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1
UFR Droit, Economie et Gestion, 13, allée François
Mitterrand
49 036 Angers Année universitaire 2015-2016
La Cour africaine des droits de l'homme et
des
peuples entre originalités et
incertitudes
Mémoire de recherche de Master
1 Présenté par DIALLO M. Alpha
Etudiant en Master 1 Droit international et européen
Sous la direction de Madame Bérangère TAXIL,
professeure à l'Université
d'Angers
Membre du jury : Monsieur Yannick LECUYER, maître de
conférences HDR à l'Université d'Angers
Soutenu le 02 juin 2016
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UFR Droit, Economie et Gestion, 13, allée François
Mitterrand 49 036 Angers
Année universitaire 2015-2016
La Cour africaine des droits de l'homme et
des
peuples entre originalités et
incertitudes
Mémoire de recherche de Master
1 Présenté par DIALLO M. Alpha
Etudiant en Master 1 Droit international et européen
Sous la direction de Madame Bérangère TAXIL,
professeure à l'Université
d'Angers
Membre du jury : Monsieur Yannick LECUYER, maître de
conférences HDR à l'Université d'Angers
Soutenu le 02 juin 2016
2
LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET
DES
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3
PEUPLES ENTRE ORIGINALITES ET INCERTITUDES
SOMMAIRE
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4
PARTIE I : La Cour africaine, un organe
juridictionnel à vocation continentale
CHAPITRE I : La Cour africaine, un organe prometteur
Section I : Un système juridictionnel novateur
institué par le Protocole de Ouagadougou
Section II : La Cour africaine, une institution
judiciaire indépendante
CHAPITRE II : La Cour africaine, un organe juridictionnel
ambitieux Section I : Une Cour à compétence matérielle
large
Section II : Une Cour à compétence
personnelle relativement libérale
PARTIE II : La Cour africaine, un instrument fragile
CHAPITRE I : La Cour africaine, un organe à
efficacité relative mais perfectible Section I : Les limites
juridico-politiques majeures à l'efficacité de la Cour
Section II : La nécessité d'un rude effort de
régulation pour une Cour africaine effective
CHAPITRE II : La Cour africaine, une juridiction
provisoire
Section I : Le projet de création d'une Cour unique :
l'acte de décès de la Cour africaine des droits de l'homme et des
peuples?
Section II : Vers une restriction des droits de l'homme
en Afrique ?
SIGLES ET ABREVIATIONS
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5
AFDI : Annuaire Français de Droit International
AGNU : Assemblée Générale des
Nations-Unies
Art. : Article
CADH : Convention Américaine des Droits de l'Homme
CADHP : Charte Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples
CEDH : Convention Européenne des Droits de l'Homme
CER : Communautés Economiques Régionales
CE : Conseil de l'Europe
Cf. : Confer
CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l'Afrique
de l'Ouest
CEMAC : Communauté Economique et Monétaire de
l'Afrique Centrale
CEEAC : Communauté Economique des Etats de l'Afrique
Centrale
COMESA : Marché Commun de l'Afrique Australe et
orientale
CEA : Communauté de l'Afrique de l'Est
CIJ : Cour Internationale de Justice
CJUE : Cour de Justice de l'Union Européenne
CJUA : Cour de Justice de l'Union Africaine
CAJDH : Cour africaine de Justice et des Droits de l'Homme
CAJDHP : Cour Africaine de Justice des droits de l'homme et
des Peuples
CPI : Cour Pénale Internationale
Com ADHP : Commission africaine des droits de l'homme et des
peuples
Com IADH : Commission interaméricaine des droits de
l'homme
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6
Cour ADHP : Cour africaine des droits de l'homme et des
peuples
Cour EDH : Cour européenne des droits de l'homme
Cour IADH : Cour interaméricaine des droits de
l'homme
Dir. : Sous la direction
Doc. : Document
éd. : Editions
FIDH : Fédération internationale des ligues de
droits de l'homme
N° : numéro
OEA : Organisation des Etats Américains
OHADA : Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit
des affaires
ONG : Organisation Non Gouvernementale
ONU : Organisation des Nations Unies
OUA : Organisation de l'Unité Africaine
P. : Page
pp. : Pages
PUF : Presse Universitaire de France
RGDIP : Revue Générale de Droit International
Public
RQDI : Revue Québécoise de Droit
International
RTDH : Revue Trimestrielle des droits de l'Homme
UA : Union Africaine
UE : Union Européenne
V. : Voir
Vol. : Volume
INTRODUCTION
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7
De toute évidence comme l'a souligné le juge et
ancien Vice - président de la Cour africaine des droits de l'homme et
des peuples, Modibo Tounty Guindo : « la création de la Cour
africaine a été l'aboutissement d'un long processus ; un si long
chemin, construit grâce à la vision, à la conviction,
à la détermination et au combat inlassable de femmes et d'hommes
pétris d'un idéal tout à fait simple, la liberté
dans la dignité, mais ô combien ardu à réaliser,
à vivre, à conquérir et à sauvegarder toute une vie
»1.
D'un point de vue historique, l'idée de création
d'un organe judiciaire africain a été émise pour la
première fois en 1961 dans le cadre du Congrès africain sur la
primauté du droit tenu à Lagos (Nigéria) par la Commission
internationale des juristes2. Dans la déclaration finale
intitulée « Acte de Lagos », les congressistes, provenant des
différents Etats d'Afrique et de neuf Etats d'autres continents, avaient
suggéré l'adoption d'une « Convention africaine des
droits de l'homme prévoyant notamment la création d'un tribunal
approprié et des voies de recours ouvertes à toutes les personnes
relevant de la juridiction des Etats signataires »3.
C'est vingt ans plus tard que le projet de création
d'une Cour africaine trouvera ses débuts de concrétisation par
l'adoption de la Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples4 (ci-après dénommée : la Charte) lors
de la 18e Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement de
l'OUA5 du 24 au 27 juin 1981 à Nairobi (Kenya), qui est
entrée en vigueur le 21 octobre 1986.
L'adoption de la Charte a jeté les bases d'un long
processus de mise en place d'un organe de protection des droits de l'homme sur
le continent africain. Ce processus a lentement et progressivement
évolué et s'est construit par la consécration par la
Charte de la
1 Modibo Tounty Guindo (Juge et ancien
Vice-président de la Cour africaine), in guide FIDH « La Cour
africaine des droits de l'homme et des peuples vers la Cour africaine de
justice et des droits de l'homme », disponible sur
www.fidh.org/fidh@fidh.org,
publié le 11 mai 2010, pp. 13.
2 La Commission Internationale des Juristes (CIJ)
est une ONG internationale créée en 1952. Elle oeuvre pour le
développement et la mise en oeuvre du Droit international des droits de
l'homme, du Droit international humanitaire ; veille à la
réalisation des droits civils, politiques, économiques, sociaux
et culturels ; assure la séparation des pouvoirs et la
préservation de l'indépendance de la justice et des professions
juridiques. Elle a son siège à Genève (Suisse).
3. OUGUERGOUZ (F.), « La Cour africaine des droits de
l'homme et des peuples - Gros plan sur le premier organe judiciaire africain
à vocation continentale», AFDI, 2006. p213-240, p. 213.
4. NTWARI (G-F), « La Cour africaine des droits de
l'homme et des peuples à la croisée des chemins - Bilan des cinq
premières années d'activités judiciaires (2009-2014)
», Rev. trim. dr. h., 2015, pp. 367-391.
5 Devenue Union Africaine (UA) en juillet 2002.
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8
Commission africaine des droits de l'homme et des
peuples6 (ci-après dénommée : la Commission)
et, l'adoption du Protocole relatif à la Charte africaine portant
création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples
(ci-après dénommée : le Protocole) le 10 juin 1998
à Ouagadougou.
L'adoption de ce Protocole dans le cadre de l'OUA marque donc
formellement la volonté des Etats africains de créer un
mécanisme concret de sanction des violations des droits de l'homme en
Afrique7.
L'originalité et la spécificité de la
Charte africaine réside dans le fait qu'elle protège un large
éventail de droits. Contrairement aux conventions européenne et
américaine des droits de l'Homme, la Charte africaine comprend des
articles visant à protéger non seulement les droits civils et
politiques (articles 2 à 14) mais aussi les droits économiques,
sociaux et culturels (articles 15 à 18). Associant la tradition des
valeurs africaines et la modernité des droits universellement reconnus,
la Charte reconnaît aussi les droits des peuples (articles 19 à
24). Ainsi, la Charte comprend des éléments novateurs liés
à l'histoire de la civilisation africaine, tout en s'inscrivant
largement dans la continuité des autres instruments juridiques
régionaux et internationaux relatifs à la protection des droits
de l'homme.
Mais à la différence des Conventions
européenne8 et américaine9 des droits de
l'homme, la Charte africaine ne prévoyait pas la création d'une
Cour. Lors de son élaboration, deux tendances se sont opposées
à propos de la création d'une Cour africaine. Le courant
majoritaire et qui l'emportât, militait en faveur du rejet de
l'idée de création d'une Cour. L'argument principal des partisans
de cette thèse était fondé sur le respect des traditions
juridiques africaines, qui privilégient la conciliation sur le
règlement judiciaire des litiges10. Les partisans du courant
favorable à la création d'une Cour estimaient quant à eux
que la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, telle qu'elle
était conçue dans la
6 Sur la Commission, voir
notamment OUGUERGOUZ (F.), « La Commission africaine des droits de l'homme
et des peuples : présentation et bilan d'activités 1988-1989)
», AFDI, vol. 35, 1989, pp. 557-571.
7. NTWARI (G-F), « La Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples à la croisée des chemins - Bilan
des cinq premières années d'activités judiciaires
(2009-2014) », op. cit., p. 369.
8 La Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme adoptée dans le cadre du Conseil de l'Europe en
1950.
9 La Convention américaine des droits de
l'homme adoptée dans le cadre de l'Organisation des Etats
Américains en 1969.
10 Voir Mutoy MUBIALA, « La Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples : mimétisme institutionnel ou
avancée judiciaire ? », in R.G.D.I.P.,
1998-3, p. 765
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9
Charte n'était pas suffisamment outillée pour
assurer une protection efficace des droits de l'homme et des peuples sur le
continent africain11.
Le refus à l'époque de créer une Cour
pour assurer le contrôle de la Charte résultait sans doute de la
méfiance longtemps entretenue par les Etats africains à l'endroit
des mécanismes juridictionnels de règlement des différends
pour préserver la souveraineté fraichement
acquise12.
A l'absence donc d'un organe juridictionnel, c'est la
Commission, créée par la Charte (article 30) et entrée en
fonction le 2 novembre 1987 qui exerce le rôle d'organe de promotion et
de protection des droits de l'homme sur le continent conformément
à la mission qui lui a été confiée par la Charte
(article 45). Mais suite à des nombreux problèmes liés
notamment à l'absence de force contraignante de ses décisions, de
leur application par les Etats, est née la nécessité de
créer un véritable organe juridictionnel garantissant
efficacement le respect des droits l'homme en Afrique.
C'est dans le souci de l'inefficacité de ce
mécanisme que l'un des « pères fondateurs » du
système africain de protection des droits de l'homme, le juge
Kéba M'BAYE affirmait en 1992 :
« Il faut bien sûr reconnaître qu'il est
loin d'être parfait. Il y manque notamment une Cour des droits de
l'homme. Mais ce n'est pas une omission [...]. Néanmoins, le moment est
venu de revenir sur la question. »13
C'est ainsi qu'a été officiellement lancé
le processus d'élaboration du Protocole à la Charte portant
création d'une Cour régionale lors de la Conférence des
chefs d'Etat et de gouvernement de l'OUA tenue à Tunis (Tunisie) en juin
1994. Quatre ans plus tard, le 10 juin 1998 à Ouagadougou (Burkina
Faso), à l'occasion de la 34e session ordinaire de la
Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement a été
adopté le Protocole portant création de la Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples. En réalité, «
L'entrée en vigueur du Protocole, six ans plus tard, soit le 25
janvier 2004, va libéraliser le processus d'opérationnalisation
de la Cour, pour lequel il aura fallu attendre près de deux ans pour sa
mise en place, notamment par l'élection des premiers juges ; il a fallut
trois années
11 Ibid., p. 765.
12 Ibid., p. 768.
13 M'BAYE Keba, Les droits de l'homme en
Afrique, Paris, Pedone, 1992, p. 266, cité par Mutoy MUBIALA,
« La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples :
mimétisme institutionnel ou avancée judiciaire ? », op.
cit, p. 768.
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10
supplémentaires avant que la Cour,
confrontée à des problèmes de siège, d'installation
et d'élaboration de son règlement intérieur, ne rende
enfin son premier arrêt, le 15 décembre 2009
»14.
Il ressort de l'article 2 du Protocole, que la Cour «
complète les fonctions de protection que la Charte africaine des droits
de l'homme et des peuples a conférées à la Commission
africaine des droits de l'homme et des peuples ».
Avec donc la création de la Cour, l'Afrique à
l'image de l'Europe et de l'Amérique se dote d'une instance qui
complète le rôle de la Commission africaine pour une meilleure
protection des droits de l'homme sur le continent.
La Cour est compétente selon l'article 3 du Protocole
« pour connaitre de toutes les affaires et de tous les
différends dont elle est saisie concernant l'interprétation et
l'application de la Charte, du [...] Protocole, et de tout autre instrument
pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par les Etats
concernés ». Comme traditionnellement consacré, «
en cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est
compétente, la Cour décide ». Et l'article 4
précise qu'elle dispose aussi d'une Compétence consultative :
« A la demande d'un Etat membre de l'UA et de tout organe de l'UA ou
d'une organisation reconnue par l'UA, la Cour peut donner un avis sur toute
question juridique concernant la Charte ou tout autre instrument pertinent
relatif aux droits de l'homme à condition que l'objet de l'avis
consultatif ne se rapporte pas à une requête pendante devant la
Commission ».
De même, l'article 5 du Protocole établi quant
à lui une liste des personnes, entités ou instances qui peuvent
saisir la Cour pour dénoncer la violation d'un droit garanti par la
Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et de tout autre
instrument pertinent relatif aux droits de homme par un Etat qui a
ratifié le Protocole. En revanche, la saisine de la Cour par les
individus et les Organisations non gouvernementales (ONG) constitue l'une des
limites majeures de la Cour même s'ils peuvent tenter de contourner cet
obstacle par le biais de la Commission.
Le Protocole instituant la Cour en son article 5 alinéa
3 prévoit que « la Cour peut permettre aux individus ainsi
qu'aux organisations non gouvernementales dotées de statut d'observateur
auprès de la Commission d'introduire des requêtes directement
devant elle
14. NTWARI (G-F), « La Cour africaine des droits
de l'homme et des peuples à la croisée des chemins - Bilan des
cinq premières années d'activités judiciaires (2009-2014)
», op. cit., pp.369-370.
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11
conformément à l'article 34(6) de ce
Protocole ». Et cet article 34(6) se lit en ces termes : « A
tout moment à partir de la ratification du présent Protocole,
l'Etat doit faire une déclaration acceptant la compétence de la
Cour pour recevoir les requêtes énoncées à l'article
5(3) du présent Protocole. La Cour ne reçoit aucune requête
en application de l'article 5(3) intéressant un Etat partie qui n'a pas
fait cette déclaration ». Cette disposition constitue
visiblement un véritable verrou juridique et explique donc le fait que
la majorité des arrêts rendus par la Cour sont des arrêts
d'irrecevabilité pour incompétence.
A la date du 5 février 2016, avec la ratification par
la République du Tchad le 27 janvier 2016 du Protocole et le
dépôt de son instrument de ratification au siège de
l'UA15, 30 Etats membres de l'Union sur les 54 ont désormais
ratifié le Protocole. Et à ce jour, seulement huit (8) Etats
parmi eux ont fait la déclaration facultative d'acceptation de la
compétence de la Cour conformément à l'article 34(6). Il
s'agit : du Burkina Faso, de la Cote d'Ivoire, du Ghana, du Malawi, du Mali, du
Rwanda, la Tanzanie et le Bénin depuis le 8 février 2016 (date du
dépôt de la déclaration).
