MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR République de
Côte d'Ivoire
ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
Union - Discipline -Travail
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Année Académique : 2012-2013
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UFR des Sciences Juridique
Administrative et Politique
MEMOIRE DE MASTER II
RECHERCHE
THEME :
LA JUSTICE ARBITRALE DANS
L'ESPACE OHADA
Sous la Direction de : Présenté par
:
KASSIA BI Oula Joachim, ANEY N'Gouan Alphonse
Maître de conférences agrégé
I
SOMMAIRE
SOMMAIRE I
DÉDICACE II
REMERCIEMENTS III
SIGLES ET ABREVIATIONS IV
AVERTISSEMENT V
INTRODUCTION 1
PREMIERE PARTIE : L'ORGANISATION DE LA
JUSTICE
ARBITRALE DANS L'ESPACE OHADA 6
CHAPITRE I : LA JUSTICE ARBITRALE INSTITUTIONNELLE 9
SECTION I : L'ARBITRAGE INSTITUTIONNEL SOUS L'EGIDE DE
LA
CCJA 9
SECTION II : L'ARBITRAGE SOUS L'ÉGIDE
D'INSTITUTIONS
NATIONALES : CAS DE LA CÔTE D'IVOIRE ET DU
SÉNÉGAL 22
CHAPITRE II : LA JUSTICE ARBITRALE AD'HOC 35
SECTION I : LES CARACTERES DE L'ARBITRAGE AD'HOC 36
SECTION II : LES CONSEQUENCES DE L'ARBITRAGE AD'HOC 41
DEUXIEME PARTIE: L'EFFICACITE DE LA JUSTICE
ARBITRALE
DANS L'ESPACE OHADA 45
CHAPITRE I : L'EFFICACITE AFFIRMEE DE LA JUSTICE
ARBITRALE
DANS L'ESPACE OHADA 48
SECTION I : LES RAISONS DE L'EFFICACITE AFFIRMEE 49
SECTION II : LES PERFORMANCES DE LA JUSTICE ARBITRALE 58
CHAPITRE II : L'EFFICACITE LIMITEE DE LA JUSTICE ARBITRALE 63
SECTION I : LA TENDANCE A LA JUDICARISATION 64
SECTION II : LES PERSPECTIVES DE LA JUSTICE ARBITRALE DANS
L'ESPACE OHADA 648
CONCLUSION 75
BIBLIOGRAPHIE 79
II
DÉDICACE
A ma mère dont l'amour, le soutien moral et financier ne
m'ont jamais fait défaut,
A la mémoire de mon défunt père,
A mes collègues,
A mes amis,
Et à mes parents,
Je ne peux trouver les mots justes et sincères pour vous
exprimer mon affection et mes pensées. Vous êtes pour moi des
frères, soeurs, amis et parents sur qui je peux compter.
En témoignage de la fraternité qui nous unit et des
souvenirs de tous les temps que nous avons passés ensemble, je vous
dédie ce travail et je vous souhaite une vie pleine de santé et
de bonheur.
III
REMERCIEMENTS
A mes chers Maîtres,
Au professeur KASSIA Bi Oula Joachim,
Vous m'avez fait l'honneur de m'enseigner votre savoir-faire et
de m'inculquer votre savoir -être, avec une très grande
amabilité.
Je vous sais gré.
Je vous prie de bien vouloir accepter ce travail, chers
maîtres, en gage de mon grand respect et ma profonde reconnaissance.
IV
SIGLES ET ABREVIATIONS
ADR : Alternative Dispute Resolution
AU : Acte Uniforme
CACI : Cour d'Arbitrage de Côte
d'Ivoire
CAMD : Cour d'Arbitrage et de Médiation
de DAKAR
CCI : Chambre de Commerce Internationale
CCJA : Cour Commune de Justice et d'Arbitrage
CEDEAO : Communauté Economique des Etats
de l'Afrique de l'Ouest CEMAC : Communauté Economique
et Monétaire de l'Afrique Centrale
CIRDI : Centre International pour le
Règlement des Différends aux Investissements
FED : Fonds Européen de
Développement
JCP : Juris-Classeur Périodique
LGDJ : Librairie Générale de Droit
et de Jurisprudence
MARC : Mode Alternatif de Règlement des
Conflits
OHADA : Organisation pour l'Harmonisation en
Afrique du Droit des Affaires
OHADATA : Référence de publication
sur le site
internet. www.ohada.com
« J » indique la rubrique jurisprudence ; « D » indique la
doctrine
R. ou Règlement :
Règlement de procédure de la CCJA
Rev Arb : Revue de l'Arbitrage
RIDEC : Revue Ivoirienne de Droit Economique et
Comptable
RJCCJA : Recueil de Jurisprudence de la Cour
Commune de Justice et d'Arbitrage
SADC : Communauté de Développement
de l'Afrique Australe
UEMOA : Union Economique et Monétaire
Ouest Africaine Gaz. Pal. : Gazette du Palais
V
AVERTISSEMENT
Les opinions émises dans ce mémoire sont propres
à l'auteur.
L'Unité de Formation et de Recherche en Sciences
Juridique, Administrative et Politique n'entend donner aucune approbation ni
improbation.
1
INTRODUCTION
La recomposition de l'environnement juridique mondial sous
l'impulsion des lois du marché suscite des enjeux importants
relativement à la croissance économique des nations. Pourtant, le
financement du développement économique et social des pays
africains nécessite qu'ils attirent les flux privés de capitaux,
développent l'initiative privée et qu'ils créent un climat
propice aux affaires. Or, les opérateurs économiques et autres
partenaires au développement ont toujours formulé des griefs
relatifs à l'instabilité des Etats africains et aux risques
liés aux investissements en Afrique en se fondant sur
l'insécurité juridique ou judiciaire supposée ou
avérée1.
En réalité, ces griefs relèvent surtout
de la corruption qui sévit dans le milieu judiciaire en Afrique, mais
également des difficultés à identifier les normes
juridiques et arbitrales. En effet, la plupart des Etats Africains
étaient encore régis par des règles obsolètes et
désuètes héritées de l'ère coloniale. Ainsi
l'unification du droit des affaires devrait constituer une priorité,
cette priorité était d'ailleurs largement suivie et
appuyée par les investisseurs qui se heurtaient à un droit
disparate, confus et suranné. Dès lors a germé
l'idée d'harmoniser et de rénover les législations
existantes afin de limiter les disparités dans une même zone
économique et monétaire dont les intérêts et les
cultures sont très proches2.
A l'heure de la mondialisation de l'économie, les
principaux pays du monde se regroupent pour constituer des unions
économiques et le cas échéant
monétaires3.
L'Afrique n'est pas restée en marge. Les Etats
Africains ont procédé à des regroupements
économiques tels que la CEDEAO, l'UEMOA, la CEMAC, la
1 Keba Mbaye, « L'histoire et les objectifs de
l'OHADA », Petite affiche n°205 du 16 octobre 2004, p. 5
2 Keba Mbaye, Ibid
3 Jean Paillusseau, « Le droit de l'OHADA : un
droit très important et original », JCP n°5
supplément n°44 du 28 octobre 2004, p. 1
2
SADC. L'intégration économique pour atteindre le
but visé, c'est à dire contribuer efficacement au
développement économique du continent africain en offrant aux
investisseurs étrangers et nationaux de vastes marchés
économiques et répondre aux espoirs suscités par sa mise
en place se devait d'être doublée par une intégration
juridique. Cette intégration juridique a pour objectif de trouver les
solutions juridiques les meilleures et les mettre à la disposition de
tous les pays quelles que soient leurs ressources humaines; favoriser les
échanges entre Etats; stimuler le transfert des technologies et les
connaissances et notamment les techniques modernes de gestion des entreprises;
instaurer la sécurité juridique ; restaurer la
sécurité judiciaire; encourager la délocalisation vers
l'Afrique de certaines grandes entreprises; fortifier l'unification
monétaire et la monnaie elle-même; rétablir la confiance
des chefs d'entreprises et des investisseurs; développer l'arbitrage en
Afrique; améliorer les conditions de la libre concurrence; faciliter
l'intégration économique sur le continent et renforcer
l'unité africaine4.
Il était impératif pour tous les pays
concernés, d'adopter un même droit des affaires moderne,
réellement adapté aux besoins économiques, clair, simple,
sécurisant les relations et les opérations économiques.
Cette intégration juridique poursuivie se justifie par
plusieurs raisons, notamment limiter, voire éliminer les conflits
liés aux disparités entre les législations nationales ou
encore identifier et garantir plus facilement l'application d'une même
loi5.
C'est pourquoi les Etats africains6 ont
suscité la naissance de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique
du Droit des Affaires (OHADA) par la signature du traité le 17 octobre
1993 à Port Louis (ILES Maurice).
4 Keba Mbaye, article précité, pp. 5
à 6
5 Boris Martor et Sébastien Thouvenel,
L'uniformisation du droit des affaires en Afrique par l'OHADA, p.
17
6 Les Etats membres de l'OHADA sont : Benin,
Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d'Ivoire,
Gabon, Guinée, Mali, Togo, Tchad, Sénégal, Guinée
Bissau, Niger, Guinée Equatorial, République Démocratique
du Congo
3
L'OHADA a voulu garantir la sécurité juridique
aux agents économiques régionaux et étrangers en offrant
à un vaste espace économique un droit des affaires commun dont
l'interprétation ultime est confiée à une seule instance
juridictionnelle dotée par ailleurs du pouvoir exceptionnel
d'évoquer après cassation, le fond des affaires qui lui sont
soumises. La volonté de créer un grand marché
régional, le souhait aussi de rassurer les investisseurs
étrangers a justifié des abandons de souveraineté de la
part des Etats parties au traité OHADA7.
Ainsi plusieurs actes uniformes8 ont
été pris en application de ce traité. Parmi ceux-ci figure
l'acte uniforme sur le droit de l'arbitrage par lequel les signataires ont
entendu faire de l'arbitrage un mode normal de règlement des litiges. Le
système juridique de l'OHADA accorde une attention toute spéciale
à l'arbitrage qu'il reconnait comme un mode privilégié de
règlement des différends économiques. Pourtant l'acte
uniforme relatif à l'arbitrage n'a pas donné de définition
de l'arbitrage. Selon la doctrine9, l'arbitrage est une
procédure facultative de règlement des litiges, qui consiste
à recourir à une ou plusieurs personnes privées choisies
par les parties appelées arbitres, parfois même à recourir
à un juge d'Etat déclaré amiable compositeur10
par les plaideurs. Il s'inscrit au coeur des modes alternatifs de
règlement des conflits (MARC), préférés des
opérateurs économiques internationaux et des investisseurs. En
effet, le phénomène de règlement amiable est l'une des
manifestations du passage d'un ordre juridique imposé à un ordre
juridique négocié. Les acteurs sociaux et économiques
retrouvent la faculté de régler eux-mêmes leurs
différends par
7 Jacques DAVID, Avant-propos de l'ouvrage de
Pierre Meyer sur le Droit de l'arbitrage, OHADA, Bruylant Bruxelles,
2002.
8 Il s'agit de l'acte uniforme portant droit
commercial général ; l'acte uniforme portant droit des
sociétés commerciales et des GIE ; l'acte uniforme portant sur
l'organisation des sûretés ; l'acte uniforme portant sur
l'organisation des procédures simplifiées de recouvrement et
voies d'exécution ; l'acte uniforme portant organisation des
procédures collectives d'apurement du passif ; l'acte uniforme relatif
au droit comptable ; l'acte uniforme relatif au droit de transport des
marchandises par route; l'acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage
9 Laurent GOUIFFES, Recherche sur l'arbitrage
en droit international et comparé, LGDJ, Paris, 1997, p. 43, voir
également Charles JARRASSON, La leçon d'arbitrage, LGDJ,
Paris, 1987, p. 372.
10 Arbitre ayant reçu des parties le droit
de rendre sa décision non selon le droit, mais en équité
et sans observer les règles ordinaires de la procédure. Le
même pouvoir peut être donné aux juges d'Etat, en
matière civile, lorsque les parties ont la libre disposition de leur
droit.
4
convention au lieu de subir un jugement qui leur est
imposé par une autorité étatique11.
Le recours au règlement des litiges par la voie
arbitrale permet très souvent aux parties de sauvegarder les relations
d'affaires habituelles. Il présente de nombreux avantages pour les
parties : suppression du formalisme procédural, rapidité, secret
de la procédure, efficacité de la sentence.
C'est une justice contractuelle parce qu'elle fait une grande
place à la volonté des parties, soit par l'insertion dans le
contrat d'une clause compromissoire, soit par la conclusion d'un compromis
quand le litige est déjà né. La justice arbitrale reste le
choix12 de la volonté des parties entre le droit et
l'équité13.
Avant la mise en place du système d'arbitrage de
l'OHADA, peu d'Etats membres avaient développé ce mode de
règlement des litiges dans leur législation interne et les
opérateurs économiques en Afrique y recouraient peu. Or le bon
fonctionnement du commerce international appelle une adaptation des
législations nationales dans le sens d'une libéralisation de
l'arbitrage. Les efforts déjà entrepris dans ce sens
s'étaient révélés inefficaces. Il était donc
légitime que le traité de l'OHADA lui accorde une place
privilégiée.
Dans le cadre de l'harmonisation du droit des affaires que
l'Afrique a engagée, l'arbitrage occupe une place de choix. Cette place
est perçue dès la signature du traité constitutif de
l'OHADA dont le préambule déclare que les hautes parties
contractantes sont « désireuses de promouvoir l'arbitrage comme
instrument de règlement des différends contractuels ».
On l'appréhende encore dans la dénomination de
la juridiction suprême de l'OHADA.
11Bertrand MOREAU et Louis DEGOS, «La clause
compromissoire réhabilitée», les cahiers de l'arbitrage,
volume I, juillet 2002, p. 16
12Jean PAILLUSSEAU, « Le choix entre le droit et
l'équité », JCP.G n°5, 1er
février 2006, p.185
13 C'est la réalisation suprême de la
justice, partant parfois au-delà de ce que prescrit la loi. Il est
reconnu à toute juridiction arbitrale le pouvoir de trancher en
équité, lorsqu'il s'agit des droits dont les parties ont la libre
disposition et qu'un accord exprès des plaideurs a délié
l'arbitre de l'obligation de statuer en droit.
5
En effet, la dénomination «Cour Commune de Justice
et d'Arbitrage » (CCJA) est évocatrice de
l'importance de sa fonction arbitrale, de même degré que sa
fonction juridictionnelle et consultative, c'est-à-dire
l'interprétation et l'application des actes uniformes portant sur le
droit des affaires.
Cet intérêt accordé par l'OHADA à
l'arbitrage justifie qu'on s'intéresse à l'étude de la
justice arbitrale dans l'espace OHADA. Cette étude soulève la
question centrale suivante :
La justice arbitrale peut- elle contribuer à la
sécurisation juridique des affaires dans l'espace OHADA ?
La réponse à cette interrogation impose d'une
part l'analyse de l'organisation de la justice arbitrale dans l'espace OHADA
(première partie) et d'autre part d'appréhender
l'efficacité de la justice arbitrale dans cet espace communautaire
(deuxième partie).
6
PREMIERE PARTIE : L'ORGANISATION
DE LA JUSTICE ARBITRALE DANS
L'ESPACE OHADA
7
Par habitude, on a coutume d'assimiler la justice à la
justice étatique. Or, on peut dénombrer trois modes de
règlement des différends: le mode conciliatoire, le mode
judiciaire, le mode arbitral. Des trois modes, c'est le mode judiciaire qui
possède à la fois la jurisdictio14 et
l'impérium15.
L'arbitrage s'appréhende comme l'institution par
laquelle un tiers règle le différend qui oppose deux ou plusieurs
parties en exerçant la mission juridictionnelle qu'elles lui ont
confiée.
Cela dénote de la singularité du mode arbitral.
En effet, la justice arbitrale a un fondement contractuel et une dimension
juridictionnelle. S'agissant de son fondement contractuel, il est établi
que l'arbitre puise sa source de légitimité dans le contrat qui
unit les parties, soit antérieurement à la naissance du litige du
fait de l'existence d'une clause compromissoire, soit postérieurement
à la naissance du litige en vertu du compromis arbitral conclu par les
parties.
Par sa dimension juridictionnelle, la justice arbitrale se
rapproche du mode judiciaire tant par la mission de l'arbitre,
c'est-à-dire les pouvoirs qui lui sont accordés et des
obligations qui pèsent sur lui et dont la violation entrainerait sa
responsabilité que par le déroulement de l'instance arbitrale
elle-même qui doit respecter les principes directeurs du
procès16.
Les attentions marquées pour la justice arbitrale par
les signataires du traité OHADA se justifient par le fait qu'il existe
un besoin réel de vulgarisation de l'arbitrage comme mode usuel de
règlement des conflits dans le milieu des affaires en Afrique. C'est
pourquoi, le titre IV du traité de l'OHADA a été
consacré à l'arbitrage par les parties signataires.
L'analyse de ces dispositions laisse transparaître un
système d'arbitrage spécifique sous l'égide de la Cour
Commune de Justice et d'Arbitrage, qui demeure tout de même un arbitrage
institutionnel17.
14 Le dire du droit.
15 Les diverses manifestations du pouvoir de
commandement dévolu au juge.
16 Le principe du dispositif, le principe du
contradictoire et le principe accusatoire.
17 C'est celui dont les parties ont confié
l'organisation à une institution d'arbitrage qui se déroule
conformément aux règlements d'arbitrage de cette institution.
8
Par ailleurs, l'acte uniforme du 11 mars 1999 relatif à
l'arbitrage consacre la possibilité d'un règlement du conflit
sous l'égide d'autres institutions internationales en dehors de la CCJA
sans toutefois anéantir la possibilité d'un règlement des
conflits d'affaires par la voix de l'arbitrage Ad' hoc.18
Mode de règlement des litiges par recours à une
ou plusieurs personnes privées, les arbitres, choisis par les parties,
parfois même à recourir à un juge d'Etat
déclaré amiable compositeur par les plaideurs, l'arbitrage a
été érigé par le traité OHADA en un
instrument usuel de règlement des différends
contractuels19.
Aussi, l'organisation de la justice arbitrale dans cet espace
communautaire sera-t-elle envisagée à l'issue d'une part de
l'analyse du règlement des conflits d'affaires par la voie de la justice
arbitrale institutionnelle, (chapitre 1) et d'autre part au
terme de l'étude de la résolution de ce type de litiges au moyen
de la justice arbitrale ad' hoc (chapitre 2).
