Les réseaux sociaux. Un outil de (re)positionnement pour les musées?( Télécharger le fichier original )par Bénédicte Fantin Neoma Business School - Master Grande Ecole 2016 |
IntroductionSur la page Facebook du Ministère de la Culture et de la Communication le 17 novembre 2015, on pouvait lire : « Trois jours après les attentats qui ont ensanglanté Paris, le Musée du Louvre a rouvert ses portes, lundi 16 novembre, en présence de Fleur Pellerin. Bravant le risque et la peur, les visiteurs affluent déjà dans le musée le plus fréquenté du monde pour "ne pas donner raison aux terroristes". » Ce post, publié dans un contexte exceptionnel, illustre la résilience du modèle culturel français. Le choix du Louvre comme archétype du lieu culturel parisien reflète la place centrale des musées dans les pratiques culturelles et l'imaginaire collectif des Français, et des touristes en visite dans notre pays. Si l'on s'en tient à la définition fournie par le Conseil international des musées (ICOM) lors de sa 21e Conférence générale, à Vienne en 2007 : « Un musée est une institution permanente sans but lucratif au service de la société et de son développement ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine matériel et immatériel de l'humanité et de son environnement à des fins d'études, d'éducation et de délectation. » Cette définition met en avant les différentes missions de médiation du musée. Le musée est une interface entre le passé et le présent (« transmet le patrimoine matériel et immatériel »), entre le travail des conservateurs et le grand public, et ce dans un but scientifique, didactique (« à des fins d'études, d'éducation ») mais aussi esthétique (« délectation »). Pour continuer à mener à bien cette fonction de relais culturel, pour rester en lien avec leurs publics, les musées s'adaptent avec plus ou moins de réactivité et de succès aux évolutions politiques, socio-économiques et technologiques du XXIème siècle. Ces évolutions affectent la société dans son ensemble et doivent donc être prises en compte par les musées puisque ces derniers sont « au service de la société » selon l'ICOM. L'émergence du marketing des musées et des outils numériques sont le fruit de ces bouleversements environnementaux. Savoir composer avec ces nouveaux outils est un facteur clé du succès pour les musées dans un secteur soumis à des pressions croissantes. Les objectifs d'amplification et de diversification des publics émanent autant des impératifs de la politique culturelle actuelle que des pressions économiques qui pèsent de plus en plus sur les musées et qui les poussent à accroître la fréquentation du lieu. La mission de service public inhérente au musée doit aujourd'hui cohabiter avec la logique du marché, le temps long de la conservation du patrimoine avec la recherche court-termiste de la diversification des revenus. La tendance à la mutualisation des ressources est une des conséquences des modifications structurelles du secteur. C'est ce qu'on a pu voir avec la Réunion des musées nationaux qui s'est unie avec le Grand Palais, en 2011, ou avec la création de l'entité Paris Musées, en 2013. Les musées s'allient pour émerger au sein d'un environnement de plus en plus concurrentiel. 6 Dans ce contexte mouvant, et en réponse aux exigences de démocratisation culturelle, la « conversion numérique » constitue à la fois l'outil et l'illustration de cette volonté de maintenir et renouveler le lien avec les publics. Pour Milad Doueihi, le terme de « numérique » désigne le versant social de l'informatique (Doueihi, Milad, 2015). Cette définition met en avant l'un des ingrédients essentiels du numérique : l'interactivité. Appliqué aux musées, le numérique renvoie à tout un éventail de nouveaux outils à disposition des institutions pour mener à bien leurs missions pédagogiques et ludiques dans une logique de participation des publics. Les outils numériques peuvent avoir une fonction avant, pendant et après la visite du musée: les bornes interactives, audioguides, écrans tactiles in situ, mais aussi les ressources consultables à distance comme les sites internet, les visites virtuelles éventuellement proposées, ou encore les profils des musées sur les réseaux sociaux (Lebrun, 2012). Du chemin a été parcouru depuis la première borne interactive placée à la Cité des Sciences et de l'Industrie en 1986 (Pesquer Omer, 2015). Aujourd'hui, les dispositifs dématérialisés tels que les MOOC (acronyme de Massive Open Online Course) et autres applications mobiles sont légion et viennent enrichir l'expérience des