Le système financier face au développement économique de la RDC de 1980 à 2013. Quelle efficacité du système financier ?( Télécharger le fichier original )par Justin ABUDI Université Catholique du Congo - Licence 2016 |
SECTION IIIDEVELOPPEMENT FINANCIER ET RISQUE SYSTEMIQUENul n'est sans ignorer l'expérience dramatique de la crise financière internationale de « Subprime 2008» déclenchée aux Etats-Unis ou de tant d'autres manifestées bien avant dans d'autres pays. A cause de l'insolvabilité des ménages américains bénéficiaires des crédits immobiliers et de l'exercice de la titrisation opérée par les banques américaines. Les crédits risqués ont été transformés en obligations et ont pénétré le marché financier. Le risque étant devenu général, la crise comme par contagion, a affecté le secteur réel américain, européen puis africain. La leçon à tirer de cette crise est simple : la libéralisation financière, la globalisation financière et/ou le développement financier n'est pas que porteur de croissance et de développement économique, sa mise en oeuvre et son intensification constituent un accélérateur de risques dont l'avènement ou la manifestation peut conduire à des déséquilibres difficilement maitrisables jusqu'à déclencher un réel ralentissement économique. Michel Aglietta écrit que : « ...La sous-évaluation et la dissémination insuffisante des risques provoquent des effets de contagion et de fuite vers la qualité. L'intermédiation financière est organisée pour affronter ces problèmes. Il existe des conceptions profondément différentes de l'intermédiation. L'une est fondée sur la transformation d'actifs par les intermédiaires. L'autre est construite sur la largeur, la diversité et la profondeur des portefeuilles d'actifs négociés dans les marchés. La première conduit à la prépondérance des banques, la seconde à celle des investisseurs institutionnels dans les marchés financiers. On conçoit que la libéralisation financière, en faisant pénétrer la deuxième conception dans des systèmes entièrement fondés sur la première, ait créé des dysfonctionnements durables et des comportements inadaptés qui ont accentué la fragilité financière... »27(*) On voit dans la pensée d'Aglietta, apparemment adepte de la finance indirecte ou du banquier intermédiaire, l'idée d'un dysfonctionnement du système financier occasionné par l'intensification des marchés financiers là où le système bancaire est prédominant. Comme pour dire que l'effondrement des économies dû au dysfonctionnement du système financier trouverait son origine dans la dynamique des marchés boursiers. Pour sa part, Philippe Lagayette pense : « qu'il ne faut pas perdre de vue que les transformations des systèmes financiers ont pour premier effet de constituer un apport au bon fonctionnement du système économique. Au niveau individuel, elles élargissent les possibilités des choix des agents en leur procurant plus de facilités et d'instruments pour gérer leurs actifs, trouver des financements et couvrir leurs risques. Sur un plan collectif, les conditions de financement et les montants distribués évoluent de façon plus souple : il devrait donc en résulter une amélioration des ressources, c'est-à-dire une réorientation vers les emplois économiquement les plus rentables. Mais il est vrai qu'en contre partie, chacun doit adopter ses comportements à cette « nouvelle donne » financière, agents non financiers comme intermédiaires financiers »28(*). Thorsten Beck, professeur d'économie à l'Université de Tilburg, président de l'European Banking Centre et ancien chercheur à la banque mondiale tranche : « ... Les théories économiques divergent radicalement sur le rôle joué par les banques et les marchés dans le développement d'un secteur financier ainsi que leur lien avec la croissance économique. Répondre à ces questions est essentiel: il s'agit d'orienter concrètement les politiques économiques. Si des indicateurs permettent de relier la croissance économique au système financier, il n'existe en revanche aucune preuve permettant de soutenir les banques au détriment des marchés-ou inversement. Selon une «logique de services», c'est bien plutôt la complémentarité entre les deux acteurs qui est déterminante... »29(*) Beck estime qu'alors que des difficultés importantes dans l'accès à l'information et aux transactions n'incitent pas les épargnants à confier leurs économies à des entreprises, les banques et les marchés peuvent en théorie, aider à surpasser ces difficultés. Les banques peuvent tout d'abord réduire les coûts liés à l'acquisition et au traitement des informations sur les entreprises et les projets en évaluant les emprunteurs potentiels, permettant ainsi d'augmenter l'épargne et l'accumulation du capital dans l'économie. Cette dynamique révèle le rôle important que joue l'information dans la performance comme dans le dysfonctionnement des banques et des marchés. Donc, ni les intermédiaires financiers (Banques, assureurs,...) ni les marchés financiers sont néfastes au bon fonctionnement des économies, c'est la qualité et la gestion de l'information de l'un comme de l'autre qui provoque des disfonctionnements au sein des économies. Une information mal transmise au banquier peut l'amener à sélectionner des investissements moins sures et conduire à un risque de crédit majeur ; de même la différence d'information entre agents des marchés financiers est susceptible de surcapitaliser ou de sous-capitaliser une entreprise ou un groupe d'entreprises moins performantes réunies autour d'un indice boursier au point de conduire à une crise générale. Si les marchés et les banques sont vulnérables, alors l'asymétrie de l'information est un paramètre sur le quel banques et marchés devront veiller le plus. L'asymétrie de l'information stimule la fragilité des banques et des marchés qui constituent les piliers sur les quels sont bâties les économies. II.3.1. Asymétrie d'information : Anti-sélection et risque moralL'asymétrie de l'information est un aspect essentiel des marchés financiers. Elle consiste pour une partie à une transaction à avoir une connaissance insuffisante de l'autre partie pour prendre des décisions exactes. Par exemple, les dirigeants d'une société savent s'ils sont honnêtes ou pas, s'ils disposent d'une meilleure information sur la solidité de leur affaire par rapport à celle dont disposent leurs actionnaires30(*). L'analyse de la manière dont les problèmes d'information asymétrique affectent les comportements économiques renvoie à la théorie de l'agence. Et la présence d'une asymétrie d'information conduit aux problèmes de l'anti-sélection et du risque moral ou aléa moral. II.3.1.1. L'anti-sélectionElle provient d'une information asymétrique dans la phase qui précède la conclusion d'une transaction. Les agents qui désirent le plus activement obtenir des prêts sont ceux-là même qui sont porteurs du risque de crédit potentiellement le plus élevé. Ainsi, les parties qui ont le plus de chances de produire un résultat non désirable sont celles qui aspirent le plus à s'engager dans la transaction. Par exemple, des preneurs des risques téméraires, ou même des véritables escrocs, voudront d'autant plus obtenir des prêts qu'ils sont bien conscients que leur probabilité de rembourser est très faible. Dans la mesure où l'anti-sélection accroit les chances de distribuer des prêts à des emprunteurs à risque sur le marché, les prêteurs peuvent renoncer à prêter, même s'il existe de bons risques sur le marché. * 27 AGLIETTA Michel ; « Systèmes financiers et régimes de croissance », In: Revue d'économie financière, Volume 49, n°1, 1998. p.100 * 28 LAGAYETTE Philippe. « Les transformations des systèmes financiers ». In: N°3, 1987, Revue d'économie financière. N°3, 1987. La crise financière. p. 36. * 29 BECK Thorsten ; « Développement de la finance et croissance économique : Banques versus marchés financiers ? » In : La revue de Proparco, n° 5, les marchés financiers en Afrique : véritable outil de développement ? Mars 2010, p.24 * 30 MISHKIN Fréderic ; Op.cit, p.249 |
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