18 L'arbitrage ad' hoc est celui qui se
déroule en dehors de toute institution permanente d'arbitrage et qui est
organisé par les parties elles-mêmes. Il permet aux parties
d'adopter des procédures adaptées aux spécificités
de leurs litiges
19 Article 1er du traité de l'OHADA,
OHADA, traité et Actes Uniforme, 3e,
juriscope 2012, p. 23
9
CHAPITRE I : LA JUSTICE ARBITRALE INSTITUTIONNELLE
L'arbitrage institutionnel est celui administré par une
institution spécialisée d'arbitrage selon son
règlement20. Cette institution n'est en principe pas une
juridiction, sa fonction est d'administrer, de fournir des infrastructures et
des moyens humains aux arbitrages qu'elle administre.
La première caractéristique résulte de
l'existence d'une autorité chargée d'administrer les arbitrages.
La deuxième caractéristique réside dans l'existence d'un
règlement d'arbitrage qui a pour objet de régir l'instance
arbitrale.
La troisième caractéristique consiste en
l'existence d'un secrétariat qui assume certaines tâches d'ordre
matériel et qui assure la liaison entre les parties, les arbitres et le
cas échéant les experts.
Dans l'espace OHADA, l'arbitrage institutionnel se
déroule soit sous l'égide de la CCJA, soit sous l'égide
des institutions nationales.
SECTION I : L'ARBITRAGE INSTITUTIONNEL SOUS L'EGIDE DE
LA CCJA
La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage a été
créée par le traité de l'OHADA signé le 17 octobre
1993. Ce traité lui a dévolu une compétence arbitrale en
dehors de ses attributions juridictionnelles et consultatives. Ainsi la CCJA
constitue un centre d'arbitrage21. Cependant elle n'a pas le
monopole de l'arbitrage institutionnel dans l'espace OHADA.
En effet, l'article 21 du traité dispose que «
toute partie peut soumettre un différend d'ordre contractuel à la
procédure prévue par le présent titre ».
L'utilisation du verbe "pouvoir" montre le caractère
facultatif de la saisine de la CCJA en matière d'arbitrage.
20 Pierre MEYER, Droit de l'arbitrage,
l'OHADA Bruylant, Bruxelles 2002
21 La CCJA exerce des fonctions de centre
administratif chargé d'appuyer et d'encadrer le déroulement de la
procédure d'arbitrage sans trancher elle-même les
différends.
10
L'analyse de l'arbitrage institutionnel sous l'égide de
la CCJA impose de répondre à la question de savoir comment se
déclenche la procédure d'arbitrage rendue sous l'égide de
la CCJA.
Ensuite devra suivre l'étude du système arbitrage
de la CCJA22.
PARAGRAPHE I : L'ORIGINALITE DU SYSTEME D'ARBITRAGE DE
LA CCJA
Le déclenchement de la procédure d'arbitrage de
la CCJA est purement facultatif, il n'est mis en oeuvre que lorsque deux
parties ont exprimé leur commune volonté de s'y
référer dans une convention d'arbitrage classique. C'est dire que
la convention d'arbitrage est véritablement l'expression de la
volonté des parties. De même, l'originalité de ce
système d'arbitrage est appréciée par rapport au
rôle dévolu au centre d'arbitrage de la CCJA.
A- LE RÔLEROLE DE LA VOLONTE DES PARTIES DANS
L'ARBITRAGE CCJA
La volonté des parties est exprimée dans la
convention d'arbitrage. Cette convention reste autonome.
La forme habituelle de la convention d'arbitrage est la clause
compromissoire insérée dans le contrat entre les parties avant la
naissance de tout différend. Néanmoins les parties peuvent
conclure une convention d'arbitrage, alors appelée compromis,
généralement à la naissance d'un différend entre
elles lors de l'exécution du contrat.
Par ailleurs, aux termes de l'article 4 de l'acte uniforme
relatif au droit de l'arbitrage ; « les parties ont toujours la
faculté d'un commun accord de recourir
22 Philippe FOUCHARD, « Le système
d'arbitrage de l'OHADA : le démarrage », petites affiches du 13
octobre 2004, n°205 p. 52
11
à une convention d'arbitrage même lorsqu'une
instance a été déjà engagée devant une autre
juridiction ».
La convention d'arbitrage doit être faite par
écrit ou par d'autres moyens permettant d'en administrer la
preuve23.
La convention d'arbitrage en tant qu'expression de la
volonté des parties, postule que celles-ci sont libres de choisir le
type d'arbitrage pour leur litige. Elles ont le choix entre l'arbitrage
institutionnel et l'arbitrage ad 'hoc.
La convention d'arbitrage est un contrat et en tant que tel,
elle est soumise aux conditions générales de validité des
contrats.
Ces conditions de validité relativement aux parties
tiennent à la fois à la capacité de celles-ci, aux
pouvoirs du représentant en cas de représentation, et au
consentement. S'agissant de la capacité et du pouvoir, l'article 2
alinéa 1 qui pose le critère de l'arbitrabilité dispose
que « toute personne physique ou morale peut recourir à l'arbitrage
sur les droits dont elle a la libre disposition. » Cette disposition
suppose que la personne qui passe une convention d'arbitrage doit avoir la
capacité de contracter et la libre disposition du droit visé.
Elle suppose également pour les personnes morales, que la convention
soit passée par les organes sociaux disposant du pouvoir de les
engager.
Quant au consentement, il est donné dans les formes du
droit commun, il ne doit être entaché d'aucun vice24
.
S'agissant de l'autonomie, elle consiste à tenir pour
indépendante la convention d'arbitrage par rapport au contrat qui la
contient de sorte qu'elle n'est pas affectée par l'invalidité de
ce dernier. C'est ce qui est exprimé dans l'article 4 de l'acte uniforme
de l'OHADA relatif à l'arbitrage selon lequel « la convention
23 Le législateur OHADA a conçu
l'instrument de la convention d'arbitrage avec un peu trop de souplesse en
pondérant l'exigence de l'écrit, en indiquant dans l'article 3 de
l'Acte Uniforme que la convention peut être faite « par tout autre
moyen permettant d'en administrer la preuve, notamment par la
référence faite à un document la stipulant. »
24 Selon l'article 1109 du code civil, il n'y a
point de consentement valable si le consentement n'a été
donné que par erreur, s'il a été extorqué par
violence ou surpris par dol
12
d'arbitrage est indépendante du contrat principal. Sa
validité n'est pas affectée par la nullité de ce contrat.
»
De même, le règlement d'arbitrage de la CCJA pose
le principe d'autonomie de la convention d'arbitrage. Aux termes de l'article
10 al.4 dudit règlement «Sauf stipulation contraire, si l'arbitre
considère que la convention d'arbitrage est valable et que le contrat
liant les parties est nul ou inexistant l'arbitre est compétent pour
déterminer les droits respectifs des parties et statuer sur leurs
demandes et conclusions.» C'est dire qu'en vertu du principe d'autonomie,
l'arbitre n'est pas seulement compétent malgré l'argument de
l'unité du contrat principal, mais il peut aussi prononcer la
nullité et statuer sur ses conséquences. Il en va ainsi lorsque
l'arbitre ordonne des restitutions entre les parties ou prononce l'allocation
de dommages et intérêts.
B-LE RÔLEROLE DU CENTRE D'ARBITRAGE DE LA
CCJA
Le centre d'arbitrage de la CCJA est un centre qui a
essentiellement une fonction administrative en ceci qu'il a compétence
pour administrer les procédures d'arbitrage. Il rend des
décisions concernant l'examen préalable des projets de sentence
arbitrale.
En effet, il résulte de l'article 1 du règlement
d'arbitrage de la CCJA que les décisions qu'il prend en vue d'assurer la
mise en oeuvre et la bonne fin des procédures arbitrales et celles
liées à l'examen de la sentence arbitrale sont de nature
administrative. Dès lors ces décisions sont dépourvues de
toute autorité de la chose jugée et sont sans recours. C'est dire
que cette cour en matière arbitrale a une fonction essentiellement
administrative. En réalité la cour ne tranche pas elle-même
les différends. Elle se contente de nommer ou de confirmer les arbitres
c'est-à-dire le tribunal arbitral.
Le règlement arbitral de la CCJA confère une
grande importance à la volonté des parties dans la constitution
du tribunal arbitral25.
D'abord au niveau du nombre des arbitres, le choix est
laissé aux parties entre un tribunal composé d'un arbitre unique
ou d'une juridiction arbitrale de trois arbitres. Lorsque les parties ont
convenu que les différends seront tranchés, par un arbitre
unique, elles peuvent le designer d'un commun accord pour confirmation par la
cour.
Lorsque trois arbitres ont été prévus,
chacune des parties dans la demande d'arbitrage ou dans la réponse
à celle-ci désigne un arbitre indépendant pour
confirmation par la cour.
13
25 Pierre Meyer, commentaire de l'article 3 du
règlement d'arbitrage de la CCJA
14
PARAGRAPHE II : LE PARTICULARISME DU REGIME
PROCEDURAL
Le régime procédural de l'arbitrage sous
l'égide de la CCJA est essentiellement marqué d'une part par
l'instance arbitrale et d'autre part par l'efficacité de la sentence en
résultant.
A- L'INSTANCE ARBITRALE
Le litige connait son dénouement à l'issue du
délibéré du tribunal arbitral. Le tribunal arbitral
siégeant sous l'égide de la CCJA élabore un projet de
sentence qui fait l'objet d'un examen préalable par la cour. La mise en
délibéré26 a pour effet de rendre irrecevables
les demandes nouvelles. De même aucun moyen ne peut être
relevé, encore moins des observations présentées ou des
pièces produites si ce n'est à la demande expresse et par
écrit du tribunal arbitral.
Le délibéré doit être secret, c'est
ce qui résulte de l'article 18 de l'acte uniforme de l'OHADA sur
l'arbitrage. Ce caractère secret exclut la présence des parties
ou des tiers de même que la divulgation des délibérations
par les arbitres. La délibération est couronnée par la
prise d'une décision rendue à la majorité des voix
lorsqu'il s'agit d'un tribunal composé de trois arbitres. Une fois sa
décision rendue, l'arbitre est dessaisi du litige.
En effet l'article 22 de l'AU de l'OHADA relatif à
l'arbitrage dispose que « la sentence dessaisit l'arbitre du litige
». Cela suppose que le litige a été tranché de sorte
que l'arbitre en soit dessaisi et la mission du tribunal prend ainsi fin. Ce
faisant, la finalité de l'arbitrage à l'instar de toute
procédure juridictionnelle
26 La mise en délibéré, est
une phase de l'instance au cours de laquelle, les pièces du dossier
ayant été examinées, les plaidoiries entendues, les
arbitres se concertent avant de rendre leurs décisions à la
majorité. Le délibéré est toujours secret.
15
consiste dans la mise en oeuvre de la sentence et des droits
et obligations qui en résultent à l'égard des parties en
conflit.
Pourtant, les arbitres ne peuvent conférer à la
sentence la force exécutoire nécessaire en l'absence d'un
impérium27. L'impérium regroupe tout ce qui concerne
la force publique et qui relève de l'Etat. Le pouvoir de contrainte ne
peut être dissocié de l'Etat, il relève de sa
souveraineté et trouve sa limite dans le principe de la
territorialité. D'où la formule « l'Etat est empereur de son
territoire»; Souveraineté et territorialité sont les
supports nécessaires de l'impérium. C'est pourquoi l'Etat ne peut
conférer la force exécutoire qu'aux actes et décisions qui
relèvent de sa propre autorité. Sans cela, il se soumettrait
à une autorité étrangère. Cette
considération constitue le fondement de la procédure d'exequatur.
Pour ce faire, l'intervention du juge étatique se révèle
indispensable, c'est pourquoi l'exécution des sentences arbitrales
requiert la reconnaissance de la sentence arbitrale par le juge qui lui
confère l'exequatur.
En principe les sentences arbitrales ne peuvent donner lieu
à un acte d'exécution sur les biens ou de coercition sur les
personnes qu'après le prononcé d'une décision d'exequatur
étant donné que l'arbitrage est dépourvu
d'impérium. Or, le système d'arbitrage de l'OHADA dispense du
recours à un juge étatique pour les sentences rendues sous
l'égide de la CCJA. La raison est que la partie qui est munie d'une
sentence arbitrale rendue sous l'égide de la CCJA requiert en même
temps de cette cour dans sa formation juridictionnelle, une ordonnance
d'exequatur.
Cette ordonnance conférant l'exequatur à la
sentence vaut pour l'ensemble du territoire de l'OHADA .Cet exequatur est dit,
exequatur communautaire puisque la formation juridictionnelle de cette cour lui
confère cet exequatur qui produit ses effets dans tous les Etats de
l'espace OHADA.
27 Impérium : désigne les diverses
manifestations du pouvoir de commandement qui est dévolu du juge
16
B-L'EFFICACITE DE LA SENTENCE ARBITRALE
L'efficacité de la sentence se mesure à travers
sa mise en oeuvre qui peut s'opérer soit immédiatement par
l'autorisation de mesures conservatoires et de l'exécution provisoire,
soit à l'issue de la procédure d'exequatur lui assurant une
exécution définitive. En dépit des avancées
considérables réalisées au plan mondial pour
l'harmonisation des règles visant à renforcer l'efficacité
de la procédure arbitrale et des sentences qui en découlent, des
difficultés demeurent dans la mise en oeuvre de celles-ci. Cependant,
l'acte Uniforme de l'OHADA a édicté des conditions plus
favorables à l'efficacité des sentences.
1- LA RECONNAISSANCE DE LA SENTENCE ARBITRALE
ET
L'EXEQUATUR28
La reconnaissance consiste simplement à la constatation
de l'existence de la sentence arbitrale par la production de l'original en
double exemplaire et de la convention d'arbitrage avec les copies et documents
en vue de son authenticité.
a) LA DEMANDE D'EXEQUATUR
Selon l'article 30 du règlement d'arbitrage de la CCJA,
l'exequatur est demandé par voie de requête adressée
à la CCJA. Il y est répondu par une ordonnance du
président de la cour ou du juge par lui délégué
suivant une procédure non contradictoire. Ladite ordonnance doit
être signifiée par la partie requérante à son
adversaire. Ce dernier dispose d'un délai de 15 jours pour former
opposition devant la formation juridictionnelle de la CCJA. Par ailleurs,
aux
28 Force exécutoire octroyée par
l'autorité judiciaire à une décision rendue par une
juridiction étrangère. Il désigne également la
procédure au terme de laquelle cette force sera, ou non,
accordée.
17
termes de l'article 25 alinéa 4 du traité, la CCJA
a seule compétence pour prononcer une décision d'exequatur.
La volonté des signataires du traité d'encourager
et de promouvoir l'arbitrage est manifeste, c'est pourquoi l'inexécution
des sentences doit être l'exception.
L'article 25 précité fixe le cadre de la
procédure de l'exécution des sentences arbitrales rendues sous
l'égide de la CCJA.
b) L'EXECUTION DE LA SENTENCE
L'exequatur prend la forme d'un certificat
délivré par le secrétariat général de la
CCJA à la diligence de la partie intéressée. La mention
est faite que les exéquaturs résultent de l'ordonnance du
président de la CCJA et qu'il n'y a pas eu opposition de la partie
adverse, que l'ordonnance est ainsi devenue définitive, ou alors les
exéquaturs sont issus de l'arrêt de la cour ayant rejeté
l'opposition voire infirmé le refus d'exequatur.
Le juge étatique dans l'espace OHADA est tenu d'apposer
la formule exécutoire à la vue de la sentence certifiée
par le secrétariat de la CCJA. La sentence arbitrale qui a reçu
l'onction du juge étatique par l'apposition de la formule
exécutoire devient comme une décision de justice et doit
être exécutée en tout, cependant la compétence
reconnue à la CCJA n'est pas générale en ce sens qu'elle
n'est pas applicable aux sentences rendues en dehors de la procédure
OHADA. Si la CCJA accorde l'exequatur, sa décision devra être
notifiée aussitôt au défendeur et elle devra
délivrer une formule qui permettra, dans l'Etat considéré
d'obtenir le concours de l'autorité locale à faire
exécuter cette sentence par la mise en oeuvre de voies
d'exécution. En vertu du principe du parallélisme des formes, la
CCJA ayant compétence exclusive pour donner exequatur à la
sentence arbitrale, de même, compétence pour prononcer le sursis
à exécution forcée, la sentence arbitrale pour recevoir
l'exequatur doit suivre une certaine
18
procédure devant la CCJA, mais, il n'est pas
écarté qu'elle peut se solder par un refus d'exequatur.
2- LES VOIES DE RECOURS CONTRE LA SENTENCE
ARBITRALE
Il s'agit du recours en annulation, du recours en
révision et enfin de la tierce opposition.
a) LE RECOURS EN ANNULATION
Selon l'article 25 de l'acte uniforme relatif au droit de
l'arbitrage, la sentence arbitrale n'est pas susceptible d'opposition, d'appel,
ni de pourvoi en cassation, elle peut faire l'objet d'un recours en annulation
porté devant le juge compétent de l'Etat partie29.
Le recours en annulation est assimilé par le
règlement d'arbitrage de la CCJA à la contestation de
validité.
Cependant lorsque la sentence est rendue sous l'égide
de la CCJA, cette cour statue en cassation dans le cadre du recours en
annulation. Dans une telle situation elle agit dans le cadre de ses
activités strictement juridictionnelles. Le recours en annulation n'est
recevable que dans les cas nommément cités tels qu'ils
résultent de l'article 26 de l'acte uniforme relatif à
l'arbitrage:
Le premier motif d'annulation résulte de l'absence, de
la nullité ou de l'expiration de la convention d'arbitrage.
Le deuxième motif porte sur la composition
irrégulière du tribunal arbitral.
29 Il s'agit de sentence rendue par un tribunal
arbitral dont le siège est situé dans un parti de l'OHADA. Voir
en ce sens les commentaires de l'article 25 de l'Acte Uniforme relatif au droit
de l'arbitrage, OHADA, traité et Actes Uniformes Commentés et
annotés, Juriscope 2012
19
Le troisième motif est relatif au non- respect par le
tribunal arbitral de la mission qui lui a été confiée. Il
peut s'agir du dépassement de sa mission par l'arbitre. Ce moyen
d'annulation permet de sanctionner l'ultra petita et la violation par l'arbitre
d'une règle de procédure expressément et
précisément choisie par les parties, quant à la forme.
Concernant le fond du litige, l'arbitre ne respecte pas la
mission à lui confié, s'il ne respecte pas le choix des parties
sur le droit applicable, dans la mesure où un tel choix est possible
même dans l'amiable composition30.
