Mémoire non confidentiel
Les nouvelles tendances du marketing culturel
dans
les musées : Les réseaux sociaux sont-ils
un outil de
(re)positionnement pour les musées ?
Entrée de la Grande Galerie de l'Evolution -
Muséum national d'Histoire naturelle
NEOMA Business School - Mémoire de fin
d'études - Majeure Marketing Bénédicte Fantin -
Encadrante de mémoire: Gwenaëlle de Kerret
1
Remerciements
Je tiens à remercier en premier lieu mon encadrante de
mémoire, Madame Gwenaëlle de Kerret, pour sa grande
disponibilité, ses conseils de valeur et ses encouragements lors de
cette dernière étape de mes études secondaires.
Mes remerciements vont également à Madame
Joëlle Lagier, dont j'ai eu la chance de suivre les cours de marketing
culturel en deuxième année d'école, et qui a eu la
gentillesse de répondre à mes questions sur le marketing des
musées. Merci à Monsieur Nicolas Jung, qui m'a donné de
précieuses indications quant à l'approche sémiologique
à adopter pour mon étude de cas.
Un grand merci à Eva Venancio, Webmaster
éditorial et Community manager au Muséum national d'Histoire
naturelle, qui a pris le temps de répondre à mes questions de
manière exhaustive et m'a ainsi offert un précieux
matériel d'analyse.
Merci enfin à mes proches qui m'ont entourée
lors de la rédaction de ce mémoire, et plus
particulièrement à mes parents, pour leur relecture attentive.
2
Executive summary
Pour émerger dans un environnement hyperconcurrentiel
et pour attirer des publics de plus en plus convoités par l'industrie
des loisirs, les musées ont tout intérêt à
travailler leur image pour que leur offre culturelle occupe une place à
part entière dans l'imaginaire collectif. La gestion de l'image des
musées s'apparente ainsi de plus en plus à de la gestion de
marque. Ce mémoire tend à montrer l'intérêt et les
spécificités de la notion de « positionnement de l'offre
», issue du marketing, dans son application au champ muséal. Ce
travail sur l'image d'un musée est d'autant plus indispensable que les
musées contemporains voient leur identité se complexifier : la
mutualisation des ressources et les restructurations diverses et variées
risquent de brouiller les identités de ces institutions culturelles. Les
canaux de communication sont un facteur-clé du succès dans ce
travail de clarification de l'offre muséale. Les réseaux sociaux,
notamment, constituent un nouveau vecteur incontournable du positionnement des
musées. Il s'agit d'un média récent, avec des codes
novateurs, parmi lesquels l'interactivité et le dialogue, qui permet
d'atteindre un large public, d'où sa pertinence dans le cadre d'une
politique de diversification des profils des visiteurs. Cependant, la
nouveauté concerne principalement le canal de communication, sa cible,
et la forme que prend le message institutionnel mais non le contenu du message
en lui-même. Le positionnement d'un musée est une donnée
stratégique, qui s'inscrit sur le long terme, et se décline,
à court et moyen terme, sur l'ensemble des canaux de communication
investis par le musée. Tout l'enjeu pour un musée est donc
d'arriver à injecter les grandes composantes de son positionnement sur
chacun de ses canaux de communication, et conformément aux codes formels
de chaque canal. Les réseaux sociaux et leurs fonctionnalités
interactives et globales offrent en cela une nouvelle façon de
communiquer voire de prolonger la mission de médiation des musées
et présentent un intérêt particulier pour les musés
pluri-sites. Le Muséum national d'Histoire naturelle dont les douze
sites dispersés en France font l'objet d'un travail de repositionnement
sur les réseaux sociaux est une bonne illustration des
opportunités offertes par ce nouvel outil de
communication/médiation. L'analyse se concentre sur un réseau
social spécifique, la page Facebook du Muséum, afin d'identifier
si les opportunités de travail sur l'image de réseau offertes par
la plateforme sont effectivement mises à profit pour asseoir le
positionnement pluri-sites de l'institution.
3
Sommaire
Introduction 5
I) Revue de littérature : le positionnement des
musées à l'épreuve de la conversion
numérique 8
1) Enjeux du marketing culturel pour les musées :
Focus sur le positionnement
stratégique 8
A) Les outils marketing au service de l'évolution du
secteur muséal 8
B) Focus sur un levier particulier du marketing culturel : le
positionnement 10
C) Les spécificités stratégiques du
positionnement d'un musée 12
Conclusion 1) Le capital immatériel ne deviendrait-il pas
un critère plus pertinent que la
traditionnelle fréquentation pour évaluer la
performance des musées ? 14
2) La marque muséale : quels enjeux pour le
positionnement stratégique des
musées ? 15
A) Cadre juridique et tendances du secteur : Pourquoi parler de
marque muséale ? 15
B) Les piliers de la stratégie de marque muséale
16
C) Le cas des regroupements de musées : quelles
implications en termes de
positionnement de marque? 18
Conclusion 2) La communication comme facteur clé du
succès pour véhiculer un
positionnement muséal qui se complexifie 20
3) Positionnement et réseaux sociaux
21
A) L'entrée des musées dans l'ère de la
communication numérique : des réticences
à la prise de conscience 21
B) Les risques pour l'image institutionnelle 22
C) Une opportunité de réaffirmer son rôle de
médiateur 22
D) Un enjeu stratégique évident 23
E) Réseaux sociaux et mise en réseau de
musées 25
Conclusion 3) Les réseaux sociaux : De nouveaux outils de
médiation 27
II) Etude de cas : Le rôle des réseaux
sociaux dans la stratégie de positionnement du
Muséum national d'Histoire naturelle
29
1) Présentation du MNHN 29
A) Historique et missions 29
B) Stratégie(s) de positionnement du MNHN 31
2) La présence du MNHN sur les réseaux
sociaux : La déclinaison opérationnelle
de la stratégie de positionnement du MNHN
34
A) La présence numérique du MNHN 34
B) Méthodologie de l'étude sémiologique
35
C) Analyse du paratexte 37
4
3)
|
|
Les quatre séquences d'analyse
|
43
|
|
A)
|
1ère séquence d'analyse :
juillet-août 2010
|
43
|
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B)
|
2ème séquence d'analyse : septembre
2012
|
46
|
|
C)
|
3ème séquence d'analyse : mars 2014
|
48
|
|
D)
|
4ème séquence d'analyse : février
2016
|
50
|
|
III)
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|
Conclusions et recommandations
|
52
|
|
A)
|
Bilan de la déclinaison du positionnement
stratégique sur Facebook
|
52
|
|
B)
|
Les bonnes pratiques du MNHN sur Facebook
|
54
|
|
C)
|
Les pistes d'optimisation des fonctionnalités des
réseaux sociaux pour le MNHN
|
|
56
IV) Limites de la présente recherche et
possibilités d'élargissement du sujet 59
Bibliographie 60
Annexes 68
Annexe 1 - Cartes des différents sites rattachés
au Muséum national d'Histoire naturelle
68
Annexe 2 - Organigramme du Muséum national d'Histoire
naturelle 69
5
Introduction
Sur la page Facebook du Ministère de la Culture et de
la Communication le 17 novembre 2015, on pouvait lire : « Trois jours
après les attentats qui ont ensanglanté Paris, le Musée du
Louvre a rouvert ses portes, lundi 16 novembre, en présence de Fleur
Pellerin. Bravant le risque et la peur, les visiteurs affluent
déjà dans le musée le plus fréquenté du
monde pour "ne pas donner raison aux terroristes". »
Ce post, publié dans un contexte exceptionnel, illustre
la résilience du modèle culturel français. Le choix du
Louvre comme archétype du lieu culturel parisien reflète la place
centrale des musées dans les pratiques culturelles et l'imaginaire
collectif des Français, et des touristes en visite dans notre pays. Si
l'on s'en tient à la définition fournie par le Conseil
international des musées (ICOM) lors de sa 21e Conférence
générale, à Vienne en 2007 : « Un musée
est une institution permanente sans but lucratif au service de la
société et de son développement ouverte au public, qui
acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine
matériel et immatériel de l'humanité et de son
environnement à des fins d'études, d'éducation et de
délectation. »
Cette définition met en avant les différentes
missions de médiation du musée. Le musée est une interface
entre le passé et le présent (« transmet le patrimoine
matériel et immatériel »), entre le travail des
conservateurs et le grand public, et ce dans un but scientifique, didactique
(« à des fins d'études, d'éducation »)
mais aussi esthétique (« délectation »).
Pour continuer à mener à bien cette fonction de
relais culturel, pour rester en lien avec leurs publics, les musées
s'adaptent avec plus ou moins de réactivité et de succès
aux évolutions politiques, socio-économiques et technologiques du
XXIème siècle. Ces évolutions affectent la
société dans son ensemble et doivent donc être prises en
compte par les musées puisque ces derniers sont « au service de
la société » selon l'ICOM. L'émergence du
marketing des musées et des outils numériques sont le fruit de
ces bouleversements environnementaux. Savoir composer avec ces nouveaux outils
est un facteur clé du succès pour les musées dans un
secteur soumis à des pressions croissantes. Les objectifs
d'amplification et de diversification des publics émanent autant des
impératifs de la politique culturelle actuelle que des pressions
économiques qui pèsent de plus en plus sur les musées et
qui les poussent à accroître la fréquentation du lieu. La
mission de service public inhérente au musée doit aujourd'hui
cohabiter avec la logique du marché, le temps long de la conservation du
patrimoine avec la recherche court-termiste de la diversification des revenus.
La tendance à la mutualisation des ressources est une des
conséquences des modifications structurelles du secteur. C'est ce qu'on
a pu voir avec la Réunion des musées nationaux qui s'est unie
avec le Grand Palais, en 2011, ou avec la création de l'entité
Paris Musées, en 2013. Les musées s'allient pour émerger
au sein d'un environnement de plus en plus concurrentiel.
6
Dans ce contexte mouvant, et en réponse aux exigences
de démocratisation culturelle, la « conversion numérique
» constitue à la fois l'outil et l'illustration de cette
volonté de maintenir et renouveler le lien avec les publics. Pour Milad
Doueihi, le terme de « numérique » désigne le versant
social de l'informatique (Doueihi, Milad, 2015). Cette définition met en
avant l'un des ingrédients essentiels du numérique :
l'interactivité. Appliqué aux musées, le numérique
renvoie à tout un éventail de nouveaux outils à
disposition des institutions pour mener à bien leurs missions
pédagogiques et ludiques dans une logique de participation des publics.
Les outils numériques peuvent avoir une fonction avant, pendant et
après la visite du musée: les bornes interactives, audioguides,
écrans tactiles in situ, mais aussi les ressources consultables
à distance comme les sites internet, les visites virtuelles
éventuellement proposées, ou encore les profils des musées
sur les réseaux sociaux (Lebrun, 2012). Du chemin a été
parcouru depuis la première borne interactive placée à la
Cité des Sciences et de l'Industrie en 1986 (Pesquer Omer, 2015).
Aujourd'hui, les dispositifs dématérialisés tels que les
MOOC (acronyme de Massive Open Online Course) et autres applications
mobiles sont légion et viennent enrichir l'expérience des
visiteurs, voire la dénaturer selon quelques témoignages
discordants (Courvoisier & Jaquet, 2010).
Le numérique a également une portée
stratégique pour les musées en termes d'image. Pour occuper une
place dans l'imagerie culturelle contemporaine au même titre que les
institutions culturelles non muséales voire pour s'aligner sur les
stratégies marketing des marques de la grande consommation, de nombreux
musées se sont engouffrés dans la brèche de la
communication digitale et ont plus particulièrement investi les
réseaux sociaux. Le canal employé par le Ministère de la
Culture et de la Communication pour annoncer la réouverture du Louvre
après les attentats de novembre atteste de la place désormais
omniprésente des réseaux sociaux dans les stratégies de
médiation culturelle. Ces nouvelles pratiques ont un impact certain sur
l'image des musées et constituent un levier marketing qui gagnerait
à être davantage exploité.
En marketing traditionnel, l'image qu'occupe une marque dans
l'esprit des consommateurs se définit comme son positionnement. «
Positionner et différencier son offre consiste à faire en
sorte qu'un produit soit associé à une idée précise
et valorisante dans l'esprit des clients ciblés » (Kotler,
Keller, & Manceau, 2012). Mais comment transposer ce concept au secteur
culturel et plus particulièrement au monde des musées ? Quelles
sont les spécificités stratégiques et la pertinence d'un
positionnement dans le secteur muséal ? Les grands musées sont de
moins en moins réticents à gérer leur identité
comme celle d'une marque. A titre d'exemple, en 2013, le musée du Louvre
publiait un appel d'offre sur
www.achatpublic.com pour
être accompagné dans la mise en place d'une nouvelle
stratégie de valorisation de sa « marque ». Le
musée se définissait donc publiquement comme étant une
marque dont le territoire serait « l'esthétisme, le
raffinement, l'humanisme ». Si l'on applique cette même logique
de marque au monde muséal, la tendance au regroupement des musées
sous un nom fédérateur, mentionnée plus haut, peut-elle
être comparable au concept de « marque-ombrelle » ? Comment
cohabitent alors les différentes identités des musées
rassemblés et comment ces identités s'articulent-elles avec celle
du « musée-ombrelle » ? Les regroupements muséaux
permettent de
7
mutualiser les ressources économiques et humaines sous
une même structure engendrant une réduction des coûts et une
efficience accrue. C'est ce qu'on appelle un effet de synergie,
c'est-à-dire que « l'effet global de plusieurs
éléments combinés est supérieur à la somme
des effets de ces éléments pris individuellement »
(Colbert, 2014). Mais cet effet de synergie est-il transposable aux ressources
immatérielles des musées, notamment en termes de capital marque,
de notoriété et d'image ? Autrement dit, dans le cas d'un
regroupement de musées, assiste-ton au renforcement ou à la
dilution des identités des musées réunis ?
Comment l'image voulue et définie au niveau
stratégique par un regroupement de musées se
décline-t-elle de manière opérationnelle sur les
réseaux sociaux ? Doit-on parler d'un repositonnement des musées
sur les réseaux sociaux ou d'un simple prolongement du positionnement
initial sur ces nouveaux canaux ? En les inscrivant dans le flux des fils
d'actualité, la présence des musées sur les réseaux
sociaux présente-t-elle un risque de désacralisation de ces
temples de la culture? Les réseaux sociaux ne pourraient-ils pas
plutôt signer la fin de la violence symbolique exercée, selon
Bourdieu, par ce type d'institutions emblématiques de la culture
élitiste en jouant la carte de la proximité avec les publics ?
Bref, les réseaux sociaux peuvent-ils être
considérés comme un outil de (re)positionnement pertinent pour
les musées ?
Nous aborderons dans la revue de littérature la notion
stratégique de positionnement, l'adaptation de ce concept au champ
muséal et les freins ou avantages des musées à
décliner leur stratégie de positionnement sur les réseaux
sociaux.
Nous verrons ensuite une mise en pratique de stratégie
de positionnement avec l'exemple du Muséum national d'Histoire naturelle
: comment promouvoir, sur les réseaux sociaux, l'image de douze lieux
patrimoniaux aux identités bien distinctes, et ce, sans créer la
confusion dans l'esprit des internautes ?
La dernière partie sera consacrée aux
conclusions qui auront émergé de l'étude de cas, afin de
proposer des voies d'optimisation dans l'utilisation des réseaux sociaux
comme levier de valorisation de l'image des musées.
8
I) Revue de littérature : le positionnement des
musées à l'épreuve de la conversion
numérique
1) Enjeux du marketing culturel pour les musées :
Focus sur le positionnement stratégique
A)
Les outils marketing au service de l'évolution du secteur
muséal
a) Hybridation du modèle de gestion des
musées
Le monde de la culture et celui de l'économie n'ont
plus rien d'étanche aujourd'hui. Les musées sont d'ailleurs
parfois désignés comme des entreprises culturelles (Tobelem,
1992). Pour faire face au désengagement progressif de l'Etat voire pour
financer leur agrandissement, les musées mettent en place des outils
inspirés du privé qui permettent davantage de rationalisation
dans la gestion de l'institution. Le marketing est bien sûr un de ces
outils. Il a fait son apparition dans l'organigramme des musées sous des
vocables variés (départements « Etudes des publics »,
« Communication », « Médiation », etc.) qui
rejoignent pourtant tous un même objectif : connaître les publics
pour mieux les attirer, les satisfaire, et les fidéliser.
Dans une interview de 2013 donnée à l'AFP,
Thierry Ehrmann, président-fondateur d'Artprice, résume bien
l'hybridation public-privé qu'ont connu les musées au fil du
temps : « Le musée, qui est né en Europe et
principalement en France à la fin du XVIIIe siècle, a
échappé dans un premier temps à toute logique
économique, sa mission étant centrée sur la conservation
des oeuvres sous le regard de l'institution publique (...) la véritable
révolution est venue principalement des Etats-Unis, avec notamment Peggy
Guggenheim, qui a jeté les bases de l'industrie muséale au
XXe siècle. (...) Aujourd'hui, la problématique des
musées relève du marketing. » (Delcayre, 2012)
La vision romantique des musées supposément
insensibles aux pressions politiques et économiques, n'a pas
survécu au tournant des années 1990, caractérisées
par une baisse des aides publiques accordées au secteur culturel en
France. En 2014, les crédits alloués aux 37 musées
nationaux, qui comptent pour la moitié de la fréquentation des
musées en France, connaissaient une baisse de 11% (Benhamou
Françoise, 2015). Dans son rapport d'activité de 2014, la
Réunion des musées nationaux - Grand Palais souligne le
rééquilibrage opéré entre subventions publiques et
auto-financement : « Notre établissement participe activement
à l'effort de maîtrise de la dépense publique. La
subvention qu'il reçoit de l'État a pu être ainsi
réduite de 18 % depuis le début de la décennie, conduisant
à ce qu'une partie significative des missions de service public soit
désormais financée par la rentabilité de nos
activités commerciales. » (Réunion des musées
nationaux - Grand Palais, 2014)
9
b) Accentuation de la concurrence
Le recours au marketing culturel se justifie aussi par une
autre donnée macro-environnementale : l'hyper-concurrence.
L'intensité concurrentielle est liée à la surabondance de
l'offre de loisirs, et de l'offre culturelle en particulier. La concurrence
accrue suppose pour les institutions de redoubler d'efforts pour attirer des
publics de plus en plus sollicités mais aussi pour capter les ressources
financières limitées des acteurs publics et privés.
Les consommateurs ont certes plus de temps et d'argent
à allouer aux loisirs mais dans le même temps, la bataille fait
rage au sein de l'économie de la culture pour capter ces deux ressources
(Marteaux, Mencarelli, & Séverine, 2005). Le profil des
consommateurs culturels contemporains est beaucoup moins monolithique que par
le passé. On parle aujourd'hui de « profils culturels
dissonants » (Bourgeon-Renault, 2010) c'est-à-dire que la
consommation des biens et services culturels se caractérise par un grand
éclectisme. Les musées ne sont donc pas seulement
confrontés à la concurrence directe des autres musées, qui
sont légion dans les grandes villes, mais doivent également
rivaliser avec la surabondance de l'offre culturelle entendue au sens large,
qu'il s'agisse de pratiques relevant de la « haute culture »
(littérature, théâtre, récitals, etc.) ou de celles
relevant davantage du « divertissement » (musique,
séries, cinéma, etc.) (Bourgeon-Renault, 2010).
Les arbitrages du consommateur dépendent aussi de la
diversification des moyens d'accès à la culture. Les outils
numériques rajoutent ainsi une nouvelle strate potentielle de
concurrence, ou du moins viennent redéfinir les arbitrages de
consommation. Si le consommateur vient à préférer
l'immédiateté d'une visite virtuelle de musée au
déplacement dans le lieu physique par exemple. Le consommateur culturel
contemporain se caractérise ainsi par son éclectisme et sa
volatilité, d'où l'intérêt d'employer les outils
marketing appropriés pour se démarquer dans un contexte de
surabondance de l'offre et d'occuper une place de choix dans l'esprit du «
nouveau consommateur culturel » (Bourgeon-Renault, 2010).
Pour ce faire, les musées peuvent jouer sur
différentes variables de leur marketing-mix pour se différencier
: la tarification (price), l'amélioration de
l'expérience de visite (product), l'aménagement des
espaces (place) et bien sûr la communication sur les collections
permanentes et/ou temporaires du musée (promotion). C'est la
définition même du marketing culturel : « L'art
d'atteindre les segments de marché susceptibles de s'intéresser
au produit, en ajustant à celui-ci les variables de la composition
commerciale (...) afin de mettre le produit en contact avec un nombre suffisant
de consommateurs et d'atteindre les objectifs conforme à la mission de
l'entreprise » ou du musée dans le cas présent
(Colbert, 2014). Encore faut-il que les musées acceptent de mettre en
place de telles initiatives orientées vers les publics, autrement dit
d'entrer pleinement dans le jeu du marketing, au risque de pervertir leur image
de « temples de la culture », a priori
déconnectés des problématiques économiques si
l'on se réfère à la définition de l'ICOM (Moukarzel
& Joseph, 2011). Cette dualité entre l'utilité
avérée des outils marketing et la connotation négative
associée à cette discipline dans le monde des musées
était perceptible au cours de l'entretien avec la Community manager du
Muséum national d'Histoire naturelle au moment de clarifier les
différences entre la gestion des réseaux
10
sociaux d'un musée et celle d'une organisation
privée : « nous avons une volonté de diffuser de la
connaissance donc nous postons des contenus sans valeur marketing, on ne
cherche pas à vendre quelques chose derrière, on cherche à
apporter de la connaissance. Et une autre différence qui en
découle c'est qu'on n'a pas un positionnement très marketing
» (Eva Venancio, 2016). Le marketing est récusé mais un
terme issu du jargon marketing est pourtant employé («
positionnement ») laissant penser que les pratiques marketing, ou
du moins le vocabulaire qui leur est associé, se sont bien
immiscées dans la gestion du musée.
c) Le marketing culturel : un moyen au service des
missions du musée et non une fin en soi
En effet, malgré cette nouvelle donne environnementale,
rares sont les musées à admettre faire du marketing et les rares
musées qui ne s'en cachent courent le risque d'être
stigmatisés. La Pinacothèque et son directeur anti-conformiste
Marc Restellini en est un exemple flagrant. Dans une interview au journal
L'Express donnée en janvier 2011, Marc Restellini expliquait son
modèle de fonctionnement purement privé : « J'ai
opté pour un mode de fonctionnement économique. 60 % des
rentrées proviennent des billets, 35 % de la boutique, le reste est
fourni par la location d'espaces et la revente des droits d'expositions. Les
expositions qui rapportent de l'argent me permettent d'en financer d'autres.
