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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
Sommaire
Sommaire i
Dédicace ii
Remerciements iii
Résume iv
Abstract v
Liste des tableaux vi
Liste des figures vii
Liste des sigles et abréviations viii
INTRODUCTION GENERALE 1
PREMIERE PARTIE :LES POLITIQUES PUBLIQUES INSTITUTIONNELLES
D'ACCES
A LA JUSTICE ADMINISTRATIVE AU CAMEROUN 20
CHAPITRE I-LE DISPOSITIF ORGANIQUE D'ACCES A LA JUSTICE
ADMINISTRATIVE AU CAMEROUN 23
CHAPITRE II-L'AMENAGEMENT PROCEDURAL DE L'ACCES A LA JUSTICE
ADMINISTRATIVE AU CAMEROUN 45
DEUXIEME PARTIE :L'ACCES A LA JUSTICE ADMINISTRATIVE PAR LES
POPULATIONS DE LA REGION DE L'EST 66
CHAPITRE III :LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DANS LA REGION DE L'EST :
UN
CAS LIMITE D'INANITE INSTITUTIONNELLE 68
CHAPITRE IV :VERS UNE JUSTICE ADMINISTRATIVE ACCESSIBLE A TOUS :
ESSAI DE THERAPIE POUR UNE BONNE GOUVERNANCE DE LA JUSTICE
ADMINISTRATIVE AU CAMEROUN 87
CONCLUSION GENERALE 111
BIBLIOGRAPHIE 113
ANNEXES 121
TABLE DES MATIERES 127
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l?Est
Dédicace
A ma Maman adorée...
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l'Est
Remerciements
Je remercie
Mon directeur, le Professeur Kiamba Claude Ernest, qui a bien
voulu diriger ce travail de recherche, pour l'encadrement, le suivi et les
multiples conseils.
Ma mère, madame Alima Marie Solange épouse Ntoual,
pour tous les sacrifices consentis pour ma formation, que ce travail en soit le
reflet !
Mon père, monsieur Ntoual Elie, pour les encouragements
distingués.
Ma marraine madame Andjongo Isabelle Monique épouse
Ntoual, pour les encouragements, encadrement et ses conseils.
Tous mes frères et soeurs, Eric Willy, Dorgelès,
Hervé, Armelle, Steve, Christophe, Gaëlle, Parfait, Christelle,
Vivien et Pamela, pour leur inconditionnel soutien et leurs encouragements
protéiformes.
Mon ami Bindzi joseph Fabrice pour les critiques qui n'ont faits
que renforcer mon engagement.
Mes camarades du Master Gouvernance et Action Publique avec qui
j'ai cheminé tout au long de ces deux années
Tous ceux qui, de près ou de loin ont contribué
d'une manière que ce soit à la production de ce travail de
recherche.
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iv
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
Résume
L'accès à la justice administrative au Cameroun
est consacré par des politiques publiques institutionnelles fortes, qui
déterminent aussi bien le dispositif organique que l'aménagement
procédural du droit d'accès au juge qui s'affirme comme
étant un droit fondamental. En effet, si au regard de ces politiques
publiques institutionnelles, le droit d'accès à la justice
administrative est consacré, force est de noter que ce droit connait une
expression limitée. A l'épreuve des faits, les populations de la
région de l'Est sont en majeure partie ignorantes de la justice
administrative et l'appréhendent comme une matière
ésotérique. Le droit matériel et le droit processuel
administratifs font de ce point de vue, partie des domaines les moins connus ou
davantage les plus méconnus par les justiciables de la région de
l'Est, érodant ainsi l'expression d'un droit fondamental. Au regard de
ce constat, si la socialisation juridique des populations de la région
de l'Est se pose en s'imposant comme une nécessité, il importe de
réformer la justice administrative au Cameroun aussi bien au niveau de
la forme qu'au niveau du fond pour permettre à tous les citoyens d'y
avoir accès, car le droit d'accès au juge est un droit qui permet
à chacun d'être protégé par le droit.
Mots clés : justice
administrative, procédure administrative contentieuse, politique
publique, action publique, tribunal administratif
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
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l?Est
Abstract
Access to administrative justice within Cameroon is prescribed
by strong institutional public policies which determine the organic device as
well as the development of the process to have the right of a judge which is a
fundamental right. Hence so far as these institutional public policies are
concerned, the right to administrative justice is determining whereas it
present some limits. As a matter of fact, the populations of the Eastern region
are for the most ignorant of this administrative justice and see in it a
mysterious fact. Material law and administrative process law are less known
within the Eastern region as well it undervalues the fundamental law
connotation known to it. Following this fact, if the juridical socialization of
the population of the Eastern region imposes itself as a necessity, it is worth
reforming the administrative justice of Cameroon in its configuration as well
as its content so as to permit each citizen to have access, thus the right to
have access to a judge is a right which permits each one to be protected by the
law.
