équipe du CDS-E8 : « tous les brancardiers
de cet établissement sont rattachés à un service. Donc
c'est comme une équipe dans un service où il y a les
infirmières les aides-soignantes. Ils font partie de
l'équipe. [...] c'est pas une équipe qui est
externalisée ».
v Un métier qui s'apprend sur le tas
Le métier de brancardier s'apprend sur le tas. Cela
nécessite quelques jours de formation afin de connaître les lieux,
les organisations et de savoir comment prendre en charge le transport d'un
patient. Le CDS-E1 ajoute : « Il y a un fil conducteur qui doit
être pour tous à peu près le même [...] pour
arriver au même résultat finalement, c'est-à-dire une bonne
prise en charge des patients mais la manière de faire diverge un petit
peu. On essaie de cibler les personnes
45
pédagogues car tout le monde ne l'est pas. On peut
être très professionnel, et faire très bien son taf et pas
savoir le transmettre donc il faut aussi savoir choisir les personnes qui
seront en capacité de transmettre les bonnes informations. Donc
ça c'est aussi difficile car les nouveaux ils arrivent ils n'ont pas de
formation de base. ». Il est nécessaire que les agents soient
formés sur certains éléments notamment en ce qui concerne
l'hygiène, les gestes d'urgence et la manutention. Une formation d'une
semaine à Paris à l'école Louise Couvet reprend des
notions d'hygiène, fait un focus sur les responsabilités, aborde
la prise en charge du transport du patient en termes de manutention, de
matériel à utiliser et traite le sujet de la prise en charge des
défunts. (CDS-E3, CT-E5). « Alors c'est pas une formation
diplômante [...] Elle est axée uniquement sur le
métier brancardage ». (CT-E5). Le CDS-E8 évoque le fait
qu'il est difficile de trouver des formations qui peuvent concerner les
brancardiers mais elle explique qu'elle cherche des formations qui peuvent les
intéresser : « c'est une formation qui vient d'être
proposée et qui leur est très très utile c'est une
formation sur tout ce qui est rites et laïcité. Ça leur
donne des armes pour patienter quelque fois ou pour répondre aussi, dans
la communication. Ils disaient que quelque fois ils allaient chercher des
patients qui pouvaient être en train de prier, ils étaient
désarmés par rapport à ça. Donc pour savoir
qu'est-ce qu'il faut faire ».
Et puis, trois interviewés insistent sur l'importance
de l'aspect relationnel de la fonction et des qualités requises pour
faire ce métier :
Ø CDS-E1 : « car certes on forme sur le tas
[...] voilà je veux dire prendre en charge un patient,
communiquer avec lui, c'est pas forcément donné à tout le
monde non plus »
Ø DSI-E7 : « il faut d'abord des
prérequis, qu'ils aient déjà une approche du patient, donc
qu'est-ce qu'un patient à l'hôpital, une approche du transport du
patient donc voilà on met un patient dans un lit, comment on l'installe
? comment on le couvre ? de la confidentialité, du respect, du secret
professionnel, de la notion de service public donc toute une réflexion
autour du métier de brancardier et pas je pousse un lit comme je pousse
un chariot avec des palettes dessus »
Ø CDS-E8 : « Parce que finalement ils
apprennent sur le tas donc même au niveau relationnel ce n'est pas
donné à tout le monde de faire ça »
Cette compétence est identifiée par Le Boterf
(2015) comme un savoir-faire relationnel. Mais ce savoir-faire fait aussi appel
à ce qu'il nomme les « capacité personnelles » qui
permettent à un individu d'agir en situation.
v Un métier d'homme
Cinq encadrants soulignent que leur équipe est
essentiellement composée d'hommes, c'est le cas pour CDS-E2, FFCDS-E4,
DO-E6, DSI-E7, CDS-E8. Pour les autres, il y a seulement une femme. Les
interviewés l'expliquent car c'est un métier physique qui
nécessite de pousser des charges lourdes et de beaucoup marcher :
Ø « Les femmes c'était particulier
c'est pas trop leur domaine ...et ça les met en difficulté les
lits ils font 300 kg donc c'est difficile toute la journée. C'est un
métier d'hommes ça c'est sûr » (CDS-E3).
Ø
46
« C'est un métier très physique »,
« Le métier n'est pas fermé aux femmes. J'en ai qu'une,
j'aimerai bien en avoir d'autres mais on n'a pas beaucoup de CV »
(CT-E5).
Ø « Ça demandait un certain effort
physique, ça reste un métier pénible [...] C'est un
métier pénible » (DO-E6).
Ø « C'est quand même des gens qui font
plus de quatorze-quinze kilomètres par jour qui doivent être
à la fois avoir une bonne condition physique, à la fois s'adapter
aussi bien à des gens âgés, des gens jeunes, des gens
douloureux, agressifs enfin bon il faut beaucoup de compétences pour
ça quand même » (CDS-E8).
Ø La DSI-E7 nous communique une raison
différente pour expliquer qu'il n'y ait pas d'homme dans son
équipe : « J'avoue que je suis assez prudente pour remettre des
femmes dans l'équipe parce que là actuellement la pauvre (rire),
parce que je crains qu'elle soit la petite main de ces messieurs. Car parfois
c'est un peu le bazar ». Donc selon elle, une femme dans une
équipe d'hommes serait considérée par ces derniers comme
la personne chargée de l'entretien de leur salle de pause, ils auraient
donc des représentations au sujet des femmes au sein du brancardage.
Nous pouvons constater que le recrutement au service du
brancardage est fait majoritairement avec des hommes, d'une part car le
métier attire plus d'hommes que de femmes au vu du peu de candidatures
comme le décrit le CT-E5 et d'autre part car la difficulté
physique liée au métier entraine le besoin pour certains
recruteurs de mettre à ce poste des hommes plutôt que des
femmes.
v Un métier mobile
A la notion de métier physique s'ajoute la notion de
mobilité que les interviewés décrivent de
différentes façons : Pour le CDS-E1 : « ils sont sur
tout l'établissement », « dans tous les endroits de
l'établissement » (CDS-E2). Pour la CDS-E3, « c'est
une équipe mobile ». Pour la CDS-E8, et le CT-E5 : «
elle navigue sur tout l'hôpital ». La FFCDS-E4 nous
explique que c'est difficile à gérer car « ils ne seront
pas à un endroit précis ». Les termes employés
sont variés mais ils veulent dire la même chose
c'est-à-dire que ce sont des agents mobiles.
Certains mettent en avant que l'avantage de la
mobilité permet aux brancardiers d'être en relation avec tous les
professionnels de santé de l'établissement. « Eux
l'avantage qu'ils ont c'est qu'ils ont des liens avec tous les services.
» (CT-E5) « comme tout métier comme ça en
transversal, ils ont des relations avec tous les services » (CDS-E2).
Dans tous les établissements où nous avons réalisé
nos entretiens, les brancardiers sont des agents connus des autres
professionnels de santé.
Pour le DO-E6, le fait d'être mobile a l'avantage de
développer la capacité à être polyvalent. «
Les agents qui sont monodisciplinaires, qui ne font qu'une seule discipline
ils s'ennuient. ». Il compare cette activité à celle
des infirmières qui font partie d'un pool de remplacement, qui changent
souvent de service, ce qui selon lui, les rend plus « épanouies
» et « ça leur donne envie d'apprendre, de progresser
». Il affirme que les brancardiers préfèrent
changer, et ne pas rester toujours sur les mêmes tâches.
Selon la DSI-E7, l'avantage d'aller
47
partout comme elle le dit c'est qu'ils connaissent bien
l'établissement et, de même que le DO-E6, elle insiste sur cette
notion de polyvalence qui permet de faciliter les remplacements en cas
d'absentéisme : « On ne s'enferme pas dans du trop
dédié et on sait bien que les équipes de brancardiers sont
des équipes où il y a un absentéisme assez important donc
il faut que chacun puisse tourner sur tous les secteurs, c'est voilà la
connaissance de tous les postes ». Ce n'est pas le cas pour la CDS-E8
qui nous indique qu'il y a peu d'absentéisme dans son équipe et
selon elle cela est dû au fait que les brancardiers ne soient pas
intégrés à un pool. Selon Conjard (cité par
l'ARACT, 2017), « lorsqu'un salarié a le sentiment de ne plus
être reconnu ou que son travail ne l'est plus, il se trouve en situation
de mal-être, d'insatisfaction qui peut se traduire par des plaintes, un
retrait, un désengagement, voire par un problème
d'absentéisme, de turnover ». Nous pouvons donc penser que si les
brancardiers présentent un absentéisme important, c'est
peut-être en lien avec leur bien-être au travail.
Tout comme le CT-E5, la CDS-E8 associe la notion de
liberté à la notion de mobilité : « donc ils
naviguent dans tout l'hôpital [...] ils ont une certaine
liberté aussi ».
Nous pouvons constater que la mobilité est
perçue comme une dispersion des agents dans l'espace, cependant, elle a
l'avantage de développer la polyvalence, de leur laisser une certaine
liberté et de créer du lien social.
v Le brancardage : une prestation
Quatre professionnels interrogés évoquent la
notion de « service prestataire » ce qui sous-entend que les
brancardiers sont dépendants des autres services : « le fait
que l'activité ne soit pas prévisible...elle n'est pas lisse sur
la journée donc ils ont des moments de creux ». « Le
brancardage c'est une prestation, c'est ce que je leur dis toujours
». (CDS-E2). Par prestation, le CDS-E1 entend que les brancardiers
répondent à une demande : « on est quand même
prestataire de service donc c'est ça aussi que j'essaie de leur faire
comprendre, c'est que voilà, on va dire qu'on est à "disposition
de" quand même », « c'est un peu le problème
des services prestataires [...] où on envoie, on demande et il
faut qu'on obtienne en fait. ». Pour la DSI-E7 qui a repris en main
le service brancardage « ils sont prestataires de service pour les
patients donc on n'est pas loin du soin ». Le CT-E5 ne l'exprime pas
directement cependant ses propos signifient la même chose : «
c'est un désavantage pour eux c'est qu'on est lié aux
services ». Dans un article, le responsable du transport de
l'hôpital de Genève (Richard, 2019) qualifie les brancardiers de
« fourmis de l'hôpital ». Il compare les brancardiers à
des fourmis car ce sont « des insectes qui sont réputés pour
leur travail au service de la communauté, tout en restant dans l'ombre
». Ses propos rejoignent ceux de Nagels et Benshimi (2013, Mai) lorsqu'ils
soulignent la « part invisible du travail ».
v L'évolution du métier
Certains encadrants évoquent une évolution
possible vers d'autres métiers de la santé, ou bien d'autres
envisagent le métier différemment. La CDS-E2 nous raconte comment
certains brancardiers peuvent évoluer : « Il y en a un qui a
tenté de rentrer en école d'aide-soignante ».
48
Pour la DSI 7, ce métier n'est pas fait par vocation et
la fonction elle-même va évoluer : « Ils ont fait ce job
là pour manger avant tout je n'ai pas vraiment de vocation de
brancardier ». C'est en cela qu'ils répondent au besoin
physiologique évoqué par Maslow dans sa pyramide (Annexe 1).
D'après elle, c'est avant tout un métier choisi pour
répondre à un besoin physiologique. Le DO-E6 partage l'avis de la
DSI-E7 en ce qui concerne les motivations à faire ce métier :
« On fait brancardier c'est pas par vocation, je suis sûr que
c'est pas par vocation. C'est un peu un métier où on n'a pas le
choix, c'est un métier de transition pour faire autre chose, pour aller
après vers des métiers de soins, ça n'a jamais
été un métier de carrière ». Il a
également une vision assez singulière sur l'évolution de
ce métier : « si on peut et qu'on a la possibilité de
supprimer ce métier ou au moins l'alléger mais le brancardage
comme on le voit et comme on le connait aujourd'hui doit disparaitre [...]
c'est ce qu'on appelle le « Lean ». Donc c'est une tâche,
c'est un gaspillage en fait le brancardage. [...]. C'est ce qu'on
appelle le juste à temps ». Nous supposons que les propos de
ce professionnel s'expliquent par le fait qu'il manage dans une structure
privée qui est spécialisée dans les actes de chirurgie et
la patientèle est souvent plus autonome que dans un établissement
public.
Nous nous sommes interrogée au sujet des perspectives
d'évolution dans l'E8. En effet, il y a plusieurs équipes de
brancardiers sur différents secteurs, ils peuvent donc postuler sur un
secteur qu'ils ne connaissent pas. Pourtant la CDS-E8 explique : « Ils
ont cette opportunité de perspective de changement de service mais ils
le font rarement. Alors, soit ils évoluent vers un autre métier
[...]. Ça dépend du niveau scolaire qu'ils ont
». Elle l'explique par le fait qu'ils se sentent
intégrés au service et ils ne ressentent pas ce besoin de
changer, ce qui contredit les propos du DO-E6 précédemment
cité dans le paragraphe métier mobile.
Nous avons souhaité faire ce focus sur les
brancardiers tant les lectures qui les concernent sont insuffisantes et nous
avons essayé de dégager les éléments essentiels qui
concernent cette profession. Nous allons maintenant évoquer la notion de
collaboration entre les différents professionnels de santé.
