INTRODUCTION GENERALE
La création de l'Etat moderne en sa qualité de
société est en accord avec l'impératif de l'instauration,
sinon de la mise sur pied d'un Etat de droit, c'est-à-dire d'un Etat qui
non seulement produit un droit, lui-même respectueux dudit droit, mais
aussi qui permet aux citoyens d'y avoir accès. Cette
préoccupation qui est clairement définie dans la maxime
célèbre de droit ubi societas ibi jus1, met
en filigrane la problématique de la justice. Le questionnement sur la
justice depuis plusieurs décennies révèle le sens et la
puissance de cette notion, en ceci qu'elle constitue un droit fondamental du
citoyen, car elle est à la fois« conquête et instrument de
l'Etat de droit »2, les justiciables ne devant
rencontrer aucun écueils de jure ou de facto,
procéduraux ou matériels, structurels voire temporels et qui sont
de ce fait rédhibitoires ou de nature à rendre difficile sinon
impossible l'accès à cette justice. Cette problématique
d'accès à la justice administrative participe ainsi « du
devoir de protection juridictionnelle de l'Etat »3, car, «
si l'on reconnait au justiciable un droit à obtenir que la justice soit
rendue sur sa requête, le sujet passif de ce droit n'est ni le juge
personnellement désigné, ni une juridiction
déterminée : c'est l'Etat tout entier, parce que c'est en son nom
que la justice est rendue »4
1Partout où il y a société il y a
droit.
2 Jean Rideau, « Droit au juge : conquête
et instrument de l'Etat de droit », in droit au juge dans
l'Union
Européenne, J. Rideau (dir), Paris LGDJ, 1998, pp 3-7.
3Louis Favoreu, Du déni de justice en droit
français, Paris, LGDJ, 1964, p555.
4Marcel Waline, préface à la
thèse de Louis Favoreu, ibid., p2.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
I- Contexte de l'étude
La problématique du jeu politique en contexte africain
n'occupe très souvent qu'une place restreinte et parfois
incomplète dans les diagnostics portant sur les dynamiques locales de
l'action étatique. Pourtant un retour sur la littérature en
sciences sociales permet de montrer que les politiques locales changent parfois
la politique globale5, au sens où, les programmes d'action
mis en oeuvre au niveau local bouleversent de plus en plus les règles
d'action collective au sein du système politique dans son ensemble. Un
tel constat est révélateur de l'importance accordée par
l'Etat à une localisation de la justice administrative. Cette
dernière s'inscrit dans une sphère étatique de «
gestion publique territoriale »6et permet de ce fait
de la situer dans des contextes aussi bien politico-juridiques que social.
1- contexte politico-juridique
La décentralisation de la justice administrative
aujourd'hui s'inscrit dans une posture globale de jonction de la norme au fait
dans la mesure où, il s'agit ici de l'émergence d'un contexte
particulier au Cameroun de mise en place des institutions prévues par la
constitution du 18 janvier 1996. En effet la norme constitutionnelle du 18
janvier 1996 prévoit la mise sur pied d'un nombre important
d'institutions pour ainsi parfaire l'architecture institutionnelle du Cameroun.
Les institutions nouvellement créées et prévues par la
constitution sont au nombre de quatre ; il s'agit en effet, de la Haute Cour de
Justice7, du Conseil Constitutionnel8, du
Sénat9 et des Tribunaux Administratifs.
Ainsi, après avoir mis sur pied le Sénat, il est
question aujourd'hui, de mettre en place les Tribunaux Administratifs tel que
prévus dans constitution car, « les nouvelles institutions de
la république prévues (...) seront progressivement mises en place
»10. De plus, la République du Cameroun
étant un Etat unitaire décentralisé11, il est
impératif dans cette vague contextuelle de décentralisation de
rapprocher la justice administrative des justiciables locaux, pour ainsi leur
permettre d'y avoir accès de manière plus facile et plus
rapide.
5Lire dans cette direction et avec
intérêt, Alain Faure, « L'action publique locale entre
territorialisation, territorialité et territoires, pour une lecture
politique des politiques locales », RFSP, vol 7, n°5,
2005.
6Patrice Duran, Jean Claude Thoenig, « L'Etat
et la gestion publique du territoire », in Revue
française de science politique, Août, vol 46, n°4,
1996.
7Dont le statut et les compétences sont
définis au titre VIII de la constitution, notamment en son article 53.
8Dont le statut et les attributions sont définis au titre VI
de la constitution, notamment aux articles 43 à 52. 9Dont le
statut et les compétences sont définis au chapitre II du titre
III de la constitution, notamment aux articles 20 à 24.
10Article 67 alinéa 1 de la constitution du 18
janvier 1996.
11Article 1 alinéa 2 de la loi
constitutionnelle du 18 janvier 1996.
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