Le quatrième moyen d'annulation tient au non-respect du
principe contradictoire. Le principe du contradictoire est intimement
lié au principe d'égalité des parties. Il postule que
chacune des parties doit faire valoir ses droits. C'est-à-dire que
chacune des parties doit être mise dans les conditions pour faire valoir
ses prétentions, connaître celles de son adversaire et
procéder à leur destruction.
Le cinquième moyen de l'annulation est relatif à
la violation par le tribunal arbitral d'une règle d'ordre public
international des états signataires du traité OHADA.
L'utilisation de l'expression « ordre public international » suppose
un litige international au sens du Droit international privé.
En réalité il s'agirait d'un ordre public
régional commun aux différents états de l'OHADA. Par
contre, lorsque le litige privé international soumis à l'arbitre
ne relève pas d'une matière harmonisée, l'ordre public
international ne pourrait être que l'ordre public au sens du droit
international privé de l'Etat où l'annulation de la sentence est
requise.
Enfin le sixième motif porte sur l'absence de
motivation de la sentence arbitrale. Ceci suppose une sentence arbitrale
dépourvue de motifs dans son libellé. Cette exigence est donc une
exigence de forme qui vise à assurer que le texte de la sentence
répond aux prétentions et moyens des parties.
30 A ce sujet, la CCJA a affirmé à
juste titre qu'il est nécessaire pour que le moyen du non- respect par
les arbitres de leur mission prospère, d'expliquer en quoi les arbitres
ont failli à leur mission, CCJA N° 010/2003 du 19 juin 2003 : «
www. juricope.org ;
www.ohada.com;
www.ohadata.j »
20
b) LE RECOURS EN REVISION
La sentence arbitrale peut faire l'objet d'un recours en
révision porté devant le tribunal arbitral en raison de la
découverte d'un fait de nature à exercer une influence
décisive et qui avant le prononcé de la sentence étatique
est inconnu du tribunal arbitral et de la partie qui demande la révision
(article 25 de l'acte uniforme sur la sentence de l'arbitrage).
Le caractère décisif du fait ouvrant droit
à la révision suppose qu'il est susceptible de modifier la
décision des arbitres. Le caractère inconnu du fait avant le
prononcé de la sentence arbitrale, ne préjudicie pas à
l'une des parties ou d'une cause qui n'est pas imputable à l'une des
parties.
Le recours en révision dans le droit OHADA de
l'arbitrage n'a ainsi pas pour objet exclusif de sanctionner l'erreur
résultant d'une fraude.
S'agissant du recours en révision contre les sentences
arbitrales rendues sous l'égide de la CCJA, il n'est plus porté
devant le tribunal arbitral mais devant la CCJA agissant dans le cadre de ses
attributions juridictionnelles. La CCJA rendra également un
arrêt.
Le règlement d'arbitrage de la CCJA indique que la
contestation de validité d'une sentence arbitrale rendue sous
l'égide de la CCJA, est portée par requête devant la cour
commune de justice et d'arbitrage qui va statuer conformément à
ses attributions purement juridictionnelles. Lorsque la cour refuse la
reconnaissance et l'autorité de la chose jugée à la
sentence qui lui est déférée, elle annule la sentence.
Elle évoque et statue au fond si les parties en ont fait la demande.
Dans ce cas, elle rend un arrêt qui a un caractère
définitif.
Conformément à l'article 29 al.2 du
règlement d'arbitrage de la CCJA, les parties ont la possibilité
de renoncer à la contestation de validité dans leur convention
d'arbitrage. Dans ce cas, aucune procédure de contestation de
validité ne peut être reçue par la CCJA.
21
c) LA TIERCE OPPOSITION31
L'article 25 alinéa 4 de l'acte uniforme introduit le
recours de la tierce opposition devant le tribunal arbitral par toute personne
physique ou morale qui n'a pas été appelée et lorsque
cette sentence préjudicie à ses droits. La tierce opposition est
une conséquence de l'autorité relative de la chose jugée
qui s'attache à la sentence (article 23 de l'acte uniforme). Elle a en
effet, pour objet de rétablir la réactivité de la chose
jugée à l'égard des tiers. Les tiers qui peuvent utiliser
cette voie de recours, doivent être définis de la même
façon qu'en matière contractuelle. Il doit s'agir de personnes
qui n'ont été ni partie, ni représentées à
la convention d'arbitrage et à la sentence qui en résulte. Il
faut en outre que le tiers n'ait pas été appelé à
l'instance (article 25 alinéa 4 AUA). En ce qui concerne la tierce
opposition contre une sentence arbitrale rendue sous l'égide de la CCJA,
elle n'est pas formée devant le tribunal arbitral mais plutôt
devant la CCJA dans le cadre de ses compétences purement
juridictionnelles. La CCJA rendra donc un arrêt (article 33 du
règlement d'arbitrage CCJA).
31 Voie de recours extraordinaire, de
rétraction ou de reformulation, ouverte aux personnes qui n'ont
été ni parties, ni représentées dans une instance
et leur permet d'attaquer une décision qui leur fait grief et de faire
déclarer qu'elle est inopposable
22
SECTION II : L'ARBITRAGE SOUS L'ÉGIDE
D'INSTITUTIONS NATIONALES : CAS DE LA CÔTE D'IVOIRE ET DU
SÉNÉGAL
Avant l'avènement de l'oeuvre d'harmonisation en
Afrique du droit des affaires, quelques Etats parties de l'OHADA avaient
timidement envisagés la justice arbitrale comme mode de règlement
des litiges. C'est le cas notamment de la Côte d'Ivoire et du
Sénégal qui ont mis en place des institutions. Aujourd'hui, ces
institutions se retrouvent doublées de la CCJA, une institution
suprême nationale dans l'espace OHADA. Dans tous les cas, l'arbitrage
connait des fortunes diverses dans les états parties.
PARAGRAPHE I : LA PRATIQUE ARBITRALE ET L'INSTITUTION
ARBITRALE EN CÔTE D'IVOIRE32
En Côte d'Ivoire, la pratique arbitrale était
essentiellement régentée par les dispositions du code de
commerce, devenu code de procédure civile, commerciale et administrative
ainsi que certaines dispositions du code civil. Mais en l'absence
d'institutions arbitrales, et d'une législation consacrée, les
opérateurs économiques s'orientaient très souvent vers les
institutions internationales d'arbitrage.
A- La pratique arbitrale avant la création de la
CACI
Pendant longtemps, l'arbitrage a connu un développement
très embryonnaire en Afrique du fait d'une part de l'absence de
réglementation légale et d'autre part de la quasi inexistence de
centres ou d'organismes d'arbitrage.
32 Narcisse AKA, « La pratique arbitrale des
institutions d'arbitrage en Afrique : le cas de la Côte d'Ivoire »,
l'OHADA et les perspectives de l'arbitrage en Afrique, colloque de
Yaoundé 1999, p.151, édition Bruylant, Bruxelles 2000
23
L'arbitrage n'était généralement
prévu que dans les contrats internationaux qui comportaient sous la
pression des partenaires extérieurs des clauses CCI, CIRDI, LCIA etc.
En 1955 déjà, pour résoudre rapidement
les contestations d'ordre commercial, il fut créé une Chambre
arbitrale auprès de la Chambre de commerce de Côte d'Ivoire.
Après l'accession de la Côte d'Ivoire à
l'indépendance, cette institution n'a pas été
reconstituée. Pourtant, la Côte d'Ivoire a signé et
ratifié plusieurs conventions internationales33 relatives
à l'arbitrage commercial.
Avant 1993, un seul texte ivoirien concernait directement
l'arbitrage ; c'était l'article 631 alinéa 2 du code de commerce
ivoirien, qui validait en droit interne34 la clause compromissoire
en ces termes : « Toutefois, les parties pourront au moment où
elles contractent convenir de soumettre à des arbitres les contestations
ci-dessous énumérées lorsqu'elles viendront à se
produire». On pourrait déduire de cette disposition
l'admission du recours à l'arbitrage en Côte d'Ivoire. Cependant,
cette question n'est si simple, en témoigne les atermoiements de la
jurisprudence. En effet, celle-ci, du fait de l'insuffisance des dispositions
législatives, éprouva de sérieuses difficultés
à répondre à la question de savoir si l'arbitrage
constituait un mode licite de règlement des différends à
caractère commercial.
Dans l'arrêt Wanson rendu par la Cour d'appel
d'Abidjan le 15 juillet 1977, l'une des parties avait sollicité en
référé la nomination d'un expert, en attendant
l'exécution de la clause compromissoire. Les juges d'appel avaient
accédé à cette demande au motif que celle-ci ne
préjudiciait pas au principal. La Cour a ainsi
33 Convention de Washington du 18 mars 1965 instituant
le Centre International pour le Règlement des Différends
aux Investissement (CIRDI) ;
- Convention de New York du 10 juin 1958 sur la
reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales
étrangères - Convention de Lomé IV, dont l'article 307
concerne le règlement des litiges relatifs aux marchés
financés par le FED ;
- le Code des investissements (loi n° 84-1230 du 8 novembre
1984) pose en ses articles 10, 14 et 23 le principe du recours à
l'arbitrage.
34 Henri MELEDJE, « La question arbitrale et la
fonction juridictionnelle en Côte d'Ivoire », Annales de
l'Université d'Abidjan, série A Droit, T.X, 1995, p.13
24
conclu que lorsque les parties à un contrat ont
prévu, dans leur convention, l'arbitrage pour tout différend
éventuel, le recours à la procédure de
référé n'est pas pour autant exclu s'il y a urgence. Il
s'ensuit que peut être sollicitée par cette voie la
désignation d'un expert, « mesure de pure information qui ne
préjudicie nullement au principal ». Pourtant, l'appelant avait
soulevé l'incompétence du juge des référés,
en raison de l'existence d'une clause compromissoire. En accédant
à la demande d'expertise sans répondre à l'objection
d'incompétence, le juge ivoirien admettait implicitement le principe du
recours à l'arbitrage et sa compatibilité avec le recours au juge
des référés en cas d'urgence.
Dans le 2e arrêt MARBLOC rendu par la Cour
d'appel d'Abidjan le 23 janvier 1981, l'un des plaideurs avait soulevé
l'incompétence du Tribunal de première instance, en raison de
l'existence d'une clause compromissoire. Son adversaire relevait
l'illicéité de ladite clause. Les juges du fond ont
souligné le caractère illicite de la clause compromissoire, en
l'absence d'une réglementation légale de l'arbitrage.
«Le premier juge s'est fondé sur les dispositions
combinées des articles 5 et 9 du Code de procédure, qui donnent
compétence aux tribunaux de première instance dans toutes les
affaires civiles et commerciales et qui déclarent nulle toute convention
dérogatoire à cette règle ; en se
prononçant ainsi, le premier juge a bien jugé35
».
L'affaire TALAL contre OMAÏS peut être
considérée comme constituant l'illustration la plus
éclatante des hésitations de la jurisprudence, La Cour d'Appel
d'Abidjan, saisie des incidents relatifs à l'exequatur d'une sentence
arbitrale, avait conclu à la régularité de cette
décision par un arrêt du 17 mai 1985. Elle déclarait
notamment: «II est clair que l'article 631 du Code de commerce
autorise la clause compromissoire voulue et acceptée par les parties en
cause, celles-ci ont même expressément renoncé à
tout recours aux tribunaux pour connaître de leurs litiges
éventuels (...). Il s'ensuit que la sentence présentement
attaquée est valable36 ».
35 Cour d'appel d'Abidjan, 23 janvier 1981,
Arrêt MARBLOC
36 Cour d'appel d'Abidjan, 17 Mai 1985, arrêt
TOLAL contre OMAÏS
25
Mais la Cour suprême fut d'un avis différent. Par
arrêt du 29 avril 1986, elle cassa la décision de la Cour d'appel
d'Abidjan au motif que : « Les parties peuvent insérer dans
l'acte qui les lie une clause compromissoire visant à une
procédure d'arbitrage ; il n'en reste pas moins vrai que les conditions
et les modalités de cet arbitrage doivent être prévues par
le législateur»37. La Cour suprême reconnaissait
la validité des clauses compromissoires. Elle estimait, toutefois,
qu'à défaut de réglementation étatique en la
matière, la sentence arbitrale ne pouvait être
validée.
La Cour d'appel de Bouaké (Cour de renvoi), dans un
arrêt rendu le 25 novembre 1987 refusait de se plier à cette
interprétation. Elle soutenait que « la sentence arbitrale ne
contenant rien de contraire à l'ordre public, c'est à tort que
l'ordonnance accordant l'exequatur à ladite sentence a été
rétractée »38.
Face à cette résistance du juge du fond, la Cour
suprême consacrait la licéité et la validité de la
sentence arbitrale en ces termes : « ...il s'induit de ce texte que le
principe du recours à l'arbitrage est admis en Côte d'Ivoire; Que
s'il est constant que le Code de procédure civile, commerciale et
administrative n'a ni prévu, ni organisé l'arbitrage, il est non
moins constant que pour l'application dudit texte, les juridictions ivoiriennes
ont recours soit aux principes généraux du droit, soit aux
dispositions du livre du code de procédure civile français
à titre de raison écrite. Qu'il s'ensuit que la Cour d'appel, en
déclarant valable la clause compromissoire et la sentence qui en
résulte n'a aucunement violé les textes visés au
moyen »39.
Le décret 92-21 du 8 janvier 1992 créant et
organisant la Chambre de commerce et d'industrie de Côte d'Ivoire va
ouvrir une brèche dans la reconnaissance de l'arbitrage comme mode de
règlement des différends, en donnant la possibilité
à cette chambre de créer en son sein des chambres arbitrales
37 Laurence IDOT, « La Cour Suprême et la
règlementation de l'arbitrage en Côte d'Ivoire : à propos
de l'arrêt du 29 avril 1986 », RIDEC, juillet 1989, pp.11-12
38 Laurence IDOT, Ibid
39 Laurence IDOT, Ibid
26
et d'en assurer le fonctionnement. Une année plus tard,
le 9 août 1993, le Parlement Ivoirien adoptait une réglementation
de l'arbitrage par la loi n° 93-671 relative à l'arbitrage
largement inspirée - comme c'est souvent le cas - de la
législation française.
Cette loi mettra définitivement fin aux nombreuses
années d'hésitations jurisprudentielles. Peu après
cependant, le 17 octobre 1993, la Côte d'Ivoire et 13 pays de la zone
franc signaient à Port Louis (Ile Maurice) le Traité relatif
à l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique. Ce traité
réserve une place importante à l'arbitrage comme mode de
règlement des différends contractuels et confie à la CCJA
une fonction de centre d'arbitrage. Enfin, l'adoption à Ouagadougou d'un
Acte Uniforme particulièrement libéral portant sur l'arbitrage
constitue le dernier palier important franchi pour la promotion de l'arbitrage,
d'autant qu'à l'exception de la Côte d'Ivoire, du Mali, du
Sénégal et du Togo, les autres pays signataires du Traité
ne disposaient pas de législation spécifique en matière
d'arbitrage.
II résulte de tout ce qui précède que la
pratique arbitrale est relativement récente en Côte d'Ivoire et
que les institutions d'arbitrage comme la CACI en Côte d'Ivoire ont un
rôle prépondérant à jouer dans la vulgarisation de
l'arbitrage. Toutefois, certaines pesanteurs sont susceptibles de bloquer le
développement de l'arbitrage en Côte d'Ivoire40.
B- La CACI et la vulgarisation de l'arbitrage
Créée le 9 mai 1997 au sein de la chambre de
commerce et d'industrie, la Cour d'arbitrage de Côte d'Ivoire (CACI) a
effectivement commencé ses activités le 12 août 1997. Tenue
de faire face à la quasi-ignorance des opérateurs
40 Narcisse AKA, Article précité.
27
économiques, elle peut toutefois profiter de
l'extension du champ d'application de l'arbitrage par l'Acte Uniforme et des
défaillances du système judiciaire étatique.
1) La méconnaissance de l'arbitrage
II a été constaté au démarrage des
activités de la CACI que beaucoup d'opérateurs économiques
et même certains juristes ignoraient les rudiments de l'arbitrage. De
nombreux hommes d'affaires interrogés croyaient en toute bonne foi que
l'arbitrage était un mode amiable de règlement des
différends et qu'il se confondait ainsi avec la médiation ou la
conciliation.
Face à ce déficit d'informations, il est apparu
nécessaire d'organiser des séminaires de formation sur
l'arbitrage, avec l'appui des experts internationaux et des campagnes de
promotion. La sensibilisation des hommes d'affaires est une oeuvre d'autant
plus délicate qu'il faut établir une certaine confiance alors que
toute nouvelle institution suscite parfois une certaine suspicion. Les
rencontres directes avec les chefs d'entreprises, les organisations
patronales..., ont contribué à faire tomber ce mur de
méfiance. Il a fallu également rencontrer les magistrats afin de
dissiper certains malentendus concernant l'arbitrage, perçu
malheureusement comme un concurrent dangereux et traduisant une certaine
défiance vis à vis de l'institution judiciaire étatique.
Notre mission de promotion et de sensibilisation entreprise depuis août
1997 commence à porter ses fruits puisque des dizaines de contrats
comportent les clauses d'arbitrage CACI. Par ailleurs, certains
opérateurs économiques manifestent une certaine
préférence pour l'arbitrage ad hoc. Dans certains de
leurs contrats, la CACI a été choisie comme autorité de
nomination.
L'expérience des centres d'arbitrage des pays du nord
révèle qu'il s'écoule généralement quelques
années avant que les organismes d'arbitrages ne soient saisis de leurs
premiers dossiers. En ce qui concerne la CACI, qui offre également des
prestations en matière de conciliation, elle a été saisie
d'une dizaine de procédures de conciliation et d'un dossier d'arbitrage
international. Ce litige qui
28
oppose une société de droit français
à une personne morale ivoirienne a donné lieu à la
première sentence arbitrale rendue sous l'égide de la CACI le 5
novembre 1999. La CACI a reçu d'autre part une dizaine de requêtes
en arbitrage auxquelles elle n'a pu donner suite, soit parce qu'il s'agissait
d'un arbitrage ad hoc, soit parce que la clause, plus ou moins pathologique, ne
visait pas expressément notre organisme.
L'extension du champ d'application de l'arbitrage par l'Acte
Uniforme du 11 mars 1999, ouvre de nouvelles perspectives à la CACI.
2) L'Extension du champ d'application de
l'arbitrage
L'Acte Uniforme étend aussi bien la notion
d'arbitrabilité objective que celle d'arbitrabilité
subjective41.
D'une part, aux termes de l'article2 alinéa
1er, «toute personne physique ou morale peut recourir
à l'arbitrage sur les droits dont elle a la libre disposition».
