I. CADRE THEORIQUE
Cette section aborde les théories économiques
liant l'innovation à la productivité. La première
sous-section présente les concepts d'innovation, de diffusion et
d'adoption. La seconde sous-section analyse les liens théoriques entre
innovation et productivité agricole. Ce qui permet de présenter
dans une troisième sous-section les liens empiriques entre adoption de
nouvelles variétés et productivité agricole.
1.1. Innovation-Diffusion-Adoption
Dans son acception la plus simple, innovation signifie
nouveauté, faire des choses nouvelles ou faire d'une façon
nouvelle ce que l'on a toujours fait. Les premières réflexions
sur l'innovation en tant que moteur du développement économique
sont essentiellement attribuées à Joseph Schumpeter dans son
ouvrage « The Theory of Economic Development » publié en 1912.
Il a adopté une conception étroite de l'innovation qui est
aujourd'hui considérée comme trop restrictive. En effet, cet
auteur expose pour la première fois la théorie de l'entrepreneur
où il analyse ce dernier par sa fonction essentielle qui était
d'innover. A la suite de ces travaux antérieurs, Schumpeter (1934)
distingue cinq catégories d'innovations : Introduction de nouveaux
produits, d'une nouvelle méthode de production, de la conquête de
nouveaux marchés, du développement de nouvelles sources
d'approvisionnement en matières premières ou autres intrants et
de la constitution d'une nouvelle organisation de la production. Le porteur de
l'innovation est l'entrepreneur qui introduit dans le processus
économique les inventions fournies par le progrès technique ou
exploite les potentialités offertes par de nouveaux marchés ou de
nouvelles sources de matières premières. L'innovation peut
être définie comme la mise en pratique ou l'appropriation d'une
invention par les producteurs. La stratégie d'innovation vise à
découvrir une connaissance exclusive (Nelson et Winter, 1982).
La littérature sur la diffusion de l'innovation est
abondante et couvre plusieurs disciplines. Pour Samatana (1980), la diffusion
est le cheminement de l'innovation depuis le système source jusqu'au
système receveur. Alors que Morvan (1991), la conçoit comme "le
processus par lequel une innovation se propage". Tonneau et Sabourin (1999)
pensent que la diffusion dépend fondamentalement du milieu dans lequel
elle opère, des acteurs et de l'objet diffusé. Rogers (1983)
considère la diffusion comme "un processus par lequel une innovation va
être progressivement communiquée, à travers certains
canaux, auprès des membres du système
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social". Cette dernière définition met en
exergue quatre éléments essentiels à savoir : l'innovation
elle-même, les canaux de communication, le temps et le système
social.
Les travaux sur la courbe en S (Griliches, 1957; Rogers,
1983), distinguent la phase de croissance, celle de la maturité du
produit et enfin, la phase de déclin du produit. A chacune de ces phases
correspondent des types particuliers d'adoptants. D'autres travaux de recherche
abordant l'aspect du processus de diffusion de la technologie dans le secteur
agricole ont montré qu'au départ, c'est uniquement une
minorité d'agriculteurs qui adopte une innovation donnée, puis
elle s'étend par la suite.
Dans le cas des innovations agricoles, les agriculteurs ne
pensent pas en termes d'adoption ou de rejet comme le font les chercheurs.
D'après Chambers et al (1994), l'individu cherche à
prendre connaissance de cette nouveauté, de ses fonctionnalités,
de ses avantages et inconvénients, puis se fait sa propre opinion de
l'idée nouvelle et détermine l'attitude à observer : soit
il adopte, soit il rejette. Cymmit (1993), Houndekon et Gogan (1996)
distinguent aussi quatre groupes de facteurs analogues aux
précédents qui sont susceptibles d'influencer l'adoption d'une
technologie. Il s'agit des facteurs propres aux producteurs, des facteurs
liés à la technologie, des facteurs institutionnels liés
au marché de facteurs de production et à l'information et les
caractéristiques de la parcelle devant recevoir la technologie.
Les facteurs liés au producteur regroupent le niveau
d'éducation de l'exploitant, son expérience en agriculture, son
âge, son genre, son niveau de richesse, la taille de son exploitation, la
disponibilité en main-d'oeuvre et son aversion au risque (Cymmit, 1993).
A ces facteurs, il faut aussi ajouter la rationalité du producteur.
S'agissant des facteurs liés à la technologie,
il y a les coûts économiques du produit, la complexité de
la technologie, le coût relatif de l'innovation par rapport aux
innovations "substituts", le délai de récupération de
l'investissement et la susceptibilité de la technologie aux aléas
environnementaux. Quant aux facteurs institutionnels, ils regroupent
l'accès au crédit, la tenure foncière, la
disponibilité et l'accessibilité des marchés des produits
et des facteurs, la disponibilité et la qualité de l'information
sur les technologies et le développement des activités para et
extra-agricoles. Enfin, les caractéristiques de la parcelle concernent
la nature du sol et son niveau de fertilité avant l'adoption de la
technologie.
En effet, l'agriculteur, qui décide d'adopter une
nouvelle technique, choisis en fonction de caractéristiques techniques
et de l'état de l'environnement selon ses critères de choix. En
fait,
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un individu adopte une nouvelle technologie en fonction des
informations dont ils disposent, de l'intérêt ou des gains qu'ils
peuvent en tirer car d'après la théorie économique
(Walras, 1874), la rationalité de l'individu se détermine en
fonction de son seul intérêt à travers la main invisible
(Smith, 1776).
Qu'il s'agisse des marchés de produits ou d'intrants,
ces derniers peuvent être porteurs des risques et incertitudes pouvant
hypothéquer toute dynamique d'adoption et de diffusion des innovations
agricoles dans leur structure, comportement et performance.
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