4. Une nouvelle discipline : l'Ergonomie
Le troisième courant de pensée à viser
l'analyse des conditions de travail dérive de l'ergonomie. Si
initialement ce sont les aspects matériels du poste de travail qui ont
retenu son attention ; ambiances physiques, caractéristiques
dimensionnelles, signaux et commandes, l'ergonomie inclut aujourd'hui, en
tentant de les objectiver, des facteurs tels que l'organisation du travail, les
communications, l'autonomie au travail.
Cette nouvelle discipline a pu se définir comme
traitant de l'ensemble des connaissances permettant d'adapter le travail
à l'homme. C'est-à-dire, de concevoir des postes de travail, des
installations, des systèmes, où il travaille avec un maximum de
confort, de sécurité et d'efficacité (Véronique,
K.& all, 1982).
Ces connaissances proviennent de disciplines très
diverses : physiologie, médecine, psychologie,sociologie :
soit des sciences de l'homme, et physique, mécanique, thermodynamique,
électricité etc. Soit des sciences de l'ingénieur,
appliquées aux machines. Mariage difficile entre la technique et
l'humain, mais indispensable puisque c'est la relation harmonieuse entre
l'homme, la machine et l'environnement physique et social qui est ici
visée.
? L'ERGONOMIE VISE A OBJECTIVER LES CONDITIONS DE TRAVAIL
Les conditions de travail et l'ergonomie ne se situe pas sur
le même plan. Les premières relèvent du vécu du
travailleur, de la façon dont il perçoit et subit les facteurs
constituants la situation de travail. L'ergonomie quant à elle se
propose d'objectiver ces facteurs, de les évaluer, de suivre les traces
qu'il laisse au niveau de l'activité humaine, et de les améliorer
(fig1 cf. Annexe).
? DU LABORATOIRE AU SITUATION REELLE DU TRAVAIL
L'ergonomie est née aux Etats-Unis, durant la
dernière guerre, où elle était utilisée en
aviation, à des fins militaires. Dans la suite, elle s'est
orientée vers l'industrie, transférant au poste de travail les
connaissances acquises sur l'adaptation du matériel aux capacités
et aux limites humaines. Les premières études avaient
été faites en laboratoire ; pour concevoir des postes
où les dimensions anthropométriques, la localisation des cadrans
et des commandes correspondent aux capacités humaines, il était
assez simple de faire parier le facteur étudié et d'analyser les
effets de ces variations sur l'activité de l'homme : nombres
d'erreurs commises, dépenses énergétiques, etc.
Il apparut bientôt cependant que la situation de
travail différait de celle du laboratoire, dans la mesure où
l'environnement technique, social et organisationnel, voire économique,
produisait également des effets sur l'homme. De plus, en situation
réelle, les différents facteurs interagissent. Tout ceci rendait
la prédiction du terrain, à partir du laboratoire, peu
concluante.
Les recherches, sans abandonner le laboratoire, se sont
orientées vers les situations industrielles. L'accent a
été placé sur l'analyse du travail, sur l'observation
directe. En effet, le travail réellement effectué par l'ouvrier
diffère toujours profondément de celui qui lui est formellement
assigné : les aléas qui émaillent le travail
quotidien sont des révélateurs d'inadaptation du système
accompagné de leur contrepartie : la régulation
exercée par le travailleur pour les prévenir et les
réduire.
Les facteurs pris en compte par les ergonomes
témoignent de cette évolution. Au départ, ils se
limitaient aux facteurs physiques, d'ambiance, à la charge physique et
aux aspects matériels du poste de commande. C'était là des
éléments de la situation de travail qu'il était assez
simple de transformer en paramètres objectivables, et de mesurer ensuite
à l'aide d'appareils appropriés (Méthode AVISEM, fig2, cf.
Annexe).
Petit à petit, cependant, d'autres facteurs se sont
joints à eux. Ainsi, automatisation croissante a
généré des postes où la signification du travail
était menacée. Comment l'objectiver ? Il fallut, dans
certains cas, évaluer très indirectement les facteurs : la
signification de travail à partir de la durée.
Ainsi, en élargissant son champ d'investigation en se
rapprochant des réalités industrielles, l'ergonomie se
trouve-t-elle face à des problèmes méthodologiques.