La Cour à l'instar de la Commission est composée
de 11 juges, ressortissants des Etats membres de l'UA. Le nombre de juges est
réparti suivant les régions d'Afrique : 2 juges pour l'Afrique de
l'Est, 2 juges pour l'Afrique centrale, 2 juges pour l'Afrique du nord, 2 juges
pour l'Afrique du sud et 3 juges pour l'Afrique de l'Ouest. La Cour ne peut pas
comprendre deux juges de même nationalité. Ils sont élus
après leur nomination par leurs Etats respectifs, à titre
personnel parmi les juristes africains jouissant d'une très haute
autorité morale, d'une compétence et d'une expérience
judiciaires et académiques reconnues dans le domaine de droits de
l'homme. Les juges sont élus pour un mandat de 6 ans renouvelable une
fois.
En ce qui concerne la jurisprudence de la Cour, il faut dire
que contrairement aux Cours européenne et interaméricaine des
droits de l'homme, elle est naissante et trop peu abondante.16
De 2008 à 2010 la Cour n'a été saisie que
d'une seule affaire.17 Ce premier arrêt de la cour africaine
est appelé à compter dans les « annales judiciaires
africaines »18. Aujourd'hui,
15 Pour des raisons de
commodité, le terme `'Union Africaine» (UA), qui correspond
aujourd'hui à l'entité que l'on connaît, sera ici
utilisé de manière générique afin d'éviter
l'utilisation de la dénomination la plus ancienne « Organisation de
l'Unité Africaine » (OUA).
16 NTWARI (G-F), « La Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples à la croisée des chemins - Bilan
des cinq premières années d'activités judiciaires
(2009-2014) », op. cit., p. 380.
17 Affaire 001/2008 : Michelot Yogogombaye c.
Sénégal, arrêt rendu le mardi 15 décembre
2009.
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12
la Cour a rendu une trentaine de décisions dont 3
arrêts sur le fond19 - le premier contre la Tanzanie et les
deux autres contre le Burkina Faso -, des ordonnances portant des mesures
provisoires ainsi que des arrêts sur des exceptions préliminaires.
Ces différentes décisions témoignent que la Cour est
entrain d'imposer sa marque sur le terrain de la protection des droits de
l'homme en Afrique
Malgré le développement progressif des
activités de la Cour, des interrogations subsistent encore quand
à son avenir. Inutile de rappeler que depuis le 22 janvier 2006, date de
la première élection des juges africains des droits de l'homme et
des peuples, la Cour est effective. Mais, il convient toutefois de
préciser à cet égard que l'actuelle Cour africaine des
droits de l'Homme et des peuples est une « Cour en sursis
»20 destinée à une disparation programmée
au profit de la « nouvelle » Cour africaine de justice et des droits
de l'homme21.
Donc l'actuelle Cour africaine des droits de l'homme et des
peuples dont les attentes sont considérables au sein des populations
africaines victimes des graves violations de leurs droits, deviendra la section
des droits de l'homme de la future Cour de justice et des droits de l'homme
dont le Protocole 22 n'est encore pas entrée en vigueur.
L'étude de la Cour africaine des droits de l'homme et
des peuples suscite un certain nombre de questions dont entre autres:
- Quelle place occupe la Cour africaine des droits de l'homme
et des peuples au sein du système régional africain de protection
des droits de l'homme ?
- Quel est l'apport de la Cour à la protection des
droits de l'homme en dans la protection des droits de l'home en Afrique ?
- Quels sont les problèmes auxquels la Cour est
confrontée ?
18 Voir aussi sur cet arrêt, NTWARI
(G-F), « Note sur le premier arrêt de la Cour africaine des droits
de l'homme et des peuples », RADIC, vol.18, n°2/2010, pp.
233-237.
19 Arrêt affaires jointes Tanganyika Law
Society et The Legal Human Rights Center c. République - Unie de
Tanzanie et Révérend Christopher Mtikila c. République -
Unie de Tanzanie, 14 juin 2013 ; arrêt Ayants droit de feus
Norbert Zongo, Abdoulaye Nikiema dit Ablasse, Ernest Zongo et Blaise llboudo et
Mouvement burkinabé des droits de l'homme et des peuples c. Burkina
Faso, 28 mars 2014 ; arrêt Lohé Issa Konaté c.
Burkina Faso, décembre 2014.
20 NTWARI (G-F), « La Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples à la croisée des chemins - Bilan
des cinq premières années d'activités judiciaires
(2009-2014) », op. cit., p.389.
21 L'article 2 du Protocole de Sharm el - Sheik
adopté le 1er juillet 2008 en Egypte, portant statut de la
Cour africaine de justice et des droits de l'Homme note que « la Cour
africaine des droits de l'homme et des peuples et la Cour de justice de l'Union
africaine, créées respectivement par le Protocole relatif
à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant
création d'une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples et
l'Acte constitutif de l'Union africaine, sont fusionnées en une Cour
unique instituée et dénommée `'Cour africaine de justice
et des droits de l'homme» ».
22 Quinze ratifications sont exigées pour son
entrée en vigueur.
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13
- Quelles sont les avancées et les limites de la Cour ?
- La faible ratification du Protocole à la Charte comme
limite à l'effectivité de la Cour ? - L'article 34-6 comme
obstacle à l'efficacité, au fonctionnement de la Cour et à
son accessibilité par les individus et les ONG ?
- La Cour africaine des droits de l'homme permet-t-elle une
protection effective des droits de l'homme ?
Nous nous proposons d'aborder dans le cadre de cette
présente étude les éléments attestant que la Cour
africaine des droits de l'homme et des peuples en sa qualité de premier
organe juridictionnel à vocation continentale, est au-delà de
vives critiques portées à son égard par divers acteurs, un
organe ambitieux et prometteur (Partie I) dans la mesure où elle est
dotée de tous les outils nécessaires à l'accomplissement
de sa mission et, même si elle reste encore fragile (Partie II) et que
son destin est scellé par une série de reformes en vue de la
création d'une Cour unique.
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14
Partie I - La Cour africaine, un organe juridictionnel
à vocation continentale
Il est évident que « de nos jours, les droits
de l'homme sont sur toutes les lèvres et habitent tous les discours
juridiques et politiques »23 et comme le soulignait
QUILLERE-MAJZOUB Fabienne « La création d'un nouvel organe de
protection, de surcroit une Cour, ouvre de nouvelles perspectives et laisse
espérer une nouvelle approche des droits de l'homme sur le continent
africain »24. Installée le 2 juillet 2006, «
et bien qu'elle soit promise à un avenir très incertain, la
Cour africaine n'en mérite pas moins de faire l'objet d'un examen
détaillé La Cour est par ailleurs le premier organe judicaire
créé à l'échelle du continent africain
»25. Etudier la Cour africaine des droits de l'homme et
des peuples, nécessite ainsi de mettre un accent particulier sur ses
avancées, qui font d'elle non seulement un organe prometteur (Chapitre
I) institué par le Protocole de Ouagadougou, mais aussi et surtout
ambitieux (Chapitre II) au regard de l'étendue de ses
compétences.
Chapitre I : La Cour africaine, un organe
juridictionnel prometteur
Loin derrière l'Europe et l'Amérique, l'Afrique
s'est dotée en 1998 d'une juridiction continentale en matière de
protection des droits de l'homme. Le Protocole de 199826 qui a
crée la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples a mis en
place un système juridictionnel novateur (Section I) en prévoyant
les garanties de son indépendance (Section II) afin de lui permettre de
remplir sa mission sans entrave, ni ingérence.
23 ABI-SAAB Georges, avant propos de l'ouvrage de
OUGUERGOUZ Fatsah, La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples
: une approche juridique des droits de l'homme entre tradition et
modernité, PUF, 1993, p. xxiii.
24 QUILLERE-MAJZOUB Fabienne, « L'option
juridictionnelle de la protection des droits de l'homme en Afrique. Etude
comparée autour de la création de la Cour africaine des droits de
l'homme et des peuples », RTDH, 2000, N° 44, pp. 729-785, p.
730.
25 OUGUERGOUZ Fatsah, « La Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples - Gros plan sur le premier organe judiciaire
africain à vocation continentale », op. cit., p. 217.
26 Nous faisons allusions au Protocole de
Ouagadougou portant création de la Cour africaine des droits de l'homme
et des peuples, adopté en 1998.
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15
Section I : Un système juridictionnel novateur
institué par le Protocole de Ouagadougou
Adopté le 10 juin 1998 à Ouagadougou par la
Conférence des Chefs d'Etats et de gouvernements de l'OUA -actuelle
Union Africaine- le Protocole relatif à la Charte africaine des
droits de l'homme et des peuples portant création de la Cour africaine
des droits de l'homme et des peuples est entrée en vigueur le 25
janvier 2004. Cette date « marque une étape décisive
dans l'histoire des droits de l'homme en Afrique [...]
»27. Contrairement aux Conventions européenne et
américaine des droits de l'homme, le Protocole a notamment ouvert la
Cour africaine aux Organisations intergouvernementales africaines (Paragraphe
I), qui est sans doute l'une des originalités africaines et a largement
remédié aux lacunes de la Charte africaine des droits de l'homme
et des peuples (Paragraphe II).
Paragraphe I : Une Cour ouverte aux organisations
intergouvernementales africaines
Le Protocole relatif à la Charte africaine des droits
de l'homme et des peuples portant création de la Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples donne la qualité aux Organisations
intergouvernementales africaines de saisir la Cour. L'article 5. 1 dudit
Protocole se lit comme suit : « 1. Ont qualité pour saisir la Cour
:
a) la Commission ;
b) l'Etat partie qui a saisi la Commission ;
c) l'Etat partie contre lequel une plainte a été
introduite ;
d) l'Etat partie dont le ressortissant est victime d'une
violation des droits de l'homme ;
e) les organisations intergouvernementales africaines ; [...]
».
L'ouverture de la Cour africaine aux organisations
intergouvernementales africaines est l'une des spécificités de la
Cour africaine par rapport aux autres Cours régionales. En Europe, la
Cour de Strasbourg n'est ouverte qu'aux Etats parties à la Convention
européenne et à ses Protocoles, aux ONG, aux individus et aux
groupes de particuliers28 en matière contentieuse,
27 ATANGANA AMOUGOU Jean-Louis,
« Avancées et limites du système africain de protection des
droits de l'homme : La naissance de la Cour africaine des droits de l'homme et
des peuples », Droits fondamentaux, N°3, janvier -
décembre 2003, pp. 175-178, p.175, [en ligne].
28 Voir Convention européenne des droits de
l'homme, articles 33 et 34.
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16
ainsi qu'au seul Comité des Ministres du Conseil de
l'Europe (CE) en matière consultative29. En Amérique,
la Cour de San José n'est ouverte quant à elle qu'aux Etats
parties à la Convention américaine et à la Commission
interaméricaine en matière contentieuse, et de manière
plus large aux Etas membres de l'OEA (Organisation des Etats Américains)
et certains organes de cette dernière en matière
consultative30.
Toutefois, le Protocole à la Charte africaine n'a pas
définit les Organisations intergouvernementales africaines ayant cette
qualité. En matière consultative, le Protocole a bien
précisé que la saisine de la Cour est réservée aux
Etats membres de l'U.A, à l'U.A elle-même, aux organes de cette
dernière et aux organisations africaines reconnues par l'U.A même
si l'expression « reconnue » utilisée ici suscite bien
d'interrogations quant à sa portée. Cette absence de
précision laisse un certain flou quant aux organisations pouvant saisir
la Cour d'autant plus qu'il existe en Afrique, au-delà de l'Union
Africaine, une dizaine d'organisations régionales. Les choses
étant donc, moins claires, certains acteurs font une lecture très
large de cette disposition. C'est le cas notamment de FIDH
(Fédération internationale des ligues des droits de l'homme), qui
estime que les CER (Communautés Economiques Régionales) rentrent
dans le cadre desdites organisations intergouvernementales ayant qualité
pour saisir la Cour31.
Il est donc notable de préciser que seule la pratique
de la Cour peut faire la lumière sur cette question. Il est aussi
important d'observer qu'il ressort de la pratique de la Cour que les ONG ont la
qualité pour formuler des demandes d'avis consultatifs devant
elle32 bien que ces dernières ne figurent pas parmi les
entités énumérées expressément par l'article
4 du Protocole. Dans cette affaire de demande d'avis consultatif cité en
exemple, les auteurs de la demande sont des ONG basées et
enregistrées au Nigéria et qui oeuvrent pour la promotion et la
protection des droits de l'homme en Afrique et particulièrement en
Afrique de l'Ouest. Les auteurs de la demande sollicitent de la Cour qu'elle se
prononce sur ces deux questions suivantes :
29 Ibid., article 47.1.
30 Voir la Convention américaine des droits de
l'homme, articles 61 et 64.
31 Voir Guide pratique de la
Fédération internationale des Ligues des droits de l'homme,
« La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples vers la Cour
africaine de justice et des droits de l'homme », op. cit., p.
73.
32 Voir par exemple l'Ordonnance N°001/2015 en
date du 29 novembre 2015 relative à l'affaire demande d'avis consultatif
introduite par THE COALITION ON THE INTERNATIONAL CRIMINAL COURT LTD/GTE
(CICCN), THE LEGAL DEFENSE & ASSISTANCE PROJECT LTD/GTE (LEDAP), THE CIVIL
RESSOURCE DEVELOPMENT & DOCUMENTATION CENTER (CIRDDOC), THE WOMEN ADVOCATES
DOCUMENTATION CENTER (LTD/GTE (WARDC).
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17
1- « L'obligation d'un Etat africain partie au statut
de Rome de la CPI de coopérer avec celle-ci est-elle
prépondérante par rapport à l'obligation qui lui est faite
de se conformer aux résolutions de l'UA prescrivant à ses Etats
membres de ne pas coopérer avec la CPI ? ». 2- « Si la
réponse de la question (1) est affirmative, tous les Etats africains
parties au Statut de Rome sont-ils soumis à l'obligation légale
qui prévaut sur toutes les autres obligations légales ou
diplomatiques découlant des résolutions et décisions de
l'UA, d'arrêter et de remettre le Président Omar El-Béchir
en cas d'entrée sur le territoire de l'un quelconque des Etats parties
au Statut de Rome ? »33.
Cette demande d'avis consultatif a été
reçue au Greffe de la Cour et a été inscrite au rôle
et a fait l'objet d'un traitement.
Par ailleurs, dans le cadre du renforcement de la protection
des droits de l'homme au sein des C.E.R dont les textes constitutifs
contiennent généralement des dispositions relatives aux droits de
l'homme, il nous parait raisonnable que ces dernières soient
habilitées à saisir la Cour en matière consultative. Cela
aura notamment pour avantage de permettre aux Cours desdites communautés
d'être éclairées quant à l'interprétation et
à l'application de la Charte africaine, du Protocole et de tout autre
instrument juridique pertinent relatif aux droits de l'homme.
Paragraphe II : Un système destiné à
remédier aux lacunes de la Charte africaine
Le système africain de protection des droits de l'homme
institué par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et
longtemps incarné par la Commission africaine des droits de l'homme et
des peuples, présentait de nombreuses lacunes faute notamment de moyens
et d'un véritable pouvoir contraignant. Face aux nombreuses critiques et
lacunes, la naissance d'une Cour ne pouvais être que salutaire.
Créée 17 ans après la création de
la Commission et 11 ans après sa mise en place, « le
système de protection ainsi adopté ne résulte pas d'une
volonté délibérée à mettre en place un
système
33 Ibid., paragraphe 5, pages 4 et 5.
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18
global et entier, mais plutôt de la volonté
de combler une lacune qui paralysait de facto l'action de protection des droits
de l'homme telle que prévue par la Charte africaine
»34.
