§2 le Droit d'ingérence, signe d'une
adaptation nécessaire du Droit international.
Interdit par la charte des Nations Unies,
tolérée par certaines résolutions de l'assemblée
générale, largement utilisé dans la pratique, le droit
d'ingérence occupe cependant aujourd'hui une place non
négligeable dans la pratique des relations internationales
contemporaines. Premier signe d'une mutation du droit international, il
témoigne de son incapacité à gérer certaines
situations critiques qui mettent en cause la sauvegarde même de droits
fondamentaux de la personne humaine. Le droit des Nations Unies, que l'on
croyait imperméable à toute modification, semble devoir prendre
la voie d'une adaptation aux réalités de son temps sous peine de
perdre sa raison d'être. Le risque est cependant grand que cette mutation
du droit international ne se fasse qu'au profit des plus grands.
Il réside en effet une dimension non négligeable
d'arbitraire et d'opportunisme dans ce concept ambigu de droit
d'ingérence. Certains Etats, fort de leur puissance et de leur ascendant
sur les autorités internationales, pourraient dès lors
négliger la propension essentiellement humanitaire de ce droit de
manière à en faire un usage abusif aux fins de satisfaire des
intérêts stratégiques, économiques ou
géopolitique. On en reviendrait donc à une sorte d «
`humanitaire d'Etats » et à la création de
précédents que d'autres Etats seraient tentés d'invoquer
à leur profit.
Afin d'éviter cette part de sélectivité
et de « double standard » il convient à notre avis de «
codifier » ce droit issu de la pratique. Les contraintes juridiques qui
entoureraient l'utilisation exceptionnelle de ce droit en cas de situation
d'urgence humanitaire permettaient de former une barrière contre
l'unilatéralisme et l'arbitraire des protagonistes de
l'ingérence. On préconise également de distinguer ces
conditions selon l'ingérence que l'on se projette d'opérer.
S'agit-il d'une ingérence proprement humanitaire destinée
à aider certaines
66 Convention de Vienne du 3 mai1996, dans, pierre
Marie DUPUY, Les grands principes de droit international public,
2èmeéd, Paris Dalloz, 2000, P213.
67 Résolution
1999/2,Aout1999,UNDOC.E(CN.4/2000/2)
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populations par l'action pacifique d'organisations
humanitaires ou se place-t-on sur le terrain de l'ingérence militaire
à des fins humanitaire ? Les conditions nécessaire à une
telle intervention armée doivent sans nul doute être beaucoup plus
strictes et nécessitent l'attention toute particulière de
l'organe compètent en vérifier la réalisation.
Cette compétence devrait, selon nous, revenir à
une instance indépendante. Cette instance pourrait être le Conseil
de Sécurité mais nous pensons que sous sa forme actuelle, il ne
pourrait agir en toute indépendance. Reflet du monde au lendemain de la
seconde guerre mondiale, le fonctionnement du Conseil de Sécurité
et les droits de veto de ses cinq membres permanents ne sont plus, à
notre avis, adaptés à la gestion des conflits de notre temps.
Quitte à décevoir les lecteurs, on ne formulera pas de
proposition quant à un fonctionnement plus effectif du Conseil de
Sécurité car tel n'est pas l'objet de ce travail et nous
étendre sur ce point nous emmènerait trop loin.
Quoi qu'il en soit, que l'on se range ou non à cette
proposition de légiférer la matière de l'ingérence,
le recours à cette pratique dans un but humanitaire, dans la mesure
où elle va à l'encontre d'un principe fondamentaux du droit
international, doit rester exceptionnel. L'ingérence dans les affaires
intérieures d'un Etat nécessité, dans le cadre juridique
tel qu'on le conçoit aujourd'hui, une autorisation préalable du
Conseil de Sécurité, ceci d'autant plus que celle-ci peut
conduire à un emploi de la force militaire.
Enfin, la théorie de l'ingérence
révèle toute l'incapacité du droit international à
prendre en compte des acteurs nouveaux sur la scène internationale,
issus de la mondialisation le rôle et l'action d'organisations
internationales telles que le Haut-Commissariat pour les
Réfugiés(HCR) ou la Croix-Rouge ne peuvent plus être
ignorés par le droit international. La subsistance dans le long terme de
ce droit sera tributaire de son aptitude à intégrer ces nouveaux
acteurs en son sein.
Les protagonistes de l'ingérence ont voulu mettre
l'emphase sur cette inadaptation du droit à la résolution des
conflits de son époque, sur son ignorance des droits fondamentaux de la
personne, ils n'ont pas voulu semer le doute quant à son existence
même. Ils mettent en exergue la nécessité d'une mise en
conformité du droit avec son temps. Une adaptation s'impose donc et
l'urgence en est d'autant plus brulante aujourd'hui que d'autres concepts sont
mis en avant pour tenter de légitimer un recours à la force de
moins en moins limité par les prescrits de la charte de Nations Unies et
qui eux, ouvrent la voie à une véritable remise en cause des
principes du droit des Nations-Unies.
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