3.2.2 La collaboration
Ce métier nécessite une collaboration avec les
différents professionnels de l'établissement. Le brancardier va
faire le lien entre les différents services. Chacun des professionnels
interrogés a mis en avant le fait que de façon
générale la collaboration et les relations avec les autres
professionnels de santé se passaient bien. Pour autant il existe des
petites incompréhensions parfois qui peuvent altérer ces
relations. En effet, la méconnaissance du travail de l'Autre entraine
des a priori et par conséquent des dysfonctionnements dans les
organisations de chacun.
v Favoriser les rencontres
Pour favoriser la collaboration interprofessionnelle,
certains encadrants expliquent associer les brancardiers à d'autres
professionnels de santé, sur des temps de formation notamment, afin de
favoriser les échanges. Selon le CDS-E1 : « on a essayé
de coupler avec
49
l'imagerie [...] pour essayer de renforcer la
cohésion d'équipe, car des fois le manip qui va se retrouver seul
et voilà le fait de faire les formations ensemble, ça permet il
me semble de créer une cohésion et d'avoir des mêmes
bases...je pense que c'est pas mal de les impliquer et en plus on se voit de
manière différente en formation, y a pas de ... on va dans le
même sens. V a pas de conflit. ». Il ajoute les avoir
sollicités pour qu'ils puissent expliquer leurs problématiques
aux professionnels de santé d'un service et chacun a pu s'exprimer sur
ses attendus; cela leur a permis mutuellement de reconnaitre le travail de
chacun.
v Le dépassement de tâches
Cependant à trop vouloir collaborer, les brancardiers
peuvent oublier parfois quelles sont leurs responsabilités et où
s'arrêtent leurs missions. Ils sont alors confrontés à un
dépassement de tâches. Ils le font la plupart du temps pour ne pas
déranger les équipes, ou bien parce qu'elles ne sont pas
disponibles mais ils engagent leurs propres responsabilités. En effet,
manipuler de l'oxygène ou des perfusions n'est pas inclus dans leur
champ de compétences. C'est un élément que nous n'avions
pas pris en compte dans l'éclairage théorique et pourtant cinq
encadrants sur les huit interrogés nous font part de cette information.
Nous pouvons cependant nous demander si ce n'est pas ce que Léon (2013)
à voulu dire lorsqu'elle traite de l'écart entre travail prescrit
et travail réel. « Le glissement de tâches est la
réalisation de certains actes médicaux par des acteurs qui n'ont
pas la qualification pour les exécuter » (Beltran, 2012).
Le CDS-E2 explique que le dépassement de tâches
est courant. « Il y a toujours quelque chose qui reste difficile c'est
lorsqu'ils prennent un patient qui est perfusé sous oxygène, ils
manipulent ça, alors qu'ils ne devraient pas. Donc on avait bien dit au
début, bah non on appelle l'infirmière et elle prépare le
patient [...]. On ne va pas dire que c'est problématique car
pour l'instant il n'y a pas eu de problème mais ça ne rentre pas
dans le cadre de leurs compétences ». La CDS-E3 rencontre
également ce genre de problème avec son équipe de
brancardiers : « On avait d'autres problématiques aussi avec le
branchement de l'oxygène ils ne sont pas habilités à le
faire mais ils le faisaient quand même ».
La DSI-E7 a insisté auprès des brancardiers
afin d'éviter l'exécution de tâches qui sont en dehors de
leur champ de compétences et du fait de sa fonction hiérarchique,
elle a également insisté auprès des cadres de
proximité en transmettant l'information. « Ils sont parfois
sollicités pour dépasser leur champ de compétence alors
rebrancher l'oxygène etc etc ça ils savent que c'est formellement
interdit. Ils ont pendant très longtemps pas été
écoutés à ce niveau là parce que, je pense par
méconnaissance, les managers qui les encadraient n'avaient pas cette
notion de risques, donc ils l'ont fait ils savent plutôt bien le faire
mais il est hors de question qu'il le fasse. Alors je leur ai expliqué
le pourquoi, les conséquences que ça pouvait avoir, ils ont
très bien compris donc ils ont ce sentiment de soutien et ça se
passe bien ». Il est donc essentiel pour elle que ce soit un cadre de
santé qui gère cette équipe car il a la connaissance des
risques et des responsabilités avec les patients que n'auront pas
forcément selon elle, des cadres administratifs ou techniques. Le CT-E5
a abordé ce sujet du dépassement de tâches lorsqu'il
explique que les brancardiers sont sollicités «
quand il y a une personne agressive. C'est juste une
présence masculine, on n'intervient pas ». Il connaissait le
travail pour avoir été lui-même brancardier et par ailleurs
il est supervisé par une cadre supérieure de santé qui a
donc la
50
connaissance de l'organisation des soins. Avec sa position
d'ancien brancardier, il a la connaissance du travail ce qui lui permet de
gérer une équipe comme celle-ci, donc nous pensons qu'un cadre
technique peut quand-même gérer un groupe de brancardiers. Il
s'intéressera alors à ce qu'ils font au quotidien, se renseignera
sur ce qu'ils ont le droit de faire ou non, et approfondira ses propres
connaissances sur les fonctionnements des unités. Pour le CDS-E8 :
« ils ont quand même beaucoup de responsabilités, je veux
dire il y a des choses qu'ils peuvent faire et d'autres qu'ils ne peuvent pas
faire ».
v Comprendre le travail de l'Autre
Il est nécessaire que chacun comprenne le travail de
l'Autre pour collaborer de façon optimale. C'est ce qu'expliquent les
professionnels que nous avons rencontrés. Pour le CDS-E1 : « il
faut travailler tout ça donc c'est long, il y a différents
acteurs. Il y a du travail de fond à faire en collaboration avec les
différents services [...] le problème aussi des services
ou ben des fois les patients ne sont pas prêts ils arrivent là-bas
ils perdent du temps et donc ça prend du retard sur d'autres courses
[...]. Malheureusement on est comme dans tout,
acteur-dépendant. Les cadres ils vont répéter 15 fois
à leur équipe, mettez les chariots du même
côté, pour libérer l'espace pour les brancardiers
[...]. Donc c'est ça qui dysfonctionne aussi. Il y a tellement
d'intervenants, de possibilité de personnes en fait ». La
DSI-E7 explique que parfois les brancardiers doivent emmener plusieurs patients
en même temps au plateau technique ce qui ne les rassure pas. Selon elle,
ils ont le sentiment que leur responsabilité est engagée: «
s'il arrive quelque chose, qu'est-ce qu'on va nous dire parce que
finalement c'est nous qui avons déposé le patient et si le
patient s'aggrave dans ce laps de temps on va nous dire qu'on n'a pas fait
notre travail, qu'on n'a pas prévenu etc... donc ça les met quand
même en responsabilité quelque part [...]. On avait
beaucoup de fiches d'évènement indésirables par
méconnaissance du travail de l'autre et puis des fois pour des
détails qui n'avaient pas de sens ». Cela sous-entend que,
comme les autres professionnels n'ont pas conscience des inquiétudes des
brancardiers et du risque engendré par ces pratiques.
L'avantage d'être mobile comme nous le disions
précédemment c'est qu'ils ont des liens avec tous les services.
Les relations se passent bien la plupart du temps, et en cas de
problèmes il n'est pas rare que les brancardiers gèrent
directement avec les autres professionnels. Entretenir de bonnes relations avec
les autres professionnels permet de faciliter la collaboration. La CDS-E2 :
« Le fait de leur fonction, ils ont quand même une relation avec
l'ensemble du personnel et avec l'administration ». « Ils
connaissent bien les professionnels des services. Ils collaborent assez bien
que ce soit avec le plateau technique ou avec les services [...]. Ils
savent bien qu'ils ne peuvent pas être là tout le temps à
la minute mais qu'ils font leur possible ». Elle met en
avant que « leur travail est bien considéré par les
autres professionnels » et que les brancardiers sont parfois
sollicités pour aider à l'installation des patients et ils
acceptent de le faire. Comme nous l'avons vu dans notre éclairage
théorique, selon Couturier et Belzile (2018), collaborer permet de
combiner les efforts et donc d'être plus efficace. Par ailleurs, nous
notons que cette population de brancardiers, étant donné qu'elle
intervient sur beaucoup de services, est connue des autres professionnels de
santé. « Comme ils tournent dans tous les services ils sont
connus et ils entretiennent des bonnes relations avec les services. Ils
collaborent assez facilement du coup, il y a des hauts et des bas ça
dépend de chacun bien sûr mais en règle
51
générale c'est une équipe qui
collabore beaucoup » (CT-E5). Les relations et les échanges
que les brancardiers peuvent entretenir avec les différents
professionnels de l'établissement favorise la collaboration
interprofessionnelle. Selon Dejours (cité par Caillé, 2007), un
besoin de reconnaissance non satisfait entraine une démotivation et
l'espoir d'être reconnu génère le désir de
travailler ensemble.
Parfois, les brancardiers sont submergés de travail et
doivent faire face à de multiples appels auxquels ils ne peuvent pas
répondre immédiatement. C'est ce qu'explique la FFCDS-E4 : «
au bout d'un moment ils me disent bah on ne peut pas se diviser
». Il s'agit là de faire en sorte que les équipes des
différents services comprennent également que chacun a ses
contraintes. Nous voyons donc que les professionnels des unités font
parfois preuve d'impatience à l'égard des brancardiers.
La DSI-E7 confirme que cette collaboration
interprofessionnelle est nécessaire et elle précise que cette
équipe de brancardiers doit être gérée par un cadre
de santé qui connaît les organisations de soins : « c'est
vraiment un travail de collaboration, c'est pluriprofessionnel. On a
essayé de tisser des liens avec les services de soins pour qu'on arrive
à travailler ensemble, et puis ça a fonctionné ».
Elle insiste sur la motivation des agents à améliorer la
collaboration et que dans son établissement « c'était un
moyen aussi de redorer cette image ». Elle ajoute par ailleurs que le
cadre doit également connaître le travail de ses collaborateurs et
savoir ce qu'il se passe dans les services c'est pour cela qu'il lui «
parait indispensable que ce soit un cadre de santé, qui a la
connaissance des services de soins, de la façon dont on peut
effectivement animer les choses dans le service de soins ». Pour
Moszyk (2017), le cadre de santé est la garant de la qualité des
soins. Il veille au bon déroulement du parcours du patient. Par
conséquent, il s'assure d'accompagner cette collaboration et s'appuie
sur sa connaissance du terrain et de ses collaborateurs.
Cette collaboration sera possible si bien évidemment
comme nous l'avons dit chacun comprend le travail de l'Autre mais
également si chacun se respecte. C'est ce qu'évoque le CDS-E8 :
« ils ont quand même à coeur que ça se passe le
mieux possible, dans l'ambiance et les relations interprofessionnelles. Donc
ça veut dire quand même qu'ils comprennent mais le fait aussi
qu'ils soient attachés à un service fait qu'ils savent ce que
c'est la vie d'un service avec ses obligations ses problématiques
etc.... qu'ils ne voient pas forcément lorsqu'ils sont dans un pool.
[...] Mais parce qu'ils connaissent les contraintes et c'est ce qu'ils
disent » « Mais oui c'est important après il faut
bien sûr aussi que les équipes les respectent ». Chaque
acteur ne peut pas travailler dans son coin, chacun travaille pour un objectif
commun (Bernoux, 2009) et en milieu hospitalier cet objectif commun c'est la
prise en charge du patient
Cette collaboration peut s'avérer compliquée
parfois. C'est le cas lorsque les individus se limitent à leurs
représentations du métier des autres. Mais ces
représentations se retrouvent chez tous les professionnels. Selon Moszyk
(2017), le cadre de santé fait changer les représentations en vue
d'améliorer la collaboration. Le CDS-E1 explique que parfois les
brancardiers sont appelés par les infirmières pour les aider
à mobiliser un patient et que lorsqu'ils se rendent dans le service, il
arrive qu'ils surprennent les infirmièr(e)s et aides-soignant(e)s en
pause et ils ne sont pas contents car ils ont le sentiment de travailler
pendant que les autres ne font rien. D'où l'importance pour le cadre de
communiquer et d'expliquer aux
52
brancardiers :« 10 minutes avant tu ne sais pas ce
qu'ils faisaient, peut-être que ça fait 2 heures qu'ils n'ont pas
arrêté et qu'ils venaient juste de se poser alors voilà.
». Il mesure la nécessité de faire comprendre
aux brancardiers « les difficultés des services, que des fois
ils n'ont pas le choix non plus malheureusement, parce qu'il va manquer une
validation de médecin...qu'ils n'ont pas non plus toutes les infos et
qu'ils ne peuvent pas transmettre non plus certaines choses, donc c'est aussi
de faire comprendre que chacun a des difficultés. » Son
discours est le même pour les professionnels de santé qui
s'impatientent de ne pas voir les brancardiers arriver assez vite «
ouais mais il n'y a pas que votre service, il est occupé ailleurs, il se
rendra disponible dès que possible, on se dit bah de toute
façon il y a les "boy" ils vont le faire ». Nous pouvons
constater que les professionnels ont chacun une représentation du
métier de l'autre et qu'ils vont porter un jugement sur leurs
collègues alors qu'ils n'ont pas la connaissance de leur situation de
travail ni du contexte dans laquelle elle se déroule. C'est ce que
confirme la CDS-E3 lorsqu'elle dit : « quand on n'a pas vu le travail
de l'autre on ne peut pas critiquer on ne peut pas avoir de jugement
». Nous avons vu que Jodelet (citée par Martinez, 2019)
considère que les représentations nous permettent
d'interpréter la situation dans laquelle nous nous trouvons.
Quant au CT-E5, il nous fait part de certaines
incompréhensions de la part des brancardiers, qui font parfois preuve
d'un manque de tolérance dans un service où il y a une grande
majorité d'infirmières arrivées récemment : «
Dans ce service-là vous n'avez que des nouvelles infirmières,
laissez-leur le temps d'arriver de s'adapter au service. Après elles
font comme tout le monde. Quand on ramène un patient [...] ils
doivent prévenir l'IDE ou l'AS et elle doit venir avec le brancardier et
voir si tout va bien et donner un coup de main pour réinstaller le
patient et dans ce service-là personne ne vient. Eux c'est tout de
suite. Là pour le coup ils ne sont pas conciliants ». Le CT-E5
met en avant le fait qu'il faut être tolérant à
l'égard des nouveaux et que tout professionnel a besoin d'un temps
d'adaptation à la prise de ses nouvelles fonctions. Selon Mannoni
(2010), les représentations sociales vont influencer la communication
qu'un individu va avoir avec l'autre. Les représentations
négatives peuvent se caractériser par des préjugés
et stéréotypes (ou idées reçues) et elles risquent
de mener les professionnels à être en conflit.
v Communiquer
Pour que cette collaboration se passe au mieux, il est une
chose essentielle c'est la communication : d'agent à agent, de cadre
à cadre, de cadre à équipe. Communiquer permet d'apaiser
les tensions, d'analyser et de comprendre les situations, d'expliquer les
difficultés rencontrées. Sept encadrants ont abordé cette
notion de communication.
