CHAPITRE IV : IMPACTS DES MUTATIONS DANS LA GESTION DE
L'ELEVAGE BOVIN ET LE DIAGNOSTIC DES SES CONTRAINTES.
Les évolutions notées dans la gestion de
l'élevage bovin sont facteurs d'impact dans la gestion foncière,
sur le développement économique, social et culturel des
sociétés d'éleveurs. Dans ce chapitre, nous
retraçons l'ensemble des effets liés aux mutations dans la
gestion de l'élevage bovin et les principales difficultés de
l'élevage.
I. Les effets des mutations dans la gestion de
l'élevage bovin.
1. Les effets environnementaux.
Le changement du rapport agriculture et élevage a
fortement influé l'environnement de la zone waalo. En effet,
les déjections animales dans les champs de décrue rendaient les
sols fertiles à l'exploitation agricole. Considérant que la vaine
pâture est vendue actuellement dans les périmètres
irrigués après les récoltes, les éleveurs qui ont
un cheptel élevé ou ceux qui n'ont pas de moyens financiers pour
acheter cette vaine pâture, préfèrent rester dans la zone
jeeri ; autour des forages. Désormais, après la fin des
pâturages dans le jeeri, aux mois de mai et juin, les
éleveurs transhument vers le sud du Sénégal et se
déplacent à la fin des pâturages vers le ferlo. Avec cette
nouvelle orientation des éleveurs vers d'autres horizon que le waalo,
autrefois lieux de refuge des troupeaux du jeeri en saison
sèche, les agriculteurs utilisent intensivement les engrais chimiques
pour fertiliser les sols aménagés.
Cette utilisation abusive d'engrais chimiques a rendu
plusieurs hectares de terres incultivables dans la communauté rurale de
Guédé-village, selon le délégué
général de la SAED de Podor. C'est pourquoi, les agriculteurs
voient la production agricole diminuée avec l'épuisement des sols
et sont obligés de trouver d'autres terres arables pour mener
l'activité agricole. Ainsi, l'appauvrissement des terres
aménagées et cultivées dans les périmètres
irrigués, est l'une des origines du rétrécissement de
l'espace agro-pastoral du fait que les paysans ont l'exploitation de nouvelles
terres comme alternative, pour une meilleure production agricole.
De même, les engrais chimiques utilisés dans la
fertilisation des sols, contaminent les cours d'eaux par les canaux
d'irrigation qui arrosent les surfaces aménagées. Et, le cheptel
qui s'abreuve aux points d'eaux (toufdé) est exposé
à des maladies infectieuses d'origine chimique.
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2. L'impact socioculturel et économique lié
aux mutations dans la gestion de l'élevage bovin.
La gestion actuelle de l'élevage bovin a eu un impact
social dans la vie des éleveurs. En effet, la société
pastorale, essentiellement peulh, fut considérée comme peuple
sans domicile fixe ; un peuple dépendant de la disponibilité du
pâturage et de l'eau pouvant supporter les besoins du bétail. Dans
la moyenne vallée du fleuve Sénégal, ces éleveurs
par des mouvements saisonniers, s'implantaient dans le jeeri en saison de pluie
et dans la zone waalo en saison sèche.
Aujourd'hui, beaucoup d'éleveurs de la zone waalo ont
renoncé au nomadisme qui constituait le déplacement de toute une
famille de l'éleveur vers le jeeri avec le cheptel en saison
sèche. En effet, les éleveurs de la zone waalo sont en même
temps des agriculteurs qui se livrent quotidiennement à la culture
irriguée. Ainsi, la transhumance actuelle vers le jeeri, concerne
généralement un membre de la famille chargé de prendre en
charge le cheptel (aggo).
Les éleveurs de la zone jeeri, qui n'ont que
l'élevage comme activité économique, transhument rarement
vers le waalo en période post récolte ; ils restent
autour des forages de Biddi et de Maffré jusqu'à la fin des
pâturages afin de remonter vers le ferlo pour récupérer
très tôt l'hivernage s'installant progressivement au
Sénégal à partir du sud-est. Là aussi, toute la
famille de l'éleveur ne se déplace pas avec le cheptel bovin ; un
seul membre accompagné de sa femme et de quelques jeunes bergers
(sourgabé) font cette transhumance temporelle.
Cette nouvelle configuration du pastoralisme dans notre zone,
est à l'origine de la stabilisation des éleveurs dans leur
terroir ; d'où l'existence de gros villages d'éleveurs. Dans le
jeeri, de gros villages comme Maffré, Biddi, Petel-Diéguess se
concentrent autour des forages, mais aussi autour des périmètres
irrigués, dans la partie waalo (Diambo, Dioundou).Ces villages disposent
des services sociaux de base (école, case de santé, eau potable,)
et des types d'habitats qui s'évoluent considérablement vers des
constructions en ciment, à la place des cases en paille.
Cette concentration de villages d'éleveurs est
marquée par la scolarisation des enfants d'éleveurs à
l'enseignement français. Les éleveurs étaient
réticents à l'école française qu'ils
considéraient comme outil de déracinement à la culture
peulh que les générations doivent conserver. Mais aussi, les
enfants jouaient un rôle fondamental dans la conduite des troupeaux aux
pâturages et aux points d'eaux. De ce fait, les premiers
diplômés de l'école française dans notre
périmètre de
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recherche sont le plus souvent issus des familles
d'agriculteurs et de pêcheurs. Ainsi, le mode actuel de l'élevage
qui se traduit par la fixation progressive des sociétés
pastorales, dans de gros villages facilitent l'acceptation de l'école
française dans ses villages peulh qui s'intègrent de plus en plus
dans le monde extérieur où l'éducation est primordiale. La
société pastorale, à l'égard des agriculteurs et
pêcheurs, s'intéressent à l'éducation qui se traduit
par l'émergence de nouvelles élites dont les parents sont
éleveurs peulh pasteurs.
L'autre effet résultant des mutations dans la gestion
de l'élevage bovin dans la communauté rurale de
Guédé-village, est l'apport de revenus économiques aux
éleveurs. Rappelons que l'élevage bovin n'est plus une
activité de substance où l'éleveur échange
seulement ses produits laitiers avec les récoltes de l'agriculteur pour
vivre ; l'élevage est actuellement source de production
économique. En effet, l'insémination artificielle, l'achat de
taureau bon géniteur et des projets de vaines pâtures, rentrent
dans une nouvelle conscience de rendre plus productif l'élevage
bovin.
Ces nouvelles formes d'élevage bovin ont aussi des
effets économiques ; les éleveurs réinvestissent dans le
commerce. Ainsi, dans les agglomérations comme Taredji, des
éleveurs ont investi le commerce en ouvrant des boutiques d'alimentation
générale, d'autres parcourent les marchés hebdomadaires en
commercialisant des marchandises (vivres, vêtements, chaussures,
médicaments). Donc, les éleveurs ne se limitent plus à
l'élevage ; ils diversifient leurs activités d'élevage en
y associant le commerce et l'agriculture.
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