C'est donc « dans l'optique de remédier
à ces lacunes que s'inscrit résolument le Protocole de
Ouagadougou »35. Ainsi, il ressort de l'article 2
du Protocole que, « [l]a Cour [...] complète les fonctions de
protection que la Charte [...] a conférées à la Commission
[...] ». L'article 3 vient préciser quant à lui que
« [l]a Cour a compétence pour connaitre de toutes les affaires
et de tous les différends dont elle est saisie concernant
l'interprétation et l'application de la Charte, du présent
Protocole et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme
et ratifié par les Etats concernés », alors que la
Charte avait une conception beaucoup plus restrictive du champs de la
Commission que l'article 45 limitait à l'interprétation de ses
seules dispositions à la demande d'un Etat partie, d'une institution de
l'UA, ou d'une Organisation africaine reconnue par cette dernière.
Le Protocole contient également d'autres
éléments novateurs visant à remédier aux lacunes de
la Charte pour une meilleure protection des droits de l'homme en Afrique.
C'est notamment le cas du caractère
définitif et obligatoire des arrêts de la Cour
tel qu'il ressort de l'article 28 - 2 du Protocole : « l'arrêt
de la Cour [...] est définitif et ne peut faire l'objet d'appel
». La force obligatoire des décisions de la Cour est une
avancée majeure et une condition indispensable pour l'effectivité
de la protection des droits de l'homme en Afrique comme par tout ailleurs.
Cette absence de force obligatoire des conclusions ou recommandations de la
Commission fut l'une des limites fondamentales à l'effectivité de
la protection des droits de l'homme comme en témoigne l'article 52 de la
Charte en ces termes : « [...] après avoir essayé par
tous les moyens appropriés de parvenir à une solution amiable
fondée sur le respect des droits de l'homme et des peuples, la
Commission établit, [...] un rapport relatant les faits et les
conclusions auxquelles elle a abouti. [...] ». Nous remarquons donc
que la Commission s'inscrivait dans une dynamique purement et simplement
conciliatrice.
En ce qui concerne l'exécution des arrêts de la
Cour, les Etats parties s'engagent expressément à « se
conformer aux décisions de la Cour » et à « en
assurer l'exécution dans
34 QUILLERE-MAJZOUB Fabienne, « L'option
juridictionnelle de la protection des droits de l'homme en Afrique. Etude
comparée autour de la création de la Cour africaine des droits de
l'homme et des peuples », op. cit., p.730.
35 ATANGANA AMOUGOU Jean-Louis, «
Avancées et limites du système africain de protection des droits
de l'homme : La naissance de la Cour africaine des droits de l'homme et des
peuples », op. cit., p. 176.
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19
le délai fixé par
elle»36. En application de l'article 29, « le
Conseil des Ministres de l'UA veille à leur exécution au nom de
la Conférence »37. Cette solution plus «
réaliste »38 que celle de la Charte est similaire
à celle du système européen où l'exécution
des arrêts rendus par la CEDH39 est confiée au
Comité des Ministres du Conseil de l'Europe (CE).
Ensuite, l'une des innovations de la Cour découle de
l'article 27 du Protocole qui lui confère une très grande
liberté et un large pouvoir discrétionnaire «
lorsqu'elle estime qu'il y a eu violation d'un droit de l'homme ou des
peuples », d' « ordonner toutes mesures appropriées
afin de remédier à la situation, y compris le paiement d'une
juste compensation ou l'octroi d'une réparation ». En
application de cette même disposition, la Cour peut également
« dans les cas d'extrême gravité ou d'urgence, ordonner
des mesures provisoires qu'elle juge pertinentes lorsqu'il s'avère
nécessaire d'éviter des dommages irréparables à des
personnes ». Il convient de remarquer qu'un tel pouvoir
n'était pas offert à la Commission.
Enfin, l'article 28 du Protocole prévoit entre autres,
l'obligation pour la Cour de « motiver » ses arrêts,
le caractère « public » des audiences et la
possibilité pour les juges d'y joindre une « opinion
individuelle » ou « dissidente ». La Commission et
ses membres ne disposaient pas de telles prérogatives, aussi la
procédure devant la Commission était soumise à une stricte
confidentialité40 et les décisions étaient
très confidentielles et même « difficiles d'accès
et le chercheur n'était jamais certain d'en avoir une
appréhension exhaustive »41. Dans certaines de ses
décisions, même lorsque la Commission relevait une violation des
droits protégés par la Charte, « la motivation faisait
défaut, elles étaient très courtes et n'étaient pas
suivies d'indications claires et accessibles sur leur devenir
»42.
Il ne faut tout de même pas perdre de vu que le
système mis en place par la Charte africaine n'était pas un
système judiciaire ou quasi judiciaire même si la Commission a
opéré
36 Protocole de Ouagadougou, article 30.
37 Idem, article 29 paragraphe 2.
38 ATANGANA AMOUGOU Jean-Louis, «
Avancées et limites du système africain de protection des droits
de l'homme : La naissance de la Cour africaine des droits de l'homme et des
peuples », op. cit., p. 177.
39 Cour européenne des droits de l'homme.
40 Ainsi, l'article 59 de la Charte dispose que :
« 1. Toutes les mesures prises dans le cadre du présent chapitre
resteront confidentielles jusqu'au moment où la Conférence des
chefs d'Etats et de gouvernement décidera autrement. 2. Toutefois, le
rapport est publié par le Président de la Commission sur
décision de la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement. 3.
Le rapport d'activités de la Commission est publié par son
Président après son examen par la Conférence des Chefs
d'Etat et de gouvernement. »
41 TIGROUDJA Hélène, « Le
système africain de protection des droits de l'homme : un laboratoire
des droits universels ? », in Ludovic HENNEBEL et
Hélène TIGROUDJA (dir.), Humanisme et Droit (en hommage
au Professeur Jean DHOMMEAUX), Paris, Pedone, 2013, pp. 409-425, p. 411.
42 Ibid. p. 411.
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20
une transformation considérable en tendant à
s'ériger tant bien que mal en un véritable organe juridictionnel.
Pour pouvoir remplir convenablement sa mission, il faut reconnaitre que «
la Commission avait dû faire preuve d'une certaine audace et sortir
du champ étroit de son action dans lequel la Charte l'avait
confinée. Elle avait ainsi bravé l'obstacle de la
confidentialité de ses activités en procédant à une
interprétation extensive de la Charte »43.
Cependant, il s'avère très important de
préciser que la Charte africaine, contrairement aux Conventions
européenne et américaine des droits de l'homme, contient d'autres
lacunes auxquelles le Protocole n'a pas remédié : il s'agit
notamment de l'absence du droit à la vie privée et de la question
de dérogation.
Au regard de ce qui précède, la Commission
n'était donc pas une institution indépendante et elle
était confrontée à de nombreuses limites. Ce qui est loin
d'être le cas de la Cour africaine de droits de l'homme et des
peuples.
Section II : La Cour africaine, une institution
judiciaire indépendante
La Charte africaine avait très tôt montré
ses limites à l'égard du mécanisme de protection des
droits de l'homme en se contentant de créer la Commission africaine
chargée de son interprétation, de sa promotion et de sa
protection44 à défaut de pouvoir instituer une Cour.
C'est donc dans l'optique de corriger cet état de fait qu'est née
la nécessité de créer un organe judiciaire
indépendant. Cette Cour se voit dotée par le Protocole de
Ouagadougou non seulement d'une indépendance institutionnelle
(Paragraphe I), mais aussi d'une garantie de l'indépendance de ses
membres (Paragraphe II).
43 ATANGANA AMOUGOU Jean-Louis,
« Avancées et limites du système africain de protection des
droits de l'homme : La naissance de la Cour africaine des droits de l'homme et
des peuples », op. cit., p. 178.
44 Il convient toutefois de relativiser car la
Charte africaine présente au-delà du mécanisme de
protection, une certaine originalité, une certaine
spécificité qui témoigne d'un réel
intérêt sur le plan doctrinal. En effet, c'est l'unique instrument
de protection des droits de l'homme tant au niveau universel qu'au niveau
régional qui consacre à la fois des droits civils, politiques,
économiques, sociaux et culturels, des droits individuels et collectifs,
reconnaissant aussi à coté des droits de l'homme, des droits des
peuples et des devoirs de l'individu. Sur l'originalité de la Charte,
voir notamment : OUGUERGOUZ Fatsah, La Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples : une approche juridique des droits de l'homme entre
tradition et modernité, Paris, PUF, 1993.
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21
Paragraphe I : L'indépendance institutionnelle de la
Cour garantie
Instituée pour garantir les droits de l'homme et des
peuples sur le continent africain, la Cour ne peut pleinement accomplir sa
mission que si elle dispose d'une indépendance vis-à-vis non
seulement des Etats membres que des institutions et autres organes de l'Union
Africaine. A ce titre, les rédacteurs du Protocole lui garantissent une
indépendance qui est le gage même de l'effectivité de son
action.
Conformément aux Cours européenne et
interaméricaine des droits de l'homme, la Cour africaine jouit d'une
autonomie et d'une véritable indépendance institutionnelle qui
découlent notamment des articles 3, 21, 24, 25, 28, 33 et 35 du
Protocole.
Tout d'abord, au titre de l'article 3 (2)45 du
Protocole, la Cour africaine dispose de la compétence de sa
compétence. Autrement dit, en cas de contestation, elle a le pouvoir de
décider si elle est compétente de connaitre d'une affaire dont
elle saisit ou pas. Ce pouvoir est déterminant pour toute institution
judiciaire. En Europe, la Cour européenne est dotée d'un
même pouvoir46 tandis que la Convention américaine
prive la Cour interaméricaine d'un tel pouvoir.
Ensuite, cette indépendance de la Cour apparait dans sa
capacité d'élire son président et son vice
président dont elle définit également les attributions
dans son règlement intérieur47.
De même, l'indépendance de la Cour réside
dans le fait qu'elle possède le pouvoir de designer non seulement son
greffier et les autres fonctionnaires du greffe48 mais aussi, elle
établit son propre règlement intérieur en
déterminant sa propre procédure49. Ce pouvoir bien que
nécessaire, constitue une garantie de l'indépendance de la Cour
dans la mise en oeuvre de sa mission de protection des droits de l'homme.
En application des articles 25, 32 et 35 du Protocole, l'avis
de la Cour est nécessaire et préalablement requis pour toutes les
questions relatives à l'établissement et au changement de son
siège et à l'élaboration de son budget. Elle dispose
également du pouvoir de prendre
45 L'article 3 prec. du Protocole dispose « 2.
En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente,
la Cour décide ».
46 Voir la Convention européenne des droits de
l'homme, article 32. 2
47 Voir Protocole, article 21.
48 Ibid., article 24.
49 Ibid., article 33.
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22
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23
l'initiative, si elle le juge nécessaire d'amender le
Protocole. Tous ces éléments font de la Cour africaine une
institution judiciaire indépendante.
Paragraphe II : La garantie de l'indépendance des
membres de la Cour
L'une des garanties de l'indépendance de la Cour
à l'égard des Etats membres, de l'UA et ses organes et
institutions est l'indépendance des juges dans l'exercice de leur
fonction. A ce sujet, l'article 17 du Protocole précise d'une part que
« l'indépendance des juges est pleinement assurée
conformément au droit international », d'autre part, que
« dès leur élection et pendant toute la durée de
leur mandat, ils jouissent de privilèges et immunités reconnus en
Droit international au personnel diplomatique ». Et enfin, cet
article va plus loin en consacrant que « les juges de la Cour ne
peuvent, à aucun moment, même après l'expiration de leur
mandat, être poursuivis en raison des votes ou des opinions émis
dans l'exercice de leurs fonctions ».
A la lecture de cette disposition, force est de constater que
les juges jouissent d'une indépendance quasiment absolue. Les juges sont
également indépendants vis-à-vis de leurs Etats de
nationalité dont ils ne reçoivent aucune instruction, ni d'aucun
autre Etat.
Par ailleurs, la référence au Droit
international dans cette disposition renvoie notamment aux Principes
Fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature,
adoptés à Milan lors du 7ème Congrès de l'ONU sur
la prévention du crime et le traitement des délinquants du 26
aout au 6 septembre 1985. L'ONU rappelle que toute organisation ou
administration des juridictions doit s'inspirer de ces principes et de les
traduire dans la réalité. Cette référence à
ces principes traduit donc pouvons-nous l'affirmer, une volonté de
mettre en place une Cour africaine indépendante. Ces principes
fondamentaux ont été confirmés par deux résolutions
de l'Assemblée générale des Nations-Unies (AGNU) en 1985 :
résolution 40/32 du 29 nov. 1985 et résolution 40/146 du 13
déc. 1985. Au sens de ces deux résolutions, les juges ne doivent
pas faire l'objet « d'influences, d'incitations, de menaces, de pressions
ou d'interventions indues ».
En outre, les juges sont également inamovibles selon
l'article 19 du Protocole qui dispose que : « 1. Un juge ne peut
être suspendu ou relevé de ses fonctions que si, de l'avis unanime
des autres juges de la Cour, il a cessé de répondre aux
conditions requises ». Au sens de ce
paragraphe, le principe est donc l'inamovibilité des
juges. Toutefois, lorsqu'un juge ne répond plus aux conditions requises
pour l'exercice de sa fonction, la Cour peut prendre une décision de
destitution qu'elle soumettra à l'approbation de la Conférence
des Chefs d'Etat et de gouvernement. La soumission de la décision de la
Cour à la Conférence qui est un organe politique suscite tout de
même des interrogations sur l'indépendance de la Cour.
Chapitre II : La Cour africaine, un organe
juridictionnel ambitieux
Le Protocole de Ouagadougou semble n'avoir pas jugé
nécessaire de délimiter les compétences de la Cour
africaine des droits de l'homme et des peuples qu'il a instituée. Il lui
accorde une compétence matérielle très large (Section I)
et une compétence personnelle relativement libérale (Section II)
qui traduisent l'ambition grandiose de la Cour africaine.
Section I : Une Cour à compétence
matérielle large
Dans le cadre d'une analyse de la compétence de la Cour
africaine des droits de l'homme et des peuples, il convient de passer en revue
sa compétence matérielle contentieuse (Paragraphe I) et sa
compétence matérielle consultative (Paragraphe II), telle
qu'elles découlent des dispositions des articles 3 et 4 du Protocole.
Toutefois, la Cour se voit reconnaitre également une compétence
« diplomatique » en vertu de laquelle elle peut résoudre
à l'amiable un différend qui lui est soumis50. Mais,
il s'avère que de nos jours, la Cour n'a encore pas exercé ce
pouvoir diplomatique que lui confère le généreux Protocole
de Ouagadougou.
Paragraphe I : Une compétence matérielle
contentieuse de la Cour
Il ressort de la lecture de l'article 3. 1 du Protocole que :
« La Cour est compétente pour connaitre de toutes les affaires
et de tous les différends dont elle est saisie concernant
l'interprétation et l'application de la Charte, du présent
protocole et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme
et ratifié par les Etats concernés ». Le
caractère très
50 Protocole, article 9, « La Cour peut
tenter de régler à l'amiable les cas qui lui sont soumis
conformément aux dispositions de la Charte ».
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24
large de cette disposition est confirmé comme s'il
n'était pas largement suffisant, par l'article 7 qui dispose que :
« La Cour applique les dispositions de la Charte ainsi que tout autre
instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par l'Etat
concerné. » En outre, il nous parait judicieux de souligner
que la Charte n'avait pas prévue une telle extension de
compétence pour ce qui concerne la Commission africaine des droits de
l'homme et des peuples à qui elle ne confie que sa seule
interprétation51.