Pour le CDS-E1, il est nécessaire de transmettre aux
autres professionnels de santé que lorsque les brancardiers sont
appelés et qu'ils arrivent, il faut que le patient soit prêt :
« ça aussi ce serait bien de communiquer à l'ensemble
des services, des équipes de soins parce qu'ils ne se rendent pas compte
de l'impact que ça a, parce que oui c'est que 5 minutes mais 5 minutes
multipliées par le nombre de patients ça devient compliqué
». C'est en cela qu'il peut jouer le rôle de porte-parole comme
l'a décrit Mintzberg (2006) afin de diffuser cette information. Par
ailleurs, il nous explique avoir demandé aux brancardiers de signaler
via les FSEI les
53
dysfonctionnements qu'ils rencontraient : cela concernait les
patients en précautions complémentaires qui n'étaient pas
bien identifiés, les difficultés avec les ascenseurs qui se
referment trop vite ou qui sont monopolisés par les autres
professionnels. Toutes ces difficultés sont remontées à la
direction qualité et à la direction des soins, ainsi un groupe de
travail a pu être créé. Selon ce cadre de santé, il
faudra que l'information soit descendante : « donc des rappels devront
être faits par la direction auprès des cadres pour que les cadres
fassent auprès de leurs équipes et ainsi de suite ».
Pour le CDS-E2 et le CT-E5, les cadres communiquent entre eux
pour discuter autour des dysfonctionnement perçus : « Quand ils
ont des problèmes et qu'ils ne peuvent pas les régler ils
viennent me voir, et entre cadres on s'appelle » (CDS-E2). «
Il faut qu'on arrive à débloquer tout ça. Donc en
accord avec les autres cadres des autres services. [...] on va voir
pour réfléchir ensemble [...] Le dialogue, le dialogue.
On n'a que ça comme moyen. [...] Si je dois me déplacer
je me déplace. Je ne suis pas souvent dans mon bureau. Et ça
c'est aussi ma cadre sup qui m'a aiguillé là-dessus. [...]
Et c'est ce que j'ai dit, je leur dis voilà n'hésitez pas, il
y a quelque chose qui ne vous plaît pas on en parle, on m'appelle
». Le CT-E5 explique qu'il est déterminant d'expliquer aux
cadres quel est le rôle du brancardier et que les dysfonctionnements ne
sont pas toujours causés par eux : « moi j'explique que le
brancardier n'est pas le point central de la maison, il faut comprendre qu'on
ne peut pas toujours être à la demande de tout ce qu'il y a. Donc
ça j'explique aux cadres [...] Et elles après elles
transmettent à leurs équipes ». Pour faire
connaître le travail de l'Autre, le cadre de proximité a un grand
rôle à jouer : il va communiquer auprès de ses pairs qui
seront le relai auprès de leurs équipes, comme le décrit
Mintzberg (2006), il a un rôle dans la diffusion de l'information. Pour
la CDS-E3, le rôle du cadre est essentiel en tant que porte-parole de ces
agents « c'est voilà de transmettre son savoir en fait, ce
qu'on connait de cette équipe ». Pour la FFCDS-E4, la CDS-E3
et la DSI-E7, la communication se fait auprès des cadres de
santé, car il est nécessaire de leur expliquer le travail des
brancardiers, car ils seront ensuite le relai auprès de leurs
équipes. Communiquer autour des organisations mises en place
d'après le FFCDS-E4 permet de réduire les tensions. «
Après il peut y avoir des tensions mais sûrement lié
à un manque de communication. Je pense déjà en refaisant
le tour du site, je pense qu'en ayant l'information que le brancardier est tout
seul, peut-être que ça pourrait aider ». Elle explique
qu'elle transmettra l'information par mail aux différents cadres car
elle pense que les professionnels ne connaissent pas l'organisation au sein du
brancardage : « je crois qu'il y en a qui n'ont pas du tout le visu de
ce qu'il se passe au niveau de l'organisation sur le site ». Pour
Couturier et Belzile (2018), les conflits interprofessionnels sont dus à
un manque de compréhension mutuelle en lien avec des comportements, des
« valeurs ou des représentations différentes d'un groupe
professionnel à un autre ».
La DSI-E7 explique qu'elle transmet les informations sur ses
attentes en réunion de cadres. « Le dialogue fait que chacun se
met autour de la table, chacun comprend les difficultés de l'autre
» « Donc moi je réunis mes cadres de santé
tous les mois donc ça fait partie d'un point d'information en leur
disant que en aucun cas les brancardiers rebrancheront l'oxygène et
qu'ils sont autorisés et surtout invités fortement à
refuser de le faire... tout comme ils ont l'obligation de prévenir quand
ils ramènent un patient et bien voilà c'est très
lié, je ramène Mr ou Mme Untel attention il faut rebrancher
l'oxygène. » Elle ajoute qu'elle communique
54
facilement avec les cadres « une communication
très fluide avec l'encadrement » et qu'elle n'hésite
pas à demander aux cadres de proximité d'être attentifs
à la collaboration entre les brancardiers et les autres professionnels.
Nous voyons bien l'importance de la place de l'encadrant dans la diffusion de
l'information. Ainsi, il permettra une meilleure collaboration entre les
différents professionnels car les soignants auront la connaissance du
champ de compétences des brancardiers.
Donner des explications permet de faciliter les
échanges, de diminuer les tensions palpables et de résoudre un
problème rapidement. Pour le CDS-E3, il est nécessaire que le
brancardier communique avec les différents professionnels auprès
desquels il intervient : « en cas de problème ils nous
appellent, on demande ce qu'il se passe, on monte dans les services voir ce
qu'il s'est passé, on va voir les brancardiers voir ce qu'il s'est
passé. Le plus souvent c'était suite à des retards de
prise en charge, des patients qui n'avaient pas leurs examens en temps et en
heure. » Cette cadre insiste auprès de ses agents pour qu'ils
communiquent avec les autres professionnels de santé : « Je
pense que c'est [...] la façon dont entre guillemets vous
formatez votre équipe. [...] prévenir quand vous
arrivez, dire pourquoi vous êtes en retard, exprimer une
problématique à la personne à qui vous vous adressez.
[...] la communication se fait plus facilement ». «
Parce que finalement les soignants attendaient des retours des
brancardiers, pas je te dépose un patient et je m'en vais sans
prévenir, j'arrive je me présente, même s'ils se
connaissent, parce que des fois c'est des nouveaux il y a des étudiants
». C'est ce que Couturier et Belzile (2018) appellent la
médiation aussi appelée compétence collaborative, elle
s'opère dans un premier temps par une adaptation mutuelle des
professionnels qui vont interagir autour d'un objectif commun. Le CDS-E1 ajoute
que le travail de communication se fait également avec les brancardiers
et il met en avant l'importance de bien communiquer : « c'est aussi
dans la communication c'est ce que je leur dis. Si vous arrivez et que vous
dites bah j'ai pas le temps (élève le ton) forcément la
communication elle ne va pas passer. Vous dites oui là je termine ma
course je finis avec le patient et je viens tout de suite. C'est une question
de discours et de communication donc à travailler ça... mais dans
les deux sens ». Nous constatons que la façon dont les
professionnels vont interagir ensemble va impacter la qualité des
relations qu'ils vont avoir. Comme nous l'explique Ollivier (2017), la
communication implique un émetteur (celui qui transmet un message) et un
récepteur (celui qui reçoit le message). Si la qualité du
message est mauvaise ou bien si ce message est délivré de
façon plutôt vive, sans y mettre les formes, alors la
communication entre les deux sera altérée.
Communiquer et apprendre à se connaître permet
de comprendre l'Autre. Pour la CDS-E8, les brancardiers ont de nombreuses
interactions avec les autres professionnels ce qui leur permet de comprendre
leur travail : « Ils échangent beaucoup avec les
équipes, ils comprennent leur travail. Ils se connaissent à
force. Ici c'est un établissement de taille humaine hein donc toute la
journée ils vont dans les services donc ils connaissent les agents que
ce soient les infirmières, les aides-soignantes, ils connaissent tout le
monde ».
Nous venons de voir quelle est la place du manager pour
rendre visible auprès de ses pairs, le travail des brancardiers. Nous
mesurons également l'importance d'une bonne communication
c'est-à-dire une communication faite sur un ton posé par
l'émetteur afin que le message soit transmis correctement au
récepteur.
55
A présent, nous allons voir comment les managers
perçoivent la gestion d'une équipe de brancardiers.
3.2.3 Manager à distance l'équipe des
brancardiers
v La vision des encadrants sur ce type de management
Nous l'avons vu dans notre tableau présentant les
professionnels interviewés, six parmi eux partagent leur temps de
travail entre la gestion de l'équipe des brancardiers et la gestion
d'une autre équipe. Une professionnelle a la particularité
d'avoir l'équipe des brancardiers intégrée à
l'autre équipe fixe qu'elle gère. Par équipe fixe, nous
entendons une équipe qui effectue ses missions au sein d'un service.
Seuls la CDS-E3 et le CT-E5 qui ont plus de quarante agents, gèrent
uniquement cette équipe ; leur bureau se trouve à
proximité du local des brancardiers ainsi que pour la CDS-E8, ce qui
n'est pas le cas pour les autres professionnels.
Les professionnels qui ont la particularité de
s'occuper de deux secteurs constatent des différences dans la gestion de
leurs équipes : Pour le CDS-E1, la difficulté c'est de pouvoir
communiquer avec les agents, le cadre sera alors parfois à la recherche
d'un agent s'il a quelque chose à lui dire : « pour
communiquer, pour voir comment ça se déroule, c'est beaucoup plus
simple d'avoir une équipe fixe que dispersée donc [...]
ça demande d'être toujours en mouvement pour essayer de voir
les gens ». Il peut également y avoir une perte
d'instantanéité au niveau de la communication. «
Là s'il y a un problème dans un service [...] ils
vont redescendre pour informer et du coup on perd la communication directe sur
l'instant T donc c'est ça un peu la difficulté [...] ».
Ses propos rejoignent ceux d'Ollivier (2017) lorsqu'il met en avant que la
communication est une des difficultés liées à la distance.
Pour la FFCDS-E4, nous pouvons constater qu'elle voit une différence
entre le management d'une équipe fixe et celui d'une équipe
mobile et qu'elle mesure la complexité d'avoir à gérer
deux équipes avec des fonctionnements différents : «
C'est vraiment une gestion à part et c'est compliqué quand on
a à gérer et l'équipe soignante et l'équipe des
brancardiers car ce ne sont pas les mêmes problématiques
». Pour la CDS-E2, ce qui rend ce management compliqué, c'est
de ne pas toujours savoir où les agents se trouvent. Manager une
équipe mobile s'apparente à la notion de management à
distance et Ollivier (2017) ajoute que la distance géographique n'est
pas forcément en lien avec la distance kilométrique. Nous
constatons que pour ces encadrants la mobilité de cette équipe
est une difficulté car comme l'explique l'un d'entre eux, elle peut
être un frein à la communication car la distance entraine une
perte de spontanéité dans l'échange.
C'est pour cela que, selon deux encadrants interrogés,
ce type de management considéré comme étant à
distance nécessite l'utilisation d'outils de communication. La CDS-E2
nous explique qu'elle met « des petits mots sur le tableau. On
communique un minimum quand même, par mail aussi », et pour la
FFCDS-E4 : « un management pas vraiment à distance parce qu'ils
sont en bas et moi au 2ème donc on est quand même sur le
même site. Mais c'est pas un management comme là où je suis
à coté et c'est au bout du couloir. [...] sauf que si
que si je descends ils sont dans les couloirs à transporter les patients
donc c'est beaucoup par téléphone et quand ils peuvent ils
passent dans mon bureau. Mais ça vient plus d'eux finalement
parce
56
que moi si je descends je ne vais pas forcément les
voir ». Pour Léon (2008), ces outils de communication rendent
possibles « la dématérialisation et
l'immédiateté des échanges » et cela permet de garder
une proximité même à distance. Même si selon la
FFCDS-E4, ce n'est pas du management à distance, ses propos nous
amènent pourtant à penser que manager une équipe
dispersée correspond à un management à distance. Mais elle
compare ce management avec celui de l'autre équipe qu'elle gère
et pour elle, manager des agents mobiles n'a rien d'avantageux, car elle ne
peut pas les rencontrer autant qu'elle le souhaiterait. Léon (2013)
souligne que le style de management adopté par le cadre dans une gestion
à distance est déterminant et elle met en avant le fait que les
outils de communication permettent aujourd'hui d'avoir un contrôle «
rapproché » de l'activité même à distance.
Ce management oblige à repenser la position et la
posture du manager ainsi que ses méthodes de travail et cela demande au
cadre une remise en cause de ses habitudes de fonctionnement. (Ollivier, 2017).
C'est ce que nous confirme le CDS-E1 car selon lui ce type de management
nécessite de se remettre en question car il y a des méthodes qui
vont fonctionner avec une équipe fixe qui ne fonctionneront pas
forcément avec une équipe à distance : « Des fois
je veux faire passer des infos bah ça passe pas, [...] et je
vais essayer de savoir comment transmettre de manière différente.
On essaie toujours de se remettre en question pour améliorer les choses
derrière ».
Pour certains encadrants, ce management implique de donner
des responsabilités à des agents. C'est le cas pour la DSI-E7 qui
a plusieurs responsabilités, c'est un management « A distance
». Elle le fait en attendant de mettre un cadre de proximité
sur le poste. Elle va s'appuyer sur le régulateur, positionné en
tant que faisant-fonction responsable, qui est en proximité avec
l'équipe et qui peut gérer des petits dysfonctionnements.
Néanmoins, elle supervise cette gestion et précise bien aux
brancardiers que leur supérieur hiérarchique c'est elle et elle
assoit bien son autorité auprès de cette équipe. Cela nous
renvoie au système d'autorité de Bernoux (2009) parce qu'elle
donne des directives à l'équipe: « Les décisions
c'est moi qui les prends y compris pour les recrutements ». Pour
Ollivier (2017), les enjeux du management sont caractérisés par
la prise en compte des individualités et la décentralisation des
responsabilités. Selon lui, le fait de déléguer permet au
collaborateur de développer des compétences, de maintenir un
niveau de motivation mais cela permet aussi au manager de se dégager du
temps.
