II. L'insémination artificielle : un renouveau
scientifique dans la transformation
génétique de la race bovine
1. Définition et historique de l'insémination
artificielle.
L'insémination artificielle est une technique qui
consiste à reposer à l'aide d'un instrument approprié et
au moment opportun, la semence d'un mâle dans la partie la plus
convenable des voies génitales d'une femelle sans qu'il ait un acte
sexuel.
La découverte de l'insémination artificielle
date depuis le XVIIIe siècle en Europe ; elle fut utilisée pour
la première fois en 1779 par Lauro Spallanzani chez la chienne, selon
Serge Claire Nkolo (2009). En Afrique, elle a été introduite pour
la première fois en 1935 au Kenya par Anderson.
C'est n'est qu'en 1995 que l'insémination artificielle
a été initiée au Sénégal par le Programme
d'Appui au développement de l'élevage (PAPEL), à l'aide la
Banque Africaine de Développement(BAD), dans le cadre de sa politique de
modernisation de l'élevage afin de maximiser la production
laitière. Ceci traduit, une volonté politique visant à
répondre aux besoins des populations qui dépendent trop du lait
importé de l'Europe et de l'Asie ; ce qui est paradoxale souvent si les
éleveurs témoignent qu'ils déversent du lait pour les
animaux en saison pluvieuse par manque de moyen de conservation ou de
transformation des produits laitiers.
2. Les résultats de la pratique de
l'insémination artificielle dans la CR de
Guédé-village.
Malgré les réticences notées dans
l'adoption de cette technique moderne par beaucoup d'éleveurs, le
service départemental de l'élevage démontre que
l'insémination artificielle a abouti à 45% de gestation en 2012
sur 1486 vaches inscrites. En effet, dans notre périmètre de
recherche, l'insémination s'organise annuellement dans les
différents parcs de vaccination, que dispose la Communauté Rurale
de Guédé-village. En effet, suivant un calendrier bien
défini, le service vétérinaire chargé du programme
d'insémination, informe les chefs des villages de la date retenue. Ces
derniers transmettent le message aux éleveurs qui dès le jour
fixé par le vétérinaire, ramènent au parc de
vaccination 1 à 5 vaches en âge de vêlage prête
à l'insémination.
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Tableau 9: campagne d'insémination artificielle
communauté rurale de Guédé-village 2012.
Centres d'insémination
|
Vaches inscrites
|
Vaches synchronisées
|
Guia
|
75
|
98
|
Ndiawara
|
90
|
68
|
Diatar
|
22
|
68
|
Dioundou
|
47
|
14
|
Guédé village
|
111
|
00
|
Taredji
|
50
|
38
|
Medina fresbé
|
22
|
27
|
Maffré
|
75
|
212
|
Mbiddi
|
80
|
62
|
Gawdé-boffé
|
00
|
28
|
(Source: enquête de terrain, projet ESCAPE, 2013
; données SDEL).
Ce tableau reflète les villages de la CR de
Guédé-village qui sont en phase au programme
d'insémination artificielle. En effet, il s'agit de 10 villages
comprenant les 3 zones géographiques de la communauté rurale de
Guédé-village qui ont opté l'insémination
artificielle soit 38% de l'ensemble des villages officiels.
Le nombre de vaches synchronisées est différent
d'un village inscrit à l'autre. Mais, il est important de remarquer que
les éleveurs du jeeri ont eu plus de vaches
synchronisées par rapport aux villages de la zone waalo. Par
exemple, à Maffré le nombre de vaches synchronisées est de
212 vaches, contre 98 vaches synchronisées à Guia où la
synchronisation est meilleure dans la partie waalo. Cette
disparité dans la portée de l'insémination artificielle,
s'explique d'une part par l'importance de l'élevage dans le jeeri,
par rapport au waalo dont les activités agricoles sont
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dominées par l'agriculture irriguée et d'autre
part à la volonté des éleveurs pasteurs à
moderniser l'élevage bovin.
Toutefois, Les éleveurs ont noté des
complications dans cette méthode scientifique qui les poussent à
rejeter le plus souvent ce programme d'amélioration
génétique élaboré par l'Etat du
Sénégal. En effet, les éleveurs ont notés que les
vaches où la gestation a échoué après
insémination restent 3 à 4 années sans reproduire ; ce qui
menace l'augmentation de leur cheptel bovin. Ainsi, un éleveur
témoigne avoir vendu une vache inséminée de son cheptel
qui est resté 3 ans sans se reproduire.
Néanmoins, les actions actuelles de
l'amélioration génétique ont des résultats visibles
dans la communauté rurale de Guédé village, même si
les populations d'éleveurs sont généralement pessimistes
au regard des programmes de modernisation du secteur de l'élevage que
l'Etat juge archaïque ou inadapté, dans un contexte de mutation
sociale et économique.
Ci-dessous une illustration des résultats de
l'insémination artificielle dans la CR de Guédé-
village.
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Photo 3: bovin de l'insémination artificielle dans
le village de Khodith.
(Source : enquête de terrain, projet ESCAPE,
2013).
Cette photo montre l'engagement de certains éleveurs
dans l'amélioration génétique de la race bovine. En effet,
ce type de race a une capacité productive en lait plus important que
celle de race locale. Ainsi, elle est une source d'exploitation
économique de l'éleveur qui a besoin d'énorme
quantité de lait, très prisé en saison sèche
à cause de sa rareté et de sa forte utilisation dans les repas
journaliers des populations de la moyenne vallée du
Sénégal.
Tableau 10: Analyse des capacités productives
des différentes races bovines dans la CR de
Guédé-village.
Type de race
|
prix de vente d'un taureau âgé de
3ans
|
production laitière par traite
|
Zébu gobra
|
85000 à 110000
|
1 à 2
|
Boussera ou pakistanaise
|
125000 à 160000
|
2 à 2,5
|
Race maure ou safroyé
|
85000 à 130000
|
3 à 4
|
Bovin de l'insémination
|
350000à 400000
|
5 à 8
|
(Source: enquête de terrain, projet ESCAPE,
2013).
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Ce tableau traduit les potentielles productives qu'offrent les
différentes races bovines .Il reflète de grandes
disparités dans la capacité de production laitière et
à procurer de l'argent après vente. Ainsi, la race locale offre
une production faible par rapport à la race boussera et surtout
le bovin issu de l'insémination qui a une capacité productive,
variant de 5 à 8 litre de lait par traite.
Par ailleurs, les éleveurs s'intéressent aussi
à l'achat de taureau bon géniteur pour rendre leur cheptel bovin
plus productif et bénéfique économiquement, dans un espace
où l'échange est de plus en plus monétarisé. En
effet, les races exotiques comme la race pakistanaise et celle issue de
l'insémination sont vendues très chères dans le
marché du fait de leurs capacités à produire beaucoup plus
de lait, par rapport au zébu gobra dont la production laitière
est quasiment nulle en saison sèche. De ce fait, certains
éleveurs de la communauté rurale de Guédé-village
sont plus que jamais déterminés dans la transformation de leurs
cheptels, généralement zébu gobra en race exotique
répondante aux besoins du marché bétail.
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