Cette compétence matérielle de la Cour est
d'autant plus large que la Charte africaine est l'unique instrument de
protection des droits de l'homme qui consacre à la fois des droits
civils, politiques, économiques, sociaux et culturels ainsi que des
droits individuels et collectifs52.
Dans une démarche comparative, il convient de
préciser que des dispositions identiques à l'article 3 du
Protocole n'existent pas dans les Conventions européenne et
américaine des droits de l'homme. A ce titre, la compétence
matérielle en matière contentieuse de la Cour européenne
ne s'étend uniquement qu'aux questions relatives à
l'interprétation et à l'application de la Convention
européenne et de ses protocoles53. De même, la
compétence de la Cour interaméricaine se limite à
l'interprétation et à l'application de la seule Convention
américaine54. Il faut toutefois, noter que le
Règlement de la Commission interaméricaine des droits de l'homme
a fait l'objet d'un amendement qui a élargit la compétence de
cette dernière non seulement à la Convention mais aussi à
« tous les instruments applicables »55.
La question de l'étendue de la compétence
matérielle de la Cour s'est déjà posée devant elle
notamment dans l'affaire Mtikila c. Tanzanie56. Dans cette
affaire, les requérants avaient invoqués entre autres le
traité portant création de la Communauté des Etats de
l'Afrique de l'Est57et le défendeur soutenait de son
côté que ce texte n'était pas invocable au sens des
51 Charte africaine, article 45.3.
52 Ibid., articles 2 à 14 pour les
droits civils et politiques ; articles 15 à 18 pour les droits
économiques, sociaux et culturels et les articles 19 à 24 pour
les droits des peuples.
53 V. les articles 32, 33 et 34 de la Convention
européenne des droits de l'homme.
54 Voir l'article 62 prec. de la Convention
américaine des droits de l'homme : « 1. Tout Etat partie peut,
au moment du dépôt de son instrument de ratification à la
présente convention, ou à tout autre moment ultérieur,
déclarer qu'il reconnait comme obligatoire, de plein droit et sans
convention spéciale, la compétence de la Cour pour connaitre de
toutes les espèces relatives à l'interprétation ou
à l'application de la convention ».
55 V. OUGUERGOUZ Fatsah, « La Cour africaine
des droits de l'homme et des peuples : un gros plan sur le premier organe
judiciaire africain à vocation continentale », op. cit.,
p. 227.
56 Affaires jointes : Tanganyika Law Society
& The Legal and Humain Rights Center c. République-Unie de Tanzanie
et Révérend Christopher R. Mtikila c. République-Unie de
Tanzanie, CADHP, n°009/2011 et n°011/2011, [en ligne], [
www.african-court.org/fr/pdf],
(ci-après « Affaire Mtikila »).
57 Traité établissant de la
Communauté de l'Afrique de l'Est, 30 novembre 1999, modifié
en date du 14 décembre 2006 et du 20 aout 2007.
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25
articles 3. 1 et 7 du Protocole de Ouagadougou car tout
simplement il n'est pas un instrument pertinent relatif aux droits de l'homme.
La Cour n'a pas tranché cette question et s'est plutôt
contentée de voir s'il ya eu violation ou pas des droits
protégés par la Charte.
Toutefois, une interprétation littérale de
l'article 3. 1 du Protocole de Ouagadougou laisserait croire qu'il faut trois
(3) conditions cumulatives pour qu'un texte soit pertinent et invocable devant
la Cour :
Tout d'abord, il faut qu'il soit un traité
international, ayant donc une force contraignante pour les Etats parties.
Ensuite, il faut que ce traité soit relatif aux droits
de l'homme. A ce niveau, il est nécessaire de faire la distinction entre
les traités dont le but principal est exclusivement la protection des
droits de l'homme et les traités dont l'objet est autre que la
protection des droits de l'homme, mais qui contiennent tout de même des
dispositions relatives aux droits de l'homme. Les premiers qui reconnaissent
explicitement des droits subjectifs aux individus, peuvent en toute
évidence être considérés comme des instruments
pertinents au sens des articles 3. 1 et 7 du Protocole et donc invocables
devant la Cour. C'est le cas notamment de la Déclaration universelle des
droits de l'homme58 du 10 décembre 1948, des deux Pactes
internationaux du 16 décembre 1966 relatifs aux droits civils et
politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels, s'ils sont
ratifiés par les Etats concernés. Quant aux traités dont
l'objet est autre que la protection des droits de l'homme, mais qui
reconnaissent un certain nombre de droits subjectifs aux individus, leur
situation est beaucoup plus problématique. C'est le cas des
traités instituant les C.E.R dont la C.E.D.E.A.O, la S.A.D.C, la C.E.A.E
..., qui sont des instruments à vocation d'intégration
économique, mais qui de manière explicite ou implicite
prévoient des droits de l'homme59.
Enfin, la troisième et dernière condition est la
ratification par l'Etat concerné ou son adhésion à cet
instrument. A savoir qu'un Etat ne peut être condamné pour avoir
violé un traité que s'il est lié à ce
dernier60.
58 Il faut préciser que la
Déclaration universelle des droits de l'homme n'a pas de force
obligatoire. Mais, elle dispose d'une forte autorité morale au regard du
nombre très important d'Etats qui l'ont ratifié et dont les
Constitutions s'y réfèrent et des nombreux traités
internationaux tant régionaux qu'universels qui s'y inspirent.
59 Les questions relatives aux Communautés
Economiques Régionales feront l'objet d'un développement
particulier plus loin.
60 Convention de Vienne sur le droit des
traités du 23 mai 1969, art. 2. 1.b : « Les expressions «
ratification », « acceptation », « approbation » et
« adhésion » s'entend, selon le cas, de l'acte international
ainsi dénommé par lequel un Etat établit sur le plan
international son consentement à être lié par un
traité ».
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26
Dans tous les cas, la Cour disposant de la compétence
de sa compétence, au titre de l'article 3. 261 du Protocole,
décidera si l'instrument en cause est pertinent et donc invocable devant
elle.
Selon le juge OUGUERGOUZ Fatsah, dont nous partageons l'avis,
« la formule de l'article 3 du Protocole est très originale et
elle est extensive et généreuse »62. Il
ajoute que « l'originalité de l'article 3 du Protocole
réside dans le fait que la Cour pourra connaitre de
l'interprétation et de l'application non seulement du Protocole
lui-même, ce qui parait aller de soi, bien que celui-ci ne consacre aucun
droit de l'homme, mais également et surtout de tout autre instrument
conventionnel relatif aux droits de l'homme ratifié par l'Etat
concerné
»63.
Cependant, connaissant la réticence traditionnelle des
Etats africains en matière des droits de l'homme en
général et particulièrement dans le règlement
judiciaire des différends, nous pouvons légitimement nous
interroger sur la raison de l'attribution à la Cour africaine d'une
compétence matérielle aussi extensive.
Paragraphe II : Une compétence matérielle
Consultative de la Cour
A l'image des Cours européenne et
interaméricaine des droits de l'homme dont les compétences en la
matière sont prévues respectivement par les articles 47, 48 et 49
de la Convention européenne et l'article 64 de la Convention
américaine, la Cour africaine dispose également d'une
compétence matérielle consultative prévue à
l'article 4 du Protocole :
« 1. A la demande d'un Etat membre de l'Union
Africaine, de tout organe de l'Union Africaine ou d'une organisation africaine
reconnue par l'Union Africaine, la Cour peut donner un avis sur toute question
juridique concernant la Charte ou tout autre instrument pertinent relatif aux
droits de l'homme, à condition que l'objet de l'avis consultatif ne se
rapporte pas à une requête pendante devant la Commission. 2. Les
avis consultatifs de la Cour sont motivés. Un juge peut y joindre une
opinion individuelle ou dissidente ».
61 L'article 3. 2 du Protocole dispose : « En cas de
contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour
décide ».
62 OUGUERGOUZ Fatsah, « La Cour africaine des droits de
l'homme et des peuples : un gros plan sur le premier organe judiciaire africain
à vocation continentale », op. cit., p. 227.
63 Ibid, p. 227.
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27
La première remarque que nous tirons de la lecture de
cette disposition est l'ouverture systématique par le Protocole de
l'accès à la Cour en matière consultative à tous
les Etats membres de l'Union Africaine, parties ou non au Protocole.
Cela peut paraitre l'une des originalités du
système africain de protection des droits de l'homme dans la mesure
où dans le système européen seul le Comité des
Ministres64 du Conseil de l'Europe est habilité à
saisir la Cour d'une demande d'avis consultatif. En revanche, le
mécanisme mis en place par le Protocole en matière consultative
se rapproche de celui du système américain où la Cour
interaméricaine des droits de l'homme peut être saisie pour avis
consultatif par tous les Etats membres de l'O.E.A ainsi que par certains
organes de celle-ci65.
La seule différence entre ces deux systèmes
réside dans le fait que le Protocole à la différence de la
Convention américaine ne détermine pas les organes de l'Union
Africaine qui sont habilités à faire une demande d'avis
consultatif devant la Cour. Une autre imprécision demeure, s'agissant de
l'expression « Organisation africaine reconnue par l'Union africaine
». Alors s'agit-il des organisations régionales ou les
Communautés économiques régionales comme la CEDEAO, de
l'UMA, la CEAE ? Ou encore s'agit-il des organisations non gouvernementales
dotées du statut d'observateur auprès de la Commission africaine
? Se pose également la question de la portée et/ou de la nature
de l'expression « reconnue par l'Union Africaine ». A ces
questions, seul le développement de la jurisprudence consultative de la
Cour pourra fournir des réponses.
On remarquera également que les rédacteurs du
Protocole ont considérablement élargi le champ de la
compétence matérielle consultative de la Cour à l'instar
de sa compétence matérielle contentieuse puisqu'elle
s'étend non seulement à la Charte africaine elle-même, mais
aussi « à tout autre instrument pertinent relatif aux droits de
l'homme ». Ce qui inclut à la fois tous les traités
régionaux ou universels relatifs aux droits de l'homme, mais aussi
« les autres instruments de nature juridique formellement non
contraignante tels que les
64 V. l'article 47. 1 prec. de la
Convention européenne des droits de l'homme.
65 V. l'article 64 prec. de la Convention
américaine des droits de l'homme. A ce sujet, voir aussi Ludovic
HENNEBEL, La Convention américaine des droits de l'homme :
mécanismes de protection et étendue des droits et
libertés, 2007, Bruylant, Bruxelles.
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28
résolutions de certains organes pertinents (Union
Africaine, Assemblée Générale des Nations-Unies
etc.)66 ».
Toutefois, l'exercice de cette compétence consultative
de la Cour est bien encadré : l'article 4 précise en effet que
l'avis demandé ne peut porter que sur « une question juridique
» d'une part, et que son objet ne doit pas se rapporter sur une
« question pendante devant la Commission » d'autre part. En
vertu de cette disposition, nous pouvons en déduire que le but
visé est d'éviter « que la Cour ne porte atteinte
à l'intégrité de la fonction quasi-judiciaire de la
Commission en matière de protection des droits de l'homme et des
peuples, et de sauvegarder l'entière liberté de décision
de cette dernière »67.
Il convient tout aussi de souligner que l'article 4 du
Protocole n'a pas expressément traité de la question d'une
éventuelle demande d'avis consultatif se rapportant à une
requête pendante devant la Cour elle-même. Dans une telle
hypothèse, selon le juge OUGUERGOUZ Fatsah, « la Cour devrait
également selon toute vraisemblance refusé de rendre l'avis
demandé dans la mesure où une telle demande porterait atteinte
à l'intégrité de sa fonction judiciaire
»68. Cela semble être logique dans la mesure
où on ne voit pas la raison pour laquelle la Cour pourrait ou devrait se
prononcer sur une question relative à une affaire pendante devant
elle.
Face à un champ matériel de la compétence
contentieuse et consultative très vaste de la Cour, il lui reviendra
elle-même de définir les limites notamment au « cas par
cas »69. La Cour africaine dispose donc d'un large pouvoir
discrétionnaire pour limiter sa compétence extensive tant
contentieuse que consultative que le Protocole lui confère à ses
articles 3 et 4.
Section II : Une Cour à compétence
personnelle relativement libérale
La compétence rationae personae de la Cour
africaine est relativement libérale par rapport à celle des Cours
européenne et interaméricaine. Afin d'appréhender cette
compétence personnelle de la Cour africaine, les développements
suivants concerneront successivement la compétence personnelle de la
Cour au regard du demandeur (Paragraphe I) et la compétence personnelle
de la Cour au regard du défendeur (II).
66 OUGUERGOUZ Fatsah, « La Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples : un gros plan sur le premier organe
judiciaire africain à vocation continentale », op. cit.,
p. 237.
67 Ibid., p. 237.
68 Ibid., p. 237.
69 Ibid., p. 238.
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29
Paragraphe I : Une compétence personnelle au regard
du demandeur
Aux termes de l'article 5 du Protocole, « 1. Ont
qualité pour saisir la Cour : a) la Commission ; b) l'Etat partie qui a
saisie la Commission ; c) l'Etat partie contre lequel une plainte a
été introduite ; d) l'Etat partie dont le ressortissant est
victime d'une violation des droits de l'homme ; e) les organisations
inter-gouvernementales africaines. »
A la lecture de ce paragraphe on s'aperçoit que le
Protocole a libéralisé l'accès à la Cour même
s'il faut relativiser ce caractère libéral quand on sait qu'aux
termes de cette même disposition les individus et les organisations non
gouvernementales dotées du statut d'observateur auprès de la
Commission ne peuvent y accéder que sous certaines
conditions70.
A titre de comparaison, dans le système
européen, avant l'adoption des Protocoles n° 9 et n° 11, seuls
la Commission européenne des droits de l'homme et les Etats parties
à la Convention européenne avaient le droit de saisir la Cour.
Désormais, depuis l'entrée en vigueur du Protocole71
n° 11 modifiant fondamentalement le système institutionnel de
contrôle du respect des droits de l'homme garantis par la Convention,
tant les Etats parties que les individus, groupes d'individus ou ONG peuvent
saisir la Cour sans qu'il ne soit nécessaire que l'Etat ou les Etats
parties concernés n'acceptent au préalable la compétence
de la Cour72 qui est désormais obligatoire.
Dans le système interaméricain, seuls la
Commission interaméricaine des droits de l'homme et les Etats parties
à la Convention américaine des droits de l'homme ont le droit de
saisir la Cour interaméricaine des droits de l'homme73.
Le Protocole de Ouagadougou prévoit donc d'une part,
une compétence personnelle obligatoire de la Cour africaine
pour toutes les affaires portées devant elle par la Commission et une
certaine catégorie d'Etats parties à savoir l'Etat partie qui a
saisie la Commission, l'Etat partie contre lequel une plainte a
été introduite, l'Etat partie dont le ressortissant est victime
d'une violation des droits de l'homme et aussi une organisation
intergouvernementale africaine. D'autre part, il prévoit une
compétence personnelle facultative de la Cour en ce qui
concerne les affaires émanant des individus et des ONG.
70 Ce point ferra l'objet d'un développement
particulier et plus approfondi plus loin.
71 Le Protocole n° 11 de la Convention
européenne des droits de l'homme est entré en vigueur le 01
novembre 1998.
72 Voir à ce sujet les articles 33 et 34 de la
Convention européenne des droits de l'homme.
73 Article 62 de la Convention américaine :
« 1. Seuls les Etats parties à la présente Convention et
la Commission ont qualité pour saisir la Cour. 2. [...] ».
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30
En effet, une interprétation de l'article 5 du
Protocole, nous permet d'identifier et de distinguer trois catégories
d'affaires pouvant être portées devant la Cour en fonction de la
qualité des demandeurs et auxquelles s'étend sa compétence
personnelle en matière contentieuse.