Par ailleurs, les managers à distance insistent sur la
nécessité de respecter les règles de fonctionnement. C'est
le cas pour deux encadrants interrogés. « J'ai pas deux
discours. Ou bien vous faites partie d'une équipe qu'il faut redorer
parce qu'effectivement j'ai trop entendu de dysfonctionnements sur le
brancardage, je compte sur vous pour la redorer, pour être à
l'image d'un professionnel digne de ce nom ou bien vous n'avez pas votre place
au brancardage » (DSI-E7). Nous voyons bien dans ses propos qu'il est
capital pour elle que les brancardiers ne sortent pas du cadre et qu'ils
suivent une ligne de conduite. La CDS-E3 confirme qu'« il y a des
règles à respecter ». Ce que nous venons
d'aborder nous renvoie à ce qu'évoque Crozier (cité par
Guérin, 2018) au sujet d'une organisation formelle mais aussi informelle
puisque selon la DSI-E7 les dysfonctionnements au sein du brancardage sont
parfois liés à une transgression des règles.
57
Le cadre CT-E5 qui a une expérience dans le
brancardage, a une proximité avec son équipe : une
proximité « physique » d'une part car son bureau se situe
juste à côté du local des brancardiers et d'autre part une
proximité que l'on pourrait caractériser d'«
expérientielle » car son parcours professionnel dans ce domaine lui
permet de comprendre certaines situations mais aussi de recentrer le travail
dans l'intérêt du patient lorsque les comportements
dévient. « C'est pas parce que c'est un métier sans
diplôme qu'il faut faire n'importe quoi on a des patients...et j'insiste
et j'insiste le patient en haut et nous après. Ça c'est mon
discours. C'est normal. J'ai vu les deux côtés ».
Il insiste sur la finalité de leur travail c'est-à-dire la
prise en charge du patient et lorsque les brancardiers sont en pause, le CT-E5
n'hésite pas à leur faire comprendre que la priorité est
donnée au patient c'est ce que nous comprenons lorsqu'il nous fait part
des réactions de ses agents : « je viens d'en faire cinq ! et
il y en a un sixième après tu prendras ta pause fais-moi
celui-là, toi t'es pas malade, toi tu peux attendre pas le patient. La
pause elle peut attendre, la cigarette le café il peut attendre, t'es
pas à un quart d'heure près ».
Le DO-E6 nous explique comment il voit son management
c'est-à-dire autour de trois notions essentielles : « moi il y
a trois choses que je dois mettre en avant auprès de mes équipes
et de ma direction c'est ok l'efficience mais la qualité de vie au
travail et surtout la qualité des soins. Donc c'est le tripode pour moi,
pour un management exemplaire » Selon lui, ces 3 notions sont
indissociables. Il ajoute par ailleurs qu'il faut adapter son style de
management, qu'il faut utiliser tous les types de management et ne pas se
limiter à une seule façon de faire :« Aujourd'hui on
parle de management participatif, etc... mais je pense qu'il n'y a pas un style
qui est meilleur que l'autre. Donc participatif voilà on va dire qu'on
laisse faire, qu'on n'assume pas, directif ça ne marche pas,
délégatif on délègue mais si c'est trop ça
ne va pas. Donc il faut trouver, il faut essayer de prendre un peu de tout
».
Enfin, la CDS-E8 gère deux équipes mais elle a
la particularité d'avoir son équipe de brancardiers
intégrée à l'équipe de l'imagerie. Sur cet
établissement, il y a une équipe de brancardiers postée
aux urgences, une au bloc opératoire et une sur le pôle
médecine. Elle explique : « on fonctionne toutes
différemment » donc chaque cadre gère son équipe
de brancardiers à sa façon selon elle. Elle nous indique que les
brancardiers travaillent à distance ; pourtant ces propos paraissent en
contradiction lorsqu'elle aborde le type de management qui selon elle serait
:« un management de proximité ». Elle nous explique
que les brancardiers travaillent au sein du service imagerie c'est pour cela
que selon elle, elle fait du management de proximité car son bureau se
trouve dans le service et les brancardiers font partie de cette unité ;
ce ne serait pas le cas selon elle s'ils étaient intégrés
à un pool de brancardage « quand on est dans un pool on peut
avoir un management de proximité si on s'occupe que du pool mais le
cadre lui-même est aussi dans une autre posture que quand on est
attaché à un service. On est plus sur une prestation. Alors que
moi je ne suis pas dans une prestation je suis vraiment dans du management, ils
font partie de l'équipe à part entière ».
D'après ce que nous comprenons, elle pense que manager les brancardiers
dans un pool correspondrait à un management de proximité,
seulement si le cadre ne s'occupe que de cette équipe. Or, pour la
CDS-E3 qui avait uniquement cette équipe en gestion, le fait que cette
équipe soit dispersée était parfois difficile à
gérer car d'une part pour elle, : « L'inconvénient c'est
qu'ils sont trop dispersés, parce qu'avec 50 personnes ou même 20
agents par jour on a du mal à savoir où
58
est-ce qu'ils sont ». D'après elle, cela
peut être source de conflits au sein même de l'équipe quand
les collègues ne savent pas non plus où se trouve l'un d'entre
eux.
v Les rencontres avec les agents
Ø Le formel
Les temps de rencontre avec les brancardiers s'organisent
tant nous avons vu la complexité pour parvenir à les voir. Ces
temps peuvent être soit collectifs soit individuels.
Le plus souvent les encadrants programment des
réunions afin de mobiliser et de donner des informations à un
maximum d'agents. C'est le cas de tous les professionnels interrogés
sauf la FFCDS-E4. En poste depuis six mois, c'est une vraie difficulté
pour elle d'organiser une réunion avec l'équipe «
Là je vois pour une réunion ça fait deux fois qu'on
recule la date car il y des impératifs qui se mettent au dernier moment
». Il semblerait que le fait d'avoir une très petite
équipe ajoute une difficulté « Pour les avoir tous
ensemble en plus c'est pareil c'est hyper complexe, du coup ils sont trois en
tant qu'agents et du coup deux vont être pris sur leur lieu de travail
donc le troisième est-ce qu'il peut revenir ? donc il faut que celui en
repos revienne sur le lieu de travail, et ceux qui travaillent je ne peux pas
les monopoliser pendant deux heures ». En revanche pour ceux qui
réussissent à en planifier, c'est l'occasion de faire passer des
messages mais également d'avoir des retours de la part de
l'équipe, de discuter avec l'équipe autour d'«
informations montantes et descendantes » comme l'évoque la
DSI-E7. Pour le CDS-E1, cela permet « de faire des retours aussi sur
des questions posées ». Par ailleurs, celui-ci insiste sur la
notion de durée, et selon lui, il ne faut pas que ces réunions
durent trop longtemps, pour ne pas monopoliser les agents infiniment. Cet avis
est partagé par le CT-E5 : « je fais un staff avec toute
l'équipe et on prend généralement 30-45 minutes pour
parler tous ensemble. Moi je leur dis tout ce qui est à corriger tout ce
qui ne va pas et eux aussi me font des retours ». Pour le CDS-E1,
« 45 minutes maximum. Il y en a toujours deux qui restent pour
répondre aux urgences et autre. La difficulté c'est de
réunir l'équipe toute ensemble quand il y a des demandes un peu
partout ». Selon lui, à partir du moment où une grande
majorité de l'équipe a reçu l'information, il compte sur
les agents pour transmettre l'information à leurs collègues, et
notamment à leurs collègues de nuit qui se déplacent peu
pour les réunions et que le cadre ne voit pas beaucoup : « je
leur demande de passer le relai à leurs collègues aussi quoi. A
partir du moment où il y a 80% de l'équipe qui l'a entendu... je
pense qu'ils peuvent aussi communiquer entre eux et transmettre l'information
». Pour la CDS-E3, organiser des réunions n'est pas une
difficulté, elle en organise tous les mois, elle en profite à ce
moment-là « pour parler des problématiques, des
nouvelles procédures, un problème qu'il y a eu, des ...retours
des fiches indésirables. » « Je les préviens
15 jours à l'avance, je leur donne un ordre du jour. Ils ont le temps de
travailler sur l'ordre du jour, ou de se réunir entre eux pour me faire
part des problématiques ou des mécontentements ». La
CDS-E8 profite de ce moment pour leur faire part de la façon dont ils
sont perçus dans les services. Pour le DO-E6, « il y a des
choses formalisées, réunions, conseils de bloc, réunion de
service, réunion d'organisation par rapport au secteur brancardage
». La DSI-E7 souligne l'importance de pouvoir réunir
l'équipe afin que chacun puisse avoir « le même niveau
d'information ». Pourtant, selon Léon (2013), les «
relations formelles ne sont pas le monopole du management à distance
».
59
La CDS-E2 met en évidence la nécessité
qu'ils aient un local suffisamment grand pour faciliter les échanges et
elle ajoute qu'elle partage son bureau avec une autre cadre ce qui peut
entrainer des réticences à parler de la part des agents. «
C'est pareil je partage mon bureau avec ma collègue. Donc ça
c'est important qu'ils aient un nouveau local déjà pour qu'ils
aient une vraie salle de pause et puis pour qu'on puisse se réunir toute
l'équipe ».
La DSI-E7 leur propose de prendre rendez-vous ce qui permet
à l'agent de se sentir écouté. Le DO-E6 ajoute «
Après moi je suis très très proche d'eux, je les
reçois régulièrement ».
Ø L'informel
Pour autant, même avec une équipe
dispersée, il est possible d'avoir des temps d'échanges
informels.
Deux professionnels décrivent ces échanges comme
« des entrevues entre deux portes » (DO-E6) (CDS-E1). Le
CDS-E1 précise qu'il lui arrive d'échanger dans un couloir
lorsque l'information n'est pas confidentielle. La CDS-E8 nous indique que ces
temps informels peuvent se faire sous « des formats temps café
». Pour Ollivier (2017), ces temps d'échanges permettent de
cerner l'ambiance au sein du groupe et de connaître les attentes des
collaborateurs.
C'est une chose que le CDS-E1 apprécie : «
j'aime bien faire aussi de l'informel » La CDS-E2, qui regrette
de ne pas avoir souvent de temps de rencontre officiels car il n'y a pas de
lieu approprié pour se réunir (le local étant trop exigu),
opte parfois pour ces temps d'échanges imprévus. « Moi
quand je veux les voir, je sors je regarde bon est-ce qu'ils sont à la
cafétéria, s'il y a des choses que je peux leur dire je leur dis
devant tout le monde si ce n'est pas confidentiel, sinon je vais voir s'ils
sont dans leur local. Sinon tout à l'heure c'était dans un
couloir ». D'après Ollivier (2017), « c'est bien la
qualité de la communication informelle qui fait progresser la
communication formelle et non l'inverse »
v Autonomie et confiance
Pour certains encadrants, le fait que les agents soient
mobiles et qu'ils soient managés à distance les amènent
à être autonomes. Mais avant de pouvoir acquérir cette
autonomie, il faudra instaurer une relation de confiance.
Ø La relation de confiance
Quatre managers évoquent la nécessité
d'instaurer une relation de confiance. Cette confiance s'acquiert par la
connaissance de son équipe comme l'explique le CDS-E3 et selon la DSI-E7
elle est mutuelle. Pour Ollivier (2017), la confiance est capitale et doit
être réciproque pour qu'un management à distance
fonctionne. Pour le CDS-E2 cette relation de confiance passe par une autonomie
des agents pour communiquer auprès des services sur ce qu'ils font tous
les jours et ce même si elle a la connaissance de leur travail, cela
permet de faciliter les échanges avec les différents
professionnels.
60
Pour le CDS-E3 et le CT-E5, la relation de confiance
s'instaure également avec les agents si on est authentique, qu'on ose
parler de son parcours, et que l'on comprend leur travail « Ils savent que
j'ai commencé brancardier, ils savent que j'ai travaillé à
l'amphi » (CT-E5).
Ø L'Autonomie
Cinq encadrants abordent le sujet de l'autonomie de cette
équipe mais les raisons citées divergent.
Pour la CDS-E3, les agents qui avaient eu un parcours scolaire
dans le domaine de la santé « se posaient souvent la question
de savoir pourquoi le patient était dans tel état donc ils vont
regarder puis selon la pathologie ils peuvent refuser ou pas de prendre en
charge le patient. Ça leur laisse une marge d'autonomie ». Ils
consultent alors le dossier informatisé du patient avant de prendre en
charge un transport, pour s'assurer du matériel adéquat et
prendre toutes les précautions nécessaires lors de l'installation
du patient. Le cadre de santé leur laisse donc cette marge d'autonomie
dans leurs organisations, certains consultent les dossiers et d'autres pas mais
ils ont le choix. Nous aurions pu approfondir davantage cet
élément de réponse concernant le refus de prise en charge
car nous ne pensons pas que ce soit ce qu'elle ait voulu dire. Nous pensons que
la prise en compte de l'état de santé du patient par les
brancardiers leur permet de communiquer avec les autres professionnels afin
d'assurer une meilleure prise en charge du patient.
La DSI-E7 confirme que, du fait d'avoir beaucoup de
responsabilités et d'avoir à les gérer à distance,
elle attend de ses agents « qu'ils puissent avoir une certaine
autonomie en étant malgré tout encadré » afin
qu'ils n'aient pas le « sentiment d'être un peu laissé en
électron libre ». Selon elle, il faut qu'ils s'organisent ;
bien évidemment elle reste attentive à ce qu'il se passe et elle
a des retours du régulateur avec lequel elle fait des points
hebdomadaires. Les propos du CT-E5 concordent avec ceux de la DSI-E7 lorsqu'il
dit :« Ils sont assez libres de leur travail », «
évidemment comme ils sont autonomes, ils se débrouillent
eux-mêmes. Ils s'organisent quand même. » « L'avantage
c'est que quand c'est bien coordonné, ils peuvent gérer leurs
patients, arrêter un peu... prendre une pause et repartir ».
D'après Ollivier (2015), dans un contexte de management à
distance les agents sont autonomes mais chacun devra savoir où est sa
place.
Pour le CDS-E1, il est nécessaire que les brancardiers
soient autonomes dans le but de prendre les bonnes décisions en ce qui
concerne le transport des défunts car dans cet établissement sont
réalisés des prélèvements de cornée. Mais le
cadre donne la priorité aux vivants donc ça responsabilise les
brancardiers d'avoir à prioriser les demandes. D'après
Léon (2013), le manager laisse de l'autonomie dans la prise de
décision et se limite à « donner un cap, une direction
à suivre ».