Alors que la loi ivoirienne de 1993 indiquait que la clause compromissoire
n'était valable en matière interne qu'entre commerçants,
l'Acte Uniforme ne contient aucune restriction liée au caractère
civil ou commercial du litige. Il s'ensuit que tous les litiges commerciaux,
civils ou mixtes pourront être soumis à l'arbitrage dès
lors qu'il s'agit de droits dont les parties ont la libre disposition. D'autre
part, l'alinéa 2 de l'article précité énonce le
principe général de l'aptitude à compromettre de
l'Etat, des collectivités publiques territoriales et des
établissements publics qui ne peuvent « invoquer leur propre
droit pour contester l'arbitrabitité d'un litige, leur capacité
à compromettre ou la validité de la convention
d'arbitrage42». Ces dispositions sont d'autant plus
libérales qu'elles concernent aussi bien l'arbitrage interne que
l'arbitrage international.
41 Philippe LEBOULANGER, « L'arbitrage et
l'harmonisation du droit des affaires en Afrique ». Rev. arb.,
1999.541, spéc.556.
42 Article 2 alinéa 2 de l'Acte Uniforme de
l'OHADA relatif au droit de l'arbitrage
29
L'extension de l'arbitrabilité par l'Acte Uniforme
offrant de nouvelles opportunités, la CACI a engagé la
révision de son règlement pour l'adapter aux nouveaux principes
de l'espace OHADA. Les modifications concernent également le
barème des frais et honoraires, frais que plusieurs opérateurs
économiques ont jugé prohibitifs. Il est ainsi arrivé que
des parties, qui avaient prévu une clause d'arbitrage CACI, aient
opté pour un arbitrage ad hoc lorsqu'elles ont pris
connaissance de nos tarifs. Les centres d'arbitrage doivent accorder une
importance particulière aux tarifs pratiqués qui devraient
être en adéquation avec le pouvoir d'achat des opérateurs
économiques. A défaut, ces derniers seraient contraints de
recourir à la justice étatique, dont les défaillances
constituent pourtant le terreau susceptible de permettre à la CACI de se
développer.
3) Les défaillances de la justice
étatique et développement de l'arbitrage
Les perspectives de l'arbitrage en Côte d'Ivoire sont
d'autant plus intéressantes que les opérateurs économiques
s'accordent à reconnaître que la justice étatique est
particulièrement sinistrée (équipements désuets et
insuffisants, conditions de travail déplorables, personnel insuffisant
...). A cette situation critique s'ajoute un engorgement lié au volume
du contentieux qui entraîne l'allongement des délais de traitement
de dossier même dans le cas de procédures qui requièrent
une certaine célérité.
Compte tenu de ces défaillances avérées
de la justice étatique, de plus en plus d'hommes d'affaires
s'intéressent à l'arbitrage CACI et n'hésitent pas
à la solliciter pour obtenir des renseignements. L'arbitrage est
appelé à devenir à moyen terme un mode usuel de
règlement des différends nonobstant les pesanteurs susceptibles
de freiner son développement.
30
PARAGRAPHE II : LA PRATIQUE ARBITRALE ET L'INSTITUTION
ARBITRALE AU SENEGAL : CAMD
Le Traité qui institue l'OHADA et dont le but est la
« mise en oeuvre des procédures judiciaires
appropriées43 » envisage l'arbitrage sous deux
angles. En effet, après avoir, dans son préambule, affirmé
la nécessité de « promouvoir l'arbitrage comme
instrument de règlement des différends d'ordre contractuel
», l'article 1 du Traité précise que son objet est
d'harmoniser le droit des affaires par « l'encouragement au
recours à l'arbitrage ». Cet encouragement passe
d'une part par la création d'un système d'arbitrage
spécifique offert aux parties qui souhaitent y recourir pour leurs
différends d'ordre contractuel. D'autre part, l'article 2 qui inclut le
droit de l'arbitrage dans les matières relevant de l' OHADA a
permis aux Etats membres d'adopter l'Acte Uniforme relatif au droit de
l'arbitrage qui tient lieu de loi sur leur territoire national. Cela
présente un intérêt certain pour les Etats OHADA qui ne
disposaient pas de législation sur l'arbitrage interne et
international.
Dans cette perspective, nous distinguerons entre le cadre
juridique général et les régimes spécifiques
institués à l'intérieur de ce cadre de base. Les
instruments juridiques à la base de notre analyse sont le Traité
de l'OHADA, l'Acte Uniforme relatif au droit de l'arbitrage et les
Règlements d'arbitrage de la CCJA et des Centres nationaux d'arbitrage.
Les conventions internationales relatives à l'arbitrage qui lient
certains des Etats membres de l'OHADA ainsi que leurs incidences sur la
matière ne seront pas envisagées ici. A cet égard, il est
utile de signaler que l'article VII de la Convention de New York permet aux
Etats signataires à l'instar du Sénégal, de faire jouer
des dispositions plus favorables s'agissant de la reconnaissance et de
l'exécution des sentences arbitrales étrangères. De la
même manière, l'article 34 de l'Acte Uniforme prévoit, pour
la
43 Article 1er du traité du 17
octobre 1993 relatif à l'harmonisation du droit des affaires en
Afrique
31
reconnaissance des sentences arbitrales rendues sur le
fondement de règles différentes, l'application des conventions
internationales éventuellement applicables.
A- LE REGIME GENERAL
L'espace OHADA, les sources du droit de l'arbitrage sont
diverses ; mais en dehors du Traité, la source de
référence est l'Acte Uniforme relatif au droit de l'arbitrage
adopté par le Conseil des Ministres le 11 mars 1999.
Cet Acte Uniforme, qui est d'inspiration très
libérale, vise « tout arbitrage». En effet, le critère
d'arbitrabilité des litiges utilisé par l'article 1 de l'Acte
Uniforme de l'OHADA portant sur l'arbitrage, à savoir celui relatif aux
«droits dont les parties ont la libre disposition», laisse
entendre qu'il peut s'agir d'arbitrage en matière commerciale et
d'arbitrage en matière civile. On peut dès lors inclure dans les
matières arbitrables, les contrats de travail, les droits
pécuniaires nés du droit patrimonial de la famille tel que le
montant d'une pension alimentaire, ou le litige sur une succession ouverte.
Au fond, sont arbitrables dans les Etats de l'OHADA les
litiges issus d'un rapport de droit déterminé, contractuels ou
non contractuels pourvu que les parties en aient la libre disposition.
Par ailleurs, l'Acte Uniforme ne fait pas de distinction entre
arbitrage interne et arbitrage international. Ceci est d'un
intérêt considérable au regard des arbitrages pour lesquels
il n'existe aucun élément d'extranéité mais que les
parties veulent soumettre à un régime plus favorable que dans le
passé. Par exemple au Sénégal, en matière
d'arbitrage interne, seul le droit sénégalais était
applicable au fond du litige, tandis que le droit applicable en matière
d'arbitrage international pouvait être celui choisi par les parties. Sur
ce point d'ailleurs le Règlement d'arbitrage du CAMD a été
révisé.
32
En outre, L'arbitrage ad hoc que peuvent mettre en
oeuvre les parties elles-mêmes et l'arbitrage institutionnel (art, 10 et
14 AU) sont tous les deux visés par l'Acte Uniforme44.
B- LES REGIMES PARTICULIERS
Il s'agit des régimes spécifiques à la
CCJA et des arbitrages organisés par les centres nationaux.
1) L'ARBITRAGE SPECIFIQUE DE LA CCJA
II s'agit d'un arbitrage institutionnel organisé par
le titre IV du Traité et le Règlement d'arbitrage. Le
critère d'application utilisé pour ce type d'arbitrage est
fondé sur l'existence d'un rapport d'ordre contractuel. Cet arbitrage
est singulier. Sans entrer dans le détail, il convient de rappeler les
privilèges et immunités dont disposent, dans l'exercice de leur
mission, les arbitres OHADA et qui leur confèrent un statut très
particulier.
2) LES ARBITRAGES ORGANISES PAR DES CENTRES NATIONAUX
: CAMD
Ces types d'arbitrage sont régis, par l'Acte Uniforme
et par leur Règlement d'arbitrage respectif. Ces derniers doivent
être mis en harmonie avec l'Acte Uniforme. A cet égard, l'exemple
du centre d'arbitrage de Dakar qui a révisé récemment son
Règlement d'arbitrage dans ce but, par exemple en précisant que
la sentence arbitrale doit être motivée.
44 Selon l'article 10 de l'AU relatif au Droit de
l'arbitrage, le fait pour les parties de s'en remettre à un organisme
d'arbitrage, les engage à appliquer le règlement d'arbitrage de
cet organisme.
33
3) LES RAPPORTS ENTRE LES DIFFERENTS ARBITRAGES
ADMINISTRES EXISTANT AU SEIN DE L'ESPACE OHADA (CCJA et CENTRES
NATIONAUX)
S'agit-il de concurrence ou d'une opportune articulation? Le
terme de compétition paraît exagéré car si la
concurrence existe, elle ne concerne qu'un nombre limité de litiges,
notamment les arbitrages internationaux importants impliquant les grandes
entreprises.
En revanche, l'arbitrage de proximité sera toujours
recherché par les opérateurs économiques que sont les
PME-PMI, d'où l'intérêt des centres nationaux d'arbitrage
qui, outre l'arbitrage, traitent tous de la médiation et de la
conciliation qui ne sont pas visées par le système OHADA de
règlement alternatif des différends.
Dès lors, il convient plutôt de
réfléchir sur le cadre de coopération et de partenariat
à mettre en place entre les différentes institutions d'arbitrage
de l'espace OHADA. Cette coopération serait d'ailleurs de nature
à combler des lacunes dont souffrent, certes de façon
inégale, toutes ces nouvelles institutions d'arbitrage. Cette
coopération souhaitée pourrait se manifester dans beaucoup de
domaines45:
- La définition précise du domaine de
l'arbitrabilité des litiges, c'est-à-dire les droits dont on a la
libre disposition.
- Le renforcement de l'efficacité des conventions
d'arbitrage, pour éviter les clauses pathologiques.
- L'harmonisation des Règlements d'arbitrage
- La confection de listes d'arbitres
- La formation des arbitres
45 Amadou DIENG, « La pratique arbitrale au
Sénégal et les perspectives de l'arbitrage en Afrique »,
travaux du centre René Jean Dupry pour le droit et le
développement, Vol I, p.180.
34
- La définition de la mission de l'arbitre et
l'obligation d'établir un procès-verbal après la tenue
d'une conférence préparatoire, ou d'un acte de mission - La mise
en place de formulaires types, etc.
En réalité, et compte tenu de la
nouveauté de la pratique de l'arbitrage institutionnel dans l'espace
concerné, il est aujourd'hui nécessaire de susciter et de
dégager une jurisprudence et une doctrine africaines en la
matière afin d'éviter des errements préjudiciables
à l'avenir du recours à l'arbitrage comme moyen de
règlement des différends.
Au total, il paraît nécessaire, aujourd'hui, de
pousser à la mise en place d'un véritable réseau africain
de l'arbitrage. Ce réseau permettra de doter l'ensemble des institutions
d'arbitrage d'un vivier sur lequel leurs activités pourraient
prospérer tant au plan régional qu'au plan international.
Les modalités et les conditions de création de
ce réseau africain de l'arbitrage, doivent être
étudiées dans un bref délai car les objectifs du
Traité instituant l'Organisation pour l'Harmonisation du droit des
Affaires en Afrique ne peuvent être rapidement atteints sans une
promotion soutenue de l'arbitrage autant au sein de l'espace OHADA que dans
toute la sous-région ouest africaine.
35
CHAPITRE II : LA JUSTICE ARBITRALE AD'HOC
L'arbitrage ad 'hoc est celui qui se déroule en dehors
de toute organisation permanente d'arbitrage et relève de la seule
initiative des parties et de leurs arbitres.
Pourtant, comme le relevait René David « il est
loin d'avoir perdu son intérêt à notre époque
». Les parties n'ont pas l'obligation de soumettre leurs arbitrages au
règlement d'institution arbitrale.
Elles peuvent convenir de leurs propres règles de
procédure.
En d'autres termes l'arbitrage ad' hoc est un arbitrage
organisé par soi-même. C'est dire que l'arbitrage ad' hoc est une
procédure d'arbitrage qui ne se déroule pas selon le
règlement d'arbitrage d'institution d'arbitrage.
36
SECTION I : LES CARACTERES DE L'ARBITRAGE AD'HOC
En réalité l'arbitrage ad 'hoc ne met en
présence que les arbitres et les parties en dehors de toute institution
permanente d'arbitrage.
Il est aisé de dégager les caractères
essentiels de ce type d'arbitrage qui apparaissent précisément
lors de la mise en place du tribunal arbitral. Par ailleurs le dynamisme de
l'arbitrage ad' hoc participe de l'évolution46
observée du régime de ce type d'arbitrage dans l'espace OHADA
comme c'est le cas notamment en Côte d'Ivoire, au Sénégal
et en Guinée.
Le règlement d'arbitrage de la CCJA laisse subsister la
possibilité d'un arbitrage ad' hoc souple et efficace.
PARAGRAPHE I : LES MÉCANISMES DE DÉSIGNATION
DES ARBITRES AD' HOC
La désignation des arbitres ad hoc est
caractérisée par la place laissée à la
volonté des parties, mais en outre le lieu d'arbitrage et la
possibilité laissée aux parties de se faire assister
revêtent une importance capitale dans ce mécanisme de
désignation des arbitres ad' hoc.
A- LA PLACE DE LA VOLONTE DES PARTIES DANS LA
DESIGNATION DES ARBITRES AD' HOC
La coopération des parties et de leur conseil s'impose
si l'on veut que cette procédure soit mise en oeuvre de façon
efficace.
46 Roland Amounou GUENOU, « l'évolution
des législations relatives à l'arbitrage en Afrique francophone
» communication à la conférence internationale du Barreau
Latin, CIB, Ouagadougou, décembre 1996, p.41
37
Par hypothèse, la constitution du tribunal arbitral est
la chose exclusive des parties. Elles sont donc totalement libres de sa
composition et fixent à leur gré le nombre des arbitres, les
qualifications requises de leur part et les modalités de leur
désignation. La liberté qui est très
généralement reconnue par les systèmes étatiques,
est un facteur de souplesse et permet aux parties d'adopter à leur guise
la constitution du tribunal arbitral aux particularités de chaque
litige. En outre, la désignation du ou des arbitres ne requiert
l'intervention d'aucun intermédiaire, puisqu'elle est effectuée
directement par les parties. Enfin et surtout, il est certain que ce choix
direct est la méthode de désignation la plus conforme à
l'esprit de l'arbitrage.
Elle implique une relation de confiance personnelle entre les
parties et le ou les juges privés qu'elles se donnent et cette confiance
est le meilleur gage de la sérénité des débats et
l'exécution amiable de la sentence.
Les praticiens ont progressivement pris conscience des
principales difficultés qui peuvent surgir dans la constitution d'un
tribunal arbitral ad' hoc, de telle sorte que la rédaction des clauses
compromissoires, sans aboutir évidemment à l'uniformité,
révèle des constantes ou des tendances assez fortes pour qu'on
puisse en proposer une synthèse47. Celle-ci se dégage
aussi à partir des nombreux conseils de rédaction que les
spécialistes adressent aux praticiens du commerce international.
B- L'IMPORTANCE DU LIEU D'ARBITRAGE
Le lieu de l'arbitrage ad hoc a une grande importance parce
que la plupart des difficultés concernant l'arbitrage sont
résolues conformément aux lois nationales du lieu de
l'arbitrage.
En supposant que les parties aient convenu d'un arbitrage ad'
hoc avec un ou trois arbitres, et que l'une des parties ne participe pas
à la procédure, combien
47 Pierre LAVAVE, Avantages et
inconvénients de l'arbitrage ad' hoc, 60 ans après :
regard sur l'avenir, CCI 1984, p.301
38
d'arbitres seront nommés ? Qui en décidera ? Et
qui nommera le ou les arbitres ? Les réponses dépendent en grande
partie du lieu de l'arbitrage.
Par exemple, supposons que le lieu d'arbitrage soit la
Guinée conformément à la loi guinéenne d'arbitrage
de 1996, si les parties ne peuvent pas déterminer le nombre d'arbitres,
le tribunal arbitral se composera d'un seul arbitre. Cet arbitre sera
nommé par le président de la cour suprême de Guinée
ou par le président d'un tribunal de grande instance de ce pays. Si le
lieu d'arbitrage devrait être Yaoundé selon la loi Camerounaise
d'arbitrage de 1994, le nombre d'arbitres serait de trois. La cour d'appel de
Yaoundé nommerait un co-arbitre à la place de la partie
défaillante. Ces deux co-arbitres auraient alors 30 jours pour se mettre
d'accord sur la personne d'un troisième arbitre, s'ils n'y parvenaient
pas, alors la cour d'appel de Yaoundé nommerait le 3ième arbitre
comme les parties à une procédure arbitrale ad' hoc ne disposent
pas de règlement d'une institution arbitrale, elles devront
définir en détail, autant que possible, les règles
applicables afin d'éviter tout blocage dans le déroulement de
l'arbitrage.
Il est préférable que les parties
déterminent la façon dont le tribunal sera constitué, le
lieu où l'arbitrage se déroulera ainsi que le délai. C'est
les extensions possibles, dans lesquelles la sentence arbitrale devra
être rendue. Les parties devront également s'entendre avec les
arbitres choisis sur la base de leur rémunération.
C- LA POSSIBILITE D'ASSISTANCE AUX PARTIES DANS LE
CADRE D'UN ARBITRAGE AD' HOC
Sans pour autant soumettre leur litige au règlement
d'une institution arbitrale, les parties à un arbitrage ad' hoc peuvent
néanmoins convenir de faire appel à une institution arbitrale,
telle qu'une chambre de commerce ou le président d'un tribunal
étatique (non pas en tant que président, mais selon ses
qualités personnelles en tant « qu'autorité de nomination
». Un tel accord a pour avantage
39
que les parties ne sont pas obligées de saisir un
tribunal étatique afin de nommer un ou plusieurs arbitres, si l'une
d'elles ne participe pas au processus de constitution du tribunal arbitral ou
si elles ne parviennent pas à s'entendre sur la méthode de
sélection des arbitres.
L'institution d'arbitrage ou toute autre personne agissant
comme autorité de nomination prendra les mesures nécessaires pour
la constitution du tribunal arbitral aussi rapidement que dans une
procédure se déroulant selon son propre règlement. En
principe l'autorité de nomination demandera le paiement d'un montant peu
élevé pour chaque nomination.
