Jeux, enjeux et contraintes des grandes puissances au cours du printemps arabe. Le cas des membres du CSNU.( Télécharger le fichier original )par Ange Joachim MENZEPO Université de Dschang-Cameroun - Master en Sciences politiques 2015 |
PARAGRAPHE II : DES CONTRAINTES SPECIFIQUES AUX ETATS-UNIS ET A LA FRANCE.Il existe des contraintes spécifiques aux Etats-Unis d'une part et à la France d'autre part. Ce sont la prise en compte de l'opinion publique américaine par le gouvernement de Barack OBAMA (A), contrainte spécifique aux Etats-Unis et une absence de politique africaine de François HOLLANDE, couplée à une décision d'action en retrait en Afrique avec réorientation des actions dans un autre champ (B). A. La prise en compte de l'opinion publique américaine par le gouvernement de Barack OBAMALa prise en compte de l'opinion publique américaine par le gouvernement de Barack OBAMA est un obstacle à la poursuite de leurs actions au cours du printemps arabe. En effet, le choix et la promotion d'un leadership discret, et d'une intervention vite limitée à un rôle de soutien et non de combat, a été fait surtout pour rendre moins visible la participation américaine aux yeux de l'opinion américaine de plus en plus réticente à voir le pays s'engager dans une nouvelle aventure militaire dans un pays musulman, alors que le sentiment isolationniste n'a jamais été aussi élevé depuis un demi-siècle selon une étude du Pew Research Center888(*). Cette situation n'est pas nouvelle WHITAKER S. Jennifer écrivait déjà : « aujourd'hui, la plupart des Américains considéraient comme de la folie pure et simple, l'emploi d'unités combattant n'importe où - ou presque - hors de nos frontières »889(*). En effet, si le « leadership en retrait », a été et demeure très critiqué par les élites politiques, les experts et les commentateurs de tous bords, il a été en revanche largement validé par l'opinion américaine. C'est ce que montre le Chicago Council on Global Affairs, dont l'étude annuelle sur l'opinion publique américaine en politique extérieure fait référence890(*). Son édition 2012 a confirmé la lassitude de la population américaine dans son ensemble vis-à-vis de l'aventurisme extérieur de ses dirigeants : 38% des Américains disent même vouloir que « les Etats-Unis restent à l'écart des affaires du monde », le chiffre le plus élevé depuis la première étude en 1947. Ce sentiment est même majoritaire dans la jeune génération (les personnes âgées entre 18 et 29 ans), qui sont 52% à vouloir que leur pays adopte un rôle plus en retrait vis-à-vis du reste du monde, comparé à 35% pour les autres classes d'âge (à l'inverse, les plus favorables à un rôle actif sont les plus de 60 ans). Sans être totalement insensibles à ce qui se passe hors de leurs frontières, les électeurs américains comprennent difficilement les investissements gigantesques engagés dans des opérations extérieures, au détriment souvent de leur propre bien-être891(*). Enfin, le Chicago Council accorde un chapitre entier à la Libye intitulé « un modèle pour de futures interventions ? »892(*) qui s'interroge sur la perception du fait que les Etats-Unis n'ont pas joué le rôle principal, laissant le leadership à la France et à la Grande-Bretagne. Cette évolution apparaît comme éminemment acceptable pour le public américain : seuls 7% considèrent que Washington aurait dû avoir le premier rôle, tandis que 72% estiment que les Etats-Unis ont fait le bon choix en ne s'impliquant pas en première ligne en Libye (19% pensent que les Etats-Unis n'auraient pas dû participer du tout). Ainsi tant la division du congrès pendant le vif des interventions893(*), que la prise en compte de l'opinion publique sont des obstacles avec lesquelles le gouvernement américain a dû composer pour mener son intervention en Libye avec en toile de fond l'éviction stratégique de la Chine en Afrique. De même, le Congrès a empêché l'administration OBAMA d'effectuer des investissements dans les infrastructures libyennes894(*). Dès lors, il s'est certainement posé une question, celle de savoir comment atteindre son objectif sans risquer de perdre la sympathie des concitoyens Américains, potentiels électeurs surtout que l'année 2012 se présentait comme une année électorale au sommet de l'Etat ? Ceci a donné naissance au leadership from behind qui leur permet d'avoir une part dans le partage du gâteau tout en satisfaisant l'opinion publique américaine. La politique étrangère américaine a cherché ses marques entre « un désir de se désintéresser du monde et un besoin de s'en préoccuper»895(*). Elle s'est aussi appesantie sur la sauvegarde de ses intérêts. * 888 MAYA (K.), « OBAMA et la Libye, aux origines du leading from behind », op.cit. * 889 WHITAKER (S. J.), op. cit., p. 173. * 890 Chicago Council on Global Affairs, Foreign Policy in the New Millenium: Results of the 2012 Chicago Council Survey of American Public Opinion and US Foreign Policy: http://www.thechicagocouncil.org/, consulté le 03 mars 2013. * 891 SLOAN (S.) op. Cit., p. 28. * 892 http://www.thechicagocouncil.org, op.cit. * 893 Précisément au moment des actions militaires. * 894 BLANCHARD Christopher M., « Libya : Transition and U.S. Policy : Congressional Research Service », 18 octobre 2012, p. 10, en ligne, http://www.fas.org/sgp/crs/row/RL33142.pdf, consulté le 24 septembre 2014. * 895 MELANDRI Pierre et VAISSE Justin, L'Empire du milieu : Les Etats-Unis et le monde depuis la fin de la Guerre froide, Paris, Odile Jacob, 2001, p. 331. |
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