» (Annick Colonna-Césari, 2011) Ce choix stratégique
lui a attiré le mépris de ses homologues qui n'hésitaient
pas lui refuser des prêts d'oeuvres. Victime d'une forte baisse de ses
fréquentations, le musée a fermé en février 2016.
Marc Restellini s'en justifiait ainsi dans une interview au quotidien Le Monde
: « En tant que musée privé, nous assurons un service
public, or la concurrence est déloyale avec les autres musées,
qui ne paient pas 10 % de TVA sur la billetterie, ni de loyer, ni d'assurances
pour les oeuvres garanties par l'Etat. Il y a une réflexion à
mener en France sur cette question de l'intérêt
général. Il devrait y avoir plus d'opportunités de monter
des projets, le privé apporte beaucoup de choses. »
(Jardonnet, 2016)
Toute la difficulté pour un musée est de savoir
tirer parti des outils marketing pour gagner en efficacité sans perdre
de vue ses missions de service public. La diabolisation du marketing des
musées n'a pas lieu d'être si cet outil est remis à sa
juste place et n'est pas dévoyé. C'est ce qu'a fait Jean-Michel
Tobelem dans un article de référence sur le marketing des
musées. N'oublions pas que le marketing est : « un outil
d'analyse et un moyen d'action devant permettre à une organisation,
qu'elle soit marchande ou non marchande, d'atteindre ses objectifs. Dans le cas
d'une entreprise privée, il s'agira de parvenir au profit le plus
élevé, alors qu'un musée pourra se fixer comme but
l'éducation du visiteur, ou sa sensibilisation aux domaines de
l'histoire, de la science ou de l'art et non pas seulement un objectif de
rentabilité » (Tobelem, 1992).
B) Focus sur un levier particulier du marketing
culturel : le positionnement a) L'importance de l'image sur un marché du
symbole
11
Selon un rapport du Ministère de la Culture, quatre
musées emblématiques (Louvre, Versailles Centre Pompidou, Orsay)
concentraient 78% des visites gratuites et payantes dans les musées
nationaux en 2013 (Benhamou Françoise, 2015). Ces musées qui
attirent l'immense majorité des visiteurs sont aussi ceux qui jouissent
d'un positionnement fort, notamment dû à leur histoire. Le
récent succès de la série télévisée
produite par Canal + Versailles, ou la publication de bandes
dessinées sur le musée du Louvre (L'île Louvre de
Florent Chavouet en 2015, Les gardiens du Louvre de Jirô
Tanigushi en 2014, etc.) illustrent la force de l'imaginaire entourant ces
instituions. Cette puissance d'évocation constitue un avantage
concurrentiel certain, notamment auprès des publics étrangers,
qui, de passage en France, privilégieront ces incontournables dans
l'élaboration de leur itinéraire culturel. Le succès de
tels musées illustre la part symbolique inhérente à la
consommation culturelle. La pyramide du Louvre et la Joconde sont tellement
ancrées dans l'imaginaire collectif que ces oeuvres sont automatiquement
associées au Louvre, elles sont devenues des symboles. Le musée
en a bien conscience et valorise ses oeuvres emblématiques en les
mettant en avant sur ses supports de communication et en commercialisant des
produits dérivés qui les mettent à l'honneur. L'image
semble donc jouer un rôle de premier ordre dans les stratégies des
musées. C'est pourquoi nous nous attacherons à étudier un
concept particulier du marketing qui relève de cette
problématique d'image afin de le transposer au champ d'étude
culturel : le positionnement.
b) Définition du positionnement
Comme nous l'avons mentionné plus haut, le secteur est
dominé par quelques mastodontes au positionnement indéboulonnable
qui s'appuient sur une symbolique forte. Pour Al Ries et Jack Trout : «
Le positionnement n'est pas ce que vous faites à un produit ; c'est
ce que vous faites à l'esprit du client futur, le prospect. Vous
positionnez le produit dans l'esprit du prospect. » («
Définition Positionnement - Le glossaire
Emarketing.fr », s. d.). La part
de l'imaginaire joue donc un rôle non négligeable dans la
construction du positionnement. Joëlle Lagier, enseignante-chercheuse en
marketing à l'ESC La Rochelle, préfère parler de «
place psychologique » de l'offre muséale dans l'esprit du
consommateur et souligne la portée stratégique du positionnement
quelle que soit la taille du musée : « Le positionnement
stratégique est, à mon avis, applicable à tous les
musées, dans le sens où cela consiste à déterminer
la place psychologique que l'offre doit avoir dans l'esprit du public.
» (Joëlle Lager, 2016). Toujours selon Joëlle Lagier,
l'enjeu est avant tout de mieux cibler le public du musée, d'autant plus
que ce dernier est difficile à capter du fait des nombreuses
réticences à passer la porte d'un musée : «[le
positionnement stratégique] est absolument nécessaire si le
musée (quel que soit son type) souhaite attirer son public-cible, et ce,
dans un univers complexe où un certain nombre de freins existent du
côté du consommateur : freins psychologiques, freins
monétaires, freins temporels, etc. ». Il s'agit aussi de se
différencier dans un environnement complexe, délicat et
extrêmement concurrentiel, avec la multiplication des institutions
culturelles et le développement parallèle du
phénomène de l'éduvertissement proche de celui
des parcs d'attraction, qui vise à rendre les musées plus
attractifs au risque de dévoyer leurs missions d'origine telles que
définies par l'ICOM (Balloffet, Courvoisier, & Lagier, 2014).
12
L'enjeu stratégique du positionnement paraît donc
avéré. Il faut cependant préciser que l'image
décidée au niveau stratégique par un musée n'est
pas toujours perçue et appréciée de manière aussi
évidente par le public. Le message qui se dégage des
communications des musées peut ne pas être suffisamment clair.
Ainsi, l'exemple d'un musée américain, rappelé par
Jean-Michel Tobelem (Jean-Michel Tobelem, 1992), dans l'Etat de Virginie dont
les responsables se sont rendus compte que les personnes n'ayant jamais
visité leur musée le croyaient payant et le percevaient comme un
lieu austère et rétif au changement. Or il s'agissait d'un lieu
dynamique avec une programmation riche et renouvelée
régulièrement. Cet exemple illustre non seulement l'existence
d'un possible différentiel entre positionnement stratégique et
positionnement perçu mais aussi l'importance de mener des études
de publics pour rectifier la communication sur le positionnement du
musée. Qu'il s'agisse de marketing traditionnel ou culturel, le possible
décalage entre le positionnement choisi stratégiquement par une
marque et le positionnement perçu par les consommateurs peut s'expliquer
par la double dimension du positionnement. En effet, le positionnement est
à la fois perçu par les consommateurs à l'aulne des
critères objectifs du marketing-mix, comme le prix par exemple qui
laisse peu de marge d'interprétation quant à l'image que
l'entreprise souhaite donner à son offre (qualité,
accessibilité, etc.) mais est également le fruit de
critères subjectifs, comme l'image, la symbolique attachée
à la marque. Or ces critères subjectifs, qui émanent de
l'interprétation de la communication directement émise par
l'institution ou bien de celle de discours rapportés, ne sont pas
univoques et peuvent faire différemment écho dans l'esprit des
publics.
Dans le cas des musées, leur statut
d'établissements publics vient accentuer le possible différentiel
entre le positionnement choisi par l'institution et perçu par les
visiteurs. En effet, si dans le privé un positionnement premium
se traduirait dans les faits par la fixation d'un prix élevé pour
différencier l'offre de celle des concurrents, les musées ne
répercutent pas forcément leur positionnement prestigieux sur le
prix des billets d'entrée, subventionnés par l'Etat. La
stratégie marketing d'un musée, quand stratégie il y a, ne
peut en effet pas faire abstraction des impératifs de
démocratisation et d'accessibilité qui lui sont
attachés.
B) Les spécificités stratégiques du
positionnement d'un musée
a) Un positionnement fait de valeurs
La question du positionnement stratégique des
musées recoupe des réalités très diverses. Des
variables comme le statut juridique, la taille ou encore le degré
d'internationalisation d'un musée impactent les orientations
stratégiques choisies. La segmentation des publics et le ciblage des
publics visés entraîneront des positionnements différents.
Le Palais de Tokyo, par exemple, a affiché, dès sa
création en 2002, la volonté de se positionner comme une marque
prônant les valeurs de modernité, d'accessibilité et de
transdisciplinarité (Delcayre, 2012). D'autres musées mettent en
avant des valeurs davantage reliées aux missions historiques des
musées telles que définies par l'ICOM. Ainsi le Musée de
l'Homme, rattaché au Muséum national d'Histoire naturelle et qui
dépend donc, lui aussi, à
13
la fois du Ministère de la Culture et de celui de
l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, affiche le positionnement
suivant sur son site web : « Inauguré en juin 1938, le
Musée de l'Homme présente l'évolution de l'Homme et des
sociétés, en croisant les approches biologiques, sociales, et
culturelles selon la pensée de Paul Rivet : « L'Humanité est
un tout indivisible, non seulement dans l'espace, mais aussi dans le temps.
» Situé dans l'aile Passy du Palais de Chaillot (Paris
16ème) dans un bâtiment construit à l'occasion
de l'Exposition Universelle de 1937, il rouvre en 2015 après plus de 5
ans de fermeture en réaffirmant le concept de musée-laboratoire
voulu par son fondateur. » Le Musée de l'Homme fournit ainsi
un bel exemple d'un positionnement stratégique pensé sur le long
terme. La réouverture du musée n'a pas ébranlé le
positionnement humaniste d'origine. Il a au contraire été
l'occasion de le réaffirmer. D'autres musées encore revendiquent
un ancrage local comme le Musée de la mode et de la dentelle de Calais
qui ciblait en priorité les Calaisiens avant de faire évoluer son
positionnement. Originellement le musée affichait les ambitions
suivantes : « Le musée a vocation de s'adresser en premier lieu
aux habitants de son territoire, Calais et le littoral, dont il constituera
l'un des maillons forts de la mise en valeur de son patrimoine ». Ce
ciblage allait donc de pair avec un positionnement de revalorisation du
patrimoine local pour séduire les Calaisiens en priorité : «
Dans le cadre à forte valeur patrimoniale de l'ancienne usine de
dentelle Boulart, et à partir des collections et des témoignages
qu'ils rassemble (...), l'établissement a pour objectif de faire
découvrir la dentelle manuelle et mécanique et d'abord celle de
Calais, ses usages et ses représentations, son histoire et son
présent, ses techniques et ses hommes. » (Direction des
musées de France, 2007). Aujourd'hui, le musée a pris une
envergure internationale et dynamique comme le traduit son nouveau nom : «
La Cité internationale de la dentelle et de la mode de Calais ». Le
terme de « cité », plus que celui de musée, fait du
lieu la référence absolue du domaine, comme si le lieu totalisait
à lui seul l'ensemble du sujet traité, et ceci sur le plan
international. La connotation « vieillotte » de la dentelle a
été contrebalancée par la référence plus
attractive à la « mode ». Le site du musée fait mention
de ce repositionnement : « Acquis en 1987 par la municipalité,
ce site patrimonial est aujourd'hui entièrement
réhabilité. Il a été agrandi par une extension
contemporaine aux lignes ondoyantes signée Moatti et Rivière. Sa
façade de verre sérigraphiée aux motifs des cartons
Jacquard offre une nouvelle identité aux lieux, résolument
tournés vers l'avenir. » On note ainsi le réancrage du
musée dans le paysage contemporain grâce à un
positionnement renouvelé. Il s'agit d'une belle illustration de la
volonté d'un musée de rester en lien avec les publics actuels.
b) Un positionnement qui s'adresse à des cibles
variées
Le positionnement stratégique d'un musée ne vise
pas à remporter les seules faveurs du consommateur lors de ses
arbitrages de sorties culturelles. Conformément au souci de
diversification des ressources mentionné plus haut, les
mécènes constituent un public à part entière
à prendre en compte dans la stratégie de positionnement.
Jérôme Kohler, acteur reconnu du secteur de la philanthropie et du
mécénat d'entreprise, fondateur de la société de
conseil en mécénat L'Initiative Philanthropique, souligne l'enjeu
particulier du positionnement au sein de la stratégie des musées
: « Pour attirer visiteurs et mécènes, les sites d'art
contemporain doivent adopter une stratégie de
14
positionnement qui leur soit spécifique. Il faut
qu'ils aient un bon mix marketing avec un bon produit (leurs oeuvres
présentées), un bon lieu de diffusion (leur bâtiment et
leur situation géographique) et un bon service (prestations annexes)
» (Delcayre, 2012). Les entreprises qui souhaitent développer
une activité de mécénat dans le secteur culturel se
réfèrent au positionnement des institutions pour effectuer leur
choix. Dans un contexte de surabondance de l'offre culturelle, notamment dans
les grandes villes qui concentrent activités économiques et
culturelles, les musées qui se définissent par des valeurs fortes
et concordantes avec la politique de Responsabilité Sociales des
Entreprises, ont davantage de chance d'émerger.
La Fondation Total soutient les expositions du Quai Branly en
lien avec l'Afrique depuis 2009 par exemple. Ce choix s'explique par
l'implantation du groupe Total sur le continent africain où la Fondation
met en place l'itinérance de certaines expositions du Quai Branly,
conformément à son engagement social et pédagogique
auprès des publics jeunes notamment (Evin, 2013).
Pour revenir à l'exemple du Palais de Tokyo, son
modèle de centre d'art public sans collection permanente et
dépendant pour moitié de ses ressources propres en a fait un des
musées pionniers dans la recherche de mécènes, notamment
sous l'impulsion de son directeur actuel Jean de Loisy. Le centre d'art a
même fait appel à une agence, Carat Culture, en 2008, pour l'aider
dans sa politique de partenariats et valoriser son attractivité
auprès des marques. Mark Alizart, directeur général
adjoint du Palais de Tokyo, ne dissimule pas ses ambitions de marketing
culturel contrairement à d'autres institutions du secteur encore
frileuses à l'idée de nouer des partenariats public-privé
: « Grâce à cette collaboration, nous attendons de
rencontrer des marques en adéquation avec l'esprit du lieu et avec nos
artistes » (Carlo, 2008). Le mariage entre positionnement d'un
musée et futurs mécènes est particulièrement
intéressant pour ce type d'institutions d'art contemporain dont le
positionnement fondé sur la rareté et la qualité est
susceptible d'attirer les marques de l'industrie du luxe, en accord avec ces
valeurs et qui pourraient en bénéficier par un transfert d'image.
A ce titre, il est intéressant de constater que ces partenariats
musées-marques de luxes sont institutionnalisés. En effet,
certains grands musées français comme le Louvre ou Versailles
sont membres du Comité Colbert qui fédère les industries
du luxe français pour mieux les faire rayonner à l'international
(Anfruns, 2012).
Les spécificités du positionnement des
musées peuvent ainsi rejoindre celles des grandes marques de luxe
à certains égards, notamment pour ce qui est de la symbolique de
l'image de marque véhiculée et du caractère exceptionnel
et difficilement reproductibles des ressources mobilisées par ces
acteurs (unicité de l'offre, capital humain important, etc.)
Conclusion 1) Le capital immatériel ne
deviendrait-il pas un critère plus pertinent que la traditionnelle
fréquentation pour évaluer la performance des musées
?
Comme nous l'avons vu plus haut, le positionnement peut
constituer un levier marketing décisif pour se différencier au
sein d'un environnement hautement concurrentiel et symbolique. L'avantage
concurrentiel relèverait alors davantage de l'immatériel, du
territoire de marque du musée, plus que des ressources physiques de ce
dernier. C'est une piste émise par le Rapport de 2006 sur l'Economie de
l'immatériel, remis au ministre de l'Economie et des Finances d'alors,
Thierry Breton.
15
« L'économie a changé. En quelques
années, une nouvelle composante s'est imposée comme un moteur
déterminant de la croissance des économies : l'immatériel.
Aujourd'hui la véritable richesse n'est pas concrète, elle est
abstraite. Elle n'est pas matérielle, elle est immatérielle.
C'est désormais la capacité à innover, à
créer des concepts et à produire des idées qui est devenue
l'avantage compétitif essentiel. » (Maurice Lévy &
Jean-Pierre Jouyet, 2006). Le rapport invite notamment à la valorisation
du riche portefeuille de « marques culturelles » que compte
la France, parmi lesquelles celles des grands musées nationaux
mentionnés plus haut (Le Louvre, Orsay, Pompidou...). Ces mêmes
instituions qui ont su construire un positionnement solide au fil des ans, sont
également celles qui ont ouvert la voie à la gestion de la «
marque muséale » (Cécile Anger, 2012).
2) La marque muséale : quels enjeux pour le
positionnement stratégique des musées ?
A) Cadre juridique et tendances du secteur : Pourquoi
parler de marque muséale ?
Le Rapport de la Commission sur l'Economie de
l'immatériel mentionné plus haut, incite les acteurs publics,
parmi lesquels les musées, à mettre en place des
stratégies de valorisation et d'exploitation de leur image de marque.
L'objectif est de moderniser ces acteurs et de contribuer à leur
rayonnement national et international. Le dépôt de marque
présente entre autres, l'avantage pour le musée de mener des
actions de valorisation de son identité comme cela a été
le cas avec la marque « Louvre Abou Dabi ». Dans le cadre d'un
contrat de licence, la marque Louvre a ainsi été valorisée
à 400 millions d'euros pour une durée de 30 ans afin d'être
louée au musée d'Abou Dabi (Anger, 2012). La marque est
également un outil de visibilité auprès des
différents publics et de cohésion interne pour les agents dont
les missions sont ainsi reclarifiées par la promesse de marque du
musée (APIE, 2011).
D'un point de vue légal, les musées sont tout
à fait en droit de déposer leur marque. Le fait qu'il s'agisse
d'établissements publics à but non lucratif n'y change rien, la
seule condition requise par le droit de la propriété industrielle
pour déposer une marque étant de disposer d'une
personnalité juridique (Anger, 2012). Les acteurs publics pionniers dans
ce domaine sont les collectivités territoriales, qui pratiquent depuis
des décennies le « marketing territorial ». Les
musées s'inscrivent également dans une logique de valorisation du
territoire et en cela, une stratégie de marque est un atout-clé.
La stratégie peut également relever de partenariats avec des
grands acteurs du privé pour bénéficier de leur image,
comme l'illustre l'opération « Escales Culture », partenariat
entre le Ministère de la Culture et de la Communication et Air France,
qui engage la compagnie aérienne à valoriser la richesse
patrimoniale française sur ses réseaux de communication pour
associer chaque destination à un musée (« Escales Culture -
Ministère de la Culture et de la Communication », 2015). L'Etat
lui-même est donc un catalyseur du rapprochement entre les organisations
publiques et privées, conscient de son désengagement progressif
et de la nécessité pour les musées de diversifier leurs
ressources pour limiter les risques de dépendance financière.
On le constate aussi avec le rapport de la Commission sur
l'Economie de l'immatériel rendu par le Ministère de l'Economie
et des Finances en 2006. La tendance est bien à la marchandisation
16
croissante de l'activité des musées, et les
institutions gagneraient à accompagner cette logique de valorisation de
marque : « les produits dérivés ont été
multipliés ; la location d'espace s'est développée avec
des tarifs intégrant la valeur de la marque, soit pour des
événements privés, soit pour des tournages de films qui
ont pu dans certains cas asseoir la réputation du site dans le monde
entier (Da Vinci Code ou Belphégor au Louvre, Marie-Antoinette à
Versailles) ; les espaces marchands ont été renforcés ;
les publications scientifiques et grand public se sont imposées comme
l'un des vecteurs de la connaissance des artistes et de leurs oeuvres. Dans la
très grande majorité des grands musées, le panier d'achat
moyen du visiteur, la valorisation du m2 d'espace commercial ou le nombre de
visiteurs qui achètent un produit dérivé sont devenus des
indicateurs de gestion classique. » (Maurice Lévy &
Jean-Pierre Jouyet, 2006). Cette description de l'évolution du secteur
illustre la diversification de l'offre proposée par les musées.
Ces derniers ne se cantonnent plus à leur coeur de métier,
à savoir les services de conservation et d'exposition d'oeuvres. Les
musées proposent non seulement de nouveaux services (location d'espace,
organisation d'événements, etc.) mais également des
produits dérivés vendus en ligne et/ou dans le magasin du
musée. D'où l'intérêt de rassembler toutes ces
déclinaisons de l'offre muséale sous une même marque
identifiable afin de gagner en visibilité et de diversifier les sources
de revenus. Selon Lorraine Dauchez, fondatrice d'Arteum qui conçoit et
vend des produits dérivés d'expositions : « Les
musées ont une vraie identité de marque, un contenu avec leurs
oeuvres d'artistes et un potentiel d'exploitation commerciale. Or le grand
public recherche des produits qui racontent des histoires, et qui soient
labellisés par une institution (Capucine Cousin, 2014).
Les musées se caractérisent historiquement par
la rareté de leurs ressources, difficilement reproductibles, qu'il
s'agisse des oeuvres uniques qui y sont conservées et exposées ou
des savoir-faire de ses acteurs (conservateurs, muséographes,
scénographes, etc.). Or, les nouvelles activités commerciales
développées par ces institutions ne risquent-elles pas de
banaliser l'image des musées et des oeuvres qu'ils abritent ? Comment ne
pas dévoyer l'identité d'un musée en en faisant une marque
?
B) Les piliers de la stratégie de marque
muséale
L'Agence du patrimoine immatériel de l'Etat (APIE) pose
les fondements d'une stratégie de marque publique pérenne dans un
document intitulé : « Marques - Développer une
stratégie de marque au service de la modernisation de l'action publique
» (APIE, 2011). Cette entité se propose d'accompagner les
administrations dans l'élaboration de leur stratégie de marque
sans se fourvoyer, et ce, en les faisant bénéficier de son
expertise marketing et juridique.
Selon l'APIE, les composantes de la marque publique sont les
suivantes :
Des valeurs et une promesse : cela recoupe le
concept de proposition de valeur que l'on retrouve dans le privé.
Cependant, à la différence des marques du privé, les
marques publiques ont des valeurs communes qui doivent refléter celles
de l'Etat. Elles sont généralement « gage de
sérieux, de qualité, de savoir-faire, de fiabilité et de
neutralité » (APIE, 2011). La marque sous-tend en effet un
contrat implicite passé avec le public. L'institution s'engage à
fournir une certaine qualité de service et
17
à défendre des valeurs auxquelles le public peut
s'identifier dans une logique de confiance et de fidélisation. Si cette
promesse est rompue, l'identité de marque du musée peut en
être ébranlée. La politique expansionniste de la Fondation
Guggenheim, rebaptisée par certaines voix discordantes « Mc
Guggenheim », a entaché l'image du musée. La
stratégie de diversification géographique et le choix
d'expositions jugées trop commerciales semblent porter préjudice
à la proposition de valeur de la Fondation Guggenheim selon le public
(Leclerc, 2015).
