b) Accentuation de la concurrence
Le recours au marketing culturel se justifie aussi par une
autre donnée macro-environnementale : l'hyper-concurrence.
L'intensité concurrentielle est liée à la surabondance de
l'offre de loisirs, et de l'offre culturelle en particulier. La concurrence
accrue suppose pour les institutions de redoubler d'efforts pour attirer des
publics de plus en plus sollicités mais aussi pour capter les ressources
financières limitées des acteurs publics et privés.
Les consommateurs ont certes plus de temps et d'argent
à allouer aux loisirs mais dans le même temps, la bataille fait
rage au sein de l'économie de la culture pour capter ces deux ressources
(Marteaux, Mencarelli, & Séverine, 2005). Le profil des
consommateurs culturels contemporains est beaucoup moins monolithique que par
le passé. On parle aujourd'hui de « profils culturels
dissonants » (Bourgeon-Renault, 2010) c'est-à-dire que la
consommation des biens et services culturels se caractérise par un grand
éclectisme. Les musées ne sont donc pas seulement
confrontés à la concurrence directe des autres musées, qui
sont légion dans les grandes villes, mais doivent également
rivaliser avec la surabondance de l'offre culturelle entendue au sens large,
qu'il s'agisse de pratiques relevant de la « haute culture »
(littérature, théâtre, récitals, etc.) ou de celles
relevant davantage du « divertissement » (musique,
séries, cinéma, etc.) (Bourgeon-Renault, 2010).
Les arbitrages du consommateur dépendent aussi de la
diversification des moyens d'accès à la culture. Les outils
numériques rajoutent ainsi une nouvelle strate potentielle de
concurrence, ou du moins viennent redéfinir les arbitrages de
consommation. Si le consommateur vient à préférer
l'immédiateté d'une visite virtuelle de musée au
déplacement dans le lieu physique par exemple. Le consommateur culturel
contemporain se caractérise ainsi par son éclectisme et sa
volatilité, d'où l'intérêt d'employer les outils
marketing appropriés pour se démarquer dans un contexte de
surabondance de l'offre et d'occuper une place de choix dans l'esprit du «
nouveau consommateur culturel » (Bourgeon-Renault, 2010).
Pour ce faire, les musées peuvent jouer sur
différentes variables de leur marketing-mix pour se différencier
: la tarification (price), l'amélioration de
l'expérience de visite (product), l'aménagement des
espaces (place) et bien sûr la communication sur les collections
permanentes et/ou temporaires du musée (promotion). C'est la
définition même du marketing culturel : « L'art
d'atteindre les segments de marché susceptibles de s'intéresser
au produit, en ajustant à celui-ci les variables de la composition
commerciale (...) afin de mettre le produit en contact avec un nombre suffisant
de consommateurs et d'atteindre les objectifs conforme à la mission de
l'entreprise » ou du musée dans le cas présent
(Colbert, 2014). Encore faut-il que les musées acceptent de mettre en
place de telles initiatives orientées vers les publics, autrement dit
d'entrer pleinement dans le jeu du marketing, au risque de pervertir leur image
de « temples de la culture », a priori
déconnectés des problématiques économiques si
l'on se réfère à la définition de l'ICOM (Moukarzel
& Joseph, 2011). Cette dualité entre l'utilité
avérée des outils marketing et la connotation négative
associée à cette discipline dans le monde des musées
était perceptible au cours de l'entretien avec la Community manager du
Muséum national d'Histoire naturelle au moment de clarifier les
différences entre la gestion des réseaux
10
sociaux d'un musée et celle d'une organisation
privée : « nous avons une volonté de diffuser de la
connaissance donc nous postons des contenus sans valeur marketing, on ne
cherche pas à vendre quelques chose derrière, on cherche à
apporter de la connaissance. Et une autre différence qui en
découle c'est qu'on n'a pas un positionnement très marketing
» (Eva Venancio, 2016). Le marketing est récusé mais un
terme issu du jargon marketing est pourtant employé («
positionnement ») laissant penser que les pratiques marketing, ou
du moins le vocabulaire qui leur est associé, se sont bien
immiscées dans la gestion du musée.
|