Institut Supérieur Technologique Montplaisir 14, rue
Barthélemy de Laffemas - 26000 Valence
Diplôme de Technicien Supérieur
Imagerie Médicale et Radiologie
Thérapeutique
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MÉMOIRE DE FIN D'ÉTUDES
UE 6.5. ORGANISATION DU TRAVAIL, ANALYSE DES PRATIQUES ET
RECHERCHE PROFESSIONNELLE
L'humour, inné ou acquis
:
Vers une formation des manipulateurs
en électroradiologie médicale ?
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SOUS LA DIRECTION DE :
Madame SOPHIE LANTHEAUME
Psychologue et Docteur en Psychologie
PRÉSENTÉ PAR :
Monsieur ETIENNE CORDIER Promotion
2013/2016
Soutenu devant Jury le 18 mai 2016
Illustration de couverture : Photographie libre de droit, Licence
Creative Commons CC0, Giulia Marotta, 2013.
NOTE AUX LECTEURS
Il s'agit d'un travail personnel effectué dans le cadre
d'une scolarité à l'ISTM de Valence.
Conformément à l'article L122-4 du Code de la
propriété intellectuelle, toute représentation
ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de
l'auteur est illicite.
Conformément à l'article L122-5 du Code de la
propriété intellectuelle, les courtes citations
sont autorisées, sous réserve que soient indiqués
clairement le nom de l'auteur et la source.
« Car vivre, cela signifie être double :
être prêt à chaque instant pour le sérieux, mais
aussi pour la plaisanterie. »
GEORG W. GRODDECK
(1866-1934)
Etienne
REMERCIEMENTS
erci à ma référente de mémoire,
Mme SOPHIE LANTHEAUME, Psychologue et Docteur en Psychologie, qui m'a
conseillé, guidé et soutenu tout au long de l'élaboration
de mon travail.
erci aux manipulatrices et manipulateurs en
électroradiologie médicale qui ont répondu avec
sérieux et intérêt à mes enquêtes.
M
M
M
erci aux personnes ou associations qui m'ont permis de
diffuser mes enquêtes et de récolter de nombreuses réponses
dans le cadre de ma recherche exploratoire.
erci aux étudiantes manipulatrices et étudiants
manipulateurs qui ont pris le temps de participer à mon questionnaire
qui leur était adressé. M
M
erci à M. RENAUD VOLLE, qui m'aura fait découvrir
le temps d'une séance les moments de joie et de détente d'un club
de Yoga du rire.
M
M
M
|
erci à mes amis sincères - ils se
reconnaîtront - qui sont parvenus à me supporter et avec lesquels
nous avons partagé des moments inoubliables, mêlés de rires
et de larmes.
erci à mes grands-parents, avec qui je partage sans
cesse mon bonheur de vivre, et qui ont encore tellement de choses
bénéfiques à m'apporter. Une pensée pour mon
papy.
erci à mes parents, HÉLÈNE et PHILIPPE,
sans qui ce mémoire n'aurait sans aucun doute jamais vu le jour si un
petit spermatozoïde, perdu en plein milieu de ses semblables, n'avait pas
réussi
|
à franchir le parcours du combattant pour venir
féconder cet ovule - excessivement naïf - se rendant compte bien
plus tard de la sottise humaine qu'il venait de procréer.
E
Merci à ma seule et unique soeur MAGALI, par défaut
ma préférée, pour qui je souhaite tout simplement le
meilleur dans sa nouvelle vie à deux. t merci à vous, lectrice ou
lecteur, qui possédez entre vos mains ce mémoire de fin
d'études qui me tient tant à coeur et pour lequel j'ai
oeuvré durant une année. En espérant que ce dernier vous
passionne et vous pousse à utiliser l'humour et le rire avec les
personnes qui vous entourent.
Un simple sourire apporte autant de bonheur à donner
qu'à recevoir... Soyez joyeux envers les autres et pour
vous-même !
En vous souhaitant une plaisante lecture,
5
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
SOMMAIRE
INTRODUCTION 6
PARTIE I. CADRE THÉORIQUE 9
CHAPITRE 1. LE SOIN OU L'HISTOIRE D'UNE RELATION 9
CHAPITRE 2. L'HUMOUR COMME MODE DE COMMUNICATION 21
CHAPITRE 3. L'EMPLOI DE L'HUMOUR DANS LE TRAVAIL DU MER 35
PARTIE II. CADRE EMPIRIQUE 42
CHAPITRE 1. RECHERCHE EXPLORATOIRE 42
CHAPITRE 2. PROBLÉMATIQUE ET HYPOTHÈSES 44
CHAPITRE 3. MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE 45
PARTIE III. RÉSULTATS 50
CHAPITRE 1. ANALYSE DES DONNÉES QUANTITATIVES 50
CHAPITRE 2. ANALYSE DES DONNÉES QUALITATIVES 61
PARTIE IV. DISCUSSION 70
CHAPITRE 1. MISE À L'ÉPREUVE DES
HYPOTHÈSES 70
CHAPITRE 2. LES LIMITES DE L'ÉTUDE 78
CONCLUSION 80
BIBLIOGRAPHIE 82
LISTE DES TABLEAUX 88
LISTE DES FIGURES 89
TABLE DES MATIÈRES 90
TABLE DES ANNEXES 93
6
ETIENNE CORDIER - Promotion
2013/2016
INTRODUCTION
P
ourquoi rions-nous ? Quelle signification soulève
l'action de rire ou de faire rire ? Peut-être est-ce pour affirmer notre
existence dans le réel. Ou bien pour obtenir la reconnaissance de
soi-même à travers le lien social qui s'établit lorsque
nous partageons un moment de jovialité avec autrui. Quelque soit la
réponse - chacun disposant de sa propre interprétation - le rire
est indiscutablement une preuve tangible de vie.
Une belle vie, c'est une vie heureuse, une vie joyeuse, une
vie rieuse. Or, quel meilleur lieu d'expression de notre profonde humanitude
que l'atmosphère aseptisée de l'hôpital ? Si nous avons
tendance à assimiler les établissements médicaux à
la maladie, voire même à la mort, nous en oublierions presque
qu'ils constituent la représentation d'une ode à la vie.
Continuer à vivre, poursuivre sa vie comme autrefois,
n'est-ce pas là l'objectif que se fixe tout soignant à
l'égard de son patient ? Mais affirmer son humanité dans un
environnement stérile, sans apparence de personnalité, n'est pas
chose aisée. D'autant plus lorsque la technique représente une
part importante du métier où nous, manipulateurs en
électroradiologie médicale, sommes constamment
confrontés.
L'exercice de style nous impose de citer une situation d'appel
à notre mémoire, une situation qui nous a profondément
marquée. Il me faut donc introduire l'évènement qui m'a
conduit à traiter de ce thème plutôt qu'un autre. Quelle
composition difficile de mentionner l'unique accroche qui m'a acheminé
vers l'humour ! En réalité, je ne peux en évoquer une
seule. De nature plutôt joyeuse, j'ai à coeur d'utiliser
régulièrement l'humour dans ma relation avec le patient. Du
simple sourire de bienvenue, aux éclats de rires à la suite d'une
blague potache initiée par le patient lui-même, l'humour se
présente sous de multiples aspects.
Au cours de cette troisième année
d'études, je me souviens d'une patiente âgée de 55 ans,
adressée en service de remnographie en vue de réaliser une IRM
hépatique. Un précédent examen remnographique
effectué un an plus tôt, avait mis en évidence une cirrhose
hépatique sans complication. Cependant, quelque temps après, une
échographie de contrôle avait découvert une lésion
focale au niveau du lobe droit. L'examen prescrit vise à identifier la
nature précise de cette lésion.
Lorsque j'ai accueilli la patiente en cabine, celle-ci m'a
directement interpellé quant à son appréhension à
faire l'examen. En effet, lors de son IRM précédente elle ne se
sentait pas suffisamment informée au cours des séquences
d'acquisition. Les manipulateurs en charge de l'examen lui avaient
reproché de ne pas tenir l'apnée lors des séquences
dynamiques ; on l'avait « grondée » m'avait-elle dit
en souriant. Après coup, on l'informa que c'était en fait
dû à un problème de casque qui ne fonctionnait pas,
d'où la raison d'une mauvaise communication et d'une
incompréhension entre soignant et soigné. J'ai donc tenté
de la rassurer en lui disant que nous lui
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ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
parlerions davantage mais qu'il fallait malgré tout
bouger le moins possible au risque de rendre les images ininterprétables
et donc d'allonger la durée d'examen.
Afin de l'apaiser, j'ai ajouté sur un ton humoristique
: « Sinon nous vous gronderons une seconde fois ! La punition sera
plus sévère, je peux vous l'assurer ! ». La patiente
s'est mise à rigoler puis s'est immédiatement
tranquillisée. Je lui ai également demandé de simuler une
apnée afin de voir si elle était capable de la tenir.
Étant donné qu'elle y parvenait sans difficultés, je l'ai
mise en confiance en lui expliquant que ce ne serait pas plus difficile que
cela : « promis, juré ! » ai-je lancé.
À la fin de l'examen, lorsque le médecin lui a
fait part de son compte-rendu, la patiente s'est dite très satisfaite de
sa prise en charge, et que le « jeune homme » reste toujours
aussi souriant. Ce petit compliment qui m'était adressé m'a fait
énormément plaisir ! Dans ces moments-là, on se rend
compte qu'il suffit de peu pour égayer la journée d'un patient et
par la même occasion, apporter de l'agrément à notre propre
quotidien parfois morose.
Lors de l'explication du déroulement de l'examen j'ai
donc tenu à utiliser l'humour comme moyen de communication. Il
s'agissait de faire rire la patiente afin de minimiser son
anxiété, et d'aplanir cet effet de hiérarchie entre un
soignant tout-puissant et un soigné subissant qu'elle semblait ressentir
en usant du terme « gronder ». À mon sens, l'humour
m'a rendu plus accessible et m'a permis d'instaurer une certaine
complicité avec la patiente. Ainsi, cette dernière a pu se
détacher de ses émotions négatives - le stress -
susceptibles d'entraver la bonne réalisation de l'examen, pour se
focaliser sur des émotions positives - la plaisanterie en
l'occurrence.
En un court instant, le soigné doit donc faire part de
ses peurs, de ses angoisses, de ses problèmes, et parfois même
confier certains aspects de sa vie intime à une personne qui lui est
inconnue. Dans un tel contexte, pratiquer l'humour constitue un moyen
empathique pour le soignant de se livrer tout autant, en personnalisant le soin
à son image.
L'humour délivre, désamorce, lie, rapproche, et
permet de partager et d'échanger des centaines d'émotions et de
perceptions sous une forme comique, non dénuée de sous-entendus
et de pensées implicites. Adopter une attitude humoristique s'apparente
à dépasser les frontières d'une démarche soignante
protocolaire, formaliste et exempte du moindre sentiment.
Cependant, tous les individus ne pratiquent pas l'humour, ou
du moins, tous ne disposent pas de la même approche humoristique. Ce qui
sera susceptible de prêter à rire chez une personne, ne le sera
peut-être pas chez une autre. Voilà toute la complexité de
l'humour. Un cocktail d'émotions à manier avec discernement,
malgré son apparence simplette et ingénue.
Est-il possible d'apprendre l'humour ? Un tel apprentissage ne
permettrait-il pas d'améliorer la prise en charge thérapeutique
actuelle du patient ? Cela ne serait-il pas l'occasion de rendre les soins
techniques dispensés plus humains ? Éduquer à l'humour
n'encouragerait-il pas les manipulateurs à se perfectionner et à
privilégier le relationnel dans leur pratique ? En d'autres termes, cela
ne constituerait-il pas un moyen pour les soignants de devenir davantage...
soignants ?
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ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
Néanmoins, la mise en place d'une formation à
l'humour ne s'impose pas d'emblée. S'il semble évident que nous
naissons tous avec des aptitudes préexistantes en termes de
personnalité, notre culture, notre origine sociale et notre
expérience de vie, s'avèrent également capables de modeler
nos attitudes et comportements.
Une formation à l'humour ne permettrait-il pas d'agir
sur notre façon d'appréhender certaines situations que nous
affrontons ? Peut-être serions-nous alors plus enclins à user de
l'humour au cours de notre pratique professionnelle ? Au final, apprendre
à rire de bon coeur ne représenterait-il pas un
bénéfice de vie à la fois du côté des
patients mais aussi des soignants ?
Nous en venons à poser la problématique suivante
:
L'humour, inné ou acquis : vers une
formation des manipulateurs en électroradiologie médicale
?
Nous tenterons d'apporter une réponse à cette
singulière question, après avoir préalablement
répondu à nos deux hypothèses de recherche. Notre
première hypothèse est la suivante : « l'humour, par ses
bienfaits physiques et psychologiques, permet d'instaurer une relation de
confiance entre soignant et soigné ». La seconde
hypothèse admet quant à elle que « les manipulateurs en
électroradiologie médicale, diplômés et futurs
diplômés, sont favorables à l'apprentissage de l'humour
dans leur pratique soignante ».
Nous décomposerons notre travail de fin d'études
en quatre parties principales. Dans un premier temps, le cadre théorique
abordera les concepts clés nécessaires à la bonne
compréhension de notre étude. Dans un deuxième temps, le
cadre empirique décrira notre méthodologie de recherche. Puis, la
troisième partie exposera les résultats obtenus lors de nos
enquêtes effectuées auprès des soignants et des
étudiants manipulateurs. Enfin, le dernier point mettra à
l'épreuve nos deux hypothèses générales, pour en
dégager la pertinence d'une possible formation à l'humour et sa
portée réelle dans la perspective d'une amélioration
significative des pratiques soignantes contemporaines.
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ETIENNE CORDIER - Promotion
2013/2016
PARTIE I. CADRE THÉORIQUE
CHAPITRE 1. LE SOIN OU L'HISTOIRE D'UNE RELATION
A. LE SOIN
A.1. LE CONCEPT DU SOIN
A.1.1. La santé
A
vant même de définir la santé, il
paraît important de s'attarder quelques instants sur la définition
d'un concept, terme que l'on retrouvera maintes fois tout au long de notre
cadre théorique. D'après Raynal et Rieunier (1997), le concept
est « une idée générale et abstraite,
attribuée à une catégorie d'objets ayant des
caractéristiques communes et permettant d'organiser les connaissances
».
La santé est un de ces concepts qui a subi de
nombreuses évolutions au cours du temps, modifié selon les normes
sociales en vigueur dans le pays. Autrefois assimilé à «
la vie dans le silence des organes » (Leriche, 1936), le concept de
santé était alors considéré en France comme un
simple état contraire à la maladie. Cet aspect sanitaire a alors
pris une plus grande ampleur dès lors que l'aspect sociétal s'en
est mêlé. Alors que l'individu malade réclame seulement le
rétablissement de son état de santé, l'individu sain
demande quant à lui le maintien de sa bonne santé. Le concept de
santé a alors pris des orientations plus larges, non plus seulement
limité aux individus malades mais bien comme un droit fondamental dont
dispose tout citoyen : l'accès aux soins pour tous.
L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS, 1946)
définit la santé comme un « état de complet
bien-être physique, mental et social qui ne consiste pas seulement en une
absence de maladie ou d'infirmité ». Cette définition
met en avant le modèle d'être « biopsychosocial
» (Engel, 1977). En effet, trois dimensions font de l'Homme cet
être si singulier et comparable à aucun autre animal : une
dimension physiologique, une dimension psychologique et une dimension
sociale.
Ce qui distingue l'Homme de l'animal est sa dimension
psychosociale. Cette dernière fait référence à ce
qu'on appelle communément la nature humaine. Dire que l'Homme n'est pas
un animal, c'est insister sur les spécificités de l'être
humain à l'égard des autres animaux. Pour Kant (1785), cette
distinction s'établirait sur la dignité humaine. L'Homme ne peut
jamais être utilisé simplement comme
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ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
un moyen mais toujours comme une fin en soi, et c'est
précisément en cela que consiste sa dignité : «
Agis de telle sorte que tu traites l'humanité comme une fin, et jamais
simplement comme un moyen » résume l'impératif
catégorique kantien.
Cependant, pour en revenir à la définition de la
santé par l'OMS, l'aspect d'un « état de complet
bien-être » peut poser un problème d'interprétation.
En effet, n'est-il pas utopique de penser que les entités biologiques,
psychologiques et sociales puissent être en parfaite harmonie ? Peut-on
dès lors affirmer avoir été, au moins une seule fois dans
notre vie, en bonne santé ?
La charte d'Ottawa (1986) développe ainsi une
conception plus récente de la santé qui permet de corriger cette
lacune : « La santé est l'équilibre et l'harmonie de
toutes les possibilités de la personne humaine. Ce qui exige, d'une
part, la satisfaction des besoins fondamentaux de l'homme qui sont
qualitativement les mêmes pour tous les êtres humains, d'autre
part, une adaptation sans cesse remise en question de l'homme à un
environnement en perpétuelle mutation ». Ne se limitant plus
à une définition restreinte et étriquée, nous
sommes parvenus à poser la santé comme une ressource
indispensable de la vie quotidienne nous permettant d'agir et d'évoluer
dans notre milieu social.
A.1.2. La maladie
L
a maladie correspond à une altération de la
santé (Littré, 1863). Dès lors, ces deux concepts -
santé et maladie - bien que farouchement opposés, ne sauraient
être dissociés l'un de l'autre. Pour Potier (2002), la maladie
« se manifeste par des signes subjectifs et objectifs qui permettent
de l'identifier. Elle peut être définie par sa durée :
brève (maladie aiguë) ou durable (maladie chronique) ; elle peut
récidiver ou se compliquer et elle peut être
désignée par son mode de prise en charge : maladie de longue
durée ». Bien que ce concept de maladie puisse prendre
diverses formes, la maladie reste toujours l'entité faisant entrave au
bon équilibre de l'individu.
La maladie crée ainsi un ensemble de ruptures d'ordre
biologique, psychologique et social. Cette altération
interdimensionnelle se manifeste alors par des symptômes objectifs
identifiés par des troubles physico-cliniques, et par des
symptômes subjectifs liés à son expérience de vie
personnelle. Hesbeen (1997) résume cet aspect de la maladie en
énonçant que : « la maladie a beau être
objectivée dans le corps que l'on a, elle ne touche en fin de compte,
que le corps que l'on est ».
Là où la langue française se limite au
concept de « maladie » pour évoquer l'altération du
corps physique, mental ou social, l'anglais distingue les termes (Douguet,
2000) :
? « disease », qui fait
référence à la maladie du point de vue soignant. Il
évoque l'identification médicale de maladie et correspond
à l'altération biologique du corps, c'est-à-dire à
la pathologie à proprement parler.
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ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
? « illness » met en avant la maladie du
point de vue patient et désigne ce qui affecte la vie de l'individu. La
maladie est ici référée à l'expérience
personnelle, au vécu propre, à une altération
psychologique.
? « sickness » évoque la maladie du
point de vue de la société. Le sujet est reconnu comme
étant malade et à ce titre, il est exempté de ses
fonctions habituelles dans la société.
Selon Chalifour (1999), la maladie « n'est pas,
à proprement parler, une infection ou une déficience de
l'organisme. C'est l'organisme tout entier qui est
déséquilibré et affaibli. Le processus de guérison
implique une remise en question de soi-même, de ses valeurs, de ses
comportements, de ses relations avec les autres, de sa façon de vivre
». Dès lors, le rôle du soignant revient à
favoriser ce processus de guérison en parvenant à comprendre la
norme de vie du patient.
L'état normal ou pathologique d'un individu vivant ne
peut être déterminé que par l'observation et la
compréhension de sa relation singulière à son milieu de
vie (Canguilhem, 1966). Le soignant doit donc apprendre à identifier les
besoins fondamentaux à satisfaire chez l'individu pathologique, afin de
pouvoir y remédier et apporter à cette personne la manifestation
d'un état de mieux-être qui lui correspondrait.
A.1.3. Les besoins fondamentaux
D
ans le domaine médical, Orlando (1961) définit
le besoin d'aide comme « une demande du patient qui, si elle est
exaucée, diminue son stress immédiat et améliore son
sentiment immédiat de bien-être. Dès qu'un patient est dans
l'incapacité de combler ses propres besoins, il existe alors un besoin
d'aide ».
Pour le psychologue américain Maslow (1908-1970),
l'être humain doit passer par des étapes hiérarchiques afin
d'obtenir la pleine satisfaction de ses besoins. Étant donné que
chaque individu est unique, tout besoin est individuel et spécifique
à chacun. Cette réflexion est retranscrite sous la forme d'une
pyramide des besoins, divisée en cinq niveaux principaux et comprenant :
les besoins physiologiques de base (respirer, manger, boire, dormir,
etc.), le besoin de sécurité, le besoin d'appartenance,
le besoin d'estime de soi, et le besoin d'accomplissement.
Cependant, la théorie des besoins selon Maslow (1943)
reste difficilement applicable dans le domaine du soin. La principale critique
faite à ce modèle repose sur cet axiome de base : l'individu ne
peut passer d'un niveau à l'autre, une fois seulement que les besoins du
niveau inférieur sont satisfaits. Or, chaque être humain
étant unique, tout individu n'a pas nécessairement ce mode de
hiérarchisation de ses besoins.
Henderson (1897-1996) a permis d'approfondir la
compréhension des besoins en santé des patients. Son
modèle conceptuel, basé sur la pyramide de Maslow, repose sur une
approche davantage
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ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
soignante et humaniste. D'après Henderson (1960), le
besoin est une nécessité vitale et correspond à tout ce
qui est essentiel à l'être humain. En d'autres termes, «
Le besoin peut être considéré comme une force dynamique,
une nécessité qui pousse l'individu à progresser et sans
laquelle il ne peut être autonome » (Déchanoz, 1986).
L'individu sain ou malade doit donc tout mettre en oeuvre pour rétablir
ou maintenir sa santé dans l'unique but de conserver une parfaite
harmonie entre ses entités biologiques, mentales et sociales.
Contrairement à Maslow, Henderson (1960)
considère que les besoins de l'individu sont de même importance et
n'accorde aucune suprématie à l'un d'entre eux. La
démarche soignante revient donc à évaluer l'état de
santé du patient en vue de répondre à ses besoins. Le
rôle du soignant consiste alors à hiérarchiser ses besoins
en fonction de la situation à l'instant présent.
Henderson (1960) décrit ainsi quatorze besoins
reprenant les trois dimensions propres à l'Homme. Les besoins de
respirer, de boire et manger, d'éliminer, de se mouvoir, de dormir, de
se vêtir et se dévêtir, de maintenir la température
du corps dans la normale et d'être propre, se rattachent à
l'aspect physique et biologique de la personne. Les besoins d'éviter les
dangers, de se récréer et d'apprendre, sont relatifs à
l'aspect psychologique, mental et intellectuel de l'individu. Enfin, les
besoins de communiquer, d'agir selon ses croyances, et de s'occuper en vue de
se réaliser, font référence à la dimension sociale,
spirituelle et culturelle de la personne. Un équilibre entre chacun de
ces besoins assure à l'individu une correcte balance au regard de ses
entités intrinsèques qui font de lui cet être
biopsychosocial unique en son genre.
A.1.4. De faire soin à prendre soin
L
e mot « soin » provient du latin « soniare
» signifiant « s'occuper de ». En définissant
l'ensemble des soins comme « l'ensemble des moyens mis en oeuvre pour
s'efforcer de restituer la santé à un malade » (Bagros,
2004), on évoque aussi bien le « prendre soin » - to care - du
« faire soin » - to cure, en anglais. Le rôle du soignant se
transmettra au travers de ses deux dimensions : l'une dans le domaine de
l'action - le cure - qui vise à traiter une pathologie en pratiquant des
soins techniques ; l'autre dans le domaine de la perception - le care -
où il s'agit de faire attention au patient, de se soucier de l'individu.
La démarche soignante vise donc à associer l'aspect scientifique
et technique du soin aux qualités humaines du professionnel de
santé.
Orlando (1961) fut à l'origine du terme de «
démarche de soins », en définissant l'objectif des soins
infirmiers comme « l'aide qu'un patient requiert pour que ses besoins
soient satisfaits ». Les besoins en santé des patients
n'étant pas toujours d'origine biologique et physiologique, le soignant
engage alors « une démarche qui détermine le besoin
immédiat du patient et l'aide à répondre à ce
besoin directement ou indirectement ». Déterminer les besoins
du patient contraint le soignant à porter de l'intérêt
à l'autre, non pas seulement pour rétablir l'état de
santé physique de l'individu, mais aussi
13
ETIENNE CORDIER - Promotion
2013/2016
pour maintenir un bien-être constant malgré ce
qui pourrait y faire obstacle au moment présent. Le soin est donc une
attention adressée envers autrui en vue de restaurer et de promouvoir sa
santé.
Nadot (2005) assimile le « prendre soin » à
une activité tridimensionnelle : « il faut en effet prendre
soin de l'humain à tous les âges de la vie ; prendre soin de la
vie du groupe, car l'action soignante s'opère au sein d'une
communauté ; et prendre soin de la vie du domaine (c'est-à-dire
de l'environnement du soin) ». En plus de détenir un aspect
biologique et psychologique, le soin présente un aspect social dans la
relation que le soignant a avec le patient. Pour Hesbeen (2008), prendre soin
c'est aussi « être attentif à la famille, à
l'entourage de la personne malade, pour la simple raison que le comportement de
la famille ou de l'entourage influe sur le cheminement de la personne malade
».
La situation de soin correspond donc à une situation
professionnelle où le praticien met en oeuvre un raisonnement clinique
permettant de placer la singularité de l'individu d'un point de vue
physique, mental et social, au coeur de la démarche de soins. Cette
analyse comprend à la fois la capacité du soignant à
adopter une juste relation de soin, mais aussi la capacité du
soigné à s'interroger sur ses propres ressources pour devenir
acteur de son propre parcours de soin.
Ainsi, il paraît important d'analyser l'ensemble des
dimensions du patient étant donné « que la connaissance
des différentes caractéristiques de la vie est indispensable pour
comprendre les réactions humaines » (Rogers, 1970). Le soin
dans sa globalité implique donc à la fois une intervention
active, technique et curatrice sur le malade, mais également un apport
affectif, humaniste et empathique de la part du soignant lors d'une relation
avec le patient. D'ailleurs, ne parle-t-on pas communément de «
personne soignée » et non de « pathologie à soigner
» ? Qu'il serait malvenu et antipathique de nommer un patient par la
maladie dont celui-ci est atteint ! Nous abordons alors un sujet de soin
à part entière, en totale opposition à la notion d'objet
de soin.
A.2. LE PATIENT, UN ÊTRE SINGULIER
A.2.1. Les droits du patient
L
e mot « patient » est classiquement renvoyé
à celui de « personne soignée ». De manière
générale, il s'agit d'une « personne qui présente
un ou plusieurs problèmes de santé pour lesquels elle a recours
aux soins. C'est une personne en perte de santé qui se trouve par son
état dans une situation de dépendance » (Magnon, 2005).
Cependant, avant même d'être sujet de soin, le patient est un
individu humain disposant de droits comme le précise la
Déclaration universelle des droits de l'Homme adoptée en 1948 par
l'Assemblée générale des Nations unies. Du point de vue
patient, il s'agit plus spécifiquement de la Charte Européenne du
malade usager de l'hôpital adoptée
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ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
en 1979 par le Comité hospitalier de la
Communauté Économique Européenne (CEE) relative aux droits
d'accès aux soins dans le respect de la dignité humaine :
« Le malade a le droit d'accès aux services hospitaliers
adéquats à son état ou à sa maladie »
déclare l'article premier.
Plus récente, la loi du 4 mars 2002 est relative aux
droits des malades et à la qualité du système de
santé. La loi du 21 juillet 2009, plus connue sous l'expression «
Hôpital, Patients, Santé et Territoire » (HPST), pose
l'accessibilité aux soins au premier rang des priorités. En
s'attardant sur les problèmes de santé publique, cette
réforme sanitaire vise à placer le patient au coeur du
système de soin. Quant aux situations propres aux malades en fin de vie,
celles-ci sont encadrées par la loi Leonetti du 22 avril 2005 qui
interdit tout acharnement thérapeutique mais condamne l'euthanasie
active.
Depuis sa création en 1953, le Code de la santé
publique renferme lui aussi de nombreux articles relatifs au droit des
personnes en matière de santé. Il est d'ailleurs
régulièrement actualisé de manière à placer
le patient au coeur de la relation de soin. Au paternalisme médical,
opposant le médecin sachant au patient ignorant, succède une
médecine plus humaine, portée sur la personne.
A.2.2. Individualité et unicité
L
e terme « patient », désignant le
soigné, est dérivé du latin « patiens »
signifiant littéralement « celui qui souffre ». Une
connotation relativement négative qui démontre les besoins en
soin de l'individu. L'essentiel en santé revient donc à
comprendre la norme de vie du sujet, pour mieux restaurer le normal vécu
et éprouvé par le malade.
Canguilhem (1966) conçoit l'état normal et
l'état pathologique à partir d'une compréhension de la vie
comme subjectivité. Ainsi, pour une même pathologie, deux
individus ne réagiront pas de la même façon, selon les
normes de vie qu'ils instituent et hiérarchisent dans leur rapport
à la maladie. Pour déterminer l'état normal ou
pathologique d'un individu, il faut adopter en quelque sorte son point de vue.
À partir de là, le soignant devient apte à évaluer
les besoins insatisfaits chez le patient, afin de prodiguer les soins
nécessaires.
Claude Bernard (1813-1878), médecin et physiologiste
français, a notamment établi que la vie ne réside pas dans
l'organisme, mais dans la relation d'échange et d'ajustement entre, d'un
côté, l'organisme et son milieu intérieur - le milieu
biologique - et, d'un autre côté, le milieu extérieur - le
milieu psychosocial. L'organisme est alors individualité,
c'est-à-dire une totalité, un ensemble, dont les
différentes parties, organes et fonctions du corps sont
interdépendantes les unes des autres. Mais c'est aussi unicité,
car l'individu ne se suffit pas à lui-même, il est reconnu en tant
qu'être humain dans sa relation avec les autres, dans son existence dans
le monde social.
15
ETIENNE CORDIER - Promotion
2013/2016
Svandra (2009) traduit cette pensée en ces termes :
« l'homme est-il son corps ou possède-t-il un corps ?
». Ainsi, « avoir un corps » fait
référence à la partie extrinsèque de la personne,
à son corps biologique, c'est-à-dire à une succession
d'organes mis bout-à-bout pour former un « corps-objet ». A
contrario, « être un corps » fait écho à
la partie intrinsèque de l'individu, à son corps psychosocial,
c'est-à-dire à une personne douée de raison qui constitue
un « corps-sujet ».
L'Homme dans sa globalité n'est pas que chair et os,
c'est avant tout un être qui pense : « cogito, ergo sum »
(Descartes, 1637). Ainsi, la dimension éthique fondamentale du soin
vise à considérer le patient comme un être unique au
croisement des entités physiologiques, psychologiques et sociales.
Prendre en charge un patient, c'est prendre en charge un individu
dépendant et vulnérable. Le soignant doit donc rester attentif
à subordonner l'aspect technique du métier à l'aspect
relationnel, assurant ainsi une approche globale de la personne. Alors que la
technique est un moyen, la relation entre soignant et soigné
apparaît comme une fin en soi.
B. LA RELATION SOIGNANT/SOIGNÉ
B.1. LE CONCEPT DE RELATION
B.1.1. Le jugement clinique
Le jugement clinique correspond à la première
étape de la démarche soignante dans le cadre d'une relation de
soin. L'Association Nord Américaine pour les Diagnostics Infirmiers
(North American Nursing Diagnosis Association, 1990) définit le jugement
clinique comme « l'acte intellectuel d'émettre une
appréciation, une opinion, de tirer une conclusion à partir d'un
ensemble de signes et de symptômes se rapportant à l'état
de santé de la personne ». Émettre un jugement
clinique, c'est donc émettre une opinion claire suite à un
processus d'observation, de réflexion et de raisonnement sur les
données recueillies à l'égard du patient.
Un tel jugement nécessite pour le soignant de disposer
des connaissances théoriques et des compétences humaines
nécessaires. Ce dernier doit mettre en éveil tous ses sens, en
vue d'une correcte analyse des besoins à satisfaire chez le patient,
mais aussi d'une plus ample connaissance du sujet. L'enjeu étant
d'adopter une attitude bientraitante envers le soigné.
Dans ses « Recommandations de bonnes pratiques
professionnelles », l'Agence Nationale de l'Évaluation et de la
Qualité des Établissements et Services Sociaux et
Médico-sociaux (ANESM, 2008) définit la bientraitance, au travers
de quatre dimensions, en vue de bâtir un échange relationnel avec
le patient : « La première dimension consiste à observer
les faits en évitant les jugements de
16
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
valeur. La seconde, à reconnaître ses propres
sentiments, ce qui permet à l'interlocuteur de trouver plus facilement
un espace pour exprimer également les siens. La troisième,
d'avoir conscience et d'exprimer ses besoins propres, ce qui facilite aussi la
compréhension des besoins de l'autre. La quatrième enfin, de
savoir formuler sa demande ».
Cette définition nous montre que le mot n'est pas le
seul chemin de toute relation de soin. Avant même d'émettre un
son, il suffit parfois d'observer, d'écouter, et de comprendre, pour
engager une relation solidement basée sur le respect mutuel, la
bientraitance, et un jugement clinique pertinent. C'est
précisément ce jugement qui assurera au soignant la bonne posture
à avoir, avec pour objectif d'entrer en interaction avec le patient et
de communiquer avec lui.
B.1.2. Le modèle de communication
L
e terme « communiquer » provient du latin «
communicare » signifiant « être en commun », «
être en relation ». C'est donc par cette communication que deux
individus entrent en relation. La relation de soin, c'est la rencontre entre un
soignant et un soigné, deux êtres uniques avec leur propre
identité.
Le modèle de communication le plus connu en sciences du
langage est celui de Jakobson (1896-1982). Le schéma de Jakobson (1963)
évoque différents acteurs du langage, à savoir : un
destinateur ou émetteur d'un message, le message en lui-même, le
destinataire ou récepteur du message. Si le récepteur
répond à ce message, il devient alors lui-même
émetteur, c'est-ce qu'on appelle un « feed-back ». A cela
s'ajoute le contexte dans lequel se déroule la communication.
