DEDICACE
i
À Mes Chers Parents, MKPOUWOUPIEKO Salifou et
NDAYIE MBOMBO Chétou, pour leur soutien et leur affection.
REMERCIEMENTS
ii
Nous aimerions exprimer notre gratitude aux personnes sans
lesquelles ce travail de recherche n'aurait pas été possible.
Nous pensons à nos encadreurs, le Professeur Laurent
ZANG et le Dr. NKOBENA Boniface FONTEM dont le soutien, l'attention et le suivi
permanents ont constitué pour nous une véritable source
d'épanouissement intellectuel.
Nous tenons également à remercier tout le corps
enseignant et le personnel administratif de l'Institut des Relations
Internationales du Cameroun, dont l'encadrement, les orientations reçues
et les conseils ont été précieux durant nos recherches.
Qu'il nous soit permis d'adresser des remerciements
particuliers aux personnalités dont les témoignages, expertises
et conseils, ont été essentiels à la réalisation de
ce travail. Nous pensons spécialement au Professeur Maurice KAMTO,
Ministre délégué auprès du Ministre de la Justice,
Garde des sceaux, à Maître Douala MOUTOME, Ministre de la Justice
et Garde des sceaux à l'époque du recours au règlement
judiciaire, au Professeur Joseph OWONA, Secrétaire Général
de la Présidence de la République du Cameroun (PRESICAM) à
l'époque de la prise de décision, à S.E. M. Hamidou
NJIMOLUH KOMIDOR, Ministre Plénipotentiaire, Conseiller diplomatique du
Chef de l'Etat à l'époque de la prise de décision,
Ambassadeur du Cameroun au Congo et en Angola, au Professeur Joseph Marie
BIPOUN WOUM, Membre de la délégation du Cameroun lors de la
procédure judiciaire à la Haye, au Dr. Anicet ABANDA ATANGANA,
Conseiller Technique à PRESICAM, Membre de la délégation
du Cameroun à la Commission mixte Nations Unies/Cameroun/Nigeria,
à S.E. M. TANDA Robert, Ministre Plénipotentiaire, Membre de la
Délégation du Cameroun à la Commission mixte Nations
Unies/Cameroun/Nigeria, Inspecteur Général des Affaires
Consulaires au Ministère des Relations Extérieures (MINREX),
à M. MAHAMAT ABAKAR, Chef de Service chargé des relations entre
le Cameroun et le Nigéria au MINREX.
Nous souhaitons enfin dire merci à nos promotionnaires
de la filière Diplomatie, dont l'écoute et les encouragements ont
été très utiles.
ABREVIATIONS, ACRONYMES ET SIGLES
iii
A.C.P. : Afrique, Caraïbes et
Pacifique.
C.I.J. : Cour Internationale de Justice.
C.B.L.T : Commission du Bassin du Lac
Tchad.
CEMAC : Communauté Economique et
Monétaire de l'Afrique Centrale.
CNS : Conseil National de
Sécurité.
C.P.P. : Cellule de la Prévision et de
la Prospective.
F.CFA : Franc de la Coopération
Financière Africaine.
F.M.I. : Fonds Monétaire
International.
F.P.A. : Foreign Policy Analysis.
I.D.E. : Investissements Directs
Etrangers.
IRIC : Institut des Relations Internationales
du Cameroun.
M.D.P. : Mouvement pour la Démocratie
et le Progrès.
M.D.R. : Mouvement pour la Défense de
la République.
MINDEF : Ministère de la
Défense.
MINJUSTICE : Ministère de la
Justice.
MINPAT : Ministère des Investissements
Publics et de l'Aménagement du Territoire.
MINREX : Ministère des Relations
Extérieures.
MODELE I : Modèle de l'acteur
rationnel.
MODELE III : Modèle Bureaucratique.
NSC : National Security Council.
OCISCA : Observatoire de Collecte
d'Information Scientifique du Cameroun.
O.I. : Organisation Internationale.
O.I.G. : Organisation Internationale
Gouvernementale.
iv
O.I.N.G. : Organisation Internationale Non
Gouvernementale.
ONU : Organisation des Nations Unies.
OPEP : Organisation des Pays Exportateurs de
Pétrole.
O.U.A. : Organisation de l'Unité
Africaine.
PPTE : Pays Pauvres Très
Endettés.
