Introduction
Suite aux bénéfices pouvant être
retirés de la pratique du sport, il est encourageant de savoir que les
jeunes peuvent « améliorer » leur condition physique
puis « la maintenir » en s'assurant d'être
quotidiennement actifs. Plusieurs avantages sont d'ailleurs liés
à l'activité et ces avantages touchent différentes
sphères de la vie quotidienne, notamment sur les plans physique,
psychologique, social et scolaire. Parmi les bénéfices de
l'activité sportive, nous pouvons tout d'abord mentionner les effets
positifs pour le système cardiovasculaire. Elle facilite la
stabilité de la pression artérielle et protège
contre la survenue des maladies cardiovasculaires (infarctus du myocarde et
angine de poitrine), quel que soit l'âge. Elle est efficace pour le
maintien du poids de forme et peut réduire les risques
d'obésité. Elle contribue à prévenir le
diabète, en particulier le diabète gras. Elle lutte efficacement
contre le stress, la dépression, l'anxiété. Le sport
maintient et améliore les réflexes, ce qui permet la
prévention des chutes chez les sujets âgés. De plus, il a
un rôle psychosocial : il renforce l'estime de soi, permet
l'intégration à un milieu social et empêche ainsi certains
problèmes d'isolement. En conclusion, le sport améliore
l'espérance de vie et de façon certaine la qualité de vie
(S.Louay, 2011).
Le champ des activités où les individus se
réalisent et s'accomplissent, est large. Sphère intellectuelle,
artistique, professionnelle, le cercle est vaste. A l'intérieur de
celui-ci, le domaine sportif occupe une place de plus en plus valorisée,
particulièrement chez les jeunes. En Tunisie, 191,638 est le nombre
total des organisations sportives publiques et privées, à savoir
toutes les organisations qui gèrent et développent les fonctions
du sport dans le modèle sportif tunisien (données du
Ministère de la Jeunesse et des Sports, 2013). Une étude
conduite par l'Observatoire National du Sport portant sur les pratiques
physiques et sportives des tunisiens a montré que 17.2% de Tunisiens
âgés de six ans et plus avaient participé à des
activités physiques et sportives. Il ressort de cette étude
réalisée en coopération avec l'Institut National des
Statistique que la pratique du sport se trouve plus populaire auprès des
hommes, alors que 25% d'entre ceux qui sont âgés de plus de six
ans ont déclaré qu'ils avaient exercé des activités
physiques ou sportives, le taux de pratiquantes filles n'a pas
dépassé 9%. Le taux de pratiquants le plus important se situe
dans la tranche d'âge 11 -17 ans correspondant à 39.54%. Bien
plus que le loisir favori de la jeunesse, le sport est devenu un
événement social considérable, qui n'a pas fini son
expansion. Pourtant, ces données statistiques, comme les
représentations courantes qui veulent que l'activité physique et
sportive soit source de satisfaction chez les enfants et les adolescents car
inscrits dans leur « nature », masquent un paradoxe : un abandon
élevé de la pratique sportive au moment de l'adolescence.
Beaucoup de jeunes abandonnent le sport après seulement une petite
période de pratique. Plus précisément, certains chercheurs
ont montré qu'un tiers des jeunes de plus de 12 ans cessent leur
activité sportive (e.g..Gould, 1987). Ce taux d'abandon
s'élève à 80 % quand les jeunes atteignent l'âge de
17 ans. Là encore, ce phénomène est plus observé
chez les filles que chez les garçons. À l'exemple de la
Fédération Tunisienne de Taekwondo (FTTKD) qui n'est pas
épargnée par ce phénomène. C'est pour cela le taux
d'abandon élevé chez les jeunes induit une remise en question de
l'ensemble des domaines constitutifs du système où se trouve
l'athlète actif (Lavallee et al., 1997) et constitue ainsi un challenge
pour toutes les dimensions psychologiques et sociales construites et
évaluées à partir de la pratique sportive et de la
production de performances (Gearing, 1999). Il interpelle également les
professionnels de santé qui soulignent l'importance d'une pratique
physique régulière pour le bien être et la santé des
jeunes (Martens, 1978).
Le Modèle Hiérarchique de la Motivation
Intrinsèque et Extrinsèque de Vallerand (MHMIE, 1997, 2001,
2007b) étudie l'impact que peut avoir l'environnement social, et en
particulier les autrui significatifs, sur la décision de l'abandon en se
basant sur la théorie de la motivation à l'accomplissement, la
théorie de l'autodétermination et la théorie du
comportement planifié (Ajzen, 1985). D'autres perspectives ont
été également proposées par les chercheurs afin
d'étudier le phénomène d'abandon sportif. Certains
chercheurs ont eu recours à la théorie de l'échange social
ou la théorie de l'interdépendance (e.g., Thibaut & Kelley,
1959) afin d'éclaircir les causes correspondantes à l'abandon ou
l'engagement sportif (e.g., Carpenter, Scanlan, Simons & Lobel, 1993). Ces
modèles ont apporté une compréhension plus fine des
processus impliqués dans ce phénomène notamment
l'influence des activités alternatives et des contraintes sociales sur
l'engagement sportif. D'autres études ont pris en compte les rôles
sociaux liés au genre (e.g., Guillet, Sarrazin, Fontayne & Brustad,
2006). Ces études ayant pour objectif de mettre en avant les influences
culturelles qui peuvent conduire certains sportifs à arrêter leur
pratique sportive.
