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Francophonie et intégration internationale des états africains dans la mondialisation.( Télécharger le fichier original )par Marius Blum TADA LANDO Institut des Relations Internationales du Cameroun - Master 2015 |
C-CLARIFICATION DES CONCEPTS.Il n'est pas sans intérêt de se plier à l'une des exigences de la recherche scientifique, qui consiste à apprécier le sens des notions qui seront examinées dans la présente étude. En effet, comme l'affirmait René Capitant, « il faut se méfier des mots qui sont la tentation de l'esprit et ne se livrer à eux qu'après les avoir rachetés du mensonge »6(*). Par conséquent, notre sujet convoque des notions a priori anodines mais dont la profondeur pourrait échapper à qui s'y livre sans une certaine distance. Aussi doit-on pour comprendre ce sujet s'appesantir sur une clarification des concepts Francophonie, Intégration Internationale et Mondialisation. 1. FRANCOPHONIE.Si le terme « francophonie » a été inventé par le géographe Onésime Reclus7(*) pour désigner l'ensemble de peuple utilisant la langue française dans leur vie quotidienne ou dans leurs communications, il faut cependant relever que ce terme renferme deux significations différentes selon qu'il est employé avec un « f » minuscule ou un « F » majuscule. En effet, le terme « francophonie » employé avec un « f » minuscule a une connotation géolinguistique. Elle a d'abord un sens linguistique parce qu'elle fait référence aux locuteurs qui parlent entièrement ou partiellement la langue française et elle a un sens géographique car elle renvoie à l'ensemble des peuples et des hommes géographiquement localisés dont « la langue (maternelle, officielle, courante, administrative ou encore de culture) est le français »8(*). Quant au terme « Francophonie » employé avec un « F » majuscule, celui-ci à une connotation géopolitique qui suppose l'ensemble des Etats et des gouvernements membres de l'OIF et des institutions francophones dans le cadre de la charte de la Francophonie. Il s'agit donc de la Francophonie institutionnelle qui regroupe l'ensemble des organisations publiques et privées oeuvrant dans l'espace francophone. Dans le cadre de cette recherche, il est question de la Francophonie avec « F » majuscule étant donné que c'est sur l'intégration internationale des Etats Africains membres de l'OIF que porte cet objet d'étude. 2. INTEGRATION.Les réalités internationales ont prouvé qu'il est impossible pour les Etats de vivre en vase clos sur la scène internationale. Ainsi, ces derniers sont obligés de tisser des liens d'interdépendance entre eux pour réaliser leurs intérêts. Cependant, lorsque plusieurs Etats poursuivent des intérêts communs, ceux-ci le plus souvent se regroupent au sein d'organisations dites « Internationales » afin de les réaliser. Dès lors, c'est dans cette perspective de regroupement des Etats que l'on parle habituellement d'intégration. En ce qui concerne la notion d'intégration, bien qu'elle soit définie par le dictionnaire de langue Française LE ROBERT9(*) comme le fait « d'incorporer de nouveaux éléments à un système »10(*), elle reste une notion complexe et assez difficile à cerner. En effet, si étymologiquement, le terme intégration vient du mot latin « integrare » qui désigne le fait d'entrer dans un tout. Il existe néanmoins plusieurs définitions de ce concept qui diffèrent selon les domaines dans lesquels il est employé. Dans le domaine de la sociologie, l'intégration désigne le processus ethnologique qui permet à une personne ou à un groupe de personnes de se rapprocher et de devenir membre d'un autre groupe plus vaste par l'adoption de ses valeurs, et des normes de son système social. Cette intégration nécessite deux conditions : Une volonté et une démarche individuelle de s'insérer et de s'adapter et la capacité intégratrice de la société par le respect des différences et des particularités de l'individu. Dans le domaine économique, la notion d'intégration désigne « le processus d'unification des politiques économiques entre différents Etats qui passe par l'abolition partielle ou totale des restrictions tarifaires (taxes, droits de douane) et non tarifaires sur le commerce »11(*). Selon le degré d'unification entre les Etats, il existe plusieurs formes d'intégration économique. Il y a tout d'abord les zones de libre-échange (ZLE) qui regroupent des pays qui suppriment entre eux toutes les barrières commerciales, mais conservent néanmoins les contrôles douaniers. Ainsi, à l'intérieur des ZLE, les échanges de marchandises sont libérés entre les agents économiques. Cependant, peuvent être exclus des accords commerciaux instituant ces ZLE, les secteurs d'activités considérés comme sensibles tels que le secteur de l'armement. C'est le cas par exemple de l'Accord de Libre-échange Nord-Américain (ALENA)12(*). Par la suite, on a les unions douanières (UD) où l'abandon de souveraineté est plus important que dans les ZLE. Dans les UD, les pays suppriment entre eux les barrières douanières et instituent un tarif douanier commun à l'égard du reste du monde13(*). Ensuite, on a les marchés communs (MC) qui représentent une étape supplémentaire dans l'approfondissement de l'intégration. Les MC supposent que soient réalisées en plus de l'UD, l'élimination des obstacles techniques