visiteurs, voire la dénaturer selon quelques témoignages discordants (Courvoisier & Jaquet, 2010). Le numérique a également une portée stratégique pour les musées en termes d'image. Pour occuper une place dans l'imagerie culturelle contemporaine au même titre que les institutions culturelles non muséales voire pour s'aligner sur les stratégies marketing des marques de la grande consommation, de nombreux musées se sont engouffrés dans la brèche de la communication digitale et ont plus particulièrement investi les réseaux sociaux. Le canal employé par le Ministère de la Culture et de la Communication pour annoncer la réouverture du Louvre après les attentats de novembre atteste de la place désormais omniprésente des réseaux sociaux dans les stratégies de médiation culturelle. Ces nouvelles pratiques ont un impact certain sur l'image des musées et constituent un levier marketing qui gagnerait à être davantage exploité. En marketing traditionnel, l'image qu'occupe une marque dans l'esprit des consommateurs se définit comme son positionnement. « Positionner et différencier son offre consiste à faire en sorte qu'un produit soit associé à une idée précise et valorisante dans l'esprit des clients ciblés » (Kotler, Keller, & Manceau, 2012). Mais comment transposer ce concept au secteur culturel et plus particulièrement au monde des musées ? Quelles sont les spécificités stratégiques et la pertinence d'un positionnement dans le secteur muséal ? Les grands musées sont de moins en moins réticents à gérer leur identité comme celle d'une marque. A titre d'exemple, en 2013, le musée du Louvre publiait un appel d'offre sur www.achatpublic.com pour être accompagné dans la mise en place d'une nouvelle stratégie de valorisation de sa « marque ». Le musée se définissait donc publiquement comme étant une marque dont le territoire serait « l'esthétisme, le raffinement, l'humanisme ». Si l'on applique cette même logique de marque au monde muséal, la tendance au regroupement des musées sous un nom fédérateur, mentionnée plus haut, peut-elle être comparable au concept de « marque-ombrelle » ? Comment cohabitent alors les différentes identités des musées rassemblés et comment ces identités s'articulent-elles avec celle du « musée-ombrelle » ? Les regroupements muséaux permettent de 7 mutualiser les ressources économiques et humaines sous une même structure engendrant une réduction des coûts et une efficience accrue. C'est ce qu'on appelle un effet de synergie, c'est-à-dire que « l'effet global de plusieurs éléments combinés est supérieur à la somme des effets de ces éléments pris individuellement » (Colbert, 2014). Mais cet effet de synergie est-il transposable aux ressources immatérielles des musées, notamment en termes de capital marque, de notoriété et d'image ? Autrement dit, dans le cas d'un regroupement de musées, assiste-ton au renforcement ou à la dilution des identités des musées réunis ? Comment l'image voulue et définie au niveau stratégique par un regroupement de musées se décline-t-elle de manière opérationnelle sur les réseaux sociaux ? Doit-on parler d'un repositonnement des musées sur les réseaux sociaux ou d'un simple prolongement du positionnement initial sur ces nouveaux canaux ? En les inscrivant dans le flux des fils d'actualité, la présence des musées sur les réseaux sociaux présente-t-elle un risque de désacralisation de ces temples de la culture? Les réseaux sociaux ne pourraient-ils pas plutôt signer la fin de la violence symbolique exercée, selon Bourdieu, par ce type d'institutions emblématiques de la culture élitiste en jouant la carte de la proximité avec les publics ? Bref, les réseaux sociaux peuvent-ils être considérés comme un outil de (re)positionnement pertinent pour les musées ? Nous aborderons dans la revue de littérature la notion stratégique de positionnement, l'adaptation de ce concept au champ muséal et les freins ou avantages des musées à décliner leur stratégie de positionnement sur les réseaux sociaux. Nous verrons ensuite une mise en pratique de stratégie de positionnement avec l'exemple du Muséum national d'Histoire naturelle : comment promouvoir, sur les réseaux sociaux, l'image de douze lieux patrimoniaux aux identités bien distinctes, et ce, sans créer la confusion dans l'esprit des internautes ? La dernière partie sera consacrée aux conclusions qui auront émergé de l'étude de cas, afin de proposer des voies d'optimisation dans l'utilisation des réseaux sociaux comme levier de valorisation de l'image des musées. 8 |
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