Au modèle de Jakobson découle un modèle
de communication davantage en lien avec la relation de soin, le modèle
psychosocial. Ce dernier considère qu'émission et
réception sont simultanées, en d'autres termes, l'émetteur
est destinateur en même temps que destinataire, et inversement. Ce
modèle s'inscrit dans l'optique où il n'est pas possible de ne
pas communiquer. Même un silence est en soi communication car porteur de
signification pour le récepteur. Ce modèle ne se limite plus
qu'à un seul message, mais bien à de multiples canaux : la
gestuelle, la posture, les mimiques, sont tout autant porteurs d'informations
que les mots.
Chalifour (1999) évoque les techniques de communication
en expliquant que : « dans un entretien, les modes de contacts
permettent à l'intervenant de manifester sa présence et son
intérêt envers le client [...] Ces modes de contact
relèvent de techniques liées à la communication verbale et
non verbale ». Cette définition met en avant deux types de
communication. De manière générale, lorsque l'on entre en
relation avec autrui, 7% de notre communication est verbale - c'est le «
langage de l'esprit » - tandis que 93% de la communication est non verbale
- c'est le « langage du corps ». Ces deux modes de communication sont
systématiquement liés et coexistent en permanence.
17
ETIENNE CORDIER - Promotion
2013/2016
La communication verbale s'exprime par des mots,
c'est-à-dire à un ensemble de sons en vue de transmettre un
message. À ces mots s'associe un sens dénotatif et un sens
connotatif. Le sens dénotatif est le sens propre du mot, sa
signification littérale. Le sens connotatif correspond quant à
lui à la portée émotionnelle du mot. Ce dernier peut faire
résonnance au vécu propre de la personne et ainsi conduire
à des réactions affectives. Une démarche soignante
consiste donc à trouver les mots justes, des mots appropriés
à la situation, des mots qui rassurent.
La communication non verbale s'exprime par le partage
d'éléments traduisant un message, sans emploi de la parole. Elle
se déroule le plus souvent de façon non consciente, et constitue
en ce sens un aspect révélateur de la partie intrinsèque
de la personne. Le langage du corps s'exprime à la fois par le toucher,
l'attitude adoptée, les mimiques faciales, le regard. Ajoutons à
cela la communication paraverbale, composante essentielle de la communication
non verbale. Aux mots s'accorde la voix, révélatrice du contenu
émotionnel de la personne, se traduisant par des vocalisations telles
que le timbre de voix, des pleurs, des soupirs, ou des rires.
En tant que soignant, le manipulateur en
électroradiologie médicale doit être capable de
décoder le langage du patient au-delà de ses mots. Percevoir les
émotions, analyser le ressenti, c'est étayer notre jugement
clinique et ainsi favoriser l'échange avec la personne.
B.2. LE MANIPULATEUR EN ÉLECTRORADIOLOGIE
MÉDICALE
B.2.1. Son domaine de compétence
Le terme de manipulateur tire son origine du latin «
manipulus » signifiant « poignée » et
dérivé de « manus » signifiant « main
». Cette étymologie dépeint un aspect manuel du
métier, essentiellement porté sur la technique.
L'article premier du décret du 19 novembre 1997
défini d'ailleurs clairement l'exercice de la profession de manipulateur
en électroradiologie médicale, comme contribuant à la
réalisation des traitements thérapeutiques et des examens
nécessaires à l'établissement d'un diagnostic.
L'article 2 quant à lui énumère les actes
techniques que le manipulateur en électroradiologie médicale est
habilité à accomplir sous la responsabilité et la
surveillance d'un médecin. De la préparation du matériel
au réglage et déclenchement des appareils, ces actes concernent
à la fois le domaine de l'imagerie médicale et de la
radiothérapie et de l'électrologie.
L'article 3 met en avant les compétences que doit
remplir le manipulateur en électroradiologie médicale au regard
de sa profession. Participer à l'accueil du patient, à la
transmission écrite, ou à l'application des protocoles
qualité (liste non exhaustive) sont autant de compétences
nécessaires au bon déroulement d'un examen diagnostique ou
thérapeutique.
18
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
L'article 5 met en exergue l'importance qu'a notre
métier de se tenir constamment informé des avancées
médicales existantes et à venir : « Le manipulateur
d'électroradiologie médicale adapte sa pratique professionnelle
à l'évolution des sciences et des techniques ».
Enfin, nous retiendrons plus particulièrement la
nécessité que doit avoir tout soignant à personnaliser le
soin et à favoriser le relationnel : « Dans l'exercice de son
activité, il tient compte des caractéristiques psychologiques et
sociales de la personnalité de chaque patient, à tous les
âges de la vie » (article 5). Deux aspects du soin ont
donc été évoqués, à la fois humain et
technique, que l'on oppose nettement mais qui pourtant restent intimement
liés dans notre profession.
B.2.2. Dichotomie entre humanité et
technicité
E
n tant que soignant, le manipulateur en
électroradiologie médicale est défini par le
Ministère des Affaires sociales et de la Santé (2012) comme le
professionnel qui « effectue des actes de radiologie ou d'imagerie
médicale (scanner, IRM...) destinés à confirmer un
diagnostic et, en cas de cancer à participer à son traitement
(séances de radiothérapie) [...] Le manipulateur est en contact
permanent avec les patients ; il a un travail très marqué par les
technologies de pointe, et en même temps très humain
».
Le champ d'exercice du manipulateur ne se limite donc pas
à la technique qui pourrait paraître omniprésente.
Pourtant, la vision d'un professionnel simple exécutant -
familièrement appelé « pousse-bouton » - reste encore
profondément ancrée dans les représentations collectives.
Il est d'autant plus malheureux de voir que l'article premier du décret
du 19 novembre 1997 ne fait à aucun moment référence
à l'aspect humain du métier. Il conviendra de s'attarder sur
l'article 5 précédemment cité pour en avoir seulement
connaissance.
À travers sa relation avec le patient, le manipulateur
fait vivre sa personne par l'expression des valeurs professionnelles, et des
valeurs humaines qui lui correspondent.
Les valeurs professionnelles regroupent le sérieux, la
compétence, la satisfaction des besoins fondamentaux du patient, et le
respect des règles d'hygiène et de bonnes pratiques. Par son
expérience, il est apte à prodiguer des soins techniques de
qualité et à mettre en pratique son savoir-faire selon les
exigences professionnelles qui lui sont imposées.
Les valeurs humaines reposent sur le respect d'autrui,
l'écoute et l'attention à l'égard du patient. Il convient
néanmoins de rester vigilant afin d'éviter tout sentimentalisme
subjectif qui dénaturerait la relation de soin, et serait
préjudiciable pour le patient mais aussi pour le soignant.
Cependant, la neutralité émotionnelle dans les
soins est une position illusoire, un état impossible à atteindre.
Plongé dans un monde rempli de perceptions et de sensations - des
images, des sons, des odeurs, des plaintes, de la souffrance, des situations de
vie qui font résonance à sa propre
19
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
histoire, etc. - le soignant ne peut être
neutre, sans affects. Mais cela ne serait-il pas plus mal ? Ne pas tenir compte
de ses émotions ressenties, reviendrait à dépersonnaliser
le soin, à perdre cette part d'humanité d'un métier
déjà très porté sur la technique.
Ainsi, le soignant doit toujours faire preuve d'une juste
distance au regard de son implication personnelle. Mais trouver la juste
distance n'est pas chose aisée : il faut rester distinct sans être
distant, être assez proche pour établir une relation sans en
être trop affecté. La solution majeure consiste déjà
à se connaître soi-même avant d'apprendre à
connaître les autres : « Mieux se connaître pour mieux
soigner » (Rispail, 2002). Apprendre à être soi, c'est
apprendre à mieux se positionner dans sa relation avec autrui, pour
instaurer un climat de confiance entre soignant et soigné.
B.2.3. Une relation d'aide empreinte de confiance
R
ogers (1966) définit la relation d'aide comme :
« des relations dans lesquelles l'un au moins des deux protagonistes
cherche à favoriser chez l'autre la croissance, le développement,
la maturité, un meilleur fonctionnement et une plus grande
capacité d'affronter la vie ». Pour l'auteur, la relation
d'aide ne se définit pas comme une relation amicale, mais comme une
relation sans rapport hiérarchique, qui conduit à des
échanges constructifs et à une compréhension
réciproque, visant à donner et recevoir.
La relation d'aide fait donc partie intégrante de
l'aspect humain du métier. L'aide, à proprement parler, ne se
centre pas sur le problème - une pathologie par exemple - mais bien sur
la personne. Instaurer une relation d'aide revient donc à établir
une relation de confiance avec le patient. Cette confiance s'établit au
travers de trois attitudes fondamentales dont le manipulateur doit faire preuve
: l'empathie, la congruence et l'acceptation inconditionnelle de la
personne.
Selon Rogers (1966), « percevoir de manière
empathique, c'est percevoir le monde subjectif d'autrui `comme si' on
était cette personne - sans toutefois jamais perdre de vue qu'il s'agit
d'une situation analogue, comme si ». L'empathie est donc la
capacité à se mettre à la place de l'Autre et à
ressentir ses sentiments et ses émotions. Le soignant doit être
empathique avec le patient, en veillant à ne jamais tendre vers la
compassion. Cette dernière consiste à « souffrir avec »
l'autre, et éprouver ses propres émotions à l'égard
du patient, ce qui peut être littéralement destructeur pour le
soignant. Ainsi, cette étroite frontière empathie/compassion,
parfois difficile à cerner, est d'autant plus dangereuse si la situation
de vie du soigné fait écho à son propre vécu.
L'enjeu étant de percevoir les émotions de l'autre, sans les
ressentir nous-même, ou comme le dit Rogers (1966) : «
Être presque l'autre sans être l'autre, et sans cesser d'être
soi-même ».
La congruence correspond à l'authenticité. Il
s'agit d'être en accord avec ce qu'on ressent, et à
apparaître extérieurement comme l'on est intérieurement.
Dans sa relation avec la personne soignée, le soignant ne doit pas jouer
un rôle, mais être lui-même. Rogers (1966) développe
l'hypothèse que « le
20
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
changement de la personne se trouve facilité
lorsque le thérapeute est ce qu'il est ». Le patient
développe donc de la confiance envers le professionnel de santé
si celui-ci est authentique.
Enfin, l'acceptation inconditionnelle de la personne signifie
ne pas appliquer de jugement de valeurs, ne pas catégoriser la personne,
mais la considérer comme un tout. On accepte le patient tel qu'il est,
sans être forcément d'accord avec ce qu'il exprime, mais en le
respectant.
La relation de soin est donc un échange, entre soignant
et soigné, empreint de confiance mutuelle, où empathie,
authenticité et acceptation sont les maîtres-mots. Contrairement
à une relation classique, le patient est contraint de partager ses
émotions avec nous. Notre rôle, en tant que professionnel de
santé, sera de rendre ce moment un peu plus agréable pour ce
dernier. Peut-être parviendrons-nous à lui faire oublier, le temps
d'un court instant, la raison de sa présence... Comment ? Vous avez
évoqué l'humour ?
C. EN RÉSUMÉ
La relation de soin est définie comme la rencontre de
deux êtres singuliers : soignant et soigné. Le professionnel de
santé prend en charge le patient de manière globale, non pas en
tant qu'objet de soin, mais en tant que sujet de soin.
La satisfaction des besoins en santé du patient passe
par un jugement clinique pertinent où l'écoute et la
communication apparaissent fondamentales. La démarche soignante vise
à instaurer, en un court laps de temps, une relation de confiance entre
le manipulateur en électroradiologie médicale et l'individu
vulnérable.
L'enjeu du deuxième chapitre sera de définir
l'humour comme un outil de communication à part entière
permettant de favoriser cette relation de soin.
21
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
CHAPITRE 2. L'HUMOUR COMME MODE DE COMMUNICATION
A. L'HUMOUR
A.1. LA COMPLEXITÉ DE L'HUMOUR
A.1.1. Origine et étymologie
Emprunté à la célèbre
théorie des humeurs de Galien (Jouanna, 2005) - longtemps restée
la base fondamentale de la médecine - le terme « humour »
trouve son origine du latin « humor » correspondant aux
quatre humeurs ou fluides du corps humain. Le sang, synonyme d'un
caractère jovial et chaleureux ; la lymphe, symbole d'un
caractère calme et flegmatique ; la bile jaune produite par le foie,
représentant un caractère plutôt enclin à la
violence ; et la bile noire produite par la rate, emblème d'un
caractère mélancolique, dépressif et anxieux.
La physiologie antique désignait alors comme maladie,
tout ce qui était susceptible d'entraîner une rupture
d'équilibre entre ces quatre humeurs. Rire aux éclats, se tordre
de rire, rire à gorge déployée, se rouler par terre, se
fendre la poire, s'éclater la rate, sont autant d'expressions traduisant
cette rupture d'équilibre dans le corps de l'individu au moment
où il se met à rire.
Cependant, il est intéressant de noter qu'en
dépit des opinions populaires actuelles que nous nous faisons sur les
bienfaits positifs de l'humour et du rire, cela n'a pas été
toujours le cas. Comme nous le rappelle le Docteur Rubinstein (1983), cela fait
moins de deux cents ans qu'il est socialement acceptable de rire en public.
Barclay (1676) écrit qu'il « n'est pas permis aux
chrétiens de pratiquer les jeux, les comédies, les sports de
récréation, ils ne conviennent pas au silence, à la
sobriété et à la gravité catholiques ».
Le rire ne serait en fait qu'un sentiment cruel propre à l'Homme et une
forme d'orgueil. Baudelaire (1855) écrit : « le juste, le sage
ne rient jamais, les anges ne rient pas et le Christ n'a jamais ri, le rire est
diabolique, le rire est satanique ».
Pour en revenir aux interprétations actuelles, l'humour
est défini comme la « forme d'esprit qui s'attache à
souligner le caractère comique, ridicule, absurde ou insolite de
certains aspects de la réalité » (Larousse, n.d.), ou
encore comme « le caractère d'une situation, d'un
événement qui, bien que comportant un inconvénient, peut
prêter à rire » (Kurtz, 2013).
Bien que ce concept soit difficile à définir car
extrêmement variable puisque propre à chaque pays, à chaque
culture et à chaque individu, le besoin de rire, sur des sujets plus ou
moins sérieux, est profondément inscrit en nous. Reboux
(1877-1963) résume cet aspect de l'humour dans cette citation :
« l'humour consiste tout simplement à traiter à la
légère les choses graves, et gravement les choses
22
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
légères ». Dès lors,
l'usage de l'humour dans le milieu hospitalier, où nous sommes
continuellement confrontés à des « choses graves »,
prend sens.
En étudiant le rire chez les peuples dits primitifs,
les ethnologues ont relevé une évidente joie de vivre au travers
du caractère social du rire. Par exemple, chez les Indiens
d'Amérique du Nord, il existait des « clowns guérisseurs
dont la fonction était d'éveiller l'hilarité
jusqu'à ce que les mauvais esprits responsables des maladies s'enfuient
» (Rubinstein, 1983). En fin de compte, pouvons-nous, soignants,
mettre en lumière notre part de « clowns guérisseurs »
dans la relation de soin ?
A.1.2. Les différentes formes d'humour
P
our reprendre une célèbre citation de
l'humoriste français Guy Bedos (1998) : « Vouloir
définir l'humour, c'est prendre le risque d'en manquer ».
Quelle difficulté, donc, de citer les multiples formes d'humour
existantes ! (Cf. Tableau I).
Tableau I. Les différentes formes d'humour (non
exhaustif)
Rire
|
> « réponse corporelle involontaire à
une émotion plaisante » (Rubinstein, 1983)
> manifestation physique de l'humour
|
Ironie
|
> « à dire par manière de raillerie,
tout le contraire de ce qu'on pense ou de ce que
l'on veut faire penser aux autres » (Dumarsais et
Fontanier, 1967)
> à utiliser avec grande précaution car si
le destinataire ne perçoit pas la plaisanterie, il peut mal
l'interpréter et se sentir blessé
|
Humour noir
|
> humour cruel, grinçant, portant sur des situations le
plus souvent tragiques, mais
qui les représente de manière comique
> « lorsque la thématique touche à
des valeurs qui sont jugées négatives par une certaine
culture, comme la mort, la vieillesse, le handicap » (Charaudeau,
2006)
> peu utilisé avec les patients, mais permet au
soignant d'exprimer un sentiment libérateur de son quotidien et
éviter tout refoulement intérieur
|
Dérision
|
> moquerie dédaigneuse qui consiste à rire aux
dépens d'autrui
> « vise à disqualifier la cible en la
rabaissant, c'est-à-dire en la faisant descendre
du piédestal sur lequel elle était »
(Charaudeau, 2006)
|
Autodérision
|
> suppose de faire preuve d'une extrême ouverture
d'esprit et de modestie
> « le jeu et l'humour sur soi revitalisent et
permettent de prendre de la hauteur
pour faire des choix » (Seznec, 2014)
> le soignant apparaît alors plus accessible et
incontestablement plus humain
|
Cynisme
|
> mépris des conventions sociales dans une intention de
provocation
> « difficile à accepter, parce qu'il met en
cause des valeurs » (Charaudeau, 2006)
|
Sarcasme
|
> action de railler avec méchanceté de
manière à humilier la personne
> « en décalage avec la bienséance : il
dit ce qui ne devrait pas se dire »
(Charaudeau, 2006)
> humour à sens unique : plaisir malsain à voir
le destinataire subir ses bassesses
|
Source : L'auteur
23
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
À la lecture de ces quelques définitions,
certaines formes d'humour ne sont en aucun cas adaptées à
l'hôpital et encore moins au sein d'une relation entre soignant et
soigné. À nous, professionnels de santé, d'être
suffisamment responsables de nos actes et de nos paroles pour juger quelle
forme d'humour il est de bon ton d'employer selon la situation et le patient
qui nous font face.
Dans une optique soignante, nous retiendrons que l'humour
à proprement parler consiste à percevoir la vie sous un autre
angle, en mettant en valeur avec drôlerie certains aspects de la
réalité. Voilà ce qui semble être la recette magique
: un jugement clinique bref mais pertinent du patient, en vue d'une
démarche de soins professionnelle et compétente, parsemée
de zestes d'humour, tout en gardant en tête de ne jamais porter atteinte
au patient et à ses valeurs.
A.1.3. Le rire, entre gaieté et moquerie
R
ubinstein (1983) décrit le rire comme un réflexe
: « la preuve de sa nature réflexe est apportée par le
chatouillement physique qui le déclenche et cependant, en dehors de ce
cas, c'est un réflexe dont l'excitant n'est plus physique mais psychique
et intellectuel ». Cet excitant serait l'humour, un comique
particulièrement difficile à définir car se
décomposant sous de nombreuses formes.
Robinson (1991) définit d'ailleurs l'humour comme
« une expérience cognitive, une forme de communication alors
que le rire est un comportement, une expérience physique et
physiologique. L'humour est donc un phénomène physiologique,
psychologique et cognitif complexe ». Ainsi, l'humour serait un
processus mental, psychologique, et le rire en serait le résultat
possible au travers d'une manifestation physique et biologique du corps.
Selon Eastman (1958), la pratique de l'humour et donc, de
cause à effet, la production de rire, ne peut être envisageable
qu'à la condition sine qua non d'instauration d'une humeur de
jeu : « Les choses ne peuvent être comiques que si nous sommes
dans un état particulier, l'humeur de jeu. Il peut y avoir une
pensée ou un motif sérieux sous notre humour, nous pouvons
être à demi sérieux et encore trouver une chose comique.
Mais lorsque nous ne sommes pas du tout en humeur de jeu, lorsque nous sommes
sérieux comme des papes, l'humour est chose morte ».
En se référant au domaine médical, le
soignant souhaitant pratiquer l'humour a pour rôle d'instaurer
lui-même cette « humeur de jeu » dans sa relation avec le
patient, ou bien de laisser le patient la mettre en place. Favoriser l'humeur
de jeu, c'est prévenir le patient de sa pratique de l'humour afin qu'il
se tienne prêt à la recevoir. L'enjeu majeur étant de ne
pas vexer, heurter, blesser la personne avec des propos qui pourraient nous
paraître drôles, mais qui apparaissent au patient comme
offensants.
24
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
Alors que le mot « rire » provient du latin
« ridere », une absence d'humeur de jeu semble conduire
à un dérivé étymologiquement proche, le mot latin
« deridere » signifiant « rire de ». De ce terme
découle « derisio » et « derisorius
», signifiant « moquerie » et « dérisoire
» respectivement. Voilà un aspect du rire qui ne convient pas
à une démarche soignante car consistant à se moquer de
quelque chose ou de quelqu'un, à rire à ses dépens, avec
méchanceté. Un rire agressif, appréciable et source de
comique seulement pour l'émetteur de la plaisanterie.
Dans l'optique soignante, nous retiendrons le seul aspect
positif du rire. Bergson (1900) considère que le rire se produit
à chaque fois qu'un individu a une réaction automatique à
la place d'une réaction intelligente et adaptée qui serait alors
nécessaire. Le rire positif est donc un rire réflexe,
involontaire et incontrôlable, en réponse à une stimulation
physique ou psychologique. Il correspond à une manifestation physique de
l'humour mais c'est aussi et avant tout une émotion plaisante.
Une très belle citation de l'humoriste Raymond Devos
(1922-2006) résume assez bien toute la complexité de cette
émotion : « Le rire est une chose sérieuse avec laquelle
il ne faut pas plaisanter ». De par son universalité, rire
c'est entrer en communication avec autrui, partager, et faire de nous,
soignants, des êtres sociables empreints d'humanité.
A.1.4. Les effets physiologiques du rire
L'
|
adage populaire « le rire, c'est la santé
», accepté comme tel, semble résister à toute
explication logique. Certains « scientifiques » actuels recommandent
même à la
|
population de rire quinze minutes par jour au minimum afin de
gagner en santé.
Pourtant, l'influence du psychique sur le développement
et le traitement des maladies est connue des médecins depuis
l'Antiquité. La Bible notait déjà au chapitre XVII, verset
22 : « un coeur joyeux guérit comme une médecine mais un
esprit chagrin dessèche les os ». Mulcaster, médecin
anglais du XVIe siècle, soutient que le rire « aide
ceux qui sont mélancoliques et ont la poitrine et les mains froides, car
le rire déplace beaucoup d'air dans la poitrine et produit une chaleur
qui fouette le sang ». Walsh, médecin américain du
XXe siècle, définit le rire en une équation
mathématique : « La santé d'un individu est
proportionnelle à la quantité de son rire ».
Comme nous le rappelle Rubinstein (1983), « le corps
est le moyen de manifestation de l'intelligence dans le monde sensible. L'un ne
peut agir sans l'autre, la dépendance du physique est
subordonnée, la plupart du temps, au moral ; c'est par la
prépondérance momentanée du moral sur le physique que se
développe un grand nombre de maladies ». Ainsi, la maladie
tend à abattre le moral du patient, à anéantir ses forces
musculaires et motrices, tandis que l'humour et le rire apportent joie,
gaieté, espérance et décuplent la capacité de
résilience du sujet face à sa maladie. Dans un tel contexte, le
rire semble détenir de nombreuses propriétés
bénéfiques sur la santé (Cf. Tableau II).
25
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
Tableau II. Les effets physiologiques du rire
Constitue un exercice musculaire
|
> mobilise la plupart des muscles de
l'organisme, depuis ceux du visage
jusqu'aux membres, en passant par le diaphragme et les
muscles abdominaux
> « constitue un
véritable `jogging stationnaire' » (Schaller,
2010)
> « quelques minutes de rire par
chatouillement réparties dans la journée sont
l'équivalent d'au moins une heure de culture
physique » (Rubinstein, 1983)
|
|
>
|
muscles inspirateurs/expirateurs favorisent les mouvements amples
du thorax
|
Améliore la
|
>
|
correspond à une expiration forcée assurant
un recyclage complet de l'air de
|
respiration
|
>
|
réserve pulmonaire, et une libération des voies
aériennes supérieures
« dans tous les cas d'insuffisance
respiratoire et d'emphysème, le rire amène une
amélioration » (Schaller, 2010)
|
|
>
|
la pression artérielle diminue suite à la
dilatation des vaisseaux sanguins
|
Stimule le
|
>
|
les échanges pulmonaires assurent un apport accru en
oxygène aux organes
|
système
|
>
|
« le rire a des effets durables sur le
métabolisme du cholestérol puisque le
|
cardiovasculaire
|
|
brassage hépatique, l'augmentation des
échanges pulmonaires tendent à faire baisser le
taux des graisses sanguines. Il a donc un rôle certain de
prévention de l'athérome vasculaire et de
l'artériosclérose » (Rubinstein, 1983)
|
|
>
|
provoque une puissante gymnastique abdominale qui vient
stimuler organes digestifs et organes glandulaires tels que le foie et le
pancréas
|
Facilite la
|
>
|
« il est l'un des moyens naturels les plus
efficaces de lutte contre la
|
digestion
|
|
constipation » (Schaller, 2010)
|
|
>
|
« augmentation de la sécrétion
de salive et des sucs digestifs, [...j la digestion est plus
complète, plus régulière, mieux coordonnée »
(Rubinstein, 1983)
|
|
>
|
le centre cortical du rire est situé dans le
cortex préfrontal de l'hémisphère droit,
siège de la personnalité, lié au système limbique,
centre des émotions
|
Agit sur
|
>
|
l'hypothalamus, composante du système limbique,
assure en partie le contrôle
|
le système
|
|
du rythme cardiaque, de la respiration, de la tension
artérielle, et des
|
neuro-végétatif
|
|
sécrétions hormonales, par le complexe
hypothalamo-hypophysaire
|
|
>
|
« son action entraîne une activation du
système parasympathique, qui assure une
régénération de l'organisme, une amélioration du
sommeil et un meilleur fonctionnement de l'immunité »
(Schaller, 2010)
|
Soulage la douleur
|
>
|
« rire stimule la production
cérébrale de catécholamines [...j en retour, les
catécholamines augmentent la production d'endorphines, les morphines
naturelles qui agissent contre la douleur » (Rubinstein,
1983)
|
Éveille le
|
>
|
stimule les facultés intellectuelles et améliore
les capacités mnésiques
|
psychisme
|
>
|
« construit une barrière morale
d'optimisme, chasse les petites inquiétudes et provoque une
véritable désintoxication mentale » (Schaller, 2010)
|
Développe
|
>
|
le rire reproduit les phases de la fonction sexuelle : la
préparation (excitation), la montée (érection),
l'attente (copulation), l'explosion (orgasme), et la
|
la sexualité
|
|
relaxation (repos)>
« qui sait rire peut faire rire, qui fait rire
séduit et qui séduit est prêt pour des plaisirs
érotiques sans complexes » (Rubinstein, 1983)
|
|
>
|
s'il n'est pas encore prouvé scientifiquement que
le rire soit synonyme de
|
Promeut
|
|
longévité, ces nombreux bienfaits physiologiques
nous poussent à le croire
|
la qualité de vie
|
>
|
« même si le rire n'augmente pas
nécessairement la durée de la vie, il augmente
indiscutablement la qualité de la vie » (Rubinstein, 1983)
|
Source : L'auteur
26
ETIENNE CORDIER - Promotion
2013/2016
Nous conclurons sur les multiples effets physiologiques du
rire par la possible existence d'une « molécule du rire » dans
l'organisme. Pour Rubinstein (1983), « l'hypothèse d'une
molécule, ou d'une hormone du rire [me] paraît vraisemblable
». L'exemple le plus pertinent est celui du protoxyde d'azote,
substance chimique autrefois appelée « gaz hilarant » lors de
sa découverte au milieu du XIXe siècle, et
désormais utilisée dans le milieu médical pour ses
propriétés anesthésiques et analgésiques. Le
raisonnement de Rubinstein qui en découle est le suivant : si une
molécule extérieure au corps permet de déclencher le rire,
alors cela signifie qu'il existe des sites récepteurs neuronaux du rire,
donc que le rire fait intrinsèquement partie de nous.
A.2. LES APPORTS DE L'HUMOUR
A.2.1. Un créateur de relation
P
atenaude et Hamelin Brabant (2006) décrivent l'humour
comme un mode de communication à part entière : «
L'humour détient une place importante et quasi omniprésente dans
la communication humaine. Que ce soit pour détendre, soulager les
tensions, passer un message, l'humour peut se manifester tant lors de moments
joyeux que tragiques ». Dès lors, l'humour et le rire
favorisent l'équilibre relationnel. Le patient perçoit un certain
réconfort, une attention portée à sa personne.
Dans un premier temps, cela permet au professionnel de
santé de briser la barrière qui s'interpose entre lui et le
soigné du fait de son positionnement hiérarchique. Un humour
partagé, bâtisseur de relations humaines, assure un échange
basé sur la confiance et l'authenticité. Le soignant est alors
perçu par le patient comme étant plus facile d'approche et
bienveillant.
Dans un second temps, l'humour est porteur de message :
« Sous forme de blague, un message peut passer sans jamais avoir
à être discuté » (Patenaude, 2006). Par l'humour,
le soignant peut se permettre d'aborder des sujets sensibles, pouvant provoquer
une forte réaction émotionnelle chez le patient. Il est plus
aisé de discuter de faits graves, importants, sous un ton plus
léger, de manière à dédramatiser la situation. Tout
en restant dans le domaine de l'empathie, la relation de soin va plus loin que
de simples échanges de courtoisie.
L'humour apparaît donc avant tout comme un moyen de
cohésion entre soignant et soigné. En ce sens, il se distingue
à la fois en tant que cause et conséquence de la relation. Cela
signifie que l'humour peut à la fois conforter une relation de soin,
mais aussi la mettre en place. Dans le cas présent, il paraît plus
facile d'engager la relation, non pas sous un humour verbal, mais sous une
forme plus subtil : un simple sourire. Ce dernier est la base fondamentale de
tout échange social. Sourire à quelqu'un, c'est lui porter de
l'intérêt, une manière de dire que l'on s'intéresse
à lui. Il correspond au premier échange qui se fait dès
lors que le soignant accueille le patient. Sans nous en rendre
forcément
27
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
compte, nous contribuons à renforcer la capacité
de résilience du malade, et à améliorer son rapport
à la maladie le temps d'un bref instant.
Qu'il s'agisse d'un humour verbal, d'un rire explosif, ou d'un
subtil sourire mêlant sensibilité et complicité, l'objectif
final reste d'apporter convivialité, partage et lien social dans un lieu
qui semble en manquer cruellement à première vue.
A.2.2. Un mécanisme de défense
D
ifférents modes de défense sont
répertoriés dans la quatrième édition du Manuel
diagnostique et statistique des troubles mentaux, connu sous le titre de DSM IV
(1996). L'humour y est défini ainsi : « mécanisme par
lequel le sujet répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs
de stress internes ou externes en faisant ressortir les aspects amusants ou
ironiques du conflit ou des facteurs de stress ».
Freud (1927) définit l'attitude humoristique comme
« l'attitude dans laquelle une personne refuse la souffrance en
accordant une importance à l'invincibilité du moi dans la
continuité de la vie réelle, en sustentant de façon
victorieuse le principe du plaisir ». L'humour est décrit
comme un moyen de contourner ce qui est susceptible de conduire à une
souffrance de notre être. En subtilisant une émotion incompatible
à notre développement psychoaffectif, en une émotion
teintée de joie et de gaieté, nous réalisons ainsi
« un détournement actif des pensées, objets ou
situations qui sont chargés en conflit » (Ionescu, 1997).
L'humour apparaît comme un moyen de détourner le
réel pour le rendre davantage supportable aux yeux du professionnel de
santé. En tant que mécanisme d'évitement, l'humour combat
les tensions intérieures de manière à résister
à l'épuisement professionnel. Confronté à des
situations de stress permanent, le soignant semble être la cible
privilégié du burn-out. Rire permet de subtiliser en l'espace
d'un instant nos problèmes personnels ou professionnels, en une
gaieté démesurée. Cependant, il ne s'agit pas d'ignorer
nos soucis du quotidien, il s'agit de percevoir nos problèmes d'une
autre manière, de les voir sous un autre angle. L'autodérision
prend ici tout son sens. Se moquer de soi-même, c'est accepter ses
défauts. Tout en les prenant en considération, le soignant adopte
une attitude positiviste, centrée sur l'amélioration, de
manière à ne pas se dévaloriser.
L'humour est aussi décrit comme une stratégie de
« coping ». Le modèle transactionnel du stress,
développé par Lazarus et Folkman (1984), définit le coping
comme « l'ensemble des efforts cognitifs et comportementaux,
constamment changeants, [déployés] pour gérer des
exigences spécifiques internes et/ou externes qui sont
évaluées [par la personne] comme consommant ou excédant
ses ressources ». Le rôle du coping est donc de gérer
les réponses émotionnelles induites par une situation faisant
entrave au bon développement de la personne et à son
épanouissement psychosocial.
28
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
Côté soignant, l'humour serait un
mécanisme de défense face au stress du travail. Côté
patient, ce serait un moyen de diminuer leur anxiété face
à la maladie ou à l'examen, en tenant à l'écart les
émotions négatives et en privilégiant les émotions
positives. Ainsi, rire et humour permettent d'accéder à un
degré plus haut d'acceptation de soi, ou de dédramatiser une
situation que nous percevons comme inacceptable au Moi. Quel meilleur moyen de
nous libérer de nos tensions internes que par l'expression d'une bonne
humeur partagée ?
A.2.3. Une preuve d'humanité
P
our Patenaude et Hamelin Brabant (2006), l'humour serait un
moyen de « s'évader de la réalité
hospitalière et de créer un climat social. Il allège le
poids associé à la maladie critique, les traumatismes et la mort.
C'est une façon d'y faire face et de s'élever au-dessus ».
Ce terme « s'élever au-dessus », revient
à faire abstraction pendant un court instant des complications qui
gravitent autour de nous, afin de continuer à vivre pleinement et faire
de ce petit instant de joie le moyen d'expression de notre humanité
propre.
Rubinstein (1983) fait d'ailleurs le lien entre rire et
accomplissement de soi : « il n'est pas indifférent de savoir
qu'il existe une relation entre le rire et le succès, pas
obligatoirement la richesse et le succès social, mais à coup
sûr le succès dans la réussite de sa vie, dans
l'accomplissement de sa destinée ». Or, le bonheur de chacun
ne passe-t-il pas à travers un épanouissement personnel ? En ce
sens, l'humour et le rire ne seraient-ils pas une des clefs du bonheur ?
