II. OBJECTIFS DE LA RECHERCHE
L'objectif principal de ce mémoire est de
contribuer à la bonne compréhension de la durabilité des
espaces et activités agricoles et donc d'aider à la
décision pour privilégier des modèles de
développement durable. En effet, sans omettre l'importance
économique et les enjeux qui pèsent sur l'agriculture, le
développement durable est devenu depuis sa consécration et sa
mondialisation par le Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992 un
nouveau référentiel pour l'action collective. N'étant plus
possible d'ignorer les villes pour le développement durable ou d'ignorer
les questions de Rio pour les villes, les choix politiques devraient se baser
sur des expertises scientifiques objectives afin que décideurs et
agriculteurs envisagent des projets de développement agriurbains
réellement durables.
III. HYPOTHESES
Ce mémoire teste l'hypothèse selon
laquelle le maintien de l'agriculture urbaine et périurbaine
dépend de sa multifonctionnalité et par l'appropriation de cette
multifonctionnalité par les acteurs locaux. Au-delà des outils
classiques de prise en compte et de protection des espaces et activités
agricoles, le meilleur moyen de protéger les espaces agricoles est de
maintenir la rentabilité de l'agriculture.
Une deuxième hypothèse serait que la
durabilité de l'agriculture urbaine n'est pas qu'une question de
technique. Elle nécessite un intérêt fort des principaux
acteurs. Les choix politiques et les conflits d'intérêt sont les
principaux points de levier pour le changement.
IV. CADRE METHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE
En sus de la recherche documentaire, nous
avons principalement eu à faire recours à l'entretien
semi-directif, à l'analyse des jeux d'acteurs par la matrice
intérêt-pouvoir, adaptée de Mendelow et à l'analyse
de contenus.
IV.1. L'entretien semi-directif
Après avoir constaté que les questions
agricoles autour du master plan n'étaient portées que
par les services agricoles de la ville de Kigali et ses districts ainsi que le
projet PAPUK, nous avons opté pour un entretien semi-directif avec ces
services.
7
IV.2.Analyse des jeux d'acteurs
L'acteur est un groupe d'individus organisés,
voire un groupe d'organisations, poursuivant un certain nombre de projets en
commun et disposant de capacités de réactions communes (Roubelat
[1993b, p. 272] cité par MOATI, 2003, p. 12). Une question
préalable d'importance capitale est de définir qui sont les
acteurs qu'il convient de prendre en compte. Godet ([2001c, p. 181cité
par MOATI, 2003, p.12]) considère qu'il convient de prendre en compte,
les acteurs qui « de près ou de loin commandent les variables
clés identifiées.
Comprendre les relations d'interdépendance
entre les différents groupes d'acteurs, voir en quoi leurs actions,
choix ou décisions peuvent avoir une influence sur la trajectoire de
développement de l'agriculture urbaine, projeter des positionnements
futurs possibles ou probables afin d'intégrer au mieux la dynamique
inhérente à ces processus de jeux d'acteurs, nécessite en
premier lieu l'identification des acteurs, et leur classification en fonction
de critères pertinents.
Il s'agit donc d'identifier et de recenser les acteurs
qui déterminent, influencent ou subissent les choix de
l'implémentation future de l'agriculture urbaine. En effet, un ensemble
de groupes de composition plus ou moins homogène vont intervenir pour
donner forme à sa trajectoire de développement. Un certain nombre
de ces groupes sont visibles, déjà activement impliqués
dans la détermination de la forme de cette trajectoire - alors que
d'autres ne disposent pas encore de point d'entrée concernant la
problématique de développement de cette filière. Or, tous
ces groupes vont, in fine, exercer une influence à travers leur
positionnement et leurs actions, conditionnées par leur liberté,
leur pouvoir, leurs positions respectives, ainsi que leurs interactions avec
les autres acteurs.
En s'appuyant sur les groupes d'acteurs qui ont pu
être identifiés - qu'ils soient présents et actifs, qu'ils
restent passifs, ou qu'ils puissent être qualifiés d'«
acteurs cachés » - une deuxième étape consiste
à mettre à jour les différents systèmes de valeur
en présence, ainsi que les représentations que les acteurs ont
construit de la problématique. Les relations que les acteurs
entretiennent les uns avec les autres, des affrontements ou des alliances
potentiels, seront déterminés entre autres par la concordance ou
la divergence des systèmes de valeurs sous-jacents, ainsi que des
relations de confiance ou de discorde existants.