Une mémoire : la marque s'inscrit dans
une perspective de long terme. Chaque action de l'institution qui se cache
derrière la marque est ainsi enregistrée dans la mémoire
collective et vient enrichir son historique. On voit ainsi l'importance de
mener des actions cohérentes avec la promesse de marque pour
préserver son image au fil du temps.
Un positionnement, une différence : la
marque doit être différenciante et attractive pour émerger
au sein d'un environnement concurrentiel et caractérisé par une
révision générale des politiques publiques comme nous
l'avons déjà expliqué dans la première partie de
cette revue de littérature.
A noter que le positionnement est une stratégie de long
terme qui précède bien souvent le dépôt de la marque
muséale. Il s'agit simplement d'entériner l'identification et la
différenciation via une marque déposée afin d'en tirer des
bénéfices en termes de financement et de rayonnement. Le Louvre
était déjà auréolé de tout son prestige et
son histoire dans l'esprit des visiteurs avant de devenir une marque
déposée.
Des signes de reconnaissance : il s'agit de
l'identité visuelle propre à la marque, sa charte graphique. Ces
signes permettent d'identifier rapidement la marque et ses actions. Il s'agit
d'un outil de communication essentiel dans un environnement visuel
saturé par les marques et où les consommateurs sont
sur-sollicités. L'étape de la création de
l'identité visuelle est généralement accompagnée
d'une étude des publics, dans le privé, afin d'apprécier
l'accueil et l'interprétation du logo créé. Cependant, les
organisations publiques n'ont pas encore formalisé cette démarche
d'étude des publics au moment de créer leur identité
visuelle ce qui peut potentiellement nuire à sa reconnaissance. Pour
minimiser les risques et assurer une association directe entre le musée
et l'identité visuelle qui la représente, de nombreux
musées optent pour un logo synthétisant leur nom et/ou une
caractéristique architecturale du lieu. C'est le cas du logo du Centre
Pompidou par exemple qui condense le nom du musée et une
représentation stylisée de sa façade pour permettre
l'identification du lieu (Gwenaëlle de Kerret, 2015).
Pour résumer, l'identité de marque devrait donc
se fonder sur les valeurs du musée afin de proposer du sens à un
public de plus en plus exigeant et sollicité. La marque muséale
doit permettre aux visiteurs et aux non-visiteurs d'identifier le musée
voire de s'identifier à l'institution si cette dernière
véhicule des valeurs qui lui correspondent. Comme nous l'avons vu plus
haut, la symbolique joue un rôle de premier ordre dans le secteur
muséal et les institutions gagneraient à capitaliser sur la force
de l'imaginaire propre au lieu et à ses collections afin de construire
un territoire de marque qui fasse sens. Les marques du privé, notamment
les marques de luxe, ont bien conscience que les musées font
autorité en matière de consécration symbolique,
d'où la multiplication des expositions de marques
18
de luxe (Jean Paul Gaultier ou Vuitton au Grand Palais par
exemple) afin de sceller leur caractère atemporel et
esthétique.
Le musée doit également veiller à mettre
en avant ses caractéristiques différenciantes,
c'est-à-dire à revendiquer son positionnement, pour assurer son
attractivité (Tobelem, 2011). Dans un monde dominé par les
images, une identité visuelle intelligente est indispensable. Il s'agit
enfin pour le musée de faire preuve d'une grande prudence quant aux
partenariats noués, aux produits dérivés
commercialisés sous la marque du musée, à la
manière de communiquer sur ses actions. Chacune des actions de
l'institution vient s'ajouter à la mémoire de l'identité
du musée et la notoriété n'est pas forcément le
gage d'une bonne réputation comme nous avons pu l'évoquer avec
l'exemple de la Fondation Guggenheim.
Pour mener une politique de marque cohérente, le
musée pourra toujours se reporter à son Projet Scientifique et
Culturel afin de maintenir le cap de son positionnement dans ses
éventuels projets de déploiement. Ce document officialise les
axes stratégiques d'un musée sur cinq ans et constitue donc un
outil de décision important pour toutes les problématiques
liées à la gestion de l'image du musée notamment (Joly,
2009).
C) Le cas des regroupements de musées : quelles
implications en termes de positionnement de marque?
Parler de marque pour se référer à un
musée ne crée certes pas le consensus au sein du secteur culturel
et au-delà, mais il s'agit pourtant d'une pratique effective qui tend
à se développer comme nous venons de le voir. Dès lors,
nous pourrions poursuivre la comparaison entre les stratégies des
marques des entreprises du privé et celles des établissements
publics en nous attachant au cas particulier des regroupements de
musées. Le macro-environnement culturel prête en effet à la
mutualisation des ressources pour maximiser l'avantage concurrentiel des
musées grâce à des transferts de ressources
matérielles et immatérielles. Quelles sont les implications de
ces regroupements en termes de marque ? Peut-on comparer cela à une
stratégie de co-branding ou bien de marque-ombrelle ?
A titre d'exemple, le Muséum national d'Histoire
naturelle (MNHN) chapeaute douze sites patrimoniaux : Musée de l'Homme,
Grande Galerie de l'évolution, Jardin des Plantes, etc. Cependant cet
écosystème de musées s'aligne sur un positionnement
cohérent, une même identité visuelle, bref l'ensemble est
régi par une même stratégie de marque comme s'il s'agissait
d'un portefeuille de marques. C'est d'ailleurs en ces termes que
Stéphanie Targui, Responsable du pôle multimédia au MNHN,
présente la stratégie du musée : « l'objectif de
notre stratégie digitale est de positionner chacune de nos marques
[c'est-à-dire chaque musée] comme appartenant au Muséum
National d'Histoire Naturelle. Nous développons la présence du
Musée de l'Homme sur internet en l'inscrivant dans l'univers
numérique du Muséum national d'Histoire naturelle »
(Museum Connections, 2016). L'image de l'« univers » est
également employée sur le site du Muséum qui comprend un
onglet « L'univers muséum » où sont
référencés les lieux culturels relevant du Muséum
national d'Histoire
19
naturelle. Cette terminologie n'est pas sans rappeler le champ
lexical marketing avec ses « produits satellites » qui
dépendent d'une marque-ombrelle et évoluant dans un même
« univers de marque ». Bien loin du monde des musées, dans le
secteur alimentaire, la marque-ombrelle type souvent donnée en exemple
est Danone. Elle « abrite » de sa notoriété des
marques-filles (Blédina, Evian, Gervais, etc.) et leur permet ainsi de
gagner en visibilité et de véhiculer les mêmes valeurs de
santé et de bien-être. En effet, les marques-filles capitalisent
sur l'image déjà installée de Danone pour survivre et
grandir, ce qui permet par là-même de baisser les coûts
publicitaires du groupe. Ce sont les fameux effets de synergie qui sont
également transposables au secteur des musées. Si nous voulons
gagner en précision dans le rapprochement entre les stratégies
des marques étrangères au champ culturel et des marques
muséales, le phénomène de mise en réseau des
musées, tel que celui orchestré par le MNHN, relèverait
davantage du concept de marque-caution que de celui de marque-ombrelle. La
marque-caution partage avec la marque-ombrelle le fait de donner son aval
à un ensemble de marques auxquelles elle transmet son image et sa
promesse de marque, faisant office de garantie aux yeux de consommateurs.
Cependant, contrairement à la marque-ombrelle, la marque-caution sert un
ensemble de produits ou services homogènes, qui évoluent dans le
même univers, tandis que la marque-ombrelle peut embrasser une offre
très diversifiée relevant de champs de consommation variés
(Kotleretdemeter, s. d.). Or les musées, même s'ils se regroupent
sous une marque-mère conservent une forte cohérence dans leur
offre, qui reste toujours culturelle avant tout. Ce qui n'empêche pas
l'offre de chaque musée de cibler des publics différents. Si nous
poursuivons avec le même exemple, le Muséum national d'Histoire
naturelle a fait le choix d'un site internet multi-entrées pour
présenter ses différents musées mais aussi pour s'adresser
à différents segments. D'où un onglet « accès
par public », où le contenu est adapté selon le profil de
l'internaute (« comités d'entreprise et professionnels du tourisme
», « english speaking visitors », « enseignants »,
« presse », etc.).
On note donc différents niveaux de positionnement.
Premièrement, il existe un positionnement global, celui impulsé
par la marque-caution, explicité sur le canal Dailymotion du
Muséum national d'Histoire naturelle : « À la fois
établissement scientifique et service public, tourné vers la
recherche et la diffusion des connaissances, le Muséum national
d'Histoire naturelle se déploie sur 12 sites à Paris, en
Ile-de-France et en régions, dont 10 sont ouverts au public ».
Sous l'égide de cette marque-caution, chacun des douze sites
décline son identité et son positionnement en respectant la
cohérence du positionnement global. Enfin, la dernière strate
correspond aux différents positionnements adoptés au sein d'un
même musée selon le public ciblé. Les variations de tarif
sur place ou des contenus à disposition en ligne impliquent la
construction d'une image différente en fonction du segment
ciblé.
Cette tendance à la mutualisation des ressources des
musées peut prendre des formes très diverses. Contrairement au
MNHN, la Réunion des musées nationaux (Rmn) adopte par exemple
une stratégie qui pourrait s'apparenter à celle de la «
marque blanche ». En effet, la Rmn se présente comme un prestataire
de services officiant auprès des musées nationaux. Son
intervention peut aller de l'organisation d'une exposition temporaire, à
la conception d'un site web ou à la gestion de la boutique
20
du musée. Sur son site internet, la Rmn exprime ainsi
sa raison d'être : « faire partager au plus grand nombre une
expérience sensible de la beauté, par la rencontre avec l'art et
toutes les formes d'expression ». Pour ce faire, la Rmn dispose d'une
vitrine, d'une marque emblématique qui cautionne son travail et assied
sa crédibilité : le Grand Palais. Comme un magasin amiral en
grande consommation, le Grand Palais occupe une place à part au sein du
réseau de la Rmn qui accole d'ailleurs sa marque à celle du Grand
Palais dans une logique de co-branding. Craignant la faible lisibilité
de cette alliance stratégique, la Rmn adopte un ton très
didactique dans la présentation de ce rapprochement sur son site
internet : « On vous l'accorde, notre nom est un peu difficile
à retenir. Nous sommes la « Réunion des musées
nationaux - Grand Palais », ou, pour faire plus court la «
Rmn-GP ». Ça a l'air compliqué mais en fait, c'est
très simple : nous sommes un établissement culturel public
créé en 1895 et le premier opérateur culturel
européen. (...) C'est ce que nous faisons au Grand Palais, à
Paris, notre monument emblématique, mais aussi dans de nombreux
musées en France. » Contrairement aux autres positionnements
de regroupements muséaux, le positionnement de la Rmn-GP semble cibler
les musées en priorité puisque c'est auprès d'eux qu'elle
intervient, et, indirectement seulement, auprès de leurs clients finaux
: les visiteurs.
Conclusion 2) La communication comme facteur clé
du succès pour véhiculer un positionnement muséal qui se
complexifie
La complexité croissante des stratégies de
marque des musées impacte le positionnement de ces derniers. En effet,
face à des musées protéiformes, combinant plusieurs
activités, plusieurs lieux d'exposition, le risque pour l'institution
culturelle-mère est d'assister à la dilution de son
identité ou de celle de ses musées affiliés. C'est bien ce
risque qu'a souligné Joëlle Lagier lors de notre échange :
« [Le regroupement de musées] peut être
intéressant a priori pour les musées en termes de
rentabilité, engendrant une diminution éventuelle des
coûts, pour le public en termes de réseau, mais cela risque de
rendre l'image de chacun des musées plus floue, car en cherchant un
positionnement stratégique commun, on risque de camoufler les
spécificités de chaque entité. A moins que les
regroupements de musées soient faits de manière logique avec la
défense d'une mission commune ou d'une complémentarité des
missions, ce qui ne semble pas toujours être le cas. L'enjeu est donc ici
de trouver un positionnement global fédérateur, qui ne gomme pas
les caractéristiques de chacune des entités »
(Joëlle Lagier, 2016).
Pour asseoir le positionnement « global »
souhaité, la communication apparaît comme un outil
particulièrement pertinent en vue d'unifier les musées sous la
même marque-mère, grâce à une charte graphique et une
ligne éditoriale décidées conjointement par exemple.
Cependant la traditionnelle communication institutionnelle et descendante des
musées s'adapte aujourd'hui aux canaux de communication
numériques. Parmi ces derniers, les réseaux sociaux
présentent un avantage particulier pour notre champ d'étude. Ils
permettent au musée de véhiculer son positionnement, mais
également d'avoir des retours sur cette image construite grâce
à l'interactivité qui caractérise ces canaux de
communication. Autrement dit, les réseaux sociaux constituent la
rencontre entre l'image construite par le musée et l'image perçue
par les internautes. Les réseaux sociaux sont donc une
21
ressource de premier ordre pour les musées afin
d'estimer le possible décalage entre le positionnement
décidé au niveau stratégique, sa mise en oeuvre
opérationnelle par le community manager, et l'appropriation de ce
positionnement par les communautés en ligne du musée.
3) Positionnement et réseaux sociaux
A) L'entrée des musées dans l'ère de
la communication numérique : des réticences à la prise de
conscience
Les évolutions du secteur des musées,
décrites dans les deux premières parties de cette revue de
littérature, ont progressivement fait de la stratégie de
communication un facteur clé du succès. Cela se traduit dans
l'organigramme des musées par le développement des métiers
de la communication et par une spécialisation accrue des tâches.
Que le musée adopte ouvertement une stratégie de marque ou non,
attirer et fidéliser un public de plus en plus volatil et
convoité par des services culturels concurrents est un enjeu de taille
pour des organisations qui sont longtemps restées en dehors de cette
logique de captation des publics. Les canaux de communication investis par les
musées se sont multipliés au fil du temps (presse, affichage,
produits dérivés, spots télé, publicités au
cinéma, etc.) traduisant la volonté de ces organisations de
gagner en notoriété et entretenant, dans le même temps, un
système d'oligopole à franges où la visibilité de
quelques grands musées, étapes touristiques et symboliques
incontournables, masquent la variété des musées existants.
Selon Daniel Jacobi, la stratégie de communication des musées
transparaît également dans les choix muséographiques :
« La tyrannie de l'exposition signe l'irrésistible irruption de
la communication dans le monde des musées ». Daniel Jacobi
porte un regard critique sur la multiplication des expositions temporaires
dites « blockbusters », selon l'expression de J. Le Marec,
garantes d'un taux de fréquentation important et d'une forte
visibilité médiatique, au détriment parfois de la
fréquentation des expositions permanentes du musée ou de la mise
en valeur d'oeuvres plus pointues, loin des grandes monographies attendues
(Daniel Jacobi, 1997).
Nous ne nous attarderons pas sur les débats
éthiques relatifs à l'entrée des musées dans
l'ère de la communication, mais nous nous intéresserons en
revanche à l'adaptation de ces institutions aux modes de communication
contemporains. L'enjeu aujourd'hui est bien sûr celui des nouvelles
technologies car c'est sur ces supports que les publics cibles des
musées se trouvent désormais. Nous nous intéresserons
à un canal de communication en particulier : les réseaux sociaux
numériques, ces « dispositifs du Web participatif par
excellence, qui recueillent une adhésion croissante auprès du
grand public, et occupent désormais une place centrale dans les
débats de société » comme les définissent
Thomas Stenger et Alexandre Coutant dans la revue Hermès
consacrée au sujet (Tubaro, 2012). Cette définition replace les
réseaux sociaux dans un contexte plus large, celui de l'émergence
du « Web participatif », également appelé « Web
2.0 » qui a signé la fin d'une communication unidirectionnelle qui
faisait de l'internaute un simple récepteur de contenus.
Dorénavant, l'internaute réagit aux contenus mis en ligne, il les
modifie, les commente. Il crée ses propres contenus. L'internaute est
devenu un acteur numérique, un concepteur, un prescripteur.
22
B) Les risques pour l'image institutionnelle
Les réticences de certains musées à
communiquer sur les réseaux sociaux venaient justement des risques de ce
nouveau schéma interactif. La question de l'image en ligne,
également appelée e-reputation, est un débat qui occupe
les musées. En effet, le community manager du musée a une lourde
responsabilité puisqu'il s'exprime au nom de l'institution, et engage
l'image d'expertise du musée à chaque fois qu'un contenu est
publié. Si les réseaux sociaux permettent d'humaniser
l'institution, voire de la personnifier grâce à un avatar, ils lui
font aussi courir le risque d'altérer son image institutionnelle. Un
article de 2009 du Réseau canadien d'information sur le patrimoine
identifie deux risques principaux. Premièrement, une personne externe
à l'organisation peut utiliser les réseaux sociaux de
manière à nuire au musée, c'est ce qu'on appelle un troll.
Cependant, lors d'une interview donnée à Culture Communication,
les trois community managers des musées emblématiques que sont le
Quai Branly, le Centre Pompidou et le musée de Cluny, s'accordaient
à dire que ces fameux trolls étaient rares dans leur domaine et
qu'ils avaient tous la chance de jouir d'un fort capital sympathie
auprès des internautes (Aude Mathey, 2013).
Le second risque est que le contenu publié par le
musée sur les réseaux sociaux nuise à sa propre image (une
réponse maladroite à un commentaire, l'absence de mention d'un
crédit photographique, etc.) Toute la difficulté pour les
musées est de trouver le compromis entre l'exigence de
réactivité et de dialogue avec les publics qui constituent les
codes de ce média, et la conservation d'une image d'expertise et de
crédibilité, étant donné le contenu scientifique de
leurs missions. Une crise sur les réseaux sociaux viendrait
ébranler cette position d'autorité. Il est compréhensible
que la viralité et la rapidité avec laquelle se propage
l'information sur ce média inquiètent des institutions qui n'ont
pas toujours été habituées à la temporalité
numérique. Cependant, le véritable risque aujourd'hui serait de
ne pas jouer le jeu des réseaux sociaux en tant que musée. En
effet, l'internaute mécontent d'un musée (accueil, contenu des
expositions, tarifs, etc.) ne manquera pas de le faire savoir en ligne et dans
ce cas, l'absence de présence numérique du musée
l'empêcherait de se défendre et d'expliquer sa position. Comme le
souligne l'article du Réseau canadien d'information sur le patrimoine
Médias sociaux comme outil marketing : quels sont les risques ?
, les risques en question ne sont finalement pas liés à la
présence ou non du musée sur les réseaux sociaux mais bien
à ce que les gens disent du musée en ligne (Réseau
canadien d'information sur le patrimoine, 2009).
C) Une opportunité de réaffirmer son
rôle de médiateur
Cette redistribution de la parole en ligne présente de
fortes implications organisationnelles pour les musées. Historiquement
habitués au discours institutionnel plus qu'au dialogue, les
musées se sont progressivement adaptés au nouveau paradigme
numérique et on assiste à l'émergence de pôles
« multimédia » ou « numérique » au sein de
l'organigramme des institutions. Si la conversion numérique engendre des
bouleversements organisationnels, c'est bien parce qu'elle a été
perçue comme stratégique par les musées. Le
numérique en général, et les réseaux sociaux en
particulier, sont une opportunité unique de réactualiser un
positionnement parfois perçu comme obsolète et
23
d'ajouter une composante participative à la mission
didactique des musées. Le MNHN a par exemple trouvé sur les
réseaux sociaux un relais complémentaire et cohérent pour
son projet de « sciences participatives » qui fait appel aux
citoyens-internautes pour récolter un maximum de données sur la
biodiversité. La page Facebook du Muséum « Vigie-Nature
» s'inscrit tout à fait dans ce projet participatif. Les
internautes sont par exemple invités à participer à un
grand comptage des oiseaux. Dans le même ordre d'idée de
médiation 2.0, il convient de mentionner l'opération à
succès #Askacurator, inspirée d'un modèle britannique, et
qui met directement en contact les internautes et les conservateurs pour
permettre au grand public de poser toutes ses questions aux experts des
musées. Juliette Trey, Conservateur au Musée du Louvre a
souligné, lors de sa conférence à l'édition 2016 de
Museum Connections, la diversité des profils des personnes à
l'origine des questions, tantôt experts, tantôt novices.
Ces exemples d'opérations réussies sont aussi
l'illustration d'une médiation repensée pour un public aux
pratiques culturelles mouvantes. Les musées tendent donc à
envisager les réseaux sociaux comme un outil de médiation plus
que comme un simple outil de communication. Via les réseaux sociaux, les
musées peuvent prolonger leur coeur de métier
énoncé dans la définition de l'ICOM. Les notions
d'ouverture au public et de transmission présentes dans cette
définition se prêtent particulièrement aux réseaux
sociaux. Pour poursuivre la comparaison entre les stratégies de marques
et les stratégies des organisations culturelles, le concept de «
brand utility » pourrait tout à fait s'appliquer à la
stratégie numérique des musées.
La brand utility vise à ne pas seulement communiquer
sur la marque en ligne, mais bien à apporter une vraie valeur
ajoutée à l'internaute : un enrichissement intellectuel, un gain
matériel, etc. (Denis Gaucher, 2016).
D) Un enjeu stratégique évident
a) Rester en lien avec les publics connectés
Les réseaux sociaux constituent, en effet, un moyen
pour les musées de rentrer directement en contact avec les publics
connectés, selon la logique « puisque vous y êtes, nous y
serons » : sur 3,715 milliards d'internautes dans le monde, 2,206
milliards utilisent les réseaux sociaux chaque mois. En France, 52% des
plus de 12 ans sont inscrits sur au moins un réseau social, soit 62% des
internautes. Malgré la multiplication des réseaux sociaux,
Facebook reste le réseau social de référence dans le
monde, avec 1,55 milliard d'abonnés (Thomas Coëffé, 2016).
Internet est devenu un média d'autant plus incontournable pour les
musées, qu'une partie de leurs publics captifs sont des habitués
du web. C'est ce que souligne l'étude du Crédoc de 2012 « La
visite des musées, des expositions et des monuments » pour la
Direction Générale des Patrimoines : les visiteurs de lieux de
patrimoine sont plus équipés en moyenne d'Internet que les non
visiteurs (84% disposent d'Internet chez eux contre 63% des non-visiteurs) et
passent aussi plus de temps sur internet. « En moyenne, les
Français passent 20 heures par semaine à regarder la
télévision et 11,5 heures sur le web. Chez
24
les amateurs de musées, le temps passé sur
internet équivaut quasiment à celui passé à
regarder la petite lucarne » (Rapport Crédoc, 2012).