Le rire se partage. Un soignant qui rit, c'est un soignant
davantage humain, porteur d'émotions. Pratiquer l'humour revient
à faire tomber la blouse blanche qui parfois s'interpose dans notre
rapport avec le patient. Pour Patenaude (2006), « L'humour peut
créer un sentiment de rapprochement entre les infirmières et les
patients et aplanir la hiérarchie ». La relation de soin en
devient alors plus personnelle, plus humaine. En adoptant une attitude
humoristique, nous mêlons à l'aspect technique du métier la
preuve d'une profonde humanitude. Selon Rubinstein (1983), « toute
occasion est bonne, tout rire gagné est favorable. Si l'on creuse sa
tombe avec ses dents, chaque éclat de rire retarde le moment où
la fosse sera prête ». Quelle citation pleine de vie !
Voilà peut-être l'essence même de l'humour : vivre
pleinement. Tout simplement.
En tant qu'outil de communication, l'humour assure donc un
soin davantage personnel, humain, à l'image de celui qui le prodigue. Se
restreindre à un soin purement technique, c'est ignorer l'être
humain que nous sommes et celui qui est face à nous. En tant que
soignant, il ne s'agit pas de faire subir la relation de soin au patient, mais
de la personnaliser, de la rendre moins protocolaire, et avant toute chose, de
la rendre pleine de vie et d'espoir. L'espoir de vivre - ou en tout cas, d'un
retour à l'état antérieur - est certainement la
première étape dans le long chemin de la guérison.
29
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
A.2.4. Une technique de distraction
F
ace à une situation qui peut paraître
gênante, inconvenante, désagréable, le patient reste peu
enclin à la réaliser. Dès lors, le soignant use de
l'humour et du rire pour lui faire penser à autre chose, plus joyeux. Le
rire détourne le soigné de ses préoccupations principales
: « Rien ne désarme comme le rire » (Bergson, 1900).
Le soigné vise alors un objectif différent : non plus ne pas
réaliser le soin par anxiété, mais une volonté de
vivre ce moment de rire. Or, cet instant présent de gaieté ne
peut être envisagé que par le partage d'une expérience
commune avec le soignant. Il prend alors part inconsciemment à la
volonté soignante de réaliser le soin.
Un des apports fondamental de l'humour dans la relation de
soin est donc de mettre à l'aise le patient. Ce dernier est
projeté dans un lieu qui lui est inconnu, pour confier ses
problèmes les plus personnels face à un étranger, en un
laps de temps très court. Quel exercice difficile ! À nous
soignants, de le faciliter en apportant un peu de légèreté
pour détendre une atmosphère parfois tendue.
Cette technique de distraction permet aussi au soignant de se
recentrer sur la finalité première de son métier :
répondre aux besoins du patient. Tout au long de notre profession, nous
répétons parfois les mêmes gestes, les mêmes paroles,
à tel point que cela en devient même mécanique. La
banalité du geste tend parfois à nous faire oublier que
derrière la chemise d'hôpital, il y a un être humain, en
proie aux doutes, à l'anxiété, à la peur de ce qui
va lui arriver. Pour Patenaude (2006) : « Si la situation est
difficile, embarrassante, gênante, l'humour aide l'infirmière, le
patient ou les deux à y faire face, et devient une forme de soutien au
patient ». Faire rire le patient, permet donc de le conditionner de
telle manière à ce qu'il soit plus coopérant dans les
soins. Mais c'est aussi un moyen de se repositionner en tant que soignant, et
de se remettre en question sur notre pratique.
Bref, distraire, c'est mettre en place une
légère touche d'humour dans notre prise en charge du patient de
manière à la faciliter. Des petites attentions, des petits
sourires, des petits rires partagés, synonymes d'une entre-aide mutuelle
soignant/soigné : « rire avec quelqu'un [...] c'est le faire
entrer dans un réseau de solidarité, d'amitié et de
confiance » (Rubinstein, 1983).
A.2.5. Un outil thérapeutique
P
our Schaller (2010), pionnier de la médecine
holistique, « plus nous nous efforçons de penser positivement,
de libérer nos émotions négatives et d'épurer notre
corps physique, plus la lumière peut apporter de la vie à toutes
nos cellules ». Dès lors, peut-on parler de «
psychothérapie humoristique » ? Au regard des nombreux effets
bénéfiques du rire sur le corps physique et psychique, les
bienfaits de l'humour dans notre épanouissement personnel sont
indiscutables. Mais pouvons-nous aller jusqu'à percevoir l'humour comme
un outil thérapeutique ?
30
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
L'essor de la médecine holistique, visant à
traiter la personne dans sa globalité - corps et esprit - et de la
psycho-neuro-immunologie, une science étudiant les effets du psychisme
sur les fonctions physiologiques du corps - notamment sur le système
immunitaire - conduisent en tout cas à le penser.
L'exemple le plus pertinent à cela semble être
Norman Cousins (1915-1990), journaliste américain, devenu
célèbre pour s'être guéri d'une forme grave de
spondylarthrite ankylosante, jugée incurable par les médecins.
Dès lors, son raisonnement est le suivant : « Si les
émotions négatives produisent des modifications chimiques
négatives dans le corps, les émotions positives ne
produiraient-elles pas des modifications positives ? » (Cousins,
1979). Il substitue aux nombreux traitements médicamenteux, un programme
qui fait pleinement appel aux sensations de bien-être. Entre
émission télévisée satirique, livre humoristique,
film de comédie, tout porte à mêler moment de rire et de
gaieté aux insupportables crises de douleur articulaire. La combinaison
du rire et de l'injection intraveineuse d'acide ascorbique - assurant un apport
suffisant en vitamine C au corps pour stimuler le système immunitaire -
permet à Cousins de voir son état s'améliorer
d'année en année.
À travers cette épreuve de vie, Cousins prouve
qu'il est possible de transformer le cercle vicieux de la peur et de la
dépression suite à un diagnostic irrévocable, en un cercle
vertueux de l'espoir et de la bonne humeur. Il encourage les malades atteints
de pathologies dites « incurables », à ne pas se laisser
anéantir suite à un pronostic vital engagé : «
Acceptez le diagnostic, refusez le pronostic » (Cousins, 1979).
Adopter un optimisme de vie revient à améliorer
notre capacité de résilience. Prendre acte d'un
événement perçu comme traumatique, c'est adopter le choix
de se reconstruire. En agissant sur l'organisme au niveau physique et
psychologique, l'humour et le rire apparaissent ainsi comme de formidables
outils thérapeutiques. Rire quelques minutes par jour devrait même
devenir une hygiène de vie à adopter de manière à
améliorer significativement notre santé. Alors, qu'attendez-vous
?
B. PRÉDISPOSITIONS, LIMITES ET CONTRAINTES
B.1. LES PRÉDISPOSITIONS À SON
UTILISATION
B.1.1. Le contexte des soins
L'
|
humour est fonction de la situation. Avant toute pratique de
l'humour, le soignant doit se poser les bonnes questions au préalable :
« Où ? » ; « Quand ? » ; « Comment ? ».
|
Faire preuve de bon sens professionnel quant à l'usage
de l'humour, c'est donc identifier au préalable les circonstanciels de
lieu, de temps, et de moyen. Patenaude (2006) nous confie : «
Introduire
31
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
l'humour est fonction de saisir le bon moment et de
relever des indices, d'évaluer la situation. La notion de timing est
jugée essentielle ». Le jugement clinique - d'autant plus
affuté avec l'expérience - est donc indispensable en vue
d'employer l'humour dans la démarche soignante. Le praticien analyse la
situation afin de décréter si cette dernière est propice
ou non à l'utilisation de l'humour.
Pour Patenaude (2006), il existe un réel aspect
contextuel de l'humour : « La majorité des études
recensées concluent que l'humour dans les soins est contextuel,
situationnel et spontané. Il surgit de situations ordinaires,
inspiré par les circonstances du moment, des interactions. [...] Cet
humour peut être léger et pétillant ou plus éclatant
mais s'accorde avec la situation des soins ».
Cependant, un humour spontané suppose malgré
tout un jugement clinique pertinent. Ce n'est pas parce que l'humour est
qualifié de « spontané », qu'il n'est pas
raisonné, bien au contraire. Mais ce raisonnement porte sur la situation
et non sur l'intention de faire rire. Une nuance subtile qui a pourtant toute
son importance. Observer, écouter, analyser la situation apparaissent
donc comme des outils fondamentaux quant à l'usage de l'humour dans les
soins.
B.1.2. Le soignant, facteur d'expression de
l'humour
L'
|
humour est fonction du soignant. Derrière la blouse
blanche, il y a un individu doté de capacités intellectuelles,
émotionnelles et humaines. L'utilisation de l'humour dans
|
les soins - nous ne parlons pas d'un humour agressif et
inadapté, bien entendu - est une preuve d'empathie. Rire avec autrui
suppose avant tout de le comprendre. Pour Patenaude (2006), l'empathie est
« un pré requis pour utiliser l'humour dans le contexte des
soins : ressentir comment les gens se sentent, être instinctivement sur
la même longueur d'onde et introduire l'humour avec soin ».
Voilà toute la complexité de l'humour : renforcer la relation de
soin au plus intime, sans pour autant la compromettre par l'expression
extérieure de nos propres sentiments.
Considérer le soignant en tant que facteur d'expression
de l'humour, c'est admettre sa singularité. « Certaines
conditions sont susceptibles d'influencer l'utilisation de l'humour et ses
effets. Ce sont l'intuition et la sensibilité, le jugement,
l'expérience, la personnalité et l'attitude envers l'utilisation
de l'humour dans la pratique professionnelle » (Patenaude, 2006).
Ainsi intervient la notion d'inné ou d'acquis au sujet de l'humour. Il
paraît réaliste de concevoir la personnalité du soignant
comme indissociable de la fréquence d'utilisation de l'humour. En effet,
il est évident que tous les soignants n'utilisent pas forcément
l'humour dans leur vie personnelle ou professionnelle, en tant qu'acteur ou
spectateur du comique. Dans cette optique, l'humour apparaît comme une
disposition individuelle variant d'un individu à l'autre. Existerait-il
une prédisposition naturelle à l'humour ?
Freud (1927) affirme que « les personnes ne sont pas
toutes capables d'adopter une attitude humoristique ; c'est un don rare et
très précieux. Or il y a des personnes qui ne disposent ni de
la
32
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
capacité de s'amuser, ni de celle de profiter des
plaisirs humoristiques qui leur sont proposés ». Certains
aspects de notre personnalité semblent donc inscrits dans notre
patrimoine génétique. En ce sens, faire usage de l'humour
n'est-il pas un instinct naturel de l'Homme ?
Pourtant, la question de l'acquis ne doit en aucun cas
être ignorée. Ne serait-ce pas notre éducation, notre
culture, notre milieu social, notre environnement, qui définiraient
notre joie de vivre ? Les valeurs morales qui nous ont été
inculquées dès notre plus jeune âge influencent
considérablement notre pratique de l'humour. Dans notre enfance, nous
avons pu être réprimandés par nos parents lorsque nous
rions d'une situation alors que le moment était inapproprié. Nous
avons donc appris à rire, et plus encore, à déterminer
à quel moment nous pouvions rire.
Base héréditaire ou facteur environnemental ? Si
l'humour est un comportement à forte composante innée, son usage
et sa possible adaptation selon le contexte de soins semblent aussi
résulter de l'apprentissage et de l'expérience. Sans donner
réponse à ce débat entre inné ou acquis, le
soignant qui pratique l'humour doit le faire dans le respect d'autrui.
B.1.3. Le soigné, facteur d'adhésion
à l'humour
L'
|
humour est fonction du soigné. Selon Patenaude (2006),
« lorsque le patient a le sens de l'humour, qu'il l'utilise dans sa
vie quotidienne et qu'il initie lui-même l'humour,
|
alors on a des indices que l'humour peut être
bénéfique. [...] Toutefois, si les patients sont difficiles,
timides ou effrayés, l'humour peut être un moyen de communication
efficace ». L'usage de l'humour sera donc d'autant plus
facilité si le patient l'initie lui-même. Face à des
personnes davantage réservées, l'humour apparaît comme un
moyen de verbaliser une demande de soins. En effet, il s'avère bien
moins difficile de faire passer des messages lourds de sens à travers un
registre comique.
Mais l'humour est avant tout universalité. Au travers
d'une communication verbale ou non verbale, le soignant peut s'adresser
à tous les types de patients. Peu importe la culture, l'origine, les
croyances, le handicap, que ce dernier soit sourd, muet ou aveugle, l'humour
est un langage universel. Au travers de messages vocaux, gestuels, tactiles,
l'humour « parait améliorer l'estime de soi des patients
participants quand ils peuvent faire rire les autres et quand ils peuvent rire
avec les infirmières » (Patenaude, 2006).
Ce mode de communication engendre un rapport de confiance avec
le patient. Selon Foubert (2008), « lorsque le soignant utilise le
rire avec un patient, il se permet de le considérer autrement que comme
un simple malade : à ce moment-là, le patient ne se résume
pas à sa maladie, mais est aussi un être à part
entière qui décide s'il veut rire ou non ». En ce sens,
le soignant ne peut imposer l'humour au patient. Doté de ses propres
facultés relationnelles, le soigné décide de
lui-même s'il adhère ou non à l'humour dans le contexte des
soins.
33
ETIENNE CORDIER - Promotion
2013/2016
B.2. LIMITES ET CONTRAINTES : DES RIRES AUX LARMES
B.2.1. La systématisation de l'humour
Pratiquer l'humour dans une démarche soignante, c'est
savoir réaliser un équilibre naturel entre le sérieux et
la plaisanterie (Groddeck, 1922). L'humour peut être utilisé dans
une prise en charge soignante, mais uniquement à bon escient. Rubinstein
(1983) considère que « avoir le sens de l'humour ne signifie
pas rire de tout, à tout propos. C'est être capable
d'apprécier le côté comique des choses en même temps
que leur côté sérieux ». Un mauvais usage de
l'humour peut compromettre la relation de confiance entre soignant et
soigné, voire même engendrer des conséquences
néfastes sur le patient.
Panichelli (2007) met en avant cette sombre facette de
l'humour : « l'humour peut être utilisé afin d'augmenter
le soi aux dépens des autres, dans une attitude agressive qui risque de
mettre en péril le soutien social du patient. Il s'agit du sarcasme, de
la dérision, de la moquerie et de la ridiculisation de l'autre
». Toutes les formes d'humour ne sont donc pas adaptées,
certaines pouvant conduire à l'irrespect des valeurs morales du patient
et de sa dignité. Cet aspect agressif de l'humour est d'autant plus
présent lorsque la situation ne s'y prête pas. On ne rit pas avec
une personne, même si celle-ci y est perméable en temps normal,
lorsque le moment n'est pas opportun.
Par ailleurs, considérer l'humour comme un outil
thérapeutique, ne revient pas à l'assimiler à un
médicament miracle. L'humour est une aide indiscutable dans la relation
de soin, mais en aucun cas il ne permet d'apporter la solution à tous
les problèmes rencontrés. Le soignant doit être apte
à juger à quel moment il est pertinent de se servir de cet outil,
en vue de contribuer significativement à l'amélioration de
l'état de santé du patient. Patenaude (2006) détaille de
manière plus explicite les situations de soins pour lesquelles l'humour
n'a pas sa place : « Lors d'une phase critique sur le plan physique,
lors d'anxiété ou de stress élevé, lors de douleur
intense ou abdominale, chez une personne psychotique, l'humour peut être
inapproprié à moins que ce ne soit le patient lui-même qui
l'initie ».
L'emploi de l'humour n'est donc en aucun cas
systématique. Bien plus subtil qu'il ne le laisse paraître,
l'humour est à manier avec précaution, sans être abusif ou
inapproprié au contexte clinique.
B.2.2. Le déni de la réalité
En tant que mécanisme de défense, l'humour
à court terme permet au soignant de résister à
l'épuisement professionnel, et au patient de diminuer son
anxiété face à un examen ou à sa maladie. A long
terme, il ne s'agit plus de dédramatiser une situation, mais bien de la
banaliser jusqu'à fuir une réalité difficilement
acceptable. Panichelli (2007) évoque cette utilisation potentiellement
néfaste de l'humour : « l'humour peut aussi être
utilisé par le patient afin de dénier la
34
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
réalité et d'éviter d'affronter les
problèmes ». Un mécanisme d'évitement qui
consiste à s'auto-convaincre par l'humour, du caractère
insignifiant d'une situation pourtant cruciale. Aussi bien côté
patient que soignant, l'humour est « un moyen très efficace de
détourner la conversation, par exemple lorsque l'on aborde des sujets
douloureux, difficiles ou conflictuels » (Panichelli, 2007).
L'humour est parfois utilisé comme
autodépréciation, afin d'émettre un jugement
défavorable vis-à-vis de soi, éloigné de la
réalité. Le sujet n'est alors plus dans l'autodérision,
mais dans l'atteinte de l'estime de soi. Pour Panichelli (2007), la
dépréciation « consiste à s'attribuer à
soi-même des défauts exagérés ». En se
dénigrant lui-même, l'individu cherche à recouvrer un lien
social en autorisant les autres individus à se moquer de lui, quitte
à paraître ridicule. L'enjeu étant de retirer à cela
un bénéfice relationnel, quitte à entacher sa propre
personne et à mettre en péril son bien-être
psychologique.
Systématisation de l'humour et déni de la
réalité sont étroitement liés. C'est au travers
d'un surdosage de l'humour que l'individu minimise l'importance de la
situation. Du point de vue soignant, cela peut mener à une
éventuelle remise en question quant à son sérieux et
à ses compétences professionnelles. Du point de vue patient, cela
se traduit par la peur d'affronter la vie réelle, sa situation de
malade.
C. EN RÉSUMÉ
L'
|
humour est, par définition, un mode de communication
à part entière, à la fois verbal et non verbal. Cet outil
de langage apparaît tout à fait approprié dans la relation
de
|
soin car créateur de lien social entre soignant et
soigné. Alors que l'humour met en relation, le rire correspond à
sa manifestation physique et procure de nombreux bienfaits
psycho-physiologiques sur le corps humain.
Par sa complexité, l'humour suppose de réaliser
un jugement clinique pertinent de la situation afin de pouvoir l'utiliser de
manière réflexive et à bon escient, sans risque de nuire
au patient. Employer l'humour dans le milieu médical, c'est conforter le
soignant dans l'expression de son humanité propre.
L'enjeu du troisième et dernier chapitre sera
d'évoquer la possibilité d'une formation à l'humour dans
le travail du manipulateur en électroradiologie médicale, ou
dès le cursus étudiant.
35
ETIENNE CORDIER - Promotion
2013/2016
CHAPITRE 3. L'EMPLOI DE L'HUMOUR DANS LE TRAVAIL DU
MER
A. EN FONCTION DES SERVICES DE SOINS
A.1. EN SERVICE D'IMAGERIE DIAGNOSTIQUE
Comme nous le rappelle Ostensen (OMS, 2005), l'imagerie
diagnostique telle que nous la connaissons aujourd'hui regroupe à la
fois les examens basés sur l'utilisation des rayonnements ionisants, le
champ magnétique, ou les ondes ultrasonores.
En réalisant un examen diagnostique, le patient
pénètre dans un environnement qui lui est inconnu, le plus
souvent. Du statut de « bien portant » à celui de «
malade », le patient est contraint d'être parmi nous, soignants. Les
équipements d'imagerie sont la plupart du temps perçus comme
impressionnants à travers un regard extérieur.
Pour les enfants, il existe d'ailleurs de plus en plus des
salles d'imagerie pédiatrique où les appareils sont
adaptés à l'univers enfantin : décorés en forme de
vaisseau spatial, ou en monde sous-marin par exemple. Ainsi, il s'agit de
rendre l'examen davantage ludique pour le jeune patient, afin qu'il soit moins
apeuré et intimidé par un milieu qui pourrait lui paraître
hostile au premier abord.
Concernant l'appréhension des examens, les adultes ne
sont pas en reste ! L'humour en tant que mécanisme de distraction a
alors toute sa place quand il s'agit de lutter contre la claustrophobie du
patient (en IRM le plus souvent), ou lors d'une injection de produit par
exemple. Utiliser le rire comme outil de communication, permet de minimiser
l'anxiété du patient en se détachant des émotions
négatives qui sont susceptibles d'entraver la bonne réalisation
de l'examen, pour se focaliser sur des émotions positives.
De même, se servir de l'humour permet également
de diminuer la gêne du patient lors de soins faisant irruption dans sa
sphère intime (coloscanner, mammographie, urétro-cystographie
rétrograde et mictionnelle, etc.). En effet, dans une situation
d'inconfort physique, mais également psychologique, où il y a
violation de l'intimité du patient, l'humour permet de rendre un soin
technique et embarrassant - à la fois pour le soigné et pour le
soignant - moins protocolaire.
Enfin, le manque de temps considérable, les imposants
appareils d'imagerie, et les moyens de radioprotection parfois
nécessaires à la réalisation de l'examen, font
écran à la relation soignant/soigné. Le manipulateur
apporte aux soins qu'il prodigue une toute autre dimension, bien plus humaine
que technique, malgré tout ce qui tend à s'y opposer. À
condition de l'user avec discernement, l'humour apparaît comme un moyen
d'accélérer le lien de confiance qui s'établit entre
soignant et soigné.
36
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
A.2. EN SERVICE DE RADIOTHÉRAPIE
Comme le définit l'Institut National du Cancer (INCa,
2008), la radiothérapie consiste à utiliser des rayonnements
ionisants - non plus à des fins diagnostiques mais thérapeutiques
- en vue d'un traitement locorégional des cancers. La maladie incarne
alors un retour brutal à la question de la condition humaine et de sa
propre finitude.
En ce sens, le cancer marque indubitablement une rupture dans
le chemin de vie de l'individu. Il change les Hommes, leur existence, leur
perception même du monde qui les entoure. Il permet un certain
détachement vis-à-vis des événements de
l'existence. Le patient apprend à relativiser certaines choses qui
autrefois auraient eu à ses yeux une importance démesurée.
Faire face à une maladie grave, c'est acquérir une incroyable
faculté d'observation. L'individu fait attention aux choses auxquelles
il ne prêtait pas attention auparavant. Plus encore, il s'attache aux
détails et décortique l'ordinaire.
« Carpe diem quam minimum credula postero
». Cette locution latine tirée du poète latin Horace
(23 av. J-C), et signifiant : « Cueille le jour présent sans te
soucier du lendemain », constitue une véritable leçon
de vie. Il suffit d'observer les nombreux patients en service de
radiothérapie, pour se rendre compte de leur facilité à
employer l'humour avec les soignants, à l'initier dans la conversation,
et à faire preuve d'une redoutable faculté d'autodérision.
Peut-être est-ce une manière de se moquer de la mort ? Ou bien une
preuve d'acceptation de leur propre finitude ? Ou encore un moyen de mettre
à l'aise le soignant qui n'ose pas rire avec un individu
vulnérable ?
Au travers d'un sourire, d'une gaieté naturelle, d'un
plaisir de vivre, les personnes atteintes d'un cancer font preuve pour la
plupart d'une incroyable combativité face à la maladie et aux
traitements qui leurs sont administrés. Qu'il soit initié par le
soignant ou par le soigné, l'humour est synonyme de vie. Un humour
communicatif, c'est donc une expérience de vie partagée. Un
témoignage de notre humanité dans l'instant présent.
Carpe diem.
B. EN FONCTION DES PATIENTS
B.1. CHEZ LE NOURRISSON ET L'ENFANT
Selon Schuhl (2007), « les premiers sourires
apparaissent dès la naissance, mais ils ne peuvent pas être
reliés à un phénomène ludique. C'est vers six
semaines que l'enfant sourit réellement devant un visage humain, en
réponse à une stimulation ou une présence. À quatre
mois, il peut rire parce que l'adulte le chatouille, et c'est vers six mois que
le rire devient une réponse volontaire et dirigée ». Le
rire survient parce que le nourrisson est encouragé dans ses
sourires.
37
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
Rubinstein (1983) reprend la notion « d'humeur de jeu
» que nous avions abordé dans la définition du rire :
« si l'on rit devant un bébé, il rira aussi, si l'on
fait suivre ce rire d'une horrible grimace, il rira à cette horrible
grimace car il aura été mis en humeur de jeu. Mais si l'on fait
brusquement une horrible grimace, sans rire préalable, le
bébé hurlera de peur ». Ce n'est qu'à partir de
sa première année que le nourrisson pourra rire d'un comportement
inattendu.
« Vers quinze mois, l'enfant commence à saisir
quelques formes primitives d'humour et s'exerce aussi à faire rire son
entourage : il imite, fait des mimiques, sait attirer l'attention »
(Schuhl, 2007). C'est peut-être à cette période de la
vie que l'on peut commencer à parler de « pré-humour ».
Non seulement l'enfant est apte à recevoir l'humour, mais aussi à
en produire.
Proulx (2007) considère que ce n'est qu'à partir
de trois ans que l'enfant peut clairement faire la distinction entre le
réel et la fiction : « l'enfant doit donc posséder un
certain bagage de connaissances pour comprendre les incongruités d'une
situation ». Vers l'âge de huit ans, l'humour scatologique
mettant en scène le « pipi caca », laisse place à un
humour plus raffiné. Proulx (2007) rapporte : « les enfants
comprennent l'ironie, mais très peu trouvent cette forme d'humour
particulièrement drôle ».
Le rire et l'humour apparaissent comme deux
éléments fondamentaux dans le développement de l'enfant.
Ils constituent une manière de se sociabiliser auprès des
adultes. Ainsi, faire rire un enfant lors d'un examen, c'est faciliter notre
irruption dans un monde pour lequel nous sommes étrangers : l'univers
enfantin. En rendant ludique un soin technique, on le rend davantage accessible
et accepté.
B.2. CHEZ L'ADOLESCENT ET L'ADULTE
L'
|
humour de l'adulte n'est pas le même que celui de
l'enfant. Proulx (2007) fait la constatation suivante : « Si, chez
l'adulte, l'effet de surprise est une condition
|
essentielle au bon fonctionnement d'un gag, c'est
l'inverse chez l'enfant. Celui-ci n'apprécie pas particulièrement
être surpris, il préfère des terrains connus où les
moments d'hilarité sont prévus et compris à l'avance
». Il s'agit donc d'un humour beaucoup plus élaboré,
relevant une certaine finesse d'esprit, où toutes les formes d'humour
existantes peuvent être comprises et pratiquées par l'adulte.
Concernant l'adolescent, si ce dernier apprécie toutes
les facettes de l'humour, il ne supporte pas toujours qu'il soit lui-même
sujet du rire. À l'âge de la puberté, nous sommes souvent
trop soucieux du regard des autres pour se permettre de ridiculiser notre
propre personne. De manière générale, l'adolescent accorde
davantage d'importance à la personnalité extérieure qu'il
renvoie, plutôt qu'à sa nature véritable.
Kataria (2004) donne les chiffres suivants : « Les
enfants peuvent rire 300 à 400 fois par jour, mais dès que nous
sommes adultes, cette fréquence tombe à quelque 15 fois par jour
». En tant qu'adulte, nous sommes moins réceptifs à
l'humour, notamment en raison d'un rythme de vie
38
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
stressant, de plus grandes responsabilités, et d'une
pression sociale généralisée qui ne prête pas au
rire. Titze (1995), psychologue allemand, met en avant un excès de
sérieux dans le monde actuel : « Dans les années 50 les
gens riaient 18 minutes par jour, mais de nos jours nous ne rions plus que 6
minutes par jour, en dépit des bonds énormes dans notre niveau de
vie ». Dans cette optique, nous pourrions croire que l'humour n'a pas
sa place dans une relation de soin. En effet, un soignant qui pratique l'humour
ne serait pas professionnel, puisque synonyme d'un manque de sérieux et
de rigueur dans son travail. En d'autres termes, nous devons rire avec les
enfants, et travailler avec les adultes.
Pourtant, et cela a été le point central de
notre travail, sérieux et plaisanterie ne sont en aucun cas
indissociables. Ils sont mêmes complémentaires. Quel que soit
l'âge du patient, l'humour n'est en aucun cas un obstacle à la
mise en place d'un rapprochement social entre soignant et soigné.
Pratiquer l'humour dans un établissement de santé, c'est au
contraire faire preuve de grandes capacités relationnelles. En vue
d'améliorer nos pratiques professionnelles, est-il envisageable de
tendre vers un apprentissage du rire et de l'humour au travail ?
C. VERS UN APPRENTISSAGE DU RIRE
C.1. LA GÉLOTHÉRAPIE OU «
THÉRAPIE PAR LE RIRE »
Le terme « gélothérapie » vient du
grec « gelos » signifiant « rire ». L'axiome de
base est que le rire participe à la bonne santé, par ses nombreux
bienfaits physiologiques. Le Docteur Kataria est l'inventeur du « yoga du
rire », ou « hasya yoga » en sanskrit. C'est en 1995 à
Bombay, que ce médecin indien fonde le premier club de rire au monde,
subtil mariage entre les techniques de respiration du yoga et les exercices de
rire. Avec l'arrivée de l'Internet et des réseaux sociaux, les
clubs de rire gagnent encore en popularité et le nombre d'adeptes
croît de manière exponentielle. Il existe actuellement plusieurs
milliers de clubs répartis dans plus de soixante-pays.
L'arrivée des clubs de rire en France se fera quelques
années plus tard, en 2001, par Cosseron. En 2002, elle fonde
L'École Internationale du Rire et du Bonheur, première
école de la joie de vivre parrainée par le Docteur Henri
Rubinstein, où l'on enseigne la rigologie. Cosseron (2010)
définit le but de la rigologie de la manière suivante :
« proposer aux professionnels de la santé, du social, de
l'enseignement et aux intervenants en entreprises un maximum d'outils issus de
techniques de différentes cultures afin de réintroduire la joie
dans tous les espaces de la vie quotidienne : famille, école, bureau,
santé, insertion, maisons de personnes âgées, prisons et
hôpitaux ». Inspirée du yoga du rire mais étendue
à d'autres méthodes, la rigologie vise à contribuer
à notre bien-être en instaurant un bonheur individuel et social.
La devise : « Travailler sérieusement... sans se prendre au
sérieux ! ». Abordons dès à présent les
thérapies par le rire existantes au sein de la rigologie (Cf.
Tableau III).
39
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
Tableau III. Les principales gélothérapies
(non exhaustif)
Le yoga du rire
|
> le yoga assure « le lien entre
notre corps, notre mental et nos émotions et nous
relie à ceux qui nous entourent » (Cosseron
et Leclerc, 2011)
> un groupe de personnes se réunit
autour d'un animateur et réalise des exercices de jeux et de
respiration pour se forcer à rire
> production d'un rire
stimulé, artificiel, susceptible de devenir contagieux, voire
même de nous amener à un rire naturel
|
La méditation du rire
|
> également appelée « rire
libre », constitue l'expérience d'un fou rire
collectif
> consiste « à
s'asseoir ou s'allonger en fin de séance et à ne rien faire
: ni
parler, ni réfléchir, ni lancer de faux
rires artificiels. C'est la seule consigne à respecter. Il faut juste
ouvrir son coeur, sans jugement et sans attente et laisser jaillir son
rire naturel » (Cosseron et Leclerc, 2011)
> se produit une profonde déconnection
mentale et physique, qui nous propulse dans un état méditatif
où nous sommes conscients de nos ressentis et connectés aux
autres par le rire
|
La sophrologie ludique
|
> créée en 1985 par Sanchez et
Lopez
> « pédagogie
créative du développement personnel et de la connaissance
de
soi par le rire » (Cosseron, 2010)
> contribue à harmoniser corps et esprit, en
chassant l'anxiété, le stress, la peur, les
angoisses, les tensions, et en amenant une pensée positive
> la philosophie est la suivante : il
convient de s'accepter soi-même, pour pouvoir
accepter autrui
|
La psychologie ludique
|
> sous-discipline de la psychologie,
fondée en 1998 par Seligman
> « depuis l'invention de
la psychologie, les praticiens ne s'intéressaient
qu'à
ce qui allait mal pour essayer d'y remédier
[...] il proposa d'étudier les gens qui ont la
chance d'aller plutôt mieux que les autres »
(Cosseron, 2010)
> l'enjeu étant de trouver les
moyens de développer la santé et le bien-être chez tout
un chacun
|
Le clown hospitalier
|
> spécialement formé pour
intervenir dans des centres de soins, il ne s'agit pas
d'un clown de cirque mais d'un clown
relationnel
> créé en 1971 aux
États-Unis par le médecin Adams, puis exporté en
France par Kinou le Magic Clown en 1987
> « faire entrer le rire, la joie de
vivre, l'esprit facétieux dans le monde
aseptisé des hôpitaux » (Cosseron,
2010)
> transmet aux enfants la force
positive de l'espoir et de l'humour, pour contribuer au
processus de guérison
|
Le coaching du rire
|
> « un booster
extraordinaire qui mobilise l'énergie du patient, le
met
rapidement en contact avec l'ensemble de ses
émotions, lui fait prendre du recul, lui donne de l'énergie,
gonfle son moral et l'aide à se sortir de ses
problèmes avec célérité »
(Cosseron, 2010)
> enseigner comment rire de nos
misères, dans le but de passer outre nos soucis du quotidien et de
nous aider à y mettre fin
|
L'humour en entreprise
|
> Wilson, psychologue américain,
introduit l'humour dans les entreprises
américaines dès 1983 au travers des stages de
rire
> « l'humour au travail
rend plus charismatique et plus créatif et permet de booster les
résultats de l'entreprise » (Cosseron, 2010)
> proposer aux employés une
« pause rire » régulière permet à ces
derniers de se ressourcer : un salarié heureux, c'est un
salarié productif
|
Source : L'auteur
40
ETIENNE CORDIER - Promotion
2013/2016
La gélothérapie s'exprime donc sous plusieurs
formes. Chaque rigologue, c'est-à-dire un praticien diplômé
en rigologie à la suite d'une formation professionnelle certifiante,
adapte sa technique au public auquel il s'adresse. Le yoga du rire sera
peut-être davantage indiqué pour les adultes ; la sophrologie
ludique pour les adolescents ; le clown hospitalier pour les enfants ; le
coaching par le rire dans la vie personnelle ; l'humour au travail dans la vie
professionnelle.