Au niveau de la prise des données par exemple. S'il
est assez simple d'opérer des mesures lorsqu'il s'agit de la charge
physique, ou de l'environnement physique de travail, dès qu'on s'attaque
à un poste ou c'est l'activité mentale qui prédomine,
comment l'étudier ? Les ergonomes s'attachent à la nature
des informations prélevées par les travailleurs pour
exécuter la tâche, à son amplitude, aux fluctuations
qu'elle connait, à la façon dont le travailleur l'organise
mentalement.
Le relevé de ces données peut parfois se faire
par observation directe, lorsque le poste est peu complexe. Mais dans des
systèmes très automatisés, il est fréquent que
cette observation soit insuffisante.Il faut recourir dès lors à
des techniques plus sophistiquées.
L'une d'entre elles consiste à enregistrer les
mouvements oculaires des travailleurs pour suivre sur quel cadran, ou quels
appareils, ils se posent.
Une autre se fonde sur la verbalisation des stratégies
mentales des sujets : On demande au travailleur d'expliciter oralement ce
qu'ils font. Les explications sont enregistrées puis analysées.
Cette technique, dont l'analyse s'appuie aujourd'hui sur la psycholinguistique,
permet de découvrir bien plus que l'information
prélevée ; elle dévoile la manière dont les
travailleurs sestructurent dans leur activité : on a coutume de
l'appeler image opérative ou image
opératoire.
Comme le dit Faverge, l'ergonomie de travail mental est
différente de celle qui avait pris pour base les aspects perceptifs de
la détection des signaux : « il ne s'agit plus
d'améliorer les qualités d'un dispositif de signalisation,
d'étudier la meilleure forme d'un cadran, de discuter des graduations
d'une échelle, ou des caractéristiques des chiffres les plus
lisibles, mais de détecter dans unprocessus les informations manquantes,
d'examiner les stratégies de l'opérateur, de découvrir les
difficultés liées à l'incertitude et à la carence
de renseignements, de reconnaitre les signaux qu'il utilise, et leur valeur en
regard de l'efficacité des conduites » (Faverge, J.M.,
1966).
Un autre problème a été largement
étudié, au cours de ces dernières années, c'est
celui du rapport du travailleur au temps, et ce notamment à travers
l'organisation du travail.
Cadences, travail posté, temps d'autonomie, horaires
flottants : autant de paramètres qu'il n'était pas difficile
d'objectiver, mais dont l'influence exacte sur le travailleur était plus
compliqué à démontrer. Dans certains cas, c'est la
fréquence des accidents de travail qui a servi de
révélateur ; le plus souvent, ce sont des
appréciations subjectives des travailleurs qui ont
témoignés de la nocivité de certaines formes de
contraintes temporelles.
Mais de plus en plus, pour ce type de problème, c'est
à des critères extérieurs à l'entreprise que l'on
fait appel.
Quelles traces l'organisation du temps de travail dans
l'entreprise laissent-elles sur le travailleur qu'il l'a quittée,
c'est-à-dire dans sa sphère sociale et familiale ?
Organisation des loisirs, qualité du sommeil, nutrition, etc. Il
apparaît de plus en plus que le travail pénètre la vie
privée, tout comme celle-ci rejaillit au sein de l'entreprise.
Ainsi, partie du laboratoire avec des techniques de mesure
rigoureuses, l'ergonomie se trouve-t-elle aujourd'hui en pleine mutation. Ses
intérêts rejoignent ceux qui guident les nouvelles formes
d'organisation du travail ; elle s'en distingue par ses méthodes et
son souci permanent d'objectivation des paramètres, mais elle est
à la recherche de techniques et d'indicateurs lui permettant d'inclure
dans son champ d'investigation, les facteurs différenciant la situation
de laboratoire de la situation de travail.
Ici, dans ce travail, nous ne disposons pas des outils
nécessaires du point de vue ergonomique pour évaluer les
conditions de travail du personnel du Port Autonome de Cotonou. L'ergonomie
étant la discipline qui permet d'analyser l'activité du
travailleur, elle se base un modèle, élaboré par le
psychologue Jacques Leplat, qui consiste à analyser à la fois la
tâche, l'activité, les effets, les résultats, et
également toutes les composantes de l'homme au travail, à travers
le couplage Homme-Tâche.
Ceci étant, nous nous baserons sur les courants
à dominance Hygiéniste et Humaniste pour évaluer ces dites
conditions. Ainsi le courant psychosociologique américain, quand bien
même, qu'il soit révolu, constitue pour nous un excellent outil de
base d'analyse pour évaluer les conditions de travail du personnel du
PAC.
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