Afin de mener à bien l'analyse des jeux
d'acteurs, différents méthodes et outils sont disponibles mais
leurs objectifs et leur portée diffèrent. Ainsi avons-nous
choisi, dans le cas
8
présent de l'analyse des jeux d'acteurs
relatifs à la trajectoire de développement futur de l'agriculture
urbaine, de ne retenir qu'une seule méthode d'analyse: la matrice
intérêt-pouvoir, adaptée de Mendelow.
Une analyse des situations de pouvoir et des jeux
entre acteurs aujourd'hui permet de déterminer la forme et le fond des
actions liées à la mise en oeuvre d'une gouvernance inclusive. Il
est possible d'utiliser ces espaces pour analyser la situation et le
positionnement des groupes d'acteurs de l'agriculture urbaine à Kigali
et analyser leurs comportements à l'aide des classes de décision
à l'horizon où la population atteindra un niveau insoutenable et
où les impacts de l'urbanisation sur l'environnement commenceront
à se poser avec acuité.
IV.2.1. La matrice intérêt-pouvoir,
adaptée de Mendelow
Initialement, Mendelow [in Gilomini, 2007 cité
par PFEIFLE, 2008] présente une matrice destinée aux entreprises
pour analyser le traitement qu'il convient d'accorder aux diverses parties
prenantes afin de tenir compte des divers jeux de pouvoir entre acteurs, de
déterminer les acteurs clés et de satisfaire l'ensemble des
parties prenantes autant que possible afin d'améliorer la situation de
l'entreprise agissante elle-même. Il est possible
d'adapter cette analyse organisationnelle au niveau sociétal. En effet,
en identifiant les divers groupes d'acteurs, il devient possible de les placer
dans la matrice proposée en fonction de l'intérêt que
portent ces parties prenantes à une décision, et en fonction de
leur pouvoir d'influence sur la décision.
Mendelow distingue alors quatre types d'acteurs dont
chacun mérite un traitement propre (Pfeifle, 2008, p.25):
- Les acteurs dont l'intérêt pour le
problème traité est faible et qui n'ont pas de pouvoir
d'influence sur les choix ne font, a priori, l'objet d'aucun effort (de
communication, d'implication) de la part des acteurs souhaitant exercer une
influence sur la direction et la forme que peut prendre, par exemple, la
trajectoire de développement d'une filière technologique. En
effet, les ressources disponibles (financières, humaines, en temps...)
étant rares par nature, le nécessaire arbitrage quant à
leur utilisation se fera en fonction du résultat escompté par
rapport à l'objectif poursuivi.
- Les acteurs dont l'intérêt est
élevé (parce qu'ils sont directement concernés, par
exemple) mais le pouvoir d'influence faible peuvent être satisfaits en
les gardant informés des avancements effectués ou
prévus.
9
- Les acteurs disposant a priori d'un niveau
d'influence élevé, mais d'un intérêt (encore) faible
pour le problème sont à surveiller étroitement : les
garder satisfaits permet à ceux souhaitant piloter le problème de
« gérer » au mieux la contrainte potentielle que pourrait
devenir une opposition de la part de ce groupe d'acteurs. Si
l'intérêt de ce groupe augmente, alors ils sont à compter
parmi
- les acteurs clés : ceux qui non seulement
disposent d'un pouvoir d'influence théorique, mais qui l'exercent
également pour atteindre leurs objectifs propres. Ce dernier groupe
d'acteurs est celui qui façonnera in fine non seulement le
problème, mais aussi la solution qui peut y être apportée,
ainsi que le mode de prise de décision ou le mode de mise en oeuvre de
la solution.
Tableau 1 : la matrice intérêt-pouvoir,
adaptée de Mendelow
Intérêt pour la décision
|
Pouvoir
d'influence sur le choix
|
|
Faible
|
Élevé
|
Faible
|
Effort minimal
|
À garder informés
|
Élevé
|
À garder satisfaits
|
Acteurs clés
|
Source : Pfeifle, 2008
La position de chaque acteur dans la matrice permet
également de faire des projections sur les comportements futurs des
acteurs, que ce soit pour soutenir ou alors pour rendre plus difficile le
développement de l'agriculture urbaine.
Dans un deuxième temps, il devient possible de
représenter les relations entre certains acteurs à
l'intérieur de la matrice : ainsi, un lien de coalition ou d'opposition
peut être représenté, tout comme des relations
conflictuelles ou généralement coopératives entre
acteurs.
Le futur, ou plutôt les futurs possibles,
peuvent être approchés ou faire l'objet de projections, en partant
de la situation observée, en extrapolant et interprétant les
signaux (parfois faibles) émis : il n'y a pourtant pas de relation
déterministe entre l'image obtenue ici et la réalisation de la
situation future.
|