PAS : Programme d'Ajustement Structurel.
PIB : Produit Intérieur Brut.
PRESICAM : Présidence de la
République du Cameroun.
R.D.P.C. : Rassemblement Démocratique
du Peuple Camerounais.
S.D.F. : Social Democratic Front.
S.D.N. : Société des
Nations.
SG/PRESICAM : Secrétariat
Général de la Présidence de la République du
Cameroun.
SODECOTON : Société de
Développement du Coton.
SONARA : Société Nationale de
Raffinerie.
SOPECAM : Société de Presse et
d'Editions du Cameroun.
S.C.N.C. : Southern Cameroon National
Council.
STABEX : Fonds de stabilisation des recettes
d'exportation des produits agricoles.
SYSMIN : Fonds de stabilisation des recettes
d'exportation des produits minéraux.
T.A.C. : Teachers Association of Cameroon.
U.D.C. : Union Démocratique du
Cameroun.
U.E. : Union Européenne.
U.N. : United Nations.
U.P.C. : Union des Populations du
Cameroun.
URSS : Union des Républiques
Socialistes Soviétiques.
USA : United States of America.
LISTE DES CARTES, TABLEAUX ET
ANNEXES
v
CARTES
1. Localités du Southern Cameroons où se
sont déroulés les votes pour le referendum du 11
février 1961. Carte établie par l'ONU 60
2. La frontière terrestre entre le Cameroun et le Nigeria
...100
TABLEAUX
1. Classement des méthodes de règlement
pacifique des conflits territoriaux les plus utilisés par
les Etats 40
2. Effectifs et Armement des armées nigérianes
et camerounaises en
1994 . 48
ANNEXES
1. Carte représentant le Cameroun et le Nigeria
..130
2. Carte agrandi de la Frontière Terrestre entre le
Cameroun et le Nigeria .131
3. Situation de la péninsule de Bakassi au Cameroun
132
4. Carte de la Péninsule de Bakassi 133
5. Carte des frontières du Cameroun sous
administration franco-britannique .134
6. Carte d'ethnies présentes de part et d'autre de la
frontière méridionale entre le Cameroun et
le Nigeria .135
7. Communiqué de presse de PRESICAM du 19
février 1994, relatif aux accrochages
militaires entre le Cameroun et le Nigeria dans la
presqu'île de Bakassi ...136
8. Activités pétrolières du Cameroun (en
tonne) entre 1987 et 1995 137
9. Extrait de presse relatif au dépôt de la
requête introductive d'instance du Cameroun auprès
de la C.I.J .138
10. Résultats de l'enquête d'opinion
réalisée par Cameroon Tribune sur l'affaire
Bakassi .139
11. Tableau sur les articles de presse positifs
publiés par The Herald et The Post sur le conflit
de
Bakassi .140
12.
vi
Tableau sur les articles de presse négatifs
publiés par The Herald et The Post sur le conflit
de Bakassi 141
13. Tableau reliant chaque variable explicative de James
ROSENAU au type de société où elle
est la plus déterminante 142
14. Protocole d'entretien 143
15. Décret N°2009/004 du 8 janvier 2009 portant
création et organisation d'un Conseil National
de Sécurité 144
RESUME
vii
S'inscrivant dans le cadre de la Foreign Policy
Analysis, la présente étude s'intéresse
particulièrement au choix porté par le Cameroun sur le
règlement judiciaire du conflit de Bakassi. Aussi, s'articule-t-elle
autour de l'hypothèse selon laquelle la décision du Cameroun de
recourir à la C.I.J. s'explique aussi bien par la recherche de
l'optimisation de l'intérêt national escompté, à
savoir le respect par le Nigeria de son intégrité territoriale
sans recours à la guerre (modèle de l'acteur rationnel de Graham
ALLISON), que par la combinaison de cinq variables indépendantes
inspirées de James ROSENAU, à savoir les variables
idiosyncratiques, gouvernementales, systémiques, de rôle, et
sociétales.