Keywords: administrative
justice, administrative process, public Policy, government policy,
administrative court.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
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l'Est
Liste des tableaux
Tableau n°1 : transfert des recours contentieux dans
quatre régions au Cameroun 36
Tableau n°2 : comparaison de l'activité
contentieuse de quelques T.A au Cameroun 71
Tableau n°3 : connaissance de l'existence d'un T.A par
les populations de la région de l'Est 74
Tableau n°4 : connaissance de la justice administrative
et possibilité pour les populations de
se confronter à l'administration 75
Tableau n°5 : connaissance de l'utilité du juge
administratif chez les populations de la région
de l'Est 76
Tableau n°6 : connaissance de la procédure
administrative contentieuse dans la région de l'Est
79
Tableau n°7 : connaissance de l'existence de l'assistance
judiciaire par les populations de la
région de l'Est. 85
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
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l'Est
Liste des figures
Figure 1 : Découpage territorial de la région de
l'Est 5
Figure 2 : la possible architecture institutionnelle de la
juridiction administrative
camerounaise 93
Figure 3 : cycle de causes à effets de la
sensibilisation 102
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l'Est
Liste des sigles et abréviations
C.A : Chambre Administrative
C.A/CS : Chambre Administrative de la Cour Suprême
C.C.A : Conseil du Contentieux Administratif
C.F.J : Cour Fédérale de Justice
C.S : Cour Suprême
Dir : Sous la direction de
F.S.S.G : Faculté de Sciences Sociales et de Gestion
I.C.Y : Institut Catholique de Yaoundé
M : Monsieur
M.G.A.P : Master Gouvernance et Action Publique
N° : Numéro
P : Page
R.F.S.P : Revue Française de Sciences Politiques
T.A : Tribunaux Administratifs
T.E : Tribunal d'Etat
U.C.A.C : Université Catholique d'Afrique Centrale
Vol : Volume
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
INTRODUCTION GENERALE
La création de l'Etat moderne en sa qualité de
société est en accord avec l'impératif de l'instauration,
sinon de la mise sur pied d'un Etat de droit, c'est-à-dire d'un Etat qui
non seulement produit un droit, lui-même respectueux dudit droit, mais
aussi qui permet aux citoyens d'y avoir accès. Cette
préoccupation qui est clairement définie dans la maxime
célèbre de droit ubi societas ibi jus1, met
en filigrane la problématique de la justice. Le questionnement sur la
justice depuis plusieurs décennies révèle le sens et la
puissance de cette notion, en ceci qu'elle constitue un droit fondamental du
citoyen, car elle est à la fois« conquête et instrument de
l'Etat de droit »2, les justiciables ne devant
rencontrer aucun écueils de jure ou de facto,
procéduraux ou matériels, structurels voire temporels et qui sont
de ce fait rédhibitoires ou de nature à rendre difficile sinon
impossible l'accès à cette justice. Cette problématique
d'accès à la justice administrative participe ainsi « du
devoir de protection juridictionnelle de l'Etat »3, car, «
si l'on reconnait au justiciable un droit à obtenir que la justice soit
rendue sur sa requête, le sujet passif de ce droit n'est ni le juge
personnellement désigné, ni une juridiction
déterminée : c'est l'Etat tout entier, parce que c'est en son nom
que la justice est rendue »4
1Partout où il y a société il y a
droit.
2 Jean Rideau, « Droit au juge : conquête
et instrument de l'Etat de droit », in droit au juge dans
l'Union
Européenne, J. Rideau (dir), Paris LGDJ, 1998, pp 3-7.
3Louis Favoreu, Du déni de justice en droit
français, Paris, LGDJ, 1964, p555.
4Marcel Waline, préface à la
thèse de Louis Favoreu, ibid., p2.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
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l'Est
I- Contexte de l'étude
La problématique du jeu politique en contexte africain
n'occupe très souvent qu'une place restreinte et parfois
incomplète dans les diagnostics portant sur les dynamiques locales de
l'action étatique. Pourtant un retour sur la littérature en
sciences sociales permet de montrer que les politiques locales changent parfois
la politique globale5, au sens où, les programmes d'action
mis en oeuvre au niveau local bouleversent de plus en plus les règles
d'action collective au sein du système politique dans son ensemble. Un
tel constat est révélateur de l'importance accordée par
l'Etat à une localisation de la justice administrative. Cette
dernière s'inscrit dans une sphère étatique de «
gestion publique territoriale »6et permet de ce fait
de la situer dans des contextes aussi bien politico-juridiques que social.
