Jeux, enjeux et contraintes des grandes puissances au cours du printemps arabe. Le cas des membres du CSNU.( Télécharger le fichier original )par Ange Joachim MENZEPO Université de Dschang-Cameroun - Master en Sciences politiques 2015 |
B. Les conduites propres de la ChineC'est un truisme que les acteurs internationaux construisent leurs actions en fonction de la culture. La Chine ne s'attarde pas beaucoup sur la question des Droits de l'Homme. Elle est très fidèle à ses principes de Droit International au premier rang desquels le principe de non ingérence dans les affaires internes d'un Etat indépendant. Elle se manifeste par une extrême prudence et une absence d'ingérence (1), et aussi par une condamnation des actions des occidentaux (2). 1- L'extrême prudence chinoise et l'absence d'ingérence. Pékin a peur et semble relativiser la portée des révolutions arabes, allant jusqu'à déconsidérer ce type de changement comme l'atteste le traitement des médias chinois qui ne s'attardent guère sur les revendications et les origines de ces mouvements. L'objectif étant de ne pas donner des idées aux Chinois et notamment aux séparatistes musulmans situés au Nord ouest de la Chine335(*). Ils pratiquent le silence dans sa fonction d'occultation, sorte d'exorcisme : « on n'en parle pas, donc cela n'existe pas »336(*). Toutefois, le printemps arabe n'a pas fait émerger de nouveaux axes de politique extérieure chinoise dans la région, et n'a pas non plus amené Pékin à prendre davantage parti pour/contre certains acteurs politiques locaux comme cela a été le cas avec la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis qui ont opté pour un soutien aux rebelles. Au contraire, le principe traditionnel de non-ingérence est soutenu par certains chercheurs, notamment ceux exerçant dans des centres de recherche directement rattachés à des ministères. Par une analyse sans détour ils inspirent les conclusions gouvernementales suivantes : « les mouvements du printemps arabe ne sont pas des mouvements pour plus de démocratie, mais tout simplement pour plus de pouvoir d'achat, de meilleures conditions de vie... en un mot pour le développement économique»337(*). Donc, selon eux, le rétablissement de la stabilité, premier souhait de la Chine pour la région, pourra être assuré par n'importe quel parti (démocratique ou non, religieux ou laïc), à condition que celui-ci soit capable de mettre en place une politique de développement économique efficace. Suivant ce raisonnement, de nombreux analystes chinois soulignent que la Chine n'a pas particulièrement cherché à protéger l'ancien président égyptien Hosni MOUBARAK , ou à faire tomber Mouammar KADHAFI et que, de manière générale, la Chine peut entretenir des relations avec les pays indépendamment du parti politique et des orientations idéologiques défendues par les dirigeants locaux. En Egypte, la Chine ne se positionne pas par rapport aux Frères musulmans, par exemple. De manière générale, les considérations politiques ou sociologiques (partis, religion) semblent avoir joué un rôle relativement mineur par rapport aux considérations économiques, à la fois dans le processus d'analyse et de prise de décisions des autorités chinoises, qui n'ont pas manqué de condamner les actions des occidentaux, depuis l'émergence du printemps arabe. 2- La condamnation des actions des occidentaux. Lancés dans un interventionnisme à outrance, les alliés sont allés jusqu'à violer les dispositions des résolutions 1970 et 1973 contre la Libye. Dans cette perspective, la Chine déçue, se sentant trahie a violemment critiqué les actions des occidentaux338(*). Tirant les enseignements sur le printemps arabe, les autorités chinoises insistent sur « la faillite du système international de régulation des crises » et sur leur perte de confiance quant au rôle des Nations Unies339(*). Les grandes puissances n'ont pas seulement agi en solo. Déjà, dès les années 1950, des analystes tentent d'élargir l'analyse des relations internationales à d'autres phénomènes que les rapports de puissance, tentant de remettre en cause certains postulats de l'école réaliste. C'est le cas de Karl W. DEUTSH340(*), qui dès 1957 dans, Political Community and the North Atlantic Area, affirme que « les Etats n'agissent pas uniquement en fonction de rapports et de quêtes de puissance, mais sont aussi des entités interdépendantes pouvant former des communautés de sécurité »341(*). Le printemps arabe a donné naissance à de nouvelles alliances. Il a renforcé des alliances déjà existantes. Surtout que dans le cas de la crise libyenne, Mouammar KADHAFI se présentait comme un ennemi public commun pour la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. On a eu des alliances qui ont vu naître des actions en duo dictées par des coopérations bilatérales. Les actions à plusieurs, inspirées des coopérations multilatérales, n'ont pas été en reste. En fait de la capacité à ne pas être isolé et à agir en partenariat dépend aussi la puissance des Etats342(*). Les événements récents semblent confirmer qu'aucun Etat n'est en mesure d'assumer seul des tâches sécuritaires, humanitaires ou militaires. C'est donc grâce à la concertation et la capacité à s'imposer dans un ensemble inter étatique tout en respectant les règles que les puissances peuvent s'affirmer, tandis que toutes les stratégies d'unilatéralisme et d'isolement semblent vouées à l'échec sur le long terme, et ne sont dès lors que des solutions de circonstance343(*). Cette démarche nous conduit à étudier les jeux collectifs des grandes puissances. * 335 Source : TROUDI Mohamed, « La stratégie arabe de la Chine » publié sur le site de la Revue Geostratégiques : http:// www.strategicsinternational.com, consulté le 30 septembre 2014. * 336 DOUNKENG ZELE Champlain, Cours d'Analyse du discours politique, Master II Science Politique, Université de Dschang, 2011-2012. * 337 Source : EKMAN Alice, « Le Maghreb vu de Chine : perception et orientation au lendemain des printemps arabes », IFRI, octobre 2013. * 338 Elle a par la suite été catégorique lors du vote d'une résolution pareille sur la Syrie en opposant son droit de véto. * 339 Source : DAZI-HENI Fatiha op.cit. * 340 DEUTSH Karl W., Political Community and the North Atlantic Area, Princeton, Princeton Univesity Press, 1957. * 341 Ibid. * 342 COURMONT (B.) et al., op.cit., p.20. * 343 Ibid., p. 20-21. |
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