I.1.4. Caractéristiques générales
Les activités informelles africaines se
caractérisent essentiellement par
l'hétérogénéité, la
vulnérabilité, une population principalement jeune,
féminine, migrante et une solide stratification sociale.
a) L' HETEROGENEITE
Un des aspects très important de l'informel en Afrique
est sa grande hétérogénéité. Celle-ci se
manifeste par plusieurs aspects. Suivant Carlos Maldonado du BIT,
l'organisation de la production et l'insertion dans les marchés peut
être très différente selon les unités de
production34.
Pour Jean-Pierre Lachaud,
l'hétérogénéité existe aussi dans les formes
de travail du secteur informel qui ne correspondent pas nécessairement
à celles du « secteur moderne ». On retrouve
différentes formes de travail indépendant ainsi que
différentes formes de travail salarié.
Le secteur informel serait donc constitué
d'activités très différentes des petits métiers
produisant des biens et des services variant au gré de l'imagination des
travailleurs ainsi qu'au gré des occasions, et fonctionnant de
façon très distincte.
b) LA VULNERABILITE
L'idée de vulnérabilité sur le
marché du travail peut constituer un dénominateur commun pour
appréhender ces diverses formes de travail.
Pour le BIT, cette vulnérabilité touche les
travailleurs comme les chefs d'entreprises du secteur informel. Absence de
protection juridique ou sociale, recours aux mécanismes institutionnels
informels marqués pourtant par l'exploitation, emplois
généralement instables, revenu faible et
irrégulier35.
34 Conceptualisation et évolution de l'économie
informelle in
http://www.Conceptualisation.htm.
35 Bureau International du Travail, op cit
Billy Mémoire Page 36
Mémoire Billy UCBC
c) UNE POPULATION PRINCIPALEMENT JEUNE, FEMININE,
MIGRANTE ET EN CHOMAGE.
Conformément à la littérature, les femmes
sont plus nombreuses que les hommes dans les activités informelles.
Jacqueline Oble LOHOUES nous explique que lorsque le revenu
familial est trop faible, les femmes peuvent travailler tout en s'occupant des
enfants, ce que l'économie moderne ne leur permet habituellement
pas36.
Chez la plupart des auteurs étudiés, les jeunes
sont aussi plus fortement représentés que les plus
âgés dans ce secteur.
Jean-Pierre Lachaud indique qu'en Côte d'Ivoire, par
exemple, seulement 10% de la main-d'oeuvre informelle a plus de trente ans. Ce
chiffre passe à 53% pour les chefs d'entreprise. Pour l'auteur, cette
situation s'explique entre autres par le fait que l'embauche dans le «
secteur » moderne demande un certain niveau d'instruction et de formation,
ce qui retarde le moment de l'insertion. On peut donc voir dans l'informel une
forte présence de jeunes déscolarisés ou peu
scolarisés. Mais de jeunes diplômés en recherche d'emploi
peuvent également se retrouver dans ce « secteur ».
Carlos Maldonado résume la structure de l'emploi informel
au Bénin par la présence prépondérante de femmes et
de jeunes, et une forte majorité d'individus n'ayant reçu aucune
formation formelle (ou presque)37.
Il est important de noter que, d'une façon
générale, la population se trouvant dans le secteur informel en
Afrique demeure tout de même assez hétérogène.
Sur base de la complexité des activités de ce
secteur et d'autres études à travers le monde, d'autres
caractéristiques et critères se sont ajoutés. Signalons
ici ceux proposés par Maurice Ilenda38.
? ne pas bénéficier d'un crédit bancaire;
? présenter un caractère provisoire ou ambulant;
36
http://www.Conceptualisation.htm.
Op cit
37 Carlos Maldonado, le secteur informel face à ses
contraintes en Afrique, éd. DU MONDE, Paris, 2001.
38 Maurice ILENDA, le secteur informel un aperçu des
aspects méthodologiques et conceptuels, Quebec, université,
1989
Billy Mémoire Page 37
Mémoire Billy UCBC
· se contenter des investissements faibles;
· ne pas tenir de comptabilité;
· ne pas inscrire le personnel à la caisse de la
sécurité sociale;
· avoir un horaire de travail irrégulier;
· ne pas avoir de statut juridique, etc.
Le bureau international du Travail, BIT en sigle, dans un
rapport sur le KENYA, énumère sept critères du secteur
informel qui sont :
· Facilité d'entrée ;
· Marché de concurrence non réglementé
;
· L'utilisation des ressources locales ;
· Propriété familiale de l'entreprise ;
· Petite échelle des activités ;
· Technologie adaptées à forte
intensité de travail ;
· Formation acquises en dehors du système
scolaire39.
A ces caractéristiques, énumérées
par le BIT, nous pouvons ajouter les caractéristiques fondamentales
suivantes :
1. L'absence du grand capital
Les opérateurs de ce secteur se lancent dans les
affaires relativement modestes. Cette caractéristique ne vise que les
petites entreprise alors que dans le secteur informel évoluent
également les personnes physiques ou morales qui brassent d'importantes
sommes d'argent.
Ainsi en ce qui nous concerne, nous rangeons dans le secteur
informel toutes les entreprises petites ou grandes qui évoluent en
charge de la législation fiscale, c'est-à-dire celles qui ne sont
pas répertoriées par l'administration des impôts.
2. L'absence du recours aux crédits
bancaires
En général, ce sont les épargnes
individuelles, les ressources familiales ainsi que les réinvestissements
du profit réalisé qui constituent la source principale du
capital.