Au regard des nombreux bienfaits du rire sur la santé,
et compte tenu d'un intérêt croissant aux différentes
techniques de thérapies par le rire, l'hypothèse d'une formation
à l'humour des professionnels de santé paraît
envisageable.
C.2. FORMER À L'HUMOUR, UN INTÉRÊT
PORTÉ À LA PROFESSION
Aucune étude scientifique mettant clairement en lien
l'humour dans la profession de manipulateur n'ayant été encore
abordée, il paraît légitime de se poser la question quant
à la nécessité d'intégrer l'humour dans un parcours
de formation. En effet, poser l'humour comme facteur relationnel, et le rire
comme instigateur de bénéfices psycho-physiques, signifie que
tous deux ont un rôle à jouer dans la démarche
soignante.
Cependant, faire rire n'est pas chose aisée. Provoquer
le rire, c'est savoir manier l'humour avec subtilité, d'autant plus dans
le milieu de la santé. Dès lors, peut-on envisager de former les
manipulateurs en électroradiologie médicale à l'humour ?
Pour Cosseron (2010), la réponse est claire : «
Idéalement, il serait souhaitable que tout le personnel de santé,
de l'aide soignant aux médecins en passant par les infirmiers suivent
une formation de base de rigologie ». L'apport d'une telle formation
ne serait pas uniquement pour le patient, mais aussi pour le soignant
lui-même. Exercer dans l'univers hospitalier, c'est avoir de grandes
responsabilités, être sous stress en permanence. Le rire
apparaît alors comme un moyen de libérer ses tensions
intérieures. En ce sens, ne serait-il pas bénéfique de
mettre en place des stages de rire au travail, ou un coaching par le rire pour
remonter le moral des soignants, voire même d'instaurer une « pause
rire » dans la journée ?
Quelques rares Instituts de formation en soins infirmiers ou
Facultés de médecine font d'ailleurs intervenir des
professionnels du rire auprès des futurs soignants. De l'avis de
Cosseron (2010), les étudiants « apprennent l'importance de la
bonne humeur aussi bien pour le patient, que pour eux-mêmes et pour
l'ensemble de l'équipe ». Même si de telles initiatives
dans tous les lieux de formation médicaux et paramédicaux de
France constitueraient déjà une belle avancée, notre
travail va plus loin encore. Il ne s'agit plus de poser la question d'une
simple intervention des professionnels du rire dans les écoles de
manipulateur en électroradiologie médicale, mais bien d'une
réelle formation.
S'interroger sur une possible formation à l'humour,
suppose d'envisager de la mettre en place auprès des professionnels en
formation continue, ou en formation initiale s'adressant aux étudiants,
voire les deux à la fois. Cependant, la réponse à notre
problématique n'est pas aussi simple qu'il n'y
41
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
paraît. En abordant le soignant comme facteur
d'expression de l'humour, nous avons dégagé la question de
l'inné et de l'acquis. Ainsi, il ne s'agit plus de théoriser un
soin technique, mais de mettre en place une formation qui nous engage
personnellement et nous confronte intimement à notre propre
personnalité.
Il paraît évident que tout le monde ne pratique
pas l'humour, et si c'est le cas, on ne le pratique pas forcément de la
même façon. Or, un apprentissage de l'humour part du principe que
la personne souhaite effectuer un travail sur soi. Dès lors, former
à l'humour un individu qui n'y est pas réceptif apparaît
relativement compliqué. « Rire est le propre de l'Homme »
(Rabelais, 1534). Pourtant, tout Homme n'est pas prompt à rire.
Sommes-nous seulement capables de modifier notre nature première ?
D. EN RÉSUMÉ
L'
|
emploi de l'humour dans le travail du manipulateur en
électroradiologie médicale est propre à chaque service
(imagerie diagnostique et radiothérapie) et à chaque patient
|
(nourrissons, enfants, adolescents, adultes).
En considérant l'humour comme un outil de communication
susceptible de favoriser une relation de confiance, nous posons la formation
à l'humour en tant que possible profit apporté à la
pratique soignante. En plus d'être contextuel et dépendante du
soigné, l'emploi de l'humour est fonction de la personne qui l'exerce.
Savoir user de l'humour en fonction de la situation de soins, c'est
évoquer l'humour comme une aptitude relationnelle innée du
soignant.
Pourtant, l'accroissement exponentiel des différentes
techniques de thérapies par le rire semblent démontrer un
intérêt croissant quant à la volonté d'apprendre
à rire en vue d'une sensation de mieux-être pour soi et pour
autrui. Dès lors, l'humour ne serait-il pas plutôt une
faculté acquise de l'Homme ? Un apprentissage de l'humour dans le corps
médical pourrait apporter de nombreux bénéfices dans la
vie personnelle et professionnelle du soignant et donc, de cause à
effet, servir d'outil thérapeutique dans la prise en charge du
patient.
L'enjeu de notre cadre empirique sera de recueillir le
ressenti des étudiants et des manipulateurs en exercice quant à
la place de l'humour dans la relation soignant/soigné. Il conviendra
d'évaluer si ces derniers sont favorables à une formation
à l'humour dans leur pratique, et sous quelles conditions est-elle
envisageable.
42
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
PARTIE II. CADRE EMPIRIQUE
CHAPITRE 1. RECHERCHE EXPLORATOIRE
A. CONTEXTE ET PRÉSENTATION DE LA RECHERCHE
Etre soignant, c'est être capable d'instaurer une
relation de confiance avec une personne qui nous est inconnue. Comprendre ses
angoisses, ses douleurs, sa souffrance, pour pouvoir la rassurer et
répondre du mieux possible à ses besoins en santé. Selon
le lieu d'exercice du manipulateur en électroradiologie médicale,
le rapport au patient est modifié. Nous n'abordons pas de la même
manière un patient qui passe une radiographie, un scanner, une IRM, un
examen de médecine nucléaire, ou une séance de
radiothérapie. Notre lien avec ce patient diffère
également selon qu'il s'agisse d'un nourrisson, d'un enfant, d'un
adolescent, ou d'un adulte. C'est cette diversité même du
métier de manipulateur, où se mêlent technicité et
rapport humain, qui le rend si enrichissant.
Cette relation s'instaure par une communication à
double sens entre soignant et soigné. Mots, vocalisations, gestuelles,
mimiques, écoute, silence, pleurs, plaintes, sourires, rires,
constituent pour chacun d'eux une forme de langage. En tant qu'outil de
communication, l'humour a donc pleinement sa place au coeur de la relation de
soin. En ce sens, l'humour est le facteur relationnel qui relie émetteur
et récepteur du message. Le rire est la réponse physique du corps
à l'humour.
Par le sentiment de bien-être que le rire peut procurer
à la fois au soignant et au soigné, l'humour semble s'imposer
comme une formidable aide thérapeutique à mettre en place dans
une démarche soignante. Mais l'humour est une forme de communication
complexe, à utiliser avec subtilité, sous peine de porter
atteinte aux valeurs morales du patient et à sa dignité. Cela
nécessite donc une grande maîtrise de cet outil. Il est
évident que tous les professionnels de santé n'utilisent pas
l'humour dans leur métier, ou du moins, ne l'utilisent pas de la
même manière. La question qui se pose est la suivante :
pouvons-nous envisager de former les manipulateurs à l'humour dans leur
travail ?
S'interroger sur un possible apprentissage à l'humour
suppose d'orienter notre recherche auprès des soignants
évidemment, mais aussi auprès des étudiants. Si leur
manque d'expérience professionnelle pourrait témoigner d'un
défaut de légitimité quant à recueillir leurs avis
sur les bénéfices de l'humour dans leur future pratique, il n'en
reste pas moins qu'ils restent les premiers concernés.
43
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
B. LES OBJECTIFS DE L'ÉTUDE
Cette recherche exploratoire aura pour but d'évaluer
l'intérêt que les soignants et étudiants portent au regard
de l'usage de l'humour dans leur pratique. Nous mettrons en évidence les
bienfaits physiques et psychologiques que peuvent apporter l'humour sur le
patient, sur le professionnel de santé et dans son rapport avec ses
collègues de travail. Nous aborderons également les
éventuels effets négatifs de l'humour et sa complexité
à le mettre en place selon le contexte de soins et la personne qui nous
fait face.
Par ailleurs, nous tenterons de dégager une possible
correspondance entre l'aisance à pratiquer l'humour dans les soins et le
nombre d'années d'expérience du soignant. Nous verrons
également si certains services sont plus disposés que d'autres
à utiliser l'humour au quotidien. Chaque service ayant ses propres
caractéristiques, il n'existe pas de protocoles d'humour
prédéfinis. Si l'humour est universel car pratiqué par
tous quelque soit sa culture, son origine, ses valeurs, sa croyance, il ne faut
pas oublier que son emploi est variable, fonction de la personne et de la
situation.
De même, il sera intéressant de voir s'il
n'existe pas une différence dans la pratique de l'humour entre soignants
et étudiants. Lors des premiers stages, ces derniers sont d'ailleurs
souvent focalisés sur les soins techniques jusqu'à parfois
éclipser l'importance du relationnel dans leur exercice. Du fait de la
technicité du métier, la formation de manipulateur actuelle
insiste davantage sur les matières théorisables comme les
protocoles de tomodensitométrie, le fonctionnement d'une imagerie par
résonance magnétique, ou le principe physique de la tomographie
par émission de positons par exemple.
À l'inverse, l'importance donnée à des
matières plus humaines est moindre. Ceci pouvant s'expliquer à la
fois par un nombre d'heures de cours dispensés moins
élevé, mais aussi par un plus faible taux de crédits
européens (ECTS) attribués en vue de l'obtention du
diplôme. Au cours de leur cursus, les étudiants se focalisent
ainsi davantage sur les matières concrètes propres au
métier de manipulateur en électroradiologie médicale.
Alors que l'apprentissage de l'aspect technique du
métier reste relativement à la portée de tous à
partir du moment où l'on étudie avec sérieux et
intérêt, l'aspect humain paraît beaucoup plus difficile
à acquérir si nous n'en sommes pas déjà pourvus
préalablement. Ainsi, faire usage de l'humour dans son travail
dépend-il avant tout de la personnalité du professionnel de
santé ?
Pour tenter de répondre à cette épineuse
question, nous aborderons les jugements que peuvent porter soignants et
étudiants sur la question de l'humour comme inné ou acquis. Une
formation est-elle adaptée pour tout le monde, quelque soit notre
singularité ? Pouvons-nous réellement apprendre à rire et
à faire rire ? Est-il pertinent de mettre en place une unité ou
sous-unité d'enseignement « humour » dès le cursus
étudiant ? Est-il préférable de l'envisager durant notre
exercice professionnel ? Autant de
44
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
questions qui, à première vue, sont susceptibles
de donner lieu à des avis partagés. Dans la continuité,
nous tenterons de dégager si les soignants et les futurs
diplômés favorables à l'apprentissage de l'humour se
prononcent davantage sur une formation professionnelle continue ou initiale.
Pour finir, nous verrons si dans l'ensemble une éducation à
l'humour représente un bénéfice non négligeable
dans le cadre d'une meilleure prise en charge globale du patient.
CHAPITRE 2. PROBLÉMATIQUE ET
HYPOTHÈSES
A. PROBLÉMATIQUE
La relation soignant/soigné passe avant tout par la
communication. L'humour étant une forme de communication parmi tant
d'autres, le professionnel de santé qui emploie l'humour avec son
patient personnalise un soin technique - d'autant plus présent en
imagerie médicale - en vue de le rendre plus humain, plus soignant.
À partir de ce constat, la possibilité d'envisager une formation
à l'humour auprès des manipulateurs prend tout son sens.
La problématique qui se pose est la suivante :
L'humour, inné ou acquis : vers une
formation des manipulateurs en électroradiologie médicale
?
B. HYPOTHÈSES GÉNÉRALES
La question n'est pas de former de futurs humoristes. Il
s'agit plutôt d'apprendre à manier un outil complexe dans un lieu
qui n'y est pas forcément prédisposé. Au sein de la
froideur de l'hôpital, il convient de réchauffer un peu les
coeurs. Mais user de l'humour n'est pas chose facile. Dans le cadre de notre
recherche, deux hypothèses seront formulées :
> Hypothèse n°1 : L'humour, par ses
bienfaits physiques et psychologiques, permet d'instaurer une relation de
confiance entre soignant et soigné.
> Hypothèse n°2 : Les manipulateurs en
électroradiologie médicale, diplômés et futurs
diplômés, sont favorables à l'apprentissage de l'humour
dans leur pratique soignante.
La partie exploratoire de ce travail tentera d'apporter une
réponse concrète à chacune de ces deux hypothèses,
à partir de l'expérience professionnelle des soignants et des
étudiants. Nous déclinerons nos deux hypothèses en
plusieurs questions (Cf. Tableau IV).
45
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
Tableau IV. Hypothèses de recherche
Hypothèse
n°1
|
> Le soignant a-t-il un usage récurrent de l'humour
auprès du patient ?
> L'humour a-t-il sa place dans toutes les situations de soins
?
> Quelles conceptions les manipulateurs se font-ils de
l'humour comme outil
thérapeutique ?
> Quels effets bénéfiques l'humour a-t-il sur le
soigné ? sur le soignant ?
> À l'inverse, quels effets négatifs possibles
sont à signaler ?
|
|
> L'humour est-il davantage considéré comme
inné ou acquis ?
|
|
> Que pensent les manipulateurs d'un apprentissage de l'humour
dans leur
|
Hypothèse
|
profession ?
|
n°2
|
> Quels peuvent être les bénéfices d'une
formation des manipulateurs à l'humour ?
|
|
> Un enseignement à l'humour dès le cursus
étudiant est-il pertinent ?
|
|
> La mise en place de cette formation est-elle envisageable
pour tous les
|
|
soignants/étudiants ?
|
Source : L'auteur
La réponse apportée à chacune de ces
diverses questions, à la suite de l'analyse de nos résultats,
nous permettra d'affirmer ou d'infirmer nos deux hypothèses
préalablement posées. Il conviendra de répondre du mieux
possible à notre problématique en mettant en discussion ce qui a
été retiré de nos enquêtes et de notre cadre
théorique.
CHAPITRE 3. MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
A. LES PARTICIPANTS DE LA RECHERCHE
Comme avancé précédemment, notre
recherche portera à la fois sur les soignants et sur les
étudiants (Cf. Tableau V). Nous avons pu comptabiliser au total
1052 participants pour la première phase de notre recherche par
questionnaires, dont 641 réponses pour le questionnaire « soignant
» et 411 réponses pour le questionnaire « étudiant
». À cela ajoutons 91 participants dans le cadre de notre seconde
phase de recherche, au travers d'un complément d'enquête
adressé aux soignants uniquement.
Les caractéristiques sociodémographiques des
différents participants ont été recueillis à partir
de la partie présentation de l'enquêté
réalisée en début de chaque enquête (Cf. Annexes
1 et 2). Ainsi, côté soignant, nous avons
récolté le sexe de l'individu, la tranche d'âge, le nombre
d'années d'exercice, et le type de service. Côté
étudiant, seuls le sexe et le niveau d'études dans le cursus
ont
46
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
été jugés nécessaires dans le
cadre de notre recherche. Dans le groupe des manipulateurs
diplômés, nous avons relevé 74.9% de femmes et 25.1%
d'hommes, contre 78.3% de femmes et 21.7% d'hommes dans le groupe des non
diplômés. Au vu de ces effectifs, non seulement le taux de femmes
et d'hommes dans les deux groupes sont comparables, mais ils restent
relativement proches des taux nationaux relevés par la Direction de la
Recherche, des Études, de l'Évaluation et des
Statistiques1.
Tableau V. Les participants
|
Soignants
|
Étudiants
|
Nombre de participants
|
> 641 pour le questionnaire « soignant »
> 91 pour le complément d'enquête
|
> 411 pour le questionnaire
« étudiant »
|
Âge2
|
> âge maximum de 58 ans > âge minimum de 21
ans
> âge moyen de 35.8 ans
|
Non renseigné3
|
Localisation
|
France métropolitaine et France d'outre-mer
|
Critères d'inclusion
|
Tous les professionnels manipulateurs en électrologie
médicale travaillant en service de :
> Radiologie conventionnelle
> Radiologie interventionnelle
> Scanner
> Imagerie par résonance magnétique
> Médecine nucléaire
> Radiothérapie
|
Tous les étudiants manipulateurs en électrologie
médicale non diplômés de niveau d'études :
> Première année
> Deuxième année
> Troisième année
|
Critères d'exclusion
|
Aucun
|
Aucun
|
Source : L'auteur
1 À titre d'information, une enquête
menée sur les évolutions démographiques des professions de
santé a dénombré, en France métropolitaine et
d'outre-mer, 33 464 manipulateurs dont 71.9% de femmes et 28.1% d'hommes
(DREES, 2015). De même, une enquête sur la formation aux
professions de la santé a comptabilisé 629 étudiants
diplômés en 2014 dont 66% de femmes et 44% d'hommes (DREES,
2016).
2 L'âge des soignants a été
évalué en fonction du complément d'enquête
disponible en Annexe 5.
3 Compte tenu de nos objectifs de recherche,
l'âge des participants n'avait d'intérêt que dans le cas des
manipulateurs. En effet, certains d'entre eux ayant suffisamment
d'expérience professionnelle, nous pourrons mettre en évidence un
lien possible entre la facilité à employer l'humour au travail et
l'ancienneté. De ce fait, l'âge des étudiants n'a pas
été demandé dans le questionnaire qui leur était
adressé. Par ailleurs, nous avons relevé 34.1% d'étudiants
en première année, 32.1% en deuxième année, et
33.8% en troisième année.
47
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
B. LES OUTILS DE RECHERCHE
Tableau VI. Les outils
|
1ÈRE PHASE DE RECHERCHE
|
2NDE PHASE DE RECHERCHE
|
Questionnaires
« soignant » et « étudiant
»
|
Complément d'enquête « soignant
»
|
Période de temps
|
du 12 novembre 2015 au 31 janvier 2016
|
du 27 novembre 2015 au 17 février 2016
|
Population cible
|
Manipulateurs en électroradiologie médicale
diplômés et non diplômés
|
Manipulateurs en électroradiologie médicale
diplômés uniquement
|
Communication
|
Lien hypertexte envoyé par courriel ou disponible sur les
réseaux sociaux
|
Composition des outils
|
1) Présentation de l'enquêté
2) L'humour au travail
3) Vers une formation à l'humour
|
1) Présentation de l'enquêté
2) Votre rapport avec l'humour
3) L'humour auprès des patients
4) L'humour auprès des soignants
5) Vers une formation à l'humour
|
Paradigme de recherche
|
Positiviste :
|
Constructiviste :
|
> considérer davantage la subjectivité
des réponses des soignants
> reconnaître l'influence des attitudes et
comportements humains sur la pratique de l'humour dans les soins
|
> mesurer objectivement les
réponses obtenues chez les soignants et les
étudiants
|
But de la recherche
|
Descriptif :
|
Explicatif :
|
> expliquer pour quelles raisons
l'humour est-il plus ou moins utilisé selon le soignant
> expliquer à partir de quels facteurs peut-on dire
qu'un apprentissage à l'humour est envisageable ou non envisageable
|
> décrire la situation actuelle de
l'emploi de l'humour dans les services d'imagerie médicale
et de radiothérapie
|
Méthode de la recherche
|
Quantitative :
|
Qualitative :
|
> questions fermées
> collecte de données chiffrées
|
> questions ouvertes
> collecte de données de contenu
|
Type de recherche
|
Recherche appliquée :
|
possiblement une formation à des étudiants
de la prise en charge
|
> l'enjeu de ce travail consiste à instaurer
l'humour auprès des soignants et/ou
> l'objectif étant de contribuer à
l'amélioration thérapeutique actuelle du patient
|
Source : L'auteur
48
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
C. PROCÉDURE DE RECHERCHE
Afin de recueillir un maximum de réponses, deux
questionnaires ont été établis - un pour les
professionnels, un pour les apprentis - à partir de l'application Google
Forms aisément accessible via Internet. Une fois ces derniers
constitués, leur diffusion s'est faite via courrier électronique
et sur les réseaux sociaux, notamment par l'intermédiaire de
l'Association Française du Personnel Paramédical
d'Électroradiologie (AFPPE).
Pour pouvoir participer, il suffisait alors de cliquer sur le
lien hypertexte conduisant au sondage, aucune inscription n'étant
nécessaire. Nous avons été attentifs à ce que
chaque individu s'engage librement à participer à notre recherche
exploratoire. Conformément aux exigences propres au travail
d'enquête, l'anonymat a été respecté pour l'ensemble
de l'étude.
Cette première phase de la recherche étant
quantitative, l'enjeu était de toucher le plus possible de personnes. Au
vu de l'essor incontestable du numérique dans notre quotidien, il a
semblé judicieux de se servir des nouvelles technologies qui sont
à notre disposition, plutôt que de se limiter au classique «
papier » qui a certes ses avantages, mais qui dans notre cas montrerait
très rapidement ses limites. Il paraissait en effet peu envisageable de
diffuser par voie postale plusieurs centaines de formulaires partout en France.
Ainsi, les questionnaires envoyés étaient concis, faciles
à distribuer, faciles d'accès, et faciles à recueillir.
Le questionnaire « soignant » a donc
été envoyé à de nombreux centres hospitaliers et
cliniques en France métropolitaine, mais aussi en France d'outre-mer.
Tous les différents services d'imagerie diagnostique à savoir la
radiologie conventionnelle et interventionnelle, le scanner, l'IRM, la
médecine nucléaire, et les services de radiothérapie, ont
été invités à répondre.
Pour ce qui est du questionnaire « étudiant
», celui-ci a été adressé là encore dans toute
la métropole et dans les DOM-TOM, aux écoles attribuant le
Diplôme de Technicien Supérieur en imagerie médicale et
radiologie thérapeutique (DTS IMRT) sous l'égide du
Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, mais
également aux Instituts de Formation de Manipulateurs en
Électroradiologie Médicale attribuant le Diplôme
d'État de manipulateur d'électroradiologie médicale (DE
MERM) sous la responsabilité du Ministère des Affaires sociales
et de la Santé.
Au vu des nombreuses réponses qui sont parvenues, il a
semblé important d'étendre nos recherches encore plus loin. Un
complément d'enquête auprès des manipulateurs a donc
été réalisé en seconde phase de notre recherche
(Cf. Annexe 5). Il n'aurait pas été pertinent de
réaliser des entretiens, non pas par manque d'intérêt, mais
parce que la population touchée aurait été très
limitée en nombre. Dans ce cas précis, comment rendre comparable
une étude quantitative de plusieurs centaines de réponses avec
moins d'une dizaine d'entretiens ?
49
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
À la suite de cette réflexion, nous avons donc
mis en place un questionnaire avec des questions ouvertes. L'enjeu étant
non plus d'aboutir à des données chiffrées mesurables,
mais à la perception soignante de l'usage de l'humour en pratique, et
sur une possible mise en place d'une formation au travail. Ce nouveau
questionnaire « soignant » a été distribué de la
même manière que précédemment.
Étant bien conscient que nous allions solliciter par
deux fois les mêmes personnes, la consigne était simple :
« Un mot-clef, une phrase, un paragraphe,... n'hésitez pas
à compléter ce questionnaire comme vous l'entendez ! L'important
étant de recueillir votre ressenti quant à l'apport de l'humour
dans les soins. Ces questions me permettent d'être comparatif dans le
recueil de mes données, mais l'essentiel reste que vous preniez plaisir
à y répondre ». Prendre plaisir, c'est certainement ce
qui caractérise le plus, semble-t-il, les personnes qui ont
participé au complément d'enquête qualitatif. En effet, ce
dernier nécessitant beaucoup plus de temps à consacrer pour y
répondre, il est évident que les participants étaient
majoritairement intéressés par le thème du sujet.
Compte tenu du mode de distribution de ce questionnaire, le
taux de réponses obtenu (91 réponses) a été bien
plus élevé que si nous avions fonctionné par entretiens
individuels. Par ailleurs, il est important de noter que ce complément
d'enquête n'a pas été adressé aux étudiants
car il nécessitait un minimum d'expérience professionnelle afin
d'être pertinent dans les réponses attendues.
Après avoir pris le temps d'exposer
précisément notre méthodologie de recherche, analysons
dès à présent les résultats quantitatifs, puis
qualitatifs, obtenus.
50
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
PARTIE III. RÉSULTATS
CHAPITRE 1. ANALYSE DES DONNÉES
QUANTITATIVES
A. LES CARACTÉRISTIQUES
SOCIODÉMOGRAPHIQUES
Dans la première phase de notre recherche exploratoire,
deux questionnaires ont donc été distribués : l'un aux
manipulateurs diplômés, l'autre aux non diplômés. Le
recueil des réponses s'est fait par l'application Google Forms, tandis
que leur exploitation graphique a été réalisée
à partir du logiciel tableur Excel de la suite bureautique Microsoft
Office. L'analyse complète de ces résultats se trouve en
Annexes 1, 3 et 4 pour le questionnaire « soignant » ; et en
Annexes 2,3 et 4 pour le questionnaire « étudiant
».
La méthode quantitative de ces deux questionnaires
à questions fermées est caractérisée par sa
représentativité et sa variabilité. En effet, les
échantillons soignants et étudiants sont suffisants et
représentatifs de la population mère pour pouvoir être
considérés comme significatifs. Les données
sociodémographiques de chaque participant ont été
relevées au travers de la première partie des questionnaires,
relatif à la présentation de l'enquêté (Cf.
Annexes 1 et 2).
La représentativité est significative d'une part
car le nombre de participants est relativement élevé compte tenu
des instruments de recherche utilisés : 641 réponses pour les
manipulateurs et 411 réponses pour les étudiants. D'autre part,
le taux d'hommes et de femmes semble correspondre à la moyenne nationale
relevée par la Direction de la Recherche, des Études, de
l'Évaluation et des Statistiques (DREES), comme nous l'avons vu
précédemment dans notre méthodologie de recherche. On
relève 74.9% de femmes et 25.1% d'hommes chez les soignants (Cf.
Annexe 1, Question 1), contre 78.3% de femmes et 21.7% d'hommes chez les
étudiants (Cf. Annexe 2, Question 1). Au vu de ses
résultats, nous sommes témoins d'une féminisation
importante de ce métier paramédical.
La variabilité de l'échantillon est
définie à la fois par la tranche d'âge des individus, la
durée d'exercice, le service d'imagerie et le niveau d'études.
Côté soignant, nous pouvons remarquer une diversité au
niveau des âges, allant de moins de 25 ans à plus de 50 ans
(Cf. Annexe 1, Question 2). Cependant, il s'agit majoritairement d'une
population jeune avec 68.3% des manipulateurs âgés de moins de 25
ans à 35 ans. La durée d'ancienneté en tant que
manipulateur (Cf. Annexe 1, Question 3) est elle aussi variable :
40.7% de l'échantillon exerçant le métier depuis moins de
5 ans, 43.5% entre 5
51
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
et 20 ans, et 15.8% de plus de 20 ans. Enfin, la
répartition dans les différents services d'imagerie semble
là encore être assez représentative de la
réalité, avec davantage de manipulateurs travaillant en service
de diagnostique qu'en thérapie (Cf. Annexe 1, Question 4).
Parmi les 641 participants, on dénombre 381 manipulateurs travaillant en
radiologie conventionnelle, 295 en scanner, 157 en IRM, 137 en interventionnel,
111 en médecine nucléaire, et 60 en radiothérapie. La
somme de chacune de ces différentes modalités est
supérieure à l'échantillon total car plusieurs
réponses à cette question étaient possibles. En effet, il
est évident que de nombreux manipulateurs ne travaillent pas dans un
seul et unique service d'imagerie, mais sur plusieurs modalités à
la fois.
Cette variabilité des réponses obtenues se
retranscrit également au niveau des étudiants, au travers d'une
répartition homogène entre les trois niveaux d'études,
avec 34.1% d'étudiants en première année, 32.1% en
deuxième année, et 33.8% en troisième année
(Cf. Annexe 2, Question 2).
B. L'HUMOUR, VALEUR PERSONNELLE ET PROFESSIONNELLE
La deuxième partie des questionnaires consiste à
évaluer l'humour au travail (Cf. Annexe 3). Afin de simplifier
la comparaison entre soignants et étudiants, nous avons regroupé
sur un même diagramme les résultats de chacun de ces deux groupes.
Avant toute chose, il était important de savoir si l'humour constituait
pour la plupart une caractéristique majeure de la personnalité
(Cf. Annexe 3, Question 1). Diplômés et non
diplômés semblent s'accorder sur le fait que l'humour fait «
modérément » (51% en moyenne) voire «
énormément » (42% en moyenne) partie de leur
caractère. Seuls trois soignants (0.5%) et un étudiant (0.2%)
déclarent ne pas avoir l'humour comme attribut dominant de leur
tempérament. De la même manière, l'usage de l'humour dans
leur profession semble « assez important » pour 54.9% des soignants
et 66.2% des étudiants ; voire « très important » pour
38.2% des manipulateurs et 22.6% des apprentis (Cf. Annexe 3, Question
2). Deux soignants (0.3%) et deux étudiants (0.5%) seulement
considèrent l'humour comme « pas important » au sein de
l'environnement médical.
Après avoir abordé les perceptions quant
à l'usage de l'humour au travail, il convient d'analyser
concrètement son emploi au quotidien dans la vie professionnelle.
Concernant l'usage de l'humour auprès des patients, cela ne semble pas
se faire en systématique (Cf. Annexe 3, Question 3). Même
si l'humour est pour la plupart des soignants « souvent »
utilisé dans la relation avec le soigné (62.9%), il n'en reste
pas moins que seuls 7.5% des sondés déclarent l'utiliser «
tout le temps ». À l'inverse, uniquement sept manipulateurs (1.1%)
disent ne « jamais » pratiquer l'humour avec leurs patients. En
comparaison, les étudiants semblent davantage partagés entre une
pratique récurrente de l'humour (45.7%) durant leurs stages, et une
pratique occasionnelle (48.2%). Ces résultats peuvent possiblement
s'expliquer par le manque d'expérience des étudiants.
52
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
Qu'il s'agisse de manipulateurs diplômés ou non,
la pratique de l'humour dans les soins semble varier suivant l'âge des
patients (Cf. Annexe 3, Question 4). En effet, 94.4% des soignants et
88.1% des étudiants font usage de l'humour auprès des adultes ;
tandis que seuls 5.5% des professionnels et 4.4% des apprenants le font
auprès des nourrissons. De même, soignants et étudiants
s'accordent à dire que nous avons moins tendance à rire avec les
enfants (51.3% et 44.0% respectivement) ou les adolescents (48.5% et 47.9%
respectivement), qu'avec les plus âgés. Dans tous les cas,
l'humour semble « parfois » initié par le patient
lui-même pour 76.3% des soignants et 63.0% des étudiants (Cf.
Annexe 3, Question 5). Ces derniers déclarent même que
l'humour est « souvent » mis en place dans la relation de soin (20.9%
des et 33.8% respectivement). Les extrêmes sont rares : seuls huit
professionnels (1.2%) et neuf apprenants (2.2%) déclarent l'humour comme
« tout le temps » initié par le patient, tandis que dix
manipulateurs (1.6%) et quatre étudiants (1.0%) considèrent qu'il
n'est « jamais » introduit par le soigné.
À la vue de ces premiers résultats, il nous a
semblé judicieux de savoir si la personnalité de l'individu
influe sur sa relation avec le patient dans son travail. En d'autres termes, un
soignant avec un caractère jovial au naturel est-il
prédisposé à pratiquer l'humour dans les soins ? Poser
l'humour en tant que valeur personnelle fondamentale revient-il
nécessairement à l'introduire en tant que valeur professionnelle
indispensable à notre pratique ? Pour tenter de répondre à
ces questions, nous avons croisé les données « soignant
» sur l'humour comme caractéristique majeure du sujet en
ordonnée, en fonction de la fréquence à employer l'humour
avec le patient en abscisse (Cf. Figure I).
Énormément Modérément Pas vraiment
Pas du tout
|
|
|
|
|
|
87.5%
Tout le temps Souvent Parfois Jamais
Source : L'auteur
|
|
|
|
|
|
|
|
|
50.4%
|
|
|
15.3%
14.3%
12.5%
|
|
|
|
|
|
47.4%
|
|
|
|
|
70.5%
|
|
|
|
42.9%
|
|
0.0%
2.0%
|
13.7%
|
28.6%
|
|
|
0.0%
0.2%
0.5%
|
14.3%
|
Figure I. L'humour, valeur personnelle et
professionnelle
Ce graphique démontre clairement qu'un soignant qui
décrit l'humour comme une valeur faisant « énormément
» partie de sa personnalité, l'utilise « tout le temps »
dans les soins qu'il prodigue (87.5%). Par contre, l'inverse n'apparaît
pas aussi formel. Si l'on constate bien que seules les personnes qui n'ont
« pas du tout » un caractère comique tendent à ne
« jamais » pratiquer l'humour
53
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
dans un contexte de soins (14.3%), il n'en reste pas moins que
tous autant déclarent ne « jamais » l'employer avec les
patients alors que l'humour fait « énormément » partie
de leur caractère (14.3%).
Cela est donc relativement surprenant : poser l'humour comme
valeur personnelle essentielle ne suppose en aucun cas l'employer dans sa
pratique. Cependant, ne pas considérer l'humour en tant que trait de
notre caractère, implique nécessairement que l'humour ne peut
être posé comme valeur professionnelle. À la suite de ce
graphique, nous en arrivons à la conclusion suivante : on peut aimer
rire dans sa vie personnelle, sans pour autant rire dans sa vie professionnelle
; mais il paraît plus qu'improbable de rire dans notre profession, si
nous ne sommes pas déjà prédisposés à
l'humour dans notre vie privée. L'humour, avant même d'être
une valeur professionnelle, se pose donc comme une valeur personnelle. À
nous, soignants, d'entretenir ce trait de caractère, puis de faire le
choix de le mettre ou non en pratique dans notre métier.
