L'étude que nous venons de réaliser nous a
permis de mettre en évidence la présence de la trypanosomose chez
les chevaux, dans certaines régions du Cameroun.
En plus, elle a été effectuée à
une grande échelle sur un échantillon représentatif
composé d'animaux de tout sexe, d'âge allant de 4 mois à 16
ans. Quant à notre enquête, elle a portée sur des
mâles et femelles, apparemment sains et sélectionnés.
Quoique, l'inclusion des animaux d'autres régions aurait probablement
rehaussé nos résultats.
Les animaux consultés ont présenté, pour
la plupart, un bon état général, des cas d'anémie
ont été répertoriés. D'autres symptômes
généraux ont été notés lors de la
trypanosomose ; il s'agit des troubles oculaires (opacification de la
cornée, larmoiements), l'hyperthermie, un poil piqué qui ont
été décrit par CHARTIER et
al., [8].
L'absence de signes cliniques chez les chevaux
examinés pourrait s'expliquer par le fait que ces animaux sont en phase
d'incubation. Cela corroborerait avec l'observation des granulocytes
éosinophiles et de cellules mononucléées (lymphocytes)
dans certains frottis. En effet, les éosinophiles sont peu nombreux chez
le cheval sain. Par ailleurs, une éosinophilie peut être due
à une allergie et elle est parfois en rapport avec le début d'une
migration de parasites. C'est pourquoi, cette éosinophilie n'est pas
pathognomonique de la trypanosomose et
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des chevaux fortement parasités peuvent ne pas
présenter nécessairement d'éosinophilie
145]. L'absence de signes cliniques chez d'autres animaux peut
être liée à une immunité naturelle comme l'a
suggéré SEIGNOBOS 142] à propos de poney
kirdi ou du Logone.
L'analyse sérologique a permis de
révéler le passage des trypanosomes chez les chevaux
consultés. De nos résultats, la prévalence a
été de 32%. Cette prévalence est inférieure
à celle obtenue par DHOLLANDER et al. 153] en
Gambie qui était de 63% ; mais elle est supérieure à une
autre prévalence obtenue par KUMBA et
al.159] dans la région de Khomas en Namibie
qui a été de 8,33% et de celle observée par CLAES
et al. 150] au Kazakhstan qui était de 16,4%.
De ces résultats, on peut suspecter la présence
des espèces parasitaires comme Trypanosoma evansi et
Trypanosoma equiperdum bien que le test CATT/T. evansi ne
soit pas très spécifique.
La prévalence parasitologique, dans notre étude,
est plus élevée que celle trouvée par FAYE 117]
chez les équidés à Bansang (11,4%) et à
Niamina
(7,5%) en Gambie, mais aussi de DIOUF 113].
Les infestations dues à T. brucei ont
été rare dans le cadre de cette étude, Ces
résultats sont similaires à ceux de MATTIOLI et
al. 131]. Mais, des études faite par le PATTEC
147] dans la région de la Boucle du Mouhoun au Burkina ont
montrées des taux pouvant aller jusqu'a 100% sous la forme
d'infections
simples ou mixtes.
Chez les équidés, les infestations à
T. congolense, T. vivax et à T. equiperdum
prédominent celles transmises par T. brucei.
Nous avons décelé, par la technique de frottis,
la présence de T. vivax dans la zone près du lac Tchad
(Makari) ; ce qui rejoint l'observation de TAZEL et
GRUVEL 146].
Par ailleurs, RAWLINGS et coll.
140] puis SNOW et coll.
142], citant plusieurs auteurs, ont rapporté qu'il y a un
décalage d'un à quatre mois entre le pic du "tsé-
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tsé challenge (1)" et celui de la
prévalence de la trypanosomose chez les ruminants.
Il faut rappeler aussi que la prolifération des insectes
se fait généralement en saison pluvieuse. Selon MAC
LENNAN [29] et BARROWMAN [4], les ânes
possèdent un certain degré de tolérance à la
trypanosomose. La différence de l'incidence de la trypanosomose chez les
chevaux comparés aux ânes traduit une plus grande
sensibilité des chevaux.
L'incidence de la trypanosomose des équidés,
souvent plus élevée que celle des bovins, peut être due au
fait que les équidés constituent des hôtes
préférentiels des glossines avec la finesse de leur peau par
rapport aux bovins. Selon le modèle analytique de ROGERS
[41], une augmentation de la densité des glossines
entraîne théoriquement une augmentation du niveau d'infection
d'abord chez les hôtes les plus préférentiels.
Une autre raison qui pourrait expliquer cette
différence est que les ânes ont une plus grande aptitude à
chasser les mouches par des mouvements de la queue ou des pattes que les
chevaux.
Par rapport aux résultats sérologiques, le
problème majeur est celui de l'interprétation des
résultats. La présence des anticorps dirigés contre un
agent étiologique (cas de trypanosome) donné peut avoir plusieurs
explications :
V' soit que l'organisme héberge le germe ;
V' soit que l'organisme s'en est débarrassé et
les anticorps vont jouer le rôle de témoins de l'infection ;
V' soit que l'organisme est trypanotolérant
Pour ces raisons, il serait indispensable d'associer à
la sérologie, des examens cliniques, voire d'autres techniques de
diagnostic plus pointues.
1 Tsé-tsé challenge = nombre de
mouches tsé-tsé/ piège/ jour x taux d'infection
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La prévalence globale était de 0,8% à
l'examen parasitologique. La séroprévalence quant à elle
était de 32 % au CATT. La prévalence variait selon la
région, la stratégie de conduite d'élevage
pratiquée par les éleveurs, les troupeaux et l'âge des
animaux. Cette enquête a montré que la trypanosomose équine
était présente au Cameroun, surtout dans les zones
boisées, près des cours d'eau fréquentés par les
animaux y compris les chevaux (Faro et Déo, Makari, Jakiri, Ndu).
Le test sérologique a fait apparaître un taux
d'infection plus élevé que l'examen parasitologique [8],
[15]. Le manque de sensibilité souvent attribué à
la méthode de détection directe serait peut-être la cause
principale de cette énorme différence entre les résultats
parasitologiques et sérologiques. Ce taux d'infection parasitologique
aurait probablement été plus élevé si le test de
sérologie, en particulier l'IFI (immunofluorescence indirecte), avait
été utilisée [17]. En effet, selon
l'étude faite par DIA et al.
[12], l'IFI s'est révélée comme le test le
plus sensible mais le moins spécifique. Les cas douteux étaient
considérables par rapport à ceux révélés par
le CATT et l'ELISA. La sensibilité et la spécificité
étaient satisfaisantes avec le CATT qui est, par ailleurs, un test
facile à effectuer sur le terrain. DIALL et
al. ont fait les mêmes observations lors de
l'évaluation de ce test au Mali [13].
Lors de cette étude, il n'a pas été
possible d'appliquer ces méthodes de diagnostic pour des raisons
financières et logistiques. C'est pourquoi d'autres études
doivent être poursuivies afin d'affiner les données
épidémiologiques de la trypanosomose équine au
Cameroun.