La première catégorie est relative aux affaires
ayant déjà fait l'objet d'un traitement devant la Commission et
ensuite portées devant la Cour soit par la Commission elle-même
soit par l'Etat partie qui a saisie la Commission, soit par l'Etat partie
contre lequel la plainte a été introduite devant la Commission ou
soit par l'Etat partie dont le ressortissant est victime d'une violation des
droits de l'homme et portée devant la Commission74.
La deuxième catégorie d'affaires recouvre celles
portées directement à la Cour par un Etat ou par une organisation
« intergouvernementale africaine » sans saisine préalable de
la Commission. OUGUERGOUZ fatsah affirme à cet effet que « le
libellé de l'article 5. 1 (d) est suffisamment vague pour autoriser la
saisine de la Cour par un Etat dont un ressortissant est victime d'une
violation d'un droit, que la Commission ait été ou non
préalablement saisie de cette violation »75.
La troisième catégorie d'affaires concerne
celles soumises directement à la Cour par un individu ou une
organisation non gouvernementale sans que la Commission n'ait été
saisie. C'est ce qui ressort explicitement du paragraphe 3 de l'article 5 du
Protocole qui dispose que :
« La Cour peut permettre aux individus ainsi qu'aux
organisations non gouvernementales (ONG) dotées du statut d'observateur
auprès de la Commission d'introduire des requêtes directement
devant elle, conformément à l'article 34(6) du Protocole
»76.
Il faut donc relever que le Protocole n'exige pas de
l'individu et de l'ONG qu'ils soient la victime de la violation
invoquée. Et ils peuvent tout aussi invoquer les dispositions de «
tout instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par
les Etats concernés ». Il suffit qu'ils aient un
intérêt direct pour saisir la Cour.
74 V. OUGUERGOUZ Fatsah, « La Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples : un gros plan sur le premier organe
judiciaire africain à vocation continentale », op. cit.,
p. 229.
75 Ibid., p. 229.
76 L'article 34(6) se lit comme suit : « A
tout moment, à partir de la ratification du présent Protocole,
l'Etat doit faire une déclaration acceptant la compétence de la
Cour pour recevoir les requêtes énoncées à l'article
5(3) du présent Protocole. La Cour ne reçoit aucune requête
en application de l'article 5(3) intéressant un Etat partie qui n'a pas
fait une telle déclaration ».
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31
Au regard de ce qui précède, on se rend compte
que la Cour africaine dispose d'un pouvoir d'appréciation de sa
compétence personnelle à l'égard du demandeur par
référence à l'article 3 relatif à sa
compétence du Protocole.
Paragraphe II : Une compétence personnelle au regard
du défendeur
Nous nous proposons d'examiner deux hypothèses pour
appréhender cette compétence personnelle de la Cour à
l'égard du défendeur.
La première hypothèse est relative à la
Compétence personnelle obligatoire de la Cour à l'égard du
défendeur. A ce titre, tout Etat partie au protocole peut être
attrait devant la Cour soit par la Commission, soit par un autre Etat partie ou
par une organisation intergouvernementale africaine en l'absence de toute
acceptation préalable par l'Etat en question de la juridiction
obligatoire de la Cour par le dépôt de la déclaration
prévue à l'article 34(6) du Protocole. La compétence de la
Cour est donc « obligatoire à son égard du seul fait de
sa participation au Protocole »77.
Il est à noter que dans le système
interaméricain, la compétence de la Cour est
facultative78 et il en était pareil pour le système
européen avant l'entrée en vigueur du Protocole n°11 qui a
rendu donc cette compétence obligatoire quelle que soit la
qualité de l'auteur de la requête79.
La deuxième hypothèse concerne la
compétence personnelle facultative de la Cour à l'égard du
défendeur. Dans ce cas, la Compétence de la Cour est facultative
dans la mesure où un Etat partie au Protocole ne peut être attrait
devant elle par un individu ou par une ONG, que s'il a préalablement
fait la déclaration d'acceptation de la compétence de la Cour
pour connaitre de telles affaires conformément à l'article 34(6)
du Protocole.
A l'instar de ce qui existe dans le système
interaméricain80 et le système
européen81 avant que la Convention européenne ne soit
amendée, il était raisonnable à notre avis que la Cour
prévoit dans son règlement intérieur, la
possibilité pour un Etat partie d'accepter au cas par cas la
compétence de la Cour. Pour reprendre le juge OUGUERGOUZ Fatsah,
cette
77 OUGUERGOUZ Fatsah, « La Cour africaine des droits de
l'homme et des peuples : un gros plan sur le premier organe judiciaire africain
à vocation continentale », op. cit., p. 230.
78 Voir l'article 62 précité de la Convention
américaine.
79 Voir les articles 33 et 34 précités de la
Convention européenne.
80 Voir l'article précité 62. 2 et 3 de
la Convention américaine
81 Voir l'ancien article 48 de la Convention
européenne
possibilité « pourrait s'avérer une
bonne idée car elle présente l'avantage de la souplesse et
possède une vertu pédagogique [et] elle pourrait en effet
séduire les Etats parties récalcitrants à la juridiction
de la Cour en attendant que ceux-ci se décident à déposer
la déclaration facultative »82.
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32
82 OUGUERGOUZ Fatsah, « La Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples : un gros plan sur le premier organe
judiciaire africain à vocation continentale », op. cit.,
p. 230-231.
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33
Partie II : La Cour africaine, un instrument
fragile
Assurément, l'institution de la Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples comme le premier organe juridictionnel
à l'échelle continentale, marque un tournant décisif dans
l'histoire de la protection des droits de la personne humaine sur le continent
africain. Certes, cette institution judiciaire est venue « soustraire
tout un continent d'une longue apnée »83 avec des ambitions
considérables au regard des ses larges compétences. Cet organe
est tout aussi prometteur et porteur d'un grand espoir au sein des populations
africaines éprises de justice et de liberté, au vu de son
originalité et de son indépendance. Pourtant, force est de
constater qu'il fait l'objet d'une certaine fragilité due à des
difficultés profondes qui font que son efficacité est relative
(Chapitre I) même s'il est perfectible. Pour des raisons certainement
politiques, des nombreuses reformes rendent également provisoire son
existence (Chapitre II).
Chapitre I : La Cour africaine, un organe à
efficacité relative mais perfectible
Faisant face à des limites d'ordre politique et
juridique majeures qui affectent gravement son efficacité (Section I),
un grand effort de régulation est toutefois nécessaire pour une
Cour africaine des droits de l'homme et des peuples effective (Section II).
Section I : Les limites juridico-politiques majeures
à l'efficacité de la Cour
L'efficacité de la Cour africaine et la
réalisation des objectifs qui lui sont assignés par le Protocole
dépendent sans doute d'un effort collectif nécessitant une
synergie d'action de tous les acteurs dont les Etats africains en particuliers.
En réalité, la ratification du Protocole à un taux
relativement faible depuis 1884 ans est l'une des limites à
l'efficacité de la Cour (Paragraphe I) de même que l'article 34(6)
dudit Protocole constitue une insuffisance dont souffre le Protocole
(Paragraphe II).
83 KOWOUVIH Sitsofé, « La Cour
africaine des droits de l'homme et des peuples : Une rectification
institutionnelle du concept de « spécificité africaine
» en matière de droits de l'homme », RTDH, n°
59, 2004, pp. 757-790, p. 760.
84 Nous faisons allusion de la période allant
de 1998, date d'adoption du Protocole, à nos jours.
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34
Paragraphe I : Le faible taux de ratification du Protocole,
une limite à l'effectivité de la Cour
De nos jours sur les 54 Etats membres de l'Union Africaine qui
sont tous parties à la Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples, seuls 30 pays ont ratifié le Protocole de Ouagadougou
créant la Cour. Il s'agit de : L'Afrique du Sud, l'Algérie, le
Benin, le Burkina Faso, le Burundi, le Cameroun, la Côte d'Ivoire, les
Comores, le Congo, le Gabon, la Gambie, le Ghana, le Kenya, la Libye, le
Lesotho, le Malawi, le Mali, La Mauritanie, Maurice, la Mozambique, le Nigeria,
le Niger, l'Ouganda, le Rwanda, la République arabe sahraoui
démocratique, le Sénégal, la Tanzanie, le Togo, la Tunisie
et le Tchad85.
Dans la mesure où la Cour est l'instrument qui garantie
le respect des droits consacrés par la Charte que les Etats ont
d'ailleurs massivement ratifié, il serait logique de s'interroger sur la
raison du décalage entre la ratification de cette dernière et la
retenue à l'égard du Protocole créant la Cour africaine.
Il est toutefois difficile de donner avec précision des raisons à
ce décalage. Néanmoins, elles peuvent notamment être
d'ordre conceptuel.
En effet, la conception africaine des droits de l'homme
présente une certaine spécificité tenant à des
valeurs culturelles et traditionnelles. Cette conception africaine des droits
de l'homme apparait clairement dans le préambule de la Charte où
les Etats affirment qu'ils tiennent compte « des vertus de leurs
traditions historiques et des valeurs de civilisation africaine qui doivent
inspirer et caractériser leurs réflexions sur la conception des
droits de l'homme et des peuples »86. Il est donc frappant
de constater que la Charte milite en faveur d'un règlement des
différends relatifs aux droits de l'homme à travers «
l'institution de l'arbre à palabres ». L'on décèle
ici que cette dernière est une préférence africaine de
règlement non juridictionnel de différends où l'on
privilégie le règlement à l'amiable par voie de dialogue
et de concertation qu'au duel judiciaire entre les parties à un
procès87.
Il est tout aussi important de souligner que du point de vue
sociologique, le citoyen africain préfère la conciliation
qu'à la décision judiciaire à connotation purement
punitive88. On voit
85 Voir l'état des ratifications du
Protocole de Ouagadougou, [en ligne] sur le site de la Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples :
www.african-court.org.
86 Voir Charte africaine des droits de l'homme et des
peules, préambule, paragraphe 5.
87 Voir à ce sujet MUBIALA Mutoy, Le
système régional africain de protection des droits de
l'homme, Bruxelles, Bruylant, 2005.
88 V. KAMARA Mactar, « La promotion et la
protection des droits fondamentaux dans le cadre de la Charte africaine des
droits de l'homme et des peuples et du Protocole facultatif additionnel de juin
1998 », RTDH, 2005, N° 63, pp. 709-727.
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35
donc, que le fait pour la Charte africaine de ne pas
prévoir l'institution d'une Cour africaine chargée de
protéger les droits de l'homme n'est pas un hasard. Elle a
décidé de confier cette mission à la Commission en
exigeant d'elle expressément d' « essayer par tous les moyens
nécessaires de parvenir à une solution amiable fondée sur
le respect des droits de l'homme et des peuples»89. Cette
conception initiale de la Charte explique certainement sa ratification
très massive par les Etats africains.
Cependant, l'adoption du Protocole instituant un organe
juridictionnel va changer la donne et traduire l'idée d'une
véritable justice institutionnelle même s'il prévoit
à son tour la possibilité d'un règlement diplomatique des
différends90.
Ensuite, la méfiance des Etats africains
vis-à-vis du Protocole peut s'expliquer par le fait que ces derniers
conçoivent ledit protocole comme une menace sérieuse à
leur souveraineté, dans la mesure où l'activité de la Cour
qu'il a institué est une véritable activité judiciaire.
Enfin, l'une des raisons qui semble justifiée le faible
taux de ratification du Protocole est la capacité institutionnelle
très limitée de certains Etats africains. Pour beaucoup parmi
eux, ratifier le Protocole signifierait tout simplement s'exposer
automatiquement à des condamnations à chaque fois qu'ils y sont
attaqués, car ils sont conscients de la défaillance de leur
système judiciaire et de leur mécanismes de protection des droits
de l'homme.
C'est état de fait explique par ailleurs le fait que
certains Etats africains se sont longtemps opposés à la mise en
oeuvre et au respect des instruments internationaux relatifs aux droits de
l'homme auxquels ils sont pourtant librement parties91. Il faut
toutefois, préciser que cette situation est largement due à la
mauvaise fois des Etats, sinon à un manque notoire de volonté
politique de leur part pour non seulement améliorer leur
mécanismes de protection des droits humains, mais aussi à
ratifier le Protocole pour garantir une meilleure protection des droits de
l'homme en Afrique.
89 Voir l'article 52 précité de la
Charte.
90 Protocole d'Ouagadougou, préc. ,article
9.
91 KOUDE KOUSSETOGUE Roger M., « Peut-on,
à bon droit, parler d'une conception africaine des droits de l'homme ?
», RTDH, N° 62, 2005, pp. 539-561, p. 542.
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36
Paragraphe II : L'article 34(6) ou le verrou juridique
à l'accessibilité de la Cour
De la lecture combinée des articles 5(3) et 34(6) du
Protocole de Ouagadougou, il y ressort clairement l'une des limites majeures
à l'effectivité de la Cour africaine. En effet, l'article 5(3)
dispose que : « [l]a Cour peut permettre aux individus ainsi qu'aux
organisations non gouvernementales dotées du statut d'observateur
auprès de la Commission d'introduire des requêtes directement
devant elle »92. L'article 34(6) ajoute que : «
[à] tout moment à partir de la ratification du présent
Protocole, l'Etat doit faire une déclaration acceptant la
compétence de la Cour pour recevoir les requêtes
énoncées à l'article 5(3) du présent Protocole. La
Cour ne reçoit aucune requête en application de l'article 5(3)
intéressant un Etat qui n'a pas fait une telle déclaration
»93.
Il convient de noter que cette « déclaration
» telle qu'elle est prévue à l'article 34(6) est un acte
unilatéral, solennel par lequel tout Etat partie au Protocole de
Ouagadougou peut exprimer son consentement à être lié par
les requêtes individuelles devant la Cour. Au-delà, cette «
déclaration » est un acte qui permet aux principaux
bénéficiaires des droits de l'homme en Afrique que sont, les
individus et les organisations non gouvernementales de défense des
droits humains, de faire valoir leurs droits devant la Cour africaine. Ainsi,
tous les individus et les ONG dont l'Etat n'a pas fait ladite
déclaration ne peuvent malheureusement pas saisir la Cour.
Cela constitue un véritable verrou juridique à
l'accessibilité à la Cour par ces derniers d'autant plus que de
nos jours sur les trente (30) Etats ayant ratifiés le Protocole, seuls
huit (8) parmi eux ont souscrit à cette « déclaration
». Il s'agit : du Burkina Faso, de la Côte d'Ivoire, du Ghana, du
Malawi, du Mali, du Rwanda, de la Tanzanie et du Bénin depuis le 8
février 201694. Ce nombre dérisoire d'Etats ayant fait
cette déclaration démontre suffisamment que les Etats africains
parties au Protocole ne sont fort malheureusement pas disposés de
permettre à leurs citoyens d'accéder directement à la
Cour.
Cela étant, il convient de préciser que la
jurisprudence de la Cour africaine est largement illustrative de cette
situation de blocus que constitue cette exigence de l'article 34(6) du
Protocole. En effet, la Cour s'est heurtée à cet obstacle
dès sa première décision, l'arrêt
92 Protocole préc. , article 5 (3).
93 Ibid., article 34(6).
94 La déclaration de la République du
Bénin a été déposée auprès de la
Commission de l'UA le 8 février 2016.
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37
Michelot Yogogombaye c. République du
Sénégal du 15 décembre 200995. Dans cette
affaire, la Cour s'est purement et simplement déclarée
incompétente pour connaitre de la requête introduite par M.
Yogogombaye contre le Sénégal du fait que ce dernier n'a pas fait
la déclaration au sens de l'article 34(6) du Protocole.
Dès le départ, la Cour est restée
constante sur sa position en soutenant régulièrement qu' «
il ressort d'une lecture combinée de ces deux dispositions que la
saisine directe de la Cour par un individu est subordonnée au
dépôt par l'Etat défendeur d'une déclaration
spéciale autorisant une telle saisine »96.
