V-PROBLEMATIQUE
La question alimentaire fait depuis quelques années
dans les pays du Tiers-monde et particulièrement en Afrique
sub-saharienne, l'objet d'une attention particulière de la part
des organisations internationales et des instances de
décisions politiques (Akindès, 1990). Au cours de ces vingt
dernières années, la faim et la malnutrition dans le monde ont
fait partie des principales sources de préoccupation de la
communauté internationale. L'Afrique et certains pays d'Asie du Sud-est
sont les régions qui ont été les plus affectés par
ce phénomène. Cependant, alors que l'on note de toute
évidence une évolution positive dans d'autres parties du globe,
l'Afrique au contraire reste la seule région où plus du tiers de
la population est exposé à l'insécurité alimentaire
caractérisée par la sous-alimentation et la malnutrition. Bien
que de nombreux Etats abordent ce phénomène dans la perspective
de l'autosuffisance alimentaire dans leur plans nationaux de
développement, la faim et la malnutrition continuent de prendre des
proportions croissante et se cristallisent à la fois sur les causes et
les principaux symptômes de la pauvreté. Bien qu'au cours des
quarante dernières années, la production agricole par habitant
ait augmenté de 24% et que les prix des aliments aient baissé de
40%, la situation dans la plupart des pays d'Afrique n'a pas été
à l'image de ces performances (FAO, 1994). En effet, prés de 33%
de la population africaine soit environ 200 millions de personnes, sont
sous-alimentées. Leur nombre à presque doublé depuis la
fin des années soixante progressant plus ou moins au même rythme
que la croissance démographique. C'était déjà pour
pallier ce phénomène (notamment dans le tiers monde) qu'au sommet
mondial de l'alimentation tenue à Rome en 1996, il a été
décidé d'accorder plus d'attention à la question de
l'alimentation des populations. Stratégiquement, le sommet
suggérait aux gouvernants de promouvoir la volonté politique de
lutter contre la faim en facilitant l'accès à la nourriture au
plus démunis plutôt que sur la simple déclaration sans
action (FAO, 2002). En Côte d'Ivoire, la prise de conscience du
problème vivrier et partant de la sécurité alimentaire,
est venue à partir des questions de soudure et de l'autosuffisance
alimentaire. Elle est réaffirmée dans les plans de
développement de 1966. Cela s'est traduit par des actions
d'aménagement agricole et de création de structures, du fait que
celle-ci correspondaient bien aux préoccupations de l'heure. Aussi, pour
éviter la dépendance de l'extérieur pour assurer
l'alimentation des populations les autorités n'ont pas
hésité à faire le choix de la production vivrière.
De manière spécifique, après l'indépendance, les
cultures d'exportations comme le café et le cacao ont été
privilégies au détriment du vivrier. Cette politique a permis le
lancement de vastes programmes de production agro-industrielle. Cela a permis
de maintenir un taux de croissance économique estimé a 6% avec un
PIB qui a enregistre en terme nominal, des taux de croissance annuelle de
11,30% de 1960 à 1970 et de 17% de 1970 à 1980 (Aka et Djogo,
1987). Ces résultats agro-économiques encourageants, ont-ils
réellement permis à la côte d'ivoire d'assurer sa
sécurité alimentaire ?
En effet, en restant dans la pratique des cultures
d'exportation, les besoins alimentaires, en féculents sont couvert par
la production vivrière nationale. Cependant avec le gonflement de la
population urbaine estimée à 60% de la population totale, la
production nationale de vivrier devient de moins en moins en mesure de
satisfaire les besoin de la population ivoirienne. Ce phénomène
s'accentue avec la recherche en particulier par les urbains, d'aliments moins
coûteux et plus pratique à consommer que les féculents
traditionnels. Cela se traduit par une forte demande en céréales
impliquant de fortes dépenses dans les importations de riz et de
blé. C'est ainsi de 1970 à 1980 les importations se
caractérise par une croissance forte et régulière, qui
s'accélère en fin de période ; elle est de l'ordre de 360
%, dans une fourchette de 16 à 75 milliards F CFA (Roch, 1988). Aussi on
a concédé une sortie de devise de plus de 700 milliards francs
CFA de produits alimentaires en 2008. Par ailleurs, ayant basé son
économie à la fois sur le capitalisme d'état et sur le
libéralisme, c'est l'Etat ivoirien ou l'Etat patron qui pratiquait
directement le commerce de ces produits. Ainsi, au niveau commercial, la
combinaison des prix à la ferme c'est-à-dire aux producteurs, et
des prix élevés sur les marchés internationaux est en
effet, synonyme de profit pour l'Etat ivoirien, à travers la caisse de
stabilisation créée à cet effet. Les recettes ainsi
obtenues permettent d'accroître les investissements dans les
infrastructures que le marché ne parvient pas à obtenir et qui,
par nécessité doivent être assurées par l'Etat.
