SECTION II LE DROIT INTERNATIONAL ET LA MISE EN OEUVRE
D'UNE INTERVENTION PREVENTIVE
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L'évocation de la délicate problématique
des violations et graves des droits les plus élémentaires de
l'être humain a pour objectif de sensibiliser les hommes, les pousser
à la réflexion et donc, à l'interrogation à propos
de faits réels, de pratiques courantes qui ont existé et qui
existent encore, celles de violer massivement et scandaleusement les droits de
l'être humain dans plusieurs coins du monde. Ce constat se heurte, en
droit international, à des interdits que la charte des Nations Unies
avait soigneusement et prodigieusement rappelés, à savoir le
principe de non-recours à la force armée et le principe de
non-intervention dans les affaires internes d'un Etat Souverain.
Mais l'essor du droit international humanitaire et des droits
de l'homme, depuis une vingtaine d'années, va largement tempérer
cet exclusivisme de la Souveraineté étatique. Les violations
flagrantes et persistantes des droits de la personne sont de moins en moins
tolérées et le droit international évoluée vers la
contestation de la Souveraineté inviolable, en vue de justifier des
actions à titre humanitaire.
Depuis la fin des années 1990, la protection humaine a
gagné du terrain en tant que référence pour l'action
collective en cas de menaces massives contre des populations civiles. Et alors
que la mise en place d'un droit international consacrant le droit
d'ingérence humanitaire peine à voir le jour, jamais dans
l'histoire du droit humanitaire, autant d'organismes d'aide n'ont secours
autant de personnes, depuis vingtaine d'années. Ce
phénomène illustre à la fois l'essor et la reconnaissance
internationale du mouvement humanitaire. Certes, le droit d'ingérence
est une mode et comme toute mode, elle disparait quelques temps mais revient
soudain en force et certains faits internationaux récents avaient remis
à l'ordre du jour la notion du droit d'ingérence humanitaire.
Il s'agit, en premier lieu, de la situation au Darfour,
province Soudanaise en proie à une guerre civile qui a fait plusieurs
centaines de milliers de morts depuis 4ans. Massacres de civils, pillages,
stratégies de terreur, politiques de déplacement de populations :
les violences de masse que subissent les Darfour riens suscitent
désormais l'intérêt de la communauté internationale
.Les medias et les activistes n'hésitent pas à convoquer le
génocide Rwandais pour sommer la communauté internationale
à agir.
En deuxième lieu, les chaines d'information continue
dans le monde n'ont pas raté l'occasion de mettre l'accent sur les
émeutes et les manifestations des Tibétains ayant
débuté le 10 mars 2008. La répression du Bouddhisme, la
colonisation démographique du Tibet par les Hans Chinois, la
détérioration environnementale de la région et la
marginalisation Socio-économique des Tibétains sont des sujets
d'actualité qui avaient poussé à des controverses entre
Nations décidées à boycotter, ou par, les jeux olympiques
qui devraient avoir lieu, une fois de plus, le droit d'ingérence
humanitaire est évoqué par ses promoteurs, en vue de venir
à l'aide de populations opprimées
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La question qui nous occupe dans cette section est de savoir
si le droit international public permet la mise en oeuvre d'une guerre
préventive ? En d'autre termes, il s'agit de se demander si la guerre
préventive est juridiquement admissible ou non et dans quels cas elle
pourra être considérée comme légale au regard du
droit.
Le texte de référence en matière de droit
de la guerre est la charte de Nations Unies. En vertu de l'article 2 de la
charte « les Etats doivent régler leurs différends
internationaux par des moyens pacifiques de telle manière que la paix et
la sécurité internationale ainsi que la justice ne soient pas
mises en danger ». le paragraphes 4 de cet article précise que
« les Etats doivent s'abstenir dans leur relations internationales de
recourir à la menace ou à l'emploie de la force, soit contre
l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de
tout autre Etat, soit de toute autre manière incompatible avec le but
des Nations Unies » la charte des Nations Unies énonce en ces
termes le principe de l'interdiction du recours à la force
évoqué plus haut. Comme on l'a également vu plus haut, ce
principe souffre de certaines exceptions. Il s'agit d'une part de la
légitimité défense et d'autre part de l'utilisation de la
force dans le cadre du chapitre VII de la charte, c'est-à-dire, des
opérations des maintiens de la paix et de la Sécurité
collectives sous l'égide de l'O.N.U.
Pour être admissible au regard du droit, la guerre
préventive devrait donc pouvoir se classer dans l'une ou l'autre de ces
catégories d'exceptions on pourrait ajouter également une
troisième catégorie d'exception qui concerne le droit
d'ingérence à des fins humanitaires de manière à
prendre en compte les adoptions du droit international réalisées
dans le but de le rendre plus conforme à la réalité des
conflits d'aujourd'hui.
Ce qui est cependant certain, et c'est là réside
l'illégalité dans le cas de l'intervention Américaine en
Irak, c'est qu'il s'agit, selon que l'on parle de légitime
défense préventive ou d'ingérence militaire à des
fins humanitaires, dans l'un et l'autre cas, d'un recours à la force qui
ne peut se passer d'un mandat du Conseil de Sécurité.
§1 L'intervention préventive dans le cadre de
la légitime défense.
Le premier cas d'exception à l'interdiction du recours
à la force concerne donc la légitime défense. Le droit
international classique, au sens de l'article 51 de la charte des Nations
Unies, ne permet donc pas l'exercice d'une légitime défense
précédent une attaque de la part d'un Etat.
Comme toute branche de droit, le droit international n'est
cependant pas intangible aux mutations. Une application à la lettre des
principes reconnus dans la charte a, comme on l'a vu, maintes fois conduit
à laisser intactes des situations intolérables aux yeux des
droits de l'homme ou de la sécurité internationale. Il nous
semble dès lors opportun de donner poids aux arguments américains
qui affirment qu'il va à l'encontre du bon sens et de la tradition du
droit de la guerre d'attendre d'être attaqué pour pouvoir
riposter. Afin d'éviter de proclamer ce droit de l'adversaire d'attaquer
le premier, il semble logique d'interpréter largement l'article 51 de la
charte de Nations Unies de manière à permettre à un Etat
menacé d'une attaque imminente et grave de riposter avant même la
réalisation de cette attaque. Déjà en 1967, l'Etat
d'Israël
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faisait utilisation de cette notion de guerre
préventive en estimant que la mobilisation générale de ces
voisins Arabes légitimait le recours à une guerre
préventive en ce qu'elle constituait une menace pesant sur sa survie.
Cette interprétation extensive reviendrait à dire qu'un Etat
n'est pas oblige en toute circonstance d'attendre d'être attaqué
pour se prévaloir de son droit de légitime défense et
constituerait un assouplissement notable de l'article51 de la charte.
Il conviendrait cependant à notre avis de
déterminer en termes en termes juridiques les critères de
l'imminence d'une attaque et d'enserrer la définition de ce terme de
conditions strictes de manière à ne pas laisser
l'appréciation de cette imminence au jugement subjectif de l'Etat qui se
sent menacé. Ce nouveau droit de légitime défense
préventive consisterait en une nécessaire adaptation du droit aux
réalités des menaces du 21ème siècle et
ce, sans laisser libre cours à l'arbitraire de l'application des Etats.
Les conditions de l'imminence de l'attaque seraient des lors
évaluées par le Conseil de Sécurité et c'est
finalement cet organe qui donnerait son approbation au lancement d'une attaque
préventive.
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