La vision de la CDS-E2 au sujet de l'autonomie des
brancardiers ne concerne pas leurs organisations dans le travail mais
plutôt la gestion de leur planning où elle leur laisse la
liberté de planifier les astreintes.
D'après Léon (2013), la gestion à
distance nécessite un équilibre entre autonomie et
contrôle. Et c'est ce que met en avant la DSI-E7 lorsqu'elle
précise que c'est bien de leur laisser de l'autonomie mais il faut que
ce soit encadré.
v
61
L'évaluation
Une des difficultés dans le management à
distance est l'évaluation. En effet, la gestion de cette équipe
nécessite l'utilisation d'outils pour les équipes ne fonctionnant
pas avec un logiciel de distribution des courses. Certains brancardiers vont
alors tracer leurs courses sur un document en papier. Ces outils permettent
d'évaluer la charge de travail des agents et certains encadrants se
basent également sur les retours de leurs collègues,
l'implication des agents, et d'autres vont également les suivre.
Ø Fixer des objectifs
La prise en compte des objectifs fixés l'année
passée est également déterminante pour voir si les agents
ont tout mis en oeuvre pour s'investir dans leurs missions et permet de mesurer
leur implication dans la vie du service. C'est ce que nous explique la CDS-E2 :
« je les évalue par rapport aux objectifs fixés
l'année précédente. Des objectifs en lien avec leurs
missions. Je vois s'ils peuvent participer aux réunions. S'ils ont fait
des choses, pas qui sortaient de leur cadre de travail mais savoir s'ils se
sont investis ». Le CDS-E1 met en avant cette notion d'implication
« Moi je vais regarder aussi comment ils s'impliquent, on demande des
groupes de travail, donc est-ce qu'ils sont volontaires ou pas, est-ce qu'ils
veulent s'impliquer ». Pour Léon (2013), le management par
objectifs est fondamental dans un management à distance car il permet de
définir les objectifs à atteindre, de mettre en avant
l'implication et de faire des retours sur les tâches accomplies.
Ø La prise en compte des satisfactions et des
mécontentements
Pour évaluer les agents, les encadrants prennent aussi
en compte les FSEI, qui sont un indicateur permettant de pointer les
dysfonctionnements. C'est le cas pour cinq encadrants (CDS-E1, CDS-E3, CT-E5,
DSI-E7 et DO-E6). On a aussi les fiches d'évènements
indésirables quand il y a des choses qui ne vont pas donc qui sont
collectées et qui me sont adressées. Et à chaque fois, je
les analyse, soit donc c'est un rappel à l'ordre ou voilà un
recadrage ou soit c'est grave ou c'est dans le cadre d'un CREX où
là donc on essaie de trouver tous les verrous qui ont sauté pour
comprendre que le brancardier se retrouve dans cette situation, peut-être
que c'est l'organisation qui est défaillante c'est pas le brancardier en
question » (DO-E6). Selon Belzile et Couturier (2018), en cas de
défaillance dans la collaboration interprofessionnelle, la faute risque
d'être attribuée à une seule personne alors que ces
défaillances sont le résultat d'une organisation de travail.
Quatre encadrants vont prendre en compte les retours de leurs pairs. «
J'ai aussi des retours des autres cadres » (CT-E5), c'est le cas
également pour le CDS-E1 et la CDS-E8 qui sollicitent également
leurs collègues. La DSI-E7 explique qu'elle a « un collectif
cadre qui est très observateur [...] très attentif et
qui me font des retours ». Le DO-E6 obtient des informations
auprès de ses collaborateurs : « il y a les équipes qui
sont au quotidien avec les brancardiers qui me remontent des informations, des
dysfonctionnements ». Et puis le DO-E6 ajoute qu'un indicateur
à prendre en compte pour évaluer la prise en charge des usagers
« c'est les retours des patients aussi, sur les questionnaires de
satisfaction des patients ».
Ø 62
L'observation
Contrôler pour évaluer c'est possible mais
ça nécessite de s'organiser. Selon le DO-E6, la manière de
rester le plus objectif possible va être de suivre les agents afin de
bien les connaître et savoir comment ils travaillent. Il ajoute que le
cadre peut avoir de la sympathie pour ses agents mais il faut garder une
distance professionnelle :« C'est normal on a des affinités,
c'est humain. Mais il faut pas que ça déborde sur le rationnel.
Il faut enlever ces sentiments pour que ce soit objectif ».
Pour le CDS-E1 :« Le souci de l'équipe
dispersée c'est que même si on se dit qu'on va pouvoir les suivre
dans les étages, on va pouvoir en suivre un à la fois
». [...] parce que c'est toujours pareil, quand on va
essayer de les suivre ça va toujours bien se passer en
général ils ne vont pas faire d'écart, c'est toujours
comme ça de toute façon, quand on est présent on va
être à l'heure. ». Ses propos sous-entendent le fait que
les agents ne se comportent pas de la même façon quand le cadre
est présent, l'observation peut alors être faussée. Evaluer
les brancardiers, nécessite de prendre en compte également leur
efficacité et de contrôler leur travail. Le CT-E5 nous explique
que grâce au logiciel il peut connaître le nombre de transports
réalisés en temps réel : « Quand je clique sur le
nom j'ai le nombre de courses qu'ils ont fait. Après on peut
évidemment prendre ça comme une surveillance mais on est
obligé ». La CDS-E3 qui gérait uniquement cette
équipe nous éclaire sur sa façon de procéder et
nous évoque le fait qu'il est nécessaire d'observer pour
connaître les agents et leur façon de travailler : « Donc
ma façon d'évaluer leurs compétences, bah je les ai suivis
tout simplement [...] par période. » « C'est
ma façon d'avoir un oeil sur eux ». Selon elle, il est
essentiel de savoir comment travaillent ses agents et pour cela il n'y a pas
d'autres solutions que de s'intéresser à ce qu'ils font. «
Pour manager une équipe, il faut la connaitre enfin moi je pars de
ce principe, il faut la connaitre il faut être derrière elle, pas
pour la juger l'observer, non c'est vraiment être derrière elle
pour voir ce qu'elle fait. ». Le CT-E5 partage ce point de vue :
Il faut vraiment être avec eux. Pour les évaluer, je les suis
simplement. ». Sur conseil de sa cadre supérieure, il allait
observer les agents directement dans leurs missions. « C'est comme
ça que j'ai des informations, que je me rends compte de certaines choses
». Comme le décrit Ollivier (2017), et comme nous l'a
indiqué le CDS-E3, « le manager à distance doit disposer
plus que tout autre d'une vision claire du développement de son
équipe et de sa capacité à se mouvoir dans un
environnement complexe ». La CDS-E8 observe également leur
façon de travailler tant sur le savoir-faire que sur le
savoir-être : « Alors je les vois agir quand je les croise avec
les patients je vois à peu près quand même quelle approche
ils ont avec les patients, je vois si les patients sont couverts, si on
respecte leur intimité la pudeur, je vois comment ils parlent au patient
». Pour la DSI-E7, il est question de vérifier
l'assiduité des agents, et cela passe par l'évaluation des
retards « la ponctualité car ça c'est un vrai
problème au niveau du brancardage, « ici c'est très
simple nous pointons » « le régulateur fait aussi
très bien son travail donc il est en capacité de me dire untel
arrive en retard régulièrement ». C'est le cas
également pour le CDS-E1 « j'essaie d'être présent
sur les heures d'arrivées pour voir s'il y a des retards ».
Ø La traçabilité
Les professionnels utilisent les outils de travail comme
indicateurs. « De toute façon on voyait ceux qui travaillaient
puisqu'on avait les feuilles de traçabilité puis je
vérifiais que le
63
nom correspondait bien à ce que ...par exemple,
est-ce que les patients étaient bien réels ? Je vérifiais
la véracité des informations en fait. Il m'arrivait de prendre
des feuilles au hasard et de regarder si c'était vraiment tel et tel
patient. Il m'est arrivé d'avoir des doutes ». Le DO-E6 et le
CT-E5 se servent aussi d'outils pour évaluer la charge de travail de
leurs agents et ils mettent en avant la notion d'équité. «
J'ai mis en place une feuille. Aujourd'hui ils notent leurs transports. On
arrive à voir leur charge de travail. Vous savez quand il y a une
équité entre les gens, ça marche. Il faut juste être
équitable. Le seul moyen de réussir c'est d'être
équitable. » (DO-E6). Ses propos sont appuyés par ceux
du CT-E5 : « A nous de faire attention qu'il n'y en ait pas qui fasse
15 patients en 1heure pendant qu'il y en a qui n'en font que deux. Ce qui est
bien aussi c'est qu'avec le logiciel je peux voir où ils en sont, et
ceux de l'imagerie je peux leur attribuer la course s'ils mettent trop de temps
».
Pour terminer, nous allons aborder la qualité de vie au
travail des brancardiers vue par les professionnels interviewés.
3.2.4 La qualité de vie au travail des
brancardiers
Parler de la qualité de vie au travail apparaît
essentiel dans la vision qu'ont les professionnels interrogés de la
fonction de brancardier.
v Les attentes des brancardiers selon les encadrants
Les personnes interviewées nous font part des retours
des agents en ce qui concerne leur perception du travail et de leur place dans
l'institution. Selon le CDS-E1, le CDS-E3, et le CT-E5 les agents soulignent le
fait de ne pas être entendus lorsqu'ils disent : « oui mais
ça fait 10 ans que c'est comme ça, ça bouge pas
» « ils sont demandeurs qu'on règle certains
problèmes »(CDS-E1), le CT-E5 ajoute que si les agents ne
souhaitent plus participer à des réunions c'est aussi à
cause de ça, car leur avis n'est pas pris en compte « vous ne
nous écoutez pas. Vous faites comme vous voulez ». Selon
Cayatte (2009), donner des signes de reconnaissance suppose de comprendre les
attentes des agents pour s'y adapter.
Pour le CDS-E3, c'est une population qui se sent parfois peu
considérée : « les pauvres, ils se sont souvent sentis
délaissés ». Elle nous fait part des retours des
brancardiers : « tout le monde s'en fout de nous ». Elle
nous raconte que les agents lui font remarquer que ce n'est pas parce qu'ils
n'ont pas de diplôme, qu'ils ne sont pas infirmiers ni aides-soignants
qu'ils sont « débiles » pour autant. Ces agents se
sentent parfois inférieurs parce que les autres professionnels leur
renvoient des jugements négatifs « de toute façon toi
t'es que brancardier ». D'après Becker (2015), le «
salarié a besoin d'un effet miroir qui lui confirme qu'il existe au sein
de l'entreprise ». Par ailleurs, le CDS-E1 nous explique que les agents
peuvent avoir des inquiétudes par manque d'informations et notamment en
ce qui concerne les patients en précautions complémentaires et il
était alors important pour lui de remettre à jour leur
connaissance sur le sujet et qu'ils soient informés par les
équipes. Selon lui, ils n'ont pas la reconnaissance des autres
professionnels de santé qui les considèrent parfois comme des
« boy » c'est-à-dire comme la « petite-main
». Dejours et Gernet (2009) mentionnent que certaines
64
professions sont plus considérées que d'autres,
c'est ce que nous constatons au travers des propos recueillis auprès des
CDS-E3 et CDS-E1. Pour le FFCDS-E4 les brancardiers de l'établissement
« sont en souffrance mais de par l'organisation », car ils
sont en sous-effectif une journée par semaine et les sollicitations et
incompréhensions des autres professionnels ont un impact sur leur
bien-être au travail. Elle ajoute qu'« ils ont l'impression que
ce qu'ils font n'est pas connu encore moins reconnu des équipes mais par
manque d'informations je pense ».
Pour le CT-E5, les brancardiers ont besoin d'entendre du
cadre qu'il reconnait leur travail, qu'il reconnait leurs efforts. Pour autant,
c'est quelque chose que lui-même ne comprend pas, il a du mal à
cerner pourquoi les agents ont besoin de cela. Il a été lui aussi
brancardier, il connait donc le travail mais il explique « Je n'arrive
pas à comprendre pourquoi ils ont besoin de ça. J'arrive pas
à analyser. Même si j'ai travaillé au brancardage on ne
travaillait pas de la même manière ». La reconnaissance
de l'effort est une notion citée par Brun (2002).
Pour la DSI-E7 et le CDS-E8, ces agents manifestent un besoin
d'appartenance à une équipe, et que cette équipe «
a besoin d'un chef à sa tête » (DSI-E7). Le CDS-E8
s'exprime sur leur sentiment d'appartenance et cette notion, elle va l'utiliser
quatre fois, ce qui montre que c'est quelque chose qu'elle estime essentielle
pour eux. Elle explique que les brancardiers ont l'impression d'appartenir
à une équipe. Ils ne veulent pas faire partie d'un pool de
brancardage car ils ne veulent pas être des « pions »
qu'on déplace. Le CT-E5 s'exprime à ce sujet en faisant
référence à sa propre expérience. Son point de vue
se rapproche de celui de la CDS-E8 lorsqu'il dit : « moi je ne
travaillais pas en pool. On était affecté à un service. On
était partie intégrante du service donc on était... moi je
trouvais ça bien. Je pense qu'on était intégré
différemment ».
Selon une enquête réalisée en 2017 par
l'Agence Régionale pour l'Amélioration des Conditions de Travail.
(ARACT), les notions associées à celle de la reconnaissance pour
les salariés sont le salaire, les primes, l'appartenance à un
groupe, le fait d'avoir des responsabilités, de se sentir utile et
d'être respecté.
v Les conditions de travail
Nous allons voir à présent que leurs conditions de
travail ne sont pas toujours facilitées.
Ø Les dysfonctionnements au quotidien
Pour le CDS-E1, le CT-E5, et la DSI-E7, les problèmes
de réseaux informatiques sont néfastes à leurs
organisations, et engendrent des pas inutiles de la part des brancardiers.