Cette politique a connu un frein dans son élan avec l'irruption dans les
plans nationaux ivoiriens, des programmes d'ajustements structurels de la
Banque Mondiale qui se sont étendus de 1980 à 1990. Elle est
suivie du désengagement de l'Etat, de la privatisation ou de la
suppression de nombreuses de ses sociétés. Ces mesures ont
bouleversé les stratégies mises en oeuvre par les
autorités ivoiriennes pour assurer la croissance économique,
l'autosuffisance alimentaire et consolider le secteur agricole, avec toutes les
conséquences que cela comporte. En effet, la privatisation et
l'imposition de régimes budgétaires rigoureux par les
institutions de Bretton Woods aux entreprises nationales, ont certes,
amélioré la structure du système d'incitation, mais
à l'inverse, elles ont concouru à provoquer l'effondrement d'une
multitude de services d'appui vitaux pour l'agriculture. D'où ces effets
perturbateurs sensibles, durables, constatés ici et là sur la
production, surtout dans le secteur de la petite agriculture. De sorte que la
baisse de l'appui public à l'agriculture et aux services connexes, sans
aucune compensation sous forme d'initiative et de ressources privées, a
conduit le pays à une dépendance exagérée
vis-à-vis des importations des denrées alimentaires.
Le Nord-Ouest du pays sensé être un grenier de
vivrier et de zone de développement du coton et de l'anacarde, est-il
parvenu à vaincre la faim et assurer sa propre sécurité
alimentaire ? Effet, depuis l'indépendance du pays, le
Nord-Ouest n'a cessé de faire l'objet d'attention particulière
de la part des autorités ivoiriennes tant au niveau des cultures
pérennes que des cultures vivrière. En plus des nombreux
facteurs pédologiques, climatiques, traditionnels qui ont milités
en faveur de la croissance agricole de cette zone, se sont ajoutés des
programmes de développement basés sur des cultures
vivrière et des cultures de rente notamment le coton, le riz ; et
le soja. Si, le développement de la culture du coton dans la partie Nord
du pays, a permis à la Côte d'Ivoire, dans les années 1980
d'être l'un des trois premiers producteurs d'Afrique, la région du
Nord-Ouest qui a bénéficié de cette opération de
développement du coton, a joué un rôle secondaire dans
l'essor de la production cotonnière comparativement au reste de la
partie Nord du pays, ce qui a suscité une vision négative de la
population du Nord-Ouest. En ce qui concerne le développement du riz,
les résultats ont été médiocres. Les paysans
travaillant sur les blocs ont été très rapidement
confrontés à des problèmes d'érosion,
d'épuisement de sols et d'enherbement. Aussi, les blocs de culture
ont-ils été abandonnés par les paysans. Quant au soja, il
avait permis de sédentariser la jeunesse qui était en proie
à un exode rural sans précédent en améliorant le
niveau de revenu des populations. Cependant, après l'arrêt du
projet les populations se trouvent confrontées aux mêmes
difficultés. L'impact sur le développement reste aussi moindre
(Ministère du plan et du développement, 2006).
Au regard de toutes ces considérations, la question
centrale qui s'impose à nous est de savoir qu'en est-il de la
sécurité alimentaire dans le Nord-Ouest de la Cote
d'Ivoire ? En d'autres termes quel est le niveau de sécurité
alimentaire des populations du Nord-Ouest de la Côte d'Ivoire ?
A cette question centrale l'on est tenté de se
demander :
Quelle est la situation des disponibilités alimentaires
dans le Nord-Ouest de la Cote d'Ivoire ?
Quel est le niveau d'accessibilité alimentaire des
populations du Nord-Ouest de la Cote d'Ivoire ?
Quels est le niveau de stabilité des systèmes
alimentaires et leurs impacts sur les choix de production agricoles et les
modes d'approvisionnement en vivriers?
Quelle est la qualité nutritionnelle des aliments des
populations du Nord-Ouest de la Côte d'Ivoire ?
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