Un autre chiffre illustre l'évolution des pratiques
numériques des publics : sur 2,206 milliards d'utilisateurs des
réseaux sociaux, 1,925 milliards sont actifs sur mobile (Thomas
Coëffé, 2016). La mobilité est en effet une grande tendance
dans les pratiques numériques, et qui a des répercussions sur
notre sujet d'étude, puisque de plus en plus de visiteurs utilisent les
réseaux sociaux depuis leur smartphone ou leur tablette pendant qu'ils
sont au musée. Des initiatives ont déjà été
observées en réponse à ces nouvelles pratiques. La
Cité des sciences et de l'industrie, par exemple, intègre
à l'espace d'exposition des écrans transmettant les contenus
publiés sur les réseaux sociaux par les visiteurs
présents. Le contenu des visiteurs est donc intégré
à la scénographie du musée et montre la volonté de
remettre le public au centre du l'institution. La création du «
selfie day museum » en 2013, au Canada d'abord, puis dans le monde entier
ensuite est un autre exemple de valorisation des contenus des publics. Les
« selfies », ou autoportraits photographiés avec leur
smartphone, lors de la visite du musée font l'objet d'un hashtag
créé pour l'occasion et qui agrège toutes les photos
prises par les visiteurs connectés (« Journée selfie dans
les musées », 2016). Cet exemple illustre également la
banalisation de la prise de photos lors d'expositions, une pratique qui a fait
polémique en 2015, suite à l'Instagram publié la Ministre
de la Culture au Musée d'Orsay malgré l'interdiction de prendre
des photos qui était alors en vigueur. Cette même polémique
a ouvert la voie à davantage de tolérance de la part des
musées dans ce domaine (« Suite à un Instagram de Fleur
Pellerin, le musée d'Orsay autorise la photo - Arts & Spectacles -
France Culture », 2015).
La présence d'un musée sur les réseaux
sociaux est un gage de modernité et de proximité qui favoriserait
la démystification et le rajeunissement d'un lieu encore perçu
par certains comme profondément segmentant et ennuyeux. Ce travail sur
l'image va de pair avec l'opportunité d'attirer de nouveaux publics, les
jeunes notamment, plus réfractaires à côtoyer les
musées, mais surreprésentés sur les réseaux sociaux
puisque 76% des 15-24 ans sont sur Facebook (Thomas Coëffé, 2016).
Les 15-24 ans sont également les plus à même de relayer des
contenus en lien avec l'exposition visitée : 14% des jeunes ont
discuté sur un réseau social, un blog ou un forum d'une visite
d'une exposition, d'un musée ou d'un monument, contre 6% des autres
catégories d'âge confondues (Rapport Crédoc, Juin 2012).
Plus familiers des réseaux sociaux et de leur fonctionnement, les jeunes
peuvent rapidement devenir les ambassadeurs des institutions culturelles qui
sauraient proposer des contenus en ligne et des dispositifs numériques
intra-muros qui séduisent ce segment de la population. Un autre segment
peut être atteint grâce à internet et
bénéficier du même contact privilégié avec
les musées sur les réseaux sociaux : les publics
étrangers. Le World Wide Web est en effet un média sans
frontières. Une présence numérique garantit au
musée une visibilité internationale. Lorsque l'on sait, par
exemple, que plus de 70% des visiteurs du Louvre sont étrangers (les
Américains, les Chinois et les Brésiliens étant les plus
représentés) les réseaux sociaux apparaissent en effet
comme un outil stratégique pour rester en lien avec ces publics (Travel
Think pour Next Tourisme, 2014).
25
b) Se faire voir en ligne pour convertir les
internautes en visiteurs
Le Ministère de la Culture et de la Communication a
bien saisi cette révolution numérique à l'oeuvre et appuie
les institutions cultuelles, les musées notamment, dans leur
volonté de renouveler le dialogue avec les publics en tirant parti des
réseaux sociaux. D'où la publication d'un vademecum à
destination des musées Lumière sur les réseaux
sociaux. Animation des communautés connectées, guide
pratique, publié par le Ministère de la Culture et de la
Communication et Universcience. Dans cet ouvrage, l'enjeu stratégique
des réseaux sociaux est mis en avant pour finir de convaincre les
irréductibles qui n'auraient toujours pas entrepris le virage
numérique. Car les réseaux sociaux sont potentiellement un outil
permettant de rééquilibrer les rapports de force entre
musées surmédiatisés et musées plus confidentiels.
Alors que faire entendre sa voix est de plus en plus difficile pour les «
petits musées », la présence numérique, notamment sur
les réseaux sociaux, constitue une opportunité d'augmenter leur
visibilité à moindres frais. L'investissement en termes de
ressources humaines (formation, réorganisation des tâches pour
intégrer les missions de community management ou embauche d'un expert),
représente certes un investissement à court terme, mais
rapidement amorti, tant cet outil, peut valoriser l'image du musée s'il
est utilisé à bon escient. Une présence active sur les
réseaux sociaux améliore mécaniquement le
référencement du musée sur les navigateurs de recherche
par exemple. Or cette hiérarchisation de l'information sur les
musées est primordiale pour convertir des internautes effectuant une
recherche en ligne, en visiteurs in situ. En effet, l'article
Quelles stratégies pour les musées sur Internet ? Entre
« click and mortar » et « mortar and click »
(Notebaert2 et al., 2011) montre une corrélation entre
l'activité digitale des musées et le nombre de visiteurs
physiques. Selon une étude réalisée au musée de
Bibracte, il semblerait que la satisfaction et la confiance ressenties par les
internautes lors de leur navigation sur les pages internet du musée,
également appelées « owned », - c'est-à-dire
tout l'écosystème de contenus dont le musée est à
l'origine en ligne - impactent le bouche-à-oreille positif et la visite
effective du musée. La notion de bouche-à-oreille, dont les
réseaux sociaux sont une déclinaison
dématérialisée, est un champ de recherche
particulièrement intéressant pour les musées. Les services
culturels se caractérisent en effet par le caractère incertain de
leur réception, chacun réagit différemment face à
une oeuvre d'art. La visite d'un musée est une expérience
éminemment subjective. C'est pourquoi la notion de recommandation
émanant de pairs ou de personnes influentes en ligne peut
générer de la confiance et être un catalyseur de la visite
(Hausmann, 2012). Eva Venancio, Community Manager au MNHN a souligné ce
point lors de notre entretien : « On a voulu très tôt se
placer sur les réseaux sociaux puisqu'on avait vu l'intérêt
de cet outil pour tout ce qui est bouche-à-oreille, recommandations,
pour se faire connaître et construire l'image et la réputation du
muséum sur les réseaux sociaux. »
E) Réseaux sociaux et mise en réseau de
musées
Outre les avantages en termes de visibilité en ligne,
les réseaux sociaux sont un outil permettant d'affirmer ou de
réaffirmer l'identité du musée, ses missions et de «
montrer ses réseaux » (« Guide pratique », s.
d.). Cette notion nous intéresse particulièrement car notre
étude de cas portera sur le
26
positionnement sur les réseaux sociaux d'un
regroupement de différents musées sous une même
identité. Dans un tel contexte, quoi de mieux qu'un réseau social
pour communiquer sur cette notion de « réseau »?
a) La création d'effets de synergie pour une
visibilité accrue
Eva Venancio, Community manager au MNHN, souligne
l'intérêt des réseaux sociaux pour asseoir un
positionnement multi-sites. Rappelons-le, le MNHN comprend douze sites en
France. Il s'agit donc « d'essayer de faire comprendre que tous ces
sites éparpillés en France, c'est le Muséum national
d'Histoire naturelle. Donc on essaie de réinjecter du Muséum sur
les comptes des sites, ça signifie parfois partager une info du
Muséum, et puis pour le Muséum ça veut dire partager les
posts de tous les sites présents sur les réseaux sociaux. Cela
permet de créer une espèce de fil rouge (...) Les gens de
manière générale savent ce que c'est que le MNHN, c'est
associé à la recherche, aux squelettes de dinosaures, c'est la
Grande Galerie de l'Evolution donc on a beaucoup de fans sur le Muséum,
on en a moins sur le Musée de l'Homme donc ça permet de booster
la visibilité des autres sites, de toucher plus de publics »
(Eva Venancio, 2016). Le MNHN souhaite tirer parti des réseaux sociaux
pour créer des effets de synergie, c'est-à-dire de profiter de la
notoriété du MNHN - notoriété qui se mesure en
termes quantitatifs sur les réseaux sociaux : nombre de fans, de
followers, etc. - pour augmenter la visibilité de ses autres sites,
moins connus du grand public. L'image des musées plus confidentiels
(Arboretum de Chèvreloup, Harmas Jean-Henri Fabre, etc.)
bénéficierait ainsi de la notoriété
spontanée du MNHN. Cela n'empêche pas chaque musée d'avoir
sa propre ligne éditoriale, sa propre identité, car chaque
musée a son propre public cible. La communauté du Parc Zoologique
de Paris et celle du Musée de l'Homme n'est pas la même par
exemple.
b) Un souci de cohérence et
d'équité permanent
Toute la difficulté étant bien sûr de ne
pas pâtir d'effets de dilution de l'identité du Muséum ou
du musée-caution qui abriterait des musées aux identités
hétéroclites et avec des animateurs de communauté aux
personnalités et aux connaissances techniques différentes. Sur
les réseaux sociaux du MNHN, « la cohérence est dans les
visuels puisque nous produisons les vidéos, les photos, donc il y a une
ligne visuelle qui est un peu la même » (Eva Venancio, 2016).
Outre la cohérence visuelle, les contenus publiés sur les
réseaux sociaux du MNHN répondent aux mêmes
impératifs d'image. Le Muséum ayant une position d'expert - en
plus de la conservation et l'exposition d'oeuvres, les activités de
recherche et d'enseignement sont partie intégrante de ses missions - les
contenus en ligne doivent impérativement être scientifiquement
corrects pour conserver un positionnement de « qualité,
d'exactitude scientifique ».
Le Centre des Monuments Nationaux (CMN) est une autre
illustration de ces problématiques de réseaux. Le CMN
fédère plus de cent monument nationaux aux identités
très différentes tant en termes de la nature des monuments
englobés (abbayes, châteaux, sites archéologiques, etc.)
que de leur géographie ou leur histoire. L'ambition de la Mission
Stratégie, Prospective et Numérique du CMN
27
est de devenir tête de file du numérique culturel
patrimonial et ce via deux moyens : mettre les publics et les non publics au
centre de la stratégie numérique, et être fidèle aux
valeurs de solidarité et d'entraide propres à un réseau.
C'est-à-dire que les investissements dans le numérique doivent
servir à l'ensemble du réseau et ne pas avantager un site en
particulier (Museum Connections, 2016).
Sur les réseaux sociaux cette notion de «
réseau » se traduit par une politique de formation et de
coordination des community managers dispersés dans toute la France.
Comme au MNHN, l'équipe digitale a des fonctions transverses afin de
maintenir une cohérence sur l'ensemble de l'écosystème
numérique du CMN. L'équipe de Communication digitale du CMN
réalise une veille permanente pour garder un oeil sur les contenus
publiés par les sites dont elle n'administre pas directement les
réseaux sociaux. Cela permet à l'institution de garantir un
contenu de qualité (textuel et visuel) sur tous les comptes de
l'institution (Museum Connections 2016).
La création de Paris Musées en 2013,
relève de cette même stratégie de mutualisation des
compétences et des capitaux. La création de
l'établissement public administratif entendait simplifier la gestion de
quatorze musées municipaux parisiens et donner de la cohérence
à cet ensemble de lieux aux identités variées.
L'institution englobe aussi bien le Musée d'Art Moderne de la Ville de
Paris que le plus confidentiel Musée Bourdelle par exemple. La
création d'une identité fédératrice n'a pas
vocation à gommer le positionnement de chaque musée mais bien
à le valoriser, notamment sur internet, où le site et les comptes
de Paris Musées servent de relais de communication aux activités
des musées. L'équipe multimédia de Paris Musées a
également une activité de formation afin d'autonomiser les
équipes des musées dans leur prise de parole sur les
réseaux sociaux. C'est notamment important pour les petits
musées, peu à l'aise avec ces nouveaux outils (Mathey, Aude,
2013). Pour cela, un guide de bonnes pratiques a été
rédigé pour que tous les community managers du réseau
puissent bénéficier de l'expertise transversale de
l'équipe multimédia. Les équipes des musées,
familiarisées avec ces nouveaux outils, peuvent ainsi les utiliser dans
un cadre événementiel, qui nécessite davantage de
réactivité et d'efficacité. Lors de la Nuit des
musées par exemple, une équipe mobile de six personnes
formées pour l'occasion à l'utilisation de Twitter, relayait en
direct le déroulement de la nuit (Rapport d'activité Paris
Musées, 2014).
Conclusion 3) Les réseaux sociaux : De nouveaux
outils de médiation
Les canaux de communication ont jusqu'ici été
envisagés comme des moyens d'attirer les publics dans l'enceinte du
musée pour leur faire vivre une expérience esthétique et
didactique. Les réseaux sociaux changent le schéma traditionnel
de communication : émetteur-message-destinataire. Le destinataire est
lui-même émetteur et les messages institutionnels côtoient
ceux du public en ligne. L'interactivité qui caractérise les
réseaux sociaux apparaît comme une occasion unique pour les
musées de jouer leur rôle de médiateur de manière
moins institutionnelle. La qualité des contenus en ligne, doit
répondre à la même exigence de rigueur scientifique que
pour les supports traditionnels, mais s'adapter également aux codes
formels de ce média : le sérieux n'empêche pas l'adoption
d'un ton humoristique par exemple, ou d'un point de vue différent sur le
musée. C'est ce qu'on observe avec la création du compte Twitter
d'Adeline la girafe, déclinaison du compte Twitter institutionnel du
28
Parc Zoologique de Paris. Via cette page, le Muséum
donne un point de vue décalé, sur l'institution, celui d'une des
girafes emblématiques du lieu, suscitant davantage d'interaction avec le
public et modifiant par la même l'image du site. De même, la
création du hashtag #jourdefermeture par le Community manager
du Quai Branly, Sébastien Magro, offre aux internautes un point de vue
inédit et fascinant sur les musées. Les coulisses du musée
sont dévoilées lors du jour de fermeture, lundi ou mardi
traditionnellement, offrant un éclairage hebdomadaire sur des
métiers parfois méconnus du grand public : techniciens en charge
du montage et démontage des oeuvres, restaurateurs, etc. Ces points de
vue originaux sont une opportunité de donner une image différente
et enrichissante des musées, et constituent en cela une vraie valeur
ajoutée aux yeux des internautes.
Selon Adel Ziane, Directeur adjoint de la Communication au
Musée du Louvre, les publics sont dans l'attente d'une médiation
renforcée au sein et en dehors des musées grâce aux
nouvelles technologies. Ce besoin de médiation est d'autant plus
pressant que la société traverse « une crise de sens
» selon lui, et que le musée est justement perçu comme
un pourvoyeur de sens, garant de la restitution du passé mais aussi
décodeur du présent (Camillepb, 2013). Alors que la confiance
envers les institutions a tendance à s'éroder, le défi
pour les musées est de ne pas reculer face à la conversion
numérique au risque de perdre une opportunité de maintenir la
confiance d'un public connecté et avide de sens.
Nous allons maintenant étudier la stratégie de
positionnement du Muséum national d'Histoire naturelle (MNHN) et sa
déclinaison opérationnelle sur les réseaux sociaux afin de
voir comment l'image définie au niveau stratégique par un
regroupement de musées se décline de manière
opérationnelle sur les réseaux sociaux. Doit-on parler d'un
« repositonnement » du MNHN sur les réseaux sociaux ou d'un
simple prolongement du positionnement initial sur ces nouveaux canaux ?
29
II) Etude de cas : Le rôle des réseaux
sociaux dans la stratégie de positionnement du
Muséum national d'Histoire naturelle
1) Présentation du MNHN
A) Historique et missions
a) La pluridisciplinarité, au coeur de
l'histoire du MNHN
Le Muséum national d'Histoire naturelle (MNHN) a le
statut d'établissement public à caractère scientifique,
culturel et professionnel. Il est placé sous une double tutelle
ministérielle, dépendant à la fois du ministère de
l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la recherche, et
du ministère de l'environnement, du développement durable et de
l'écologie. Ceci s'explique par la diversité de ses missions qui
englobent : la recherche fondamentale et appliquée, la conservation et
l'enrichissement des collections du patrimoine naturel et culturel, mais aussi
l'enseignement, l'expertise et la diffusion du savoir (« Muséum
national d'Histoire naturelle », Wikipédia, 2016). Ces trois
composantes qui font l'identité du lieu à savoir, la
conservation, l'enseignement et la recherche, sont inscrites dans l'ADN du
Muséum. Le Jardin des Plantes, qui correspond au coeur historique du
Muséum, a été premièrement connu sous le nom de
« Jardin royal des plantes médicinales » par l'édit
royal de 1635. Le Jardin était attenant à un château de
Louis XIII. Des « démonstrateurs » y faisaient cours pour
former les futurs médecins et apothicaires à la botanique. En
plus de cette activité de formation, les démonstrateurs
dispensaient des cours de botanique en français, et non en latin,
à des fins de vulgarisation pour le grand public (Wikipédia,
2016). On pourrait donc décrire ces « démonstrateurs »
comme les premiers médiateurs du Muséum. L'activité de
recherche était déjà au coeur des missions du
Muséum naissant, notamment via des voyages d'étude dans les pays
lointains, encouragés par l'administrateur de l'époque, Guy
Crescent Fagon. Ce sont donc les missionnaires puis les médecins qui ont
permis la constitution des premières collections. Cette tradition de
voyages d'exploration s'est perpétuée à travers les
siècles et se pratique toujours aujourd'hui avec notamment deux grandes
collaborations internationales entreprises depuis 2011 avec le Brésil et
Madagascar (Stéphane Aulagnier et al., 2013).
Un décret de la Convention de 10 juin 1793 signe l'acte
de naissance officiel du Muséum national d'Histoire naturelle. Depuis
cette date, le musée s'est positionné comme acteur incontournable
dans la recherche en zoologie, botanique, géologie, minéralogie,
mais aussi en histoire de l'Homme. Ses collections d'une grande richesse sont
également parmi les trois premières du monde. Les 110 collections
sont reparties en différents lieux et renferment 68 à 70 millions
de spécimens des sciences naturelles. Le Muséum compte
également une bibliothèque patrimoniale, à la fois
instrument et objet de recherche. Dans le cadre de ses missions universitaires,
le MNHN assure la formation de plus de 300 étudiants de niveau Master et
plus de 150 doctorants (Stéphane Aulagnier et al., 2013).
La spécificité du MNHN, en comparaison des
musées « traditionnels », est qu'il s'agit à la fois
d'un lieu de création et de diffusion des savoirs. Des scientifiques
emblématiques qui ont marqué l'histoire
30
des sciences naturelles (Buffon, Lamarck, Geoffroy St-Hilaire,
Charles Naudin, Henri Becquerel, etc.) ont dirigé le Muséum
où y ont fait de la recherche. L'autre spécificité du MNHN
est sa configuration multi-sites. Une série d'extensions sont
entreprises aux XVIII et surtout XIXème siècles pour agrandir le
château d'origine de Louis XIII. Sont construites une galerie de
minéralogie, deux serres jumelles, une galerie de zoologie et une autre
de paléontologie. Les dernières acquisitions se font au sortir de
la Première Guerre Mondiale, dans et en dehors de la capitale. Le
Muséum hérite en 1922 de la propriété de
l'entomologiste Jean-Henri Fabre, près d'Orange. Pour favoriser ses
activités de recherche liées à la mer, il implante son
laboratoire maritime à Dinard en 1935. Par ailleurs, son activité
botanique ne s'étant pas démentie, il devient propriétaire
du domaine de Chèvreloup. L'inauguration du Musée de l'Homme en
1937, installé au nouveau Trocadéro, clôt cette
série d'acquisitions et porte à douze, le nombre de sites
appartenant au Muséum (cf. Annexe 1). En 2012, le MNHN a accueilli 10
millions de visiteurs sur l'ensemble de ses sites, dont 2 millions sur les
sites payants du Jardin des Plantes, qui continue à occuper une place
à part au sein de l'univers MNHN (Stéphane Aulagnier et al.,
2013).
b) Organisation du MNHN
La pluridisciplinarité du Muséum implique une
organisation particulière (cf. Annexe 2). En effet des directions dites
« transversales » ont un rôle de coordination et d'animation
des équipes. Elles ont aussi un rôle d'arbitrage
stratégique et sont chargées de veiller à maintenir une
cohérence dans la gestion des différents sites. Les cinq
directions transversales sont les suivantes : Direction des Collections,
Direction Bibliothèques et de la Documentation, Direction de
l'Enseignement, de la Pédagogie et des formations, Direction de la
Diffusion, de la Communication, de l'Accueil et des Partenariats, et enfin
Direction de la Recherche, de l'Expertise et de la Valorisation (Muséum
national d'Histoire naturelle, s. d.).
Bruno David a été nommé président
du MNHN en juillet 2015, conformément à la réforme des
statuts de l'établissement public engagée en 2001 et visant
à rationaliser l'organisation du MNHN malgré la diversité
de ses missions. En effet, comme le stipule le décret paru au Journal
officiel du 2 octobre 2014, le nouveau président du MNHN est «
choisi parmi les personnalités scientifiques » ce qui
assoit la légitimité scientifique du Muséum. Il assure la
direction de l'établissement, « assisté d'un conseil
scientifique qui dirigera le Muséum, assisté de directeurs
généraux délégués, l'un en charge des
ressources humaines, financières et de l'administration
générale, l'autre en charge des collections »,
autrement dit, en charge des fonctions transversales vues
précédemment. Cette nomination met un terme au poste de Directeur
Général, intégré aux fonctions du Président
du MNHN dans un souci d'efficacité. C'est ce qu'affirme Bruno David :
« Maintenant que la gouvernance du Muséum ne repose plus sur
une dyarchie mais sur une personne unique, le rapprochement indispensable entre
recherche et diffusion va se faire plus naturellement : nos galeries doivent
s'ouvrir à la recherche du XXIe siècle, elles doivent accueillir
plus largement la science pour répondre aux attentes de nos concitoyens.