Si les parties n'ont prévu l'application d'aucun
règlement pour l'organisation et le déroulement de la
procédure arbitrale ; elles seront en principe, liées par les
lois et les règles procédurales applicables à l'arbitrage,
du pays dans lequel l'arbitrage a lieu.
PARAGRAPHE II : L'EVOLUTION DE L'ARBITRAGE AD'HOC DANS
L'ESPACE OHADA
Il s'agit de celui qui se déroule en dehors de toute
institution d'arbitrage, les parties au litige ayant choisi de saisir
directement leurs arbitres auxquels il revient de tout organiser. Cette
situation a prévalu en Afrique francophone jusqu'à nos
jours48.
Mais de ce point de vue, il faut remarquer que le
Sénégal et la Côte d'Ivoire d'une part et la Guinée
d'autre part ont choisi des options différentes.
48 Roland Amounou GUENOU, Article
précité, p.43
40
A- L'ARBITRAGE AD' HOC AU SENEGAL ET EN COTE
D'IVOIRE
Dans leurs législations antérieures ce type
d'arbitrage était laissé à l'état pur aux soins des
arbitres qui dès qu'ils étaient désignés
s'occupaient à la fois de l'organisation et de la gestion technique de
la procédure, les juridictions n'intervenaient que pour conférer
l'exequatur à la sentence arbitrale.
Désormais, dans le droit positif de ces Etats, avec la
loi no 93.671 du 9 août 1993 relative à l'arbitrage en
Côte d'Ivoire49 et le décret no 98-492 du 5
juin 1992 sur l'arbitrage international au Sénégal50,
l'arbitrage ad-hoc fait intervenir respectivement « le président du
tribunal de première instance ou le juge de la section de tribunal
» et « le président du tribunal régional » pour
l'encadrement technique de la procédure. Cette conception a
été entérinée par les articles 5 et suivants de
l'acte uniforme du 11 mars 1999 sur l'arbitrage.
S'il est certain que l'arbitrage ad-hoc a l'avantage de
réduire les coûts de la procédure dès lors qu'aucun
frais administratif n'est à verser à une quelconque institution,
il reste que ce type d'arbitrage souffre d'un inconvénient majeur :
c'est justement l'absence de cet encadrement professionnel d'une institution
qui a la culture de l'arbitrage et dont c'est le rôle exclusif.
L'arrimage de l'arbitrage ad-hoc à la justice
étatique est un simple palliatif qui ne saurait rassurer même si
les textes ivoiriens et sénégalais en vigueur semblent se
référer assez souvent à la volonté des litigants
quant au mode de saisine du juge étatique. Sur toutes ces questions, les
lois nationales étudiées ne sont en rien contraires à
l'acte uniforme sur le droit de l'arbitrage dans l'OHADA adopté à
Ouagadougou, le 11 mars 1999.
49 Journal officiel de la République de
Côte d'Ivoire du 16 septembre 1993
50 Journal officiel de la République du
Sénégal du 25 juillet 1998
41
B- L'ARBITRAGE AD' HOC EN GUINEE
Le code des activités Economique de la Guinée a
choisi de faire l'impasse sur l'arbitrage ad-hoc (Article 1114 alinéa 2
du CAE). Il semble qu'il s'agit là d'un choix
délibéré.
Pour notre part, cette option de politique législative
est simplement regrettable car aucun argument pertinent ne saurait la
justifier.
En effet, il eut fallu laisser aux litigants l'entière
liberté de choix de la procédure arbitrale qu'ils souhaiteraient
utiliser sans leur en imposer une quelconque, fut-elle l'arbitrage
institutionnel. Ce serait plus respectueux de l'esprit et des usages en
matière d'arbitrage. La promotion de la chambre d'arbitrage de
Guinée ne saurait passer par la suppression sur le plan institutionnel
de l'arbitrage ad' hoc. Le maintien des deux procédures est plutôt
de nature à rassurer les opérateurs économiques nationaux
et les investisseurs étrangers. Dans ce cadre, il appartiendra à
la chambre d'arbitrage de mettre en place une organisation suffisamment
crédible pour drainer vers elle tous les arbitrages organisés
dans le pays.
SECTION II : LES CONSEQUENCES DE L'ARBITRAGE AD'HOC
On a recours habituellement à l'arbitrage ad' hoc
lorsque la clause d'arbitrage du contrat d'origine des parties prévoit
un arbitrage sans désigner d'institution d'arbitrage, ni se
référer à un ensemble particulier de règles
institutionnelles. Une clause d'arbitrage prévoit par exemple que les
litiges seront soumis à l'arbitrage à Abidjan et que le tribunal
sera constitué de trois arbitres, « chaque partie désigne un
arbitre et les deux premiers arbitres nommés désignant le
troisième » est une clause qui prévoit un arbitrage ad' hoc.
L'arbitrage ad hoc présente en dépit de quelques
inconvénients, de nombreux avantages.
42
PARAGRAPHE I : LES AVANTAGES DE L'ARBITRAGE AD'HOC
L'arbitrage ad' hoc est rapide et peu coûteux. Il
présente également l'avantage d'une adaptabilité constante
aux litiges récurrents dans le monde des affaires.
A- UN ARBITRAGE RAPIDE ET PEU COÛTEUX
En principe, les parties choisissent l'arbitrage ad' hoc pour
éviter tout coût supplémentaire et (le cas
échéant) tout délai qui pourrait résulter de
l'application du règlement de certaines institutions arbitrales.
Cependant, l'arbitrage ad' hoc ne conduit pas nécessairement à
une procédure plus rapide et moins coûteuse. En l'absence
d'institution arbitrale qui fixe et supervise les délais, et faute d'un
barème fixant les honoraires dans le cadre d'un arbitrage ad hoc, les
parties devront s'accorder avec les arbitres sur ces questions. Il n'est en
conséquence pas exclu que les parties rémunèrent les
arbitres à un taux horaire ce qui pourra conduire à une somme
excédant le montant que les parties auraient payé si elles
avaient décidé de soumettre leur litige au règlement d'une
institution arbitrale déterminée.
Dans un arbitrage ad hoc, il n'y a pas d'institution qui
supervise le déroulement de la procédure arbitrale ou les
arbitres. Beaucoup de choses dépendront dès lors des arbitres et
notamment de la façon dont ils organisent et contrôlent la
procédure. Ni les parties, ni les arbitres ne pourront demander le
soutien ou l'assistance d'une institution au cas où un problème
imprévu surviendrait ou si les arbitres n'étaient pas capables de
contrôler la procédure. La seule assistance et le seul soutien que
les parties puissent obtenir sont ceux des tribunaux étatiques.
43
B- L'ADAPTABILITE DE L'ARBITRAGE AD' HOC
L'arbitrage ad hoc a le mérite d'être adapté
à la volonté des parties et aux circonstances
particulières des litiges.
L'arbitrage ad' hoc est l'affaire des parties et des arbitres
sans recours préalable à des règles
préétablies.
De plus, le fonctionnement de l'arbitrage ne sera pas soumis aux
lourdeurs bureaucratiques de l'institution permanente de contrôle. Le
procédé est donc en principe plus rapide et plus souple.
Cependant le fonctionnement harmonieux de l'arbitrage ad hoc
suppose une relation de confiance entre les parties et les arbitres.
PARAGRAPHE II : LES INCONVENIENTS DE L'ARBITRAGE
AD'HOC
Les inconvénients de l'arbitrage ad' hoc tiennent
à la fois à l'incompatibilité entre l'esprit de
coopération et celui du conflit d'une part et les inconvénients
liés à la rédaction d'une convention défectueuse
d'autre part.
A- L'INCOMPATIBILITE ENTRE L'ESPRIT ET LE CONFLIT
Le principal inconvénient d'un arbitrage ad' hoc (qui
peut être sérieux) c'est que, pour qu'il soit vraiment efficace,
il doit exister un esprit de coopération entre les parties et leurs
avocats et l'on doit s'appuyer sur une législation adéquate dans
le pays du siège de l'arbitrage. Il ne faut pas oublier qu'au moment de
la mise en oeuvre de la convention, les parties sont en litige et que la bonne
volonté et la collaboration feront le plus souvent défaut.
Il est facile de retarder la procédure arbitrale en
soulevant des questions de procédure. Si l'une des parties fait des
difficultés ou se montre récalcitrante dès le début
de la procédure, le tribunal arbitral ne pourra pas voir le jour et
aucun
44
règlement ne sera là pour pallier cette
situation. Il sera alors nécessaire de s'appuyer sur des dispositions
susceptibles de procurer l'assistance nécessaire.
C'est seulement une fois que le tribunal arbitral aura
été constitué et qu'un ensemble de règles
adéquates auront été adoptées, qu'un arbitrage ad'
hoc pourra se dérouler aussi harmonieusement qu'un arbitrage
institutionnel, si l'une des parties fait défaut ou refuse de jouer son
rôle dans la procédure.
B- LES INCONVENIENTS LIES A LA REDACTION D'UNE
CONVENTION DEFECTUEUSE
La rédaction d'une convention d'arbitrage ad' hoc est
plus complexe. Les parties doivent prévoir dans leur accord,
différents éléments qui s'avèrent indispensables ou
utiles lorsque la convention devait être mise en oeuvre. En particulier
la convention devra préciser les modalités de désignation
des arbitres, faute de quoi on risque d'assister à un blocage à
la constitution du tribunal arbitral.
Cependant les inconvénients résultant d'une
rédaction défectueuse de la convention d'arbitrage peuvent
être limités par certaines dispositions législatives
relatives à l'arbitrage.
DEUXIEME PARTIE: L'EFFICACITE DE
LA JUSTICE ARBITRALE DANS L'ESPACE
OHADA
|
46
L'efficacité qualifie la capacité d'un
système à parvenir à ses fins, à ses objectifs ou
à ceux qui lui ont été fixés. Etre efficace,
revient à produire les résultats escomptés.
L'efficacité de la justice arbitrale dans l'espace OHADA doit
s'analyser dans le cadre de l'internationalisation des relations d'affaires,
marquées par l'interconnexion des systèmes économiques,
autrement dit son apport à la régulation des affaires dans
l'espace communautaire.
En dépit de la mondialisation, le droit applicable aux
contrats commerciaux internationaux ou aux investissements reste avant tout un
droit national. Il n'existe pas, en effet, de consensus autour des
règles juridiques internationales. En conséquence, les parties
doivent choisir à la signature des contrats, un droit national
applicable et un tribunal qui traitera les litiges éventuels. Ce choix
est crucial en cas de contentieux et il s'avère souvent épineux
tant il est difficile de trouver un terrain neutre entre des parties de
nationalités différentes. C'est dans ce contexte que s'est
développée la justice arbitrale, qui offre une solution plus
efficace là où la justice publique ne peut répondre aux
besoins des entreprises51.
La pratique de la justice arbitrale permet d'obtenir le
maximum de résultats avec le minimum d'efforts et de moyens. Il s'agit
de la capacité du système arbitral usité dans l'espace
OHADA à obtenir de bonnes performances au regard des besoins de
sécurité juridique mais également des autres avantages
offerts aux usagers de ce mode de résolution des différends.
L'extrême importance pratique de l'arbitrage dans le
domaine du commerce international est aujourd'hui un fait. Il existe bien des
manières permettant de régler un litige commercial, la plus
simple et la plus rapide étant la négociation entre les parties
ou leurs conseils.
Les parties elles-mêmes sont les mieux placées
pour connaitre les forces et les faiblesses de leurs positions respectives.
Cependant, lorsqu'on a une
51 Mathias COLLOT et Laurent DEBEAUD, «
L'arbitrage international », Annales des Mines, novembre 2000
p.3
47
réclamation qui a un véritable fondement, il
faut prendre garde afin de ne pas se laisser enliser dans des
négociations. La plupart des litiges du commerce international sont
réglés par voie d'arbitrage, lorsque les parties elles même
sont incapables de parvenir à un accord.
Les performances remarquables de la justice arbitrale
justifient l'intérêt que lui accorde le monde des affaires qui
affirme son efficacité (Chapitre I).
Cependant, l'arbitrage OHADA a acquis peu à peu les
qualités et vertus de la justice publique à laquelle il n'a
cessé de faire référence et à laquelle il ne cesse
de s'identifier en développant une liturgie
juridictionnelle52 plutôt que de s'en distinguer, ce qui est
de nature à limiter son efficacité (Chapitre
II).
52 Guy HORSMAN, « Propos insolite sur
l'efficacité arbitrale », les cahiers de l'arbitrage, gaz.
Pal., juillet 2002, p.33
48
CHAPITRE I : L'EFFICACITE AFFIRMEE DE LA JUSTICE
ARBITRALE DANS L'ESPACE OHADA
Il est sans nul doute tôt de se prononcer sur la
capacité de la justice arbitrale de l'espace OHADA à remplir sa
mission de système d'avant-garde de sécurisation juridique des
investissements en Afrique. Cependant, les vertus de l'arbitrage international
doivent être mises à son compteur puisqu'il intègre
parfaitement les acquis.
Pour comprendre les performances de la justice arbitrale dans
l'espace OHADA, il est essentiel de savoir qu'on est en présence d'une
organisation contractuelle du règlement des litiges. D'un commun accord
les parties choisissent leur juge, la loi de procédure et la loi
applicable au fond. Un tel choix implique également que l'on accepte
à l'avance de se soumettre à la sentence arbitrale. D'ailleurs
l'arbitrage est l'une des manifestations du passage d'un ordre juridique
imposé à un ordre juridique négocié.
En effet, les investisseurs et autres opérateurs
économiques retrouvent la faculté de régler
eux-mêmes leurs différends au lieu de subir un jugement qui leur
est imposé par une autorité étatique.
En outre, la justice arbitrale permet de répondre aux
exigences de plus en plus croissantes des usagers en matière de
sécurité juridique, mais aussi à la complexité
grandissante des affaires ,impliquant une pluralité de parties,
d'origines et de cultures juridiques différentes , que la justice
arbitrale d'inspiration OHADA vient canaliser. Les succès de la justice
arbitrale s'expliquent par diverses raisons (Section I) et ses performances
sont multiformes (Section II).
49
SECTION I : LES RAISONS DE L'EFFICACITE AFFIRMEE
Deux raisons au moins expliquent que l'arbitrage soit assez
fréquemment utilisé par les milieux des affaires. L'une est une
raison de droit. Les contentieux commerciaux n'ont que rarement un
caractère d'ordre public. Dès lors, le recours à un
arbitre y est en principe licite et très souvent opportun, d'où
la consécration du règlement contractuel du litige. L'autre est
une raison de fait. Les milieux d'affaires sont sensibles aux avantages que
présente l'arbitrage par rapport à la justice d'Etat.
PARAGRAPHE II: LA CONSECRATION DU REGLEMENT
CONTRACTUEL DU LITIGE
La politique économique actuelle des Etats africains
est caractérisée par le retrait de l'Etat des activités
économiques. Or, le recul de l'interventionnisme économique de la
puissance publique s'accompagne très souvent de la diminution des
règles de droit à caractère impératif et,
corrélativement de la consécration du règne de l'autonomie
de la volonté et de la liberté individuelle.
Dans le même élan, la justice arbitrale a
développé des caractéristiques d'organisation corporative,
de professionnalisme et de technicité.
A- L'EXALTATION DE L'AUTONOMIE DE LA VOLONTE
La liberté individuelle et l'autonomie de la
volonté ne peuvent trouver leur plein épanouissement que dans un
cadre propice à l'expression des différences. Dès lors
qu'une autorité suprême, même légitime se met
à régir dans le sens de leur uniformisation les comportements
individuels, il y a de fortes chances d'annihiler tout effort en vue
d'atteindre un résultat performant. C'est ce qui explique que
l'idée d'une « privatisation de la justice » ne soit plus
hérétique.
50
Mieux, elle est devenue l'un des lieux communs du discours sur
la promotion du secteur privé en Afrique. Partout des institutions
permanentes d'arbitrage sont installées sous l'égide des milieux
d'affaires.
Traditionnellement, quand on parle de justice, on fait
référence à la justice étatique. Or, on peut
démembrer au moins trois modes de règlement des conflits.
Le premier est le mode conciliatoire, qui regroupe les
techniques de régulation telles que l'expertise, la conciliation, la
médiation et les autres procédures assimilées. Le second
est le mode judiciaire qui possède à la fois la
juridiction53 et 1' impérium.
Le troisième est le mode arbitral qui est
appréhendé comme l'institution par laquelle un tiers
indépendant règle le différend qui oppose deux ou
plusieurs parties en exerçant la mission juridictionnelle qu'elles lui
ont confiée54. C'est dire que l'arbitrage est l'une des
manifestations du passage d'un ordre juridique imposé à un ordre
juridique négocié. Au contraire du mode judiciaire d'apurement du
contentieux, l'arbitrage permet aux acteurs sociaux de régler
eux-mêmes leurs différends sans subir un jugement qui leur est
imposé par une autorité étatique. C'est la traduction
juridique de l'exaltation de l'autonomie de la volonté.
L'arbitre demeure un juge. Il a, à certains
égards, plus de pouvoir qu'un juge étatique car ses sentences ne
peuvent être frappées d'appel. Comme tout juge, il est soumis au
contrôle d'autres juges : C'est le recours en annulation.
En un mot, l'arbitrage est une justice55. Il n'est
pas tenu, certes aux strictes formes de la procédure étatique
mais en partage des soucis identiques, en particulier le respect des principes
directeurs du procès56, quelle que soit la règle
applicable au fond. Sans ce respect, l'arbitre ne remplit pas sa mission.
53 Juridiction désigne le pouvoir dont est
investi le juge de dire le droit en répondant à une situation de
fait dont il est saisi par déclaration rendue selon les règles
légales, la procédure prescrite et les preuves
autorisées.
54 Charles JARRASSON, La notion d'arbitrage,
Paris LGDJ, 1987, p. 372
55 Alexis MOURRE, « Le conseil et l'arbitrage
», Les Cahiers de l'arbitrage, Gaz. Pal., Juillet 2002, p.15
56 Il s'agit du principe du dispositif, du principe du
contradictoire et du principe accusatoire
51
L'arbitrage est peut être, avant tout un espace de
liberté57 ; liberté de choisir ses juges ;
liberté d'organiser la procédure de façon souple et
confidentielle ; liberté de régler ses différends
indépendamment des systèmes étatiques nationaux, selon les
usages du commerce international. La consécration du principe de la
liberté est également perceptible dans la volonté
exprimée des parties du choix de voir régler leur
différend soit en droit soit en équité. La justice
arbitrale se meut dans le mouvement contractuel qui y fait appel. Elle vient le
rejoindre dans la finalité précise que les parties, maitresses de
leurs droits et de leurs conflits lui demandent d'assurer dans les conditions
et sous les modalités qu'elles déterminent58.