39 I.L .O (BIT) Employment, income and
Legality, a strategy for creasing productivity employment in Kenya, BIT,
1972
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Mémoire Billy UCBC
3. de L'absence d'investissements
immobilisés
Pour produire, servir ou commercialiser, le secteur informel
réalise rarement des gros investissements en infrastructures et en
machines. En général, à l'exception peut-être des
élèves de couture dont l'outillage est très simple et
manuel, Certaines petites entreprises recourent à la
récupération de vielles machines abandonnées ou fabriquent
elles-mêmes leurs outils de travail.
4. Le recours à une main d'oeuvre
pléthorique
En l'absence d'équipement, le secteur informel emploie
une main d'oeuvre très nombreuse sans qualification.
5. L'absence de tenue de comptabilité
régulière
Le secteur informel ne se soucie pas du tout de la tenue
d'une comptabilité régulière normalisée quand bien
même ni qu'elle est tenue, celle-ci est d'une manière brutale.
Dans ce secteur, la gestion du patrimoine investi des entreprises est à
confondre avec la gestion du ménage de l'exploitant
propriétaire.
6. L'absence d'organisation de marketing et d'un
approvisionnement stable
Dans toute organisation administrative, le
propriétaire est au centre de la gestion, c'est lui qui gère
l'essentiel des activités de son entreprise. Cependant, il est à
constater, dans la plupart des cas que le marketing est organisé d'une
manière théorique avec un canal publicitaire réduit de
bouche à l'oreille.
Le renouvellement de stock pose assez de problème du
fait des prélèvements incontrôlés effectués
par le propriétaire tant au niveau de sa trésorerie qu'au niveau
des marchandises destinées à la vente, ce qui nécessite la
constitution constante et perpétuelle du capital.
7. Forte mobilité et absence de siège
social stable
Les entreprises du secteur informel n'ont pas en
général de lieu très sûr où se regrouperait
leur vie économique et administrative. Tantôt les
opérations sont effectuées au marché, au bord de la route,
à domicile, tantôt dans un kiosque près de chez soi. Mais
lorsque les affaires ne tournent pas normalement, il y a une forte propension
à plier bagage sans laisser des traces.
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Mémoire Billy UCBC
Devant une simple descente de policier ou d'un agent de
l'administration fiscale, les opérateurs de ce secteur disparaissent de
la nature pour émerger ailleurs, ou revenir sur le lieu après
quelques jours
8. Précarité de leur
situation
La plupart des petites et moyennes entreprises du secteur
informel sont fragiles. Elles sont souvent menacées de faillir à
cause de plusieurs facteurs notamment : la fuite des employés,
l'initiation, la concurrence des grandes entreprises et d'autres petites
entreprises, etc....
Il est intéressant de constater à Kinshasa par
exemple, que lorsqu'un Kiosque s'ouvre au coin d'une rue, un autre ne tarde pas
à apparaitre seulement quelques jours après et sur la même
rue. La perturbation, même passagère de cet environnement entraine
des conséquences sur son organisation et son fonctionnement.
D'où, l'instabilité constate, le risque permanent de
déconfiture, l'incapacité de concurrence, le recours incessant
à la main d'oeuvre temporaire et sous rémunéré
etc.
9. Le faible revenu des clients et les faibles
rendements des travailleurs
Le groupe ciblé par le secteur informel est très
souvent faible revenu, tout comme le personnel qu'il emploie est à
rendement faible. Cette lutte caractéristique du secteur informel n'est
pas limitative, elle peut s'allonger car les données dans ce secteur
sont très dynamiques.
De ce qui précède, il se dégage que les
activités du secteur informel présentent la particularité
d'échapper au cadre légal qui régit l'économie d'un
pays à savoir : l'obligation fiscale, formalités administratives,
etc. Ces activités sont les produits de l'imagination créatrice
populaire dans la satisfaction des besoins spécifiques nés de
l'urbanisation, face à l'incapacité de l'Etat dans une
période de crise à fournir un travail salarié légal
à l'ensemble de la main d'oeuvre disponible40.
40 MACGAFFEY J., On se débrouille
; réflexion sur la deuxième économie au zaïre, Ed
Karthala, Paris, 1993, p144
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Mémoire Billy UCBC
Selon OPANGA EKANGA, toute activité économique
de service ou de création de revenu est qualifiée d'informel,
lorsqu'elle est entreprise explicitement ou implicitement en dehors de
certaines normes de régulation ou du comportement
convenu41.
Le secteur informel regroupe des agents économiques qui
échappent toujours au recensement officiel des opérateurs
économiques, il a un caractère non légal, ne respecte ni
règlements fiscaux (il échappe à toute imposition), ni
ceux du travail (heures supplémentaires, salaire minimum,
sécurité, hygiène, réglementation relative à
la concurrence loyale, pension, etc....).
En d'autres termes, ce sont les agents économiques qui
ne sont pas répertoriés au tableau des agents en règle
quelle que soit, la hauteur de leurs activités. Il s'agit notamment des
écoles privées, de cambistes, des sectes religieuses, de
commerçants, des intermédiaires commerciaux et d'autres agents
d'affaires, des bailleurs d'immeubles, des exploitants du transport
rémunéré des personnes et des marchandises.
Toutes ces activités exercées d'une façon
illégale ne peuvent permettre de procurer des gains substantiels
qu'auprès de ceux oeuvrant dans ce secteur, les cambistes et les
trafiquants des pierres précieuses, en est une preuve qui
démontre à suffisance ce cas, car ceux-là manipulent des
grosses sommes d'argent.
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