» Le Président appelle à une fusion totale entre les
activités de recherche et de diffusion. L'ancien président du
MNHN, Gilles Boeuf, porte un regard plus critique sur cette reconfiguration.
Elle nuirait,
31
selon lui, au caractère pluridisciplinaire du
Muséum : « Le MNHN est un organisme scientifique qui a aussi
à gérer un établissement muséographique. Chaque
objet est d'abord un objet de recherche, un objet d'étude, la grande
différence avec un musée d'art. Mais un musée très
fréquenté est très difficile à gérer.
J'aurais préféré que l'on conserve la dualité.
Chacun son métier. Il y avait de la place pour deux » (Evin,
2015).
Le Président nommé, tient bien sûr un tout
autre discours. Ce dernier souligne la dimension fédératrice de
cette nouvelle organisation qui va permettre de chapeauter toutes les
activités du Muséum de manière cohérente et en
privilégiant les effets de synergie entre les différents sites du
Muséum. Bruno David parle d'un projet d'établissement «
intégratif », couvrant « toutes les missions,
toutes les composantes qui font le Muséum, ses différents sites
à travers la France, la variété de ses métiers et
de ses disciplines scientifiques. » Le Président actuel du
MNHN présente le caractère pluridisciplinaire du lieu à la
fois comme une force et une difficulté stratégique. «
Malgré cette diversité qui fait la complexité et la
richesse de cette institution, il n'y a qu'un seul Muséum, doté
d'un projet unique » (Evin, 2015). Le Muséum apparaît
ainsi comme un sujet d'étude particulièrement riche par son
histoire, par la diversité de ses collections, de ses missions, ou
encore des lieux géographiques couverts. Cette même
diversité implique un risque de fragmentation de l'identité du
Muséum ou du moins d'une perception partielle de son positionnement par
les publics.
B) Stratégie(s) de positionnement du MNHN
Il convient de reclarifier le positionnement
stratégique du Muséum avant d'en analyser la dimension
opérationnelle sur les réseaux sociaux. Comme nous l'avons vu
dans la revue de littérature, le positionnement présente une
double dimension : d'un côté nous avons l'image que le
musée veut occuper dans l'esprit des consommateurs culturels, et de
l'autre, nous avons l'image réellement perçue par les publics. Ce
différentiel entre l'image véhiculée et l'image
perçue a émergé lors de mon échange avec Eva
Venancio, Community manager au MNHN.
a) Le positionnement voulu
Le positionnement voulu par le MHNH se caractérise
avant tout par la rigueur scientifique et la fiabilité de son discours,
quel que soit le support qui le véhicule. Selon Eva Venancio : «
On veut véhiculer une image de qualité au grand public donc
ça suppose un contenu de qualité. Toujours publier du contenu qui
soit scientifiquement correct, ça c'est très important puisqu'on
est une institution scientifique, on est perçu comme des experts, donc
on n'a pas intérêt à se tromper. » Cette
volonté de légitimité scientifique se traduit
également dans la réforme organisationnelle du Muséum. Le
fait que Bruno David ait été nommé à la tête
du MNHN n'est pas anodin. Ce dernier est en effet un scientifique de
profession, qui a longtemps travaillé au CNRS et a présidé
le Conseil scientifique du Muséum pendant six ans avant sa nomination
à la tête du MNHN en juillet 2015, réaffirmant ainsi le
positionnement scientifique du Muséum. Il s'agit d'un positionnement
d'autant plus pertinent que,
32
comme nous l'avons vu en première partie, il
répond à la « crise de sens » traversée
par la société. Alors que la confiance envers les institutions a
tendance à s'éroder, les musées scientifiques sont des
références rassurantes, immuables, qui accompagnent et expliquent
les évolutions de notre environnement.
Le positionnement du musée a presque une dimension
idéologique. Le Président actuel du MNHN, Bruno David,
contextualise le positionnement de son institution pour mieux justifier sa
pertinence dans la société contemporaine : « Face
à la montée des mysticismes et obscurantismes de tous ordres
auxquels nous sommes confrontés, le Muséum doit se positionner et
initier une démarche intellectuelle qui permette de séparer les
échelles quotidiennes de temps et d'espace pour aborder
véritablement la question des futurs possibles » (Sorbonne
Universités, 2015). Le positionnement institutionnel du musée
s'inscrit donc dans la tradition rationaliste occidentale, voire positiviste,
par opposition aux croyances en tous genres. Le Muséum souhaite
réaffirmer le rôle de la science dans la société et
son utilité pour construire le monde de demain.
Un autre élément contextuel qui permet de
légitimer le positionnement du musée est celui de la crise
environnementale contemporaine. Le positionnement du musée comporte en
effet une dimension de préservation de l'environnement. En plus du
rôle de « conservation » partagé avec les musées
d'arts plastiques, les musées scientifiques, et le Muséum
particulièrement, ont un rôle de préservation de
l'environnement. En effet, le Muséum abrite des espèces animales
et végétales rares, et aborde la question environnementale d'un
point de vue scientifique pour inciter à la préservation de
l'environnement en s'appuyant sur des arguments irréfutables. Depuis ces
dernières années, le musée a affiché, dans ses
activités de recherche notamment, la volonté de travailler
transversalement sur les grandes questions environnementales actuelles,
abordant aussi bien les sciences de la nature que les sciences de l'Homme
(Stéphane Aulagnier et al., 2013). Cette composante du positionnement se
retrouve dans le discours du Président du Muséum : «
Nous sommes au bord d'une rupture environnementale majeure (...) Eveiller
la curiosité, promouvoir une culture de la nature appuyée sur des
connaissances scientifiques, s'inscrire dans une démarche de sciences
naturelles avec l'Homme, tel est mon engagement à la tête de cette
institution » (Evin, 2015).
Enfin, un dernier élément de positionnement qui
permet au musée de se différencier est à souligner. Il
s'agit de la notion de fonctionnement en réseau du Muséum. En
effet, comme nous l'avons vu plus haut, le MNHN comprend plusieurs sites, dans
plusieurs villes et avec des spécialités différentes
(botanique, paléontologie, minéralogie, etc.). Le MNHN a pour
volonté de transmettre une image unifiée de ses
déclinaisons régionales. Comme l'a souligné Eva Venancio
lors de notre entretien, l'objectif du positionnement est aussi «
d'essayer de faire comprendre que tous ces sites éparpillés
en France, c'est le Muséum national d'Histoire naturelle ». En
effet, le caractère transdisciplinaire et multi-sites du MNHN ne doit
pas faire oublier la raison d'être commune de ses différents
avatars. C'est le point le plus compliqué de la construction du
positionnement du MNHN.
33
b) Le positionnement perçu
La question de l'unicité du positionnement du
Muséum est précisément le point d'achoppement de
l'identité perçue du MNHN. Selon Eva Venancio : « tout
le monde ne sait pas que le Musée de l'Homme c'est le Muséum, que
le Jardin des Plantes c'est le Muséum, c'est un problème qui
existe depuis très longtemps. Les visiteurs ne comprennent pas
forcément que tous les sites sont liés. » Malgré
l'identité visuelle commune, la dispersion géographique brouille
le positionnement global du Muséum. En revanche, la Community manageur
du MNHN constate que la dimension scientifique du lieu, ses missions de
recherche notamment, a bien été perçue par les publics :
« Aujourd'hui le MNHN est perçu par nos fans, nos
abonnés, comme un Institut de Recherche, les gens ont bien
identifié que le Muséum c'est la recherche sur la
biodiversité, il y a pas mal de posts de cette nature, sur la
biodiversité, sur des questions d'identification d'animaux par exemple.
» De même que ses missions d'exposition des collections,
même si la vision en est parfois réductrice : « On nous a
bien identifiés aussi comme "musée qui présente des
squelettes de dinosaures", de paléontologie. » A noter que ce
constat du positionnement perçu émane, non pas d'étude des
publics, mais des impressions récoltées par mon interlocutrice au
fil de son activité de Community manager ou lors de ses rencontres avec
le public au Jardin de Plantes.
c) Publics visés
Selon le rapport d'évaluation du MNHN
réalisé par l'Aeres en 2013, le Muséum
bénéficie d'une image très forte aussi bien en France
qu'à l'étranger, grâce à son histoire, la richesse
de ses collections et la qualité de ses activités de recherche.
La notoriété internationale du MNHN est avantageuse car elle
permet d'attirer des chercheurs étrangers dans leurs équipes, de
même que les internationaux peuvent venir enrichir les rangs des
visiteurs. Car cette image positive n'est pas seulement partagée parmi
les publics scientifiques. Toutes les personnes qui se sentent
concernées par les questions de biodiversité et par les
problématiques environnementales sont des publics-cibles ou
déjà captifs du MNHN. Tous les supports de médiation
scientifique du Muséum (les Galeries pédagogiques, les programmes
de sciences participatives, etc.) traduisent cette volonté d'atteindre
le grand public et de ne pas cantonner l'offre culturelle du Muséum
à la communauté scientifique.
Si nous nous intéressons à un ciblage plus fin,
le positionnement du MNHN tend également à attirer les
étudiants puisque ces derniers alimentent les missions d'enseignement du
MNHN, qui est membre fondateur du pôle de recherche et d'enseignement
supérieur (Pres) Sorbonne Universités, avec les
universités Paris 2, 4, et 6 (Stéphane Aulagnier et al.,
2013).
Maintenant que nous avons éclairci les grandes lignes
du positionnement de l'institution étudiée, nous allons pouvoir
analyser son illustration dans les messages véhiculés par le MNHN
sur les réseaux sociaux. En effet, comme nous l'avons vu, il existe un
différentiel entre le positionnement voulu et le positionnement
perçu, dans le cas du MNHN, ce décalage vient essentiellement de
la perception
34
partielle qu'ont les publics de l'ensemble des sites du MNHN.
Ce décalage ne pourrait-il pas venir du message institutionnel
véhiculé ? Le message en lui-même ne traduit
peut-être pas assez clairement le positionnement souhaité
impactant ainsi le positionnement perçu. Ce message, censé
refléter le positionnement, change-t-il selon le support ou ne s'agit-il
que d'une adaptation aux codes du média utilisé ? Le
Muséum tire-t-il parti de toutes les potentialités
stratégiques offertes par les réseaux sociaux et
évoquées dans la revue de littérature pour donner à
entendre les grands axes de son positionnement ?
2) La présence du MNHN sur les réseaux
sociaux : La déclinaison opérationnelle de la stratégie de
positionnement du MNHN
A) La présence numérique du MNHN
a) De Facebook...
Le MNHN s'est d'abord positionné sur Facebook, ayant
rapidement perçu le potentiel prescriptif et participatif de ce
réseau social. La première page date de 2007 et était
consacrée à la Galerie de Minéralogie. Dès
l'origine, les réseaux sociaux ont donc reproduit la fragmentation du
MNHN. Par la suite une page Facebook du MNHN a été
créée, rassemblant sous une même identité visuelle
et un même flux de publications, l'ensemble des sites du Muséum.
Ce processus d'unification s'inscrit alors dans une dynamique transmedia qui
concernait aussi les supports de communication et de médiation
traditionnels avec la création d'une charte graphique commune à
tous les sites du Muséum et applicable à tous leurs supports de
communication. Investir les réseaux sociaux, notamment Facebook, en
2010, constituait aussi un moyen de travailler le positionnement du
Muséum en y valorisant ses activités méconnues du grand
public comme me l'expliquait Eva Venancio, Community manager au MNHN : «
On avait donc créé le Facebook de la Galerie de
Minéralogie et très vite on a voulu créer un Facebook pour
asseoir l'identité du Muséum puisque le Muséum c'est aussi
un Institut de Recherche que l'on voulait faire connaître. » Au
fil des ans, c'est donc un véritable réseau de comptes qui s'est
créé, capitalisant sur la présence en ligne des sites du
Muséum déjà actifs sur les réseaux sociaux. La
création du compte global du MNHN vient donc chapeauter cet
écosystème numérique pour lui donner une cohérence
d'ensemble.
b) ...A la diversification des réseaux
sociaux
La création de comptes sur de nouveaux réseaux
sociaux s'est imposée comme un moyen de toucher des publics
particuliers. Twitter par exemple cible des professionnels du monde des
musées, des journalistes et des chercheurs. Les activités
scientifiques sont donc davantage à même d'être
relayées sur ce média. Comme nous l'avons vu dans la revue de
littérature, les réseaux sociaux ne font pas seulement office de
canaux de communication, ils sont également des outils de
médiation. Ils servent notamment à valoriser et diffuser les
collections du musée de manière virtuelle, afin d'inciter
à
35
la visite in situ. Cette dimension de
médiation sur les réseaux sociaux a été
soulignée par Eva Venancio : « au fur et à mesure des
grands événements de l'institution, l'ouverture de la Grande
Galerie, du Musée de l'Homme, etc. on s'est placés sur de
nouvelles plateformes pour pouvoir diffuser nos collections. Instagram c'est
une manière de diffuser nos collections par exemple ». On note
ici la double fonction des réseaux sociaux : à la fois relais de
notoriété pour les musées récemment ouverts ou
réouverts (le Musée de l'Homme et le Parc Zoologique), et outil
de médiation pour donner à voir les collections qui y sont
exposées.
La création d'un compte sur Dailymotion occupe une
place intéressante dans l'écosystème numérique du
MNHN. « Dailymotion c'était une nécessité car on
avait besoin d'héberger nos vidéos et de les diffuser. On capte
nos conférences et nos cours depuis 2009 et notre site de
l'époque n'était pas du tout conçu pour héberger de
la vidéo et on n'avait pas les moyens financiers de mettre ça en
place. Donc on s'est très vite tournés vers une solution gratuite
qui permet en même temps d'avoir une bonne visibilité sur le
web » (Eva Venancio, 2016). Le canal Dailymotion du Muséum met
en valeur les missions d'enseignement du MNHN souvent méconnues. Le fait
que l'ensemble des cours et conférences y soient diffusés est une
illustration de la mission pédagogique du lieu. Par ailleurs, la
plateforme présente d'autres types de vidéos : « les
événements », « les coulisses », « les
métiers » ou encore les « propos de jardiniers ». Ces
différentes catégories de vidéos permettent de valoriser,
dans un format impactant et facilement accessible, la variété des
missions du MNHN, notamment via la présentation de ses équipes,
dans la rubrique des « métiers ». Le MNHN a bien perçu
la dimension stratégique de la vidéo sur ses réseaux
sociaux et accroît donc sa présence sur les plateformes
vidéos, notamment pour atteindre un public plus international : «
on s'est d'abord positionnés sur Dailymotion et ensuite on s'est
positionnés sur Youtube pour atteindre un public international, mais
ça suppose un gros travail de traduction » (Eva Venancio,
2016). La multiplication des comptes du MNHN ou de ses sites affiliés
sur les réseaux sociaux ne permet pas d'étudier finement le fil
rouge du positionnement institutionnel, c'est pourquoi notre analyse se
concentrera sur un réseau social en particulier, à savoir la page
Facebook officielle du MNHN.
B) Méthodologie de l'étude
sémiologique
Tout d'abord, pourquoi faire le choix d'une étude
sémiologique ? Rappelons que la sémiologie s'attache à
l'analyse de la signification des messages produits. Le message est au centre
de l'analyse et c'est ce qu'il véhicule de manière
intrinsèque qui est étudié, sans lien avec
l'émetteur et sans analyse de sa réception par un tiers. Cette
méthode nous parait donc appropriée pour étudier les
publications du MNHN sur son compte Facebook. Toutes les publications du MNHN
(textes, vidéos, photos) sont autant de signes censés
refléter l'image de l'institution. Cette étude nous permettra de
mettre en rapport, dans un second temps, le positionnement qui se dégage
de l'analyse sémiologique et le positionnement voulu par
l'émetteur, positionnement explicité plus haut. Nous nous
intéresserons donc principalement aux pôles « émetteur
» et « message » du schéma communicationnel, pour essayer
de cerner l'adaptation de l'émetteur, le MNHN en l'occurrence, aux
réseaux sociaux, notamment pour ce qui est de la formulation des
messages et de leur impact sur l'image du MNHN.
36
Existe-t-il un décalage entre ce qui est voulu par
l'institution, en termes d'image véhiculée, et ce qui est
réellement dit sur les réseaux sociaux par cette même
institution ? Ou au contraire est-ce que les objectifs de positionnement
trouvent leur accomplissement dans la stratégie éditoriale du
MNHN sur les réseaux sociaux ?
Nous nous intéresserons dans notre étude
sémiologique à la page Facebook officielle du MNHN. En effet,
c'est cette page qui pourra le mieux nous donner une idée du
positionnement global du Muséum et de son articulation avec le
positionnement des douze sites qui le constitue. Car chacun des sites n'est pas
présent sur les mêmes réseaux sociaux, et de plus, un
même site peut avoir différents comptes. Le Jardin des plantes
présente certes un nombre de fans plus importants que le MNHN (88 000
contre 53 000 pour le MNHN) mais une analyse concentrée sur la page
Facebook du Jardin des Plantes n'offrirait qu'une vision partielle des
connections qui peuvent exister entre les différents sites du
Muséum ; c'est donc bien la page officielle du MNHN qui peut occuper ce
rôle de double médiateur : pour les différents
musées de l'institution et bien sûr pour les publics.
Quant aux pages Facebook Vigie Nature et La Planète
Revisitée également administrées par le Muséum,
elles s'adressent à un public plus ciblé que celui de la page
officielle, c'est pourquoi nous ne les intègrerons pas à
l'analyse. Vigie Nature est un observatoire de la biodiversité
piloté par le MNHN. La page Facebook qui lui correspond concentre donc
des publications pour inciter les internautes à contribuer aux
programmes de sciences participatives (« Enquêteurs de nature
», « Birdlab », etc.) du Muséum, lui permettant ainsi de
collecter des informations sur la faune et la flore grâce à l'aide
des citoyens engagés dans ces opérations. La Planète
Revisitée est le nom donnée au programme d'expéditions
naturalistes du MNHN. La page Facebook du même nom fait principalement
office de « journal de bord » des différentes
expéditions en cours, notamment celle de Mitaraka, en Guyane, afin de
faire l'inventaire de sa biodiversité « négligée
» (
http://laplaneterevisitee.org/fr).
Ces deux pages paraissent donc plus « spécialisées »
que celle du MNHN qui sert de relais à ces opérations
particulières entreprises par le musée mais aussi à toutes
les autres missions de l'institution.
La page Facebook du MNHN nous semble ainsi la plus
fédératrice tant en interne, en termes de visibilité de
tous les sites du musée, qu'en externe, en termes de diffusion des
contenus au plus grand nombre, et non à un public de niche. En effet, un
visiteur sera plus à même de consulter la page Facebook du
Muséum national d'Histoire naturelle avant ou après sa visite que
celle plus confidentielle de Vigie nature.
De plus, le choix de Facebook s'explique par un souci
d'exhaustivité et de cohérence. En effet, chaque réseau
social a ses codes et l'analyse sémantique varierait d'une plateforme
à l'autre. Par ailleurs, Eva Venancio a souligné la
prédominance stratégique de ce réseau social : «
en termes de quantités de compte créés et de temps,
c'est vrai qu'on se concentre plus sur Facebook, on pense plus à des
jeux concours sur Facebook, à créer du contenu pour Facebook que
pour Twitter, Instagram...Il y a beaucoup plus d'utilisateurs que sur Twitter.
Mon activité principale est le webmastering, je suis obligée de
rationaliser mon temps, je dois me concentrer sur quelques réseaux donc
c'est vrai que je choisis de passer plus de temps sur Facebook que sur Twitter.
Même si j'essaie de relayer les mêmes informations sur les deux,
mais voilà quand on parle "réseaux sociaux"
37
actuellement en interne, on pense plus à Facebook
» (Eva Venancio, 2016). Par métonymie, il semblerait donc que
Facebook résume les réseaux sociaux au sein du MNHN, ou du moins
occupe une place privilégiée au sein de
l'écosystème numérique du Muséum. La page Facebook
du MNHN est d'ailleurs le premier réseau social officiel
référencé lors d'une recherche Google sur le Muséum
national d'histoire naturelle, suivi par la chaîne Dailymotion du
Muséum.
Pour ce qui est du corpus, nous avons choisi de
séquencer l'analyse en quatre temps, afin de ne pas pâtir de
possibles effets de saisonnalité dans les publications
(récurrence de l'annonce d'une exposition ou d'un
événement du MNHN par exemple) et pour voir l'éventuelle
évolution de la ligne éditoriale au fil du temps. Nous allons
donc étudier en profondeur les messages de juillet-août 2010 qui
correspondent aux toutes premières publications suite à la
création de la page officielle du MNHN, ceux de septembre 2012, mars
2014 et enfin les messages du mois de février 2016.
C) Analyse du paratexte
Dans un premier temps, nous allons analyser les
éléments du «paratexte », c'est-à-dire les
signes qui ne correspondent pas à des publications quotidiennes du MNHN
mais qui participent de l'identification de l'émetteur. Contrairement
aux messages publiés quotidiennement et qui apparaissent dans le journal
du MNHN et dans le fil d'actualités des abonnés, ces signes ont
vocation à donner des informations pérennes, notamment des
informations pratiques et historiques dans l'onglet « A propos ». On
y trouve la description suivante :
« Brève description
Le Muséum national d'Histoire naturelle se
déploie sur plus de 14 sites à Paris, en Île-de-France et
en régions. Établissement scientifique, le Muséum est
tourné vers la recherche et la diffusion des connaissances.
Longue description
À la fois établissement scientifique et
service public, tourné vers la recherche et la diffusion des
connaissances, le Muséum assume 5 grandes missions fondatrices qui
régissent et nourrissent l'ensemble de ses activités :
- Recherche fondamentale et appliquée ; - Gestion et
conservation des collections ; - Enseignement et pédagogie ;
- Diffusion des connaissances ;
- Expertise. »
38
Cette présentation est assimilable à la
finalité oratoire de l'ethos. Par cette présentation très
institutionnelle, le MNHN vise à se concilier la bienveillance de
l'auditoire, en l'occurrence des internautes et à asseoir son
autorité morale.
L'onglet « Photos » est également une mine
d'informations intéressantes qui permet de retracer quelques-uns des
événements phares de l'institution en photos. La
possibilité de créer des albums photo thématiques est peu
exploitée, il y en a trois pour l'instant : « Les animaux font le
mur », « La visite de la zoothèque avec les fans » et
celui créé pour le « Festival d'automne du 13 septembre au
11 novembre 2013 ». L'album « Les animaux font le mur » renvoie
à une opération menée par le MNHN en 2014, dans le cadre
des Journées du Patrimoine qui avaient pour thème «
Patrimoine culturel et patrimoine naturel » et à l'occasion des
vingt ans de la Grande Galerie de l'Evolution. L'opération est ainsi
décrite sur le site web du MNHN : « Le Muséum, où
la nature est depuis toujours source d'inspiration pour les artistes, a
proposé à plusieurs grands musées parisiens d'accueillir
à leur tour ses animaux. Les musées se sont prêtés
au jeu et présentent des spécimens naturalisés en lien
avec leurs oeuvres ou bien de façon totalement décalée.
