Section 2 : Analyse théorique de la dette
publique et l'investissement privé
Depuis les années 80 jusqu'à nos jours, assez de
controverses ont tourné autour de la question de la dette publique et
investissement privé, en passant par les approches positives, du
surendettement et terminer par la courbe de Laffert de la dette. Toutes ces
théories se sont soldées par des contradictions et des
conclusions tout à fait pertinentes. C'est pourquoi, dans notre cas,
nous allons essayer de faire un aperçu sur les différentes
approches de la dette publique et l'investissement privé d'une part, et
de toucher la partie investissement privé et investissement public,
d'autre part.
2.1 Dette publique et Investissement privé
On peut distinguer trois approches de la relation entre la
dette publique et l'investissement privé: positive, surendettement et la
courbe de Laffert de la dette.
Selon la première approche, la dette extérieure
est considérée comme une entrée de capitaux ayant des
effets positifs sur l'épargne domestique, l'investissement et la
croissance. Les tenants de ces arguments considèrent que
l'épargne étrangère est complémentaire de
l'épargne domestique. C'est pourquoi, les tenants de cette approche ont
considéré la dette comme un instrument de politique
économique et un moyen privilégié de financement de la
croissance. Pour ces auteurs, une économie connaissant un déficit
intérieur et ou affectée momentanément par un choc
extérieur qui, déséquilibre sa balance commerciale,
devrait recourir aux marchés nationaux et internationaux des
capitaux.
Cette théorie tire ses inspirations dans le
modèle Keynésien selon lequel l'endettement n'entraine de
coûts ni pour les générations présentes, ni pour les
générations futures du fait des investissements nouveaux qu'il
génère .Donc, ce modèle de l'endettement de l'Etat
inspiré de la théorie keynésienne tire ses fondements dans
la demande globale et les effets
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multiplicateurs et accélérateurs,
caractéristique fondamentale de cette théorie .Dans cette
approche l'endettement favorisant la relance de la demande par l'effet
accélérateur entraine une augmentation plus que proportionnelle
de l'investissement qui provoque à son tour une augmentation de la
production.
Cependant, cette théorie économique avait fini
par reconnaître un seuil au delà duquel, la dette devient nuisible
à la croissance. Déjà avant cela, les classiques
assimilaient l'endettement à l'impôt futur et imputait à
l'Etat une connotation négative. C'est à l'issue de cela que
l'économiste Barro .R (1989) montrait qu'une politique
budgétaire financée par emprunt reste sans effet sur
l'activité économique dans la mesure où les agents ne sont
pas victime d'illusion monétaire. Ces agents anticipent alors une hausse
des impôts dans le futur destinés à rembourser l'emprunt en
constituant une épargne d'un montant équivalent à
l'endettement public.
V. Hayek(1989), à son tour
dénonçait l'endettement comme étant une croissance
artificielle fondée sur un investissement supérieur à
l'effort d'épargne et provoquant l'ajustement par l'inflation.
Claessens et Diwan(1989) définissent le surendettement
comme une situation ou la dette extérieure est tellement
élevée qu'elle conduit à une faiblesse de
l'investissement, compromettant même la réduction du service de la
dette. Ces auteurs soulignent deux effets du surendettement à savoir :
l'effet d'illiquidité et l'effet desincitatif.
Le premier effet renvoie à l'idée selon
laquelle, le fardeau élevé de la dette extérieure conduit
à une rareté de la liquidité, la formation du capital
étant à son minimum près des années
d'austérité et de faiblesse de croissance.
Le deuxième effet révoque à la fois
à l'idée de la dépréciation de l'investissement
publique et de l'investissement privé, étant donné qu'une
grande part du revenu futur sera transféré à
l'étranger.
Selon la deuxième approche, si la dette publique d'un
pays est plus élevée que sa capacité de remboursement, le
service de sa dette sera une fonction croissante de sa production,
décourageant les investissements intérieurs et extérieurs.
Craignant que la production soit taxée au fur et à mesure par
l'Etat au titre du service de la dette, les investisseurs potentiels
hésiterons à supporter les coûts immédiats pour
accroître la production à venir. C'est la thèse
avancée par les auteurs du fardeau virtuel de la dette ou du
surendettement. Les tenants de
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cette théorie du surendettement laissent entre dire que
la faiblesse de l'investissement est due à un lourd fardeau de la dette
qui réduit l'incitation à investir du pays débiteur. Pour
Paul Krugman(1989), une dette trop élevée a un
impact négatif sur la croissance.
En fait, les agents économiques privés du pays
débiteur ainsi que les investisseurs étrangers considèrent
le fardeau très élevé de la dette extérieure comme
une taxe sur leur revenu futur. Cela signifie que l'Etat va augmenter les
impôts dans le futur afin de faire face au service de la dette. Et qu'une
augmentation des taxes conduirait à un faible revenu après
impôt sur le capital et par conséquent réduirait
l'incitation à investir d'où il aura une faiblesse de la
croissance.
Si le secteur privé prévoit d'être
taxé dans le futur, l'investissement privé sera
déprimé en ce sens que les investisseurs vont placer leurs
capitaux à l'étranger. La fuite des capitaux dans le secteur
taxé peut conduire à des paniques comme quoi la contraction de la
base imposable risque d'être compensée par une augmentation
possible des taux d'imposition, donc accentue de plus l'incitation à se
retirer. De tel équilibre peut conduire à une fuite des capitaux
et une décapitalisation de l'économie (Boyce
,2002).
La troisième approche, les partisans de cette approche
ont tenté de concilier les deux approches précédentes, en
développant des modèles avec des effets non linéaires de
la dette, de l'investissement et de la croissance.
C'est à l'issue de cette approche que la courbe de
Laffert a été utilisée en référence aux
perspectives des emprunteurs à rembourser les prêts avant
d'atteindre une limite critique à l'accumulation de la dette
(Elbadawi ,1997). Le modèle suppose
que les désincitations à investir sont associées à
un stock de la dette plaçant le pays sur le mauvais coté de la
courbe.
La thèse de la courbe de Laffert montre que plus
l'encours de la dette devient élevé plus la solvabilité de
son remboursement devient faible. Sur la partie ascendante de la courbe, la
hausse de la valeur nominale de la dette va de pair avec l'augmentation des
anticipations de remboursement, alors que l'accroissement de la dette
réduit ces anticipations sur la partie descendante de la courbe
(Ricci, 2002).
La théorie prédit que si la dette est au dessous
du seuil critique, elle a tendance à stimuler l'investissement et la
croissance. Ainsi donc à tout point D du bon coté de la
courbe,
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la dette génère de nouveaux investissements et
la croissance du PIB augmente jusqu'à atteindre son niveau maximal K
(niveau optimal de la dette). Au delà de ce point, les dettes
additionnelles peuvent entrainées un déclin aussi bien de
l'investissement et de la croissance. K est donc la limite à laquelle,
l'accumulation de la dette commence à affecté négativement
l'investissement et la croissance.
Il ressort donc de l'analyse de la théorie de la courbe
de Laffert, que d'une part, une évolution raisonnable de la dette
devrait être favorable à l'investissement et la croissance, et de
l'autre coté l'accumulation d'une lourde dette risque d'entraver
l'expansion. En somme, la dette à un effet non linéaire sur
l'investissement et la croissance selon les tenants de cette approche. Il
apparaît dans cette relation que la dette aurait une relation en forme de
courbe en U inversé avec l'investissement et la croissance.
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