Mais l'emploi de l'humour ne se fait pas qu'auprès des
patients. Rire au travail, c'est aussi rire avec ses collègues.
Près de la moitié des soignants (46.6%) déclarent utiliser
« tout le temps » l'humour avec leurs collègues de travail
(Cf. Annexe 3, Question 6). Presque autant (44.1%) tendent à
« souvent » l'adopter et uniquement deux manipulateurs (0.3%) ne le
manient « jamais ».
C. ÂGE, EXPÉRIENCE ET SECTEUR
D'ACTIVITÉ
Désormais, il convient de se demander si l'âge du
soignant ne prédispose pas à faire de l'humour une valeur
personnelle. Sommes-nous plus enclins à rire dans notre jeunesse
insouciante, ou bien l'expérience de vie apparaît comme un
formidable tremplin d'autodérision ? Nous avons donc comparé la
tranche d'âge du soignant en abscisse, selon sa personnalité
humoristique en ordonnée (Cf. Figure II).
38.1%
Énormément Modérément Pas vraiment
Pas du tout
4.5%
4.9%
6.5%
8.3%
0.6%
0.7%
0.0%
0.0%
Moins de 25 ans Entre 25 et 35 ans Entre 36 et 50 ans Plus de 50
ans
Source : L'auteur
45.9%
41.3%
43.8%
56.8%
48.4%
52.3%
47.9%
Figure II. Humour et tranche d'âge
54
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
Au vu de ce graphique, peu de différences notables sont
à noter selon l'âge du soignant. Qu'il s'agisse de manipulateurs
âgés de moins de 25 ans, entre 25 et 35 ans, entre 36 et 50 ans,
ou à plus de 50 ans, la majorité considère l'humour comme
faisant « modérément » partie de leur caractère
(51.3% en moyenne), voire « énormément » (42.7% en
moyenne). L'âge ne semble donc pas influer sur le tempérament
comique de l'individu. Il n'y a pas d'âge pour rire !
Pour en revenir à la notion d'expérience, il a
paru intéressant de mettre en exergue une possible corrélation
entre le nombre d'années de pratique dans le métier en abscisse ;
et la facilité à user de l'humour dans les soins en
ordonnée (Cf. Figure III). Notons bien que nous parlons ici
d'expérience et non d'âge. En effet, on peut très bien
avoir débuté le métier de manipulateur récemment et
pourtant avoir une quarantaine d'années, suite à une
réorientation professionnelle par exemple. L'âge n'étant en
aucun cas représentatif d'une quelconque maturité
professionnelle.
Tout le temps Souvent Parfois Jamais
Moins de 5 ans Entre 5 et 20 ans Plus de 20 ans
63.2%
62.4%
63.4%
5.0%
Source : L'auteur
10.4%
5.9%
30.7%
26.5%
28.7%
1.1%
0.7%
2.0%
Figure III. Humour et expérience
professionnelle
Contrairement à ce que l'on pourrait penser,
l'ancienneté professionnelle ne témoigne pas d'une plus grande
aisance à employer l'humour avec le patient. En effet, si nous nous
accordons à dire que les soignants utilisent « souvent »
l'humour dans leur métier (62.9% en moyenne), pour autant aucune
différence notable entre les trois catégories n'est à
remarquer : 63.2% pour les soignants avec moins de 5 ans d'ancienneté,
62.4% entre 5 et 20 ans, 63.4% pour ceux avec plus de 20 ans.
Mettre en lien les caractères
sociodémographiques des soignants avec le degré d'usage de
l'humour dans leur profession, suppose de s'intéresser également
au secteur d'activité. L'humour est-il moins utilisé en
radiothérapie, où le professionnel de santé est face
à des patients atteints de pathologies lourdes ? A contrario, les
séances de traitement régulières ne permettent-elles pas
d'instaurer plus aisément une relation de confiance entre soignant et
soigné, et donc de faciliter la pratique de l'humour ? Le manque de
temps à consacrer au patient en service d'imagerie diagnostique ne
constitue-t-il pas un frein à employer l'humour au travail ? Les
importants moyens de radioprotection en médecine nucléaire ne
font-ils pas écran à la relation soignant/soigné,
diminuant
55
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
ainsi la possibilité de faire usage de l'humour ? Le
contexte stérile de la radiologie interventionnelle ne rend-t-il pas la
situation peu encline à rire ? Afin d'apporter une réponse
à ces interrogations, nous avons confronté la pratique de
l'humour dans les soins en abscisse, avec le secteur d'activité
radiologique concerné en ordonnée (Cf. Figure IV).
Radiologie Interventionnel Scanner IRM Médecine
nucléaire Radiothérapie
|
7.3%
|
|
|
Tout le temps Souvent Parfois Jamais
|
|
|
64.6%
|
|
26.8%
|
|
1.3%
7.3%
|
|
|
|
59.9%
|
|
29.9%
|
|
2.9%
6.8%
|
|
|
|
67.5%
|
|
25.1%
|
|
0.7%
8.9%
|
|
|
64.3%
|
|
26.8%
|
|
0.0%
10.8%
|
|
|
|
55.9%
|
|
32.4%
|
|
0.9%
5.0%
|
|
|
|
66.7%
|
|
28.3%
|
|
0.0%
Source : L'auteur
Figure IV. Humour et modalités
Là encore, surprenants résultats ! Contre toute
attente, le secteur d'activité ne semble pas influencer outre mesure
l'usage de l'humour avec le patient. Qu'il travaille en radiologie
conventionnelle, en interventionnel, en scanner, en IRM, en médecine
nucléaire ou en radiothérapie, le soignant pratique «
souvent » l'humour avec le patient (62.9% en moyenne). Rares sont les
professionnels de santé qui ne s'en servent « jamais » dans
leur relation avec le soigné (1.1% en moyenne), et cela quelque soit le
milieu d'exercice.
D. LES APPORTS DE L'HUMOUR
De nombreux bienfaits ont été mis en
évidence quant à l'usage de l'humour dans les soins (Cf.
Annexe 3, Question 7). Quasiment la totalité des soignants (90.0%)
et des étudiants (94.4%) se déclarent « plutôt
d'accord » (48.8% et 45.3% respectivement) voire « tout à fait
d'accord » (41.2% et 49.1% respectivement) à considérer
l'humour comme un moyen d'établir une relation de confiance avec le
patient. Seuls quatre manipulateurs (0.6%) et un seul étudiant (0.2%) ne
sont « pas du tout d'accord ».
56
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
Si les avis définissant l'humour comme un
mécanisme de défense face au stress du travail semblent davantage
partagés, il n'en reste pas moins que 60.9% des soignants se
déclarent « tout à fait d'accord » (20.0%) et «
plutôt d'accord » (40.9%). Les résultats des apprenants sont
sensiblement identiques avec 15.6% qui sont « tout à fait d'accord
» et 41.1% « plutôt d'accord ». Près d'un quart des
participants ne se prononcent pas : 21.5% diplômés et 24.1% non
diplômés se disent « ni en accord ni en désaccord
».
L'humour, synonyme d'une bonne ambiance entre collègues
: les avis semblent unanimes sur ce point ! 97.9% des manipulateurs et 94.8%
des étudiants reconnaissent être majoritairement « tout
à fait d'accord » (73.6% et 63.7% resp.) et « plutôt
d'accord » (24.3% et 31.1% resp.). Cela semble indéniable, l'humour
correspond avant tout à l'expression d'une bonne humeur
partagée.
Environ la moitié des soignants (45.7%) et des
étudiants (52.6%) semblent « plutôt d'accord » pour dire
que l'humour est un moyen d'aplanir la hiérarchie entre le professionnel
de santé et le patient. Ils restent peu nombreux à se dire «
plutôt pas d'accord » (5.8% et 4.4% resp.) voire « pas du tout
d'accord » (5.6% et 4.1% resp.).
Nombreux sont ceux qui se servent de l'humour comme une
technique de distraction du patient lors d'actes de soins intimes ou invasifs :
81.9% des manipulateurs diplômés et 84.6% des non
diplômés reconnaissent être « tout à fait
d'accord » (29.8% et 38.9% resp.) ou « plutôt d'accord »
(52.1% et 45.7% resp.). Uniquement treize soignants sur les 641 (2.0%) et cinq
étudiants sur les 411 (1.2%) ne sont « pas du tout d'accord
».
Envisager l'humour comme une manière de mieux
appréhender l'examen pour le patient, s'inscrit dans la droite
lignée des bienfaits de la bonne humeur dans la relation de soin. En
effet, 87.7% des professionnels et 92.0% des apprenants avouent être
« tout à fait d'accord » (38.7% et 41.1% resp.) ou «
plutôt d'accord » (49.0% et 50.9% resp.).
Enfin, 88.5% des soignants (soit 37.3% « tout à
fait d'accord » et 51.2% « plutôt d'accord ») et 86.4% des
étudiants (soit 34.8% « tout à fait d'accord » et 51.6%
« plutôt d'accord ») soutiennent l'humour comme un outil
thérapeutique contribuant à la santé physique et
psychologique du soigné. Aucun professionnel, seul un unique
étudiant (0.2%), se dit totalement en désaccord avec ce concept
de thérapie par le rire.
Après avoir mis en évidence de nombreux
bienfaits, il paraît intéressant de s'attarder sur les
éventuels effets négatifs de l'humour au sein d'une relation de
soin (Cf. Annexe 3, Question 7). Dans un premier temps, nous avons
voulu savoir si l'humour constituait un manque de respect au regard du patient.
Seuls deux soignants (0.3%) se disent « tout à fait d'accord
». 91.0% des professionnels diplômés et 88.9% des non
diplômés reconnaissent n'être « plutôt pas
d'accord » (25.9% et 27.3% resp.) voire majoritairement « pas du tout
d'accord » (65.1% et 61.6% resp.) avec cette affirmation.
D'ailleurs, sensiblement les mêmes conclusions sont
à tirer de l'humour en tant qu'outil inapproprié dans une prise
en charge soignante. Alors que 91.4% des manipulateurs et 86.9% des
57
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
étudiants avouent n'être « pas du tout
d'accord » (64.3% et 58.2% resp.) ou « plutôt pas d'accord
» (27.1% et 28.7% resp.), seulement onze soignants (1.7%) et quatre
étudiants (1.0%) semblent « tout à fait d'accord ».
De même, 94.1% des professionnels (soit 73.5% « pas
du tout d'accord » et 20.6% « plutôt pas d'accord ») et
92.5% des étudiants (soit 69.1% « pas du tout d'accord » et
23.4% « plutôt pas d'accord ») n'assimilent pas l'humour
à un manque de professionnalisme. À l'inverse, seuls deux
soignants (0.3%) et un étudiant (0.2%) perçoivent l'humour comme
un évident défaut de sérieux et de rigueur dans un
environnement qui en requiert.
Néanmoins, si l'humour semble avoir sa place dans la
relation soignant/soigné pour un certain nombre de manipulateurs
diplômés et non diplômés, il semble
représenter un possible risque de heurter la personne et de nuire
à sa dignité. Certes, peu se déclarent « tout
à fait d'accord » (1.6% et 2.9% resp.) ou « plutôt
d'accord » (8.1% et 13.4% resp.), mais plus d'un quart des participants se
déclarent sans opinion : 27.3% des soignants et 30.7% des
étudiants sont « ni en accord ni en désaccord ». Le
même effectif se déclare « plutôt pas d'accord »
(32.4% et 30.7% resp.) et « pas du tout d'accord » (30.6% et 22.4%
resp.). Ainsi, si l'humour ne semble pas nécessairement mettre en danger
le respect d'autrui et de ses valeurs pour la majorité des participants,
nombreux sont ceux qui ne se prononcent pas, signe possible de la
complexité à user de l'humour dans les soins.
Par contre, 89.1% des professionnels et 78.6% des
étudiants ne considèrent pas la pratique de l'humour en tant que
déni total de la souffrance du soigné et de ses besoins en
santé. La plupart des sondés se disent d'ailleurs « pas du
tout d'accord » (67.7% et 57.2% resp.). Uniquement sept soignants sur les
641 (1.1%) et trois étudiants sur les 411 (0.7%) semblent « tout
à fait d'accord ».
Enfin, 88.3% des manipulateurs (soit 64.7% « pas du tout
d'accord » et 23.6% « plutôt pas d'accord ») et 88.1% des
apprenants (soit 58.9% « pas du tout d'accord » et 29.2% «
plutôt pas d'accord ») ne considèrent pas que l'humour puisse
affecter la productivité au travail. A contrario, dix soignants (1.6%)
et également dix étudiants (2.4%) sont « tout à fait
d'accord », estimant ainsi clairement l'humour en tant que manque à
gagner dans une optique soignante.
Au vu de ses résultats, nous noterons les avis
sensiblement identiques entre manipulateurs diplômés et non
diplômés. Alors que nous aurions pu nous attendre à une
différence significative du fait de leur manque d'expérience, les
étudiants semblent faire preuve d'une grande capacité à se
projeter dans leur pratique future, où humanité et
technicité s'entremêlent constamment.
Entre créateur de relation, mécanisme de
défense, incitateur de bonne humeur, témoignage
d'humanité, technique de distraction et outil thérapeutique, la
majorité des soignants et des étudiants semblent unanimes sur les
nombreux bienfaits que l'humour est susceptible d'apporter au sein du
métier. Abordons dorénavant la question d'une possible formation
à l'humour à instaurer auprès des professionnels ou bien
dès le cursus d'enseignement.
58
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
E. ENTRE FORMATION INITIALE ET CONTINUE
La troisième partie des questionnaires,
intitulée « Vers une formation à l'humour », consiste
à recueillir les avis des soignants et des étudiants pour voir
s'ils sont dans l'ensemble favorables ou non à un apprentissage de
l'humour dans leur pratique soignante (Cf. Annexe 4). Du fait de
l'intérêt croissant porté aux différentes techniques
de thérapies par le rire, il semblait intéressant de savoir si le
terme « gélothérapie » était connu des
participants. 96.5% des participants (96.6% des soignants et 96.4% des
étudiants) ont répondu « non » ; tandis que seulement
vingt-deux diplômés (3.4%) et quinze non diplômés
(3.6%) ont affirmé avoir connaissance de cette appellation encore peu
commune (Cf. Annexe 4, Question 1). Après cette question nous
avons donc jugé utile de poser une définition succincte de la
thérapie par le rire afin d'éclairer les participants.
Par la suite, nous avons évalué la
complexité de l'humour dans son aspect inné ou acquis. Pour la
grande majorité des soignants (69.7%) et des étudiants (65.9%),
la mise en place d'une formation à l'humour n'est possible qu'en
fonction du professionnel, la pratique de l'humour variant d'un individu
à un autre (Cf. Annexe 4, Question 2). 12.6% des
diplômés et 17.0% des non diplômés considèrent
l'humour comme une faculté possiblement acquise, la formation
étant envisageable pour n'importe quelle personne, réceptive ou
non à l'humour. Sensiblement les mêmes résultats sont
à relever pour ceux qui perçoivent l'humour en tant que
prédisposition innée de l'Homme, puisque totalement
dépendant de notre personnalité. Pour ces derniers, soit 16.7% de
manipulateurs et 13.6% d'apprenants, un apprentissage de l'humour
apparaît impossible. Résultats plutôt encourageants au vu de
notre problématique, seuls six soignants sur les 641 participants (0.9%)
et quatorze étudiants sur les 411 sondés (3.4%), jugent une telle
formation comme une perte de temps non négligeable.
Si tous ne se prononcent pas en faveur de cette formation pour
le moins atypique avouons-le, l'intérêt porté à la
question est en tout cas bien réel pour environ trois quart des
manipulateurs (73.9%) et des étudiants (77.9%). Près d'un quart
se disent même « très intéressés » (26.8%
et 25.3% resp.) et la moitié « plutôt
intéressée » (47.1% et 52.6% resp.) quant à un tel
apprentissage dans leur métier (Cf. Annexe 4, Question 3).
Seulement 4.4% des soignants et 3.6% des étudiants ne se
déclarent « pas du tout intéressés ».
Sur les 73.9% de diplômés et les 77.9% de non
diplômés intéressés, 85.7% et 85.3% d'entre eux
respectivement, reconnaissent un bénéfice à la fois dans
leur vie professionnelle et dans leur vie privée (Cf. Annexe 4,
Question 3bis). Pour seulement dix-neuf manipulateurs (4.0%) et six
étudiants (1.9%) cette formation ne serait bénéfique que
du point de vue personnel.
La question susceptible de se poser désormais est
relative au degré d'expérience des soignants. Une plus grande
expérience implique nécessairement d'avoir côtoyé un
plus grand nombre de patients, de tous types, plus ou moins réceptifs
à l'humour, et dans des contextes aussi divers que variés. Un
59
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
apprentissage du rire apparaît dès lors
dispensable étant donné que l'on éprouve moins le besoin
d'apprendre de nouvelles choses. Pour autant, une formation à l'humour
est-elle nécessaire uniquement chez les manipulateurs exerçant le
métier depuis peu ? Le désintérêt porté
à cette idée de former à l'humour n'est-elle
présente qu'auprès des plus expérimentés ? A
contrario, un tel apprentissage est-il perçu comme un moyen d'apporter
un peu de jovialité dans une pratique qui tend à s'essouffler au
fil des années et à succomber à la routine ?
Afin d'apporter une possible réponse à ces
questions, nous avons confronté l'intérêt de la mise en
place d'une formation continue à l'humour chez les manipulateurs en
ordonnée, en fonction de leur durée d'exercice dans le
métier en abscisse (Cf. Figure J).
23.0%
Très intéressé(e)
|
|
30.1%
|
|
|
|
|
27.7%
|
|
|
|
|
|
|
49.8%
|
Plutôt intéressé(e)
|
|
|
44.1%
|
|
|
|
|
48.5%
|
|
|
|
|
|
Moins de 5 ans
|
|
|
23.0%
|
Peu intéressé(e)
|
|
21.5%
|
|
Entre 5 et 20 ans
|
|
|
18.8%
|
|
|
|
|
Plus de 20 ans
|
|
4.2%
|
|
|
|
Pas du tout intéressé(e)
|
4.3%
|
|
|
|
|
5.0%
|
|
|
|
Source : L'auteur
Figure V. Une formation continue à l'humour ?
Au vu de ce graphique, le degré d'expérience
professionnelle ne semble pas influencer outre mesure l'intérêt
porté à la formation. La plupart des manipulateurs
révèlent être « plutôt intéressés
» quant à la mise en place d'une formation continue dont : 49.8%
travaillant depuis moins de cinq ans, 44.1% entre cinq et vingt ans, et 48.5%
depuis plus de vingt ans. Seuls 5.0% des plus expérimentés
avouent n'être « pas du tout intéressés », alors
que près du sextuple (27.7%) se disent « très
intéressés ». Une formation à l'humour semble donc
envisageable quelque soit l'ancienneté du soignant.
Après avoir évalué si les soignants et
les étudiants étaient disposés ou non à se former
à l'humour durant leur pratique, la dernière question consistait
à envisager la mise en place d'une formation initiale dès le
cursus de manipulateur (Cf. Annexe 4, Question 4). Alors que
près de la moitié des professionnels (48.8%) trouveraient cette
formation pertinente dans le cadre d'une meilleure prise en charge du patient
(soit 10.6% « tout à fait d'accord » et 38.2% «
plutôt d'accord »), ce taux s'élève même
à 66.9% du côté des étudiants (soit 13.6% «
tout à fait d'accord » et 53.3% « plutôt d'accord
»). Si beaucoup ne se prononcent pas (34.6% et 23.1% « ni en accord
ni en désaccord » resp.), ils restent néanmoins très
peu nombreux à se dire « pas du tout d'accord » : vingt-quatre
sur les 641 soignants (3.7%) et uniquement quatre étudiants sur les 411
participants (1.0%).
60
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
L'idée d'envisager une unité ou
sous-unité d'enseignement « humour » au cours de la
scolarité, nécessite de recueillir l'avis des premiers
concernés : les étudiants. Ainsi, il paraît
intéressant de se demander si le niveau d'études influe sur la
perception des bénéfices apportés par cet apprentissage.
L'expérience acquise au cours des stages ne prédispose-t-elle pas
les étudiants à se détacher de l'aspect technique du
métier pour en privilégier l'aspect humain ? De ce fait, les
élèves en troisième année ne sont-ils pas plus
à même de pratiquer l'humour lors des soins ; et donc de trouver
un bénéfice réel quant à cette formation ?
Cependant, les nouveaux apprenants disposent d'un regard extérieur sur
l'environnement soignant - quasi semblable à celui du patient - car
n'ayant pas suffisamment de connaissances techniques et théoriques. En
conséquence, les élèves de première année ne
perçoivent-ils pas l'humour comme un moyen de faciliter une relation de
confiance entre soignant et soigné ? Le facteur relationnel de l'humour
ne constituerait-il pas une des bases du métier à adopter le plus
tôt possible dans le cursus de manipulateur ?
Nous tenterons d'apporter une réponse à chacune
de ces interrogations en confrontant la pertinence de la mise en place d'une
formation initiale à l'humour en ordonnée, en fonction du niveau
d'études des étudiants en abscisse (Cf. Figure VI).
|
|
|
|
16.4%
|
Tout à fait d'accord
|
9.1%
|
|
|
|
15.1%
|
|
|
|
|
|
|
|
55.7%
|
Plutôt d'accord
|
|
52.3%
|
|
|
|
51.8%
|
|
|
|
|
|
22.1%
|
Ni en accord ni en désaccord
|
27.3%
|
|
|
|
20.1%
|
|
|
|
|
|
Première année
|
Plutôt pas d'accord
|
5.0%
9.8%
|
|
Deuxième année
|
|
12.2%
|
|
Troisième année
|
|
0.7%
|
|
|
Pas du tout d'accord
|
1.5%
|
|
|
|
0.7%
|
|
|
Source : L'auteur
Figure VI. Une formation initiale à l'humour ?
Dans l'ensemble, plus de la moitié des étudiants
(53.3% en moyenne) se disent « plutôt d'accord » à
propos d'une formation initiale en vue d'une meilleure prise en charge du
patient, avec un taux de réponses sensiblement identique selon le niveau
de scolarité : 55.7% des élèves de première
année, 52.3% de deuxième année, et 51.8% de
troisième année. Exclusivement un étudiant en
première année (0.7%), deux de deuxième année
(1.5%), et un de dernière année (0.7%), se considèrent
totalement fermés à cette idée. Au vu des
résultats, un apprentissage de l'humour dans le cursus d'enseignement
semble être majoritairement accepté par les étudiants, et
cela peu importe le niveau d'études.
61
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
CHAPITRE 2. ANALYSE DES DONNÉES QUALITATIVES
A. LES CARACTÉRISTIQUES
SOCIODÉMOGRAPHIQUES
Le complément d'enquête constitue la seconde
phase de notre recherche exploratoire. Comme précisé lors de
notre méthodologie de recherche, il s'agit d'un questionnaire comprenant
vingt questions ouvertes, distribué numériquement, et
adressé uniquement aux manipulateurs diplômés. Alors que la
première phase de recherche consistait à observer des
données chiffrées pour ensuite tenter de les interpréter,
cette partie consiste à expliquer concrètement les
résultats obtenus en vue de comprendre et de recueillir le ressenti des
soignants au regard de la problématique. Le complément
d'enquête, pour lequel 91 manipulateurs en électroradiologie
médicale ont participé, est disponible entièrement en
Annexe 5.
Sur les 91 participants, nous avons comptabilisé
soixante-quatre femmes (70.3%) et vingt-sept hommes (29.7%). L'âge moyen
des réponses était de 35.8 ans, avec un âge maximal de 58
ans et un âge minimal de 21 ans. La médiane étant de 35
ans, le faible écart avec la moyenne d'âge calculée
témoigne d'une population relativement jeune. Le calcul de la
médiane permettant d'éviter tout risque d'être
affecté par les valeurs extrêmes de l'ensemble des données
recueillies.
Étant donné qu'il s'agissait de questions
ouvertes, le questionnaire allait nécessiter plus de temps pour y
répondre, réduisant a fortiori le nombre de participants
potentiels. L'échantillon étant alors plus faible que lors de
notre première phase de recherche, il nous a paru utile de questionner
sur le lieu de travail (Cf. Annexe 5, Question 3). En effet, s'il est
évidemment peu probable que la situation géographique influe sur
les résultats, elle reste néanmoins un important indicateur de la
diversité des réponses obtenues. Sans aller jusqu'à
énumérer les quatre-vingt-onze localités, les
données récoltées proviennent du Centre Léon
Bérard à Lyon, de l'Institut Curie à Paris, du Centre
Hospitalier d'Ajaccio, d'Angoulême, de Chambéry, de
Montélimar, de Valence, du CHU d'Amiens, de Brest, de Lille, de Rennes,
de Saint-Etienne, ou encore de l'île de La Réunion (liste non
exhaustive).
Enfin, parmi les 91 participants, on dénombre 61
manipulateurs travaillant en radiologie conventionnelle, 20 en
interventionnelle, 48 en scanner, 24 en IRM, 15 en médecine
nucléaire et 7 en radiothérapie. Comme lors de la
présentation de l'enquêté effectuée dans les
questionnaires initiaux, la somme de chacune des différentes
modalités est supérieure à la population totale car
certains professionnels exercent dans plusieurs services d'imagerie. Les
réponses obtenues sont donc relativement diverses, issues de
différentes modalités.
62
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
B. LA SIGNIFICATION DE L'HUMOUR
Dans un premier temps, il nous a semblé
intéressant de relever quelles consonances le terme « humour »
avait auprès des soignants. Plusieurs mots ont été
évoqués, ceux-ci sont visibles en Annexe 6 sous forme de
cartographie conceptuelle. Les mots qui ressortent davantage apparaissent au
plus près du mot « humour », tandis que ceux
évoqués le moins de fois sont les plus éloignés. On
dénombre ainsi trente-sept fois « sourire » ;
trente-quatre fois « rire » ; vingt-six fois « joie
» et « bien-être » ; dix-sept fois
« gaieté » ; quinze fois « détente
» ; dix fois « bonne humeur » ; sept fois
« partage » ; six fois « vie » et
« légèreté » ; quatre fois «
blague », « dérision », « moquerie
» et « plaisir » ; trois fois «
complicité », « dédramatisation » et
« convivialité » ; deux fois « bonne
ambiance » et « amour » ; une fois «
humanité » et « communication ».
Par ailleurs, nous noterons que plusieurs individus ont mis en
évidence toute la complexité de l'humour, à la fois comme
émotion et perception, à utiliser « sans porter
préjudice à autrui », de manière «
à alléger certaines souffrances », et constituer un
« antidépresseur » naturel. Il permet
également de « relativiser sur les aléas de la vie
». La distinction entre l'humour et la moquerie est établi de
la manière suivante : « pour certains, c'est une forme de
moquerie qui leur sert à se protéger en attaquant les autres tout
en se cachant derrière un pseudo-humour ; de telle façon à
ne pas être attaqués eux-mêmes ». Nous retiendrons
tout particulièrement la définition « positive »
évoquée de manière générale : «
l'humour, c'est de l'amour avec `hu'milité ».
Pour la quasi-totalité des participants, l'humour fait
clairement partie de leur personnalité. Il est évident que le
contraire aurait été surprenant étant donné que le
questionnaire s'adressait plutôt à ceux déjà
intéressés par le sujet. Il est clairement explicité que
l'humour a toute sa place dans une relation de soin : « Les patients
disent qu'ils sont à l'aise avec moi pendant leurs examens, je sais les
mettre en confiance et les détendre souvent grâce à mon
humour » ; « Je fais de l'humour au quotidien, une
journée sans rire est une journée perdue ». En plus
d'instaurer de la bonne humeur, rire apparaît comme un mécanisme
de distraction auprès des patients, afin qu'ils oublient la raison de
leur venue : « Les patients apprécient ce moment où la
maladie n'est pas évoquée et qu'on les considère comme des
personnes et non des malades. Ils font partie de notre groupe rieur
».
Mais les effets de l'humour ne semblent pas se limiter
à distraire le soigné. L'humour est aussi porteur de message
(« Ça aide à faire passer des infos. Et à oublier
les soucis »), ou encore mécanisme de défense face
à une ambiance parfois pesante et stressante (« Très
souvent j'utilise l'humour comme une parade en moment de stress et/ou pour
installer une ambiance plaisante avec les autres. Il est même très
utilisé pour faire une bonne image de soi »). Certains
soignants mettent en garde sur l'importance d'user de l'humour avec prudence :
« Je l'utilise tous les jours ce qui permet de se détendre,
mais il faut savoir rester professionnel » ; « J'essaie mais
avec parcimonie, trop
63
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
d'humour tue les effets de l'humour selon moi ».
Cependant, l'employer avec tact ne signifie pas proscrire l'humour dans des
situations qui ne s'y prêtent pas forcément à
première vue. En radiothérapie, faire face à des patients
atteints de cancers n'est pas forcément synonyme de tristesse et
d'échanges accablants : « La p'tite phrase pleine de
fraîcheur et naïveté au beau milieu du contexte lourd de
l'oncologie, ça fait ses preuves. Mais attention, on peut rire de tout
mais ça dépend avec qui. Ceci écrit, j'ai pu me surprendre
à faire rire avec des trucs super noirs et là pour le coup c'est
les patients qui m'ont fait marrer parce qu'ils aiment aussi la
dérision, ça leur permet de dédramatiser ». S'il
semble beaucoup plus difficile de mettre en place l'humour noir auprès
des patients, il a néanmoins sa place dans les soins, à condition
de le manier avec précaution. Étudions désormais plus en
détail les apports de l'humour auprès des patients et des
soignants.
C. L'HUMOUR AUPRÈS DES PATIENTS
Son emploi auprès des patients se fait de
manière spontanée pour soixante-dix des soignants (76.9%) et de
manière réfléchie pour treize d'entre eux (14.3%), sur les
91 participants (Cf. Annexe 7). Les huit manipulateurs restants ayant
apporté une réponse davantage nuancée : « Oui,
souvent de manière spontanée en rebondissant sur une phrase ou
une piste lancée par le patient. Ou même de façon plus
réfléchie avec des jeux de mots ou des blagues liées aux
situations que je réutilise fréquemment ».
Pour la majorité des soignants, l'emploi de l'humour -
spontané ou non - se fait en fonction du soigné, si l'individu
est réceptif ou non à l'humour : « Les patients non
réceptifs à l'humour cela arrive. Tout est une question
d'observation au départ ». Cela fait partie de la
démarche soignante, d'établir un jugement clinique pertinent de
la situation de prime abord, pour prévenir une mauvaise utilisation de
cet outil. Ne l'oublions pas : « Le but est de détendre la
patient tout en essayant de créer une relation sereine et de confiance
ainsi que d'apaiser la situation dans laquelle se trouve le patient. Être
hospitalisé, être malade, n'est pas quelque chose de `normal' en
soi, donc le patient peut avoir besoin de certains `échappatoires' pour
penser à autre chose que sa maladie ». L'humour est un de ces
échappatoires existant au sein de la relation d'aide (Cf. Annexe
8). En faisant ressurgir notre personnalité propre à travers
l'humour, nous favorisons la coopération du patient aux soins qui lui
sont prodigués. Ce dernier n'adhère plus à un soin
technique, mais à un soin humain avant tout.
Sans poser nécessairement l'humour comme l'instaurateur
premier d'une relation entre soignant et soigné, il représente
pour la plupart des manipulateurs un moyen de favoriser la confiance avec le
patient : « Si le patient aime l'humour il sera forcément plus
ouvert avec le soignant et appréciera davantage la prise en charge, donc
pour moi une meilleure relation de confiance s'instaure ». Pour
résumer, « la confiance, c'est un aspect de l'humour. J'entends
souvent de la part de
64
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
gens qui se disent confidents : `Avec elle, je m'entends
bien, on peut se marrer de tout'. En fait, ces gens ne rient pas de `tout'
comme ils prétendent, mais simplement de ce qu'ils sont en mesure de
tolérer ensemble, en confiance ».
Cette relation de confiance, dont l'humour semble être
un puissant facteur d'accroissement, concerne aussi bien les nourrissons, les
enfants, les adolescents et les adultes. Pour certains, l'humour n'a «
pas de limite d'âge, d'origine... il faut juste `sentir' la personne avec
qui on manie l'humour ». Pour d'autres, « suivant
l'âge de la personne, l'humour est différent » (Cf. Annexe
9). En conséquence, on ne rira pas de la même manière
avec un nourrisson qu'avec un adulte. Tandis que le premier sera distrait par
la seule manifestation physique de l'humour, le second s'attardera sur un
humour verbal plus subtil, davantage porté vers les mots d'esprit.
Ainsi, il n'existe pas un protocole de l'humour à adapter pour chaque
patient : « C'est surtout la forme humoristique qui doit être
adaptée à l'âge ». Si la pratique de l'humour
semble modifiée suivant l'âge de la personne, elle varie
essentiellement en fonction de la personnalité du patient : «
Il n'y a pas de catégories d'âge mais plutôt un état
d'esprit » ; « C'est vraiment personne dépendant
».
Considérer l'humour comme dépendant du
caractère de l'individu, suppose de détenir des indices
permettant de savoir si le patient y est réceptif ou non. Le premier
sourire, lors du « bonjour » de bienvenue, constitue l'indice majeur
: « Dès le premier bonjour, j'affiche un sourire au patient
afin de voir ce qu'il me renvoie à son tour. À partir de ce
moment, je suis dans la capacité de me dire si oui ou non je pourrai
détendre l'atmosphère en utilisant l'humour » ;
« S'il fallait citer un indice : je pense que ce serait le sourire
franc. C'est un trait physique qui caractérise de manière simple,
et à tout âge de la vie, le bonheur ».
Si la facilité à pratiquer l'humour dans les
soins dépend nécessairement du patient, le soignant doit
également adopter une attitude propice à sa mise en place :
« Je crois qu'on invite aussi à l'humour en fonction de
l'attitude que l'on a. Une personne souriante, gaie et prévenante attire
ce genre de comportement ». Bien que le sourire constitue un indice
important, c'est le ressenti du soignant qui prédomine : «
Ça se sent. Ça ne s'explique pas. Une forme de pudeur prend le
dessus quand ce n'est pas le moment... et puis une minute plus tard on fait
tomber un truc, on feint la chute, on se cogne le nez sur la porte et hop, la
braise montre sa fine incandescence. Il faut alors souffler dessus mais pas
trop fort juste pour que le feu prenne sans tout éteindre ».