En réalité, la question de l'accès des
individus et des ONG à la Cour africaine est une problématique
cruciale dans le contentieux des droits de l'homme en Afrique. Il faut
cependant remarquer que le mécanisme africain s'inscrit dans la logique
de la Convention européenne des droits de l'homme qui subordonnait
également l'accès direct des individus à la Cour au
consentement des Etats. Il a fallut attendre le Protocole n°
1197 qui reforma le mécanisme de contrôle
institué par la Convention en supprimant notamment la Commission
européenne des droits de l'homme. La Cour européenne dispose
depuis d'une compétence obligatoire à l'égard des
requêtes individuelles. Peut être que l'Afrique fera autant. Mais
au regard de la situation des droits de l'homme en Afrique, nous pensons qu'il
est temps de franchir cette étape importante pour une protection
effective des droits humains en Afrique.
La Cour africaine a été saisie de la question
d'annulation pure et simple de l'article 34(6) du Protocole dans l'Affaire
Femi Falama c. Union Africaine. Dans cette affaire, le requérant a
notamment allégué qu' « il a été
empêché de saisir la Cour en raison de l'inertie du Nigeria et de
son refus de déposer la déclaration acceptant la
Compétence de la Cour conformément à l'article 34(6) du
Protocole »98. Il soutient « que face à
l'échec de ses tentatives pour amener le Nigeria à faire ladite
déclaration, il a décidé de déposer une
requête à l'encontre de l'UA, entant que représentant de
ses 54 Etats membres, demandant à la Cour de déclarer que
l'article 34(6) est incompatible avec les articles 1, 2, 7, 13, 26 et 66 de la
Charte [...], du
95 Affaire Michelot Yogogombaye contre
République du Sénégal, requête n° 001/2008,
arrêt du 15 décembre 2009, [en ligne] sur
www.african-court.org
96 Affaire Yogomgombaye préc. P.
10, paragraphe 34 ; Affaire Femi Falama c. Union Africaine ;
Affaire Emmanuel Joseph Uko et autres c. République Sud Africaine
; Affaire Bagdadi Ali Mahmoudi c. République de Tunisie ;
Affaire Amir Adam Timan c. République du Soudan ; Affaire Convention
nationale des syndicats du secteur éducation (CONASYSED) c.
République du Gabon.
97 Protocole N° 11 préc.
à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et
des Libertés fondamentales portant restructuration du mécanisme
de contrôle établi par la Convention, 11 mai 1994,
entrée en vigueur le 1er novembre 1998.
98 Affaire Femi Falama c. Union Africaine
préc., requête n°001/2011, p.3.
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38
fait, qu'à son avis, exiger d'un Etat qu'il fasse
une déclaration permettant aux individus et aux ONG de saisir
directement la Cour est une violation des droits [...] à la
nondiscrimination, à l'égalité devant la loi, à
l'égalité de traitement [...] »99. La Cour
après avoir constaté que l'article visé est certes
incompatible avec la Charte100, a toutefois rejetée la
demande du requérant « tendant à ce que l'article 34(6)
soit déclaré nul et non avenu ou annulé
»101. Le juge OUGUERGOUZ Fatsah, dans son opinion
individuelle jointe à l'arrêt en question réaffirme sa
position constante selon laquelle : « dans tous les cas où
l'incompétence rationae personae de la Cour est manifeste, [...], les
requêtes reçues par le Greffe ne doivent pas faire l'objet d'un
traitement judiciaire par la Cour mais d'un simple traitement administratif et
doivent être rejetées de plano par une simple lettre du Greffier
»102 . Ce qui est une confirmation de plus de cette
situation de blocus que caractérise cet article.
En tout état de cause, il faut le dire haut et fort,
que la Cour africaine étant une juridiction des individus et non une
juridiction des Etats dans la mesure où sa mission est la protection des
droits de l'homme et non les droits des Etats, son succès est largement
tributaire des moyens que ces derniers lui donneront. Ces moyens ne sont autres
que la ratification du Protocole de Ouagadougou par tous les Etats africains et
leur reconnaissance de la juridiction obligatoire de la Cour en faisant la
déclaration prévue à ce fameux article 34(6) ou le
supprimer purement et simplement du Protocole.
Section II : La nécessité d'un rude
effort de régulation pour une Cour africaine effective
Pour permettre à la Cour africaine de jouer pleinement
son rôle de protection des droits de l'homme sur le continent africain,
il est nécessaire voire indispensable d'opérer une
régulation institutionnelle (Paragraphe I) et d'entreprendre un certain
nombre d'actions (Paragraphe II) afin qu'elle soit véritablement
effective.
99 Affaire Femi Falama c. Union Africaine
préc. , p. 3.
100 Ibid., p. 23.
101 Ibid., p. 24.
102 Voir opinion individuelle OUGUERGOUZ Fatsah, jointe
à l'arrêt Affaire Femi Falama c. Union Africaine, p.
2.
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39
Paragraphe I : La nécessaire régulation
institutionnelle
Installée le 2 juillet 2006, la Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples est le premier organe judiciaire
créé à l'échelle du continent africain.
Toutefois, force est de constater que même si la Cour
est au coeur du système africain de protection des droits de l'homme,
elle est loin d'être seule. Elle est établie dans le sillage d'une
demi-douzaine de Cours régionales qui possèdent explicitement ou
implicitement des attributions en matière de droits de l'homme et dont
selon le juge OUGUERGOUZ fatsah, « l'Afrique peut se targuer d'abriter
le plus grand nombre »103. Il s'agit notamment de : la
Cour de justice de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de
l'Ouest (CEDEAO), la Cour de justice de l'Union Economique et Monétaire
Ouest-africaine (UEMOA), la Cour de justice du Marché commun pour
l'Afrique orientale et australe (COMESA), du Tribunal de la South African
development Community (SADC), la Cour commune de justice et d'arbitrage de
l'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA),
la Cour de justice de l'Union du Maghreb arabe (UMA) et la Cour de justice de
la Communauté économique et monétaire de l'Afrique
centrale (CEMAC)104.
La prolifération de ces juridictions au sein de ces
Communautés économiques régionales entrainant ainsi une
certaine anarchie institutionnelle, un risque de chevauchement de
compétences n'est pas sans inquiétudes.
Le champ de compétence rationae materiae d'une
juridiction communautaire se limite initialement au domaine économique
et à l'interprétation et l'application du droit communautaire.
Pour reprendre Laurence BOURGORGUE-LARSEN, « [...], les juridictions
régionales sont érigées, [...] et ont pour fonction [...]
d'assurer grâce aux ressorts du droit, l'effectivité de
l'approfondissement des rapprochements économiques entre les Etats
parties. »105 Ces Cours apparaissent donc comme une sorte
de garantie des processus d'intégration économique. En revanche,
certains traités constitutifs de certaines communautés
régionales africaines contiennent des dispositions relatives aux droits
de l'homme. C'est le cas notamment du Traité de la CEDEAO qui est sans
doute, la Communauté régionale africaine
103 OUGUERGOUZ Fatsah, « La Cour africaine des droits de
l'homme et des peuples : Un gros plan sur le premier organe judiciaire africain
à vocation continentale », op. cit., p. 218.
104 Sur ces juridictions, voir : Maurice KAMTO, « les
Cours de justice des Communautés et des Organisations
d'intégration économiques africaines », Annuaire
africain de droit international, 1998, volume 6, pp. 107-150.
105 Voir BURGORGUE-LARSEN Laurence, « Le fait
régional dans la juridictionnalisation du droit international »
dans SOCIETE FRANÇAISE POUR LE DROIT INTERNATIONAL, colloque de
Lille. La juridictionnalisation du droit international, Paris, Pedone,
2003, pp. 203-264, p. 217.
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40
ayant le plus manifestée un intérêt pour
la question des droits de l'homme. L'article 4 du traité
révisé de la CEDEAO dispose à cet effet que: «
Les Hautes Parties Contractantes, dans la poursuite des objectifs
énoncés à l'article 3 du présent traité,
affirment et déclarent solennellement leurs adhésion aux
principes fondamentaux suivants : [...]
(g)- respect, promotion et protection des droits de
l'homme et des peuples conformément aux dispositions de la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples »106.
Il ressort de cette disposition que non seulement la
Communauté adhère à la Charte, mais aussi que sa Cour de
justice elle-même a pour mandat entre autres, l'interprétation et
l'application et la promotion de ladite Charte. D'ailleurs, plus de 85% des cas
conclus par la Cour de justice depuis 2005 étaient liés aux
allégations de violation des droits de l'homme au sein des Etats membres
de la CEDEAO107. Ce faisant, la Cour de justice a appliqué
des dispositions de la Charte.
La nécessité d'une régulation s'impose
justement à ce niveau. Car, de toute évidence, cette
prolifération sur le continent africain, des juridictions
internationales ayant une compétence pour connaitre des violations des
droits de l'homme, si elle n'est pas maitrisée, conduit
inévitablement à un désordre, à une anarchie qui
affaiblira le système africain de protection des droits de l'homme dans
son ensemble et la Cour africaine en particulier.
Concrètement face à une violation des droits de
l'homme, quelle juridiction faudra t-il saisir ? Faudra t-il pour une victime
d'une violation de ses droits humains solliciter une juridiction
régionale plus proche et qui n'exige pas une déclaration
spéciale d'acceptation de sa compétence que de prendre le risque
d'aller devant la Cour africaine ?
Logiquement, les victimes auront tendance à aller vers
les juridictions régionales pour notamment des raisons de
proximité que d'aller devant la Cour africaine avec le risque de voire
leur requêtes rejetées pour défaut de reconnaissance de la
juridiction obligatoire de la Cour par l'Etat défendeur. Ce
phénomène est certes, moins visible aujourd'hui en raison de
l'ineffectivité et de l'inefficacité de certaines Cours
régionales. Mais, à défaut d'une solution continentale
adéquate et immédiate, une paralysie, un chaos du système
africain de protection des droits de l'homme reste prévisible et
même imminent.
106 Traité révisé de la Communauté
économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, article 4.
107 Par exemple, voir : l'Affaire Dame Hadijatou Mani
Korao c. République du Niger du 27 octobre 2008; Affaire
Hissein Habré 2010 ; Affaire Simone Ehivet et Michel Gbagbo c.
République de Cote d'Ivoire 2013.
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41
Cette régulation passe notamment par l'harmonisation de
la jurisprudence de la Cour africaine et celle des juridictions
régionales et un véritable dialogue entre les juges des
différentes Cours.
En revanche, à défaut d'une prise en charge
conventionnelle de cette importante question de régulation de cette
anarchie institutionnelle, la Cour africaine a tout de même pris une
belle initiative d'organiser des séminaires avec les Cour des C.E.R.
Paragraphe II : Les actions à entreprendre pour une
Cour efficace
L'effectivité de la Cour africaine des droits de
l'homme et des peuples dépend comme nous l'avons souligné plus
haut, des moyens que les Etats africains mettront en oeuvre. Toutefois, il nous
parait raisonnable que les actions ci-après soient envisageables pour
faire de la Cour africaine un instrument de protection des droits de l'homme
efficace qui remplie pleinement sa mission en vue de répondre aux
attentes des peuples africains.
D'abord, à l'égard des Etats africains n'ayant
pas encore ratifiés le Protocole de Ouagadougou, - qui sont au nombre de
vingt-quatre -, il conviendra de prendre contact avec les autorités
compétentes de ces derniers en vue de les convaincre à ratifier
ledit Protocole et de souscrire à la déclaration spéciale
prévue à l'article 34(6). Seule une ratification du Protocole et
une souscription à la déclaration d'acceptation de la
compétence obligatoire de la Cour, peuvent permettre aux individus et
aux ONG de saisir la Cour pour faire valoir leurs droits.
Concernant les Etats ayant déjà ratifiés
le Protocole mais qui n'ont encore pas fait la déclaration d'acception
de la compétence de la Cour - ils sont au nombre de vingt-deux - la
même démarche est nécessaire.
Dans ces deux cas, la Cour peut notamment solliciter la
Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UA pour convaincre
ses membres de la nécessité non seulement de ratifier le
Protocole mais aussi de souscrire à la déclaration.
S'agissant des Etats ayant ratifiés le Protocole et
déposés la déclaration conformément à
l'article 34(6) - qui sont au nombre de huit -, il convient de mener des «
campagnes massives
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42
et intensives »108 de sensibilisation
auprès des individus, des ONG et de la société civile
nationale afin de leur fournir les outils dont-ils ont besoin pour saisir la
Cour.
Ensuite, la Commission africaine des droits de l'homme peut,
en vertu de la possibilité que lui est offerte par le
Protocole109, saisir la Cour de certaines affaires dont elle est
elle-même saisie. Cela pourrait être un gage de l'efficacité
de la protection des droits de l'homme dans la mesure où les
décisions de la Cour sont définitives et sont revêtues de
la force obligatoire contrairement à celles de la Commission.
Par ailleurs, les Etats membres de l'Union Africaine - parties
ou non au Protocole - peuvent sur la base de l'article 4 dudit Protocole
solliciter la Cour pour lui demander des avis consultatifs sur toutes questions
de droits de l'homme et des peuples, en dehors de toute situation
contentieuse110. Cette idée parait séduisante et
très importante car un tel recours présenterait l'avantage de
leur permettre d'améliorer leur système juridique national de
protection des droits de l'homme. En revanche, la pratique internationale
montre que les Etats sont moins enclins à engager des procédures
contentieuses contre d'autres Etats et c'est pour diverses raisons notamment
diplomatique.
De même, l'Union Africaine et ses organes sur la base du
même article, peuvent recourir à cette procédure
consultative devant la Cour pour lui demander son avis sur toute question
pertinente relative aux droits de l'homme et des peuples et notamment lors de
l'élaboration de nouveaux instruments de protection des droits de
l'homme111. Il en est de même pour les Organisations
internationales africaines reconnues par l'Union Africaine, auxquelles le
Protocole autorise sur le même fondement de faire une demande d'avis
consultatif à la Cour.
Enfin, dans le cadre de donner plus de visibilité
à la Cour et de la rapprocher au mieux aux populations africaines, des
nombreuses activités de promotion sont également
nécessaires.
Ces activités peuvent consister d'une part, à la
promotion de l'existence de la Cour dans toutes les Universités
africaines et à l'organisation des conférences continentales sur
la Cour
108 V. Gérard NIYUNGEKO, « La Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples : défis et perspectives »,
Allocution présentée le 8 décembre 2008 à
l'occasion de l'ouverture du séminaire des Cours régionales des
droits de l'homme organisé par le Ministère des affaires
étrangères, l'Institut international des droits de l'homme
René Cassin et la Cour européenne des droits de l'homme, à
Strasbourg les 8 et 9 décembre 2008, RTDH, 2009, n° 79,
pp. 731-738, p. 735.
109 Voir Protocole, article 5.
110 Gérard NIYUNGEKO, «La Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples : défis et perspectives », op.
cit., p. 736.
111 Ibid., p. 736.
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43
et ses activités. D'autre part, il est
nécessaire que la Cour établisse des « liens
étroits »112 avec non seulement les autres Cours
régionales de protection des droits de l'homme113 mais aussi
les Cours des Communautés économiques et les Cours suprêmes
et constitutionnelles des Etats membres de l'Union Africaine114.
Pour ce qui concerne les Cours des Communautés
économiques régionales, comme nous l'avons évoqué
dans le paragraphe précédent, il est utile qu'il y ait un
« mécanisme d'harmonisation »115 de la
jurisprudence de la Cour et de celle de ces dernières pour une meilleure
protection des droits de l'homme.