En effet, les parties à un contrat peuvent soumettre
leur litige à l'arbitre soit par l'insertion dans le contrat d'une
clause compromissoire, soit par la conclusion d'un compromis quand le litige
est déjà né. Dans les deux cas, elles peuvent librement
décider que leur litige soit tranché en droit ou en amiable
compositeur. Pour que l'arbitre puisse statuer en amiable
compositeur59, il faut que les parties lui aient confié cette
mission dans la convention d'arbitrage. Dans ce cas, la sentence n'est
susceptible d'appel, à moins que les parties n'aient expressément
réservé cette faculté.
En revanche, si les parties ne lui ont pas
conféré la mission d'amiable composition, il statue en droit, et
la sentence est susceptible d'appel, à moins qu'elles n'y aient
renoncé dans leur convention.
La pratique arbitrale montre que dans plusieurs affaires les
arbitres ont continué à juger en droit ce qui devait l'être
en équité, en employant le thème «
équité » dans leur sentence pour éviter
l'annulation.
Ceci étant l'arbitre doit respecter la volonté
des parties en jugeant en équité lorsque la finalité de sa
mission n'est pas de juger en droit. L'équité n'est pas
nécessairement le contraire du droit et une solution résultant de
raisonnement
57 Alexis MOURRE, « où va l'arbitrage ?
», les cahiers de l'arbitrage, Gaz. Pal., juillet 2002, p.1
58 Guy HORSMAN, Article précité, p.33
59 Arbitre ayant reçu des parties, le droit
de rendre sa décision non selon le droit, mais en équité
et sans observer les règles ordinaires de la procédure
52
juridique n'est pas nécessairement l'opposé de
l'équité et de la justice. Il est vrai que des divergences
peuvent apparaître entre le droit et l'équité quand le
droit poursuit dans certains cas des finalités étrangères
à la seule recherche de la justice comme par exemple les prescriptions
instinctives qui répondent généralement à des
impératifs d'ordre, de sécurité et de paix sociale.
Malgré ces divergences le droit et l'équité conduisent
à la même solution.
B- LE CORPORATISME DE LA JUSTICE ARBITRALE
La justice arbitrale a développé des
caractéristiques d'organisation corporative, de professionnalisme et de
technicité. La préoccupation majeure était de
régler les conflits au sein même de communautés
professionnelles et de privilégier la solution rapide des
problèmes et des difficultés techniques qui paraissent être
dans la majorité des cas, la source et les causes les plus importantes
des conflits.
Le droit ne parait pas fondamentalement en cause. Et il est
vrai que les normes étaient beaucoup moins abondantes et que la
liberté ne prédominait pas dans la conclusion des contrats et
l'organisation des divers secteurs de l'économie.
Le monde de l'arbitrage est un monde clos ou qui tend à
l'être. Les raisons sont diverses. Les plus nobles participent de
l'esprit de confiance qu'implique la démarche arbitrale et qui l'a
caractérisée au premier chef ou le caractère professionnel
de l'arbitrage l'emporte sur sa nature juridique.
Cette confiance prend elle aussi sa source dans les
données juridiques et spécialement dans les impératifs
d'indépendance et d'impartialité sur lesquels se fonde, dans la
justice publique comme dans la justice privée, l'oeuvre
juridictionnelle.
53
Il demeure qu'en fait, cet esprit d'estime et de confiance
justifie la préférence de ceux qui arbitrent d'y veiller avec des
personnes qu'ils connaissent et qu'ils apprécient du fait de leur haute
compétence et de leur grande expérience.
En outre, l'efficacité de la justice arbitrale en
dehors de son caractère discret, des vertus de liberté qu'on lui
reconnait dépend également de sa fonction d'apaisement. En effet
la sentence qui en résulte permet généralement aux hommes
d'affaires qui y ont recours de sauvegarder leurs relations d'affaires
habituelles.
L'arbitrage a donné l'impression que la conception
positiviste du droit qui accompagnait la majesté des juridictions
publiques l'invitait, sinon l'obligeait à quitter les hautes
sphères de la justice et à se limiter au service professionnel
que les institutions commerciales attendaient de sa part pour résoudre
les litiges de ses membres en leur sein et pour éviter de devoir
étaler ces conflits devant les juridictions publiques et subir les
décisions de ces dernières60.
La planète juridique sinon le paradis juridique que
constitue l'arbitrage procure-t-il le bonheur ou plus modestement
répond-il à leur attente ?
Certains agents économiques subissent le
phénomène comme une nécessité inévitable et
un mal nécessaire. Ils n'ont d'autre souhait que celui de sortir au plus
tôt du monde des juristes, revenir dans le monde qui est le leur et dans
lequel ils n'ont pas encore compris ou voulu comprendre la plus-value qu'y
apportent le droit et les procédures61.
D'autres plus ouverts à la démarche juridique,
s'interrogent sur les raisons pour lesquelles l'arbitrage n'aurait qu'une et
même liturgie pour répondre à tous les problèmes
auxquels les agents économiques sont confrontés. Pourquoi subir
une liturgie qui prétend affirmer solennellement des droits et des
mérites alors que l'on ne souhaite que la solution concrète et
pragmatique de difficultés plus ou moins importantes ? Le monde de
l'arbitrage ne serait-il pas sensible à ces
60 Alexis MOURRE, Article précité,
p.17
61 Alexis MOURRE, « Pourquoi l'arbitrage ?
», Les cahiers de l'arbitrage, Gaz. Pal. Juillet 2002, p.53
demandes et à ces attentes et aurait-il oublié
dans sa volonté et dans sa réussite de rapprochement et
d'indentification avec la justice ordinaire, que sa première
finalité était professionnelle et concrète, et que
celle-ci tendait, principalement à la solution des litiges et à
la proclamation solennelle de droits et de responsabilités ?
Il serait important que les juristes réservent une
écoute plus attentive aux agents économiques et fassent preuve de
l'imagination suffisante pour tenter d'y répondre de la manière
la plus pertinente et la plus appropriée.
Il s'agit d'unir de la manière la plus heureuse,
l'oeuvre de justice et la recherche d'efficacité nécessaire
à la réalisation des finalités humaines de
l'économie. La procédure arbitrale et la sentence qui en est le
terme n'assurent l'efficacité recherchée par les agents
économiques qu'à la faveur de la volonté de ceux qui y
veillent spontanément ou de l'intervention du juge ordinaire dans le
cadre de la procédure d'exequatur.
La force exécutoire est et demeure le monopole des
Etats et de leur justice publique et la justice privée qu'est
l'arbitrage n'y a pas accès. Elle n'est qu'un prélude à
son obtention qui doit être sollicitée auprès de la justice
ordinaire. A ce niveau le mérite qu'on reconnait au système
d'arbitrage OHADA est l'exequatur communautaire, à travers le sceau de
la CCJA62.
54
62 Pierre MEYER, Article précité, pp
236-237
55
PARAGRAPHE II- L'ADAPTABILITE DE LA JUSTICE ARBITRALE
Longtemps conçu comme un simple mode d'apaisement des
contentieux, l'arbitrage moderne se caractérise par sa grande
technicité et sa flexibilité.
Ce faisant il est indéniable que, quelle que soit sa
technicité, la pratique arbitrale révèle l'application des
principes universels tels la bonne foi, le respect des contrats, de l'ordre
public, le respect du contradictoire ...
Par ailleurs, l'arbitrage se caractérise par la grande
prévisibilité des solutions arbitrales. Cette
prévisibilité résulte de la spécialisation de plus
en plus notoire des arbitres choisis par les parties elles-mêmes ou par
une institution arbitrale pour leur compétence, leur expérience
ou leur connaissance d'un domaine particulier tel le négoce, le
transport.
A- L'ARBITRAGE EN DROIT OU EN EQUITE
Les clauses compromissoires insérées dans les
contrats d'affaires ou les compromis rédigés à la suite de
négociations pour le règlement des litiges nés
d'opérations complexes montrent que le contexte économique ne
peut être étranger au choix du mode de règlement des
conflits qui opposent les parties lors de l'interprétation ou de
l'exécution des contrats. Lorsque le droit est bien connu et
établi, lorsque le contrat est conclu et ses stipulations respectent les
règles juridiques, on peut raisonnablement penser que le mode de
règlement des conflits qui présente le plus de
prévisibilité et de sécurité est l'arbitrage en
droit.
Cependant, les entreprises ne cessent d'innover dans la
manière de réaliser leurs opérations. C'est
l'intensité de l'innovation contractuelle qui fait que s'en remettre
seulement au droit c'est faire un saut dans l'inconnu. Le droit lui-même
ne cesse d'évoluer et son inadaptation, son absence de clarté
ainsi que ses contradictions rendent difficile la détermination de la
règle de droit exactement applicable. Ce qui justifie que l'arbitre
tranche en équité.
56
Il est souhaitable que les arbitres ne tordent pas la
règle juridique pour aboutir à une solution qui s'apparenterait
à une amiable composition. L'arbitre règle les litiges en se
référant aux stipulations contractuelles. En vertu du principe
"pacta sunt servanda"63, le contrat s'impose à lui. Il
constitue la loi des parties et l'arbitre doit l'appliquer.
L'arbitrage en droit est le moyen le plus sûr pour les
parties de conserver la plus grande maîtrise sur l'exécution du
contrat, y compris sur la solution des problèmes apparus lors de son
exécution. L'idéal est évidemment que le contrat soit le
plus complet possible, de telle sorte que les litiges puissent être
tranchés par la simple application des principes et des règles
contractuelles, que sa rédaction soit précise et claire , qu'il
ne comporte aucune contradiction, et qu'il soit rédigé dans le
respect des règles de droit. A défaut, il convient d'opter pour
l'arbitrage en équité.
La mission de l'amiable compositeur est de rechercher la
solution équitable pour résoudre le conflit. Il n'a pas à
se déterminer par rapport à une règle de droit sauf
évidemment la règle d'ordre public. Selon la COUR DE CASSATION
française l'équité consiste à rechercher la
solution la plus juste pour régler la difficulté64.
En tout état de cause, un contrat
équilibré respectant les intérêts des deux parties
aura évidemment plus de chance de bien passer le test de
l'équité qu'un contrat lésionnaire65. Il peut
être important d'introduire le contrat par un exposé des motifs
expliquant clairement la commune intention des parties de faire régler
leurs litiges en équité. Par ailleurs, la bonne foi et la
loyauté lors de la conclusion du contrat et de son exécution sont
aussi des éléments déterminants dans la bonne
appréciation de l'équité.
63 Ce principe postule que les contrats doivent
être respectés par les parties qui les ont conclus, ce principe
résulte également de l'article 1134 du code civil
64 Jean PAILLUSSEAU, Article précité
65 Il n'est d'ailleurs pas sûr que le
lésionnaire sorte indemne d'un jugement en droit qu'il s'agisse d'une
sentence arbitrale ou du jugement d'une juridiction étatique. Les
principes de bonne foi, de loyauté, de contrepartie sont de plus en plus
appliqués par les juges et les arbitres.
57
B- L'ARBITRAGE AU COEUR DES CONNEXIONS ENTRE DROIT ET
ECONOMIE
Le commerce international est en pleine révolution et
nos sociétés sont de plus en plus profondément
affectées par les bouleversements entrainés par l'économie
nouvelle. Aussi l'arbitrage se trouve-t-il au coeur des connexions entre droit
et économie. Cette place que tient l'arbitrage est due à
l'influence positive de la globalisation des marchés et des technologies
révolutionnaires sur l'arbitrage.
La société post-industrielle se trouve
conséquemment en harmonie avec révolution électronique. Le
droit n'a pu quant à lui rester isolé de ces
phénomènes. L'inéluctable globalisation de
l'économie et la croissance fantastique des échanges commerciaux
qui résulte de la révolution électronique ont en effet par
la force des choses progressivement affaibli le rôle de l'Etat comme
centre de production de justice et favorisé le développement
d'une justice privée tel que l'arbitrage, pousser les systèmes
juridiques à s'aligner sur les exigences des nouvelles technologies.
Ce faisant les juges étatiques ont largement pris part
à cette évolution. Marqués à l' origine par une
grande méfiance à l'égard de la justice privée, les
magistrats restent d'audacieux novateurs et bien souvent de grands
précurseurs. De plus en plus le juge appuie l'arbitrage. De surcroit le
législateur, qu'il s'agisse de la convention internationale ou des
dispositions internes favorisent l'arbitrage66.
En somme, l'extrême importance pratique de l'arbitrage
dans le domaine commercial est un fait. Son développement est maintenant
accéléré par les technologies de l'information et de
télécommunication.
66 Bertrand MOREAU Et Louis DEGOS, « La clause
compromissoire réhabilitée », Les cahiers de
l'arbitrage, Gaz. Pal., Juillet 2002
58
SECTION II : LES PERFORMANCES DE LA JUSTICE
ARBITRALE
L'arbitrage reste une voie opportune de règlement des
litiges pour les opérateurs économiques. Il est regardé
comme la meilleure des justices, mais bien mieux l'expression d'une
volonté, sinon d'une puissance économique qui recherche l'ordre
et la sécurité que le droit tente de lui offrir par les voies du
droit des sociétés, du droit des contrats. Ce faisant, la justice
arbitrale entend remédier à l'inexistence de juridictions
économiques internationales. L'arbitrage permettrait une justice de
meilleure qualité, car les parties peuvent désigner un
spécialiste au lieu de s'en remettre à un tribunal dont les
connaissances en la matière sont habituellement moins
approfondies67. En somme, la justice arbitrale se présente
comme l'alternative à l'inexistence de juridictions économiques,
mais surtout se positionne comme une justice à la recherche constante de
l'ordre et de la sécurité.
PARAGRAPHE II : L'ALTERNATIVE A L'INEXISTENCE DE
JURIDICTIONS ECONOMIQUES INTERNATIONALES
Les succès de la justice arbitrale vont de la
conclusion des conventions internationales à l'adaptation des
législations nationales. Ils se retrouvent dans la politique et l'action
des institutions arbitrales ainsi que dans les sentences arbitrales
elles-mêmes dont la qualité est souvent remarquée et
soulignée. Cependant, le droit a de plus en plus envahi le domaine de
l'arbitrage qui parait désormais sous la coupe dominante des juristes.
Cette domination est accentuée par l'élitisme qui
caractérise le monde de l'arbitrage et par sa préoccupation
67 Alexis MOURRE, Précité
59
expresse ou tacite à dépasser en valeur et en
efficacité l'oeuvre judiciaire publique qui lui sert de
référence constante.
S'agissant spécifiquement de l'Afrique, au cours de la
dernière décennie, les transactions internationales avec le
continent africain se sont développées de façon
particulièrement marquante. Les rapports économiques et
commerciaux en Afrique et entre l'Afrique et le reste du monde devenant de plus
en plus nombreux, les risques de contentieux n'en sont apparus que plus
importants.
Or, c'est un fait connu que tout système juridique ne
peut fonctionner et répondre aux exigences de la société
dans laquelle il opère que s'il se trouve en harmonie avec les
structures économiques de cette société et s'il est
capable de satisfaire à ses exigences. Le mérite de la justice
arbitrale réside dans la rapidité de son évolution, mais
également dans la capitalisation de l'influence de la globalisation des
marchés, des technologies révolutionnaires et ses acquis
juridiques.
A - L'EVOLUTION RAPIDE DE L'ARBITRAGE
La société post-industrielle se trouve
conséquemment en harmonie avec révolution électronique. Le
droit n'a pu quant à lui rester isolé de ces
phénomènes. L'inéluctable globalisation de
l'économie et la croissance fantastique des échanges commerciaux
qui résulte de la révolution électronique ont en effet,
par la force des choses, progressivement affaibli le rôle de l'Etat comme
centre de production de justice et favorisé le développement
d'une justice privée tel que l'arbitrage et pousser les systèmes
juridiques à s'aligner sur les exigences des nouvelles technologies.
Ce faisant les juges étatiques ont largement pris part
à cette évolution. Marqués à l' origine par une
grande méfiance à l'égard de la justice privée, les
magistrats restent d'audacieux novateurs et bien souvent de grands
précurseurs.
60
De plus en plus le juge appuie l'arbitrage. De surcroit le
législateur, qu'il s'agisse de conventions internationales ou des
dispositions internes favorisent l'arbitrage68.
En somme, l'extrême importance pratique de l'arbitrage
dans le domaine commercial est un fait. Son développement est maintenant
par celui technique d'information et de télécommunication.
B- L'INFLUENCE POSITIVE DE LA GLOBALISATION DES MARCHES
ET TECHNOLOGIES REVOLUTIONNAIRES SUR L'ARBITRAGE
L'influence de la globalisation des marchés et des
technologies révolutionnaires est révélée par
l'identification des changements ainsi que ses répercussions, sur le
plan juridique.
La première des tâches et préoccupation
majeure de tout opérateur juridique de n'importe quel pays est
maintenant constituée par l'identification et par l'étude des
répercussions de la globalisation sur les entreprises.
On peut dresser le constat des changements structurels des
opérateurs économiques et de l'augmentation des
phénomènes liés à la délocalisation
productive.
S'agissant des changements structurels des opérateurs
économiques, il convient d'observer une augmentation des dimensions des
entreprises (augmentation des concentrations, des fusions etc.), mais
également une significative augmentation du rôle des petites et
moyennes entreprises.
68 Bertrand MOREAU Et Louis DEGOS,
Précité
61
C- LES REPERCUSSIONS AU PLAN JURIDIQUE69
Des répercussions sur le plan juridique des
phénomènes indiqués sont orchestrées par la
naissance de formes contractuelles nouvelles et une technicité
croissante des contrats.
En outre, des législations souvent fort
intéressantes et innovantes avec un rôle de plus en plus
dévolu à l'arbitrage sont mises en place. Ces
répercussions sont par ailleurs constatées sur le contentieux
international.
En effet, on assiste à une augmentation quantitative du
nombre de différends, ce qui a pour conséquences une
diversification de la nationalité des parties, mais aussi une aspiration
toujours plus grande de celles-ci à trouver la meilleure méthode
pour résoudre rapidement et raisonnablement leurs différends.
PARAGRAPHE II : LA QUETE DE L'ORDRE ET DE LA SECURITE
L'OHADA en général poursuit un objectif
essentiel de sécurité juridique et judiciaire. La
sécurité juridique est un principe de droit qui a pour objectif
de protéger les citoyens contre les effets secondaires négatifs
du droit, en particulier les incohérences ou la complexité des
lois et règlements, ou leurs changements trop fréquents. La
sécurité juridique conditionne l'exercice du droit des citoyens
et le développement économique.
