CHAPITRE 2. L'HUMOUR COMME MODE DE COMMUNICATION
A. L'HUMOUR
A.1. LA COMPLEXITÉ DE L'HUMOUR
A.1.1. Origine et étymologie
Emprunté à la célèbre
théorie des humeurs de Galien (Jouanna, 2005) - longtemps restée
la base fondamentale de la médecine - le terme « humour »
trouve son origine du latin « humor » correspondant aux
quatre humeurs ou fluides du corps humain. Le sang, synonyme d'un
caractère jovial et chaleureux ; la lymphe, symbole d'un
caractère calme et flegmatique ; la bile jaune produite par le foie,
représentant un caractère plutôt enclin à la
violence ; et la bile noire produite par la rate, emblème d'un
caractère mélancolique, dépressif et anxieux.
La physiologie antique désignait alors comme maladie,
tout ce qui était susceptible d'entraîner une rupture
d'équilibre entre ces quatre humeurs. Rire aux éclats, se tordre
de rire, rire à gorge déployée, se rouler par terre, se
fendre la poire, s'éclater la rate, sont autant d'expressions traduisant
cette rupture d'équilibre dans le corps de l'individu au moment
où il se met à rire.
Cependant, il est intéressant de noter qu'en
dépit des opinions populaires actuelles que nous nous faisons sur les
bienfaits positifs de l'humour et du rire, cela n'a pas été
toujours le cas. Comme nous le rappelle le Docteur Rubinstein (1983), cela fait
moins de deux cents ans qu'il est socialement acceptable de rire en public.
Barclay (1676) écrit qu'il « n'est pas permis aux
chrétiens de pratiquer les jeux, les comédies, les sports de
récréation, ils ne conviennent pas au silence, à la
sobriété et à la gravité catholiques ».
Le rire ne serait en fait qu'un sentiment cruel propre à l'Homme et une
forme d'orgueil. Baudelaire (1855) écrit : « le juste, le sage
ne rient jamais, les anges ne rient pas et le Christ n'a jamais ri, le rire est
diabolique, le rire est satanique ».
Pour en revenir aux interprétations actuelles, l'humour
est défini comme la « forme d'esprit qui s'attache à
souligner le caractère comique, ridicule, absurde ou insolite de
certains aspects de la réalité » (Larousse, n.d.), ou
encore comme « le caractère d'une situation, d'un
événement qui, bien que comportant un inconvénient, peut
prêter à rire » (Kurtz, 2013).
Bien que ce concept soit difficile à définir car
extrêmement variable puisque propre à chaque pays, à chaque
culture et à chaque individu, le besoin de rire, sur des sujets plus ou
moins sérieux, est profondément inscrit en nous. Reboux
(1877-1963) résume cet aspect de l'humour dans cette citation :
« l'humour consiste tout simplement à traiter à la
légère les choses graves, et gravement les choses
22
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
légères ». Dès lors,
l'usage de l'humour dans le milieu hospitalier, où nous sommes
continuellement confrontés à des « choses graves »,
prend sens.
En étudiant le rire chez les peuples dits primitifs,
les ethnologues ont relevé une évidente joie de vivre au travers
du caractère social du rire. Par exemple, chez les Indiens
d'Amérique du Nord, il existait des « clowns guérisseurs
dont la fonction était d'éveiller l'hilarité
jusqu'à ce que les mauvais esprits responsables des maladies s'enfuient
» (Rubinstein, 1983). En fin de compte, pouvons-nous, soignants,
mettre en lumière notre part de « clowns guérisseurs »
dans la relation de soin ?
|