S'agissant des Cours suprêmes et constitutionnelles des
Etats membres de l'Union Africaine dont les Constitutions nationales se
réfèrent généralement à la Charte africaine
des droits de l'homme et des peuples, la Cour doit entretenir une relation
privilégiée avec elles. Ces juridictions nationales étant
les artisans de la jurisprudence nationale en matière des droits de
l'homme, une coopération entre la Cour et ces dernières est
nécessaire et elle peut se matérialiser notamment par la mise en
place des cellules ou des passerelles de communication et
d'information116. Une telle coopération présente un
double avantage. D'une part, elle permet à la Cour d'être informer
« des grandes tendances des jurisprudences nationales respectives
», et d'autre part, elle permet aux juridictions nationales de «
prendre en compte la jurisprudence de la Cour »117.
Chapitre II : La Cour africaine, une juridiction
provisoire
Ainsi qu'il vient d'être précédemment
exposé, la Cour africaine fait face à des limites qui rendent son
efficacité relative à défaut d'une indispensable
régulation. Cependant, au lieu de corriger les dysfonctionnements
auxquels fait face la Cour afin de la rendre effective et dynamique, l'Union
africaine a entrepris toute une série de reformes qui finalement rendent
même provisoire son existence. Dans le cadre d'une analyse du
caractère provisoire de l'existence de la Cour africaine des droits de
l'homme et des peuples et au regard de ces
112 Idem.
113 Nous faisons allusion aux Cours européenne et
américaine des droits de l'homme.
114 Gérard NIYUNGEKO, «La Cour africaine des droits
de l'homme et des peuples : défis et perspectives »,
op.
cit., p. 736.
115 Idem.
116 Ibid., p. 737.
117 Idem.
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44
différentes reformes, on se demande même si le
projet de création de la Cour unique ne constitue pas la fin de
l'existence la Cour (Section I) et si cela n'entraine pas une restriction de la
protection des droits de l'homme en Afrique (Section II).
Section I : Le projet de création d'une Cour
unique : l'acte de décès de la Cour africaine des droits de
l'homme ?
Ainsi qu'il vient d'être indiqué, il convient de
rapporter la substance de la double reforme de l'Union Africaine. D'une part,
le Protocole de Maputo portant création d'une Cour de justice de l'Union
africaine (Paragraphe I) et d'autre part, le Protocole de Sharm el-Sheikh
portant statut de la Cour unique (Paragraphe II).
Paragraphe I : Le processus d'élaboration du
Protocole de Maputo portant création d'une Cour de justice de l'Union
Africaine
Il convient tout d'abord de préciser que l'idée
de création d'une Cour continentale de justice n'est pas nouvelle. Elle
remonte du Traité d'Abuja118 du 3 juin 1991, adopté
dans le cadre de l'OUA. En effet, les articles 1er, 7 et 18 dudit
traité consacrent la création d'une Cour de justice de la
Communauté économique africaine. Cette Cour de justice
était non seulement aux termes du Traité, un organe
indépendant, doté d'une compétence classique consultative
et contentieuse119 mais aussi ses arrêts avaient une force
obligatoire pour les Etats et les organes de la Communauté
économique africaine120. Mais ce projet n'a pas vu le jour
car le Protocole devant déterminer les Statuts de la Cour, sa
composition, ses pouvoirs et les modalités de son
opérationnalisation n'a jamais été
rédigé.
Toutefois, cette idée de création d'une Cour de
justice a été réaffirmée à Syrte (en Libye)
en novembre 1999 lors de la 4ème session extraordinaire de la
Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement de l'OUA. Mais il a
fallut attendre à nouveau le 11 juillet 2000 à Lomé
(Togo)
118 Ce Traité a été adopté par
l'OUA en 1991 à Abuja au Nigéria et il est entré en
vigueur en 1994. Il a fait de la Communauté économique africaine
qu'il a crée une partie intégrante de l'OUA devenue UA.
119 Voir traité d'Abuja, article 18 « [...],
2. La Cour de justice assure le respect du droit dans l'interprétation
et l'application du présent traité et statue sur les litiges dont
elle est saisie en vertu des dispositions du présent traité. 5.
Dans l'exercice de ses fonctions, la Cour de justice est indépendante
des Etats membres et des organes de la Communauté [...] »
120 Ibid., article 19 « Les arrêts de la Cour
de justice ont force obligatoire à l'égard des Etats et des
organes de la Communauté ».
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45
lors du Sommet de l'OUA, pour que l'acte constitutif de l'UA
prévoit à son article 5 une Cour de justice parmi les organes de
l'Union121.
En vertu de cette disposition, la création d'une Cour
de justice continentale s'emble donc s'imposer à l'Union Africaine.
Cette obligation découle de l'article 18 de l'Acte constitutif de l'UA
dont l'alinéa premier crée la Cour et le second alinéa
prévoit l'adoption d'un Protocole y
afférent122définissant ses statuts, sa composition et
ses pouvoirs.
Finalement, c'est ce Protocole qui a été
adopté à Maputo (Mozambique) le 11 juillet 2003 lors de la
deuxième session ordinaire de la toute nouvelle Union Africaine. Au vu
de ce qui précède, on se rend compte que l'adoption de ce
Protocole a donc été l'aboutissement d'un long processus et
marque par la même occasion une certaine volonté de la part des
Chefs d'Etats africains de rompre avec leur traditionnel attachement à
la négociation, la médiation politique pour recourir au
règlement judiciaire des différends internationaux.
Cette Cour de justice ainsi crée est aux termes de
l'article 2 du Protocole de Maputo, « l'organe judiciaire principal de
l'Union ». Ce Protocole créant cette Cour était censé
rentré en vigueur conformément à l'article 60 qui
détermine ses modalités d'entrée en vigueur123,
le 11 janvier 2008 suite au dépôt par l'Algérie du
quinzième instrument de ratification124. Mais il n'est jamais
entré en vigueur. Par conséquent, la Cour de justice de l'Union
africaine qu'il a instituée n'a pas vu le jour car toutes les
formalités relatives à son opérationnalisation dont la
détermination de son siège et l'élection des juges ont
été suspendues.
Cet état de fait s'explique purement et simplement par
le fait qu'avant même l'entrée en vigueur du Protocole de Maputo,
le projet de fusion de cette Cour de justice de l'Union Africaine avec la Cour
africaine des droits de l'homme et des peuples instituée par le
Protocole de Ouagadougou était déjà en discussion. De ces
discussions, est née l'idée d'adopter un nouveau Protocole pour
matérialiser la fusion de ces deux Cours en une Cour unique : la Cour
africaine de justice et des droits de l'homme.
121 Voir l'Article 5 de l'Acte constitutif de l'Union
Africaine.
122 Ibid., article 18 « 1. Il est
crée une Cour de justice de l'Union. 2. Les statuts, la composition et
les pouvoirs de la Cour de justice sont définis dans un Protocole y
afférent ».
123 Article 60 du Protocole de Maputo se lit comme suit :
« Le présent Protocole entre en vigueur trente (30) jours
après le dépôt des instruments de ratification par quinze
(15) Etats membres ».
124 Sur ce sujet, voir le site internet de l'Union Africaine
:
www.africa-union.org
et le site de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples :
www.africa-court.org.

46
Paragraphe II : Le Protocole de Sharm el-Sheikh : Statut de
la Cour unique
Dans le cadre de la mise en place d'une juridiction
continentale unique au sein de l'Union africaine, a été
adopté à Sharm el-Sheikh (en Egypte) le 1er juillet
2008, lors de la onzième session ordinaire de la Conférence des
Chefs d'Etats et de gouvernement de l'UA, le Protocole du même du nom. Ce
Protocole portant statut de la Cour africaine de justice et des droits de
l'homme, s'inscrit dans la logique de la reforme longtemps voulue par l'Union
Africaine pour se doter d'une seule juridiction à l'échelle
continentale. Cette reforme consiste à fusionner l'actuelle Cour
africaine des droits de l'homme et des peuples à la Cour de justice de
l'Union africaine qui n'a jamais été mise en place.
Toutefois, il est important de préciser qu'avant
même l'adoption de ce Protocole portant Statut de la Cour unique à
Sharm el-Sheikh (Egypte), la décision de fusionner les deux Cours avait
déjà été prise en 2004 à Addis - Abeba
(Ethiopie) lors de la session ordinaire de la Conférence des Chefs
d'Etat et de gouvernement de l'Union. A cette occasion, par la décision
Assembly/AU/Dec. 45 (III)125 du 8 juillet 2004, a été
décidé que : « La Cour africaine des droits de l'homme
et des peuples et la Cour de justice seront fusionnées en une seule Cour
».
Cela étant, il faut noter que cette décision de
fusion est intervenue seulement 6 mois après la rentrée en
vigueur du Protocole de Ouagadougou126 portant création de la
Cour africaine des droits de l'homme et des peuples et quasiment 2 ans avant
son installation le 2 juillet 2006. Ce qui a faillit faire de l'actuelle Cour
africaine des droits de l'homme et des peuples, un organe judiciaire «
mort né »127 ou encore pour reprendre Mutoy MUBIALA une
Cour en « sursis »128. Deux raisons principales semblent
justifier la fusion de ces deux organes juridictionnels. C'est « en
réponse au défi de la prolifération des institutions
panafricaines et aux coûts exorbitants subséquents
»129 qu'intervient cette fusion. Donc, c'est dans le souci
de rationnaliser les coûts qu'engendrerait le fonctionnement de ces deux
organes et de maitriser
125 Voir cette décision au préambule du Protocole
de Sharm el-Sheikh, paragraphe 4.
126 Ce Protocole est entré en vigueur le 25 janvier
2004.
127 Voir le Guide pratique de la FIDH, « La Cour
africaine des droits de l'homme et des peuples vers la Cour de justice et des
droits de l'homme », avril 2010, p. 142, format PDF disponible sur
www.fidh.org/IMG/pdf/GuideCourAfricaine.pdf
128 MUBIALA Mutoy, Le système régional
africain de protection des droits de l'homme, Bruxelles, Bruylant,
2005.
129 Ibid., « Chronique de droit pénal de
l'Union Africaine. L'élargissement du mandat de la Cour africaine de
justice et des droits de l'homme aux affaires de droit international
pénal », Revue internationale de droit pénal, 2014/3, vol.
85, pp. 749-758, p. 750.
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47
la multiplication des juridictions continentales et un
éventuel conflit de compétence entre les juridictions, que l'UA a
décidé cette reforme.
A ce niveau, nous relevons que l'Afrique semble vouloir
s'écarter de l'approche européenne qui laisse coexister la Cour
de justice de l'Union européenne (CJUE) et la Cour européenne des
droits de l'homme en dépit du fait qu'elle s'inspire profondément
de l'Europe en matière de construction communautaire.
Nonobstant cette décision de fusion, l'U.A semble avoir
pris conscience que le processus de mise en place de la future cour unique
risque de prendre du temps. Elle a en effet, pris la décision
d'autoriser l'opérationnalisation de l'actuelle Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples lors du sommet d'Abuja de janvier 2005.
D'où le caractère provisoire même de l'existence de cette
Cour.
Cette décision a été
réaffirmée quelques mois plus tard lors du sommet de Syrte
(Libye) de juillet 2005 en ces termes : « Toutes les mesures
nécessaires au fonctionnement de la Cour africaine des droits de l'homme
et des peuples doivent être prises, notamment l'élection des
juges, la détermination du budget et l'opérationnalisation du
Greffe »130. C'est ainsi que la Cour africaine des droits
de l'homme et des peuples est devenue opérationnelle. Mais son avenir
reste toutefois incertain et dépend de la mise en place de la future
Cour africaine de justice, des droits de l'homme et des peuples dont le
Protocole vient d'être amendé lors du 23ème
sommet de l'UA tenue à Malabo (Guinée équatoriale) du 20
au 27 juin 2014 pour élargir son champ au domaine pénal.
Ces diverses reformes de l'UA posent en outre diverses
questions et de nombreuses inquiétudes pour certains quant à
l'effectivité même de la protection des droits de l'homme sur le
continent africain dans l'avenir.
130 Voir Assembly/UA/Dec.83 (V) in le Guide pratique de la
FIDH, « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples vers la
Cour de justice et des droits de l'homme », op. cit., p. 142.
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48
Section II : Vers une restriction de la protection des
droits de l'homme en Afrique ?
Comme il vient d'être indiquer
précédemment, de reforme à reforme, l'actuelle Cour
africaine des droits de l'homme et des peuples sera remplacée par une
Section des droits de l'homme et des peuples (Paragraphe I) de la nouvelle
Cour. De la Cour à la Section, le risque d'une restriction de la
protection des droits de l'homme en Afrique est réel même si la
Section des droits de l'homme de la future Cour unique héritera de
l'ensemble des compétences actuelles de la Cour africaine des droits de
l'homme et des peuples. Ce qui laisse croire que la succession est tout de
même relativement garantie (Paragraphe II).
Paragraphe I : Mise en place d'une Section des droits de
l'homme à la place de la Cour
L'article 1er du Protocole de Sharm el-Sheikh
dispose que : « Le Protocole relatif à la Charte africaine des
droits de l'homme et des peuples portant création de la Cour africaine
des droits de l'homme et des peuples adopté le 10 juin 1998 à
Ouagadougou (Burkina Faso) et entré en vigueur le 25 janvier 2004, et le
Protocole de la Cour de justice de l'Union Africaine adopté le 11
juillet 2003 à Maputo (Mozambique) sont remplacés par le
présent Protocole et le Statut y annexé qui en fait partie
intégrante [...] ». L'article 2 du même Protocole ajoute
que : « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples et la
Cour de justice de l'Union africaine, créées respectivement par
le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples portant création de la Cour africaine des droits de l'homme et
des peuples et l'acte constitutif de l'Union africaine, sont fusionnées
en une Cour unique instituée et dénommée « la Cour
africaine de justice et des droits de l'homme ». ».
Au vu de ces deux dispositions, il convient de remarquer que
le Protocole de Sharm el-Sheikh abroge les Protocoles de Ouagadougou et de
Maputo et se substitue à eux d'une part, et d'autre part, il supprime
purement et simplement la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples
et la Cour de justice de l'Union africaine qu'il remplace par la Cour africaine
de justice et des droits de l'homme. Cette dernière sera donc l'organe
judiciaire principal de l'Union africaine131.
131 Voir Statuts, article 2.
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49
La création de la Cour unique par la fusion des deux
autres Cours a initialement donné naissance à deux
Sections132 :
- Une section des affaires générales qui
correspond à la Cour de justice de l'Union africaine. Cette section ne
fera pas l'objet d'un développement dans le cadre de cette
présente étude dans la mesure où elle ne traite pas de la
question des droits de l'homme. Elle traite entre autres, des questions
relatives au règlement des différends entre les Etats africains
(à l'image de la C.I.J) d'une part, et d'autre part, celles relatives au
contentieux entre l'UA et son personnel (comme la CJUE)133.
- Une Section des droits de l'homme. C'est cette
dernière qui remplacera l'actuelle Cour africaine des droits de l'homme
et des peuples.
Par ailleurs, à ce stade, il est permis de se demander
si c'est cette Section des droits de l'homme de la Cour unique qui constituera
la principale juridiction régionale des droits de l'homme en Afrique,
à l'instar de la Cour européenne des droits de l'homme et la Cour
interaméricaine des droits de l'homme. La réponse est sans
ambigüité l'affirmative.
Toutefois, la mise ne place de la Section à la place de
la Cour engendre des risques de restriction de la protection des droits de
l'homme. Ce risque est d'autant plus élevé que l'Union africaine
a récemment élargie le mandat du Protocole de Sharm el-Sheikh aux
questions pénales. Cette reforme qui a eu lieu à Malabo
(Guinée équatoriale) en juin 2014, a mis en place une
troisième Section : la Section du droit international
pénal134.
Ce faisant, le risque de restriction de la protection des
droits de l'homme réside tout d'abord, dans la cohabitation entre la
Section de droit international pénal et la Section des droits de
l'homme. Cette cohabitation pourrait porter atteinte à
l'efficacité et à la visibilité même de cette
dernière.