En effet, l'analyse du problème posé, de
l'objectif poursuivi, et des différentes options soumises au Cameroun,
permet de se rendre compte, dans la première partie de l'étude,
que ce choix était le plus à même de garantir l'atteinte de
l'objectif de Yaoundé. Dans la seconde partie, le cadre conceptuel de
ROSENAU susmentionné permet de ressortir l'influence, sur la
décision étudiée, des variables gouvernementales (les
institutions administratives), de rôle (les fonctionnaires
impliqués dans la prise de décision), idiosyncratiques (les
qualités propres au Chef de l'Etat en exercice), sociétales (le
rôle de la société civile, des médias, des leaders
d'opinion, de la culture de paix et de la fragilité du contexte
socio-économique et politique), et systémiques (le
caractère particulier de l'adversaire et la faveur des acteurs
internationaux pour le règlement pacifique). Un essai
d'évaluation du poids de l'ensemble de ces facteurs permet d'affirmer la
prépondérance des variables idiosyncratiques, suivies des
variables systémiques et gouvernementales, dans l'explication du recours
au règlement judiciaire. L'applicabilité de ces modèles
à l'analyse de cette prise de décision s'avère
également pertinente pour les autres pays africains, voire pour d'autres
pays en développement. La principale difficulté dans cette
optique réside au niveau de l'accès aux informations fiables ;
car les décisions sont prises dans ce que David EASTON appel la
« boîte noire » ; c'est-à-dire avec une haute
confidentialité.
Mots clés : Décision, C.I.J.,
conflit de Bakassi, politique étrangère, processus
décisionnel, règlement judiciaire.
ABSTRACT
viii
This study which falls within the framework of Foreign
Policy Analysis lays focus on the choice Cameroon made in favor of a
judicial settlement of the Bakassi conflict. It is constructed on the
hypothesis that Cameroon's decision to seize the ICJ can be seen as an attempt
at optimizing a defined national interest-Nigeria's respect for its territorial
integrity without resorting to war (Graham ALLISON's rational actor model), or
simply as a result of a combination of five independent variables defined by
James ROSENAU which include idiosyncratic, governmental, systemic, role playing
and societal factors.
In effect, the analysis of the problem posed, the stated
objective and the various options open to Cameroon permits us to find in the
first part of this study that this choice was that which offered the best
success guarantee to Yaoundé in the pursuit of her objective. In the
second part of this study, ROSENAU's conceptual framework mentioned supra helps
us to bring in the influence of governmental variables (administrative
institutions), role playing (civil servants or bureaucrats involved in the
decision process), idiosyncrasies (the character of the presiding head of
state), societal factors (the role of the civil society, media, opinion
leaders, the culture of peace and the fragile socioeconomic and political
context), and systemic variables (the specific nature of the opponent and the
international actors' wish for a peaceful settlement). An attempted comparative
evaluation of the weight of each of these arguments in explaining the decision
to opt for judicial settlement lead us to confirm the dominance of
idiosyncratic variables followed by systemic and governmental factors. The
applicability of these models in the analysis of this decision is also
pertinent for other African countries and developing countries in general. The
greatest difficulty in such a task lies in having access to credible
information because decisions are made within what David EASTON refers to as
the «black box »; that is, veiled with the seal of high
confidentiality.
Key words: Decision, ICJ, Bakassi conflict,
foreign policy, decision making process, judicial settlement.