Le problème de l'abandon sportif de haut niveau et ses
conceptions sont inspirés du cadre général portant sur les
transitions de vie : ce travail, porte sur les conditions sociales de
l'abandon de la pratique de Taekwondo de haut niveau chez les jeunes.
Notre étude compte étudier par ailleurs l'existence de cinq
sphères de socialisation chez les jeunes athlètes de haut niveau
: la famille, l'école, les amis, le (ou la) partenaire amoureux (se) et
Taekwondo. Ces milieux participent à la construction de
l'habitus individuel (Bourdieu, 1994), c'est à dire un système de
dispositions (préférences, goûts, manières
d'être et de penser) qui oriente les pratiques (S.louay, 2011). La
diversité des modes de socialisation conduit ainsi l'individu d'adopter
de nouveaux comportements et attitudes en fonction de la nouveauté de la
situation (Hopson & Adams, 1977): un acteur placé
simultanément ou successivement dans une pluralité de mondes
sociaux différents construit et adopte des dispositions qui seront elles
mêmes diversifiées, voire contradictoires (Lahire 1998). Dans la
plupart des cas, les contradictions inhérentes aux divergences entre les
milieux de socialisation peuvent être source de tensions plus ou moins
acceptables : si les différentes sphères de socialisation
s'avèrent trop contradictoires, elles peuvent causer des troubles
dépressifs anxieux, ces troubles se manifestent de manière
récurrente dans la vie du sujet et l'obligent à modifier son
comportement. Ainsi, que toute transition peut entraîner une diminution
temporaire du niveau initial d'estime de soi et de bien-être subjectif
par le remaniement de l'ensemble des repères de l'existence de
l'individu (Kim & Moen, 2001). L'individu pourra réduire leur
antagonisme en délaissant ou transformant certaines pratiques (Lahire
1998). Quelques recherches scientifiques et des témoignages de
psychologues cliniciens amènent à penser que la pratique des arts
martiaux pourrait être associée à la réduction des
symptômes dépressifs anxieux. Les recherches portant sur les
troubles dépressifs anxieux et la pratique du Taekwondo
(Trulson, 1986) semblent indiquer que les personnes qui pratiquent cette
discipline sur une longue période ont des taux d'anxiété
plus faible. Le champ du Taekwondo peut de ce fait apparaître
comme un élément explicatif des phénomènes de
frustrations qui sont la conséquence de la divergence entre les milieux
de socialisation investis dans la poursuite de la pratique du
Taekwondo et non pas dans l'abandon sportif .
La question centrale posée par cette étude
concerne les motifs d'abandon des athlètes tunisiens du haut niveau en
Taekwondo ainsi que les processus par lesquels la perception des
variables sociologiques conduit à l'abandon chez ces joueurs.
De ce fait nous émettons les hypothèses
suivantes :
(Hypothèse 1) Les conditions sociales
défavorables sont la principale cause du désengagement sportif
d'athlète de haut niveau.
(Hypothèse 2) A l'origine, l'apprentissage de
Taekwondo est avant tout un choix parental répondant à
des motifs sociaux et sécuritaires qui ne posent guère des
problèmes de participation.
(Hypothèse 3) En revanche, l'adhésion à
un groupe de Taekwondo de compétition nécessite divers
aménagements. Sa pratique à un niveau de compétition
requiert un investissement personnel considérable sur le plan
physiologique, temporel, humain, émotionnel et financier. Si cette
pratique intensive apporte de nombreux éléments positifs sur la
santé, l'estime de soi, l'organisation, etc., elle nécessite de
nombreux sacrifices. Le sportif doit accepter de consacrer du temps, de
l'énergie et de l'argent pour remplir les exigences. Ceci conduit
souvent à l'abandon.
(Hypothèse 4) En particulier, Le Taekwondo
est une activité considérée comme une activité
à connotation masculine (Salminen, 1990)². En effet, Cette
spécificité amène les joueuses à se
désengager du Taekwondo qui n'est pas en conformité
avec les stéréotypes de leur sexe.
La première partie du présent mémoire
décrit le contexte théorique qui permet d'approfondir la
compréhension du phénomène de l'abandon sportif et
présente les perspectives théoriques qui se sont
intéressées à cette questionne, et ensuite une
compréhension générale du Taekwondo. La seconde
partie présente la méthodologie qui a été mise en
place afin de réaliser cette recherche: les participants, leurs
caractéristiques, le déroulement de l'enquête et l'outil
d'investigation : l'entretien et ses différents axes. La
troisième partie présente essentiellement les résultats de
l'étude générés par une analyse inductive d'un
entretien direct semi-structuré. La quatrième partie porte sur la
discussion des résultats en lien avec les hypothèses suivie
d'une conclusion.
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