» Les photos, toutes créditées par le MNHN, illustrent
bien ce décalage en nous donnant à voir les animaux
naturalisés qui intègrent et se fondent ingénieusement
dans les collections du Petit Palais, du Musée de Cluny, du Musée
du Louvre, du Musée d'Orsay ou encore du Musée Eugène
Delacroix. Toutes les photos ont dans leur légende le
hashtag #animauxfontlemur et le hashtag du
musée partenaire.
Le reste des photos non classifiées en album correspond
aux photos utilisées quotidiennement par la community manager pour
illustrer ses publications, de même que toutes les photos de profil ou de
couverture utilisées jusqu'à aujourd'hui. Deux photos de profil
ont été utilisées. La photo de profil habituelle
correspond à l'identité visuelle du MNHN : le nom du
Muséum décliné dans une police blanche sans
empâtement, en majuscules, sur un fond noir. Le terme Muséum est
mis en avant par une taille de police supérieure et par sa
présence écrasante sur une seule ligne, tandis que le reste de
l'identité « national d'Histoire naturelle » occupe la seconde
ligne dans une taille de police inférieure. Chaque vocable («
national », « d'Histoire » et « naturelle ») est
placé sous une syllabe de « Muséum ». Si l'on s'en
tient à la définition du Petit Larousse, un muséum est
« un musée consacré aux sciences naturelles ». Le terme
Muséum accolé à celui « d'histoire naturelles »
est donc presque une tautologie. Cela pourrait expliquer la
prépondérance de Muséum dans l'identité visuelle du
MNHN, le Muséum exprime en soi la spécificité
thématique du lieu. Par ailleurs, la sobriété chromatique
(noir et blanc) et typographique du logo donne une dimension universelle
à l'institution, comme si parmi tous les muséums, c'est bien
celui-ci qui faisait office de référence absolue.
La seconde image de profil utilisée par le MNHN
s'inscrit dans le contexte exceptionnel des attentats terroristes du 13
novembre 2015. Pour signifier le bouleversement provoqué par les
attentats, le MNHN a modifié sa charte graphique en inversant son code
chromatique noir et blanc, et en introduisant une bande noire qui traverse le
logo, en signe de deuil national. La permanence habituelle du logo
institutionnel décrit auparavant (et réadopté depuis), ne
fait que renforcer le contraste entre la photo de profil créée en
hommage aux victimes des attentats. Cette image de profil
rappelle que le musée est un acteur au sein de la
société civile, c'est pourquoi il ne saurait rester dans un
rôle de froideur institutionnelle lorsque cette dernière est
atteinte.
39
L'image de profil est accompagnée d'une mention visant
à définir mais aussi référencer le Muséum
sur les réseaux sociaux : « Muséum national d'Histoire
naturelle / Musée (histoire) - Service de recherche ». Ce «
sous-titre » resitue le Muséum dans un contexte plus large qui est
celui de la recherche, et non plus seulement aux notions de conservation et de
diffusion des collections habituellement rattachées au terme de «
Musée ». Les activités d'enseignement ne font en revanche
pas partie du sous-titre. Le Musée de l'Homme met par exemple en avant
les éléments suivants : « Musée de l'Homme :
Musée - Tourisme & visites guidées ». Chaque lieu se
définit ainsi par quelques activités clés au risque de
donner une vision partielle de ses missions.
La catégorie des « photos de couverture »
peut être divisée en deux sous-catégories. On distinguera
les photos de couverture contextuelles de celles plus atemporelles. Les
premières renvoient à la promotion d'expositions temporaires,
toutes au Jardin des Plantes. La mention des dates, voire le rajout d'un
bandeau rouge « prolongation », a une fonction conative,
c'est-à-dire qu'elle pousse les internautes à organiser une
visite dans le délai imparti. Cette fonction incitative est
renforcée par la présence d'un rectangle bleu «
Réservez maintenant », sur la photo de couverture, qui renvoie
l'internaute à la billetterie en ligne. La complémentarité
entre le sentiment d'urgence provoqué par le rappel des dates de
l'exposition temporaire et la conversion effective de ce sentiment d'urgence en
visite est particulièrement intéressante, notamment dans le cadre
d'un objectif d'augmentation de la fréquentation.
Les autres photos de couverture tendent davantage à
illustrer les collections permanentes du MNHN. On peut par exemple y voir un
échantillonnage de la Galerie de Minéralogie, en
référence aux spécificités des collections du
Muséum.
L'onglet « Photos » comprend également
l'ensemble des vidéos postées par le MNHN sur sa page Facebook.
Ces vidéos ne sont pas les mêmes que celles diffusées sur
Dailymotion qui fait la part belle aux cours du MNHN. Les vidéos
Facebook sont des formats bien plus courts, de 3 minutes maximum. Dans ces
vidéos le thème de la préservation de la
biodiversité, partie intégrante du positionnement du MNHN, est
omniprésent. En termes de volumes, deux séries de vidéos
se distinguent : une série
40
réalisée et diffusée dans le cadre de la
COP21 dans laquelle des chercheurs du Muséum expliquent les effets du
changement climatique sur la biodiversité et l'Homme. La deuxième
série de vidéos concerne l'opération du Tour de France de
la diversité. En parallèle du Tour de France de cyclisme, le
Muséum a lancé son propre Tour de France, jalonné par les
spécificités naturelles des lieux traversés, et
accompagné d'un discours de sensibilisation à la faune et la
flore rencontrées en cours de route. Chaque vidéo est introduite
par l'ancien coureur cycliste Bernard Hinault, ensuite relayé par une
voix off qui présente une brève analyse géologique,
botanique, etc. du lieu traversé.
Sur le même thème de la biodiversité, une
vidéo promeut l'inscription à un MOOC sur le sujet,
dispensé par des professeurs affiliés au MNHN. L'activité
d'enseignement du MNHN est ainsi rappelée.
Le second grand axe thématique des vidéos
concerne l'annonce d'expositions temporaires ou d'événements qui
auront lieu au MNHN : projections de film, Nuit européenne des
musées, Fête de la science, etc. Les vidéos font alors
office de bandes annonces et en affichent les même codes : format
condensé, rythme soutenu et informations pratiques à la fin.
Avec, là encore, une dimension conative importante, puisque en un clic,
à la fin de la vidéo, l'internaute est renvoyé sur la
billetterie en ligne, sur le site internet du MNHN.
Le reste des vidéos concerne des thématiques
hétéroclites.
Une catégorie de vidéos met en scène les
animaux emblématiques du MNHN, dans un format presque feuilletonesque :
la pesée de Pati et Jaya, deux petites panthères, à la
Ménagerie du Jardin des Plantes, la mort de Kiki, la tortue centenaire
de la Ménagerie fait l'objet d'une vidéo spéciale, tout
comme le départ pour l'Algérie de l'hippopotame du Parc
Zoologique de Vincennes Rodolphe.
Certaines vidéos sont plus particulièrement
destinées aux enfants, ou plutôt aux parents d'enfants en bas
âge, Facebook étant autorisé à partir de 13 ans.
Dans cette catégorie nous trouverons une vidéo invitant à
télécharger l'application Adeline la girafe, une application
ludo-éducative sur la faune et la flore, avec, pour protagoniste, la
fameuse girafe qui est également à l'origine d'un compte Twitter
à part entière, gage d'une vision décalée sur
l'institution du MNHN, comme nous l'avons vu plus haut. La vidéo
présente un style naïf, avec des collages et des dessins, en
cohérence avec la cible finale du produit promu. Les enfants
étaient également le public mis à l'honneur avec des
vidéos publiées à l'occasion de l'ouverture de la Galerie
des Enfants ou encore lors de publications faites le mercredi,
accompagnées du hashtag #jourdesenfants et
présentant la Grande galerie de l'évolution bien animée
par la nuée d'enfants.
Enfin la dernière catégorie de vidéos que
l'on a pu distinguer concerne les métiers du Muséum. A noter que
cette dernière catégorie est compatible avec d'autres
thématiques. Par exemple, dans la vidéo publiée à
la mort de la tortue Kiki, un taxidermiste du Muséum nous explique
l'histoire de Kiki et la manière dont sa dépouille va être
traitée. Via de courtes interviews, d'autres métiers sont mis en
avant : Jack Thiney, préparateur et restaurateur de collections, nous
explique comment a été naturalisé un rhinocéros
à l'époque de Louis XV qui a ensuite intégré les
collections du Muséum, les soigneurs de la Ménagerie sont
présentés comme de vrais « mères poules »,
tandis que l'équipe de la
41
nurserie de la Ménagerie est présentée
dans une vidéo accompagnée du texte suivant : « La
nurserie de la Ménagerie accueille les nouveaux pensionnaires
ailés. Les soigneurs s'occupent d'eux depuis leur naissance
jusqu'à l'âge adulte. Cet espace est ouvert à la visite.
» Les métiers du MNHN sont ainsi valorisés et mis sur
le devant de la scène, les visiteurs sont d'ailleurs incités
à les rencontrer pour enrichir leur visite.
Un autre onglet faisant partie du paratexte s'intitule «
Twittez avec le Muséum ». En cliquant dessus, on retrouve tous les
Tweets du Muséum, avec une incitation à suivre le compte Twitter
du Muséum. On retrouve cette même idée de lien entre les
différentes plateformes du Muséum dans l'onglet « Plus
» où l' « Instagram Feed » permet de voir toutes les
photos publiées sur le compte du MNHN. Ce même onglet
présente un lien vers les publications scientifiques du Muséum,
mêlant ainsi les supports traditionnels et contemporains pour
véhiculer les contenus scientifiques de l'institution.
L'onglet « Plus » permet aussi d'avoir un
aperçu des événements organisés au MNHN. On notera
que tous les événements qui ont été
déclinés en « événements Facebook »
avaient lieu sur un des sites du Jardin des Plantes. Enfin c'est
également dans cet onglet qu'on trouvera un élément
essentiel du paratexte, à savoir les avis des internautes. Tous les avis
servent à générer une note globale qui est
attribuée à l'institution par Facebook. Le MNHN se voit attribuer
la note de 4,5/5. Nous ne nous attarderons pas sur ces avis car ils ne sont pas
émis par le MNHN or c'est le discours généré par
l'émetteur qui nous intéresse particulièrement dans cette
analyse. On notera toutefois une grande majorité de commentaires
élogieux, dans des langues variées, à l'image des
visiteurs internationaux du Muséum. Les rares commentaires discordants
ne concernent pas le contenu des collections mais plutôt l'accueil, les
tarifs, la scénographie ou l'accessibilité handicapés.
Un élément du paratexte nous semble
particulièrement intéressant. Il s'agit de la frise
chronologique, située sur la droite de la page.
Les grands jalons du Muséum y sont relatés de
manière didactique et illustrée. La frise débute à
la date de 1793, c'est-à-dire à la naissance officielle du
musée.
42
Le faible nombre de likes (5 mentions « j'aime
») s'explique par le statut particulier de ces posts « historiques
» qui supposent une réelle curiosité de l'internaute. Ce
dernier ne peut en effet y avoir accès qu'en cliquant sur la date
d'origine du musée qui apparaît dans la frise ; il ne peut tomber
dessus par hasard en scrollant sur la page, car ce post se situe bien trop en
amont des publications actuelles et a été publié alors que
la page du MNHN était encore assez confidentielle.
En cliquant sur les grandes dates-clés
sélectionnées par le Muséum pour illustrer son histoire,
l'internaute peut également voir défiler les portraits des
premiers scientifiques qui ont fait de la recherche au sein du MNHN, ou encore
ceux des directeurs et professeurs qui ont marqué l'institution au fil
des siècles. L'annonce des ouvertures successives des galeries et
extensions du Muséum font également l'objet de posts «
historiques ». Il s'agit d'un exemple de storytelling
intéressant, au service de la mission pédagogique du
musée. Chaque post « historique », c'est-à-dire
recréé, a posteriori, suite à l'ouverture du
compte Facebook en 2010 est signalé par un petit drapeau bleu pour
indiquer son caractère décisif dans l'évolution de
l'institution.
On trouve ici un travail sur la dimension de mémoire,
qui est comme nous l'avons vu dans la revue de littérature, une
composante essentielle de l'identité de la marque muséale. Cela
permet de donner corps à l'histoire de l'institution, de l'inscrire dans
la continuité de son riche passé en incluant un ensemble de dates
charnières qui apparaissent sur le mur du Muséum. Au fil de la
frise, 2010 apparaît
43
comme une date particulièrement charnière sur le
mur du MNHN. Deux publications successives annoncent des réouvertures,
celle des Grandes Serres et de la Galerie des Enfants. C'est suite à ces
réouvertures que le compte a été créé et
alimenté régulièrement depuis.
Enfin, le dernier élément du paratexte qu'il
nous semble pertinent de relever car il sert également d'indicateur de
suivi à l'institution elle-même, est le nombre de mentions «
j'aime » attribuées à la page. Le nombre est fluctuant (les
internautes peuvent finir par cliquer sur « je n'aime plus » pour ne
plus voir apparaître les posts du MNHN dans leur fil d'actualités)
mais la tendance est à la hausse de manière
générale. Au 15 février 2016, la page comptait 53 242
mentions « j'aime ». A titre de comparaison, à la même
date, la page du Jardin des Plantes en comptait 89 135, la Ménagerie 15
208, le Musée de l'Homme 13 346, Vigienature 5595 et l'Arboretum de
Chèvreloup 1 081. Quant aux pages aimées par le MNHN, on retrouve
tous les sites du MNHN qui disposent d'un compte Facebook officiel : le Jardin
des Plantes, Musée de l'Homme, Grande Galerie de Minéralogie,
Grande Galerie de l'Evolution, le Parc Zoologique de Paris, le Jardin Botanique
Exotique Val Rahmeh, le Harmas Jean-Henri Fabre, la Réserve Zoologique
de la Haute-Touche et le Musée Buffon.
3) Les quatre séquences d'analyse
A) 1ère séquence d'analyse :
juillet-août 2010
Sur cette première séquence d'analyse, on
remarque les partis pris éditoriaux généraux du MNHN,
comme le fait de s'exprimer à la troisième personne du singulier,
introduisant une certaine distanciation vis-à-vis de l'internaute. En
atteste, le premier post de 2010 : « La Réserve de la
Haute-Touche, parc animalier du Muséum national d'Histoire naturelle,
inaugure la nurserie des cistudes, espèce en danger d'extinction en
France. » Il est intéressant de constater que ce premier post
est consacré à un des sites non parisiens du MNHN. L'utilisation
de la préposition (« parc animalier du
Muséum ») et de l'apposition (« La
Réserve de la Haute-Touche, parc animalier du
Muséum ») institutionnalise l'appartenance de la
Réserve à l'identité globale du MNHN, comme s'il
s'agissait d'un slogan : « La Réserve de la Haute-Touche, parc
animalier du Muséum national d'Histoire naturelle ». Une
deuxième référence à un site du MNHN en province
est réalisée au cours de l'été 2010. Il s'agit de
la valorisation d'une retombée médiatique à propos de
l'Arboretum de Chèvreloup : « L'Arboretum de Chèvreloup,
vous connaissez ? Non ? Ushuaia TV est partie à la découverte de
ce site du Muséum, à vous de le découvrir à
présent ! » La tournure interrogative et l'exhortation
exclamative lancée à l'internaute (« à vous de le
découvrir à présent ! ») visent à
susciter sa curiosité afin de le rediriger vers le visionnage en replay
du documentaire sur
Ushuaiatv.fr. Ces deux posts, en plus
de faire référence au « réseau MNHN », font
écho à une composante essentielle de son positionnement,
partagée par l'ensemble de ses sites : la protection de la faune et la
flore. Le champ lexical de la menace est présent dans le post sur la
Réserve de la Haute-Touche (« en danger d'extinction
») et contraste avec le terme de « nurserie »
associé au MNHN et qui a une connotation plus rassurante ; de même
que la référence à l'émission Ushuaïa
positionne automatiquement l'Arboretum de
44
Chèvreloup dans une démarche de
préservation de la biodiversité, conformément à la
ligne éditoriale très marquée de cette émission
télévisée.
Sur la période étudiée, les
expéditions scientifiques entreprises par le MNHN ont fait l'objet de
trois publications avec des liens renvoyant vers des articles plus
détaillés à propos de ces projets, sur le site du MNHN,
mais maintenant indisponibles car trop anciens : « Les chercheurs du
Muséum sillonnent le monde ! En 2008, ils ont découvert les
restes fossilisés d'un cachalot géant du Miocène au
Pérou ! », « Une équipe de scientifiques du
Muséum national d'Histoire naturelle et du CNRS part au Spitzberg le 8
juillet 2010 à la recherche des premiers insectes apparus sur Terre
» et aussi « Partis au Groenland pour rechercher l'origine des
insectes, les scientifiques du Muséum reviennent avec de nouvelles
données ».
Ces posts valorisent les activités de recherche
scientifique du MNHN qui se déroulent aussi hors les murs. C'est presque
une image d'aventure qui est véhiculée via le champ lexical de la
quête (« sillonnent le monde », « ont
découvert », « à la recherche de »,
« rechercher l'origine ») mais aussi grâce aux
connotations exotiques des destinations évoquées («
Pérou », « Spitzberg », «
Groenland »). La publication d'un lien, le 30 août 2010,
vers un article détaillant les principales expéditions
scientifiques du Muséum, file la métaphore de l'aventure : «
Explorer, découvrir, étudier, inventorier, les scientifiques
du Muséum partent à la poursuite de la biodiversité
à travers le globe, pour mieux la connaître et mieux la
préserver. Découvrez les grandes expéditions scientifiques
du Muséum ! » Là encore, des termes tels que «
à la poursuite de », « à travers le globe »,
« les grandes expéditions scientifiques »
confèrent un caractère presque épique à ces
projets. L'emploi d'une série d'infinitifs et la dernière phrase
à l'impératif dynamise la publication, de même que le
rythme binaire final qui, avec la répétition de l'adverbe «
mieux », souligne les objectifs de préservation de la
biodiversité visés par ces expéditions scientifiques.
Ces trois publications sont aussi un moyen de mettre en valeur
la variété des métiers du MNHN, en l'occurrence les
métiers des chercheurs du MNHN. D'autres publications servent à
mettre tout l'éventail des métiers du MNHN sur le devant de la
scène durant l'été 2010 telles que : « Rencontrez
les soigneurs de la Ménagerie pendant le mois d'août autour des
tortues géantes, des petits pandas et des orangs-outans » ou
bien cette vidéo de lancement de l'exposition sur les requins, à
l'Aquarium de la Porte Dorée, à laquelle a participé le
MNHN. Dans cette vidéo, une série d'experts de différentes
institutions interviennent (un chercheur spécialiste des
vertébrés paléozoïques, un ichtyotaxidermiste, etc.).
Enfin, même si la vidéo présente un projet hors les murs,
la participation du MNHN au projet se justifie par la similarité du
positionnement de l'Aquarium de la Porte Dorée et de celui du MNHN. En
effet, la Chef de projet de l'exposition sur les requins exprime ainsi les
partis pris de l'exposition : « il y a un grand parti pris qui est de
casser l'image des grandes dents (...) maintenant le requin c'est plus du tout
ça (...) ils sont en voie de disparition ». On retrouve
l'idée de préservation de la biodiversité qui est
également un pilier du positionnement du MNHN.
45
Sur la période de l'été 2010, on
relève la présence de deux publications en lien avec les animaux
résidents du MNHN. Ces posts connaissent toujours un nombre de
likes supérieur à la moyenne de la période
étudiée qui est de 3 par post. Cela peut certainement s'expliquer
par la finalité du message des posts en question, davantage de l'ordre
du pathos que du logos. Lors de la naissance de « Luwu, le petit bovin
du monde à la Ménagerie du Jardin des Plantes », le
message suivant a été publié : « La
Ménagerie du Jardin des Plantes souhaite la bienvenu à un nouveau
résident ! ». Le fait de personnifier les animaux et de tenir
les internautes au fait de leur évolution crée un lien de
proximité intéressant avec les collections dites « vivantes
» du MNHN. C'est également sur cette période qu'a
été publiée la vidéo annonçant la mort de
Kiki la tortue mâle géante des Seychelles. La tortue est
présentée comme une « vedette » de la Ménagerie.
On note toutefois la tonalité humoristique malgré
l'émotion : « Très aimé du public parisien, Kiki
était célèbre pour ses ébats amoureux
démonstratifs accompagnés de grognement qui retentissaient dans
tout le Jardin des Plantes. » La touche d'humour est également
perceptible dans le contraste entre la musique mélodramatique et la
scène de taxidermie qui s'ensuit dans la vidéo, occasion,
là encore de donner la parole aux « métiers de l'ombre
» au sein du Muséum, avec l'interview de Christophe Voisin,
taxidermiste et Gérard Dousseau, Chef soigneur au MNHN. Le pathos suit
de près le logos dans les publications du MNHN qui allient rigueur
scientifique et légèreté de ton. Dans cette même
publication sur la mort de Kiki, on remarque un effort de clarté dans la
présentation de la Ménagerie : « Kiki, tortue mâle
géante des Seychelles, Dipsochelys elephantina, « doyen des
français », s'est éteint le 30 novembre 2009 à la
Ménagerie du Jardin des Plantes, établissement du Muséum
national d'Histoire naturelle. » Là encore, l'emploi de la
préposition et de l'apposition (« la Ménagerie du Jardin
des Plantes, établissement du
Muséum national d'Histoire naturelle ») va dans le
sens de la construction de l'image de réseau voulue par le MNHN.
Un quart des posts de la période étudiée
concernent les événements scientifiques lancés par le MNHN
(en dehors des expéditions). On relève par exemple un post sur le
projet de sciences participatives impulsé par le MNHN : «
L'observatoire de la biodiversité des jardins ouvre l'enquête!
