Ière partie : CADRE CONCEPTUEL ET METHODOLOGIQUE
DE LA RECHERCHE
I. LA PROBLEMATIQUE
En analysant les données sur la population de
la ville de Kigali et sa projection, la ville aurait une capacité
d'accueil maximale d'un peu plus de trois millions d'habitants. Cette
capacité maximale serait atteinte, selon les projections, aux environs
de 2030 (hypothèse standard) ou en 2020 selon les projections hautes (2
993 100 habitants).
Les contraintes physiques limitent en théorie
les superficies constructibles pour le futur ; en retenant seulement les
superficies situées sur des pentes fortes (supérieures à
20 %) ou recouvrant des marais, 50 % du territoire de la ville n'est pas
constructible2. Ces espaces pourraient donc abriter l'agriculture
urbaine sous toutes ses formes.
Cependant, au vu de l'augmentation de la population
durant les prochaines années, il semble inévitable qu'il y aura
un empiètement de l'urbanisation sur des terres utilisées pour
l'agriculture. Sans orientation et sans volonté de la part de la ville
pour préserver une agriculture urbaine et périurbaine,
l'agriculture disparaîtra petit à petit. Le grignotage des terres
par l'installation de nouvelles parcelles d'habitation réduira
fortement, dans un futur proche, la possibilité de cultiver.
Ce qui est en jeu ici, ce sont les espaces et les
terres agricoles qui sont des supports des activités agricoles et de
l'agriculture urbaine en général. En effet, alors qu'à la
campagne on évolue vers la microparcellisation3, la ville
grignote les espaces et les terres agricoles qui l'entourent. Les espaces
agricoles ne devant pas être considérés uniquement comme de
possibles espaces à urbaniser, la société, dans son
ensemble, a donc intérêt à rechercher un équilibre
entre l'agriculture et l'urbain. Aussi est-il que selon Serge Bonnefoy
cité par Grumbach & Associés, 2008, p.23) « Il est
difficile de protéger les espaces agricoles pour eux-mêmes sans
trouver un sens social à l'agriculture et sans la rapprocher de la ville
et des
2 Les pentes supérieures à 20% occupent
35% du territoire urbain soit 25 785 hectares tandis que les zones humides
n'occupent que 14% soit 10109 ha. Il ne reste alors que 37 000 ha qui peuvent
être développés (Kigali conceptual master plan, 2007,
p.34).
3 La terre est, à
chaque génération, divisée entre tous les fils et filles
d'un même père. Ainsi, selon le National Institute of Statistics
of Rwanda, la terre cultivable disponible par exploitation familiale agricole
est passée de 1 ha en 1983 à 0,72 ha en 2006. Cependant, la
nouvelle loi foncière de 2005 interdit de diviser des
propriétés d'une superficie égale ou inférieure
à 1 ha . L'exploitation regroupée (consolidation des terres) est
plutôt encouragée.
5
citadins!» car « aucun outil ne se suffit
à lui seul, il faut à la fois du réglementaire, du projet
et du développement économique et des outils fiscaux
».
Si à Kigali, les premiers pas ont
été posés en reconnaissant l'agriculture urbaine et ses
espaces dans le nouveau master plan de la ville et en élaborant un
projet d'agriculture urbaine et périurbaine ainsi qu'un plan
stratégique d'appui à cette agriculture, force est de constater
que ces initiatives représentent certes un encadrement important mais
pas suffisant pour maintenir durablement une agriculture urbaine et
périurbaine.
Le cheminement d'un territoire est le produit de
forces internes et externes, y compris les politiques qui articulent son
évolution (Calthorpe, 2006, Claval, 2006, cités par Ghalia et
al.) et le type d'agriculture retrouvé sur un territoire est la
réponse du milieu agricole aux besoins et aux attentes de la
société d'une part et à leurs propres besoins et choix
d'orientation d'autre part (Bryant, 1984 cité par Ghalia et
al.).
Dès lors, la prise en compte des enjeux et des
différentes fonctions de l'agriculture ainsi que l'importance à
lui accorder vont dépendre des jeux d'acteurs locaux qui vont porter ces
enjeux dans le débat selon différents registres (Jarrige et al.
2006).
Nous nous interrogeons alors sur les dispositifs mis
en oeuvre pour lever un certain nombre de contraintes liées au devenir
de l'agriculture urbaine à Kigali. Les questions se déclinent
ainsi :
1. Quelle place l'agriculture est-elle appelée
à jouer et qui justifierait les choix d'aménagement ?
2. Comment les espaces et les activités
agricoles sont-ils pris en compte et protégés dans la mise en
oeuvre du master plan de la ville de Kigali?
3. Cette prise en compte de l'agriculture dans les
dispositifs d'aménagement favorise ou préserve-t-elle des espaces
où l'agriculture de grands espaces peut permettre aux fonctions de
production de l'agriculture de contribuer à l'expression de facteurs
identitaires lisibles ? Permet-elle l'émergence d'agricultures : de
reliance dans les espaces dits intermédiaires où se jouent
une mixité entre urbain et rural et celles des espaces confinés
dans les espaces urbains denses ?
4. Comment se dessinent et s'organisent les jeux
d'acteurs gravitant autour de l'agriculture urbaine et ses espaces
?
6
|