« Dans leur quotidien c'est pénible et ça les ralentit
» (CDS-E1). Ces dysfonctionnements peuvent entrainer des conflits :
soit au sein de l'équipe, car le brancardier ne va pas être
complaisant envers le régulateur à cause d'une demande de
transport envoyée trop tard alors qu'il se trouvait à
proximité ; soit avec les autres services car ces problèmes de
réseaux entrainent des retards de prise en charge. Pour la DSI-E7, il
est essentiel que les services se coordonnent car elle explique qu'un service
demande à faire descendre tous les patients au même moment, ce qui
dérange les brancardiers qui ont une conscience professionnelle et qui
sont ennuyés de laisser les patients dans le couloir sans surveillance :
« finalement on les met en danger ». Par
ailleurs, le CDS-E1 met en avant que parfois les brancardiers prennent du
retard et l'expliquent en disant
65
« on a encore été là-bas et le
patient n'était pas prêt », ce qui perturbe les
organisations du brancardage mais aussi celles des unités où le
patient est attendu. La FFCDS-E4 nous évoque la notion «
d'interruption des tâches » lorsqu'ils brancardent, ils
reçoivent des appels pour faire une autre course. Par ailleurs elle
explique qu'ils doivent aller à la recherche d'informations : «
ils doivent courir après l'infirmière c'est de l'assis c'est
de l'allongé, il y a de l'appui pas d'appui, les bons ne sont pas
remplis par les médecins, au niveau identitovigilance on y est pas du
tout ; donc ce genre de dysfonctionnement par exemple ».
Ø Les espaces de travail
Les brancardiers travaillent sur les espaces de travail des
autres professionnels et doivent s'adapter à l'environnement qu'ils
rencontrent lorsqu'ils vont chercher les patients dans les services ; «
dans les couloirs on ne peut jamais passer avec les lits »
(CDS-E1). Ils interviennent sur un espace de travail étendu qui
correspond au territoire de l'usager (Couturier & Belzile, 2018).
L'ensemble des professionnels interrogés soulignent
l'importance que les brancardiers aient un local qui leur est propre, où
ils peuvent patienter en attendant les courses. Le CDS-E1, la CDS-E2 et le
CT-E5 expliquent que leur local a été ou va être
amélioré pour qu'ils aient un lieu propre et confortable : le
CT-E5 a fait repeindre la pièce et a fait installer des fauteuils
relaxants, le CDS-E1 a fait mettre une télévision et le CDS-E2 va
faire agrandir leur local.
Ce espace, même s'ils n'y sont pas toute la
journée, leur permet d'avoir un endroit à eux, où ils
peuvent se ressourcer et faire une pause et il est aussi un lieu de rencontre
entre les agents et le cadre de santé.
Ø Le manque de considération
La DSI-E7 est claire sur le sujet ; selon elle, les managers
qui ont été affectés sur ce service, au temps de la
direction précédente, étaient ceux « dont on ne
savait que faire ». Cette équipe a souffert d'un «
sentiment d'abandon » « ils ont morflé
». Elle utilise des mots forts pour décrire que ce manque
d'intérêt de la part des anciens encadrants a eu un impact sur
leur bien-être au travail. D'après Becker (2015), donner des
signes de reconnaissance serait source de motivation, d'épanouissement
et de bien-être. Nous voyons ici qu'à l'inverse manquer de
reconnaissance à un effet néfaste sur le bien-être au
travail. Selon Nunge et Mortera (1998) , l'absence de signes de reconnaissance
est signe de souffrance physique et psychologique. La DSI-E7 ajoute que le
brancardier est parfois considéré comme « la
cinquième roue du carrosse dans l'institution ». Elle
l'explique en indiquant que la faute est souvent rejetée sur eux
notamment en ce qui concerne les retards de prise en charge. « C'est
pas une équipe qui a une reconnaissance de la part des équipes
soignantes ». Le DO-E6 s'exprime sur le manque de
considération lorsqu'il dit que « les brancardiers
malheureusement, avant c'était le dernier de la chaine » ; il
ajoute que depuis qu'il les gère il les sollicite aux réunions,
il les intègre aux repas avec les médecins. Nous comprenons
qu'avant qu'il les gère, ils étaient moins reconnus par
l'institution.
Ø
66
Prendre en compte les difficultés du métier et
faciliter le quotidien
Pour le DO-E6, ce métier est plus fait pour les hommes
que pour les femmes. Il explique avoir déjà eu une femme dans
l'équipe mais cela a été très difficile pour elle
sur le plan physique et elle n'était pas épanouie dans son
travail. Pour lui, on ne peut pas laisser quelqu'un en souffrance. Le CDS-E1
insiste sur le fait qu'il y a des formations permettant d'«
améliorer leurs conditions de travail car du coup ils vont
être formés à la manutention de port de charge donc
forcément en ayant une meilleure posture, on va avoir une meilleure
qualité de travail, puisque du coup ils vont moins se fatiguer, ils vont
moins se faire mal ». Pour la CDS-E3, ils ont besoin que le manager
ne soit pas trop rigide « Il faut un peu plus de souplesse, parce que
c'est un métier difficile donc ils ont aussi besoin de ça.
»
Les encadrants des établissements E1, E2, E5 expliquent
que les brancardiers ont à leur disposition un appareil leur permettant
de faciliter le transport des patients en lit. Mais le CT-E5 ajoute qu'ils
l'utilisent peu. Cet appareil permet le transport du lit à un seul
brancardier. Or, s'ils l'utilisent peu c'est qu'ils veulent conserver aussi
cette possibilité de faire le transport en binôme.
La CDS-E2 et la DSI-E7 ajoutent que leur parc de fauteuils ou
de brancards a été renouvelé ce qui améliore leur
travail au quotidien. La DSI-E7 précise que les fauteuils ont un
système d'attache comme les caddies, afin de réunir les fauteuils
à un même endroit et d'éviter que d'autres personnes les
utilisent ; pourtant les brancardiers n'attachent pas toujours les fauteuils et
donc « ils se pénalisent eux-mêmes » comme elle
dit. Pour la CDS-E2, ils ont mis en place avec le service informatique la
possibilité d'imprimer le planning journalier avec les examens et
consultations déjà prévus ce qui leur permet d'avoir un
aperçu de leur charge de travail même si d'autres courses se
rajoutent dans la journée.
La DSI-E7 souligne l'importance de prendre en compte les
« moyens humains » ; selon elle, cela est déterminant
pour maintenir des conditions de travail convenables, en respectant les
maquettages organisationnels. C'est sa priorité première, elle
précise qu'elle « ne rechigne pas sur des modalités de
remplacement quand il y a besoin ». Comme la DSI-E7, la CDS-E8 fait
référence à des moyens matériels, il est
nécessaire pour les deux encadrants que les brancardiers travaillent
avec du matériel en bon état et pour cela la CDS-E8
n'hésite pas à appeler ses collègues « quand il y
a des lits qui fonctionnent mal dans les services ».
Pour améliorer la qualité de vie au travail,
l'établissement E2 propose les jeudis du bien-être avec soit des
séances de massage soit des séances de sophrologie ouvertes
à tout le personnel. Le DO-E6 précise que les brancardiers ne
travaillent pas les week-ends, ni les nuits et selon lui c'est un «
avantage considérable ».
Nous voyons que sept encadrants s'expriment sur le sujet et
nous expliquent que des moyens sont mis en place dans leurs
établissements ce qui suppose que les difficultés de ces agents
sont réellement prises en compte.
v 67
La culture du donnant-donnant
Selon trois encadrants, pour qu'un agent soit bien au
travail, il faut un peu de souplesse, les trois utilisent le terme du «
donnant-donnant ». « Aujourd'hui c'est comme ça il faut
donner pour recevoir il faut savoir donner un peu de mou pour que le jour
où on a besoin pour la réorganisation qu'il y ait un rendu aussi.
Il faut que ça marche dans les deux sens. » (CDS-E1). Pour le
DO-E6, accorder du temps au personnel quand l'activité le permet n'est
pas déraisonnable, car selon lui le personnel le rend bien et le jour
où la charge de travail va être plus importante, les brancardiers
vont travailler un peu plus longtemps que prévu. Selon lui, cette
culture de donner pour recevoir fonctionne. Par ailleurs, il met en avant que
ce sont des êtres humains et que le manager doit « être
flexible dans l'organisation. Le cadre c'est bien mais il faut l'adapter
essayer de réajuster tout le temps car si on reste figé dans un
cadre on n'avance pas ». Pour la CDS-E8, cette façon de les
manager fait qu'ils se sentent reconnus. Mais l'ANACT (2018) considère
qu'« il ne faut pas rabattre la question de la reconnaissance au jeu du
« donnant-donnant » : reconnaître la personne, son travail, et
les conditions de sa réalisation ne se ramène pas à une
mesure de contribution-rétribution.
v La prise en compte de leur avis
Tous les professionnels s'accordent à dire qu'ils
sollicitent les agents pour qu'ils puissent donner leur avis, que ce soient
dans des réunions institutionnelles ou dans des groupes de travail.
Impliquer les agents permet de les valoriser. C'est ce que pense la CDS-E3 qui
explique qu'« entendre leurs demandes, travailler avec eux, c'est
valorisant ». La CDS-E8 confirme ces propos ; selon elle, cette
implication leur permet de se sentir « importants dans la prise en
charge du patient, ils se disent : on est un maillon de la chaine quoi
». Quant à la DSI-E7, elle ajoute que pour cette équipe
qui a été en souffrance « ils ne peuvent être que
partant quand on les initie aux projets ». D'après Dejours et
Gernet (2009), le fait d'être reconnu par l'Autre permet de donner du
sens au travail. Le DO-E6 va plus loin et explique que ça leur permet
d'échanger avec des personnes qui sont « en haut de
l'échelle » (il parle des médecins et de la direction)
et selon lui « ça facilite leur quotidien ».
Le CDS-E1 leur propose de participer à des groupes de
travail, il leur laisse le choix mais précise « vous faites
valoir votre voix » « c'est de les impliquer, de leur faire
dire ce que eux ils attendent aussi ». Celui-ci insiste sur le fait
qu'il a besoin des brancardiers pour signaler les dysfonctionnements «
sans vous, moi je ne peux pas travailler », c'est
également leur montrer leur valeur leur faire comprendre que leur voix
à de l'importance. Pour le DO-E6 c'est leur permettre de parler de leurs
difficultés et puis d'après lui « c'est bien s'ils
peuvent proposer des choses. Après ils peuvent que adhérer
». Le CDS-E1 ajoute qu'il est fondamental qu'ils s'impliquent pour
faire évoluer les organisations de travail et éviter qu'ils ne
soient « pas forcément satisfaits du résultat
» mais participer leur permet également de savoir ce qui a
été dit. La CDS-E2 partage cet avis en ce qui concerne les
organisations de travail et elle précise :« on les associe
à notre réflexion ». Pour le CDS-E2, il s'agit de les
impliquer également dans le choix de matériel, de leur demander
leur avis car pour elle « ce sont eux les utilisateurs ».
Pour la FFCDS-E4, il s'agit de la faire participer à
l'élaboration de documents et notamment en ce qui la concerne, la fiche
de poste, cela afin de valoriser leur travail et leurs
68
missions dans l'établissement. Nous avons vu que selon
Becker (2015), l'implication des agents dans l'action, pour co-construire en
équipe, permet de les reconnaitre comme étant capables de le
faire.
Pour la CDS-E3et la CDS-E8, ça leur permet de faire
autre chose, « ça les sortaient un peu de leur quotidien
». C'est impulser une « dynamique positive » ce
qui favorise la motivation car sinon, selon elle, le travail est «
rébarbatif ». Cet avis est partagé par le DO-E6,
qui ajoute « tout ça c'est donner du sens à ce qu'ils
font et les impliquer dans autre chose ». D'après la CDS-E2 et
la CDS-E8, nommer des référents dans différents domaines
est également un moyen de les impliquer et de leur donner des
responsabilités. Selon l'ANACT (2018), impliquer l'agent correspond
à l'étape de récompense du processus de reconnaissance et
permet de renforcer l'estime de soi, l'engagement et le sentiment
d'appartenance à une équipe.
v La reconnaissance des encadrants vis-à-vis de la
fonction
Ø Les reconnaitre en tant que professionnels
Le CDS-E1 s'exprime sur le manque de reconnaissance de leur
statut ; d'après lui, cette profession n'est pas reconnue d'une part
parce qu'il n'y a pas de diplôme et d'autre part parce qu'« il
n'y a pas de grille » ; lorsqu'il dit cela il traite de la grille
salariale et du statut qu'ils ont. La CDS-E2 explique qu'ils sont
considérés dans l'institution où elle travaille, «
c'est des professionnels comme les professionnels de santé qui sont
considérés, ils ne sont pas juste considérés comme
des brancardiers que ce soit par moi mais surtout par leur collègues
».
Pour le CDS-E3, le DO-E6 et la CDS-E8, les brancardiers ont
un grand rôle à jouer dans la prise en charge du patient. Pour le
CDS-E3, il s'agit de « leur faire comprendre [...] que
justement, c'est quand même le maillon de l'hôpital. S'il n'y a pas
de brancardage qui va pousser les patients ?». Pour le DO-E6, le
brancardier est « un pilier »,« brancardier c'est
un métier et il a sa place et c'est un maillon de toute la chaine du
soin et il faut voilà le considérer comme un
élément important dans la prise en charge de nos patients
», et « s'il veut vraiment gripper une organisation bah il
la grippe » donc selon lui, le brancardier peut faire dysfonctionner
une organisation entière car en prenant du retard dans la prise en
charge des patients, il y aura du retard dans l'activité des autres
services ; cet avis est partagé par la CDS-E8. Selon Benshimi et Nagels
(2013), le brancardier « dépend de l'organisation des autres mais
son travail se répercute sur l'organisation entière ». Par
ailleurs nous pouvons constater que le DO-E6 a un discours un peu ambivalent
car comme nous l'avons précédemment mentionné, selon lui
cette fonction est amenée à disparaitre. Pourtant, il met en
avant que le « brancardage reste quand même une mission
très importante », il ajoute qu'« il faudrait au
moins faire l'effort de communiquer avec cette population de brancardiers et on
n'avancera pas tant que on n'a pas réussi à les intégrer
dans les organisations, il faut pas les extraire, il faut qu'ils soient
là, c'est la réalité ». La CDS-E8 exprime sa
considération pour cette fonction, elle utilise des mots forts pour les
caractériser et le mot important revient trois fois « très
importants dans les services » « un maillon important
dans l'hôpital » « c'est un rouage vraiment important
dans le service », la DSI-E7 confirme ces propos : « un
hôpital sans brancardier ça ne fonctionne pas, ça ils le
savent ». Comme nous avons pu l'aborder dans l'éclairage
théorique, selon Becker
69
(2015), l'individu a besoin de se sentir utile,
valorisé et considéré pour être épanoui dans
son travail et maintenir sa motivation.