Ensuite, le Protocole de Malabo vient réduire
considérablement le nombre de juges de la Section des droits de l'homme.
Selon l'article 10 (2) du Statut annexé au Protocole de Malabo : «
La Section des droits de l'homme et des peuples de la Cour est dûment
constituée de trois (3) juges ». Cela est un recul majeur non
seulement par rapport au Protocole
132 Ibid., article 16.
133 Ibid., article 28. Voir aussi sur cette question MUBIALA
Mutoy, « Chronique de droit pénal de l'Union Africaine.
L'élargissement du mandat de la Cour africaine de justice et des droits
de l'homme aux affaires de droit international pénal », op.
cit., p. 750.
134 Voir l'article 6 du Statut annexé au Protocole de
Malabo portant amendement au Protocole portant statut de la Cour africaine de
justice et des droits de l'homme.
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50
amendé135 dont le Statut annexé
prévoit seize (16) juges pour la Cour - huit (8) juges par Section -,
mais aussi quant on sait que la Cour européenne des droits de l'homme se
compose d'un nombre de juges égal à celui des Hautes Parties
contractantes136 et que la Cour interaméricaine des droits de
l'homme se compose également de 7 juges137.
Enfin, l'un des risques de restriction de la protection des
droits de l'homme en Afrique avec la mise en place de ladite Section tient au
fait que la reforme de Malabo accorde des immunités aux Chefs d'Etat et
de gouvernement africains, ainsi qu'aux hauts responsables publics. Toutefois,
il convient à ce niveau de préciser que les volets droits de
l'homme et droit pénal sont distincts. Et cette distinction tient
notamment au fait que la Section pénale est juge des individus et la
Section des droits de l'homme est juge des Etats. Même ces deux
disciplines sont tout de même complémentaires et intimement
liées.
Ces immunités découlent de l'article 46A bis du
Statut annexé au Protocole de Malabo qui se lit comme suit : «
Aucune procédure pénale n'est engagée ni poursuivie
contre un Chef d'Etat ou de gouvernement de l'UA en fonction, ou toute personne
agissant ou habilitée à agir en cette qualité ou tout
autre haut responsable public en raison de ses fonctions ». En
particulier, cette reforme semble être justifiée par deux raisons
: d'une part, le conflit entre l'UA et la CPI dû à la «
focalisation »138 de cette dernière sur l'Afrique et
d'autre part, entre l'UA et l'UE en raison de l'utilisation « abusive
»139 par certains Etats membres de l'UE de la compétence
universelle à l'égard des africains.
Dans tous les cas, l'octroie de telles immunités aux
dirigeants africains bien que ne relevant pas de la question des droits de
l'homme et ne s'inscrivant donc pas dans la logique de la Charte africaine, ne
va nullement dans le sens d'une volonté de protection effective des
droits de l'homme sur le continent africain qui est le théâtre des
violations massives des droits de l'homme.
Toutefois, dans la mesure où la Section des droits de
l'homme et des peuples de la future Cour unique héritera de l'ensemble
des attributions de l'actuelle Cour africaine, nous sommes tentés de
croire que la succession sera relativement assurée.
135 Nous faisons allusions au Protocole de Sharm el-Sheikh
portant statut de la Cour unique.
136 Voir l'article 20 de la Convention européenne des
droits de l'homme.
137 Voir l'article 52 de la Convention américaine des
droits de l'homme.
138 Voir MUBIALA Mutoy, « Chronique de droit pénal de
l'Union Africaine. L'élargissement du mandat de la
Cour africaine de justice et des droits de l'homme aux affaires
de droit international pénal », op. cit., p. 750.
139 Idem.
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51
Paragraphe II : Une succession relativement
assurée
Ainsi qu'il a été précédemment
exposé, lorsque le Protocole de Sharm el-Sheikh amendé par le
Protocole de Malabo entrera en vigueur et sera mise en oeuvre, l'actuelle Cour
africaine des droits de l'homme et des peuples cessera d'exister et sera
remplacée par la Section des droits de l'homme et des peuples.
Cependant, cette Section aura le pouvoir de connaitre de toutes les questions
relatives aux droits de l'homme dont elle sera saisie. C'est ce qui
résulte de l'article 17 (2) du Statut de la Cour, annexé au
Protocole de Sharm el-Sheikh : « La Section des droits de l'homme et
des peuples est saisie de toute affaire relative aux droits de l'homme et/ou
des peuples ». Cette position est retenue par le Statut annexé
au Protocole de Malabo en ces mêmes termes. Il ressort de cette
disposition que la compétence de la Section des droits de l'homme de la
future Cour unique est à l'instar de celle de l'actuelle Cour africaine,
extensive et libérale. C'est ce que vient d'ailleurs confirmer l'article
28 (c) du Statut annexé au Protocole de la Cour unique, qui
précise que : « La compétence de la Cour s'étend
à toutes les affaires et à tous les différends d'ordre
juridique qui lui seront soumis conformément au présent Statut et
ayant pour objet : [...],
c) l'interprétation et l'application de la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples, de la Charte africaine des
droits et du bien-être de l'enfant, du Protocole à la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits de la femme
ou de tout autre instrument juridique relatif aux droits de l'homme, auxquels
sont parties les Etats concernés, [...] ». Au vu de ce qui
précède et à la lecture de cette disposition, on se rend
compte que la compétence rationae materiae de la Section des
droits de l'homme et des peuples de la future Cour est identique à celle
de l'actuelle Cour. La succession est donc sur ce point garantie.
Concernant la question de la saisine directe de la Section par
les individus et les organisations non gouvernementales ayant le statut
d'observateur auprès de la Commission, il n'y pas eu d'évolution.
En effet, le Protocole de Sharm el-Sheikh retient la même exigence que le
Protocole de Ouagadougou. Selon l'article 8(3) du Protocole de la Cour unique :
« Tout Etat partie au moment de la signature ou du dépôt
de son instrument de ratification ou d'adhésion, ou à toute autre
période après l'entrée en vigueur du Protocole peut faire
une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir
les requêtes énoncées à l'article 30 (f) [...]
». Et cet article 30 (f) du statut de la Cour annexé au
Protocole dispose que : « Les entités suivantes ont
également qualité à saisir la Cour de toute violation d'un
droit garantie par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples
[...] ou par tout autre instrument
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52
juridique pertinent relatif aux droits de l'homme,
auxquels sont parties les Etats concernés : [...]
f) les personnes physiques et les organisations non
gouvernementales accréditées auprès de l'Union ou de ses
organes ou institutions, sous réserve des dispositions de l'article 8 du
Protocole ». Ces deux articles s'inscrivent donc dans la logique des
articles 5 (3) et 34 (6) du Protocole de Ouagadougou précités. A
ce niveau également, la Section héritera de la pratique de
l'actuelle Cour même s'il est remarquable et regrettable qu'il n'ya
aucune évolution sur la question malgré les reformes.
Il est donc frappant de constater qu'il ya une
compétence matérielle extensive reconnue à la Section des
droits de l'homme et des peuples de la future Cour. Et qu'il y a
également une limitation de l'accès à ladite Section aux
principaux bénéficiaires des droits garantis comme c'est le cas
de l'actuelle Cour. Cela constitue donc une limite majeure et une restriction
considérable à la protection des droits de l'homme sur le
continent africain.
Enfin, la période de transition de la Cour Africaine
des droits de l'homme et des peuples vers la Cour africaine de justice, des
droits de l'homme et des peuples s'avère bien encadrée par le
Protocole de Sharm el-Sheikh tel qu'amendé par celui de Malabo. En
effet, s'agissant de la question de la validité du Protocole de
Ouagadougou, l'article 7 du Protocole de Sharm er-Sheikh précise qu'il
« [...] reste en vigueur pendant une période transitoire
n'excédant pas un (1) an ou toute autre période
déterminée par la Conférence, après l'entrée
en vigueur du présent Protocole, pour permettre à la Cour
africaine des droits de l'homme et des peuples de prendre les mesures
appropriées pour le transfert de ses prérogatives, de ses biens
et de ses obligations à la Cour africaine de justice et des droits de
l'homme ». Concernant le mandat des juges de l'actuelle Cour,
l'article 5 du Protocole de Malabo qui a modifié l'article 4 du
Protocole de Sharm el-Sheikh indique : « 1. A l'entrée en
vigueur du Protocole portant Statut de la Cour africaine de justice et des
droits de l'homme, le mandat et la nomination des juges de la Cour africaine
des droits de l'homme et des peuples prennent fin ». Cependant
l'alinéa 2 du même article poursuit que « [...] les juges
de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples demeurent en poste
jusqu'à ce que les juges de la Cour africaine de justice, des droits de
l'homme et des peuples prêtent serment ». Pour ce qui est des
affaires pendantes devant la Cour africaine des droits de l'homme et des
peuples au moment de l'entrée en vigueur du Protocole de la Cour unique,
l'article 6 dudit Protocole stipule qu' « au moment de la
rentrée en vigueur du présent Protocole, toute affaire touchant
tout pays qui avait déjà été
entamée, [...], se poursuit devant la Section
appropriée de la Cour africaine de justice, des droits de l'homme et des
peuples ». Le Greffier de l'actuelle Cour restera également en
fonction jusqu'à la nomination d'un nouveau greffier140 et le
personnel de la Cour sera incorporé dans le greffe de la nouvelle Cour
pour le reste de leur contrat de travail141.
Dès lors, tous ces éléments nous
permettent d'affirmer que la succession est assurée. Reste donc à
espérer que la mise en place de la future Cour africaine de justice, des
droits de l'homme et des peuples ne sera pas un outil restrictif des droits de
l'homme sur le continent africain. Au contraire on espère que la
prochaine reforme permettra aux individus, aux groupes d'individus et aux ONG,
à l'image de la Cour européenne des droits de l'homme de saisir
cette Cour pour une meilleur protection des droits de l'homme en Afrique.
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53
140 Voir Protocole de Sharm el-Sheikh préc., art. 7
141 Idem.
CONCLUSION
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54
L'étude de la Cour africaine des droits de l'homme et
des peuples a révélé que ce premier organe juridictionnel
de protection des droits de l'homme sur le continent africain fait face
à de nombreuses difficultés. Le Protocole de Ouagadougou
créant la Cour ne permet notamment pas aux individus et aux ONG de
saisir directement cette dernière et le nombre d'Etats ayant souscrit
à la déclaration d'acceptation de la compétence de la Cour
est dérisoire. Et la multiplication des juridictions compétentes
en matière de droits de l'homme en Afrique risque d'être un frein
à son effectivité. Aussi, de nos jours vingt quatre (24) Etats
africains n'ont toujours pas ratifié ce Protocole. Néanmoins, il
convient d'être nuancé : la création de la Cour africaine
est sans doute, malgré tout, l'une des avancées les plus
significatives dans l'histoire de la protection des droits de l'homme en
Afrique. Ensuite, la compétence surtout matérielle très
large de la Cour africaine et son indépendance font d'elle une
véritable juridiction avec une certaine originalité.
Les principales difficultés auxquelles est
confrontée la Cour pouvaient être corrigées notamment lors
de l'adoption du Protocole de Sharm el-Sheikh fusionnant la Cour de justice de
l'UA à l'actuelle Cour ou lors de la révision de ce Protocole
à Malabo. Mais au lieu de corriger les limites en permettant notamment
aux individus et aux ONG d'accéder directement à la Cour pour
faire valoir leurs droits, l'UA a décidé de réduire la
Cour en une Section de la future Cour unique, à réduire le nombre
de juges et à maintenir l'exigence de la déclaration facultative
d'acceptation de la compétence de la Cour unique. La création
d'une Cour unique n'est pas mauvaise en soi. En revanche, bien que la Section
des droits de l'homme et des peuples de la Cour unique héritera de
l'étendue de la Compétence de l'actuelle Cour, une reforme du
Protocole de cette Cour unique est encore nécessaire et toujours
possible. Une telle reforme aura le mérite de corriger toutes les
insuffisances et faiblesses afin que la Section des droits de l'homme de la
future Cour puisse être réellement efficace et incitative pour
garantir la règne de la démocratie, de l'Etat de droit et des
droits de l'homme en Afrique.
Finalement, on peut affirmer que la Cour africaine des droits
de l'homme et des peuples est au-delà de son caractère
juridictionnel, un véritable instrument dissuasif. Grâce à
la Cour, l'Afrique a contribué à l'universalisation des droits de
l'homme et à la promotion du Droit international des droits de l'homme
en rejoignant l'Europe et l'Amérique. Sur le plan
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55
politique, par la création de la Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples, l'Afrique a acquis désormais une
véritable légitimité même s'il reste encore du
chemin à parcourir.
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56
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58
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62
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l'homme et des peuples portant création de la Cour africaine des droits
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- La Charte africaine de la Démocratie, des Elections et
de la Gouvernance, du 30 janvier 2007.
- Protocole portant Statut de la Cour africaine de justice et des
droits de l'Homme, (Sharm El - Sheikh, 1er juillet 2008).
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11 juillet 2003).
- Protocole portant amendement au Protocole portant statut de la
Cour africaine de justice et des droits de l'homme (Malabo, 27 juin 2014).
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63
TABLE DES MATIERES
LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET DES PEUPLES ENTRE
ORIGINALITES ET
INCERTITUDES 3
SOMMAIRE 4
SIGLES ET ABREVIATIONS 5
INTRODUCTION 7
Partie I - La Cour africaine, un organe juridictionnel à
vocation continentale 14
Chapitre I : La Cour africaine, un organe juridictionnel
prometteur 14
Section I : Un système juridictionnel novateur
institué par le Protocole de Ouagadougou 15
Paragraphe I : Une Cour ouverte aux organisations
intergouvernementales africaines 15
Paragraphe II : Un système destiné à
remédier aux lacunes de la Charte africaine 17
Section II : La Cour africaine, une institution judiciaire
indépendante 20
Paragraphe I : L'indépendance institutionnelle de la Cour
garantie 21
Paragraphe II : La garantie de l'indépendance des membres
de la Cour 22
Chapitre II : La Cour africaine, un organe juridictionnel
ambitieux 23
Section I : Une Cour à compétence matérielle
large 23
Paragraphe I : Une compétence matérielle
contentieuse de la Cour 23
Paragraphe II : Une compétence matérielle
Consultative de la Cour 26
Section II : Une Cour à compétence personnelle
relativement libérale 28
Paragraphe I : Une compétence personnelle au regard du
demandeur 29
Paragraphe II : Une compétence personnelle au regard du
défendeur 31
Partie II : La Cour africaine, un instrument fragile 33
Chapitre I : La Cour africaine, un organe à
efficacité relative mais perfectible 33
Section I : Les limites juridico-politiques majeures à
l'efficacité de la Cour 33
Paragraphe I : Le faible taux de ratification du Protocole, une
limite à l'effectivité de la Cour 34
Paragraphe II : L'article 34(6) ou le verrou juridique à
l'accessibilité de la Cour 36
Section II : La nécessité d'un rude effort de
régulation pour une Cour africaine effective 38
Paragraphe I : La nécessaire régulation
institutionnelle 39
Paragraphe II : Les actions à entreprendre pour une Cour
efficace 41
Chapitre II : La Cour africaine, une juridiction provisoire 43
Section I : Le projet de création d'une Cour unique :
l'acte de décès de la Cour africaine des
droits de l'homme ? 44
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64
Paragraphe I : Le processus d'élaboration du Protocole de
Maputo portant création d'une Cour
de justice de l'Union Africaine 44
Paragraphe II : Le Protocole de Sharm el-Sheikh : Statut de la
Cour unique 46
Section II : Vers une restriction de la protection des droits de
l'homme en Afrique ? 48
Paragraphe I : Mise en place d'une Section des droits de l'homme
à la place de la Cour 48
Paragraphe II : Une succession relativement assurée 51
CONCLUSION 54
BIBLIOGRAPHIE 56
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