Assurance de responsabilite des aéronefs immatricules en République Démocratique du Congopar Patient Ibrahim SUMAÏLI Université de Kisangani - Droit Économique et Social 2018 |
SECTION 2e : Importance de l'assurance dans l'économie§1. Etude de rôle de l'assurance dans l'économie des quelques pays africains membres de la CIMAPartout dans le monde, l'assurance, parce qu'elle libère de la peur de financer sur ses propres fonds d'éventuelles pertes matérielles et immatérielles, favorise l'investissement et, par conséquent, la croissance économique et l'emploi. Parce que les besoins en termes d'investissement y sont énormes, l'assurance est en Afrique, plus qu'ailleurs, une nécessité. Ce constat oblige, localement, les pouvoirs publics et les acteurs du marché de l'assurance à redoubler d'efforts pour encadrer et développer cette activité. Depuis 1960, il existe en Afrique de l'Ouest un marché unique des assurances, qui a donné lieu à la création d'une organisation, la Conférence internationale de contrôle des assurances (CICA), devenue en 1992 la Conférence interafricaine sur les marchés de l'assurance(Cima). En lui-même, le fonctionnement de cette organisation constitue une notable exception dans une Afrique habituée à l'éparpillement des énergies et à l'extrême diversité des réglementations et des pratiques professionnelles d'un pays à l'autre. Elle a en effet permis la constitution d'un espace juridique et professionnel commun fondé sur un code unique des assurances pour tous ses États membres, un organisme unique de supervision et de contrôle des marchés nationaux, une procédure unique d'agrément des compagnies d'assurances, une institution communautaire de formation (l'Institut international des assurances de Yaoundé, au Cameroun), une société commune de réassurance, etc. Tout cela, combiné à une prise de conscience salutaire des acteurs du marché, a largement contribué au renforcement et à l'assainissement du secteur des assurances en Afrique. Pourtant, même si le chiffre d'affaires global du secteur est passé de 229 milliards de francs CFA (100 francs CFA = 0,152 euro) en 1995 à 442 milliards en 2007 (soit + 93 % en douze ans), le taux de pénétration de l'assurance reste inférieur à 0,5 % du PIB. Des marges de progression existent donc, à condition, évidemment, que les contraintes qui entravent son développement soient levées. Ces contraintes sont de trois ordres : - La faiblesse du pouvoir d'achat des populations locales et l'absence d'une véritable culture de l'assurance. En Afrique noire, la consommation d'assurance par tête est la plus faible au monde (moins de 1.000 francs CFA par habitant et par an). La demande d'assurance y est structurellement limitée à une très faible fraction d'agents économiques, qui sont pour l'essentiel des entreprises industrielles et commerciales. - Les insuffisances liées à la réglementation et au contrôle des États. Le corpus réglementaire de la Cima souffre d'imperfections en particulier dans sa politique d'octroi des agréments -- qui favorise l'inflation du nombre des acteurs-- et dans la réglementation des placements -- inadaptée aux évolutions de l'environnement économique et financier. - Les problèmes liés à la gestion des compagnies d'assurances. En surnombre sur plusieurs marchés, elles se caractérisent par la faiblesse de leur chiffre d'affaires moyen. Elles pâtissent notamment de la faiblesse des taux de rendement des placements, du fait de l'absence de réelles opportunités de placements rentables, et subissent des charges de gestion (commissions et autres charges) très élevées (leur taux moyen était de 29 % en 2005, contre 6 % en France). Leur situation est encore aggravée par l'importance des arriérés de primes (qui représentaient 51 % de leur chiffre d'affaires en 2005), ainsi que par la mauvaise gouvernance qui frappe nombre d'entre elles. Il faut dire que la plupart des compagnies d'assurances en Afrique appartiennent pour plus de 50 % de leur capital à des personnes physiques qui sont en général des commerçants peu au fait des subtilités du métier. Pour surmonter ces obstacles et garantir un développement sain de ce marché, une série de mesures doivent être prises : - d'abord renforcer la surface financière des compagnies d'assurances, notamment par le relèvement de leur capital social. Cela leur permettra de disposer des moyens financiers et matériels nécessaires au renforcement de leurs capacités opérationnelles. Le Nigeria a mis en oeuvre avec succès, en 2007,une réforme similaire; - ensuite, remettre à jour et à niveau le corpus