1.4. LES ROLES FEMININS TYPES DANS LE CINEMA GRAND
PUBLIC.
Vous avez sûrement remarqué les différents
stéréotypes liés à la femme au cinéma. Ces
rôles portent un nom, on appelle ça un « trope ». Je
vais vous en exposer quelques-uns afin de rendre compte de ces appellations.
Regina Georges dans « Mean Girl »
Les plus présents sont la « mean girl » ou la
méchante fille, vous l'avez vue dans presque tous les films pour
adolescent. Le
meilleur exemple est Regina Georges dans « Mean Girl »
ou
encore Blair Waldorf dans « Gossip Girl ».
Physiquement, elle apparait comme une fille riche, populaire, jolie, hyper
féminine,
stéréotypée comme jalouse et superficielle.
Pourtant, elle est ambitieuse, forte et elle a confiance en elle. Malgré
ça, elle éprouve de la rage et de la colère à
l'égard de l'héroïne principale. Elle se cache
derrière une gentillesse de façade pour effectuer des agressions
relationnelles sur d'autres jeunes filles parce que seule une femme sait
comment parfaitement en blesser une autre. En observant bien, nous remarquons
que derrière cette méchanceté se cache une
stratégie de défense. Elle reproduit des comportements des
personnes élitistes et superficielles qui l'entourent. La « mean
girl » est souvent comparée à la reine des abeilles, mais
pourtant, elle ne contrôle pas son école et au contraire elle se
plie aux attentes de la société. C'est ce qui la pousse à
détester le personnage principal qui sort du lot et qui ne se sent pas
contrainte. L'héroïne du film va essayer de descendre ce
système de caste afin d'atteindre ses objectifs. De l'autre
côté, la « mean girl » a compris le système
hiérarchique de son école ou de la société et elle
a décidé d'en profiter pour atteindre le sommet. Au final, la
vilaine adolescente se sent claustrophobe d'un monde injuste et sexiste
où elle ne peut pas exprimer son plein potentiel. Elle a juste besoin de
trouver une manière plus saine de ressortir sa colère.
La « smart girl » ou la fille intelligente, pourrait
être représentée par Liza Simpsons dans « Les Simpsons
» en tête d'affiche ou encore avec les deux héroïnes du
film Booksmart de Olivia Wilde. Souvent accessoirisée de lunettes parce
qu'elle voit des choses que les autres ne voient pas. Ce personnage a
conscience d'elle-même,
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Liza Simpsons dans « Les Simpsons
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elle se sait intelligente et en est fière. Elle est
ambitieuse et est déterminée à réussir sa
carrière. De l'extérieur, elle est vue comme arrogante et
intolérante aux gens moins intelligents. La « smart girl » qui
a tendance à trop réfléchir, se rend compte qu'elle ne
rentre pas dans le moule. Elle ressent la pression de se conformer et va
réajuster sa personnalité en essayant de paraitre moins « je
sais tout » afin de plaire aux autres et de ne pas être mise sur le
côté. Au cours des dernières années, on a pu
assister à une évolution de ce trope. Au départ, une femme
intelligente avait des agissements semblables à ceux d'un homme et elle
représentait souvent une menace. Dans son propre développement,
elle va connaitre l'échec, et par conséquent gagner en
maturité. La « smart girl » d'aujourd'hui n'est plus
unidimensionnelle. Elle montre que les femmes ne sont plus soit intelligentes
soit jolies, elles peuvent être les deux à la fois. Les femmes
intelligentes de ce monde ont souvent une fibre artistique ou sont
engagées pour une cause (Malala, Greta Thunberg...). Dans les films ou
dans la vie, elles cherchent désormais à avoir un impact sur le
monde.
La « weird girl » ou la fille bizarre,
qualifiée de bizarre parce que nous ne la comprenons pas. Elle a un
style et des intérêts peu habituels. Elle a peu ou pas d'amis et
est perçue comme inapte à avoir un partenaire amoureux. Sa
sexualité est vue comme déviante ; c'est soit une « salope
», soit une « lesbienne ». Il existe cinq sous-genres de «
weird girl » ; la gothique, la maligne (the smartass), le cas
désespéré (the basket case), la tête en l'air (the
space cadet) et la marginale (the akward misfit).