Nous pouvons constater que les encadrants ont de l'estime
pour cette équipe et qu'ils reconnaissent sa valeur au sein de
l'institution.
Ø Les écouter et s'intéresser à
eux
Pour l'ensemble des professionnels interrogés, il est
primordial de se rendre disponible et d'être à leur
écoute.
« Là le fait [...]
qu'on traite leur demande sur les difficultés qu'ils rencontrent,
c'est la reconnaissance en fait je pense. Si on arrive à travailler
dessus et à améliorer les choses, je pense que là ils
seront dans cette reconnaissance... enfin je pense » (CDS-E1). Le
CDS-E2 explique qu'il y a eu un audit sur les flux dans l'établissement
et « eux ils étaient là pour renseigner la personne. Ils
ont eu l'impression qu'on s'intéressait à leur travail
».
Pour le CT-E5, c'est aussi leur montrer qu'on leur consacre
du temps, et pour cela, cet encadrant commence par aller les voir dès
son arrivée sur son lieu de travail. « Ils savent que c'est d'abord
eux ». Cet avis est partagé par la CDS-E8.
La FFCDS-E4 considère que cette profession manque de
valorisation et selon elle, leur montrer de la considération c'est
« être à l'écoute de leurs demandes... essayer de
comprendre un peu leurs difficultés ».
Pour le DO-E6, il faut prendre en considération la
singularité de l'agent et ne pas oublier que l'on est face à des
humains : « Si on a cette faculté d'avoir de l'empathie
vis-à-vis, donc voilà sans être complice, on demande pas
à un manager d'être complice, mais au moins d'avoir de l'empathie
donc comprendre la personne qui est en face, bah nous ça nous arrive
aussi. Il faut accepter que la personne qui est en face notre collaborateur
même si on est son supérieur hiérarchique que parfois il
est pas bien ». Il met en avant cette valeur professionnelle qu'est
l'empathie, mais avoir de l'empathie ne signifie pas sympathiser mais
plutôt comprendre que les agents sont des humains avant tout. Comme nous
l'avons précédemment mentionné, l'ANACT (2018)
considère l'identification comme une étape du processus de
reconnaissance. Selon elle, il s'agit de prendre en considération la
singularité et la dignité de la personne afin d'apporter des
signes de reconnaissance individualisés sans pour autant la
favoriser.
Ø Leur permettre de se former, les faire
évoluer
Six cadres évoquent la nécessité de faire
participer les brancardiers à des formations.
« Moi je trouve qu'on peut les valoriser aussi en
leur faisant faire des formations même si elles ne sont pas qualifiantes
c'est important pour eux » (CDS-E2). La DSI-E7, du fait de son grade,
nous explique qu'elle permet aux brancardiers d'accéder à des
formations qui ne leur étaient pas proposées jusqu'à
présent : « j'ouvre un maximum de formation pour eux,
même s'ils ne sont pas soignants ». Quant au CDS-E8, il
n'existe pas suffisamment d'opportunités de formation : « je
sais que j'ai beaucoup eu de difficultés à trouver des formations
qui les intéresse et tout ça. C'est un public auquel on ne pense
pas assez je trouve ».
70
Certains encadrants expliquent même les avoir
aidés à préparer un concours que ce soit ASHQ,
aide-soignant ou infirmier. C'est le cas des CDS-E3 et CDS-E8 qui
considèrent que c'est valorisant pour eux d'évoluer. Et la CDS-E8
ajoute que c'est du rôle du cadre de faire évoluer les agents qui
ont des capacités « c'est le regard de quelqu'un, sentir que
quelqu'un a des compétences et leur demander s'ils veulent
évoluer, c'est savoir quelque fois se priver de certains professionnels
parce que on sait qu'ils ont du potentiel ». Elle ajoute que le fait
qu'« ils travaillent plus à distance, ça n'empêche
pas [...] de faire la même chose en termes de
professionnalisation ».
Les CT-E5 et DO-E6 ont un discours similaire lorsqu'ils
disent que c'est un métier difficile, « fatigant et usant
» (CT-E5) et que par conséquent on ne le fait pas toute sa
vie, « c'est une étape » (DO-E6) et c'est pour cela
qu'ils insistent et qu'ils les encouragent à faire autre chose.
Permettre aux agents d'évoluer, de se former fait
partie selon l'ANACT (2018), de l'étape de la récompense du
processus de reconnaissance.
Ø Les remercier, les valoriser et le leur dire
Pour l'ensemble des encadrants, il faut savoir dire à
un agent quand ça ne va pas mais il faut également lui dire quand
ça va, quand ce qu'il fait c'est bien.
Pour deux établissements, il existe une valorisation
financière : le CT-E5 explique que la formation à l'école
Louise Couvet « c'est une formation qui valorise parce qu'après
cette formation ils ont des points supplémentaires sur leur salaire
» et ajoute qu'une prime d'intéressement est distribuée
en fonction de la productivité (nombre de courses effectuées) de
l'absentéisme et des retards, nous pouvons donc penser que c'est un
levier de motivation pour les agents ; le DO-E6 lui, nous indique qu'une
mission supplémentaire est confiée aux brancardiers, il s'agit
d'une mission de sécurité incendie pour laquelle ils sont tous
formés et qui leur apporte une compensation financière, c'est ce
qu'il appelle la valorisation « extrinsèque ». La
CDS-E8, même s'il n'y a pas de valorisation financière dans la
structure où elle travaille, nous indique que dès qu'il s'agit de
faire des heures supplémentaires dans un autre service pour combler un
absentéisme, elle les sollicite et ils apprécient que la cadre de
santé pense à eux et leur permette d'augmenter leur salaire ;
elle ajoute par ailleurs que « c'est pas le salaire qui les valorise,
ni leur statut ».
Il y a aussi la valorisation ,comme le dit le DO-E6, «
intrinsèque » qui n'a pas de valeur financière mais
elle est plus personnelle, c'est une valorisation de personne à personne
, elle peut être soit individuelle ou collective. Ce qui lui paraît
essentiel, c'est « que la personne sente que y a quand même un
regard de l'autre qu'on apprécie ce qu'ils font, qu'ils sont sensibles
à ce qu'ils font, qu'on respecte ce qu'ils font et ça ça a
un impact sur la qualité de vie au travail », c'est porter un
regard sur eux et leur dire qu'ils font bien leur travail, la CDS-E3, le CT-E5
et la DSI-E7 partagent ce point de vue et « ça leur faisait du
bien, ça leur faisait plaisir » (CDS-E3).
Pour le CT-E5, c'est parler d'eux en bien lorsqu'il est en
réunion, et il valorise aussi de façon individuelle, il
encourage. Selon lui, « il faut leur dire la petite phrase qui va
leur
71
permettre de bien démarrer la journée car
ça les encourage, ça les motive en tout cas pour certains
».
Certains encadrants soulignent l'importance de leur dire
qu'ils sont des agents indispensables dans l'institution et la CDS-E3 en est
convaincue « il faut leur dire qu'ils font du bon boulot qu'ils sont
importants dans une équipe, qu'ils font partie de la chaine, que ce
n'est pas que des brancardiers il n'y pas de sous métier, vous
n'êtes pas inférieurs...vous faites partie de...en tout cas de
l'équipe soignante ». « On a besoin de vous
» explique le DO-E6 lorsqu'il parle des brancardiers. Ce dernier est
convaincu qu'il faut valoriser leur travail « On
essaie de leur dire et de leur faire comprendre que y a pas de
sous-métier, ça reste un métier [...] moi je leur
dis quand il y a pas de brancardier moi je suis très
embêté, ça leur fait plaisir d'entendre ça
» et tout comme le pense également la DSI-E7, les remercier
pour ce qu'ils font « qu'est-ce que ça coute de leur dire merci
»(DO-E6). La reconnaissance c'est « s'arrêter 5
minutes, leur demander comment ils vont, voilà leur donner une
poignée de main enfin c'est du basique hein mais bon, savoir leur dire
je vous remercie, j'ai su qu'hier il y avait une grosse activité
vraiment voilà vous avez assuré c'est bien je vous remercie
» (DSI-E7). Par ailleurs pour la DSI-E7, valoriser leur travail,
c'est leur faire des retours sur la diminution des FSEI, leur faire remarquer
qu'ils ont fait des efforts en ce qui concerne l'absentéisme et les
informer des bons retours des autres professionnels de santé. «
L'info est redescendue car c'est indispensable qu'ils aient des retours
positifs et pas que voilà c'est de leur faute ».
La CDS-E8, tout comme nous l'avons vu avec le DO-E6, aborde la
notion de respect pour parler de reconnaissance. Elle décrit que son
rôle en tant que cadre « C'est les respecter en tant que
personne », c'est apprendre à les connaître aussi et
« qu'ils se sentent pas une roue, c'est qu'ils se sentent pas à
part » « C'est les défendre » et c'est
reconnaître leurs valeurs « C'est des gens qui ont de la valeur,
des valeurs personnelles et professionnelles ». Selon elle,
l'association de toutes ces petites actions fait que les brancardiers se
sentent valorisés. La cadre de santé nous fait part d'un article
écrit sur les brancardiers de l'établissement dont le titre est
très parlant « avec les indispensables brancardiers
». Cet article était un signe de reconnaissance pour leur
métier et la CDS-E8 évoque qu'ils ont relevé le
défi de parler de leur métier avec brio en ajoutant « ce
sont des gens qui s'adaptent à toutes situations, à des publics
différents enfin moi je trouve qu'ils ont des capacités
d'adaptation importantes ». Cette cadre n'hésite pas à
féliciter ses agents et leur dire qu'elle est fière de ce qu'ils
font.
Et puis pour les CDS-E8 et le DO-E6, les reconnaître
c'est aussi de les intégrer au sein de l'équipe, et pour le DO-E6
c'est tisser des liens à l'extérieur en organisant des repas avec
toute l'équipe. C'est selon lui « un management de
fidélisation, d'approche plus humaine ». Il explique qu'il
défend les intérêts de cette équipe auprès de
la direction « si vous voulez qu'ils soient productifs, il faut qu'ils
soient heureux dans ce qu'ils font. Moi je pense qu'avec ma petite
expérience, c'est l'essentiel ». Ses propos nous renvoient
à ceux de Bormans (2012) : « des salariés heureux [...]
fournissent un travail de plus grande qualité, commettent moins
d'erreurs et sont plus productifs et plus dévoués ».
Dejours (cité par Caillé, 2007) explique que
lorsque la qualité du travail individuel est reconnue alors l'individu
aura la possibilité d'appartenir à un groupe. Par ailleurs,
d'après Becker (2015) « reconnaître une personne lui permet
de se reconnaître ».
v
72
Le ressenti des encadrants
Certains encadrants expriment leur ressenti sur la gestion de
cette équipe et sur le plaisir qu'ils ont eu à gérer les
brancardiers.
Trois encadrants indiquent que les brancardiers sont une
équipe facile à manager : « j'ai moins de
difficultés avec eux qu'avec certains professionnels de santé
» (DSI-E7). Pour deux cadres, cela s'explique car ce sont des hommes.
« Enfin je trouve que les hommes c'est assez facile à manager,
ils ne font pas d'histoires à la limite. Mais y a pas de coup
derrière » (CDS-E8). Pour la CDS-E3 manager une équipe
d'hommes est un avantage « on va pas se mentir c'est des hommes
[...] l'équipe a été plus facile à
manager. [...] parce qu'un homme vous allez lui dire les choses il va
vous dire les choses et le lendemain il aura oublié, voilà il va
passer à autre chose et le boulot va se faire ». Donc nous
comprenons que les hommes ont la capacité de ne pas rester sur leur
position, ils ne cherchent pas les complications ce qui facilite le management
de cette équipe selon ces trois encadrants. Pour gérer cette
équipe, certains encadrants estiment qu'il faut savoir être
parfois moins rigide : pour le CDS-E3, « le positionnement du cadre y
joue aussi, tout dépend comment vous
êtes.si vous êtes
dans l'écoute etc...oui ça passe. Si vous êtes trop
directive [...] Avec les brancardiers si c'est trop carré, on
n'a pas de retour ». La DSI-E7 partage ce point de vue lorsqu'elle
dit « je pense que c'est ça il faut qu'ils aient un chef
vraiment reconnu comme tel mais il faut savoir les manager car si vous les
braquez c'est mort si vous êtes trop laxiste alors là ils font ce
qu'ils veulent ». Le DO-E6 nous explique que pour que le management
de cette équipe fonctionne il faut « de la rigueur de
l'équité » et prendre en compte « l'humain
c'est important ».
La CDS-E3 mentionne :« c'est l'équipe la plus
intéressante pour l'instant que j'ai eu à gérer
». Selon elle lorsqu'on pense hôpital, on pense aux
professionnels de santé tels que les médecins, infirmières
et aides-soignantes, « mais on ne pense pas aux
autres métiers ». Elle termine en nous faisant savoir qu'elle
a « un regard différent sur les brancardiers » et
elle explique qu'elle fait comprendre aux équipes soignantes «
que ce n'est pas un métier facile et que ce sont des gars qui sont
de bonne volonté ». Pour la DSI-E7, « Moi je dis
toujours que c'est la meilleure équipe que j'ai encadrée, c'est
avec eux que j'ai eu le sentiment d'avoir le mieux travaillé, d'avoir
fait de très belles choses » « C'est des
équipes chouettes hein globalement ». Ces cadres
expliquent leur plaisir à gérer cette équipe. Le DO-E6
montre un certain attachement lorsqu'il exprime le besoin de les
protéger et montre qu'il porte une attention particulière
à leur égard, comme s'ils étaient des êtres fragiles
: « pour pouvoir préserver les équipes un métier
quand même pas facile et donc le fait que je me rends disponible pour
eux, c'est un petit peu... je les protège et ils se sentent en
sécurité ». Par ailleurs, lorsque le CT-E5 parle de
l'équipe qu'il gère, nous pouvons penser que lui aussi y est
attaché et qu'il a de l'estime pour elle : « J'ai quand
même une très bonne équipe » (il va le dire deux
fois) ; « je suis satisfait d'eux » « Mais dans
l'ensemble je suis assez fière de mon équipe, je le dis
».
