1.1.1.2 Contexte scientifique
Le risque est omni présent dans la
société moderne (Veyret Y., 2004). Pratiquement toutes les
disciplines traitent directement ou indirectement des risques, car ils engagent
inévitablement une réflexion transversale allant aussi bien des
sciences humaines aux sciences dures. Toutefois le champ d'action du risque,
à l'interface nature-culture, et la réflexion
épistémologique qu'il engage, en ont consacré
l'étude aux sciences sociales, précisément à la
géographie.
En géographie, on distingue les risques
technologiques et les risques naturels. Les questions sur les risques naturels,
thématique de cette étude, sont très anciennes. Cependant
celles-ci font leur incursion dans le monde scientifique suite à
l'étude des catastrophes (Veyret Y., 2004). En effet, l'essor du
positivisme au XIXe siècle, dans les sociétés
occidentales, fait reculer l'interprétation théologique ou
magique des catastrophes au bénéfice d'explications rationnelles
et logiques. Cette approche heuristique sécularise la perception des
évènements naturels dommageable. Ainsi les catastrophes et
incidemment les risques naturels sortent de la sphère
métaphysique pour devenir des objets d'étude scientifique
à part entière. La place est alors faite à l'analyse des
principes et des lois universelles de la physique régissant les
évènements extrêmes (Allard P., 2006).
La géographie anglo-saxonne va s'inscrire pendant
longtemps dans ce créneau. La plupart des contributions se cantonne
à l'analyse de la partie physique du risque c'est-à-dire
l'aléa. Quant à la vulnérabilité elle est
considérée comme une composante passive moins importante
(Reghezza N., 2004). Il s'agit là d'une analyse monocausale,
déterministe, taxée de naturaliste par certains auteurs. En fait,
celle-ci cherche à expliquer le risque par la seule activité de
l'aléa. D'ailleurs, Hewitt G. (1997) cité par Pigeon P.
(2002) qualifie cette démarche - qui étudie le
phénomène naturel dans sa régularité, ses temps
forts et son intensité afin de l'anticiper ou de le contrer -
d' « hazard paradigm » ; pour signifier
qu'elle se concentre uniquement sur « l'effet de la
nature », en ignorant volontairement l'action des
sociétés à l'intérieur desquelles cet
« effet » se produit. Dans le même ordre
d'idée la géographie française, avec des figures comme
Pardé à Grenoble et Tricart à Strasbourg, tous deux
géographes physiciens, s'intéresse prioritairement à
l'étude des processus naturels en rapport avec le risque
spécialement le risque d'inondation (Ribas P., 1994).
Ce n'est qu'à partir des années 1980 que la
géographie française, sous l'influence de l'école
vidaliènne, et les travaux des universitaires américains
tels que White G., Burton et Kates, font évoluer la réflexion
vers l'étude des processus humains qui déterminent le risque. On
assistera à la valorisation de la dimension
« vulnérabilité », parfois au
détriment de l'aléa. « Ce courant connu sous
le nom de « Hazard Research » se penche sur les
« impacts » des situations de risque et cherche à
connaitre les modalités d'un ajustement adéquat des
sociétés aux caprices du milieu » (Rebotier J.,
2011). Dans contexte nouveau, pour le moins déterministe, les travaux
portent non seulement sur l'évaluation de la vulnérabilité
de trois manières : quantitative, qualitative ou
selon « l'analyse multicritères » (Theys et
Fabiani in Veyret Y. et al., 2004), mais aussi sur sa représentation
cartographique.
Actuellement les publications sur les risques naturels
s'alimentent de cette conception dualiste : aléa +
vulnérabilité, déjà profondément
ancrée dans l'interprétation des spécialistes.
Malgré les mérites de ce paradigme, il comporte plusieurs
faiblesses. D'un côté, au plan sémantique il est impropre
de parler d'aléa purement naturel puisque le peuplement agit en retour
sur ce dernier. Autrement dit, il y a presque toujours une anthropisation des
causes naturelles d'un sinistre (Pigeon P., 2002). De l'autre, au niveau
conceptuel, la vulnérabilité est limitée pour rendre
compte des réalités dynamiques dans le temps, l'espace et les
sociétés, qu'elle est supposée recouvrir (D'Ercole R.
1998). C'est pourquoi, ce dernier préfère parler de
système de vulnérabilité. La réflexion
épistémologique se poursuit actuellement autour de
l'évaluation quantitative exacte de l'endommagement ; de
l'adéquation entre l'évaluation et la réduction de la
vulnérabilité.
Il faut noter l'introduction d'un nouveau concept dans
l'étude des risques qui est celui de la susceptibilité. Ce
concept est présent dans les travaux de Carrega sur les risques
d'incendie de forêt dans la région de la
méditerranée. En effet, la susceptibilité permet de
rechercher des paramètres sur la prédisposition du milieu naturel
à amplifier l'aléa. Cette démarche aboutit à une
meilleure compréhension de l'aléa et à sa cartographie, ce
qui permet ensuite une prédiction fine de son comportement.
En Afrique la recherche sur les risques naturels est assez
récente. Elle se conjugue avec l'urbanisation et reste le domaine
privilégié des géographes. Une fois de plus la part belle
est consacrée à l'étude de l'aléa qui s'appuie sur
des réalités géophysiques - certes évolutives mais
dont les structures sont assez stables (climat, sol, hydrographie) - en oeuvre
dans le déclenchement des risques naturels. La tendance actuelle, ne
s'inscrit pas en faux de l'acception traditionnelle du concept de risque
naturel, en même temps elle incorpore la dynamique spatio - temporelle du
risque selon les territoires, les legs coloniaux, les particularismes
socio-culturels. On note également un travail de cartographie et de
géo - référencement des risques (Zoning A., 2010).
Nous voulons nous inscrire dans la méthode hydrologique
des crues. Cette dernière suit actuellement trois lignes :
l'étude des mécanismes d'écoulement sur des bassins
expérimentaux, l'étude hydrologique de certains épisodes
catastrophiques, l'analyse de la relation eaux souterraines eaux superficielles
dans les épisodes d'inondations (Ribas P., 1994).
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