La gothique, avec Wednesday Adams dans « La Famille Adams
», est le plus souvent habillée de noir. Elle s'intéresse
aux choses auxquelles les autres ne portent pas attention. C'est comme
ça que dans certains films, elle parviendra à communiquer avec
des éléments du fantastique comme des fantômes. La «
goth » ne va pas changer pour les autres, elle reste elle-même en
toute circonstance.
La maligne, avec Daria, utilise le sarcasme pour se
protéger. Elle se définit elle-même par ce qu'elle n'est
pas plutôt que par ce qu'elle est. Elle n'est pas comme les autres,
d'ailleurs elle les juge trop normaux.
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Daria dans « Daria »
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Le cas désespéré, avec Allison Reynold
dans « The Breakfast Club », est la version la plus chaotique et
dramatique de la « weird girl ». Elle performe sa bizarrerie pour
attirer l'attention.
La tête en l'air, avec Phoebe Buffay dans « Friends
», existe dans son propre monde et par conséquent, elle ne se
soucie pas de l'avis des autres. Souvent sous-estimée, elle se
révèle plus intelligente que nous le pensons.
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Phoebe Buffay dans « Friends »
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La marginale est la version la plus triste. Son manque
d'habilité à s'intégrer lui vaut un harcèlement de
la part de ses camarades. Ces agressions à répétitions ne
lui seront aucunement bénéfique et elle aura tendance à
reproduire ces comportements quand elle sera en position de force.
Quel que soit la forme de la « weird girl », elle
représente la peur de son époque. Une fille était
considérée comme bizarre si elle se comportait comme un homme, si
elle ne portait pas d'intérêt au mariage, ou si elle voulait avoir
accès à une éducation et voyager. La fille
décalée est toujours restée indépendante
malgré le cliché qui traine dans certains films qu'elle aurait
besoin d'un homme pour être normalisée et même
sauvée. Aujourd'hui, c'est une bonne chose d'être « bizarre
» car la différence est plus acceptée voire
glorifiée. Ce qui rendait une fille masculine avant rentre aujourd'hui
dans la norme.
La seule et l'unique « manic pixie dream girl »,
(MPDG), est un trope introduit par le critique
Claire Colburn dans « Elisabethtown
»
Nathan Rabin, en 2007, pour caractériser un type de
personnage féminin récurent qui n'existe que dans l'imagination
des réalisateurs/scénaristes. Il visait le personnage de Claire
Colburn dans « Elisabethtown ». Elle est sociable, c'est elle qui
approchera le protagoniste masculin en première et celui-ci en
opposition sera timide et distant. La MPDG a des goûts et un style bien
à elle, « elle n'est pas comme les autres ». Mais surtout elle
n'abandonne jamais le
premier rôle masculin, elle est toujours enjouée,
de bonne humeur et elle se fout du regard
des gens. Elle est là pour apporter un
développement à l'homme du film, elle va lui redonner
la joie de vivre. Ce trope à la base fait pour mettre
l'accent sur un comportement sexiste de
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certains réalisateurs a fini par se retourner contre
lui-même. Utilisé à tort pour décrédibiliser
un film ou trop vite le ranger dans une case sans plus analyser le personnage
féminin. Ce terme est même utilisé comme insulte pour
désigner une fille « manquant de personnalité » dont le
seul but est d'attirer l'attention d'un homme.
Mikaela Banes dans « Transformers
»
La « Cool girl » ou la fille cool, est encore un
autre fantasme masculin. C'est un homme dans le corps d'une femme belle et
sexy, elle aime les activités traditionnellement d'hommes, la
bière et les hamburgers. Nous parlons de ce trope comme un mythe
créé par les hommes et perpétué par les femmes qui
après l'avoir vu dans autant de films ont fini par
l'incarner. Le problème avec la cool girl c'est qu'elle
est appréciée par les hommes qui l'entoure tant qu'elle reste
à leur niveau, il ne faudrait pas qu'elle les challenge. C'est
pourquoi, elle ne dit rien sur la hiérarchie
homme-femme qui la pousse toujours au second rang malgré ses
qualifications. Celle-ci est facile à vivre et elle ne se fâche
jamais sur son homme. Mais la cool girl moderne se détache de ce monde
d'homme et vit selon ses propres règles comme nous l'avons vu dans les
nouveaux Marvel.