Curieux de nature, recensez les papillons et les escargots dans les jardins et
envoyez vos observations au Muséum ! » Les deux tournures
exclamatives, de même que la notion d' « enquête »,
visent à susciter l'intérêt des internautes, qui sont
d'ailleurs directement apostrophés, comme dans un discours politique :
« Curieux de nature, recensez les papillons ». Les autres
publications mettant l'accent sur les activités scientifiques du
Muséum sont en lien avec ses missions de recherche : « Plus de
700 chercheurs issus de 54 pays feront le point sur l'avancée de leurs
travaux en archéozoologie durant les quatre dernières
années lors du 11e congrès mondial d'archéozoologie qui se
tiendra au Muséum et sur le campus de Jussieu » ou
d'enseignement : « Tous les jeudis, à partir du 16 septembre,
assistez au cours publics et gratuits au Grand Amphithéâtre du
Muséum » et de diffusion : « Retrouvez toutes les
vidéos du Muséum sur
mnhn.fr : conférences,
séries documentaires, interview... ». On notera la
différence des modalités employées entre un
événement réservé à des experts (avec le
futur simple «feront le point sur l'avancée de leurs travaux en
archéozoologie ») et un événement ou le grand
public est invité à participer (avec l'impératif : «
assistez », « retrouvez »).
46
Le MNHN publie également des posts sur les
actualités scientifiques qui rejoignent les grandes thématiques
inhérentes au positionnement du Muséum. Le partage d'un article
intitulé « L'orang-outan crie, la femelle passe »
publié sur le site de Pour la science, l'annonce d'une récompense
scientifique « 2 grands scientifiques, Robert Barbault et Bernard
Delay, récompensés pour l'ensemble de leurs travaux et leur
rôle important pour le développement de l'écologie
scientifique » ou d'une découverte scientifique « Une
importante découverte scientifique : le type d'interaction entre les
espèces jouerait un rôle fondamental dans la stabilité des
communautés écologiques » se classent dans cette
catégorie des actualités scientifiques au sens large, mais en
lien avec les thèmes présentés au Muséum :
l'écologie, la biodiversité, la préservation de la faune
et la flore.
Enfin, on note la présence de posts de «
vulgarisation scientifique », qui visent à offrir un point de vue
décalé sur la science. Le MNHN a par exemple partagé un
article de Slate.fr intitulé « Bricoler comme MacGyver, un
mythe ou une réalité ? » dans lequel un astrophysicien
au CEA et professeur à Polytechnique interroge les compétences
scientifiques du héros bricoleur de la série des années
1980. Un autre fruit de la veille médiatique du MNHN est la publication
d'un post sur l'illustratrice Marion Montaigne, qui s'est fait une
spécialité de la vulgarisation scientifique humoristique : «
Vue sur le net : des concepts scientifiques expliqués avec
(beaucoup) d'humour pour mourir moins bête... ». Publication
accompagnée du lien vers le blog de Marion Montaigne qui a pour titre
« Tu mourras moins bête ».
B) 2ème séquence d'analyse : septembre
2012
En comparaison avec la période
précédemment étudiée, on constate que la moyenne du
nombre de likes par post a nettement augmenté passant de 3
à 32. Cela peut s'expliquer par la croissance du nombre d'abonnés
et de la notoriété grandissante de la page du MNHN en l'espace de
deux ans. En effet, fin août 2012, le MNHN célébrait le
fait d'avoir atteint le seuil des 6 000 abonnés. La fréquence de
publication est en revanche restée la même, avec des publications
assez erratiques. Nous ne sommes pas sur un rythme de publications
quotidiennes, les posts sont en effet souvent entrecoupés de plages de
silence de deux ou trois jours. En septembre 2012, contrairement à la
première période étudiée, on ne dépasse
jamais plus d'une publication par jour. Les supports vidéo sont
également plus présents sur cette période.
Septembre est l'occasion pour le MNHN de mettre en avant ses
missions d'enseignement comme l'illustre ce post du 7 septembre 2012 «
C'est la rentrée des classes ! Les cours publics reprennent
dès le 20 septembre avec l'histoire de la Botanique... » qui
récolte 37 likes et 21 partages. Il est encourageant de voir
que le concept de cours publics bénéficie d'une forte
viralité, en accord avec la nature démocratique du projet.
Sur la période analysée, le post qui
récolte le plus de likes, de partages et de commentaires,
respectivement 116, 42 et 8, est en réalité un post
partagé, qui n'émane pas directement du MNHN mais de l'Union
Internationale pour la Conservation de la Nature. Cette dernière alerte
les internautes
47
en publiant la « liste rouge des espèces
menacées ». Le MNHN précise dans un commentaire que le
Comité français de l'UICN se trouve au Muséum. S'agissant
d'un organisme international, le post d'origine est en anglais, ce dont se
plaint en commentaire un internaute. La réponse du MNHN à
l'expression de ce mécontentement rappelle l'élargissement du
public ciblé, souhaité par l'institution, même si l'immense
majorité de ses publications restent en français : «
l'UICN est un organisme international, il s'exprime en anglais sur leur
page Facebook pour toucher le plus grand nombre de personnes (...) Le
Muséum a aussi un public non francophone qui suit ses actualités,
il faut penser aussi à eux ? » L'emploi de
l'émoticône permet de nuancer le propos du MNHN qui pourrait
paraître culpabilisant pour l'internaute. Le public non francophone est
toutefois davantage pris en compte sur Youtube, où les vidéos
sont en cours de traduction pour toucher un public international comme nous
l'expliquait Eva Venancio.
On retrouve sur la période étudiée, un
post évoquant la grande expédition scientifique du MNHN pour
2012-2013 vers la Papouasie Nouvelle-Guinée, en partenariat avec
Pro-Natura International. Il s'agit en réalité d'un post
partagé, issu de la page du Muséum consacrée au
thème des expéditions scientifiques : La Planète
Revisitée. La vidéo présente l'expédition sous
forme d'un teaser, c'est-à-dire d'un format court visant à
susciter la bienveillance et l'envie chez l'internaute avec la mention : «
Top départ pour les scientifiques de la Planète
Revisitée ! ». L'humour domine dans la vidéo. Les
préparatifs des scientifiques sont assimilés à ceux de
véritables aventuriers, depuis la préparation « physique
» (entraînement à la corde à sauter, musculation...et
brossage de dents) à la préparation logistique : leur attirail
est constitué de filets à papillon, lampes frontales, passeports,
tubes à essai, etc. Le tout sur une musique de film d'action. A la
moitié de la vidéo, on note une rupture de rythme lors de la
présentation des deux scientifiques membres de l'expédition :
Olivier Pascal (Pro-Natura International), Chef du volet terrestre et Philippe
Bouchet (MNHN), Chef du volet marin de l'expédition. La musique devient
plus douce et s'ensuit la présentation de l'expédition en
chiffres-clé : « un voyage de 14 500 km », «
90 jours », « 200 scientifiques et techniciens
(...) pour découvrir et explorer la biodiversité
». Le reste de la vidéo n'est constitué que d'images de
scientifiques sur le terrain. Encore une fois, le pathos et le logos sont
entremêlés créant un décalage attractif.
Le reste des posts de la période étudiée
font office de mémo des actualités du MNHN, que ces
actualités soient d'ordre culturel (rencontre d'auteurs, cycle de films
« De la nature à la ville », festival international du film
scientifique) ou pratique, comme ce post du 3 septembre 2012 : « Petit
rappel : la Galerie des Enfants sera fermée du 10 au 14 septembre pour
se refaire une beauté ! ». L'annonce
d'événements au MNHN fait toujours l'objet de plusieurs partages,
5 en moyenne, contrairement aux posts de nature différente. Cela laisse
supposer que l'information événementielle a davantage tendance
à se viraliser.
48
C) 3ème séquence d'analyse : mars 2014
Durant le mois de mars 2014, on note un recentrage des posts
sur l'activité de recherche et de diffusion du Muséum. Ces deux
pôles concentrent 60% des publications sur Facebook durant la
période avec des mentions récurrentes des découvertes
faites par les équipes de recherche du Muséum, la plupart du
temps en collaboration avec d'autres instituts scientifiques (CNRS, UPMC, EPHE,
etc.) et des rappels des événements organisés par le MNHN.
Les posts en lien avec les découvertes scientifiques se
caractérisent par un certain degré de complexité mais on
note un réel souci de simplification malgré des détails
qui gagneraient à être explicités : « L'image en
fausses couleurs des distributions du fer (bleu) et de deux terres rares
(néodyme, rouge et yttrium, vert), obtenue par fluorescence des rayons X
synchrotron, révèle des détails anatomiques cachés
des fossiles comme le crâne et les vertèbres de ce poisson du
Crétacé datant d'environ 100 millions d'années.
» A moins d'avoir bénéficié d'une formation
scientifique, l'internaute n'est pas forcément au fait de ce que sont
les « rayons X synchroton » par exemple. Ces
subtilités de langage ne sont pourtant pas un frein à la
viralisation des informations en lien avec les missions de recherche du MNHN.
En effet, cette catégorie de posts totalise une moyenne de 45 partages
sur la période étudiée et donne parfois lieu à des
commentaires constructifs des internautes, conformément au projet des
sciences participatives promu par le musée. Ainsi, lorsque le MNHN
publie une photo d'une espèce de limace avec le commentaire : «
Découverte en France du Plathelminthe de Nouvelle-Guinée, une
des 100 espèces exotiques envahissantes les plus néfastes au
monde. En savoir plus :
http://www.mnhn.fr/.../decouverte-france-plathelminthe-nouvel...
», les internautes tentent d'apporter leur pierre à
l'édifice de recensement : « je travaille dans un cimetiere en
haute Normandie et j'ai vu ces bêtes si ça peut faire avancer
l'étude au recensement ! » ou encore « A-t-on
découvert d'autres espèces avant celle-là? Je travaille en
pépinière et ça fait quelques années que je vois ce
genre d'animaux étranges, ils se cachent le plus souvent sous les pots.
» Suite aux réactions des internautes, et afin de confirmer la
réponse de l'un d'eux ne bénéficiant pas de la
légitimité institutionnelle, le MNHN clôt les
interrogations : « Nous vous invitons, comme le suggère
Harold Lopparelli de vous rendre sur le blog de Jean-Lou Justine,
professeur au Muséum qui dirige l'équipe de recherche :
https://sites.google.com/.../que-faire-si-je-trouve-un.
»
Les découvertes sont soit présentées de
manière exhaustive directement dans la publication, soit
présentées en une phrase qui incite l'internaute à cliquer
sur le lien pour être redirigé sur le site du MNHN : « Il
y a quelques millions d'années, la côte péruvienne
était occupée par des paresseux marins. En savoir plus :
http://www.mnhn.fr/.../il-y-quelques-millions-annees-cote-per...
»
L'option de la phrase courte agrémentée d'un
lien est systématiquement adoptée pour annoncer les
événements du MNHN sur la période de mars 2014. Une grande
partie des informations est déjà disponible sur le visuel qui
accompagne l'annonce. En effet, les événements annoncés,
qu'il s'agisse de conférences, de projections, de présentations
des métiers du MNHN, font l'objet d'une même charte graphique et
s'inscrivent dans un cycle intitulé « les rendez-vous du
Muséum », avec pour slogan : « partagez les savoirs
». On retrouve dans cet impératif, la mission de diffusion et
le principe des sciences participatives qui caractérisent le MNHN. Le
slogan est d'ailleurs cohérent avec la
49
logique de gratuité qui prévaut pour la
participation aux événements annoncés, renforçant
ainsi cette
idée de partage immatériel. Comme nous venons de
le souligner, une des thématiques
événementielles du MNHN concerne la
présentation des métiers du MNHN, le site précise la
nature
de ce rendez-vous : « Un dimanche par mois, le public
apprend à mieux connaître les
nombreux métiers du Muséum ». Le
métier de carcinologiste (spécialiste des crabes) a
par exemple été mis à l'honneur le dimanche
30 mars.
Dans cette même optique de valorisation des métiers
du MNHN, un post se détache particulièrement,
celui publié le 8 mars 2014, lors de la journée de
la femme :
« Elles sont vétérinaires et soigneuses
à La Ménagerie, le zoo du jardin des Plantes
http://vimeo.com/77966701
http://vimeo.com/41081512
Elles sont jardinières/apicultrices au Jardin des
Plantes
http://vimeo.com/75488937
Elles sont dessinatrices au Muséum
http://vimeo.com/38564223
Elles sont guides/conférencières au
Muséum
http://vimeo.com/41836369
Elles sont techniciennes de laboratoire au
Muséum
http://vimeo.com/38564224
Elles sont en charge de la conservation des collections du
Muséum
http://vimeo.com/36009067
Elles sont maîtres de conférences, chercheuses,
ou doctorantes au Muséum
http://vimeo.com/36903396
http://vimeo.com/36693383
http://vimeo.com/36836219
http://vimeo.com/36830370
http://vimeo.com/36821600
http://vimeo.com/36758315
Et occupent bien d'autres nombreux postes au
Muséum...
Journée internationale des Droits des femmes
aujourd'hui.
Elles méritent bien plus qu'une journée, non ?
»
Le format du post est intéressant. En effet l'anaphore
« Elles sont » systématiquement suivie d'un lien vers
une vidéo de 3 minutes environ, hébergée sur la plateforme
Vimeo, donne beaucoup de rythme à la publication. Chaque vidéo
est une interview d'une experte du MNHN qui explique son champ d'étude.
De la restauratrice de dépouilles humaines à la phytochimiste en
passant par la guide-conférencière en langue des signes,
l'internaute découvre un large panel de métiers méconnus.
L'accumulation des vidéos rend ainsi le post très riche car dans
chacune d'elle l'internaute apprend quelque chose. La question
rhétorique finale vise à interpeller. Il s'agit d'un contrepoint
efficace qui
50
n'appelle pas de réponse, car après
l'énumération antérieure, la place
prépondérante des femmes au MNHN, et par
généralisation, dans la société française,
est indéniable.
Dans ce post et sur toute la période
étudiée, on notera la faible présence du réseau du
MNHN. En effet dans le post précédent, quand le Muséum est
mentionné (« Elles sont dessinatrices (...) techniciennes de
laboratoire au Muséum ») les interviews concernent toujours
des fonctions concentrées sur les sites parisiens du MNHN, et plus
spécifiquement encore, au siège, à savoir le Jardin des
Plantes. De même, tous les posts « événementiels
» concernent la programmation du Jardin des Plantes et de ses Galeries
attenantes. Seul la rénovation du Musée de l'Homme est
évoquée le 24 mars « Pour ceux qui n'ont pas Twitter,
petit aperçu des coulisses publiées ce matin pour la # MuseumWeek
: la rénovation du Musée de l'Homme » et
illustrée par une série de 4 photos de chantier. Dans ce dernier
post, de même que dans celui sur la journée de la femme
précédemment évoqué, ou encore dans tous les posts
renvoyant vers le site internet du Muséum, la notion
d'écosystème numérique émerge. L'internaute est
invité à naviguer entre le site officiel du MNHN et ses
différents comptes sur les réseaux sociaux.
D) 4ème séquence d'analyse : février
2016
En février 2016, les indicateurs d'interactivité
sont en nette progression par rapport aux périodes
précédemment analysées, alors même que ces
indicateurs sont susceptibles d'évoluer à la hausse dans les
prochains jours, étant donnée la récence des chiffres
collecter. On relève ainsi, une moyenne par post de 161 likes,
31 partages et 3 commentaires. A noter que cette dernière moyenne ne
tient pas compte d'un commentaire frauduleux systématiquement
publié sous chaque post du Muséum durant la période et qui
a finalement été supprimé. Il s'agissait d'un commentaire
vantant les mérites d'un système de prêt entre
particuliers, dans un français approximatif, employant tantôt le
tutoiement, tantôt le vouvoiement. Le retard dans la modération de
ces commentaires - modération qui doit se résumer ici à
une suppression pure et simple de l'information, hors sujet, voire à la
limite de la légalité - a, pendant quelques jours, nuit au
positionnement d'exactitude scientifique et de rigueur de l'institution. Ce
positionnement transparaît aussi bien dans les contenus propres au MNHN
que dans ceux de la communauté d'internautes, censés respecter la
ligne éditoriale de la page, d'où l'importance de modérer
les commentaires de manière réactive.
En comparaison des périodes antérieures, la
fréquence des publications est plus régulière, avec un
post par jour en moyenne, sans plage d'absence de publications de plusieurs
jours et sans excès éditoriaux sur un même jour (3 posts
par jour grand maximum).
Une nouveauté formelle est à noter dans les
posts. Le thème du post est annoncé entre crochets avant le
contenu à proprement parler. Cela fait office d'accroche et permet
à l'internaute d'identifier rapidement si le thème du jour et son
lien vers un article plus approfondi est susceptible de l'intéresser ou
non. Voici quelques exemples de catégorisations : « [Ateliers -
Animations] », « [Observatoires de la # biodiversité
- Vigie-Nature] », « [Rencontre - Métiers du
Muséum] ». Cela permet aussi à l'internaute, via des
intitulés récurrents, de s'imprégner de la programmation
du Muséum et des principaux axes de son positionnement.
51
Le « post du mois », à savoir celui
récoltant le plus grand nombre de likes, de partages et de
commentaires (respectivement : 520, 161 et 19), mêle actualité
scientifique et culturelle :
« [# Science]
Nouvelle espèce (Ricinus vaderi) nommée
d'après Darth Vader de # StarWars ! ? Pour en savoir plus:
http://bit.ly/ricinusvaderi
»
Le post, daté du 25 février, suit d'un mois la
sortie du dernier volet de la saga Star Wars, et permet de donner une touche
humoristique et un vernis de pop culture à cette actualité
scientifique liée à la découverte d'une nouvelle
espèce de parasite.
Pour ce qui est de la valorisation du réseau, le
Musée de l'Homme est l'institution affiliée au MNHN qui est la
plus mise en avant sur cette période, avec 2 partages de posts issus de
la page du Musée de l'Homme pour relayer sa programmation ou bien ses
ressources humaines. Ce post du 23 février illustre la place de choix
qu'occupe le Musée de l'Homme dans l'écosystème du MNHN,
notamment via son titre, qui semble faire des publications relatives au
Musée de l'Homme une catégorie à part entière :
« [Découvrez le Musée de l'Homme] A travers ses
chercheurs, le Musée de l'Homme est au coeur de la science
contemporaine. Explication en quelques portraits :
http://ow.ly/YB7zl
».
Un cycle de vidéo a même été
consacré au Musée de l'Homme dont le Muséum rappelle la
disponibilité sur sa page Dailymotion. Eva Venancio avait
souligné lors de notre entretien, le rôle du Muséum dans la
création d'effets de synergie pour faire bénéficier au
Musée de l'Homme, tout juste rénové, de la
visibilité déjà installée du Muséum et
notamment de son siège au Jardin des Plantes : « Les gens de
manière générale savent ce que c'est que le MNHN, c'est
associé à la recherche, aux squelettes de dinosaures, c'est la
Grande Galerie de l'Evolution donc on a beaucoup de fans sur le Muséum,
on en a moins sur le Musée de l'Homme. Donc (la page du MNHN] permet de
booster la visibilité des autres sites, de toucher plus de publics.
(...) pour le Muséum ça veut dire partager les posts de tous les
sites présents sur les réseaux sociaux. Cela permet de
créer une espèce de fil rouge. » Le réseau des
sites parisiens du MNHN a été valorisé de manière
plus équitable lors d'un post du 10 février, relatif au bilan de
l'événement culturel « Paris Face Cachée », qui
permet aux Parisiens de découvrir des lieux interdits au public le reste
de l'année :
« (Visite]
Vous étiez nombreux à participer aux visites
de Paris Face Cachée dans les coulisses du Jardin des
Plantes, du Musée de l'Homme, de La Ménagerie, le
zoo du jardin des Plantes et du Parc Zoologique de Paris les 5, 6 et
7 févier. Merci ! Rendez-vous pour de nouvelles visites peut-être
mais... chut ! C'est un secret. » En revanche, les sites non
parisiens du Muséum ne sont jamais évoqués sur la
période analysée.
Vigie Nature, la page du Muséum dédiée
aux sciences participatives, partie intégrante du positionnement de
l'institution, bénéficie également d'un bon relais de
visibilité sur la page officielle du MNHN avec 4 partages des posts de
Vigie Nature en février et un post rappelant les missions de ce projet,
le 15 février, sous l'intitulé : « (# Sciences
participatives] Vigie-Nature, Herbonautes et maintenant Inventaire
National du Patrimoine Naturel : contribuez vous aussi à la science
grâce aux
52
programmes participatifs. » Là encore,
l'impératif à valeur d'exhortation et rentre en cohérence
avec la volonté d'interactivité inhérente au projet. Dans
le même registre d'appel à la participation des internautes, un
post qui les met à contribution pour une opération de recensement
d'espèces invasives, photos à l'appui, récolte des
indicateurs d'interactivité particulièrement
élevés, 106 likes, 131 partages et 14 commentaires :
« [Espèces invasives]
Avez-vous vu un de ces quatre vers dans votre jardin
?
? Savoir
bit.ly/Diversibipalium
? Agir
bit.ly/Quefaire»
La tournure interrogative n'est pas sans rappeler les chasses
à l'homme de western avec la mention « wanted », et apporte
une certaine touche humoristique à la requête.
Enfin, un post est de nature inédite sur la
période analysée. Il s'agit du partage d'une photo d'un
internaute dont la visite au Muséum, et plus particulièrement la
vision d'un oiseau naturalisé dans la Grande Galerie de l'Evolution, lui
a rappelé le poème de Baudelaire, L'Albatros :
« [Vos photos]
Vision poétique de vos visites dans nos lieux.
Merci à @Marc Thill pour ce partage ! ». La valorisation des
contributions des visiteurs devient ainsi un thème de post inédit
intitulé « Vos photos ». Cette nouvelle
catégorie est tout à fait justifiée à la vue des
qualités esthétiques de la photo prise par le visiteur.
L'utilisation du possessif « Vos » remet l'internaute au centre de la
ligne éditoriale du Muséum, du moins le temps d'un post, la suite
nous dira si cette stratégie se pérennise.
III) Conclusions et recommandations
A) Bilan de la déclinaison du positionnement
stratégique sur Facebook
Nous avons vu dans la revue de littérature qu'il
existait souvent un décalage entre le positionnement voulu par un
musée et celui réellement perçu par les publics. Nous
avons souligné, dans le cadre de l'étude de cas sur le MNHN, que
ce décalage était dû à la méconnaissance par
les publics de tout l'écosystème des musées du MNHN et
à l'image parfois réductrice des collections du Muséum. En
entreprenant l'analysé sémiologique de la page Facebook du MNHN
lors de quatre périodes distinctes, nous posions comme hypothèse
que ce décalage était provoqué par le discours-même
du musée. En effet, ce dernier est responsable de son image et la
modèle au gré des messages véhiculés sur ses
différents canaux de communication. Notre hypothèse était
que le message de l'institution en lui-même ne traduit peut-être
pas assez clairement le positionnement souhaité, impactant par
conséquent le positionnement perçu. A la lumière de
l'analyse sémiologique, cette hypothèse nous semble en partie
vérifiée. En effet, la non perception du fonctionnement en
réseau du MNHN, est relayée par la ligne éditoriale
adoptée sur les réseaux sociaux. Alors que le MNHN est
53
constitué d'une douzaine de sites différents,
rares sont les allusions aux institutions affiliées au Muséum. On
note une surexposition de certains sites, comme le Musée de l'Homme, et
une quasi-absence de mention d'autres sites, notamment tous les musées
et réserves en province. Via la page Facebook du MNHN, on comprend que,
par métonymie, les sites parisiens (Jardin des Plantes,
Ménagerie, Galeries et Parc Zoologique) résument à
eux-seuls le Muséum. Il s'agit là de la plus grosse faille dans
le positionnement véhiculé sur la page Facebook du MNHN.