Très belle métaphore qui démontre toute la finesse de
l'humour. Une délicatesse bien appréciable dans l'univers
alarmant de l'hôpital, où tout doit aller le plus vite
possible.
L'enjeu de la onzième question du complément
d'enquête était de recueillir les avis soignants quant aux
possibles effets thérapeutiques de l'humour. Pour certains, l'humour
apporte des bénéfices « à tous les niveaux
», que ce soit biologique, psychologique ou social. En ce sens,
l'humour est synonyme de « bonne santé » : « L'humour
est une forme de bien-être, qui par continuité permet d'être
heureux... et donc en meilleure santé. Prendre la définition de
la santé par l'OMS qui dit qu'être en
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ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
bonne santé, c'est un état de parfait
bien-être mental, social, physique et qui ne résulte pas seulement
en une absence de maladie. Donc l'humour contribue à être en bonne
santé ».
Quelques soignants se montrent malgré tout assez
réticents à parler de « thérapie par le rire » :
« Je ne sais pas si le rire a un effet thérapeutique, mais je
suis convaincue qu'il a un effet antalgique sur tous les types de douleurs
(induites, chroniques ou psychiques) » ; «
Thérapeutique, je ne sais pas, mais s'il passe un bon moment le temps de
leur examen radio, c'est toujours ça de gagné ».
L'effet thérapeutique de l'humour ne semble pas direct mais fonctionne
au travers du mental du patient et de sa capacité à affronter la
maladie : « L'humour peut jouer sur le bien-être mental du
patient ; ce qui peut favoriser sa motivation pour suivre un traitement par
exemple. Je pense que l'effet thérapeutique est indirect... l'humour ne
soigne pas directement malheureusement ». Il semble difficile de
guérir uniquement par l'humour, mais il permet vraisemblablement de
contribuer à la guérison, ou du moins d'accéder à
une vie meilleure, davantage optimiste.
Peut-on parler de psychothérapie humoristique ? Pour la
majorité des répondants, l'humour apparaît en tant que
moyen thérapeutique, il ne s'agit guère d'une fin en soi (Cf.
Annexe 10). On ne se guérit pas par le rire, mais on adopte une
attitude positive qui nous conduit sur le chemin de la guérison. Si
cette dernière n'est pas possible, l'humour permet de modifier notre
regard sur la vie et prendre acte de notre propre finitude avec moins de
dramatisme. L'humour prend donc pleinement place au coeur de la relation de
soin.
Cependant, certaines barrières rendent sa pratique dans
le métier de manipulateur en électroradiologie parfois difficile
au quotidien (Cf. Annexe 11). Entre surcharge de travail et manque de
temps, tous deux générateurs de stress, le rapport à
l'humour est souvent compliqué. Technicité du métier,
manque d'expérience et moyens de radioprotection peuvent
également faire perdre de vue l'aspect humain et social de notre
métier.
Néanmoins, l'emploi de l'humour semble varier
principalement en fonction du patient (« L'humour n'a pas vraiment de
limite à part la personne en face de vous ») et de la
situation. En tant que soignant, nous ne devons pas tenir nos jugements pour
acquis. Certaines personnes, gravement malades, semblent détenir une
capacité d'autodérision insoupçonnée : «
Dans tous les cas, je ne proscrirai pas l'humour. Il faut juste savoir
l'utiliser au bon moment. Surtout, il ne faut pas croire qu'une personne
souffrant d'une maladie grave n'a pas le droit à recevoir de l'humour.
On a tendance à vouloir les prendre en pitié, mais c'est pire. On
est parfois surpris de voir ces personnes d'autant plus réceptives
à l'humour que d'autres mieux portantes ».
Nous avons étudié les effets positifs
apportés par l'humour sur le mental du patient. Pour autant, les
soignants ont-ils déjà vécu une situation où
l'humour a provoqué des effets négatifs ? (Cf. Annexe 5,
Question 14). Si la majorité des manipulateurs répondent
« non », la règle d'application est de détecter au
travers de notre ressenti la réceptivité du patient au rire :
« Je n'ai pas connu d'effet négatif. Par contre des patients ne
sont pas toujours sensibles à cet outil, il ne faut donc pas insister
».
66
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
Comment savoir si la personne qui nous fait face ne va pas
accueillir chaleureusement notre pointe de jovialité au sein de la
froideur de l'hôpital ? « Certains patients ne rigolent pas, ne
lèvent pas les yeux, ne répondent même pas. Un moment de
solitude pour nous qui arrive quand même très rarement
». En effet, pour certains patients, rire est synonyme de manque de
professionnalisme : « Une vielle dame s'est vexée une fois
parce que j'ai échangé une blague avec un collègue devant
elle. Elle m'avait dit que l'hôpital n'est pas une place pour rire !
». Pourtant, pratiquer l'humour suppose d'être suffisamment
à l'aise dans l'aspect technique du métier pour aller un peu plus
loin dans l'aspect humain, et laisser exprimer son propre caractère en
vue de personnaliser la relation soignant/soigné : « Il faut
travailler sérieusement en vrai professionnel, efficacement et en toute
sécurité pour le patient, et l'humour est un petit plus qui peut
aider à la réalisation d'un bon examen ».
Parfois, l'humour passe mal. Non pas car il est mal
employé, mais parce qu'il est source d'incompréhension.
S'installe alors « un gros blanc, puis une relation uniquement de
professionnel à patient, sans apparence de personnalité
». Nous pouvons aussi blesser le patient, sans le vouloir, en faisant
écho à son vécu personnel : « La boulette, on
veut installer l'humour mais on s'engage sur un terrain glissant peu propice au
patient (un décès récent, un patient dépressif
où tout sera mal interprété, un thème sensible,
etc.) ». Tout n'est que question d'adaptabilité : «
J'ai déjà ressenti une petite gêne parce que j'avais mal
dosé mon humour et que la personne n'était pas réceptive.
Mais il faut savoir reprendre le dessus, et amener les gens à se sentir
bien en modifiant notre approche ». Nous faisons tous des erreurs.
L'essentiel est de s'en rendre compte, de les surpasser et d'en tirer profit
pour éviter de les reproduire. N'est-ce pas là la
définition d'un professionnel compétent ?
Au final, apporter un court instant de bonheur au patient, ne
serait-il pas l'expression d'une satisfaction personnelle ? Quelle meilleure
récompense pour nous, soignants, que d'être « souvent
remerciés pour une petite parenthèse rieuse dans un tourbillon de
vie pluvieuse » ?
D. L'HUMOUR AUPRÈS DES SOIGNANTS
L'
|
humour n'a pas uniquement sa place auprès des patients.
Les soignants le pratiquent également entre eux pour égayer leur
quotidien : « Notre métier n'est pas simple au
|
quotidien alors si on se prend la tête... Mieux vaut
en rire ! ». La question qui se pose est la suivante : quels sont les
bénéfices apportés au soignant et à ses
collègues quant à l'emploi de l'humour dans son travail ? Les
répondants semblent unanimes : la bonne humeur est un
élément essentiel à la fois pour diminuer les tensions,
favoriser une bonne ambiance, et améliorer productivité et
motivation (Cf. Annexe 12). Dès lors, une atmosphère
enthousiaste et conviviale provoque nécessairement des
répercussions sur le moral des soignants. Travailler dans la bonne
humeur, c'est accorder plus d'attention à son patient et contribuer
à une prise en charge optimale.
67
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
La dix-septième question du complément
d'enquête consistait à analyser si la pratique de l'humour
était modifiée en fonction du service. Les réponses
à cette question sont extrêmement variables. De nombreux
manipulateurs s'accordent à dire que le lieu d'exercice n'influe pas sur
l'usage de l'humour dans la relation soignant/soigné. Seule la
personnalité du patient ou du manipulateur influencerait l'emploi de
l'humour dans les soins : « L'humour est universel quelque soit la
spécialité : `on peut rire de tout mais pas avec n'importe qui'
». Si pour certains le patient est réellement le «
facteur déclenchant », pour d'autres, les différences
entre modalités impliquent nécessairement une prise en charge du
patient différente et donc une approche humoristique modifiée :
« Les services sont différents, leur objectifs et le temps de
présence avec le patient le sont aussi... ». Cependant, pour
une même modalité, les avis divergent également (Cf.
Annexe 13).
Avant d'entamer la question de former ou non à
l'humour, il convient de définir si l'humour est davantage
assimilé à une faculté innée ou acquise par les
soignants. L'humour est-il considéré comme une
prédisposition naturelle propre à chaque individu ? Avons-nous
appris à rire et à faire rire au travers de notre
éducation ? Pouvons-nous améliorer notre approche humoristique
des soins par l'expérience de vie ? Autant d'interrogations qui semblent
rester sans réponse catégorique, les avis étant
majoritairement partagés (Cf. Annexe 14).
Certains des soignants considèrent l'humour comme une
faculté innée de l'Homme, mise en place auprès du patient
par son seul instinct naturel. D'autres évoquent un apprentissage
à l'humour concevable, et accessible peu importe la personne. Ce serait
par l'expérience et les situations de vie que l'on apprendrait à
manier cet outil. Personne ne semble en être complètement
dépourvu. Chez certains individus, leur rapport à l'humour est
juste différent du nôtre, plus lointain. En ce sens, l'humour
serait une « technique relationnelle » à adopter dans
sa pratique, voire à perfectionner, par le biais d'une éventuelle
formation.
E. FORMER À L'HUMOUR PROFESSIONNELS ET
ÉTUDIANTS
Pour les manipulateurs considérant l'humour comme une
faculté innée de l'individu, une formation n'est pas utile :
« L'humour ne s'apprend pas. Il doit être spontané et
naturel ». Le concept de former à l'humour apparaît
alors comme étant contre nature : « Une formation n'est pas
nécessaire voire inutile. Soit on est ouvert à l'humour, soit on
ne l'est pas. On ne peut pas forcer les gens à faire ce qu'ils ne savent
pas faire » ; « Je trouve le concept bizarre. L'humour est
un trait de personnalité, que l'on a ou non, et qui plaît aux gens
justement parce que c'est spontané ».
D'autres sont réfractaires à cette formation car
ils ne perçoivent pas le gain que cette dernière pourrait
apporter dans leur pratique actuelle : « Non je ne pense pas que je la
suivrai, l'humour que j'utilise me suffit amplement dans ma pratique
quotidienne » ; « Non je ne serai pas
intéressée je
68
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
pense. Je préfère prendre quelques jours et
me déplacer pour des formations plus `techniques' ».
Cependant, pour de nombreux soignants, l'intérêt
d'un tel enseignement est bien réel. L'Annexe 15 reprend les
différents bénéfices, évoqués par les
manipulateurs, d'une formation continue mise en place au cours de leur
pratique. Que cela soit pour améliorer la prise en charge des patients,
se perfectionner, échanger notre expérience avec d'autres
professionnels de santé, tenter de vaincre sa timidité avec les
patients, ou bien tout simplement par curiosité, la question d'une
hypothétique formation à l'humour ne semble pas anodine.
La vingtième et dernière question de notre
complément d'enquête consistait à évaluer si la mise
en place d'une formation - non plus continue, mais initiale - était
perçue comme pertinente dans le cadre d'une meilleure prise en charge du
patient.
Est-ce seulement possible ? Considérer l'humour comme
une faculté innée de l'Homme rend difficilement applicable son
apprentissage auprès de tous les étudiants, notamment chez ceux
qui n'y sont pas réceptifs. En conséquence, est-il
préférable d'envisager un module « humour » optionnel
ouvert uniquement aux étudiants de nature joviale ? Mais cela ne
serait-il pas discriminatoire envers les autres ? Enfin, est-il raisonnablement
possible d'attribuer une note pour quelque chose que l'on assimile à une
prédisposition naturelle propre à chaque individu ? Cela ne
reviendrait-il pas à désavantager ceux qui n'en seraient
guère pourvus ? À moins que l'humour soit une faculté
acquise de l'Homme, accessible à tous, quelque soit sa
personnalité. Dès lors, le problème ne se pose plus et la
mise en place d'une telle formation semble envisageable au regard des
bénéfices apportés à la fois au patient et au
soignant.
Au vu des réponses, les avis semblent là encore
très partagés. Si certains s'opposent à former les
étudiants à l'humour, la raison évoquée n'est pas
forcément la même (Cf. Annexe 16). Nous l'avons vu,
plusieurs soignants considèrent l'humour comme inné donc non
accessible via un enseignement. Alors que d'autres le voient comme acquis, ils
envisagent une formation possible uniquement en continue, lors de la pratique
professionnelle. Enfin, certains se disent contre un apprentissage de l'humour
dès le cursus de manipulateur car cela signifierait plus de
matières - et donc plus d'heures de cours pour les étudiants -
alors que le programme d'études est déjà très dense
actuellement.
Toutefois, tous les soignants ne s'opposent pas à
former les étudiants à l'humour (Cf. Annexe 17).
Illustrons ce cas de figure par ce très beau témoignage :
« Lors de mon cursus, ma formatrice nous a mis face à des
situations sociales courantes que l'on rencontre à l'hôpital. On a
alors appris ce qu'était la colère, le déni, la tristesse,
etc. Toutes ces émotions que le patient peut ressentir au cours de son
passage à l'hôpital. Elle nous a donné des conseils afin de
soulager le patient dans sa détresse sans l'abandonner en fuyant la
situation qui peut nous blesser. Cet apprentissage, j'ai eu l'occasion de le
réaliser face à une patiente qui saturait des soins
médicaux et qui se sentait abandonnée. J'ai réussi
à lui redonner un sourire. Le lendemain, je l'ai croisée avec son
frère qui m'a remerciée. Ils souriaient
69
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
tous les deux et cela m'a rendue heureuse. Alors oui, ce
que j'ai appris, je l'utilise encore aujourd'hui et pas seulement face à
des patients. Je pense donc que l'humour trouverait sa place dans notre
formation ». Mais accepter de former les étudiants à
l'humour pose néanmoins la question de rendre cette formation
obligatoire à tous les étudiants ou bien seulement optionnelle.
Un enseignement humain, dans un cadre d'apprentissage porté
essentiellement sur la technique, en vue d'améliorer le relationnel et
d'enrichir la dimension psychosociale des futurs soignants.
Nous avons donc recueilli les avis des soignants au regard
d'une formation continue, à mettre en place durant leur exercice
professionnel, et d'une formation initiale, à instaurer dès le
cursus étudiant de manipulateur en électroradiologie
médicale.
Notre quatrième et dernière partie tentera de
répondre à notre problématique de départ, à
savoir si une formation à l'humour est envisageable - et si oui, sous
quelles formes et conditions - après avoir répondu
préalablement à nos deux hypothèses de recherche. Enfin,
nous mettrons en exergue les limites rencontrées au cours de ce travail
de fin d'études.
70
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
PARTIE IV. DISCUSSION
CHAPITRE 1. MISE À L'ÉPREUVE DES
HYPOTHÈSES
Comme annoncé précédemment, ce premier
chapitre vise à mettre en discussion ce qui a été
retiré de notre étude et du cadre théorique, en vue
d'affirmer ou d'infirmer nos hypothèses générales, pour
ensuite donner réponse à notre problématique.
A. L'HUMOUR, PAR SES BIENFAITS PHYSIQUES ET PSYCHOLOGIQUES, PERMET
D'INSTAURER UNE RELATION DE CONFIANCE ENTRE SOIGNANT ET SOIGNÉ
|
Notre première hypothèse de recherche est
confirmée. Si la légèreté de l'humour tend parfois
à faire oublier sa complexité, il faut user de cet outil avec
discernement suite à un jugement clinique pertinent du patient et de la
situation. Dès lors, son emploi dans les soins semble parfaitement
approprié en vue de combler l'atmosphère aseptisée de
l'hôpital.
Nous détaillerons ce constat en abordant successivement
les réponses aux questions formulées lors de notre cadre
empirique.
A.1. LES MANIPULATEURS ADOPTENT FRÉQUEMMENT L'HUMOUR
AUPRÈS DU PATIENT
L'
|
humour a été défini comme un outil de
communication à part entière, mettant en lien émetteur et
récepteur d'un message comique et bienveillant (Patenaude, 2006). Il
|
s'agit aussi bien d'un humour verbal qui revêt de
nombreuses formes (ironie, autodérision, humour noir, etc.) ;
ou non verbal à travers une gestuelle amusante, une posture ou des
mimiques qui prêtent à rire, ou un sourire en tant que simple
échange de courtoisie (Charaudeau, 2006).
La relation de soin correspond à l'échange entre
un soignant et un soigné. De l'avis des professionnels en exercice,
communiquer par l'humour revient à rendre le soin davantage authentique
auprès du patient, par l'expression de notre propre personnalité.
L'usage de l'humour dans le contexte des soins apparaît donc fondamental
pour la plupart, et sa pratique semble régulière qu'il s'agisse
des soignants ou des étudiants. Peu importe l'âge du manipulateur,
son degré d'expérience, ou son lieu d'exercice, l'humour s'impose
pour la plupart en tant que valeur personnelle et professionnelle à
mettre en pratique dans notre métier.
71
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
Le taux élevé de réponses obtenues lors
de notre recherche exploratoire explicite l'intérêt porté
à pratiquer l'humour dans les soins. Rire est une
nécessité vitale, un besoin fondamental de se
récréer pour assurer son épanouissement personnel dans
l'exercice de sa profession (Henderson, 1960).
A.2. LE CHOIX D'EMPLOYER L'HUMOUR RELÈVE DU CONTEXTE
DES SOINS
En évoquant les prédispositions à
l'utilisation de l'humour au cours de notre première partie, nous avons
mis en évidence l'importance du contexte des soins (Patenaude, 2006).
Être bon professionnel, c'est établir un jugement clinique
pertinent de la situation et identifier si le moment est propice à faire
de l'humour ou non. Observer, écouter, et identifier
précisément les circonstanciels de lieu et de temps assurent une
démarche soignante de qualité, dans le respect des valeurs
d'autrui (ANESM, 2008).
Pour certains manipulateurs, la surcharge de travail, le
manque de temps, la technicité du métier, ou encore le manque
d'expérience, représentent des limites à l'utilisation de
l'humour dans les soins. Pour d'autres, son usage dépend uniquement des
facteurs humains et non de causes latentes : c'est la personnalité du
soignant et du patient qui rend l'humour ou non possible. Un humour
spontané qui se base sur le simple ressenti du professionnel, sur son
instinct naturel ; ou réfléchi, dans la manière de
s'exprimer, de le mettre en place, selon la personne qui nous fait face.
Néanmoins, tous considèrent que l'humour est
fonction de la situation. Son aspect contextuel le rend parfois difficile
dès lors que nous avons à faire à des urgences, des
patients polytraumatisés ou inconscients. Cependant, il est important de
noter que certaines personnes, même gravement malade, détiennent
une incroyable faculté d'autodérision. Dans le contexte pesant de
l'oncologie, le rire ne semble pas proscrit. Bien au contraire, face à
des situations accablantes, une ode à la vie surgit à travers un
humour le plus souvent initié par le patient lui-même.
A.3. LES PROFESSIONNELS PERÇOIVENT L'HUMOUR COMME UN
OUTIL THÉRAPEUTIQUE
L'
|
exemple de Cousins (1979) identifie l'humour en tant que
possible outil thérapeutique. Face à la maladie, l'humour nous
permet d'adopter un optimisme de
|
vie qui nous aide à la combattre - voire même la
vaincre - améliorant sans commune mesure notre capacité de
résilience.
Le rire détient d'ailleurs de nombreux effets
physiologiques sur le corps : il constitue un exercice musculaire, il
améliore la respiration, il stimule le système cardiovasculaire,
il facilite la digestion, il agit sur le système
neuro-végétatif, il soulage la douleur, il éveille le
psychisme, il développe la sexualité, et il promeut sans conteste
la qualité de vie (Rubinstein, 1983). Ainsi, le rire se
72
ETIENNE CORDIER - Promotion
2013/2016
décrit comme une manifestation physique du corps, en
réponse à un processus mental, l'humour (Robinson, 1991). Si le
rire contribue à la santé, alors l'humour est un des
remèdes face à la maladie.
Si la majorité des répondants assimilent
l'humour à un outil thérapeutique, il ne s'agit pas pour autant
de la solution miracle. L'humour ne guérit pas. Il aide le patient
à faire face à la maladie grâce à une vision
positive de sa situation de malade. Les bénéfices biologiques et
physiologiques du rire découleraient des répercussions de
l'esprit sur le corps. Se reconstruire sur le plan physique, suppose donc de
rétablir au préalable la plénitude de sa dimension
spirituelle et intellectuelle. Parler de psychothérapie humoristique
revient à considérer la santé de l'esprit et la
santé du corps aussi importantes l'une que l'autre, et suffisantes pour
apprécier la vie à sa juste valeur.
A.4. L'HUMOUR PROCURE DES EFFETS POSITIFS AU SOIGNÉ
ET AU SOIGNANT
Lors de notre première partie, nous avons pu mettre en
évidence les différents apports de l'humour. En ayant la
faculté de conforter la relation de soin ou bien de la mettre en place,
l'humour se pose comme créateur relationnel (Patenaude, 2006). Qu'il
soit cause ou conséquence de cette relation, l'humour a la
faculté de faire communiquer les Hommes et de créer un lien
social bâti sur la confiance.
Nous avons vu également l'humour en tant que
mécanisme de défense (DSM IV, 1996), à la fois pour le
professionnel face au stress du travail ou à des situations parfois
pesantes, mais aussi pour les patients afin de diminuer leur
anxiété à l'égard de la maladie ou de l'examen.
Dans les deux cas, il s'agit de substituer aux émotions négatives
qui nous submergent, des émotions positives teintées de
gaieté (Ionescu, 1997).
Naturellement, l'humour est aussi une preuve de notre
humanitude. À travers un rire partagé, l'individu se
reconnaît dans son espèce - l'Humanité - et reconnaît
l'autre comme faisant partie de cette même entité. Avant
même d'être une attitude humoristique, l'humour apparaît tel
une preuve de vie permettant de rendre un soin technique davantage humain
à l'égard du patient (Foubert, 2008).
Enfin, l'humour se présente comme une technique de
distraction qui détourne le soigné de ses préoccupations
premières (Bergson, 1900). En faisant diversion, l'ambiance est moins
tendue et le patient est plus à même d'accepter des soins pour
lesquels il pourrait se montrer réticent au premier abord. Faire preuve
d'humour dans notre prise en charge, c'est exercer une complicité
bienveillante entre soignant et soigné à nulle autre pareille
(Rubinstein, 1983).
Notre recherche exploratoire confirme d'ailleurs ces
différents bienfaits. L'humour assure également une bonne
ambiance entre collègues de travail, et représente une formidable
méthode pour aplanir la hiérarchie entre l'individu à la
blouse blanche et celui à la chemise d'hôpital. Un
élément perçu pour la plupart comme essentiel à
notre pratique, améliorant significativement productivité et
motivation dans le travail.
73
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
A.5. L'HUMOUR PEUT AUSSI ENGENDRER DES EFFETS
NÉGATIFS
Des rires aux larmes. Au cours de cette partie
théorique, nous avons évoqué les limites et contraintes
à l'humour dans les soins. Un humour trop systématique est
susceptible d'entraver les valeurs morales du patient et de compromettre la
relation entre soignant et soigné. Cet outil complexe est à
manier avec précaution et subtilité, et à adapter en
fonction du patient et de la situation (Patenaude, 2006).
En abordant l'humour comme technique de distraction à
court terme, nous posons le problème de l'humour en tant que
mécanisme d'évitement à long terme. Il survient alors un
déni de la réalité qui consiste à
déprécier l'importance d'une situation pourtant capitale
(Panichelli, 2007).
Suite à l'analyse de nos données qualitatives,
nous avons remarqué que seul un faible nombre de soignants a pu
être confronté à un effet négatif de l'humour dans
leur pratique. Ce dernier résulte le plus souvent de la
personnalité du patient qui réceptionne mal le message
humoristique soit parce que le sujet n'est pas en « humeur de jeu »
(Eastman, 1958), soit parce que l'humour est source d'incompréhension.
Le risque principal étant de rire à un moment inapproprié
et face à des propos qui font ressurgir une situation de vie
émotive, voire douloureuse, au soigné.
B. MANIPULATEURS, DIPLÔMÉS ET FUTURS DIPLÔMÉS,
SONT FAVORABLES À
L'APPRENTISSAGE DE L'HUMOUR DANS LEUR PRATIQUE SOIGNANTE
|
Notre seconde hypothèse de recherche est partiellement
validée. Certes, l'intérêt de former professionnels et
étudiants à l'humour semble indiscutable, du fait des nombreux
bénéfices apportés à la fois dans la vie
personnelle et dans la pratique soignante.
Si la perspective d'une formation séduit, pour autant
tous les professionnels ne se déclarent pas favorables à sa mise
en place. Entre inné et acquis, les positions demeurent divisées.
Abordons désormais point par point les réponses aux questions
énoncées lors de notre seconde partie.
B.1. L'ASPECT CLIVANT DE L'HUMOUR : FACULTÉ
INNÉE OU ACQUISE DE L'HOMME
Quelle fameuse controverse que l'opposition entre inné
et acquis ! Cependant, ces deux termes sont-ils nécessairement à
confronter ? Lors de la partie théorique, nous avons mis en
évidence le soignant comme facteur d'expression, et le soigné
comme facteur d'adhésion, à l'humour. En d'autres termes, la
personnalité de l'individu influe sur la facilité ou non à
employer l'humour dans les soins (Freud, 1927).
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Si la singularité de chaque personne nous fait
concevoir l'humour en tant que prédisposition naturelle, pour autant,
l'expérience acquise au fil des années dans notre métier
affûte notre démarche soignante et nous aide à identifier
quels contextes paraissent favorables à l'usage de l'humour.
Notre étude exploratoire illustre des avis plutôt
partagés quant à cette question. Certains soignants se montrent
catégoriques : l'humour ne s'apprend pas, on naît avec la
faculté de rire et de faire rire. D'autres se montrent plus conciliants
: nous apprenons à parfaire notre sens de l'humour au travers des
épreuves de la vie et de notre pratique, à force de côtoyer
des situations diverses et variées.
B.2. LE CONCEPT DE FORMER À L'HUMOUR SÉDUIT
LES MANIPULATEURS
Au cours de notre première partie, la rigologie a
été définie comme contribuant au bien-être des
individus en instaurant un bonheur personnel et social, particulièrement
adapté aux professionnels de santé (Cosseron, 2010).
Nous avons pu énumérer de multiples
thérapies par le rire - ou gélothérapies - demeurant au
sein de la rigologie (Cosseron et Leclerc, 2011). Qu'il s'agisse du yoga du
rire, de la méditation par le rire, de la sophrologie ou psychologie
ludique, du clown hospitalier, du coaching au rire, ou de l'humour en
entreprise, ces différentes techniques s'adressent à tout le
monde. Jeunes enfants, adolescents ou adultes peuvent choisir la
gélothérapie leur correspondant du mieux possible, en fonction de
leur personnalité ou de leurs objectifs : apporter un peu de
gaieté dans leur vie personnelle ou professionnelle.
La majorité des soignants et des étudiants se
disent intéressés pour suivre une formation à l'humour
dans leur travail. Néanmoins, en considérant l'humour comme un
instinct naturel de l'Homme, envisager une telle formation paraît
compliqué. Quant aux personnes qui se déclarent favorables au
concept d'apprentissage à l'humour, ces dernières
perçoivent de nombreux bénéfices dans leur vie
privée ou dans leur pratique quotidienne auprès des patients ou
entre collègues.
B.3. UNE FORMATION S'AVÈRE BÉNÉFIQUE
AU REGARD DES SPÉCIFICITÉS DU MÉTIER
En identifiant les spécificités du travail du
manipulateur en électroradiologie médicale au cours de notre
cadre théorique, nous avons pu voir que l'emploi de l'humour est
fonction des services de soins et des patients. L'humour n'est pas le
même selon la modalité où l'on exerce, car les contraintes
- le temps accordé au patient, les moyens de radioprotection
nécessaires, les conditions de stérilité à mettre
en place, etc. - sont différentes.
L'humour diffère également selon qu'il
s'opère auprès des nourrissons et des enfants, où nous
nous attacherons davantage à un humour physique, ou bien auprès
des adolescents et des adultes, où
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l'humour est plus subtil et raffiné, jouant sur le sens
des mots et leur portée comique (Proulx, 2007). Bref, employer l'humour
n'est pas chose aisée car recouvrant de nombreux aspects, rendant
l'intérêt d'une formation continue manifeste.
Les soignants ayant participé au complément
d'enquête ont évoqué à la fois des
bénéfices dans leur vie professionnelle en vue de se
perfectionner dans leur travail, d'échanger leur expérience,
d'améliorer la prise en charge des patients ; et des
bénéfices dans leur vie personnelle pour vaincre leur
timidité ou par simple curiosité.
B.4. INSTAURER UN ENSEIGNEMENT À L'HUMOUR DÈS
LE CURSUS ÉTUDIANT DIVISE
Si la pertinence de former à l'humour les manipulateurs
déjà en exercice ne semble pas remise en cause par la plupart des
soignants, une formation auprès des étudiants divise davantage.
Même pour les individus acceptant l'aspect acquis de l'humour, son
enseignement dès le cursus étudiant peut poser
problème.
Pour certains, on apprend à faire rire autrui par la
pratique professionnelle, et la faculté à user de l'humour dans
les soins se forge avec l'expérience. Pour d'autres, il est inutile de
charger le programme d'études inutilement par une matière «
mineure » qui sera dévalorisée par la plupart des
étudiants au profit des enseignements techniques et propres au
métier de manipulateur.
Dans tous les cas, à la suite de notre première
phase de recherche, nous pouvons affirmer que la majorité des soignants,
et plus encore les étudiants, s'accordent à dire qu'une formation
initiale serait susceptible d'optimiser la prise en charge thérapeutique
actuelle du patient.
B.5. LES CONDITIONS DE MISE EN PLACE D'UN APPRENTISSAGE
RESTENT INDÉCISES
En posant la question de l'inné et de l'acquis, nous
rendons difficile l'idée de mettre en place une formation
adressée à n'importe quel soignant ou étudiant, peu
importe sa personnalité. Lors de notre analyse de données
quantitatives, nous avons pu voir que la plupart des participants s'attachent
à reconnaître un apprentissage possible en fonction de
l'individu.
L'analyse de données qualitatives nous a permis
d'expliciter ce cas de figure en rendant cette formation optionnelle, selon le
caractère de la personne et sa motivation à se parfaire quant
à l'usage de l'humour dans sa pratique.
Malgré tout, certains professionnels maintiennent une
position radicale, revendiquant une formation obligatoire adressée
à tous les étudiants pour ne pas discriminer certains d'entre
eux, et ainsi affiner leur technique relationnelle. Un moyen pour les
élèves manipulateurs d'éviter de se renfermer
derrière des soins techniques, et d'apprendre à affronter la vie
réelle, une vie parfois pesante et
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difficile à supporter, où la présence
d'une touche humoristique permet de l'alléger considérablement.
Libre à chacun d'adopter l'humour dans son quotidien par la suite.
C. RÉPONSE À LA PROBLÉMATIQUE
Au cours de notre étude, nous avons pris le temps
d'étudier la place de l'humour dans la relation soignant/soigné.
Nous avons donc défini dans un premier temps le terme de relation,
où nous avons mis en évidence l'humour en tant que mode de
communication et a fortiori comme facteur relationnel. Dès
lors, nous avons défini l'humour et ses apports dans la démarche
de soins, mais aussi les prédispositions et limites à son
utilisation. Enfin, nous avons étudié les particularités
à employer l'humour dans le métier de manipulateur, pour ensuite
envisager l'intérêt à former les professionnels à
l'humour.
Notre questionnement nous a conduit à interroger les
manipulateurs en électroradiologie médicale diplômés
et non diplômés. À travers deux phases de recherche
exploratoire, nous avons pu recueillir à la fois des données
quantitatives et qualitatives en vue d'affiner notre réflexion.
Rappelons la problématique de notre travail
d'étude :
L'humour, inné ou acquis : vers une
formation des manipulateurs en électroradiologie médicale
?
Au vu de nos deux hypothèses de recherche, si
l'importance de l'humour dans les soins n'est plus à prouver et
l'intérêt à l'égard d'une formation tangible, son
institution semble néanmoins complexe à mettre en oeuvre.
D'une part, il se pose la question de former à l'humour
soit les soignants au travers d'une formation continue, soit les
étudiants par une formation initiale, soit les deux. D'autre part, la
modalité d'une telle formation reste en suspens : adressée
à tous ou seulement à quelques individus dotés d'une
personnalité humoristique et prêts à prendre part à
cette aventure inaccoutumée.
Pourrons-nous un jour envisager une pause de rire et de
bien-être au travail ? Ou un coaching par le rire pour décupler
notre motivation et nous détacher de la routine quotidienne ? Ou bien
des séances de yoga du rire pour nous libérer de nos tensions
internes ? Ou encore des stages d'humour pour apprendre à manier cet
outil sans risque de heurter les valeurs morales d'autrui ?
De même, est-il envisageable d'instaurer un module
« humour » dans l'unité d'enseignement de psychologie
dès le cursus étudiant ? Voire même des ateliers de
théâtre, comme a pu l'évoquer un participant lors de la
seconde phase de recherche, pour décomplexer les futurs soignants face
à un métier qui à première vue ne prête pas
forcément à rire ?
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L'impulsion de la médecine holistique et de la
psycho-neuro-immunologie met en corrélation l'humour avec la
santé mentale et physique (Schaller, 2010). Lorsque nous rions, la
perception que nous avons du monde qui nous entoure change et s'embellit.
Le déclenchement du rire se fait par
l'intermédiaire du système neuro-végétatif au moyen
de neuromédiateurs assurant la transmission de la réponse
émotionnelle d'un neurone à un autre au niveau des synapses
(Abrezol, 2007). De multiples neurotransmetteurs sont impliqués dans
l'action du rire : la dopamine favorise l'émotion plaisante, la
sérotonine combat la dépression, l'acétylcholine
déclenche la contraction musculaire, le GABA (acide
gamma-aminobutyrique) inhibe les mouvements non coordonnés et participe
à la relaxation, tandis que la noradrénaline maintient un
état d'éveil cérébral. De cette approche
psychosomatique découle une sensation de bien-être, même
éphémère, qui nous pousse à surmonter une situation
parfois difficile.