Un pan de cette quête a été laissé
à la justice arbitrale comme moyen de promotion du commerce et des
opérations d'investissement dans l'espace communautaire. Cette
quête de l'ordre et de la sécurité par la justice arbitrale
a une dimension institutionnelle et une dimension normative.
69 Denis BENSAUDE; « Les moyens relevés
d'office par l'arbitre en arbitrage international » Les cahiers de
l'arbitrage, Gaz. Pal. Juillet 2002, p.62
62
A. LA DIMENSION INSTITUTIONNELLE
La justice arbitrale est sans nul doute le mode de
règlement des litiges qui répond au mieux aux besoins de
sécurité juridique des entreprises commerçant à
l'internationale. En effet, l'entreprise peut avoir recours à la justice
étatique rendue devant les tribunaux d'Etat. Les jugements s'imposent
comme pour l'arbitrage aux parties. Mais à l'internationale,
l'application du jugement peut être compliquée et se limiter au
seul pays où il a été rendu , ou bien à quelques
pays prévus dans des conventions bilatérales ou
multilatérales. Une entreprise obtient plus facilement le plus souvent
l'exécution d'une sentence arbitrale dans un pays étranger que
celle d'un jugement d'un tribunal étatique. Ceci explique le fort
développement de l'arbitrage ainsi que ses perfectives prometteuses
d'autant plus que cette procédure privée est adaptée aux
litiges importants et complexes.
Il devrait bénéficier du développement
des échanges internationaux tout autant qu'il les favorise, ainsi que de
l'ouverture à de nouveaux pays.
La sécurité juridique se présente comme
une valeur essentielle afin de favoriser l'essor des activités
économiques et de promouvoir les investissements.
B. LA DIMENSION NORMATIVE
L'édiction par l'OHADA d'un acte Uniforme relatif
à l'arbitrage, constituant le droit commun de l'arbitrage dans l'espace
communautaire, participe de la quête de l'ordre et de la
sécurité.
La justice arbitrale apparaît comme un moyen
juridictionnel mieux adapté à la régulation des
échanges économiques internationaux. L'OHADA semble le moyen
idéal de renforcer la confiance des opérateurs économiques
d'autres
63
continents, notamment par l'élaboration d'un droit du
commerce international simple et efficace.
CHAPITRE II : L'EFFICACITE LIMITEE DE LA JUSTICE
ARBITRALE DANS L'ESPACE OHADA
Les succès de la justice arbitrale sont
indéniables, ils n'en demeurent pas moins limités.
L'une des faiblesses de la justice arbitrale dans l'espace
OHADA réside dans le système de la CCJA qui s'est
arc-bouté au territoire de l'OHADA.
D'ailleurs, à l'instar de l'arbitrage commercial
international, la justice arbitrale dans l'inspiration OHADA n'a cessé
de développer une liturgie juridictionnelle pratiquement égale
à celle qui est suivie et respectée devant les cours et tribunaux
où dans le déroulement des procédures arbitrales, les
témoignages de la liberté et les agents économiques ne
cessent de réclamer et qui est au coeur même de la démarche
arbitrale.
Cette immixtion des procédures étatiques dans le
procès arbitral, rend partiellement l'arbitrage victime de son
succès. ToutefoisToutes fois, les perspectives de
développement de l'arbitrage en Afrique laissent la place à des
réformes souhaitables au regard des limites présentées par
la justice arbitrale dans l'espace OHADA
SECTION I
:
LA TENDANCE A LA
64
JUDICIARISATIONJUDICARISATION
Dans le monde de l'arbitrage international, des voix
s'élèvent aujourd'hui pour dénoncer la tendance à
la judiciarisation70, la plus part du temps par ignorance de ce qui
est réellement l'arbitrage, l'intrusion de procéduriers qui
transposent trop souvent avec agressivité les règles de
procédures purement nationales et limitant ainsi l'efficacité de
l'arbitrage.
PARAGRAPHE I : L'INTRUSION DE PROCEDURIERS
L'efficacité de la justice arbitrale est
tempérée par les procéduriers qui ont introduit avec eux
les avatars du système judiciaire étatique dans le milieu de
l'arbitrage. En effet, on le constate dans la naissance de règles et de
règlements de toutes sortes, allant de l'administration de la preuve aux
conditions dans les lesquelles l'arbitre doit déclarer l'existence de
circonstances de nature à porter atteinte à son
indépendance aux yeux des parties. Une autre manifestation de cette
évolution regrettable est le recul du principe non écrit mais
à valeur quasi-coutumière qu'est le principe de la
confidentialité.
A- LA MISE A MAL DU PRINCIPE DE CONFIDENTIALITE
Un principe essentiel, mais non écrit de la justice
arbitrale est le principe de la confidentialité. Celui-ci est de plus en
plus plombé par des motifs de transparence et de gouvernance. Il se
traduit dans la règlementation et dans la jurisprudence arbitrale. En
effet, sous le prétexte de la transparence, mais en
70 Alexis MOURRE, Article précité, p.
5
65
réalité souvent pour des raisons d'auto
promotion publicitaire, les procéduriers souhaitent souhaite la
publication des sentences arbitrales accompagnée de toutes les
informations concernant l'identité des arbitres et des conseils.
La tendance ne se limite pas seulement à l'importation
dans les procédures arbitrales des comportements et techniques
adversariales venus du contentieux étatique. Par ailleurs l'allongement
de la durée des procédures, les incidents multiples, la
multiplication de procédures parallèles, l'abus des voies de
recours, le renchérissement lié à la lourdeur des
mémoires, la longueur des auditions ou au volume des communications des
pièces, des entorses à la confidentialité, suscitent
déjà des mécontentements diffus parmi les utilisateurs de
l'arbitrage.
B- LE DEVELOPPEMENT DE NOUVEAUX MODES
ALTERNATIFS DES REGLEMENTS DES LITIGES
Les arbitres n'ont d'ailleurs pas toujours la
possibilité d'imposer aux parties une procédure plus rapide et
moins coûteuse. Le symptôme certain de ce malaise est le
développement d'autres modes de règlement des différends
dit « ADR71 », dont on ne sait pas trop bien s'il faut les
qualifier d'amiable ou d'alternatif, par lesquels les entreprises croient
pouvoir éviter les inconvénients de l'arbitrage alors que la
superposition dans un même contrat de diverses techniques de
résolution de litiges est parfois un facteur de litigiosité
accrue. On assiste ainsi à la prolifération dans les institutions
d'arbitrage d'offres de services toujours plus variées allant de la
médiation et la conciliation à l'expertise obligatoire, aux
techniques hybrides telles que le « mini-trial72 ».
Tout comme l'arbitrage s'est développé en
réaction aux excès du contentieux étatique, ces modes plus
ou moins nouveaux croissent sur le terrain des dérives de
l'arbitrage.
71 Alternative Dispute Résolutions
72 Petit tribunal, mode alternatif de
règlements de litiges
66
PARAGRAPHE II : LA PRATIQUE DE L'ARBITRAGE DANS L'ESPACE
OHADA : UN BILAN DECEVANT73
L'Acte Uniforme a sans nul doute amélioré le
cadre normatif de l'arbitrage dans la grande majorité des Etats de
l'OHADA. Toutefois, il n'a pas engendré un développement
significatif de la pratique arbitrale. D'ailleurs, le système de
l'arbitrage de l'OHADA porte en lui-même les germes de sa faiblesse,
liée à sa territorialité.
En tout état de cause, les détracteurs de la
justice arbitrale la considèrent comme une justice de deuxième
ordre.
A- L'ARBITRAGE, UNE JUSTICE DE DEUXIEME ORDRE74
La justice arbitrale est souvent perçue comme une
justice de deuxième ordre75 précisément parce
qu'il ne provoque pas la rupture qu'implique l'entrée dans le monde de
la justice qui devrait, pour remplir sa mission et les finalités qui
sont les siennes, imposer son emprise, son organisation, ses règles et
ses procédures. La plénitude de la justice ne se retrouverait et
ne pourrait se retrouver qu'au seul sein de la justice publique dont
l'intervention et le recours sont d'ailleurs nécessaires pour
conférer à la justice privée, la reconnaissance et la
force exécutoire.
L'arbitrage n'est pas une justice d'Etat, puisque le litige
n'est pas tranché par un magistrat ayant reçu une
délégation officielle et permanente à cet effet, mais par
des particuliers qui tiennent leurs pouvoirs de la convention des parties.
L'arbitrage se déroule en dehors du tribunal et sans que les plaideurs
ne soient
73Pierre MEYER, « Le droit de l'arbitrage dans
l'espace OHADA, 10 ans après l'Acte Uniforme », revue de
l'arbitrage n°3, 2010
74 Cette limite de l'arbitrage se justifie par le
fait qu'il ne provoque pas la rupture qu'implique l'entrée dans le monde
de la justice
75 Guy HORSMAN, Article précité
67
tenus d'appliquer les règles de la procédure
officielle. Toutefois les arbitres doivent s'assurer que l'ordre public et les
droits de la défense sont respectés et que les débats ont
un caractère contradictoire.
Parce qu'il repose sur la convention des parties, on dit
parfois que l'arbitrage est un procédé amiable de
règlement des différends. L'expression n'est pas tout à
fait exacte. Un règlement purement amiable aboutirait à une
transaction, par laquelle les parties abandonneraient volontairement une partie
de leurs prétentions. Au contraire, l'arbitrage se termine par une
sentence, qui s'impose aux plaideurs comme un jugement. Par conséquent
l'accord des parties se limite à la volonté d'échapper aux
juridictions d'Etat. Mais il ne va pas au- delà. C'est un accord sur la
procédure à suivre pour trancher le litige, mais qui laisse
entier le fond du différend76.
Les sentiments de sympathie si non d'affection pour
l'arbitrage, comme les sentiments de méconnaissance, sinon d'antipathie
à son égard se sont exprimés et renforcés, au fil
du temps, par de tels raisonnements et d'autres du même ordre. La
pratique de l'arbitrage a été, dans cette opposition de raison et
de sentiments, essentielle car elle a favorisé et accusé les
divergences entre ceux qui n'ont jamais participé à une
procédure arbitrale ou qui l'ont, pour l'une ou l'autre raison,
profondément regretté et ceux qui y ont recours de manière
plus ou moins fréquente et qui y consacrent même parfois
l'essentiel de leur activités.
L'arbitrage n'a cessé de perdre les faveurs qui lui
étaient réservées et d'être en butte à des
critiques de plus en plus nombreuses. A cette époque on a, naturellement
et heureusement, fait écho à ses critiques en supprimant
l'arbitrage forcé auquel les associés des sociétés
commerciales devaient avoir recours en cas de conflit.
La justice en général et l'arbitrage en
particulier a parfois malheureusement tendance à ne pas suffisamment
écouter ceux qui y ont recours et à réserver
76 Yves GUYON, l'arbitrage, Edition
économica, 1995, p.6
68
immédiatement leur attention aux données
juridiques des difficultés et des problèmes qui leur sont
soumis.
B- LES LACUNES DE LA JUSTICE ARBITRALE OHADA
Le système d'arbitrage de la CCJA qui devrait
être le catalyseur de la justice arbitrale dans l'espace OHADA porte une
faiblesse congénitale. Ce système se ferme aux opérateurs
domiciliés ou résident à l'extérieur de son espace
et aux contrats exécutés ou à exécuter hors de cet
espace. Il est étonnant d'observer de la part du législateur
communautaire un tel choix restrictif, surtout que son ambition est de
l'imposer à un certain nombre de systèmes concurrents.
Si le système d'arbitrage de la CCI connaît une
grande notoriété, c'est en partie parce qu'il est ouvert à
tous les différends d'ordre commercial et international. Il est
indifférent à la situation géographique des partis et au
lieu d'exécution des contrats.
Cette lacune tenant à l'arbitralité spatiale
s'expliquerait par une raison. En effet, dans l'esprit des concepteurs du
système, l'arbitrage à juste titre n'est pas complètement
détaché de la justice étatique. Ainsi, la CCJA qui
administre les arbitrages, appuie les procédures en cas de
difficultés, contrôle les régularités des sentences
et délivre l'exéquatur, est avant tout une cour judiciaire
d'émanation étatique. On comprend dès lors, que le
système d'arbitrage de la CCJA soit une sorte de prolongement de la
justice étatique des Etats partis à l'OHADA.
En outre, on peut reprocher la justice arbitrale OHADA d'avoir
eu l'audace d'épouser la pensée économique dominante en
imprimant une évolution tendant à banaliser l'Etat et les
personnes morales de droit publique77, de la conduite des affaires
économiques ou de les introduire dans le champ des activités
77 L'article 2 Al 2 de l'Acte Uniforme ramène
l'Etat et les collectivités publiques au rang de simples particuliers
mais laisse entier le problème de l'exécution des sentences
rendues dans un litige impliquant l'Etat ou l'un de ses dénombrements
puisqu'ils jouissent d'une immunité d'exécution.
69
économiques en leur enlevant toute prérogative
exorbitantes de droit commun, pour faire d'eux des sujets de droit et des
justiciables ordinaires78. Cette révolution troublante est
portée par le principe de la participation des personnes africaines de
droit public à l'arbitrage OHADA79.
SECTION II : LES PERSPECTIVES DE LA JUSTICE ARBITRALE
DANS L'ESPACE OHADA
Nous avons l'impression, qu'au-delà de sa valeur, et de
son apport remarquable à l'économie mondiale, l'arbitrage s'est
laissé trop envahir par les juristes qui ne sont pas suffisamment
attentifs à l'efficacité attendue par les agents
économiques80.
Comment pourrait-on essayer de remédier à cette
situation ?
La voie la plus appropriée ne serait-elle pas celle de
la liberté qui, par nature et par finalité, marque heureusement
le phénomène arbitral et que dans les dernières
décennies, les législateurs nationaux n'ont pas
hésité à reconnaître et à consacrer ?
PARAGRAPHE I: LES RÉFORMES SOUHAITABLES DU DROIT
DE
L'ARBITRAGE
Il semble qu'au-delà de la revendication et de la
proclamation de la liberté, le monde arbitral n'en fasse pas l'usage
qu'il pourrait en faire pour mieux répondre aux préoccupations et
aux attentes des agents économiques qui souhaiteraient que la voie de
l'arbitrage soit davantage celle de la meilleure efficacité possible au
terme d'une procédure plus rapide et moins coûteuse.
78 Le Conseil d'Etat français a jugé
à propos d'une saisie-arrêt dirigée contre la
société nationale des entreprises de presse que ces
dernières étaient exonérées des voies
d'exécution. CE 9 juillet 1951, B, 1952. 141 ; S, 1952. 125
79 Jean Marie TCHEKOUA, « L'exécution
des sentences arbitrales dans l'espace OHADA sur une construction
inachevée à partir du cadre camerounais », Revue
africaine des sciences juridiques, Vol 6, N°1, 2009. pp.8-11
80 Alexis MOURRE, Précité
70
A- LA SIMPLIFICATION ACCRUE DE LA PROCEDURE
Il faudrait que dans le respect des principes et acquis de
l'arbitrage, des idées nouvelles se fassent jour pour tenter de
répondre à de tels souhaits.
Ne pourrait-on pas songer, dans cette perspective et à
cette fin, à une attention accrue à la psychologie des
comportements, à la diversification de la procédure arbitrale en
fonction de l'objet de la demande et des attentes des parties, à la
simplification de la procédure arbitrale et de l'argumentation qui y est
présentée et soutenue, à l'importance de l'analyse
économique des données du conflit en parallèle à
l'analyse juridique et à une meilleure prise en compte de
l'intérêt général. La mondialisation évoque
l'idée d'un marché qui englobe toute la
planète81. Les agents économiques paraissent s'y
introduire et s'en mêler sous les mêmes aspirations et les
finalités. Il s'agit de conquérir le pouvoir et d'y forger la
meilleure réussite possible à la faveur des principes, plus ou
moins assurés et surveillés par les autorités de
régulation, du libres accès aux territoires et aux ressources et
de la libre concurrence.
Cette identité et cette uniformité, des
sentiments, des souhaits et des comportements se traduisent et se retrouvent,
à des intensités différentes, dans une extrême
variété culturelle, économique, sociale, juridique,
d'organisation, de structure d'activités et de conflits.
B - LA DIVERSIFICATION DU TRAITEMENT ARBITRAL
Cette diversité est accentuée et
amplifiée par les droits nationaux qui, malgré les rapprochements
et les accords internationaux, imposent leur souveraineté et leurs
spécificités sur les territoires qui sont les leurs.
81 Sous l'impulsion des technologies de
l'information et de la communication et du libéralisme
économique, le monde est devenu un village planétaire où
tous les ensembles économiques sont interdépendants.
71
Les relations économiques internationales sont ainsi
multiples et variées dans leur organisation, leur structure, leur forme,
leurs expressions et le ou les droits qui s'y appliquent. La
multiplicité et la diversité des conflits y font écho.
Au-delà de cette extrême diversité, toutes
les relations économiques connaissent cependant, leur source et leur
base, la même démarche conflictuelle qui les crée, les
construit et les développe. L'activité économique est,
avant tout, la résultante d'une confrontation, d'une discussion, d'une
négociation et d'une conviction. Le dialogue y est ou devrait y
être permanent dans la confrontation des opinions, des points de vue et
des projets.
L'économie se construit et se vit ou devrait se vivre
dans le dialogue plus ou moins conflictuel.
Le conflit peut perdre son caractère constructif et
devenir agressif et destructeur. La démarche de l'un devient sourde
à la démarche de l'autre. Les divergences se durcissent, les
frontières se ferment et les esprits se complaisent dans des accusations
réciproques.
PARAGRAPHE II : LES MOYENS DE LA VALORISATION DE
L'ARBITRAGE
La valorisation et l'efficacité de l'arbitrage
impliquent une attention accrue à l'intégralité de la
démarche de ceux qui y ont recours et à toutes les raisons qui
les guident. Il s'agit de saisir l'humain dans toutes ses composantes et de ne
pas réduire l'écoute aux seules formulations juridiques que
comportent les prétentions et les démarches des parties en
litige82.
L'esprit et l'organisation de l'arbitrage doivent faire
écho à la réalité subjective des comportements des
agents économiques dont l'extrême diversité, rationnelle,
irrationnelle, émotionnelle, sentimentale et passionnelle,
dépasse
82 L'arbitrage tient de plus en plus compte de la
psychologie des comportements pour asseoir sa sentence.
72
largement la distinction morale que le droit a retenue au
cours des âges entre ceux qui sont de bonne foi et ceux qui ne le sont
pas et qui n'hésitent pas à avoir recours, par fraude et par
malhonnêteté, aux techniques et aux procédures les plus
répréhensibles.
