PARTIE II. CADRE EMPIRIQUE
CHAPITRE 1. RECHERCHE EXPLORATOIRE
A. CONTEXTE ET PRÉSENTATION DE LA RECHERCHE
Etre soignant, c'est être capable d'instaurer une
relation de confiance avec une personne qui nous est inconnue. Comprendre ses
angoisses, ses douleurs, sa souffrance, pour pouvoir la rassurer et
répondre du mieux possible à ses besoins en santé. Selon
le lieu d'exercice du manipulateur en électroradiologie médicale,
le rapport au patient est modifié. Nous n'abordons pas de la même
manière un patient qui passe une radiographie, un scanner, une IRM, un
examen de médecine nucléaire, ou une séance de
radiothérapie. Notre lien avec ce patient diffère
également selon qu'il s'agisse d'un nourrisson, d'un enfant, d'un
adolescent, ou d'un adulte. C'est cette diversité même du
métier de manipulateur, où se mêlent technicité et
rapport humain, qui le rend si enrichissant.
Cette relation s'instaure par une communication à
double sens entre soignant et soigné. Mots, vocalisations, gestuelles,
mimiques, écoute, silence, pleurs, plaintes, sourires, rires,
constituent pour chacun d'eux une forme de langage. En tant qu'outil de
communication, l'humour a donc pleinement sa place au coeur de la relation de
soin. En ce sens, l'humour est le facteur relationnel qui relie émetteur
et récepteur du message. Le rire est la réponse physique du corps
à l'humour.
Par le sentiment de bien-être que le rire peut procurer
à la fois au soignant et au soigné, l'humour semble s'imposer
comme une formidable aide thérapeutique à mettre en place dans
une démarche soignante. Mais l'humour est une forme de communication
complexe, à utiliser avec subtilité, sous peine de porter
atteinte aux valeurs morales du patient et à sa dignité. Cela
nécessite donc une grande maîtrise de cet outil. Il est
évident que tous les professionnels de santé n'utilisent pas
l'humour dans leur métier, ou du moins, ne l'utilisent pas de la
même manière. La question qui se pose est la suivante :
pouvons-nous envisager de former les manipulateurs à l'humour dans leur
travail ?
S'interroger sur un possible apprentissage à l'humour
suppose d'orienter notre recherche auprès des soignants
évidemment, mais aussi auprès des étudiants. Si leur
manque d'expérience professionnelle pourrait témoigner d'un
défaut de légitimité quant à recueillir leurs avis
sur les bénéfices de l'humour dans leur future pratique, il n'en
reste pas moins qu'ils restent les premiers concernés.
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B. LES OBJECTIFS DE L'ÉTUDE
Cette recherche exploratoire aura pour but d'évaluer
l'intérêt que les soignants et étudiants portent au regard
de l'usage de l'humour dans leur pratique. Nous mettrons en évidence les
bienfaits physiques et psychologiques que peuvent apporter l'humour sur le
patient, sur le professionnel de santé et dans son rapport avec ses
collègues de travail. Nous aborderons également les
éventuels effets négatifs de l'humour et sa complexité
à le mettre en place selon le contexte de soins et la personne qui nous
fait face.
Par ailleurs, nous tenterons de dégager une possible
correspondance entre l'aisance à pratiquer l'humour dans les soins et le
nombre d'années d'expérience du soignant. Nous verrons
également si certains services sont plus disposés que d'autres
à utiliser l'humour au quotidien. Chaque service ayant ses propres
caractéristiques, il n'existe pas de protocoles d'humour
prédéfinis. Si l'humour est universel car pratiqué par
tous quelque soit sa culture, son origine, ses valeurs, sa croyance, il ne faut
pas oublier que son emploi est variable, fonction de la personne et de la
situation.
De même, il sera intéressant de voir s'il
n'existe pas une différence dans la pratique de l'humour entre soignants
et étudiants. Lors des premiers stages, ces derniers sont d'ailleurs
souvent focalisés sur les soins techniques jusqu'à parfois
éclipser l'importance du relationnel dans leur exercice. Du fait de la
technicité du métier, la formation de manipulateur actuelle
insiste davantage sur les matières théorisables comme les
protocoles de tomodensitométrie, le fonctionnement d'une imagerie par
résonance magnétique, ou le principe physique de la tomographie
par émission de positons par exemple.
À l'inverse, l'importance donnée à des
matières plus humaines est moindre. Ceci pouvant s'expliquer à la
fois par un nombre d'heures de cours dispensés moins
élevé, mais aussi par un plus faible taux de crédits
européens (ECTS) attribués en vue de l'obtention du
diplôme. Au cours de leur cursus, les étudiants se focalisent
ainsi davantage sur les matières concrètes propres au
métier de manipulateur en électroradiologie médicale.
Alors que l'apprentissage de l'aspect technique du
métier reste relativement à la portée de tous à
partir du moment où l'on étudie avec sérieux et
intérêt, l'aspect humain paraît beaucoup plus difficile
à acquérir si nous n'en sommes pas déjà pourvus
préalablement. Ainsi, faire usage de l'humour dans son travail
dépend-il avant tout de la personnalité du professionnel de
santé ?
Pour tenter de répondre à cette épineuse
question, nous aborderons les jugements que peuvent porter soignants et
étudiants sur la question de l'humour comme inné ou acquis. Une
formation est-elle adaptée pour tout le monde, quelque soit notre
singularité ? Pouvons-nous réellement apprendre à rire et
à faire rire ? Est-il pertinent de mettre en place une unité ou
sous-unité d'enseignement « humour » dès le cursus
étudiant ? Est-il préférable de l'envisager durant notre
exercice professionnel ? Autant de
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questions qui, à première vue, sont susceptibles
de donner lieu à des avis partagés. Dans la continuité,
nous tenterons de dégager si les soignants et les futurs
diplômés favorables à l'apprentissage de l'humour se
prononcent davantage sur une formation professionnelle continue ou initiale.
Pour finir, nous verrons si dans l'ensemble une éducation à
l'humour représente un bénéfice non négligeable
dans le cadre d'une meilleure prise en charge globale du patient.
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