Aborder la psychothérapie humoristique revient donc
à concevoir un équilibre harmonieux entre la quiétude
psychologique et le corps biologique, formant un seul et unique organisme
indivisible biopsychosocial (Engel, 1977). L'esprit joyeux dialogue avec le
corps pathologique, pour l'aider à recouvrir sa santé.
Le rire, semblable à un virus, est sans aucun doute
contagieux. Il paraît impossible de ne pas succomber à l'envie de
rire - ou du moins sourire - quand une personne s'y adonne sous nos yeux. Dans
ce cas précis, pour le bonheur de chacun, nous ne saurions que trop vous
recommander de tomber malade. N'hésitez pas à propager sans
relâche cette épidémie humoristique !
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CHAPITRE 2. LES LIMITES DE L'ÉTUDE
Abordons dès à présent les limites de
notre étude. La question qui se pose est la suivante : comment
améliorer la pertinence de nos résultats ? Trois points
principaux sont à distinguer : les limites de la recherche au niveau
théorique, au niveau méthodologique, et au niveau
exploratoire.
Du point de vue théorique, il aurait été
intéressant de mettre en avant des études scientifiques relatives
à l'humour auprès des manipulateurs en électroradiologie
médicale. Nous aurions alors pu dégager d'autres concepts
relatifs à notre métier qui ne sont pas apparus au cours de notre
revue de littérature. Cependant, aucune étude, ni en langue
française ni en langue anglaise, ne semble avoir traité des
apports de l'humour dans cette profession, en fonction des différentes
modalités.
Du point de vue méthodologique, peut-être
aurait-il été pertinent d'adresser un questionnaire auprès
des professeurs ou formateurs de chaque école ? En effet, ces derniers
font partie des premiers concernés et recueillir leurs avis quant
à la mise en place d'une formation à l'humour auprès des
étudiants peut sembler judicieux.
De la même manière, afin de mettre en exergue les
bénéfices de l'humour sur le soigné, il aurait
été opportun de questionner les patients directement. Les
répercussions du moral sur le physique sont-elles réellement
admises par tous ? Les patients considèrent-ils l'usage de l'humour par
le soignant comme un manque de professionnalisme, ou a contrario, comme un
moyen d'ouvrir à davantage de gaieté l'environnement
aseptisé de l'hôpital, à l'ambiance plutôt morose
?
Enfin, si la réalisation d'entretiens a
été envisagée, le risque du faible taux de réponses
nous en a rapidement dissuadés. Pour autant, il se serait
avéré rationnel d'échanger personnellement sur le sujet,
face à face, pour mentionner un outil de communication favorisant le
lien social entre deux individus. En primant l'aspect pratique du
numérique sur l'aspect relationnel des entretiens, cela peut sembler
inapproprié au regard de notre sujet d'étude, humain et
empathique avant tout.
Du point de vue exploratoire, nous avons été
contraints de traiter nos données quantitatives sous la forme de
statistiques descriptives. Ainsi, nous nous sommes limités à une
simple description de notre échantillon au travers de données
chiffrées. Si le nombre de participants (641 soignants et 411
étudiants) semble déjà important compte tenu de la
portée de notre travail, il n'en reste pas moins que l'utilisation de
statistiques inférentielles constitue un avantage non négligeable
dans le traitement de nos données.
Cette méthode mathématique s'attache à
poser une conclusion auprès de la population globale à partir de
son observation sur une partie restreinte de cette population. Il s'agit
d'induire un cas général à partir du cas particulier. Les
statistiques inférentielles auraient donc pu nous permettre
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ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
d'extrapoler notre analyse de résultats à
l'ensemble des manipulateurs en électroradiologie médicale de
France métropolitaine et d'outre-mer.
Quant à l'exploitation de nos données
qualitatives, nous avons envisagé d'utiliser un logiciel d'analyse
sémantique de textes tel que le logiciel TROPES. Ce dernier est
particulièrement adapté pour analyser le contenu d'un entretien.
Il permet d'analyser les divers styles de discours ou de niveaux de langage
utilisés, ou de catégoriser des mots outils pour ensuite les
classifier à travers une arborescence, comme nous l'avons fait lors de
notre cartographie conceptuelle sur l'humour. Nous réalisons ainsi une
analyse quantitative à partir de données qualitatives.
Néanmoins, son usage nous a semblé d'autant plus
compliqué que nos résultats qualitatifs provenaient de questions
ouvertes et non d'entretiens à proprement parler. Dès lors, il
paraît difficilement envisageable d'appliquer une telle méthode
d'analyse discursive face à des réponses concises, parfois
uniquement portées par de simples mots et non par des phrases.
Ce travail de fin d'études a débuté
à la fin de notre deuxième année. Nous devions alors
réfléchir à une problématique sur le thème
de la relation soignant/soigné. Cette vaste thématique nous a
permis d'aborder de multiples sujets de recherche possibles, aussi classiques
qu'originaux.
Notre problématique a été validée
en octobre 2015, lors du commencement de notre troisième et
dernière année du cursus de manipulateur. Le recueil de
données devait être prévu pour mi-janvier, en vue de finir
de traiter nos résultats en février 2016. Un premier jet de
rédaction de ce mémoire a dû être remis courant mars,
pour une finalisation fixée au 15 avril 2016.
Au vu de ces délais relativement courts, la principale
limite de notre étude a été le manque de temps. Bien
naturellement, cela a influé sur la possibilité d'étendre
notre recherche sur la population globale, et ainsi affiner la réponse
apportée à notre problématique de départ.
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2013/2016
CONCLUSION
P
ourquoi former à l'humour ? Quels
bénéfices à tirer d'une telle formation ? Peut-être
est-ce pour optimiser son approche relationnelle. Ou bien pour perfectionner la
prise en charge thérapeutique actuelle des patients. Ou tout simplement
pour promouvoir l'humour à la fois en tant que valeur personnelle et
professionnelle soignante. Quelque soit la réponse - chacun disposant de
sa propre interprétation - la mise en place d'une formation à
l'humour séduit la grande majorité des manipulateurs en
électroradiologie médicale.
Un tel enseignement captive, passionne, enthousiasme,
révolte, intrigue. Tout est à nuancer. Formation continue
auprès des soignants, formation initiale dès le cursus
étudiant, obligatoire ou optionnelle, destinée à tous ou
seulement aux individus prêts à effectuer un travail sur
eux-mêmes. Les possibilités sont nombreuses. Une formation
à l'humour recèle sans aucun doute autant de combinaisons
possibles que de personnalités.
S'il existe un lien entre le rire et la santé, c'est
peut-être davantage une affaire de relations sociales entre un soignant
et un soigné qui partagent un instant de convivialité, que de
rire proprement dit. Après tout, un rire sincère n'est
guère un rire isolé. L'humour est un mode de communication qui
rassemble, et conforte le sujet dans l'extériorisation de son
humanité.
Introduire l'humour dans sa pratique professionnelle
représente avant tout l'expression d'une satisfaction personnelle :
animer le patient de multiples émotions positives, jusqu'à lui
apporter une sensation de mieux-être, pour obtenir en gage de
remerciement un sourire sincère et reconnaissant.
L'Homme a besoin de reconnaissance. L'humour est un de ces
plaisirs altruistes qui apportent au soignant tout autant qu'ils
confèrent au soigné. Être soignant, c'est apprécier
de contribuer au recouvrement de la santé d'autrui, ou du moins au
rassemblement de ses forces psychiques.
Au final, voilà l'enjeu de ce mémoire de fin
d'études. Faire connaître l'opinion des manipulateurs sur la
pertinence à apporter davantage d'humanisme via l'humour et le rire
à la fois pour le bien-être du patient et du soignant.
L'amélioration des pratiques professionnelles ne pourra s'envisager sans
prendre en compte l'importance du moral du manipulateur en termes de
motivation, productivité et aptitudes relationnelles.
Étudier l'humour comme un système de dynamique
mentale à la fois côté soignant et côté
soigné, nous a donc semblé fondamental pour en dégager la
nécessité de former les manipulateurs à l'humour.
Malgré tout, il convient de se méfier de son apparente
simplicité. Alors que certains y découvriront un apport non
négligeable, d'autres trouveront son intérêt limité.
Une éducation au comique avec pour objectif principal de
développer ce que nous avons au plus profond de nous dès la
naissance. Quant à ceux qui ne seraient pas réceptifs à
l'humour... rien n'est jamais perdu d'avance !
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Dans le fond comme dans la forme, cette problématique
de recherche m'est apparue originale, drolatique, et profitable à mon
futur exercice professionnel. Tout au long de ce travail, vous aurez
peut-être décelé un sujet qui m'intéresse intimement
et témoigne d'une certaine authenticité dans ces écrits.
Une volonté de mettre en avant un bonheur de vivre certain, une
nécessité d'exprimer son véritable caractère dans
notre métier futur, et le besoin de rester fidèle à
soi-même.
D'ailleurs, l'attachement porté à ce
thème de recherche est semble-t-il communicatif. Par
l'intermédiaire de nos formateurs, j'ai eu l'occasion de
présenter ce mémoire aux 57èmes Journées
Scientifiques des manipulateurs d'électroradiologie médicale
organisées les 31 mars, 1er et 2 avril 2016, par
l'Association Française du Personnel Paramédical
d'Électroradiologie (AFPPE).
Une expérience enrichissante poursuivie par la
coécriture d'une publication sur notre sujet de recherche avec l'aide de
ma référente de mémoire, Mme SOPHIE LANTHEAUME,
Psychologue et Docteur en Psychologie. L'enjeu étant de combler les
limites à cette étude, à savoir d'extrapoler nos
données à la population globale par l'intermédiaire de
statistiques inférentielles, et ainsi déployer notre ambition de
former les professionnels à l'humour dans un avenir proche.
Une formation à l'humour ne semble en aucun cas futile.
Au fil de ce mémoire, nous avons pu émettre plusieurs
hypothèses quant à la mise en place d'un tel apprentissage pour
le moins atypique. Cependant, comment l'instaurer concrètement ? Quels
intervenants à l'humour - rigologues, psychologues, manipulateurs
expérimentés, ou autres spécialistes - afin d'assurer des
améliorations substantielles dans les services actuels d'imagerie
médicale et de radiologie thérapeutique ?
Voilà autant de questions susceptibles de nourrir une
réflexion en profondeur sur la manière de bâtir ce nouveau
module de formation, fantasque et vivifiant.
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88
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
LISTE DES TABLEAUX
TABLEAU I. LES DIFFÉRENTES FORMES D'HUMOUR (NON
EXHAUSTIF) 22
TABLEAU II. LES EFFETS PHYSIOLOGIQUES DU RIRE
25
TABLEAU III. LES PRINCIPALES
GÉLOTHÉRAPIES (NON EXHAUSTIF) 39
TABLEAU IV. HYPOTHÈSES DE RECHERCHE
45
TABLEAU V. LES PARTICIPANTS 46
TABLEAU VI. LES OUTILS 47
89
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
LISTE DES FIGURES
FIGURE I. L'HUMOUR, VALEUR PERSONNELLE ET
PROFESSIONNELLE 52
FIGURE II. HUMOUR ET TRANCHE D'ÂGE
53
FIGURE III. HUMOUR ET EXPÉRIENCE
PROFESSIONNELLE 54
FIGURE IV. HUMOUR ET MODALITÉS 55
FIGURE V. UNE FORMATION CONTINUE À L'HUMOUR ?
59
FIGURE VI. UNE FORMATION INITIALE À L'HUMOUR ?
60
90
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
TABLE DES MATIÈRES
NOTE AUX LECTEURS 2
REMERCIEMENTS 4
SOMMAIRE 5
INTRODUCTION 6
PARTIE I. CADRE THÉORIQUE 9
CHAPITRE 1. LE SOIN OU L'HISTOIRE D'UNE RELATION 9
A. Le soin 9
A.1. Le concept du soin 9
A.1.1. La santé 9
A.1.2. La maladie 10
A.1.3. Les besoins fondamentaux 11
A.1.4. De faire soin à prendre soin 12
A.2. Le patient, un être singulier 13
A.2.1. Les droits du patient 13
A.2.2. Individualité et unicité 14
B. La relation soignant/soigné 15
B.1. Le concept de relation 15
B.1.1. Le jugement clinique 15
B.1.2. Le modèle de communication 16
B.2. Le manipulateur en électroradiologie médicale
17
B.2.1. Son domaine de compétence 17
B.2.2. Dichotomie entre humanité et technicité
18
B.2.3. Une relation d'aide empreinte de confiance 19
C. En résumé 20
CHAPITRE 2. L'HUMOUR COMME MODE DE COMMUNICATION 21
A. L'humour 21
A.1. La complexité de l'humour 21
A.1.1. Origine et étymologie 21
A.1.2. Les différentes formes d'humour 22
A.1.3. Le rire, entre gaieté et moquerie 23
A.1.4. Les effets physiologiques du rire 24
A.2. Les apports de l'humour 26
A.2.1. Un créateur de relation 26
A.2.2. Un mécanisme de défense 27
A.2.3. Une preuve d'humanité 28
A.2.4. Une technique de distraction 29
A.2.5. Un outil thérapeutique 29
B. Prédispositions, limites et contraintes 30
91
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
B.1. Les prédispositions à son utilisation 30
B.1.1. Le contexte des soins 30
B.1.2. Le soignant, facteur d'expression de l'humour 31
B.1.3. Le soigné, facteur d'adhésion à
l'humour 32
B.2. Limites et contraintes : des rires aux larmes 33
B.2.1. La systématisation de l'humour 33
B.2.2. Le déni de la réalité 33
C. En résumé 34
CHAPITRE 3. L'EMPLOI DE L'HUMOUR DANS LE TRAVAIL DU MER 35
A. En fonction des services de soins 35
A.1. En service d'imagerie diagnostique 35
A.2. En service de radiothérapie 36
B. En fonction des patients 36
B.1. Chez le nourrisson et l'enfant 36
B.2. Chez l'adolescent et l'adulte 37
C. Vers un apprentissage du rire 38
C.1. La gélothérapie ou « thérapie par
le rire » 38
C.2. Former à l'humour, un intérêt
porté à la profession 40
D. En résumé 41
PARTIE II. CADRE EMPIRIQUE 42
CHAPITRE 1. RECHERCHE EXPLORATOIRE 42
A. Contexte et présentation de la recherche
42
B. Les objectifs de l'étude 43
CHAPITRE 2. PROBLÉMATIQUE ET HYPOTHÈSES 44
A. Problématique 44
B. Hypothèses générales 44
CHAPITRE 3. MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE 45
A. Les participants de la recherche 45
B. Les outils de recherche 47
C. Procédure de recherche 48
PARTIE III. RÉSULTATS 50
CHAPITRE 1. ANALYSE DES DONNÉES QUANTITATIVES 50
A. Les caractéristiques sociodémographiques
50
B. L'humour, valeur personnelle et professionnelle
51
C. Âge, expérience et secteur d'activité
53
D. Les apports de l'humour 55
E. Entre formation initiale et continue 58
CHAPITRE 2. ANALYSE DES DONNÉES QUALITATIVES 61
A. Les caractéristiques sociodémographiques
61
B. La signification de l'humour 62
C. L'humour auprès des patients 63
D. L'humour auprès des soignants 66
E. Former à l'humour professionnels et
étudiants 67
92
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
PARTIE IV. DISCUSSION 70
CHAPITRE 1. MISE À L'ÉPREUVE DES HYPOTHÈSES
70
A. L'humour, par ses bienfaits physiques et psychologiques,
permet d'instaurer une relation de
confiance entre soignant et soigné 70
A.1. Les manipulateurs adoptent fréquemment l'humour
auprès du patient 70
A.2. Le choix d'employer l'humour relève du contexte des
soins 71
A.3. Les professionnels perçoivent l'humour comme un
outil thérapeutique 71
A.4. L'humour procure des effets positifs au soigné et au
soignant 72
A.5. L'humour peut aussi engendrer des effets négatifs
73
B. Manipulateurs, diplômés et futurs
diplômés, sont favorables à l'apprentissage de
l'humour
dans leur pratique soignante 73
B.1. L'aspect clivant de l'humour : faculté innée
ou acquise de l'Homme 73
B.2. Le concept de former à l'humour séduit les
manipulateurs 74
B.3. Une formation s'avère bénéfique au
regard des spécificités du métier 74
B.4. Instaurer un enseignement à l'humour dès le
cursus étudiant divise 75
B.5. Les conditions de mise en place d'un apprentissage restent
indécises 75
C. Réponse à la problématique 76
CHAPITRE 2. LES LIMITES DE L'ÉTUDE 78
CONCLUSION 80
BIBLIOGRAPHIE 82
LISTE DES TABLEAUX 88
LISTE DES FIGURES 89
TABLE DES MATIÈRES 90
TABLE DES ANNEXES 93
93
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
TABLE DES ANNEXES
ANNEXE 1. PRÉSENTATION DE
L'ENQUÊTÉ [SOIGNANT] I
ANNEXE 2. PRÉSENTATION DE
L'ENQUÊTÉ [ÉTUDIANT] II
ANNEXE 3. L'HUMOUR AU TRAVAIL III
ANNEXE 4. VERS UNE FORMATION À L'HUMOUR
VIII
ANNEXE 5. COMPLÉMENT D'ENQUÊTE
X
ANNEXE 6. CARTOGRAPHIE CONCEPTUELLE XII
ANNEXE 7. HUMOUR SPONTANÉ OU
RÉFLÉCHI XIII
ANNEXE 8. HUMOUR ET RELATION DE CONFIANCE
XIV
ANNEXE 9. L'HUMOUR ET LES CATÉGORIES
D'ÂGE XV
ANNEXE 10. UNE PSYCHOTHÉRAPIE HUMORISTIQUE ?
XVI
ANNEXE 11. LES BARRIÈRES À L'HUMOUR
XVII
ANNEXE 12. LES BÉNÉFICES DE L'HUMOUR
XVIII
ANNEXE 13. L'HUMOUR SELON LA MODALITÉ
XIX
ANNEXE 14. L'HUMOUR, INNÉ OU ACQUIS ?
XX
ANNEXE 15. LES INTÉRÊTS D'UNE FORMATION
CONTINUE XXI
ANNEXE 16. PEUT-ON FORMER LES ÉTUDIANTS ? NON !
XXII
ANNEXE 17. PEUT-ON FORMER LES ÉTUDIANTS ? OUI !
XXIII
I Source : L'auteur
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
ANNEXE 1. PRÉSENTATION DE
L'ENQUÊTÉ [SOIGNANT]
Enquête menée auprès de 641
soignants
Question 1 :
|
25.1%
74.9%
|
|
Un homme Une femme
|
Êtes-vous ?
|
Question 2 :
|
7.5%
24.2%
24.2%
44.1%
|
|
Moins de 25 ans Entre 25 et 35 ans Entre 36 et 50 ans
Plus de 50 ans
|
Dans quelle tranche d'âge vous situez-vous ?
|
Question 3 :
|
15.8%
40.7%
43.5%
|
|
Moins de 5 ans Entre 5 et 20 ans Plus de 20
ans
|
Depuis combien de temps exercez-vous le métier
de manipulateur ?
|
Question 4 :
|
381
295
137
|
157
|
[sur 641 participants]
111
60
|
Dans quel(s) service(s) travaillez-vous actuellement ?
|
|
|
|
II
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
ANNEXE 2. PRÉSENTATION DE
L'ENQUÊTÉ [ÉTUDIANT]
Enquête menée auprès de 411
étudiants
Question 1 :
|
|
21.7%
|
Un homme Une femme
|
Êtes-vous ?
|
|
78.3%
|
|
|
Question 2 :
|
|
|
|
|
33.8%
|
34.1%
|
Première année
|
Quel est votre niveau d'études dans le cursus de
manipulateur ?
|
|
|
Deuxième année Troisième
année
|
|
32.1%
|
|
|
Source : L'auteur
III
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
ANNEXE 3. L'HUMOUR AU TRAVAIL
Question 1 :
|
Énormément Modérément Pas
vraiment Pas du tout
|
42.7%
42.3%
51.3%
51.6% soignant
5.5% étudiant
5.8%
0.5%
0.2%
|
D
Décririez-vous l'humour comme
une caractéristique majeure de votre personnalité ?
|
Question 2 :
|
Très important Assez important Peu important Pas
important
|
38.2%
22.6%
54.9%
66.2% soignant
6.6% étudiant
10.7%
0.3%
0.5%
|
Pour vous, l'usage de l'humour dans
votre profession est :
|
Question 3 :
|
Tout le temps Souvent Parfois Jamais
|
7.5%
3.2%
62.9%
45.7% soignant
28.5% étudiant
48.2%
1.1%
2.9%
|
Vous arrive-t-il de pratiquer l'humour
avec les patients ?
|
Question 4 :
|
Les nourrissons
Les enfants
Les adolescents
Les adultes
|
[possibilité de réponses
multiples]
5.5%
4.4%
51.3%
44.0% soignant
48.5% étudiant
47.9%
94.4%
88.1%
|
Selon vous, les patients principalement
concernés par l'humour sont :
|
IV
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
Question 5 :
|
Tout le temps Souvent Parfois Jamais
|
1.2%
2.2%
20.9%
33.8% soignant
76.3% étudiant
63.0%
1.6%
1.0%
|
Lors d'une
relation soignant/soigné, l'humour est
initié par le patient lui-même :
|
Question 6 :
|
0.3% 8.9%
44.1%
|
Tout le temps
46.6% Souvent
Parfois
Jamais
|
(soignant uniquement)
Vous arrive-t-il de pratiquer l'humour
avec vos collègues de travail ?
|
Question 7 :
|
Pour vous, la pratique de l'humour dans votre travail
évoque :
|
|
Un moyen d'établir une relation de
confiance avec le patient
|
Tout à fait d'accord Plutôt
d'accord Ni en accord ni en désaccord Plutôt pas
d'accord Pas du tout d'accord
|
41.2%
49.1%
48.8%
45.3%
soignant
8.0%
4.6% étudiant
1.4%
0.7%
6%
0.0.2%
|
Un mécanisme de défense face au stress du
travail
|
Tout à fait d'accord Plutôt
d'accord Ni en accord ni en désaccord Plutôt pas
d'accord Pas du tout d'accord
|
20.0%
15.6%
40.9%
41.1%
soignant
21.5%
24.1% étudiant
10.0%
10.2%7.6%
9.0%
|
V
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
Une bonne ambiance entre collègues
et professionnels de santé
|
Tout à fait d'accord Plutôt
d'accord Ni en accord ni en désaccord Plutôt pas
d'accord Pas du tout d'accord
|
73.6% 63.7%
24.3%
31.1%soignant
1.6%
4.1% étudiant
0.2%
0.5%
0.3%
0.5%
|
Un moyen d'aplanir la hiérarchie
entre le soignant et le soigné
|
Tout à fait d'accord Plutôt
d'accord Ni en accord ni en désaccord Plutôt pas
d'accord Pas du tout d'accord
|
22.8%
24.1%
45.7%
52.6%
soignant
20.1%
14.8%
étudiant
5.8%
4.4%
5.6%
4.1%
|
Une technique de distraction du patient lors
d'actes de soins intimes ou invasifs
|
Tout à fait d'accord Plutôt
d'accord Ni en accord ni en désaccord Plutôt pas
d'accord Pas du tout d'accord
|
29.8%
38.9%
52.1% 45.7%
soignant
11.1%
10.7%
étudiant
5.0%
3.4%
2.0%
1.2%
|
Une manière de mieux appréhender
l'examen pour le patient
|
Tout à fait d'accord Plutôt
d'accord Ni en accord ni en désaccord Plutôt pas
d'accord Pas du tout d'accord
|
38.7%
41.1%
49.0%
50.9%
9.7% soignant
6.1% étudiant
1.7%
1.5%
0.9%
0.5%
|
VI
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
Un outil thérapeutique contribuant à
la santé physique et psychologique
|
Tout à fait d'accord Plutôt
d'accord Ni en accord ni en désaccord Plutôt pas
d'accord Pas du tout d'accord
|
9.8%
12.7%
1.7%
0.7%
0.0%
0.2%
|
37.3%
34.8%
51.2%
|
51.6%soignant
étudiant
|
Un manque de respect au regard du patient
|
Tout à fait d'accord Plutôt
d'accord Ni en accord ni en désaccord Plutôt pas
d'accord Pas du tout d'accord
|
0.3%
0.0%
1.6%
0.7%
7.2%
10.5%
25.9%
27.3%
|
65.1%
61.6%
|
soignant étudiant
|
Un outil inapproprié dans une prise en
charge soignante
|
Tout à fait d'accord Plutôt
d'accord Ni en accord ni en désaccord Plutôt pas
d'accord Pas du tout d'accord
|
1.7%
1.0%
1.4%
1.9%
5.5%
10.2%
27.1%
28.7%
|
64.3%
58.2%
|
soignant étudiant
|
Un manque de professionnalisme de la part du soignant
|
Tout à fait d'accord Plutôt
d'accord
en accord ni en désaccord Plutôt pas
d'accord Pas du tout d'accord
4.4%Ni
|
0.3%
0.2%
1.2%
1.0%
6.3%
20.6%
23.4%
|
73.5%
69.1%
|
soignant étudiant
|
VII
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
Un risque de heurter la personne et de nuire à sa
dignité
|
Tout à fait d'accord Plutôt
d'accord Ni en accord ni en désaccord Plutôt pas
d'accord Pas du tout d'accord
|
1.6%
2.9%
8.1%
13.4%
|
27.3%
30.7%
32.4%
30.7%
30.6%
22.4%
|
soignant étudiant
|
Un déni total des souffrances du patient et de ses
besoins en santé
|
Tout à fait d'accord Plutôt
d'accord Ni en accord ni en désaccord Plutôt pas
d'accord Pas du tout d'accord
|
1.1%
0.7%
2.7%
5.1%
7.2%
15.6%
21.4%
21.4%
|
67.7% 57.2%
|
soignant étudiant
|
Une moins bonne productivité au travail
|
Tout à fait d'accord Plutôt
d'accord Ni en accord ni en désaccord Plutôt pas
d'accord Pas du tout d'accord
|
26%
2.4%
3.4%
1.2%
6.7%
8.3%
23.6%
29.2%
|
64.7%
58.9%
|
soignant étudiant
|
Source : L'auteur
VIII
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
ANNEXE 4. VERS UNE FORMATION À L'HUMOUR
|
96.6% 96.4%
|
Question 1 :
|
|
|
soignant
|
Connaissez-vous la « gélothérapie »
?
|
étudiant
|
|
3.4% 3.6%
|
|
Oui Non
|
Question 2 : Selon vous,
|
la mise en place d'un apprentissage du rire chez les soignants
est :
|
|
|
Tout à fait possible, n'importe quel soignant peut y
prétendre, qu'il soit
|
12.6%
|
réceptif ou non à l'humour
|
17.0%
|
Possible mais en fonction des soignants, la
|
69.7%
|
pratique de l'humour variant d'un individu
|
|
à l'autre
|
65.9%
|
Impossible, l'humour est totalement
|
16.7%
|
dépendant de notre personnalité
|
13.6%
|
|
0.9% soignant
|
Une perte de temps non négligeable
|
|
|
3.4% étudiant
|
Question 3 : Si
|
nous vous proposions de suivre une formation
|
sur la pratique de
|
l'humour et du rire dans votre travail, vous seriez :
|
|
26.8%
|
Très intéressé(e)
|
25.3%
|
|
47.1%
|
Plutôt intéressé(e)
|
52.6%
|
|
21.7%
|
Peu intéressé(e)
|
18.5%
soignant
4.4%
|
Pas du tout intéressé(e)
|
3.6% étudiant
|
IX
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
Question 3bis : Vous
|
avez choisi « très intéressé(e) »
ou « plutôt intéressé(e) ». vous, cette formation
serait bénéfique :
|
Pour
|
Professionnellement
Personnellement
Les deux
|
10.3%
12.8%
4.0% soignant
1.9% étudiant
85.7%
85.3%
|
Question 4 : Une formation
|
à l'humour au sein même du cursus
de manipulateur le cadre d'une meilleure prise en charge du patient
:
|
serait pertinente dans
|
Tout à fait d'accord Plutôt d'accord Ni en
accord ni en désaccord Plutôt pas d'accord Pas du tout
d'accord
|
10.6%
13.6%
38.2%
53.3%
34.6% soignant
23.1% étudiant
12.8% 9.0%
3.7% 1.0%
|
Source : L'auteur
X
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
ANNEXE 5. COMPLÉMENT D'ENQUÊTE
Enquête menée auprès de 91
soignants
|
PARTIE I - Présentation de
l'enquêté
|
> > > >
|
Q1 : Êtes-vous ? (homme/femme)
|
Q2 : Quel âge avez-vous ?
|
Q3 : Quel est votre lieu de travail ? (nom et situation
géographique)
|
Q4 : Dans quel(s) service(s) travaillez-vous actuellement ?
|
|
|
|
PARTIE II - Votre rapport avec l'humour
|
>
|
Q5 : Qu'est-ce que le terme « humour » vous
évoque-t-il ? (joie, gaieté, moquerie, rire, etc.)
|
>
|
Q6 : L'humour fait-il partie de votre personnalité ?
L'utilisez-vous au quotidien dans votre vie
|
personnelle ?
|
|
PARTIE III - L'humour auprès des
patients
|
>
|
Q7 : Employez-vous l'humour auprès des patients ? Si oui,
dans quel(s) but(s) ? Est-ce
|
spontané ou davantage réfléchi ?
|
>
|
Q8 : Percevez-vous l'humour comme un moyen de favoriser ou de
défavoriser une relation de
|
confiance avec le patient ? Pourquoi ?
|
>
|
Q9 : Certaines catégories d'âge sont-elles plus
réceptives à l'humour que d'autres ? Selon vous,
|
pour quelle(s) raison(s) ? (nourrissons, enfants,
adolescents, adultes, personnes âgées, etc.)
|
>
|
Q10 : Quels sont les indices vous permettant de savoir si un
patient est réceptif ou non à
|
l'humour ? En général, attendez-vous que
l'humour soit initié par le patient lui-même ? Si oui, pourquoi
?
|
>
|
Q11 : Pensez-vous que l'humour et le rire puissent avoir un effet
thérapeutique sur le patient ?
|
|
(au niveau physique ? biologique ? psychologique ? social
?)
|
>
|
Q12 : Selon vous, quelles sont les conditions de travail du MER
susceptibles de desservir
|
l'usage de l'humour dans la relation de soin ?
|
|
(manque de temps, surcharge de travail, radioprotection,
technicité du métier, etc.)
|
>
|
Q13 : Rencontrez-vous des limites dans l'utilisation de l'humour
avec les patients ? Dans
|
quel(s) cas vous parait-il proscrit d'employer l'humour ?
(urgences, patients atteints de maladies graves, polytraumatisés,
malentendants, barrière linguistique, culturelle, etc.)
|
>
|
Q14 : Avez-vous connu une situation où l'humour a
provoqué des effets négatifs sur le patient
|
ou sur vous-même ? Si oui, lesquels ?
|
XI
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
|
PARTIE IV - L'humour auprès des
soignants
|
>
|
Q15 : Employez-vous l'humour auprès de vos
collègues ? Si oui, dans quel(s) but(s) ?
|
>
|
Q16 : Pensez-vous que l'humour et le rire puissent avoir un effet
bénéfique sur vous-même ?
|
|
Sur votre productivité dans le travail ?
|
>
|
Q17 : Avez-vous déjà travaillé dans un autre
service que celui actuel ? Pensez-vous que
|
l'emploi que vous faites de l'humour dans le soin varie selon les
services ? Si oui, pourquoi ?
|
|
(les différents services étant la
radiologie, l'interventionnel, le scanner, l'IRM, la médecine
nucléaire et la radiothérapie)
|
>
|
Q18 : Selon vous, l'usage de l'humour dans le soin varie-t-il
d'un soignant à un autre ?
|
|
Considérez-vous l'humour comme une prédisposition
naturelle propre à chaque individu ?
|
|
PARTIE V - Vers une formation à
l'humour
|
>
|
Q19 : Si nous vous proposions de suivre une formation initiative
au cours de votre travail, de
|
quelques jours environ, sur la pratique de l'humour dans les
soins, seriez-vous intéressé(e) ?
|
|
Pour quelle(s) raison(s) ?
|
>
|
Q20 : Pensez-vous qu'une formation à l'humour au sein
même du cursus de MER serait
|
pertinente dans le cadre d'une meilleure prise en charge du
patient ? Si oui, une telle formation serait-elle envisageable pour TOUS les
étudiants ? Pourquoi ?
|
Source : L'auteur
XII
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
ANNEXE 6. CARTOGRAPHIE CONCEPTUELLE
Source : L'auteur
Sourire
Rire
Joie Bien-être
Gaieté
Détente
Bonne humeur
Partage
Légèreté
Vie
Blague
Dérision
Moquerie
Plaisir
Convivialité
Dédramatisation
Complicité
Bonne ambiance
Amour
Communication
Humanité
« HUMOUR »
XIII
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
ANNEXE 7. HUMOUR SPONTANÉ OU
RÉFLÉCHI
|
?