réglementaire. Si la Cima en tant qu'instance supranationale de supervision et de contrôle a abattu un travail considérable, il n'en demeure pas moins que des évolutions significatives de la réglementation, et de sa pratique, sont plus que nécessaires et urgentes; - Enfin, et c'est une nécessité absolue sur le continent, démocratiser l'accès à l'assurance. Aujourd'hui, le secteur est encore trop élitiste, sa clientèle étant en très grande majorité composée d'entreprises et non de personnes physiques. Certes, depuis les années1960, le chemin parcouru a été significatif. Mais beaucoup reste encore à faire pour que les compagnies d'assurances puissent jouer pleinement et efficacement le rôle qui devrait être le leur dans le développement du continent africain. §2. Importance de l'assurance dans l'économie congolaise L'Assurance est, aujourd'hui, une pièce motrice de l'économie nationale de la RDC. C'est une discipline qui intervient dans plusieurs facteurs économiques tels que l'investissement, la protection des biens, la sécurité des transactions... Un environnement économique propice dépend de la situation du marché intérieur et extérieur. Dans ce paragraphe, deux points essentiels seront observés. Il s'agit de l'engagement des assureurs à la protection de l'économie par la prise en charge des éventuels sinistres et de leur disposition à faciliter les financements des projets. Ø Protecteur de l'économie : C'est le plus grand rôle que s'est offert l'Assurance dans le processus du développement et de la protection de l'économie. En effet, les compagnies d'assurances soutiennent les souscripteurs afin de leur permettre de mieux gérer leur avenir en leur proposant des garanties adaptées à leurs besoins. Aux yeux de ces souscripteurs, les garanties représentent une épargne ou une réserve de biens matériels ou financiers, consentie dans le but de prévoir les conséquences d'évènements fortuits. Ainsi, suite à un sinistre impliquant la responsabilité civile du souscripteur par exemple, un transporteur aérien peut voir son activité se ralentir et même se paralyser du fait des conséquences judiciaires et financières notées à cette occasion. De ces dommages, il peut en résulter un chômage technique voire une perte de bénéfice pour la société qui doit malgré tout, continuer à payer ses charges fixes (salaires, impôts, remboursements de dettes...). Pour échapper à ces bouleversements fatals dans les entreprises, l'assureur peut prévoir sur le marché une garantie plus connue sous le nom de Pertes d'Exploitation. Cette garantie est donc capitale pour la protection des biens et des activités des entreprises. Elle prévoit en cas de réalisation de sinistre, le remboursement de : - la baisse du bénéfice net enregistrée lors d'un sinistre, - tous les frais fixes que l'assuré doit supporter malgré le ralentissement ou l'arrêt de ses activités, - tous les frais supplémentaires d'exploitation (location de locaux ou d'un groupe électrogène en cas de sinistre sur un transformateur de grande puissance) engagés en accord avec l'assureur et destinés à minimiser la baisse du chiffre d'affaires. Ø Facilitateur d'investissements De nos jours, le secteur des assurances et le secteur bancaire travaillent en synergie dans le cadre d'une bonne politique d'administration des affaires. En pratique, il s'agit d'assurer la « marge brute » de l'entreprise, à savoir la somme de ses charges fixes et de son résultat d'exploitation (autrement dit la différence entre les produits d'exploitation et les charges dites variables). Ce concept est utilisé en anglais sous l'appellation de « Risk Manager ». De nos jours les entreprises aussi ont à leur disposition un Risk Manager chargé de protéger le patrimoine de la société52(*). Dans le passé, les banques et les établissements financiers étaient très souvent confrontés à des problèmes de remboursements lorsqu'ils consentaient des accords de crédit à leurs clients. Ces derniers, sous le coup des péripéties de la vie (maladie, faillite, mort...), ne parvenaient pas à atteindre leurs objectifs. Ainsi, pour remédier à ces difficultés qui menaçaient le bon déroulement des transactions, les assureurs, en collaboration avec les banques, ont créé des garanties destinées à assurer le remboursement des dettes contractées par les clients des banques, si ces derniers sont dans l'impossibilité d'honorer leurs engagements. Ces garanties représentent en effet, des sûretés accordées aux créanciers afin de les prémunir contre le risque d'insolvabilité de leurs débiteurs. Aujourd'hui, au Sénégal, le