SOMMAIRE
ix
DEDICACE i
REMERCIEMENTS ii
ABREVIATIONS, ACRONYMES ET SIGLES iii
LISTE DES CARTES, TABLEAUX ET ANNEXES v
RESUME i
ABSTRACT viii
SOMMAIRE ix
INTRODUCTION GENERALE 1
CHAPITRE PRELIMINAIRE : LE CADRE THEORIQUE 19
Section 1 : L'apport des modèles explicatifs d'ALLISON
20
Section 2 : Le cadre conceptuel de ROSENAU 24
CONCLUSION DU CHAPITRE PRELIMINAIRE 29
PREMIERE PARTIE : L'APPLICATION DU MODELE DE L'ACTEUR
RATIONNEL A LA
PRISE DE DECISION DU CAMEROUN 30
CHAPITRE I : LES DESSEINS DU CAMEROUN FACE AUX CONVOITISES
NIGERIANES
ET LES SOLUTIONS NON JUDICIAIRES ENVISAGEES 32
Section 1 : L'exposé du problème et de
l'objectif du Cameroun 32
Section 2 : Les options non judiciaires soumises au Cameroun
39
CHAPITRE II : LES ENJEUX DU RECOURS AU REGLEMENT JUDICIAIRE
50
Section 1 : Les risques du recours au règlement
judiciaire 50
Section 2 : Les atouts de la voie judiciaire 57
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 65
DEUXIEME PARTIE : L'ANALYSE DU RECOURS AU REGLEMENT JUDICIAIRE
SELON
LES VARIABLES EXPLICATIVES DE ROSENAU 66
CHAPITRE III - L'INFLUENCE DES ACTEURS INSTITUTIONNELS 68
Section 1 : Les variables gouvernementales et de rôle
69
Section 2 : La variable idiosyncratique 77
CHAPITRE IV - LE RÔLE DES VARIABLES SOCIOLOGIQUES 88
Section 1 : Les variables sociétales 88
Section 2 : Les variables systémiques 98
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 113
CONCLUSION GENERALE 114
BIBLIOGRAPHIE 118
ANNEXES ..129
TABLE DES MATIERES 146
INTRODUCTION GENERALE
1
2
I. LE CONTEXTE ET L'OBJET DE L'ETUDE
L'un des problèmes qui affectent les recherches
consacrées à l'étude de la politique
étrangère, des pays en développement en
général et africains en particulier, est celui de la
rareté des oeuvres réalisées sur la prise de
décision en période de crise ou de conflit. Nonobstant
l'importance de l'analyse de la prise de décision dans la
compréhension et l'explication de la politique étrangère
d'un Etat, il est à relever que les chercheurs ne se sont pas
suffisamment intéressés aux décisions prises par ces pays.
La majorité des travaux disponibles en la matière est
focalisée sur les pays en développement. A cet égard, les
Etats-Unis d'Amérique émergent comme le pays où les
études dans ce domaine sont le plus développées. C'est
dans ce contexte qu'est née l'idée, en vue de combler ce
déficit, de procéder à travers la présente
étude à l'analyse d'une décision spécifique prise
par un pays africain en période de conflit.
Pour ce faire, le Cameroun, pays d'Afrique subsaharienne, a
été privilégié. Le conflit choisi est celui relatif
à la frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le
Nigeria, et la décision étudiée est le choix porté
par Yaoundé sur le règlement judiciaire du conflit frontalier en
question.
En effet, face à l'occupation nigériane de la
péninsule de Bakassi, et aux résultats peu satisfaisants des
procédés diplomatiques de règlement engagés depuis
janvier 1994, trois options s'offraient au Cameroun : la poursuite des voies de
règlement diplomatique, le recours au règlement militaire, et
l'option pour une solution judiciaire. Le 29 mars 1994, après avoir
favorisé pendant des années la voie diplomatico-politique dans le
règlement des incidents frontaliers avec son voisin occidental le
Nigeria, le Cameroun décide de porter le conflit qui les oppose,
à propos de la presqu'île de Bakassi, devant l'organe judiciaire
principal des Nations Unies ; d'où l'intérêt de cette
étude, qui a pour objet l'analyse des variables explicatives de la
décision des autorités camerounaises de recourir à la
C.I.J. pour le règlement du conflit de Bakassi.
Afin de mieux cerner l'objet de l'étude, il convient de
procéder à une clarification de ses concepts de base.
II. LES CONCEPTS DE BASE
« Si vous voulez converser avec moi, disait Voltaire,
définissez vos termes »1. Il en va de même en
analyse politique. Afin de s'entendre sur le sens des mots à employer,
et éviter ainsi toute
1 Cité par Ferry DE KERCKHOVE, « La nature
de l'analyse décisionnelle et sa place dans la théorie des
relations internationales » in Etudes internationales, vol.3,
n°4, 1972, p. 504.
3
confusion, les concepts suivants nécessitent des
précisions : politique étrangère (1), décision de
politique étrangère (2), règlement judiciaire (3) et
conflit (4).
1. La politique étrangère
La présente étude s'inscrit dans le cadre
général de la politique étrangère du Cameroun. Le
recours au règlement judiciaire est compris ici comme une
décision de politique étrangère.