Plutôt que de dupliquer les posts du Jardin des Plantes,
dont la page a davantage d'abonnés que celle du MNHN et ne souffre pas
d'un déficit de visibilité, la page officielle du MNHN pourrait
être mise à profit pour fédérer le réseau et
mettre en valeur de manière équitable l'ensemble des sites du
Muséum, pas seulement les sites parisiens.
A titre de comparaison, la Smithsonian Institution fait
référence de manière plus équitable et
régulière aux différents musées qui composent son
réseau. Il s'agit d'une référence mentionnée lors
de l'entretien avec la Community manager du MNHN pour son organisation
éclatée, similaire à celle du MNHN. En effet, la
Smithsonian Institution comporte 19 musées, 9 centres de recherche et un
zoo. Le compte Facebook de la Smithsonian Institution est alimenté sur
le schéma « un jour, un musée », c'est-à-dire
que le community manager alterne quotidiennement le musée mis en avant,
permettant une redistribution équitable de la visibilité des
différents sites sur la page Facebook. Dans ce cas précis, le
compte Facebook officiel a bien un rôle fédérateur qui sert
le positionnement en réseau de l'institution et assure
l'équilibre de son identité globale.
En revanche, les composantes du positionnement du MNHN, autres
que le fonctionnement en réseau, sont bien reflétées :
l'expertise scientifique, le respect de la biodiversité et la
défense de la cause animale sont des thèmes évoqués
de manière régulière sur le mur du Muséum. Le
premier axe, celui de l'expertise scientifique est bien transmis sur le compte
Facebook officiel, notamment grâce à des contenus de
qualité, documentés et illustrés par une iconographie
émanant, dans la grande majorité des publications, directement du
MNHN. En effet, Eva Venancio a rappelé lors de notre entretien que le
MNHN disposait de sa propre photothèque et d'une équipe
dédiée à la conception vidéo. Ces contenus
audiovisuels sont un gage d'indépendance pour l'institution, ce qui
vient renforcer son positionnement d'expert. Les deux derniers axes, le respect
de la biodiversité et la défense de la cause animale, sont
particulièrement intéressants à valoriser car ils
suscitent souvent le débat et dynamisent les indicateurs
d'interactivité. Le community manager a dans ce cas un rôle
d'éducateur, visant à montrer les bonnes pratiques en termes de
ton et de codes à adopter en commentaires, sans automatiquement censurer
les internautes. La défense de la cause animale, par exemple, est un
thème qui génère de nombreux commentaires d'internautes
impliqués dans le sujet. Le post du 16 février, relatif à
un partenariat entre la douane française et le Muséum dans un cas
de trafic d'animaux empaillés qui viendront finalement enrichir les
collections du MNHN, a donné lieu à des commentaires critiques
(« Comment peut-on accepter même dans un musée de
récupérer ces animaux empaillés alors qu'ils sont
protégés ; pour ma part j'aurais refusé ces bêtes
car c'est encore inciter au commerce » ou encore : « Et bien
apparemment ça arrange quand même le Museum... Il y a quelque
chose qui me gêne dans cette histoire...») qui auraient pu
faire l'objet d'une réponse de la part du
54
Muséum afin de clarifier sa position sur le sujet. Car
une interactivité accrue suppose davantage de vigilance dans la
modération des échanges, notamment pour une institution telle que
le MNHN, gage d'expertise scientifique. Lors de l'analyse, nous avons
relevé un exemple flagrant de commentaires qui auraient dû
être tout bonnement supprimés pour leur caractère
malhonnête et hors sujet. Hormis ce cas exceptionnel, une intervention du
MNHN aurait été souhaitable dans plusieurs cas isolés
où les commentaires, sans appeler une réponse péremptoire
du Muséum, constituaient une occasion pour l'institution d'ouvrir le
dialogue, voire de jouer la carte de l'humour et de l'autodérision. Un
post annonçant la publication d'une édition scientifique du MNHN
sur les mollusques a par exemple inspiré à un internaute le
commentaire suivant : « Au Muséum il n'y a que des mollusques
... » qui aurait pu faire l'objet d'une réponse du même
registre de la part du Muséum. De manière générale
le MNHN répond rarement aux commentaires des internautes. Il s'agit
là d'un choix éditorial qui laisse une grande marge de manoeuvre
aux commentateurs et qui peut se justifier étant donnée
l'importance de la notion de participation dans les projets scientifiques du
Muséum. Toutefois une modération et une animation un peu plus
actives de la communauté pourraient accompagner cette participation sans
forcément la museler.
Un autre élément constitutif du positionnement
souhaité, celui de la diversité des activités et des
collections du MNHN, est bien reflété sur le compte Facebook. On
note une alternance dans les actualités du Muséum
évoquées : les publications scientifiques, les expéditions
d'experts, les expositions ou événements à venir, la
présentation des différents métiers du MNHN, etc. Autant
de posts qui permettent de donner une vision englobante et assez
complète des missions du Muséum. Il est donné à
comprendre que ce dernier ne se contente pas d'exposer des « squelettes de
dinosaures » comme le voudrait l'imaginaire collectif.
B) Les bonnes pratiques du MNHN sur Facebook
Un autre objectif de l'analyse était de voir si le
Muséum tirait parti de toutes les potentialités
stratégiques offertes par les réseaux sociaux
évoquées dans la revue de littérature, tant en termes de
cohésion interne que de renouvellement du lien avec les publics
connectés.
Le premier point est particulièrement bien mené
par le MNHN qui n'hésite pas à valoriser
régulièrement ses équipes sur Facebook, comme lors du post
du 8 mars 2014 étudié dans la partie précédente, ou
lors des rendez-vous thématiques des « Métiers du
Muséum » visant à vulgariser les expertises des
différentes équipes du musée. De plus, le format
vidéo souvent privilégié pour ce type de posts est un
format particulièrement attractif et qui tend à devenir la norme
sur les réseaux sociaux, d'où la pertinence d'un tel choix.
Le rapport Aeres de 2013 pointait du doigt la communication
interne du Muséum : « Malgré des efforts réels,
la communication du MNHN n'est pas complètement à la hauteur des
potentialités de l'établissement, s'agissant notamment de la
communication interne. Elle est encore mal intégrée par les
services, les départements et les unités de recherche. Elle
utilise insuffisamment la panoplie des technologies de l'information et de la
communication. La présence et les interventions chronophages
55
dans les médias écrits et visuels des
chercheurs du MNHN ne sont nulle part référencées et
valorisées. Or, cette présence touche des centaines de milliers
ou des millions de personnes qui prennent ainsi connaissance de la recherche et
des résultats obtenus par les scientifiques. Cette identité
marquée et reconnue est revendiquée en interne. Mobiliser le fort
sentiment d'appartenance partagée des chercheurs et de tous les autres
personnels du MNHN pour un projet commun ambitieux, valorisant toutes les
spécificités culturelles de l'établissement, est un des
enjeux forts d'une gouvernance améliorée. »
(Stéphane Aulagnier et al., 2013). Le Muséum semble avoir
trouvé sur les réseaux sociaux, un canal adéquat pour
renforcer sa cohésion interne et tenir compte de cette recommandation
issue du rapport d'évaluation de 2013. Même si, comme nous l'avons
mentionné plus haut, la valorisation des équipes reste
très concentrée aux sites du MNHN localisés dans le bassin
parisien, ce qui rejoint l'idée d'une image défaillante du
fonctionnement en réseau.
Le volet relatif à la valorisation des retombées
médiatiques, également mentionné dans le rapport,
gagnerait peut-être à être accentué mais on note une
mise en avant ponctuelle de reportages en lien avec le Muséum sur sa
page Facebook. Il serait peut-être souhaitable pour le MNHN d'annoncer
les interviews de ses experts en amont de leur diffusion pour gonfler
l'audience en aval ou alors de systématiquement poster le lien du
podcast pour en faire profiter le plus grand nombre après coup. Cette
revue de presse en ligne est toute indiquée sur Twitter qui se
prête particulièrement à ce type de contenus
journalistiques, la cible de ce réseau social étant davantage
professionnel que Facebook.
On note les efforts du MNHN pour atteindre les objectifs de
renouvellement du lien avec les publics ambitionnés par la
stratégie de community management. Les posts alternent ainsi
références à la culture populaire (Star Wars, la
Saint-Valentin, l'illustratrice Marion Montaigne) et à la culture
scientifique ou littéraire, bref à la culture savante. Cette
hybridation des imaginaires culturels convoqués permet de cibler un
public large, et constitué de consommateurs culturels au profil
dissonant, comme cela a été expliqué dans la revue de
littérature. De même, la mise en scène de
personnalités issues de disciplines variées dans les
vidéos du MNHN (Nicolas Hulot, Bernard Hinault, etc.) permet de
multiplier les références culturelles et d'embrasser une audience
plus diversifiée.
Il faut aussi saluer les posts dits «
d'opportunité », c'est-à-dire les publications qui mettent
en lien une donnée contextuelle avec une information propre au
musée, comme le fait de mettre en avant tous les métiers
occupés par des femmes au Muséum un 8 mars ou de promouvoir les
rencontres permises par les « rendez-vous culturels » du
Muséum un 14 février. Ces contenus, très liés
à la symbolique des dates, et le ton de complicité qui les
accompagne souvent, ont tout à fait leur place sur les réseaux
sociaux qui ont vocation à être consultés quotidiennement.
Cela instaure même un lien de proximité accru avec l'institution
dont les actualités se fondent dans le flux quotidien d'informations
dont sont abreuvés les internautes. Cette stratégie peut
également être un vecteur de renforcement du positionnement, comme
lorsque le MNHN a publié une série de vidéos didactiques
sur la biodiversité et la protection de l'environnement dans le cadre de
la COP21. Rebondir sur l'actualité pour réaffirmer son
positionnement sur les réseaux sociaux permet ainsi de
réinsérer une information
56
pérenne (le positionnement) dans le flux des
informations mouvantes (les actualités) et de réaffirmer par
là même le caractère éminemment contemporain du
musée.
Loin de l'image institutionnelle véhiculée sur
les médias traditionnels, le MNHN se permet plus de libertés sur
les réseaux sociaux en jouant parfois la carte de l'humour tout en
conservant des contenus rigoureux. L'anthropomorphisme, à savoir le fait
de personnifier voire de starifier les animaux de la Ménagerie et du
Parc Zoologique en leur donnant des noms et en décrivant leurs
caractères et leurs lubies, a un fort potentiel comique qu'il
conviendrait d'exploiter davantage tant les posts en lien avec Kiki la tortue,
Adeline la girafe et les autres animaux du MNHN suscitent l'adhésion et
la curiosité de la communauté. Cette stratégie peut
également être un vecteur de fidélisation des internautes
qui voudront connaître les dernières mésaventures des
animaux-vedettes du MNHN. L'opération nommée par un jeu de mots
« les animaux font le mur » est un exemple de projet
particulièrement bien relayé sur le Facebook du MNHN avec des
ressources iconographiques très riches et des textes plein d'esprit.
Enfin, à défaut de mettre en avant ses propres
sites affiliés, le Muséum a réussi à tisser et
promouvoir des liens avec des institutions partenaires comme Herbonautes,
l'Inventaire National du Patrimoine Naturel, l'Institut national de
l'information géographique et forestière, etc. Les réseaux
sociaux et leurs fonctionnalités de likes, de tags et
de partages sont des outils intéressants pour entretenir et communiquer
sur ces partenariats. D'autant plus qu'il s'agit de partenariats qui viennent
compléter le positionnement du Muséum car les organisations en
question ont également vocation à préserver la
biodiversité et à diffuser des savoirs de manière
participative.
C) Les pistes d'optimisation des fonctionnalités
des réseaux sociaux pour le MNHN
Les mêmes ressources mobilisées pour promouvoir
les institutions partenaires pourraient être mises à profit pour
asseoir le positionnement « satellitaire » du MNHN. Inversement, les
sites affiliés au Muséum, pourraient davantage relayer les
informations émanant du compte Facebook du Muséum national
d'Histoire naturelle sur leur propre page. Concrètement il s'agirait de
liker, partager et commenter les publications du Muséum pour entretenir
un esprit de réseau.
Tout comme la Smitsonian Institution, un travail de
rééquilibrage de la visibilité pourrait être
pensé pour mieux transmettre le positionnement global du MNHN en tant
que marque-caution des douze sites qui la constituent. Ce positionnement en
réseau est pourtant clairement identifiable sur le site web du MNHN,
analysé dans la revue de littérature, avec le système
multi-entrées selon le musée sélectionné et le
lexique de « l'univers » employé pour évoquer le
Muséum dans la totalité de ses sites. Cette distorsion de
l'identité globale du MNHN d'un canal à l'autre peut s'expliquer
par le fait que le partage de visibilité est plus compliqué
à mettre en oeuvre de manière quotidienne, sur les réseaux
sociaux, que sur un site web, où le contenu est plus institutionnel et
pérenne. En effet, les réseaux sociaux demandent une
réactivité et une régularité qui, dans une
répartition des tâches qui veut que le community manager soit
également webmaster, entrave parfois, faute de temps, la conservation de
la ligne éditoriale souhaitée, celle qui pourrait
véhiculer le positionnement stratégique.
57
Une piste d'optimisation serait de privilégier cet axe
de valorisation du réseau dans l'élaboration du planning
éditorial, en réservant, à fréquence
régulière, un post pour chacun des sites du MNHN et en
explicitant clairement son appartenance au MNHN dans le texte correspondant.
Tout comme sur le flyer de présentation du MNHN en format papier qui
présente cette mention, des posts réguliers pourraient rappeler
que « Le Muséum c'est aussi » et mettre en lumière un
site spécifique du MNHN : L'Arboretum de Chèvreloup, le
Musée de l'Abri Paraud, etc.
Une autre voie d'amélioration concerne les indicateurs
d'interactivité, notamment le faible nombre de commentaires sous chaque
post du MNHN. A noter qu'il s'agit d'un constat global et que certains posts
affichent un nombre de commentaires très encourageant, notamment
lorsqu'il s'agit de questions liées à l'identification
d'espèces animales ou végétales, dans le cadre du
programme de sciences participatives du Muséum. Pour conserver ce niveau
d'activité sur la page, le MNHN pourrait multiplier les posts sous forme
de questions ouvertes. A titre d'exemple, sur la page Facebook officielle de la
Rmn-Grand Palais, des quizz sont régulièrement publiés et
génèrent toujours des dizaines de commentaires au moins. Il
s'agit de questions visant à identifier la fonction d'un objet insolite,
issu des collections d'un des musées de la Rmn-Grand Palais. Par exemple
ce post du 1er mars 2016 illustré par la photo d'une espèce de
crochet au manche en ivoire : « [Drôle d'objet] : Ce drôle
d'objet ne fait pas partie d'une ménagère de couverts. Savez-vous
à quoi il peut bien servir ? Réponse à 16h00 ! »
et qui donne finalement lieu à la réponse suivante de la Rmn en
commentaire « Trop facile pour vous ! Il s'agit bien d'un crochet
à bottines dont on se sert pour faire entrer les boutons des chaussures,
guêtres, etc., dans les boutonnières. Cette pièce est
conservée au Musée de la Nacre et de la Tabletterie de
Méru. » Cet exemple peut être adapté au MNHN car
il présente le double intérêt de créer du dialogue
et de mettre en valeur les collections du musée. Ce serait aussi
l'occasion de valoriser les fonds de certains sites rarement associés au
MNHN et qui en font pourtant partis comme la Réserve de la Haute-Touche,
le Harmas Jean-Henri Fabre, ou le Marinarium de Concarneau. Par ailleurs la
notion de « rendez-vous du quizz » permet d'instaurer une certaine
ritualisation et à terme, de fidéliser la communauté
d'internautes autour d'énigmes. Libre à l'institution de choisir
de délivrer un lot à l'issue du quizz ou de concentrer
l'intérêt de l'opération sur la stimulation intellectuelle
qu'elle suscite.
Une approche déjà exploitée par le MNHN
pourrait être approfondie. Il s'agit de la révélation de
l'envers du décor du musée, comme lors de l'opération
trans-musées #jourdefermeture. Le muséum publie parfois des
reportages photographiques relatifs aux travaux de rénovations d'un de
ses sites. La présentation des dessous des métiers du
Muséum s'apparente également à cette démarche. Mais
ce type de posts pourrait se diversifier et donner lieu à des contenus
à la fois insolites et très didactiques : Que se passe-t-il au
Zoo la nuit ? Que font les animaux de la Ménagerie les jours de
fermeture ? Ces questions pourraient également donner lieu à des
vidéos humoristiques mettant en scène les animaux-stars de la
Ménagerie et du Parc Zoologique de Paris. En plus d'instiller de
l'humour et de rompre avec l'image institutionnelle, cette piste de
publications intriguerait et créerait sûrement un sentiment
d'exclusivité au sein de la communauté Facebook.
58
Enfin, un dernier point issu de l'analyse pourrait faire
l'objet d'une attention accrue, celui de l'adresse aux publics
étrangers. Les sites du Muséum ont en effet un énorme
potentiel d'attractivité pour les touristes, notamment pour ce qui est
de ses collections vivantes (Parc Zoologique de Paris, Ménagerie),
collections qui sont souvent un passage obligé lors de la visite d'un
pays étranger.
Le choix éditorial a été d'alimenter le
compte Facebook en français mais, à terme, les posts pourraient
peut-être faire l'objet d'une version bilingue. A défaut d'opter
pour ce schéma bilingue, le recours au webmarketing pourrait être
d'une grande aide dans le ciblage des publics de touristes. En effet, une
campagne de retargeting pourrait être envisagée pour
qu'une bannière publicitaire du MNHN s'affiche sur les réseaux
sociaux d'un internaute étranger planifiant un séjour en France
et consultant des sites de voyage, de musées français ou d'autres
sites en lien avec les sciences naturelles et la biodiversité. Des
opérations de webmarketing pourraient à terme être
entreprises pour cibler d'autres publics et booster l'activité sur les
pages internet du Muséum. Toutefois, comme la Community manager du MNHN
le rappelait lors de notre entretien : « On n'en est pas encore au
stade du webmarketing. Au sein d'une institution culturelle la question du
marketing est presque un gros mot » (Eva Venancio, 2016). Ce constat
nous renvoie au débat du marketing culturel détaillé dans
la revue de littérature et illustre la diversité des approches
que peuvent avoir les musées quant à leur utilisation. La plus ou
moins grande réticence à manier les outils marketing est
également une question de positionnement véhiculé et
perçu. Car même si certains musées se défendent
d'avoir recours aux pratiques marketing pour ne pas pervertir leur image aux
yeux des publics, tous se servent d'outils pour atteindre leurs objectifs
pédagogiques, esthétiques et financiers, comme cela a
été souligné dans la revue de littérature : «
un outil d'analyse et un moyen d'action devant permettre à une
organisation, qu'elle soit marchande ou non marchande, d'atteindre ses
objectifs. Dans le cas d'une entreprise privée, il s'agira de parvenir
au profit le plus élevé, alors qu'un musée pourra se fixer
comme but l'éducation du visiteur, ou sa sensibilisation aux domaines de
l'histoire, de la science ou de l'art et non pas seulement un objectif de
rentabilité. » (Tobelem, 1992). Les musées font donc du
marketing sans le savoir, ou du moins sans le faire savoir tant ce terme
souffre encore d'une connotation négative et purement marchande.
59
IV) Limites de la présente recherche et
possibilités d'élargissement du sujet
Les limites de la recherche sont liées au
caractère subjectif de l'analyse sémiologique, malgré les
précautions méthodologiques qui ont été prises.
L'objectif était de décortiquer le message pour savoir s'il
reflétait le positionnement stratégique décidé par
son émetteur, le MNHN. Si les caractéristiques formelles du
message sont assez univoques, ses connotations relèvent davantage de la
subjectivité de la personne analysant le message. Par ailleurs, le choix
méthodologique qui a été fait, d'étudier de
manière exhaustive quatre périodes de publication distinctes,
peut donner lieu à une vision parcellaire des contenus
éditoriaux.
Enfin, l'étude stratégique s'appuie sur deux
témoignages du personnel interne au MNHN, et plus
particulièrement de deux personnes du siège. Il aurait
été intéressant de recueillir la vision de dirigeants de
sites plus excentrés du MNHN, en province, afin d'avoir une vision
complémentaire de la place du fonctionnement en réseau au sein du
positionnement global du Muséum et de son articulation avec le
positionnement du site en province.
Pour ce qui est des possibilités d'élargissement
de la recherche, les deux pôles d'analyse principaux ont
été l'émetteur et ses messages. Il serait
intéressant d'étendre l'analyse au récepteur afin de
dégager le positionnement perçu du MNHN auprès de
personnes consultant plus ou moins régulièrement la page Facebook
du Muséum. Cette étude du positionnement perçu pourrait
également être menée en interne, au sein des
différents sites du MNHN, pour que les pistes d'amélioration du
positionnement véhiculé, notamment celles visant à
renforcer la notion de réseau, émanent directement des personnels
du Muséum dans un souci de renforcement du sentiment d'appartenance
à l'institution.
Il est aussi envisageable d'entreprendre une étude
approfondie des messages publiés sur les autres réseaux sociaux
du MNHN, afin de comparer l'image de l'institution qui est transmise, selon les
codes de chaque réseau social, et voir si les spécificités
fonctionnels de chaque réseau social ont un impact sur l'image de MNHN
ou si l'image est uniforme sur l'ensemble des réseaux sociaux investis
par le Muséum.
60
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68
Annexes
Annexe 1 - Cartes des différents sites
rattachés au Muséum national d'Histoire naturelle
Focus sur les sites du Jardin des Plantes
|
(c) Muséum national d'Histoire naturelle
|
69
Annexe 2 - Organigramme du Muséum national d'Histoire
naturelle
|
|