marché sénégalais bénéficie d'une compagnie spécialisée dans ce sens. Il s'agit de la SONAC (Société Nationale d'Assurance Crédit et de Cautionnement) créée à l'occasion de la privatisation de l'ASACE (Agence Sénégalaise pour l'Assurance du Commerce Extérieur). En outre, la BICIS (Banque Internationale pour le Commerce et l'Industrie du Sénégal) dispose d'une garantie appelée Assuria, conçue par AXA et qui est souscrite par le débiteur de la banque. Cette assurance permet à cette dernière de réclamer ses fonds à l'assureur en cas de déconfiture de son client53(*). Ainsi, en s'engageant à promettre à la banque ou à l'établissement financier le remboursement de l'indu si le client n'y parvenait pas, l'assureur, intermédiaire entre créancier et débiteur, facilite le processus des perspectives d'investissements. En dehors de ce rôle de médiateur, l'assureur contribue activement à l'investissement national. §3. Stratégies pour la promotion des assurances en RDC Le corpus réglementaire congolais présente des insuffisances sur plusieurs points essentiels surtout dans son application : - la politique d'octroi des certificats de navigabilité : Elle est trop formaliste, car l'opportunité de créer des nouvelles compagnies sur un marché n'est pas suffisamment évaluée. En conséquence, dans la plupart des marchés nationaux, un trop grand nombre d'acteurs se partagent une production locale , et les nouvelles venues opèrent essentiellement dans des créneaux « faciles » . - la règlementation sur l'octroi des certificats de navigabilité : Elle est complètement non respectée et inadaptée à l'environnement économique et financier étant donné que une compagnie peut facilement obtenir un certificat même si elle ne souscrit pas à une police d'assurance obligatoire. Cela constitue un frein objectif au développement des activités d'assurances, et plus particulièrement en assurances obligatoire. - le non respect des obligations d'assurances : Les États ne contrôlent pas suffisamment le respect des obligations d'assurances, à commencer par l'assurance de responsabilité civile . - Beaucoup a été dit et écrit sur les mesures à mettre en oeuvre pour lever les obstacles au développement des assurances en RDC. Mais les mesures prioritaires , à même de garantir le développement harmonieux du secteur, sont à notre avis sont les suivantes : - Le renforcement de la surface financière et la création des nombreuses compagnies d'Assurances sans oublier le relèvement du capital social des compagnies d'assurances. L'entreprise d'assurance est une institution financière dont la solvabilité conditionne la crédibilité. Dès lors que la faiblesse des fonds propres de la plupart de nos entreprises est notoire, leur renforcement progressif et continuel doit être la règle. C'est à cette condition que la confiance de la demande sera restaurée et que des pratiques rituellement décriées comme les frontings et la délocalisation de l'assurance des grands risques disparaîtront. - La remise à niveau impérative du corpus règlementaire « La loi est faite pour les hommes et non les hommes pour la loi », disaient les Romains il y a près de deux millénaires. l'ARCA en tant qu'instance nationale de supervision et de contrôle doit abattre un travail considérable, il n'en demeure pas moins que des évolutions significatives de la réglementation, et de sa pratique, sont plus que nécessaires et urgentes. - Le premier point concerne la refonte complète de la réglementation des souscriptions d'assurance à l'étranger : il faut absolument parvenir à réguler et même à sanctionner dans certains cas la souscription des assurances obligatoires portant sur les aéronefs immatriculés en RDC à l'étranger ; - Le second point est relatif à la politique d'octroi des agréments pour les sociétés qui veulent oeuvrer dans le secteur d'assurance. Elle est trop formelle et ne tient pas suffisamment compte de l'opportunité d'en octroyer. - Le troisième point se rapporte à la gouvernance d'entreprise : la réglementation doit aller loin dans le renforcement des sanctions du non respect des dispositions réglementaires de la gouvernance d'entreprise et tuer dans l'oeuf des entreprises manifestement « plombées » dès leur création par l'absence d'un actionnariat professionnel et par l'insuffisance de moyens pour satisfaire un minimum d'exigences opérationnelles. - Le quatrième point recouvre le traitement des arriérés de primes : les assureurs devraient procéder à l'annulation de la totalité des arriérés de plus de deux ou cinq ans n'ayant pas fait l'objet de procédures