A- LA SAUVEGARDE DES RELATIONS ENTRE AGENTS
ECONOMIQUES
Sans rêver au passé et sans prétendre
revenir à des situations anciennes, il nous parait néanmoins
essentiel que le monde de l'arbitrage s'efforce d'ajouter à sa valeur,
celle de la sérénité et mettre tout en oeuvre pour que les
procédures s'y déroulent de la manière la plus comparable
à celle qu'adoptent et que suivent les agents économiques dans
l'exécution de leurs relations contractuelles. Il faudrait que pour
résoudre le conflit, les parties conservent la même attitude que
celle qui est la leur dans l'exécution du contrat, étant la mise
en oeuvre des moyens raisonnablement attendus pour aboutir, dans
l'intérêt des deux parties, aux finalités
recherchées. L'arbitrage pourrait à cet égard s'inspirer
de l'atmosphère actuelle de la médiation et des procédures
alternatives de règlement des litiges et constituer peut-être le
banc d'essai d'une nouvelle psychologie judiciaire.
Un meilleur climat dès l'introduction de la
procédure arbitrale réduit les tensions et permet d'affecter les
énergies à l'essentiel de la tâche arbitrale, étant
la fin, la plus rapide et la moins chère, du conflit qui oppose les
parties et de la paralysie qui en résulte83. De nombreux
arbitres y veillent déjà et organisent, dès leur
nomination, des réunions de rencontre et de mise au point des
procédures. Il serait très heureux que les arbitres fassent
davantage preuve de leur expérience dans l'organisation et la tenue des
réunions et indiquent notamment s'il y a intérêt et un
avantage à y inviter les responsables des parties afin que dès ce
stade, ceux-
83 Alan REDFEM, Droit et pratique de l'arbitrage
international, LGDJ ,2e p. 19
73
ci puissent, sans la moindre reconnaissance
préjudiciable, faire part de leurs préoccupations et leurs
attentes.
Le monde arbitral doit promouvoir sans cesse l'information
précise dont le monde économique a besoin et l'analyse
approfondie de cette justice privée qui peut rendre d'éminents
services à l'économie internationale.
B - LA TECHNICITE DE LA PROCEDURE
Si la justice publique peut éventuellement être
encombrée par un nombre important de telles demandes de clarté et
de certitude, le danger ne se trouve pas au niveau de la justice privée
qui peut librement s'organiser et se développer au rythme des demandes
qui lui sont
soumises.il nous paraît
dès lors heureux, sinon indispensable d'étudier la
possibilité de réponse adéquatement à cette
nécessité sécuritaire. Elle s'impose également,
à un autre niveau et dans une autre perspective, au
bénéfice du développement et la promotion des
activités économiques.
Les mêmes perspectives devraient être
explorées au niveau de tous les litiges dont l'objet est
essentiellement, sinon exclusivement technique.
Il serait heureux de tenter de réduire de trop
fréquentes nominations, par les autorités judiciaires, d'experts
chargés de leur faire rapport sur les questions techniques et d'indiquer
les remèdes qui pourraient y être apportés. Les expertises
judiciaires paraissent moins fréquentes dans le monde arbitral qui peut,
quant à lui, introduire la dimension experte dans la composition
même du tribunal arbitral. Celui-ci peut, en effet, être
composé d'un ou deux experts appelés à remplir leur
mission arbitrale avec la collaboration d'un ou deux juristes.
Une telle technicité du tribunal arbitral pourrait
permettre un dialogue technique direct avec les parties qui seraient
invitées à suivre la procédure, que chacune fasse appel
à l'un ou plusieurs experts de son choix qui l'accompagnent dans la
rédaction de ses mémoires et dans la présentation de ses
arguments.
La procédure arbitrale pourrait ainsi se limiter au
seul examen des questions techniques auxquelles les parties sont
confrontées si elles estiment qu'à l'aide de la sentence qui sera
rendue à son terme, elles seront en mesure de régler toutes les
conséquences qui en résultent84.
74
84 Guy HORSMAN, Article précités, p.
39
75
CONCLUSION
Face au déclin de l'aide publique au
développement et de la promotion de l'investissement privé
international comme principal facteur de financement des pays en voie de
développement, de plus en plus d'Etats cherchent à s'adapter
à la globalisation financière. Ces Etats ont pris conscience
qu'un refus ou une méfiance excessive à l'égard de la
justice privée, pénaliserait leurs entreprises. Leurs
partenaires, leurs clients et leurs concurrents leur feraient payer un statut
défavorable, qui représenterait un risque financièrement
quantifiable, d'où la nécessité de mettre en place un
environnement économique et juridique favorable aux investissements
financiers.
C'est pourquoi les Etats parties de 1'OHADA ont entendu faire
de l'arbitrage un mode privilégié de règlement des
litiges. Ce qui expliquerait les nombreux chantiers de réformes sur le
continent Africain du droit des affaires. L'arbitrage est d'abord une question
de culture. Initialement il est né de la volonté des acteurs
économiques de couvrir leurs risques commerciaux et de la
méfiance qu'ils avaient pour les systèmes judicaires de leurs
espaces économiques.
Les pays industrialisés ont mis en place des organismes
d'assurance à l'exportation et des institutions85 pour
couvrir ces risques.
Dans ce contexte, le développement de l'arbitrage sera
fonction de la capacité des Etats à regrouper leurs
infrastructures au niveau régional pour attirer les investisseurs
privés. A ce titre, l'éclosion des grands marchés
régionaux constitue un facteur d'adaptation à la mondialisation
de l'économie et de l'universalisation de l'arbitrage. En outre les
réformes économiques nécessitent d'être poursuivies,
approfondies pour l'émergence d'une classe d'entrepreneurs locaux
capables de favoriser l'investissement privé national et
international.
La multiplication des arbitres et des juges africains
professionnels constituent un gage pour le développement de l'arbitrage.
L'OHADA a favorisé
85 Fonds Européen de Développement des
institutions de Bretton Woods.
76
l'émergence d'un espace juridique africain qui
mérite d'être élargi, étendu aux autres Etats du
continent et d'être perfectionné par la pratique.
Par ailleurs dans le droit des affaires, il y a deux termes
aussi importants l'un que l'autre. «Droit» et « Affaires ».
La maîtrise des problèmes posés dans les contrats
d'affaires et les montages complexes supposent impérativement une double
compétence de l'arbitre: une compétence en droit et une
compétence dans les affaires. L'une ne va pas sans l'autre.
Or, chacun du simple particulier à l'entreprise doit
obtenir une réponse adaptée aux difficultés auxquelles il
est confronté. Si l'amélioration de l'accès au droit et
à la justice et l'essor des autres modes alternatifs du règlement
des conflits sont une priorité, ils n'excluent nullement le
développement parallèle de la justice arbitrale. Les parties qui
sollicitent un arbitrage poursuivent le même objectif d'efficacité
et d'apaisement, tout en recherchant une réponse extrajudiciaire
jugée adaptée à leur problème. Cette volonté
commune fait de l'arbitrage un mode à part entière de
résolution de conflits.
La justice arbitrale doit être encouragée,
surtout qu'elle jouit aujourd'hui de l'expérience consolidée des
cercles toujours plus étendus de praticiens. Elle
bénéficie de celle des institutions d'arbitrage qui assure la
validité des sentences, elle s'appuie sur les acquis des jurisprudences
nationales.
La culture arbitrale se mondialise et s'uniformise. Mais ces
succès imposent qu'on s'interroge précisément sur l'avenir
de la justice arbitrale. En effet le spectaculaire développement de
l'arbitrage peut laisser perplexe.
D'une part, il témoigne d'une méfiance
justifiée ou non, à l'égard des juridictions
étatiques que les plaideurs estiment incapables de trancher
convenablement certains litiges. Ce phénomène est suffisamment
grave pour être pris en considération car rendre la justice
étant l'une des missions fondamentales de l'Etat, l'on ne saurait
admettre une «privatisation» même partielle de celle-ci.
Le recours quasi systématique à une justice
privée révèle le mauvais fonctionnement du service public
de la justice, comme le développement du
77
secteur privé dans les hôpitaux témoigne
la médiocrité des soins qui sont dispensés aux malades du
secteur public. Une utilisation inconsidérée de l'arbitrage,
surtout dans les litiges internes, risques d'accélérer vers une
société à deux vitesses car l'arbitrage, justice de
qualité mais justice de luxe, sera réservée aux plaideurs
fortunés alors que les litiges intéressant les citoyens moins
favorisés s'enliseront devant les juridictions d'Etat.
D'autre part, les questions de procédure prennent de
plus en plus d'importance dans les arbitrages de telle sorte que les
juridictions arbitrales s'épuisent à trancher des incidents
purement artificiels de procédures au lieu de se concentrer sur le fond
du litige. Cette évolution est d'autant plus curieuse et regrettable,
qu'au même moment les procédures devant les juridictions d'Etat
tendent à se simplifier. Si l'on n'y prend garde, le moment viendra
bientôt où l'on fera plus de procédure, au mauvais sens du
terme, devant des arbitres que devant des juges.
Enfin le développement des centres d'arbitrage, bien
qu'opportun en lui-même, a parfois des effets contestables. Il peut
recréer les mêmes pesanteurs bureaucratiques que celles qui
entravent le fonctionnement des juridictions d'Etat. Il peut compromettre
l'impartialité des arbitres à partir du moment où ceux-ci,
faisant profession de l'arbitrage, hésitent à mécontenter
un plaideur susceptible de les désigner à l'occasion d'autres
litiges.
L'arbitrage, surtout dans les relations internes, doit
demeurer un mode accessoire de règlement de certains litiges. II ne
saurait devenir l'équivalent de la justice d'Etat. En tout état
de cause, certaines interrogations méritent d'être
soulevées:
Faut-il toujours aller vers plus de règles, de
formalisme, plus de judiciarisation?
En tout état de cause, la justice arbitrale se doit de
servir à la fois la justice des hommes et le développement des
peuples86.
78
86 Philippe FOUCHARD, Le rôle de
l'arbitrage commercial, AF Caire, 14.21. décembre 1996.
79
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84
IV- TEXTES LÉGISLATIFS ET RÈGLEMENTAIRES
Traité relatif à l'harmonisation du droit des
affaires en Afrique, signé à Port-Louis
le 17 Octobre 1993, OHADA, Traité et actes uniformes
commentés et annotés, juriscope, 4ème
édition, 2012
Acte Uniforme relatif au droit de l'arbitrage, adopté le
11 mars 1999, Traité et actes uniformes commentés et
annotés, juriscope, 4ème édition, 2012
Règlement de procédure de la Cour Commune de
Justice et d'Arbitrage, adopté
le 18 avril 1996, Traité et actes uniformes
commentés et annotés, juriscope, 4ème édition,
2012
85
TABLE DE MATIERES
SOMMAIRE I
DÉDICACE II
REMERCIEMENTS III
SIGLES ET ABREVIATIONS IV
AVERTISSEMENT V
INTRODUCTION 1
PREMIERE PARTIE : L'ORGANISATION DE LA
JUSTICE
ARBITRALE DANS L'ESPACE OHADA 6
CHAPITRE I : LA JUSTICE ARBITRALE INSTITUTIONNELLE
9
SECTION I : L'ARBITRAGE INSTITUTIONNEL SOUS L'EGIDE DE
LA
CCJA 9 PARAGRAPHE I : L'ORIGINALITE DU SYSTEME
D'ARBITRAGE DE LA
CCJA 10 A- LE ROLE DE LA VOLONTE DES PARTIES DANS
L'ARBITRAGE
CCJA 10
B-LE ROLE DU CENTRE D'ARBITRAGE DE LA CCJA 12
PARAGRAPHE II : LE PARTICULARISME DU REGIME PROCEDURAL
14
A- L'INSTANCE ARBITRALE 14
B-L'EFFICACITE DE LA SENTENCE ARBITRALE 16
1- LA RECONNAISSANCE DE LA SENTENCE ARBITRALE ET
L'EXEQUATUR 16
a) LA DEMANDE D'EXEQUATUR 16
b) L'EXECUTION DE LA SENTENCE 17
2- LES VOIES DE RECOURS CONTRE LA SENTENCE 18
ARBITRALE 18
a) LE RECOURS EN ANNULATION 18
b) LE RECOURS EN REVISION 20
c) LA TIERCE OPPOSITION 21
86
SECTION II : L'ARBITRAGE SOUS L'ÉGIDE
D'INSTITUTIONS
NATIONALES : CAS DE LA CÔTE D'IVOIRE ET DU
SÉNÉGAL 22 PARAGRAPHE I : LA PRATIQUE ARBITRALE ET
L'INSTITUTION
ARBITRALE EN CÔTE D'IVOIRE 22
A- La pratique arbitrale avant la création de la CACI
22
B- La CACI et la vulgarisation de l'arbitrage 26
1) La méconnaissance de l'arbitrage 27
2) L'Extension du champ d'application de l'arbitrage 28
3) Les défaillances de la justice étatique et
développement de l'arbitrage 29 PARAGRAPHE II : LA PRATIQUE ARBITRALE ET
L'INSTITUTION
ARBITRALE AU SENEGAL : CAMD 30
A- LE REGIME GENERAL 31
B- LES REGIMES PARTICULIERS 32
1) L'ARBITRAGE SPECIFIQUE DE LA CCJA 32
2) LES ARBITRAGES ORGANISES PAR DES CENTRES
NATIONAUX : CAMD 32
3) LES RAPPORTS ENTRE LES DIFFERENTS ARBITRAGES ADMINISTRES
EXISTANT AU SEIN DE L'ESPACE OHADA (CCJA
et CENTRES NATIONAUX) 33
CHAPITRE II : LA JUSTICE ARBITRALE AD'HOC 35
SECTION I : LES CARACTERES DE L'ARBITRAGE AD'HOC 36
PARAGRAPHE I : LES MÉCANISMES DE
DÉSIGNATION DES
ARBITRES AD' HOC 36
A- LA PLACE DE LA VOLONTE DES PARTIES DANS LA
DESIGNATION DES ARBITRES AD' HOC 36
B- L'IMPORTANCE DU LIEU D'ARBITRAGE 37
C- LA POSSIBILITE D'ASSISTANCE AUX PARTIES DANS LE
CADRE D'UN ARBITRAGE AD' HOC 38
87
PARAGRAPHE II : L'EVOLUTION DE L'ARBITRAGE AD'HOC
DANS
L'ESPACE OHADA 39
A- L'ARBITRAGE AD' HOC AU SENEGAL ET EN COTE D'IVOIRE
40
B- L'ARBITRAGE AD' HOC EN GUINEE 41
SECTION II : LES CONSEQUENCES DE L'ARBITRAGE AD'HOC 41
PARAGRAPHE I : LES AVANTAGES DE L'ARBITRAGE AD'HOC 42
A- UN ARBITRAGE RAPIDE ET PEU COUTEUX 42
B- L'ADAPTABILITE DE L'ARBITRAGE AD' HOC 43 PARAGRAPHE II
: LES INCONVENIENTS DE L'ARBITRAGE
AD'HOC 43
A- L'INCOMPATIBILITE ENTRE L'ESPRIT ET LE CONFLIT 43
B- LES INCONVENIENTS LIES A LA REDACTION D'UNE
CONVENTION DEFECTUEUSE 44 DEUXIEME PARTIE:
L'EFFICACITE DE LA JUSTICE ARBITRALE
DANS L'ESPACE OHADA 45 CHAPITRE I :
L'EFFICACITE AFFIRMEE DE LA JUSTICE ARBITRALE
DANS L'ESPACE OHADA 48
SECTION I : LES RAISONS DE L'EFFICACITE AFFIRMEE 49
PARAGRAPHE II: LA CONSECRATION DU REGLEMENT
CONTRACTUEL DU LITIGE 49
A- L'EXALTATION DE L'AUTONOMIE DE LA VOLONTE 49
B- LE CORPORATISME DE LA JUSTICE ARBITRALE 52
PARAGRAPHE II- L'ADAPTABILITE DE LA JUSTICE ARBITRALE 55
A- L'ARBITRAGE EN DROIT OU EN EQUITE 55
B- L'ARBITRAGE AU COEUR DES CONNEXIONS ENTRE DROIT ET
ECONOMIE 57
SECTION II : LES PERFORMANCES DE LA JUSTICE ARBITRALE 58
88
PARAGRAPHE II : L'ALTERNATIVE A L'INEXISTENCE DE
JURIDICTION ECONOMIQUE INTERNATIONALE 58
A - L'EVOLUTION RAPIDE DE L'ARBITRAGE 59
B- L'INFLUENCE POSITIVE DE LA GLOBALISATION DES MARCHES ET
TECHNOLOGIES REVOLUTIONNAIRES SUR
L'ARBITRAGE 60
C- LES REPERCUSSIONS AU PLAN JURIDIQUE 61 PARAGRAPHE II :
LA QUÊTE DE L'ORDRE ET DE LA
SECURITE 61
A- LA DIMENSION INSTITUTIONNELLE 62
B- LA DIMENSION NORMATIVE 62 CHAPITRE II : L'EFFICACITE
LIMITEE DE LA JUSTICE ARBITRALE
DANS L'ESPACE OHADA 63
SECTION I : LA TENDANCE A LA JUDICARISATION 64
PARAGRAPHE I : L'INTRUSION DE PROCEDURIERS 64
A- LA MISE A MAL DU PRINCIPE DE CONFIDENTIALITE 64
B- LE DEVELOPPEMENT DE NOUVEAUX MODES ALTERNATIFS
DES REGLEMENTS DES LITIGES 65 PARAGRAPHE II : LA PRATIQUE DE
L'ARBITRAGE DANS L'ESPACE
OHADA : UN BILAN DECEVANT 66
A- L'ARBITRAGE, UNE JUSTICE DE DEUXIEME ORDRE 66
B- LES LACUNES DE LA JUSTICE ARBITRALE OHADA 68 SECTION II
: LES PERSPECTIVES DE LA JUSTICE ARBITRALE DANS
L'ESPACE OHADA 69
PARAGRAPHE I: LES RÉFORMES SOUHAITABLES DU DROIT DE 69
L'ARBITRAGE 69
A- LA SIMPLIFICATION ACCRUE DE LA PROCEDURE 70
B - LA DIVERSIFICATION DU TRAITEMENT ARBITRAL 70
PARAGRAPHE II : LES MOYENS DE LA VALORISATION DE 71
89
L'ARBITRAGE 71
A- LA SAUVEGARDE DES RELATIONS ENTRE AGENTS
ECONOMIQUES 72
B - LA TECHNICITE DE LA PROCEDURE 73
CONCLUSION 75
BIBLIOGRAPHIE 79
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