3.2. ANALYSE DE CORPUS FILMIQUE POLICIER
Les sous-catégories du genre policier
évoquées sont répertoriées à partir de trois
transformations du schéma narratif. Tout d`abord, la
modification de l'élément initial. En effet, si
l`intrigue démarre par la représentation du crime, du coupable ou
de la société le sous-genre ne sera pas la même. Autre
transformation possible ; la hiérarchie des
informations. Lorsque l`on décide de mettre au premier plan
telle ou telle étape du processus policier, le sous-genre mettra en
avant le ou les protagonistes en rapport avec l`étape en question.
Enfin, la multiplication des éléments est
également déterminante. En multipliant les victimes, par exemple,
on aboutit aux romans mettant en scène un serial killer. En multipliant
les coupables, on obtient un crime collectif et une brigade
spécialisée comme un groupe de profileurs. Nous allons tenter de
constituer un corpus à même de représenter chacune de ces
sous-catégories du genre policier afin d`analyser leurs identités
visuelles.
71 T. TODOROV, « Typologie du roman policier »,
Poétique de la prose, Paris, Seuil, 1980, p. 17.
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3.2.1. LE GENRE POLICIER À
ÉNIGME ILLUSTRÉ PAR LA
FICTION SÉRIELLE THE
MENTALIST
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Le genre policier à énigme illustré
par la fiction sérielle The Mentalist
The mentalist est une série
télévisée américaine créée par Bruno
Heller, diffusée depuis 2008. Cette fiction raconte les enquêtes
de l'unité des crimes majeurs du California Bureau of Investigation
(CBI), dirigée par Teresa Lisbon. Celle-ci travaille en étroite
collaboration avec Patrick Jane, consultant doté de facultés de
mentalisme. Il possède un savoir-faire aguerri en matière de
psychologie. Hypnose, prestidigitation ou encore manipulation, l`ensemble de
ses talents font de lui un mentaliste dont le sens de déduction est
très efficace et très utile aux enquêtes du CBI. Cependant,
celui-ci a d`abord exercé ses talents en tant que voyant, une
expérience qui lui a également permis d'acquérir des
connaissances pointues en matière d'analyse psychologique. À
cette occasion, il s`est attiré les foudres d`un tueur en série
en l`humiliant sur un plateau de télévision. Ce tueur se fait
appeler « John le Rouge », un surnom qui fait écho à sa
signature qui n`est autre qu`un smiley sur un mur peint du sang de ses
victimes. L`intrigue démarre à ce point précis, lorsque le
tueur en série décide de donner une leçon à Patrick
Jane en décimant sa famille.
Plan de l'expression
Sur le plan de l`expression, la typographie de la série
télévisée présente des caractères
géométriques et linéaires, sans empattements semblables
à la police Helvetica Neue Medium. Helvetica, une police qui porte des
valeurs de modernisme et d`efficacité en termes de lisibilité.
Comme évoqué précédemment, l`Helvetica fut
créée dans la finalité d`obtenir un caractère en
adéquation avec l`époque de sa création. 1957 est une
époque moderne, dont les pratiques et les modes de vie sont en pleine
progression.
Par ailleurs, un élément iconique de forme
rectangulaire encadre le nom « mentalist » et met ainsi de
côté l`article défini « the ». En matière
de choix chromatique, la couleur utilisée met d`autant plus en avant le
mentaliste. En effet, le rouge vient servir la thématique fictionnelle
par divers moyens ; le rouge, une couleur riche en connotation selon Michel
Pastoureau72. Cette couleur établit donc des
interprétations plurielles, elle permet de faire ressortir le texte et
de le mettre en avant en l`avançant au premier plan ce qui optimise la
visibilité. Une visibilité doublée d`une lisibilité
établie par le choix de la police. D`autre part, le rouge fait
référence à la trame narrative qui gravite autour de la
traque du tueur en série John le rouge.
72 M. PASTOUREAU, Dictionnaire des couleurs de notre
temps, Bonneton, Paris, 1999, p. 189-193.
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Le genre policier à énigme illustré
par la fiction sérielle The Mentalist
Plan du contenu
Sur le plan du contenu, l`utilisation de la police Helvetica
concède une sorte de valorisation au message. En effet,
l`identité visuelle de la série télévisée
reflète une forme d`avancée et de modernisme dans l`illusion
référentielle73. Le mentalisme est un terme nouveau
à l`époque de la diffusion de la série, une
capacité inconnue et impressionnante qui est mise en lumière par
la fiction.
La forme rectangulaire tend à promouvoir la
capacité de mentalisme de Patrick Jane. Cette mise en forme
d`encadrement du terme « mentalist » est semblable à un
tampon, « approuvé », ici, on vient confirmer les
qualités professionnelles de Patrick Jane, et par conséquent
l`efficacité de la fiction. En effet, la symbolique de la forme
rectangulaire s`apparente à la construction humaine et évoque une
réflexion cartésienne. Cette mention encadrée
possède une fonction référentielle qui d`après
Jakobson, permet de centrer le message sur le contexte « ce qu'on appelle
aussi, dans une terminologie quelque peu ambiguë, le
référent »74. La fonction
référentielle, contrairement à toutes les autres, «
ne fait pas l'objet d'une présentation détaillée et semble
aller de soi »75.
Niveau fonctionnel
La stratégie illustrée par cette typographie est
de mettre en avant le détective et ses capacités propres. En
effet, The mentalist tient du registre de la fiction à
enquête, du récit à énigme. Cette typologie du genre
policier implique deux versions de l`histoire, l`une racontant le crime et ce
qui y a conduit et l`autre illustrant la reconstitution et le cheminement de
l`enquête ; comme dans d`autres séries policières telles
que Elementary76 ou encore Lie to me77
qui centre la narration sur les capacités et le caractère du
détective. La typographie de The mentalist relève de
l`enjeu pragmatique puisque l`on souhaite tout d`abord justifier, voire
même approuver les qualités professionnelles du protagoniste
Patrick Jane. Affirmer l`efficacité de celui-ci revient à
affirmer la réussite de l`intrigue et par conséquent de la
fiction. D`autre part, nous pouvons déceler un enjeu pratique rempli par
la police utilisée qui permet une visibilité optimale grâce
à des formes de caractères mises au service du texte.
73 J. COURTES, Analyse sémiotique du discours de
l'énoncé à l'énonciation, Paris, Hachette,
1991, p. 40-43.
74 R. JAKOBSON, Le modèle des fonctions du langage de
Jakobson, Paris, Éditions de Minuit, 1963, p. 213.
75 Ibidem p 214.
76 Série télévisée qui revisite
l`histoire du grand détective Sherlock Holmes.
77 Série télévisée qui vante les
capacités d`un certain Cal Lightman, psychologue expert en
détection de mensonges par l'analyse de « micro-expressions
».
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