Une politique est un ensemble d'actions, de décisions,
de stratégies et de moyens pensés, élaborés et mis
en oeuvre en vue d'atteindre des objectifs particuliers. Dans le cadre de cette
étude, il convient de relever avec Janice STEIN que la confusion qui
entoure la définition de la politique étrangère est plus
apparente que réelle2. Un consensus se dégage autour
du problème central de recherche. La politique étrangère
renvoyant ainsi aux « efforts autoritaires d'une société
nationale pour contrôler son environnement externe par la
préservation de situations favorables à l'étranger et par
la modification de situations défavorables»3. Cette
définition de James ROSENAU demeure actuelle. Frédéric
CHARILLON affirme à ce propos que la politique étrangère
« reste bien l'instrument par lequel l'Etat tente de façonner
son environnement politique international »4.
La politique étrangère du Cameroun
apparaît dès lors, comme l'instrument privilégié par
lequel il essaie de s'insérer dans le jeu international, cherche
à y maintenir ou à y accroître sa capacité
d'influence, afin d'en tirer avantage.
Une approche dualiste du politique a pendant longtemps
considéré les relations internationales comme étant
fondamentalement et irréductiblement différentes des processus
sociaux, politiques et économiques qui se déroulent à
l'intérieur des Etats5. Les auteurs réalistes, tenants
de cette approche, soutiennent que la politique étrangère est par
nature différente de la politique intérieure6. Raymond
ARON souligne à cet effet que : « tant que l'humanité
n'aura pas accompli son unification dans un Etat universel, il subsistera une
différence essentielle entre politique intérieure et politique
étrangère »7. Pour Marcel MERLE,
« la politique étrangère est [...]
2 Janice STEIN, « L'analyse de la politique
étrangère : à la recherche de groupes de variables
dépendantes et indépendantes », Etudes
internationales, vol.2, n°3, 1971, p. 373.
3 James ROSENAU, « Moral Fervor, Systematic
Analysis and Scientific Consciousness », in Austin RANNEY, Political
Science and Public Policy, Chicago, Illinois, Markham Publishing Co.,
1968, pp. 197-236, cité par Idem.
4 Frédéric CHARILLON (dir.),
Politique étrangère : Nouveaux regards, Paris, Presses
de Sciences Po, 2002, p. 13.
5 Hamadou MGBALE MGBATOU, Le Conflit Frontalier
Cameroun-Nigeria: explications socio-politiques, enjeux, et déterminants
d'une crise bilatérale, Mémoire de DESS, Yaoundé,
IRIC, 1999, p. 2.
6 Hedley BULL, « Society and Anarchy in
International Relations », in Herbert BUTTERFIELD, Martin WIGHT (eds),
Diplomatic Investigations, Londres, Allen and Unwin, 1966, cité par
Stefano GUZZINI et Sten RYNNING, « Réalisme et analyse de la
politique étrangère », in Frédéric CHARILLON
(dir.), op. cit., p. 35.
7 Raymond ARON, Paix et guerre entre les
nations, Paris, Calmann-Lévy, 1962, p. 19.
4
la partie de l'activité étatique qui est
tournée vers le dehors» 8. Toutefois,
cette approche n'est pas unanimement admise dans la discipline.
Déjà dans les années soixante, ses premières
critiques sont venues des auteurs comme ROSENAU. Ce dernier, à travers
sa théorie du linkage9, a mis en
évidence les liens étroits et à double sens qui peuvent
exister entre la sphère de la politique intérieure et celle de la
politique étrangère10. Graham ALLISON fait aussi
partie des premiers auteurs qui ont proposé d'étudier la
politique étrangère en tant que processus décisionnel
(decision-making process)11. Avant lui, Richard SNYDER,
Henry BRUCK et Burton SAPIN incitaient déjà les chercheurs
à regarder à l'intérieur de l'Etat pour comprendre la
politique étrangère12. Bahgat KORANY affirme à
cet effet que : « si la politique étrangère est
l'initiative tournée vers le "dehors", on sait aussi que des initiatives
tournées vers l'intérieur pourraient également faire
partie de la politique étrangère »13.
Cette vision moniste a le mérite de concevoir la
politique étrangère comme un simple prolongement externe de la
politique intérieure d'un gouvernement, la projection de ses
intérêts au-delà des frontières de l'Etat. Elle
rentre dans le cadre de la Foreign Policy Analysis et correspond
à cet effet à la méthode de l'analyse décisionnelle
qui sera utilisée dans le cadre de cette étude. En se basant sur
cette méthode (explicitée plus loin), la présente
étude prend en considération le rapport inextricable entre
politique intérieure et politique étrangère.
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