au commerce, des frontières fiscales et de la libre circulation de la main d'oeuvre et des capitaux. Ainsi, contrairement aux ZLE qui ne concernent que le marché des produits, les MC consistent donc à une ouverture sur l'ensemble des marchés. On peut prendre comme exemple le Marché Commun Sud-américain (MERCUSOR)14(*). A un autre niveau on a les unions économiques qui allient la suppression des obstacles à la libre circulation des marchandises et des facteurs de production à l'atteinte d'un certain niveau d'harmonisation des politiques publiques nationales afin d'abolir toute discrimination attribuable aux disparités entre ces politiques. Il s'agit donc du marché commun plus l'harmonisation des politiques économiques. C'est le cas par exemple de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO)15(*). Enfin, on a les unions économiques et monétaires qui représentent la phase ultime de l'intégration économique. Elles comportent outre la mise en oeuvre de politiques communes, la création d'une zone de parités fixes entre les partenaires et, éventuellement, la création d'une monnaie commune. A titre d'exemple on peut citer la communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC)16(*). Dans le domaine politique, la notion d'intégration « désigne des processus par lesquels se tissent des liens multiples soit entre Etats, soit directement entre communautés nationales jusqu'à un seuil remettant en cause, au moins partiellement, le principe même de souveraineté nationale »17(*). L'intégration politique a pour principal objectif l'établissement de la paix et de la sécurité entre les Etats membres participants, ainsi qu'entre ceux-ci et le reste du monde. Cependant, à la différence des alliances où cet objectif est poursuivi par différents engagements de nature politique et militaire, une organisation d'intégration politique est bâtie petit à petit au moyen d'un grand nombre de politiques communes qui cimentent les intérêts communs et créent une solidarité réelle entre les Etats membres. Cette forme d'intégration peut concerner uniquement les Etats issus d'une même région, on parle alors « d'intégration régionale » qui est définie par l'Union Européenne comme « le processus qui consiste à surmonter, d'un commun accord, les obstacles politiques, physiques, économiques et sociaux qui séparent les pays de leurs voisins, et à collaborer dans la gestion de ressources partagées et de biens communs régionaux »18(*). C'est le cas de l'UE en Europe, l'UA en Afrique ou encore l'ASEAN en Asie. Elle peut aussi concerner l'ensemble des Etats de la planète, on parle alors dans ce cas « d'intégration internationale » qui est un processus dans lequel « les Etats choisissent d'abandonner une part de leur souveraineté nationale en vue de s'insérer dans un ensemble spatial mondial »19(*). Cet abandon peut être limité au seul domaine commercial (OMC), politique (ONU), ou sanitaire (OMS). En définitive, comme il a été démontré plus haut, la notion d'intégration revêt différents sens selon le domaine dans lequel elle est employée. Malgré cela, force est de constater que quel que soit son sens, cette notion fait toujours référence à un rapprochement entre les Etats. Et dans un cadre de politique internationale, ce rapprochement est matérialisé par l'établissement volontaire par traité ou par accord contraignant d'institutions communes et le développement progressif par elles de politiques communes poursuivant des objectifs communs et servant des intérêts communs comme c'est le cas au sein de l'OIF. C'est donc la définition politique de l'intégration qui sera retenue pour cette étude. * 6 Cité par M. Nguele Abada, « La réception des règles du procès équitable dans le contentieux du droit public », juridis périodique, juillet-aout-septembre 2005, n°63, p. 20.
* 7 C'est en effet dans « France, Algérie et colonies » et plus précisément dans le chapitre consacré à « La langue française, en Europe et dans le monde. La langue d'oïl et la langue d'oc » qu'on trouve pour la première fois le mot « francophonie ». Ce chapitre du texte d'Onésime Reclus est disponible sur le Site http://www.languefrançaise.net/dossiers/dossiers.php?id_dossier=40. * 8 Phan, T, Guillou, M, et Aymeric, D. Francophonie et mondialisation, Tome2 : les grandes dates de la construction de la Francophonie institutionnelle, Éditions Belin, paris, 2012, p.8. * 9 Le Robert, Dictionnaire de la langue Française, Edition poche, paris, 1998. * 10 Ibid. p.713. * 11 http://www.wikipedia.org/wiki/Intégration_économique, consulté le 28 janvier 2015 à 12h54. * 12 Tshiyembe, M. Organisations internationales : théorie générale et étude de cas, collection « Géopolitique mondiale », L'Harmattan, Paris, 2012. p. 108 * 13 Ibid. * 14Tshiyembe, M. Organisations internationales : théorie générale et étude de cas, Op.cit. p. 109 * 15 Ibid. * 16 Ibid. * 17Hermet, G. Badie, B. Birnbaum, P. et Braud, P. Dictionnaire de la science politique et des institutions politiques, 7e Edition, Armand Colin, Paris, 2010. p.223. * 18 Union Européenne -SEAE (Service Européen pour l'action extérieur) / Intégration internationale, http://www.eeas.europa.eu/delegations/madagascar/eu_madagascar/integration/index_fr.htm. Consulté le 28/01/2015 * 19Hermet, G. et al. Op. Cit. p.224. |
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