Greene Lanterne
Nous avons le personnage féminin réduit à
son minimum ; « The Fridge Lady » ou « la femme dans un
réfrigérateur ». Ce trope tient son nom de
l'écrivaine Gail Simone qui l'a utilisé en
référence à l'épisode de la bande dessinée
« Greene Lanterne ». Dans lequel la copine du héros est
tuée et enfermée dans le réfrigérateur de celui-ci
pour offrir un développement à son histoire. Ce personnage
féminin meurt au début de l'histoire sans que nous ayons appris
à la connaitre. Son copain ou mari essayera de la venger et de sauver le
monde
par la même occasion. La mort d'un être
aimé nous permet de sympathiser avec lui et lui offre
un passé triste. Le problème de cette
représentation est qu'il réduit la femme à une
propriété.
En effet, nous avons remarqué que dans la
majorité des scénarios « ma femme » aurait pu
être remplacé par « mon chien » ou
« ma voiture ». Nous pouvons reprocher cela surtout à la
mauvaise écriture de ce personnage car la mort d'un
être cher aurait plus d'impact si celui-ci
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était multidimensionnel. Le souci c'est aussi la
manière dont ces femmes sont tuées ; le meurtre est violent et
sexuel comme si la femme existait seulement pour qu'une série de
mauvaises choses lui arrive et que la pureté de son corps devait
absolument être protégée par un homme.
La féministe est présente dans les films depuis
longtemps mais elle était représentée négativement.
Dépeinte comme une femme pas féminine, moche et détestant
les hommes. Elle souhaite l'égalité des sexes parce qu'aucun
garçon ne veut d'elle. Nous avons eu droit à la « straw
feminist », parodie de la féministe réelle. Elle
réagit excessivement à des situations minimes pour réduire
et ridiculiser la cause à l'écran. Aujourd'hui, elle est toujours
présente pour montrer les conséquences lorsque nous perdons des
yeux la cause principale et que nous nous laissons emporter par la haine. Le
trope de la féministe était souvent présent en opposition
au personnage féminin principal qui, pourtant, regroupe les
caractéristiques d'une réelle féministe mais qui se
comporte comme individualiste dans sa quête de succès.
Scène de la série « Sex Education
,,
Aujourd'hui, on assiste à la prise de conscience des
personnages féminins. Elles se rendent
compte de la société misogyne qui les entoure et
de la culture du viol bien présente. Elles se joignent à la cause
pour trouver une sorte de liberté.
Nous allons finir avec la femme fatale qui consacre sa vie
à détruire le ou les protagonistes
Ramon et Destiny dans « Queens ,,
masculins. Elle est irrésistible. Elle fait
habituellement une première apparition remarquée dans le film.
Elle a une vision du monde cynique. Elle est froide et distante. La femme
fatale est guidée par la soif d'argent pour arriver à ses fins
elle utilise la manipulation et sa sexualité dont elle a le plein
contrôle. Elle représente l'anxiété de son
époque dans le sens où elle refuse les normes imposées aux
femmes, elle sort, travaille, refuse de porter l'enfant d'un homme. Elle a
généralement droit à deux sortes de fin.
La première, nous nous rendons compte qu'elle n'est
pas mauvaise et elle a droit à une fin heureuse. Ou la
deuxième qui est plus courante, elle
s'avère être pourrie jusqu'à la moelle et
elle est punie par la mort ou la prison. La femme fatale
peut paraître féministe car elle reprend son
pouvoir, sa vie et sa sexualité lui appartiennent
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mais la manière dont elle nous est montrée est
plutôt misogyne. Nous la voyons comme mauvaise ou comme une victime de la
société lorsque nous avons droit à une
rétrospection.
Il existe encore une liste non exhaustive de trope, certains
personnages reflètent des caractéristiques de plusieurs d'entre
eux à la fois. Plus un personnage est multidimensionnel plus il
correspondra à différentes catégories. Bien que ces
personnages récurrents ne soient pas toujours glorifiant, il en existe
de nombreux. Mais peut-être l'avez-vous remarqué ; ils sont
à quelques exceptions près toujours représentés par
des femmes blanches, fixées comme la norme. Cette observation nous
amène à nous poser la question suivante : Y'a -t-il des tropes
spécifiques aux femmes de couleurs ?
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