La CDS-E8 s'inquiète quant au devenir de cette
équipe car elle pense que les brancardiers vont être réunis
au sein d'un pool. Elle pense que s'ils sont regroupés dans un pool, ils
n'auront plus l'identification à un service. Elle a le sentiment que
cette équipe n'est pas assez valorisée et elle nous le dit deux
fois « c'est une équipe qui mérite d'être plus
valorisée ».
73
Au travers des propos recueillis auprès de ces
professionnels, nous notons que cette équipe a toute la reconnaissance
de leur supérieur hiérarchique et qu'elle procure chez les
encadrants un certain attachement et la volonté de leur faciliter le
quotidien.
3.2.5 Synthèse de l'analyse
Nous venons de voir que le brancardier a un statut
particulier, celui d'ASHQ qui ne correspond en rien avec les missions qu'il
réalise au quotidien.
Nous pouvons constater que les encadrants de ces
équipes ont conscience que c'est un métier difficile, avec un
statut qui ne correspond pas à leurs missions, qui nécessite
d'avoir une bonne condition physique et qu'il est majoritairement
effectué par des hommes. Ce métier laisse une certaine
liberté aux agents ; en naviguant sur les différents secteurs de
l'hôpital, ils créent des liens avec les autres professionnels de
santé et ont l'avantage d'être polyvalents lorsqu'ils ne sont pas
sectorisés ou « trop dédiés » (DSI-E7).
Cependant, il semblerait que le fait d'être rattaché à un
service renforcerait leur sentiment d'appartenance à une
équipe.
Les brancardiers peuvent évoluer vers d'autres
métiers de la santé s'ils le souhaitent. Selon certains
encadrants, ce métier n'est pas fait par vocation, les agents font ce
métier car ils n'ont pas le choix et qu'il leur permet répondre
à des besoins physiologiques.
En outre, le service de brancardage est
considéré comme un prestataire de service, qui doit
répondre à la demande d'autres professionnels de santé.
Afin de garantir une prestation de qualité, les brancardiers auront
à collaborer avec les différents services. Cette collaboration
permettra aux brancardiers d'être reconnus par les autres
professionnels.
Nous avons pu voir qu'il était fondamental de
collaborer pour que les relations se passent au mieux. La collaboration
interprofessionnelle est indispensable dans un établissement de
santé. Dans une organisation, chaque acteur analyse les
opportunités et les limites dans une situation de travail et y voit ses
propres intérêts. Collaborer nécessite de comprendre le
travail de l'Autre, ceci pour limiter les représentations de chacun qui
mènent parfois à des tensions, et éviter les
dépassements de tâches qui incombent aux brancardiers.
Aussi, pour une qualité des soins optimales, la
communication est primordiale. Comme l'indiquait la DSI-E7, il est
nécessaire que le cadre de santé du brancardage sache ce qu'il se
passe dans les services. Savoir communiquer devient alors une compétence
primordiale pour optimiser la collaboration interprofessionnelle.
Le cadre a un rôle à jouer dans la diffusion de
l'information. Il va informer ses pairs pour favoriser cette collaboration avec
les différents services, il va être le porte-parole de cette
équipe afin de faire connaître leurs contraintes, les
difficultés qu'ils rencontrent auprès des services
prestataires.
Par ailleurs, manager une équipe de brancardier peut
être qualifié de management à distance dans la mesure
où les agents sont séparés de l'encadrant par des portes,
des couloirs. Manager une équipe fixe et une équipe
dispersée sont deux choses différentes. Cela nécessite
74
une remise en question comme nous l'a précisé le
CDS-E1 car les façons de travailler avec une équipe fixe ne
s'adapteront pas toujours à une équipe mobile.
Pour autant, certains professionnels s'accordent à dire
que la communication est impactée par cette distance. Donc certains
encadrants misent sur des temps d'échanges formels mais aussi informels.
Pour certains encadrants, trouver des temps de rencontre peut paraitre
difficile dans la mesure où il est compliqué de réunir
l'équipe en même temps et que les agents sont dispersés.
Le management à distance sous-entend de laisser de
l'autonomie à ses agents et par conséquent de leur faire
confiance mais sans oublier de donner la direction et de garder le
contrôle. En outre, dans un contexte de management à distance, le
cadre de santé utilisera certains moyens pour évaluer les agents
: nous avons vu que cette évaluation peut se faire en fixant des
objectifs à atteindre, au moyen d'observations, de prise en compte des
satisfactions et insatisfactions et les retours des collègues, des
collaborateurs, des usagers. Nous avons pu voir également que pour
contrôler l'activité à distance, des outils peuvent
être nécessaires. Le cadre de santé pourra alors s'appuyer
sur des feuilles de traçabilité de transport ou sur
l'enregistrement des courses sur un logiciel par exemple.
Enfin, nous avons pu constater qu'améliorer la
qualité de vie au travail des brancardiers passe par la prise en compte
de leurs attentes, de leur avis dans les décisions qui peuvent
être prises. Il est essentiel de les solliciter pour participer à
des groupes de travail ou à des réunions. C'est un moyen pour
qu'ils se sentent considérés. Ce métier physique dont le
statut ne correspond en rien à ce qu'ils font au quotidien a besoin de
reconnaissance de la part de la hiérarchie, mais aussi des autres
professionnels. Ils ne veulent pas être considérés comme de
simples pions mais comme des individus en capacité de
réfléchir. Le cadre de santé va être le pivot qui va
permettre d'améliorer leurs conditions de travail en faisant en sorte
que les brancardiers travaillent avec du matériel en bon état. Il
valorise leur travail de façon individuelle ou collective, se rend
disponible, à leur écoute et rend visible leur travail
auprès des autres cadres de santé. Le cadre reconnaît leur
travail en leur donnant des responsabilités, en leur permettant de se
former et d'évoluer au sein de l'institution. Pour terminer, nous avons
pu observer que certains cadres montrent de la sympathie voire de l'attachement
à cette équipe, allant jusqu'à vouloir les
protéger. Cette équipe le plus souvent composée d'hommes
est une équipe dite « facile à manager » selon certains
professionnels interrogés, car ces agents ne sont pas rancuniers. Les
managers ajoutent que les brancardiers méritent d'être davantage
valorisés. Nous terminerons par le constat fait par la CDS-E3 qui
considère que son regard sur eux a changé depuis qu'elle a pris
en charge cette équipe. Il semblerait que cette expérience au
brancardage permette de porter un autre regard sur cette profession parfois mal
considérée par les autres professionnels de santé.
75
4. La confrontation aux hypothèses
A présent, nous allons recentrer notre travail de
recherche sur notre questionnement de départ.
Notre question de recherche était la suivante :
Dans un contexte de management à distance,
dans quelle mesure le cadre de santé peut-il valoriser les savoir-faire
des brancardiers dans un établissement de santé
?
Pour répondre à ce questionnement, nous avions
formulé trois hypothèses pour tenter de guider notre travail de
recherche.
1- Dans un contexte de management à distance, la
reconnaissance des savoir-faire des brancardiers est favorisée lors
d'échanges individuels et collectifs avec le cadre de santé.
Nous avons pu constater qu'au travers des entretiens que nous
avons réalisés, le cadre en poste sur le service du brancardage
reconnaît leur travail et leurs efforts. Il nous apparait
déterminant pour le cadre, de maintenir des échanges avec cette
équipe dans un contexte de management à distance étant
donné que c'est une équipe qui se sent peu
considérée, surtout par les autres professionnels de
santé. Certains encadrants interrogés prennent en compte
l'importance de valoriser cette équipe qui n'a pas de reconnaissance
statutaire, ni diplômante.
Le brancardier a besoin de se sentir reconnu dans sa
singularité mais aussi dans son travail au sein de l'institution. C'est
pour cela que certains encadrants impliquent les agents dans des missions
complémentaires afin de leur faire découvrir autre chose. La
valorisation se fait également en permettant aux agents de se former,
d'évoluer et cela veut dire qu'il faut savoir s'en séparer. Il
s'agit aussi de les écouter et de s'intéresser à eux.
Nous constatons que dans un contexte de management à
distance, le cadre parvient à organiser des temps de rencontre avec les
agents. Ces professionnels interrogés valorisent le travail des agents
de façon individuelle et collective lors d'échanges formels ou
informels. Reconnaître le travail des brancardiers leur permet
d'améliorer leur qualité de vie au travail.
Après avoir recueilli ces éléments, nous
pouvons valider cette première hypothèse. Nous pouvons
également ajouter que le cadre de santé valorise également
les savoir-être des brancardiers car ceux-ci ont des capacités
relationnelles dans leur approche du patient. Cependant, nous pouvons
mentionner que les brancardiers recherchent également la reconnaissance
des autres professionnels.
2- Le cadre de santé du brancardage rend visible les
savoir-faire des brancardiers auprès des services par
l'intermédiaire de ses pairs.
Pour permettre aux brancardiers de se sentir reconnus par les
autres professionnels, nous avons vu que le cadre de santé communique
avec ses pairs. Rendre visible le travail des
76
brancardiers auprès des autres cadres de santé
va permettre de faire reconnaître le travail de ces agents auprès
des professionnels de santé. Nous avons pu constater que cette
communication va permettre de comprendre le travail de l'Autre. En effet,
l'information auprès des cadres de santé sera relayée
auprès des équipes soignantes, leur permettant ainsi de
comprendre les contraintes des brancardiers. Cette communication permettra
d'éviter les dépassements de tâches réalisés
par les brancardiers.
Comme nous avons pu l'évoquer au travers des
investigations sur le terrain, cette communication est essentielle pour faire
connaître le travail des brancardiers puisque sept professionnels ont
abordé le sujet. Nous pouvons donc confirmer cette hypothèse au
regard des données que nous avons pu collecter.
3- Le cadre de santé favorise la collaboration
interprofessionnelle en informant les brancardiers sur les contraintes des
soignants.
Enfin dans cette troisième hypothèse, il
était question de permettre aux brancardiers de comprendre le travail
des autres professionnels de santé afin de mieux collaborer avec eux,
dans un but que leur travail soit aussi reconnu. Cette hypothèse se
rapproche de la seconde dans la mesure où il est question de favoriser
la compréhension du travail de l'autre.
Nous avons pu voir que globalement les brancardiers
collaborent avec les différents services, ils entretiennent de bonnes
relations avec les autres professionnels. Cependant, il peut arriver que les
brancardiers aient des représentations du travail de leurs
collègues. Parfois, ils n'auront pas tous les éléments
leur permettant de comprendre une situation, c'est pour cela qu'il leur arrive
de manquer de tolérance, c'est ce qu'abordent deux encadrants
interrogés.
Nous pouvons alors valider partiellement cette
hypothèse car il semblerait, au travers du recueil de données
effectué, que la méconnaissance du travail de l'Autre est plus
orientée des professionnels de santé vers les brancardiers que
l'inverse.
5. Les limites du travail de recherche
Ce cheminement nous a permis de répondre à notre
questionnement de départ et de valider totalement ou partiellement nos
hypothèses, mais il a également mis en évidence des champs
que nous n'avons pas pensé à exploiter. A l'issue de ce travail
de recherche, nous identifions des obstacles qui nous ont limitée dans
notre démarche.
Tout d'abord, en ce qui concerne l'éclairage
théorique, nous pouvons affirmer que le manque d'ouvrages concernant les
brancardiers, a limité ce travail. En effet, nous n'avons trouvé
aucune lecture scientifique à ce sujet. Hormis deux articles, et des
témoignages, nous regrettons que peu d'auteurs se soient penchés
sur le sujet. Nous pouvons ajouter que dans notre éclairage
théorique, il nous manquait une notion qui a été
abordée lors des entretiens, telle que le management participatif et
nous avons pris conscience que d'autres concepts auraient pu être plus
approfondis comme le management des hommes par exemple.
Par ailleurs, pour les investigations de terrain nous avons
été restreinte à un nombre d'entretiens à
réaliser, ce qui ne peut être représentatif d'une
généralité. En outre, les profils d'équipes
gérés par les encadrants interrogés étaient
différents : avec un effectif inégal et des structures avec un
statut privé et public donc avec des moyens disparates. Par ailleurs, il
nous a été difficile de trouver des établissements ayant
une équipe de brancardiers, qui ont bien voulu nous recevoir. Nous
regrettons de ne pas avoir pu interroger des brancardiers et des soignants sur
cette problématique. Cependant, nous avons apprécié
d'échanger avec des encadrants autour de ce sujet et cela nous a permis
d'obtenir de nombreux éléments permettant d'éclairer notre
questionnement. Nous pensons néanmoins que les entretiens avec des
brancardiers et des soignants n'auraient peut-être pas donné lieu
à une telle richesse dans les échanges et que nous aurions
peut-être recueilli davantage de ressentis.
A cela, nous pouvons ajouter, que nous avons bien conscience
que notre inexpérience en matière d'entretiens semi-directifs ne
nous a pas permis de rebondir sur certaines réponses qui auraient
mérité d'être plus approfondies. Nous pensons que des
éléments nous manquaient dans notre grille d'entretien notamment
pour mettre en lumière ce qui était mis en place par les cadres
auprès des brancardiers pour faire connaître le travail des
professionnels de santé. Cela nous a amenée à ne valider
que partiellement notre troisième hypothèse.
Enfin, nous avons pu réaliser qu'il nous avait
été difficile de ne pas avoir de réactions positives
lorsque les encadrants nous apportaient des éléments permettant
d'alimenter notre recherche et nous avons conscience que cela pouvait
représenter un biais aux réponses apportées. Les
entretiens ont duré plus de 39 minutes. Pour certains, il nous a
été difficile de les recentrer lorsqu'ils nous donnaient des
anecdotes ou lorsqu'ils nous montraient leur outil de travail, mais nous les
sentions tellement intéressés par le sujet que nous les avons
laissés s'exprimer.
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