?
|
« Dans l'ensemble c'est spontané mais faut
toujours faire attention à la psychologie et aux
spécificités de chaque patient »
« C'est toujours spontané. La plupart aiment
ça et me relancent la balle. Un sourire, une blague, un compliment,
peuvent égayer la journée d'un malade »
|
Humour
|
?
|
« J'utilise l'humour de manière totalement
instinctive... C'est mon ressenti qui fait que
|
spontané
|
|
je vais aller sur le terrain de l'humour ou si je reste
sérieuse... »
|
|
?
|
« L'humour est par définition quelque chose de
spontané, je ne me vois pas réfléchir pour faire sourire
quelqu'un, ça me semble prémédité et donc
machiavélique. Je trouve triste de vouloir faire de l'humour une
façon de réfléchir le soin... »
|
|
?
|
« C'est souvent eux qui commencent et je continue
dans leur lancée. Ce n'est pas spontané pour moi, peut-être
un peu plus avec les enfants »
|
|
?
|
« Oui, pour les détendre, les mettre à
l'aise mais je réfléchis beaucoup plus à ce que je vais
dire pour ne pas être trop familier avec le patient »
|
Humour
|
?
|
« J'emploie l'humour dans mon job, de manière
réfléchie et appropriée ; pour
|
réfléchi
|
|
dédramatiser, détendre l'atmosphère,
générer de la confiance, améliorer le rapport
professionnel/patient »
|
|
?
|
« Oui cela arrive, afin de les détendre et
d'amener un climat de confiance entre nous.
|
|
|
Mais j'observe d'abord le patient, je ne le fais pas
spontanément »
|
Source : L'auteur
XIV
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
ANNEXE 8. HUMOUR ET RELATION DE CONFIANCE
Thème
|
|
L'humour
|
Sous-thème
|
La relation de confiance entre soignant et soigné
|
Éléments d'analyse
|
|
Exemples de citation
|
En favorisant une relation de
|
>
|
« La gaieté est pour moi essentielle pour la
coopération du
|
confiance avec le patient,
l'humour assure la coopération
|
>
|
patient »
« Cela favorise la confiance : un professionnel qui sait
te faire
|
du patient aux soins qui lui sont
|
|
rire dans un moment sombre de ta vie gagne ! Car le
|
prodigués.
|
|
lendemain, ce patient vient un peu moins à reculons...
»
|
|
>
|
« J'emploie très souvent l'humour
auprès des patients dans le but de les rassurer et de leur montrer que
même si l'on porte
|
L'humour est aussi une preuve
|
|
la blouse blanche, on est des êtres humains comme eux
»
|
de notre humanité, dans un
|
>
|
« Cela permet de détendre la personne et de lui
montrer qu'on
|
environnement oppressé par les
|
|
est aussi une personne et non pas juste un automate qui
fait
|
multiples machines qui nous
|
|
des photos dans un but diagnostique »
|
entourent.
|
>
|
« Ce n'est pas tant la confiance mais plus de prendre
le temps de partager quelque chose avec quelqu'un. C'est un moyen de dire `tu
m'intéresses' ou `je prends du temps pour toi' »
|
|
>
|
« Cela dépend. En général, l'humour
favorise une relation.
|
|
|
Cependant si le patient n'est pas réceptif, cela peut
tout
|
Synonyme de rire, de gaieté, de
|
|
dégrader car il ne se sent plus à l'aise du
tout et le
|
bonne humeur, pour autant cet
|
|
manipulateur non plus, donc il n'y a plus
d'échanges
|
outil n'est pas à prendre à la
|
|
réellement possibles... »
|
légère ! Son usage dépend avant
|
>
|
« Cela la favorise si le patient est réceptif
à l'humour, il faut
|
tout de la situation et du soigné.
|
|
`tester' le patient avant de se lancer de plain-pied dans
l'humour car un patient non réceptif peut vite se braquer »
|
|
>
|
« Favorise en rendant moins austère la blouse
blanche, défavorise si on exagère... Garder son
professionnalisme
|
Un humour trop systématique
|
|
sinon on perd toute crédibilité »
|
peut être perçu en tant que
|
>
|
« Il faut savoir bien le doser. C'est sûr qu'un
personnel
|
manque de sérieux et de
|
|
soignant qui n'arrête pas de `déconner' ; c'est
difficile de le
|
professionnalisme.
|
|
prendre au sérieux. Tout est une question
d'équilibre et de ressenti »
|
Source : L'auteur
XV
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
ANNEXE 9. L'HUMOUR ET LES CATÉGORIES
D'ÂGE
Thème
|
L'humour
|
Sous-thème
|
L'âge des patients
|
Éléments d'analyse
|
Exemples de citation
|
Un nourrisson ne comprendra pas les mots d'esprit, mais sera
diverti par la manifestation physique de l'humour.
|
> « Les nourrissons ne répondent pas à
l'humour mais aux
sourires »
> « Chez les nourrissons un sourire ne
coûte rien et l'intonation de la voix peut aider à les apaiser
»
|
Les enfants pénètrent dans un monde qui leur est
inconnu. Il ne s'agit pas de les amener dans
notre monde, mais plutôt d'adhérer à
l'univers enfantin, pour parvenir à leur décrocher un sourire.
|
> « Disons que les nourrissons et les enfants ne
connaissent pas
ou très peu l'humour en général et
surtout ils ont assez peur de ce qu'ils ne connaissent pas comme le monde
médical »
> « Les enfants sont très
réceptifs, ils ont un monde de l'imaginaire très
développé, un rien les fera sourire, rire »
> « Les enfants et jeunes adolescents s'amusent
plus d'une situation drôle que d'un langage humoriste »
|
La période charnière de
l'adolescent rebelle rend l'usage
de l'humour difficile. Ces derniers ont le plus souvent une
faible capacité d'autodérision.
|
> « En général ils n'écoutent
pas trop ce qu'on leur dit, même
pas les consignes pour se déshabiller »
> « Je crois que l'humour avec les ados est
très délicat car ils sont dans une phase d'opposition
où ils veulent s'affirmer »
|
L'expérience de vie des adultes,
et plus particulièrement des
personnes âgées, les rendent davantage
réceptifs à l'humour.
|
> « Je dirais que les adultes sont plus
réceptifs car ils arrivent
peut-être à avoir plus de recul sur l'examen
»
> « Les personnes âgées sont plus
aptes à rire que les personnes jeunes, car elles ne ressentent pas
les choses de la même
manière, arrivent à relativiser
peut-être plus facilement »
> « Chez les personnes âgées, je
pense que l'humour est possible quand il est perceptible par la personne. Il
est évident qu'une personne atteinte de troubles cognitifs sera plus
difficilement touchée par l'humour de manière positive...
»
|
Source : L'auteur
XVI
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
ANNEXE 10. UNE PSYCHOTHÉRAPIE HUMORISTIQUE
?
Thème
|
L'humour
|
Sous-thème
|
Un outil thérapeutique biologique, psychologique et
social
|
Éléments d'analyse
|
Exemples de citation
|
L'humour est admis par la
majorité des soignants en tant qu'outil contribuant
à la santé
psychologique et sociale du sujet.
|
> « Au premier plan, je vois le côté
psychologique. Le rire est
une façon de lâcher prise sur les tracas de
la vie en pensant à autre chose ou à relativiser ce qui nous
arrive. Il est aussi une réaction nerveuse quand on a peur ou qu'on
angoisse. Il est positif »
> « Au niveau physique et biologique je ne sais
pas mais psychologique oui, pour gérer le stress, la douleur, la peur
des examens »
> « Sans aller jusqu'à la guérison
on peut décompresser, relativiser, s'évader... »
|
Les bénéfices biologiques et
physiologiques proviendraient de la répercussion des
effets de
l'esprit sur le corps de l'individu.
En d'autres termes, l'humour ne permet pas de guérir de
la maladie. Il aide le patient à la combattre grâce à un
meilleur moral et une vision positive de sa situation de malade.
|
> « Je pense que l'humour est un bon
`dérivatif' sur les plans
psychologique et social puisqu'il fait oublier par un
sourire les soucis, ce qui devrait entrainer une amélioration au niveau
physique et biologique »
> « Un médecin m'a dit un jour : `tant
qu'on ne va pas bien dans sa tête, le corps n'ira pas non plus'. Tout
est relié. Je ne dis pas que l'humour et le rire soignent tous les maux,
mais il peut y contribuer »
> « Assurément oui ! Psychologique c'est
certain et physiologique : le rire fait partie des sensations de plaisir,
donc le cerveau libère des hormones qui donnent une sensation de
bien-être »
> « Oui je pense, tout d'abord sur le
psychologique et social, puis par effet boule de neige sur le physique et
biologique »
> « Le rire médecin n'existe pas pour
rien... Quoiqu'il arrive de mon expérience, les personnes
préfèrent qu'on leur annonce les bonnes comme les mauvaises
nouvelles avec le sourire ! Toujours voir le côté positif, ne pas
s'arrêter de vivre... Le mental a une grande force sur le physique, donc
un effet thérapeutique certain »
|
Source : L'auteur
XVII
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
ANNEXE 11. LES BARRIÈRES À L'HUMOUR
Thème
|
|
L'humour
|
Sous-thème
|
Les limites et contraintes à son utilisation dans les
soins
|
Éléments d'analyse
|
|
Exemples de citation
|
|
>
|
« La surcharge de travail peut nuire à la
relation avec le patient ; si le MER a peu de temps, il va à l'essentiel
et ne
|
Par rapport au métier, la
|
|
prend pas le temps de faire de l'humour. Le manque
|
surcharge de travail et le
|
|
d'expérience aussi, un MER qui débute se
concentrera plus
|
manque de temps sont le plus
|
|
sur la technicité que sur le relationnel avec le
patient »
|
souvent facteurs de stress pour
|
>
|
« Là où je travaille on a un très
gros roulement. On voit
|
le manipulateur, diminuant
|
|
environ 350 patients par jour, parfois plus. On a
souvent
|
l'expression de l'humour auprès du patient.
|
|
l'impression de manquer de temps auprès de certains
patients. Je fais toutefois de mon mieux pour prendre le temps
nécessaire avec le patient et d'être souriante »
|
La technicité du métier, le
|
>
|
« Le travail à la chaîne a tendance
à nous faire oublier la
|
manque d'expérience, et la
|
|
valeur sociale de notre métier »
|
radioprotection peuvent parfois
|
>
|
« Travaillant en médecine nucléaire, la
radioprotection peut
|
compromettre une relation
|
|
être un frein car il faut quand même rester
à une certaine
|
humaine et à proprement parler soignante.
|
|
distance du patient. Cela n'empêche pas
forcément de parler mais certains patients ont besoin d'un contact plus
proche et plus intime que nous ne pouvons pas forcément leur donner
»
|
Pour d'autres, il n'existe pas
|
>
|
« Rien ne peut desservir l'usage de l'humour, une
parole
|
d'excuses ! Employer l'humour
|
|
humoristique ne prendra jamais plus de temps qu'une prise
en
|
auprès du patient dépend
|
|
charge standard, le seul frein à l'humour est le
patient »
|
uniquement de facteurs humains
|
>
|
« Aucune excuse ne peut interdire l'humour à
part l'état du
|
et non de causes latentes.
|
|
patient et sa non réceptivité. L'humour,
même débordé, ne
|
Ces facteurs humains reposent à
|
|
prend pas plus de temps »
|
la fois sur la personnalité du
|
>
|
« `quand on veut, on peut' et `quand on peut, on fait'
»
|
soignant et du soigné.
|
>
|
« Rien n'est un frein à l'humour, si ce n'est
notre propre morosité »
|
|
>
|
« Il est en effet difficile en cas d'urgence, sinon
la seule limite est le respect du patient ou de ses croyances/convictions
»
|
L'humour est fonction de la
|
>
|
« Chez les patients gravement malades, ce n'est pas
toujours
|
situation. En cas d'urgence ou
|
|
aisé d'utiliser l'humour mais parfois à mon
grand étonnement
|
face à des patients inconscients,
|
|
ce sont eux qui instaurent ce type de contact,
peut-être par
|
l'humour n'a pas forcément sa
|
|
dérision, ils ont un recul sur la vie »
|
place. Néanmoins, certains
|
>
|
« La barrière linguistique est un
élément où l'humour est
|
patients atteints de pathologies
|
|
difficile, encore que par la gestuelle, on peut aussi. Pour
ma
|
graves initient eux-mêmes
|
|
part, je pense que c'est l'état d'esprit du patient
qui fait que
|
l'humour : à nous, soignants, de
|
|
l'usage de l'humour n'est pas permis »
|
l'entretenir !
|
>
|
« Il est évident que l'état de
conscience altérée ne permet pas d'utiliser l'humour... Mais je
pense que tous les autres cas sont
|
De même, la barrière culturelle
|
|
potentiellement des situations où on peut
l'utiliser... Même
|
ou linguistique peut parfois
|
|
avec un polytraumatisé à partir du moment
où il est utilisé
|
marquer un certain détachement avec le sujet.
|
|
avec parcimonie et à bon escient. La
barrière de la langue est très délicate mais pas
insurmontable. Nous avons des mains et le regard permet de transmettre beaucoup
de choses... »
|
Source : L'auteur
XVIII
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
ANNEXE 12. LES BÉNÉFICES DE L'HUMOUR
Thème
|
L'humour
|
Sous-thème
|
Auprès du soignant lui-même, de ses
collègues et dans son travail
|
Éléments d'analyse
|
Exemples de citation
|
Rire avec ses collègues est un élément
essentiel dans le travail.
Peut-être pour diminuer les tensions. Ou pour favoriser
une
bonne ambiance. Ou pour améliorer notre
productivité et notre motivation.
C'est l'équivalent d'un petit
rayon de soleil de bonne
humeur qui réchauffe notre moral.
|
> « Pour oublier les problèmes du travail et
se rendre compte
qu'on est plus que juste une équipe mais une famille
»
> « Une bonne ambiance au travail est primordiale
et ça sert aussi à amener de la légèreté
dans cet environnement parfois lourd et pesant qu'est celui de la santé
»
> « J'aime charrier les gens que
j'apprécie. Ça leur apporte de la joie et ça brise la
routine car malgré la diversité du travail
de MER, dans chaque métier il y a une certaine routine
»
> « Pour se détendre, se détacher de
ce que l'on peut voir, des
pathologies rencontrées, ainsi que pour unir
l'équipe, consolider les relations »
> « C'est aussi mon moyen de communication quand
je veux faire passer un message sans qu'on me prenne pour une moralisatrice.
Et puis, côtoyer la maladie ce n'est pas drôle, alors si on peut
soulager cela en rigolant sur tout et n'importe quoi, on est preneur
»
> « Quelqu'un d'heureux rayonne... et rend heureux
les personnes qui l'entourent »
|
Rire est aussi bénéfique pour soi. Une ambiance
chaleureuse au travail a nécessairement des répercussions
positives sur notre état d'esprit et notre manière de
travailler.
Pour la plupart des soignants, exercer dans la joie et la
bonne
humeur, c'est être davantage productif et efficace.
Apporter
un certain bien-être dans sa
pratique, c'est répondre aux besoins en santé
du patient.
|
> « Ça redonne le moral, ça donne des
ailes, on a le baume au
coeur pour travailler »
> « Quand je vois les effets de mon humour cela
m'apporte également un bien-être. Les personnes qui se sentent
bien dans leur travail sont certainement plus productives que celles qui
s'ennuient et trainent les pieds »
> « Cela permet de se décharger, de
dédramatiser certaines situations difficiles au niveau psychologique
»
> « Ça me met de meilleur humeur, les
contrariétés s'effacent et les problèmes
rencontrés sont abordés avec beaucoup moins d'agressivité
»
> « Le patient le ressent, indéniablement,
il appréciera une équipe qui aime bosser ensemble dans la
bonne humeur plutôt que de voir une bande de chien en train de s'aboyer
dessus toute la journée »
|
Source : L'auteur
XIX
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
ANNEXE 13. L'HUMOUR SELON LA MODALITÉ
Thème
|
L'humour
|
Sous-thème
|
Modalités de travail et lieu d'exercice
|
Éléments d'analyse
|
Exemples de citation
|
En imagerie diagnostique, le
manque de temps est le
principal frein à l'humour.
L'aspect stérile et urgent de
l'interventionnel semble aussi rendre difficile la pratique
de l'humour avec le patient.
Si une bonne ambiance dans
l'équipe soignante semble favoriser la
jovialité dans les soins, le temps accordé à son patient
joue aussi un rôle.
Il s'agit de mettre en place un
lien de confiance avec son patient en un temps très
court, pour le rassurer et dissiper ses angoisses.
|
> « J'ai toujours travaillé en cabinet de
radiologie. Il est vrai
que c'est plus de la bobologie que l'ont fait ce qui
facilite l'humour. En cabinet on connait les patients qui reviennent pour leur
contrôle, il y a un climat de confiance qui s'installe au fur et à
mesure des visites du patient »
> « Je pense qu'il est plus difficile de faire de
l'humour en service de radiologie car le temps passé avec le patient
est
souvent court et ne permet donc pas de cerner le patient
»
> « En interventionnel, l'aspect bloc
opératoire peut être anxiogène mais du coup l'humour a
un impact encore plus fort »
> « C'est peut être plus au niveau de
l'interventionnel que l'échange sur le ton de l'humour est le plus
difficile car je pense que les patients sont très stressés et
moins réceptifs »
> « Les services comme le scanner ou l'IRM avec
une forte activité et qui emploient une infirmière pour
perfuser les patients, laissent peu de temps au manipulateur pour discuter avec
le patient. Son rôle est surtout centré sur l'imagerie
»
> « Ayant travaillé en médecine
nucléaire où les examens sont plus longs, il est plus facile
d'échanger avec les patients et faire de l'humour »
|
En radiothérapie, si le fait de côtoyer des
patients atteints de lourdes pathologies aurait pu
constituer une entrave à la
pratique de l'humour, les séances de traitement
régulières assurent un climat relationnel stable et favorisent la
complicité entre soignant et soigné.
|
> « En thérapie cela est plus facile car le
lien soignant/soigné se
créé au fil des semaines et permet donc de
cerner le patient, on est alors sûr que le patient appréciera ou
non l'humour »
> « En radiothérapie les traitements
étant longs et quotidiens cela nous permet d'établir une
relation de confiance avec le
patient, de le connaître et de savoir où sont
ses limites »
> « J'ai commencé en radiothérapie,
et l'ambiance générale est peu propice à l'humour,
quoique je garde un bon souvenir de relation détendue avec quelques
patients »
|
Source : L'auteur
XX
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
ANNEXE 14. L'HUMOUR, INNÉ OU ACQUIS ?
Thème
|
L'humour
|
Sous-thème
|
Entre faculté innée et/ou acquise de l'Homme
|
Éléments d'analyse
|
Exemples de citation
|
L'humour est inné : sa pratique ne s'apprend pas. Le
soignant met en place l'humour auprès
du patient par son instinct naturel.
On ne peut pas apprendre à rire si cela ne fait pas
partie de notre personnalité.
Chaque soignant a sa propre définition de l'humour et
tous ne sont pas aptes à l'employer, sans risque de heurter le patient
et ses valeurs.
|
> « Oui l'humour est une prédisposition
naturelle. Je connais
beaucoup de MER qui ne l'utilisent pas ni dans leur vie
personnelle, ni dans leur vie professionnelle. Tout est une question de
personnalité : si dans la vie personnelle on ne l'utilise pas on ne
l'utilisera pas dans la vie professionnelle »
> « Je crois que l'humour est propre à
chacun, qu'il ne peut pas s'apprendre et que parfois, il vaut mieux s'en
priver que de faire de grosses catastrophes en pensant en avoir »
> « L'humour ne s'apprend pas. Il faut avoir
envie, être endurant et désespéré !
»
> « On est tous différents, donc tout
autant de possibilités que de situations, donc les combinaisons sont
immenses ! Après,
certains sont naturellement réceptifs, d'autres
pas. Être heureux soi-même est déjà un
début car comment apporter aux autres si l'on est déjà
bancal ? »
|
L'humour est aussi acquis : un apprentissage est envisageable.
On s'applique à faire rire grâce à l'ensemble des
informations,
des apprentissages, et des expériences acquises au
cours de la vie, et qui influencent nos
comportements. Ensuite, libre au soignant de mettre en
place ou non l'humour avec le patient.
Si certains sont certes plus
naturellement disposés à avoir une approche
humoristique dans les soins, l'humour apparaît en tant que technique
relationnelle à adopter dans sa pratique... par le biais d'une formation
?
|
> « L'humour est chez toutes les personnes, la
différence est
dans la manière avec laquelle on en joue
»
> « Cela varie beaucoup, l'approche de l'humour
de chacun est différente, je pense qu'il y a une partie
d'innée et de notre éducation également »
> « Prédisposition naturelle ? Oui et
non... Oui parce qu'indéniablement, certains sont nés en ayant
mangé un clown ; mais non je pense que tout le monde peut avoir sa part
d'humour. Celui-ci est plus ou moins subtile, plus ou moins mis en avant selon
certaines situations, ou l'humeur de la personne... Mais on n'est pas
dépourvu d'humour »
> « Bien sûr que l'humour varie d'un
soignant à l'autre. Il y a autant d'utilisations de l'humour
différentes qu'il y a de soignants, selon moi. Et oui, même si je
pense que tout peut s'apprendre, il y a une spontanéité et une
ouverture d'esprit nécessaire pour utiliser l'humour au mieux dans
certaines situations »
> « Je ne crois pas que cela soit une
prédisposition mais plutôt une technique relationnelle que l'on
apprécie ou pas et qui se met en place à tâtons. Certains
sont plus à l'aise pour manier l'humour que d'autres »
|
Source : L'auteur
XXI
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
ANNEXE 15. LES INTÉRÊTS D'UNE FORMATION
CONTINUE
|
>
>
>
|
« On a toujours à apprendre, savoir se
perfectionner, trouver de nouvelles méthodes, savoir l'amener plus
facilement »
« Oh oui, pour manipuler l'humour à la
perfection, pour devenir meilleur accompagnant ! »
« Cela pourrait être intéressant, pour
avoir une ligne de conduite, des choses qui peuvent se dire et des blagues
à éviter ! »
|
|
>
|
« Pour savoir oser l'emploi de l'humour avec beaucoup
plus de patients »
|
|
>
|
« Cela permettrait peut-être d'utiliser
l'humour avec plus de patients que ce que je fais actuellement »
|
Se perfectionner
|
>
|
« Énormément intéressée,
cela pourrait permettre de donner des pistes et de voir jusqu'où on peut
aller dans l'humour sans oublier le rôle de soignant »
|
|
>
|
« Pourquoi pas. Pour avoir des pistes non connues
mais attention à ce qu'elle n'altère pas la
spontanéité des personnes. La formation doit être
considérée comme une sorte de boîte à outils
»
|
|
>
|
« Pourquoi pas afin de savoir comment l'aborder avec
les patients moins réceptifs »
|
|
>
|
« Étant référente du
Comité de Lutte contre la Douleur (CLUD) dans mon service et
étant convaincue que l'humour est un moyen non médicamenteux de
lutter contre la douleur, je suis preneuse pour mettre en pratique et
améliorer mes façons de travailler »
|
|
>
|
« Je serais intéressée car toutes les
formations ne peuvent être que bénéfiques rien que pour
l'échange d'expérience avec les autres soignants puisque
venus
|
Échanger notre
|
|
d'autres services avec d'autres façons de faire les
choses... »
|
expérience
|
>
|
« Il est toujours intéressant de voir
l'approche de personnes habituées et d'échanger sur ce
thème. Également, cela pourrait me convaincre de l'utiliser plus
et à bon escient »
|
Vaincre la
|
>
|
« Étant discrète, je n'ose pas souvent
employer l'humour avec les patients sauf
|
timidité
|
|
ceux que je connais bien »
|
Par curiosité
|
>
|
« Pour voir ce que propose la formation, par
curiosité »
|
|
>
|
« Je pense que c'est plutôt une
nécessité car l'utilisation de l'humour rend les patients plus
perceptibles au traitement, plus coopérants et le plus important
:
|
|
|
heureux pour un certain moment »
|
|
>
|
« Pourquoi pas, toute formation est bonne à
faire du moment que cela peut améliorer le quotidien et la prise en
charge des patients... »
|
|
>
|
« Absolument, l'amélioration continue des
compétences fait partie de l'éthique professionnelle
»
|
Améliorer la
|
>
|
« Très intéressée. Cela permettrait
d'aider nos patients à passer un examen en
|
prise en charge
|
|
étant moins stressés et qu'ils soient plus
à l'aise »
|
des patients
|
>
|
« Je suis ouverte à tout ce qui peut favoriser
la relation privilégiée avec le patient »
|
|
>
|
« Pour gérer le stress, créer un lien
de confiance, optimiser les procédures de soins »
|
|
>
|
« Je suis très intéressée par
tout ce qui touche l'amélioration de la prise en charge du patient et je
suis sûre que l'humour joue une grande part dans le bon
déroulement de celle-ci »
|
|
>
|
« Avoir des idées pour détendre
l'ambiance avec certains patients ne serait pas de refus »
|
Source : L'auteur
XXII
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
ANNEXE 16. PEUT-ON FORMER LES ÉTUDIANTS ? NON
!
|
>
>
|
« On ne peut pas changer la personnalité des
MER. Si la personne qu'elle soit soignante ou patiente n'aime pas rire,
ça ne sert à rien »
« Non car je pense que nous sommes tous
différents et l'humour est
|
NON, certainement pas.
|
|
naturellement en chacun, nous savons évaluer le
degré et la limite à
|
L'humour est inné !
|
|
utiliser l'humour dans nos relations »
|
On ne peut apprendre
|
>
|
« Non, c'est tellement propre à chacun, ça
doit être inné, pas besoin
|
à rire ou à faire rire.
|
|
de formation »
|
|
>
|
« Quand on est étudiant, si ce n'est pas
inné, dans notre nature, on n'a pas assez de recul pour employer
l'humour sur les lieux de stages, donc la formation ne serait pas
bénéfique. Je ne suis pas sûr qu'il en resterait beaucoup
à la sortie de l'école... »
|
|
>
|
« C'est avec le temps que l'humour vient. Il faut
d'abord être professionnel puis, si l'on est à l'aise, on peut se
permettre de faire de l'humour »
|
NON, l'humour
|
>
|
« Je trouverais ce cours trop vague à
l'école, puisqu'il y a plusieurs
|
s'acquiert par
|
|
domaines en imagerie médicale »
|
l'expérience, la pratique
|
>
|
« Je ne pense pas qu'une formation à l'humour
doit être intégrée à la
|
professionnelle. Il est
|
|
formation initiale car je pense que c'est la
sensibilité, combinée
|
encore trop tôt pour
|
|
surtout à l'expérience acquise au cours des
années, qui fait que
|
envisager une telle
|
|
l'humour se développera de façon positive ou
non »
|
formation.
|
>
|
« C'est la limite de l'humour. Pouvoir le pratiquer dans
un cadre
professionnel demande de la compétence. Un
étudiant doit se consacrer aux bases pour pouvoir ensuite
intégrer de nouveaux outils comme l'humour »
|
|
>
|
« Encore une unité d'enseignement de plus... non
merci ! »
|
NON, le programme
|
>
|
« Dans le cursus MER, je pense que ce n'est pas
pertinent. Il y a déjà
|
est assez chargé.
|
|
beaucoup à faire pendant cette formation
»
|
Une unité
|
>
|
« Cela serait difficile à mettre en place. Les
étudiants ont déjà
|
d'enseignement
|
|
beaucoup de choses à apprendre avant de faire de l
humour avec les
|
supplémentaire ne serait
|
|
patients »
|
ni pertinente, ni
|
>
|
« Il y a, à l'heure actuelle, déjà
bien assez de choses à assimiler en
|
efficace.
|
|
seulement trois ans d'études »
|
Source : L'auteur
XXIII
ETIENNE CORDIER - Promotion 2013/2016
ANNEXE 17. PEUT-ON FORMER LES ÉTUDIANTS ? OUI
!
OUI, à condition de rendre cette
formation optionnelle. Tous ne détiennent pas une
personnalité humoristique.
|
>
>
>
|
« Oui mais en tant qu'option, l'humour est
délicat et ne peut être fait par quelqu'un qui se force, il faut
qu'il est envie de l'utiliser sinon cela ne fonctionne pas »
« Elle pourrait être proposée mais
certainement pas imposée. Tout comme tout le monde n'est pas
réceptif à l'humour, tout le monde n'est pas susceptible ou
même capable de l'utiliser »
« Oui mais certains sont plus à l'aise que
d'autres, cela ne doit pas être pris en compte et noté
»
|
|
>
|
« Oui pour nous mettre à l'aise avec notre
métier, nous donner une certaine confiance vis-à-vis de nous et
des patients. Maîtriser l'humour permet de montrer qu'on sait bien faire
notre métier aussi car on arrive à faire autre chose que tirer
des clichés »
|
|
>
|
« C'est envisageable je pense et plutôt
intelligent. Certains élèves sont timides, renfermés,
l'humour ouvre des portes, ouvre au monde »
|
|
>
|
« Oui ! Cela doit faire partie de la formation dans le
cadre de la
|
OUI, absolument.
|
|
psychologie. Malheureusement on insiste sur des grands
principes
|
Cette formation doit se
|
|
théoriques sans intérêt (à notre
échelle) plutôt que de parler
|
faire pour tous les
|
|
simplement des situations réelles »
|
étudiants, en vue
|
>
|
« Cela me semble pertinent et envisageable pour tous.
Libre à chacun
|
d'améliorer leur
|
|
de l'adopter dans son métier futur »
|
relationnel et la prise en
|
>
|
« Oui, car on ne forme pas des machines mais des
êtres humains.
|
charge des patients lors
|
|
Certaines écoles devraient réfléchir
à cela »
|
de leur pratique future.
|
>
|
« Tous les étudiants pourraient la suivre et
après à chacun de voir s'il se sent ou pas de la mettre en
pratique, en fonction de son caractère »
|
|
>
|
« Il faudrait envisager des ateliers
théâtre pour un peu `décomplexer' les étudiants
avant d'entrer dans le monde du travail. Cela leur sera bénéfique
dans leur relation avec les patients mais aussi avec leurs collègues
»
|
|
>
|
« Pourquoi pas. Après tout, tout est
envisageable pour une bonne prise en charge des patients. Et bien sûr
à tous les étudiants car tous les MER doivent avoir le même
cursus »
|
Source : L'auteur
RÉSUMÉ
Contexte : Au travers de nombreux aspects,
l'humour se pose comme un outil de communication à part entière.
Classiquement, l'humour vise à mettre en valeur avec drôlerie
certains aspects de la réalité ; rire et sourire en sont la
manifestation physique. Qu'il soit verbal ou non, l'humour revêt de
multiples formes, rendant son usage possible dans la plupart des situations. Il
représente un véritable langage universel, bâtisseur de
relations humaines, basé sur la confiance et l'authenticité.
Objectifs : Diverses formes d'humour peuvent
être adaptées en fonction du contexte ou de la personne. Employer
l'humour au sein de la relation soignant/soigné semble parfaitement
justifié. Rire apporte d'ailleurs de nombreux bienfaits biologiques,
psychologiques et sociaux au corps. En tant que possible outil
thérapeutique, peut-on envisager de former les manipulateurs ou les
étudiants à l'humour ?
Méthode : L'étude s'est
déroulée de novembre 2015 à février 2016. Dans la
première phase de recherche, un questionnaire à questions
fermées a été adressé aux soignants (641
réponses) et aux étudiants (411 réponses). Puis, dans le
cadre de notre seconde phase de recherche, un questionnaire à questions
ouvertes cette fois destiné uniquement aux professionnels (91
réponses). Manipulateurs diplômés ou non ont accepté
d'évaluer les bénéfices de l'humour sur la santé
à travers ces enquêtes, et aussi faire part de leur ressenti quant
à la mise en place d'une formation à l'humour.
Résultats : Faire usage de l'humour
dans les soins apparaît comme un mécanisme de défense face
au stress, un moyen de lutter contre la dépression, une technique de
distraction, ou pour dissiper la peur de l'inconnu - voire même la peur
de la mort - et contribuer à notre bien-être. Selon les
participants, l'humour rend le soin davantage humain, porté sur la
personne, et bien moins protocolaire. La plupart perçoivent l'humour en
tant qu'outil thérapeutique nécessaire pour adopter une attitude
positive et améliorer la capacité de résilience. Si pour
la majorité des répondants il semble indiscutable de favoriser
une ambiance chaleureuse au travail, tous ne se déclarent pas favorables
à un apprentissage à l'humour. Certains considèrent
l'humour comme une prédisposition naturelle innée de l'Homme,
tandis que d'autres envisagent la possibilité d'instaurer une formation
continue dans la pratique professionnelle, ou initiale dès le cursus
étudiant.
Conclusion : Il convient de mettre en place
l'humour au coeur de la relation de soin, dans l'optique soignante
d'améliorer la prise en charge thérapeutique des patients. Si la
question d'une formation peut sembler difficile à mettre en oeuvre pour
tous les professionnels ou étudiants, n'oublions jamais que le
« sourire est le plus court chemin entre deux personnes »
(Borge, 1991).
Mots-clés : humour ; relation
soignant/soigné ; manipulateur en électroradiologie ;
étudiant ; formation.
ABSTRACT
Background: In many ways, humour is a mode of
communication. Traditionally, it is the quality of being funny or appreciating
funny things, manifesting in smiling or laughing. Using verbal or unverbal
forms, humour has many styles and can be found in almost any situation, on any
occasion. This is a universal language which can help to create a natural
connection during patient interactions based on confidence and authenticity.
Objectives: Various forms of humour may be
relevant in different contexts and to different people. Humour is currently
being employed in the nurse-patient relationship. Moreover, laughter has many
clinical benefits, promoting beneficial biological, psychological and social
changes. As a possible therapeutic tool, can humour be taught to the
radiographer or the student?
Methods: The study took place between
November 2015 and February 2016. In the first phase, quantitative questions
were addressed to radiographers (641 answers) and students (411 answers). Then,
a qualitative research was only done for professionals working in the field of
diagnostic and therapeutic radiology (91 answers). Nursing staff and
radiographers apprentices evaluated the utility of laughter on health and their
interest in learning humour.
Results: In healthcare, humour therapy can
help to relieve stress, to deal with depression, to serve as a diversionary
tactic, to dispel fear of the unknown - even fear of the death - and to give an
overall sense of well-being. For the participants, humour provides a more
subtle and much less formal relationship with the patient. Most of them used
humour as a therapeutic tool to turn negative emotions into positive thoughts,
which improve the capacity of resilience. If it seems important for the
majority to balance the workday with a human behavior that adds joy to life,
there is a lack of consensus to get a professional training on humour. Some
people judge humour as a natural predisposition; whereas others think it is
necessary to learn it as a skill during professional training, or higher
education.
Conclusions: This study reveals that humour
at the heart of the nurse-patient relationship can enhance current healthcare.
If it seems relatively complicated to teach humour for all the professional
radiographers or students, we must never forget that «a smile is the
shortest distance between two people» (Borge, 1991).
Keywords: humour ; nurse-patient relationship ;
radiographer ; student ; training.
|