contentieuses de recouvrement. - Le cinquième point est la nécessité de la mise en place d'indicateurs de règlements de sinistres dans les délais contractuels, assortis de sanctions appropriées. Dans un contexte où de solides structures existent, l'assurance peut être un vecteur efficace pour le développement. La mutualisation des risques entraîne la réduction de l'incertitude qui permet alors aux agents économiques d'exploiter les opportunités et de générer de la croissance créatrice d'emplois. Si les risques sont gérés plus efficacement et l'épargne domestique mobilisée, les assurances vie et non vie peuvent avoir des effets positifs sur la croissance économique. Néanmoins, l'assurance ne peut, à elle seule, pallier à l'incertitude juridique et à l'instabilité politique pour attirer les investissements. L'assurance n'est que le reflet d'une situation socio-économique. A ce titre, l'assurance constitue à n'en pas douter un vecteur d'accompagnement et de soutien au développement de l'ensemble des secteurs de l'économie. Le volume global des cotisations d'assurance dans chaque marché de la région est étroitement lié à l'activité économique du pays concerné. Le secteur de l'assurance doit participer dans son ensemble à l'émergence d'un marché financier national. Les assureurs doivent jouer leur rôle de mobilisateur de l'épargne longue. Pour attirer cette épargne, ils doivent offrir des produits attrayants. De son côté, l'Etat a la possibilité de faciliter le développement des produits d'épargne par une fiscalité appropriée et un contrôle efficace. L'intégration régionale permettrait d'intervenir sur un marché plus large en améliorant la compétitivité des assureurs. Sur ce point, le marché de la zone CIMA constitue un bon exemple d'intégration économique. Les sociétés d'assurance doivent déployer des moyens techniques et informatiques de plus en plus sophistiqués qui ne peuvent trouver leur pleine mesure sur des marchés aussi étroits. Une intégration régionale réussie permettrait d'avoir un marché d'assurance plus structuré répondant mieux aux besoins des clients, particuliers, entreprises ou administrations. Le rôle que peut jouer l'assurance dans le développement économique dépendra également des actions prises par les autorités de tutelle pour mettre à niveau le secteur, le renforcer et le dynamiser. Les mesures prioritaires portent sur la consolidation des sociétés d'assurance, notamment, par : - Le relèvement de leur capital social. - L'actualisation et la mise à niveau du corpus réglementaire conformément aux normes internationales. - L'amélioration de la qualité et de la fiabilité des services. - Le recours à la technologie pour l'amélioration et l'extension des réseaux de distribution. - La mise en oeuvre de stratégies de communication et de sensibilisation en direction des populations. - La formation intensive de toute la filière assurance - L'encouragement à la mobilité interne §4. Perspectives de développement de l'assurance en RDC Au niveau du risque des particuliers, les demandes d'assurance peuvent non seulement provenir des assurances « obligatoires » comme l'assurance RC, mais également des produits d'assurance de personnes : santé, retraite, vie et capitalisation. La bancassurance doit être encouragée. Elle permet un développement rapide des risques du particulier. Le développement récent du marché marocain est en partie dû à la bancassurance qui a su générer des primes nouvelles. Les assurances destinées aux agriculteurs, aux ménages et la généralisation de l'assurance maladie constituent des marchés potentiels. Répondre aux besoins des clients nationaux et étrangers, entreprises et particuliers suppose l'existence de produits classiques mais aussi de produits innovants. Aux assureurs de proposer des produits accessibles non seulement financièrement mais également géographiquement et culturellement capables de résoudre concrètement les problématiques propres de la RDC. Si de façon générale, La RDC apparaît comme un marché en sous-développement, elle dispose grâce à ses richesses naturelles d'un potentiel incontestable. Il y a là un gisement futur qui sera source d'un fort développement et donc de création de richesses. Enfin, l'atout de taille dont dispose la RDC est son capital humain, plus de 50% des habitants ont moins de 25 ans. * 52Cf. Frédéric DUROT et Alain LEROY, "TECHNIQUES DE L'INGENIEUR-RISQUES ET ASSURANCES", p.5. * 53Manuel international de l'assurance, Ecole Nationale d'assurance de Paris, Economica 2015 |
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