1- contexte politico-juridique
La décentralisation de la justice administrative
aujourd'hui s'inscrit dans une posture globale de jonction de la norme au fait
dans la mesure où, il s'agit ici de l'émergence d'un contexte
particulier au Cameroun de mise en place des institutions prévues par la
constitution du 18 janvier 1996. En effet la norme constitutionnelle du 18
janvier 1996 prévoit la mise sur pied d'un nombre important
d'institutions pour ainsi parfaire l'architecture institutionnelle du Cameroun.
Les institutions nouvellement créées et prévues par la
constitution sont au nombre de quatre ; il s'agit en effet, de la Haute Cour de
Justice7, du Conseil Constitutionnel8, du
Sénat9 et des Tribunaux Administratifs.
Ainsi, après avoir mis sur pied le Sénat, il est
question aujourd'hui, de mettre en place les Tribunaux Administratifs tel que
prévus dans constitution car, « les nouvelles institutions de
la république prévues (...) seront progressivement mises en place
»10. De plus, la République du Cameroun
étant un Etat unitaire décentralisé11, il est
impératif dans cette vague contextuelle de décentralisation de
rapprocher la justice administrative des justiciables locaux, pour ainsi leur
permettre d'y avoir accès de manière plus facile et plus
rapide.
5Lire dans cette direction et avec
intérêt, Alain Faure, « L'action publique locale entre
territorialisation, territorialité et territoires, pour une lecture
politique des politiques locales », RFSP, vol 7, n°5,
2005.
6Patrice Duran, Jean Claude Thoenig, « L'Etat
et la gestion publique du territoire », in Revue
française de science politique, Août, vol 46, n°4,
1996.
7Dont le statut et les compétences sont
définis au titre VIII de la constitution, notamment en son article 53.
8Dont le statut et les attributions sont définis au titre VI
de la constitution, notamment aux articles 43 à 52. 9Dont le
statut et les compétences sont définis au chapitre II du titre
III de la constitution, notamment aux articles 20 à 24.
10Article 67 alinéa 1 de la constitution du 18
janvier 1996.
11Article 1 alinéa 2 de la loi
constitutionnelle du 18 janvier 1996.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
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2- Contexte social
Le contexte social d'émergence des Tribunaux
Administratifs est révélateur de la dichotomie
centre-périphérie. Une première piste d'analyse la plus en
vue en sciences sociales et la plus prégnante en science juridique et
même politique, concerne certainement les modes de régulation
locale qui caractérisent l'action publique dans la double dialectique
entre l'Etat central et le local, et entre l'administration et les
administrés locaux.
Les Tribunaux Administratifs instituant ainsi la
proximité du juge administratif, s'inscrivent dans un contexte social
particulier et par là révélateur du caractère
régional desdits tribunaux. Aboutirons-nous dans cette veine à
une socialisation de la justice administrative de par la
décentralisation de celle-ci, compte tenu du départ du moins au
niveau des pratiques, qui existe entre l'administration centrale et
l'administration décentralisée.
II- Délimitation du travail
La délimitation d'un travail scientifique est d'une
importance capitale car, les aspects spatiaux et temporels rendent compte des
logiques de bornage d'un travail de recherche. Relativement à ce
postulat, notre étude n'étant pas faite ex nihilo,
s'inscrit dans une dialectique espace/ temps bien
déterminée.
1- Délimitation temporelle [2012-2015]
S'il est admis que le temps conditionne dans une certaine
mesure, la recherche en science en général et dans les sciences
sociales en particulier, c'est que la trajectoire temporelle de la mise sur
pied des Tribunaux Administratifs au Cameroun est d'une
traçabilité indéniable car prévus depuis 1996, mais
la date qui nous servira de support de recherche est celle relative à
l'opérationnalité sinon à l'ouverture de ces Tribunaux
Administratifs. A ce titre, c'est donc la date 2012 relativement au
décret consacrant l'ouverture des tribunaux administratifs qui nous
servira de base temporelle. Aussi nous souhaitons étendre notre champ
temporel d'étude jusqu'en 2015 car cette année marque la
première phase de la vision du Cameroun à l'horizon 2035 et peut
de ce fait faire objet d'évaluation à mi-parcours. Au demeurant
et de manière claire et synthétique, les années 2012
à 2015 marquent le champ temporel de notre étude.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
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l'Est
2- Délimitation spatiale
Le libellé de notre thème de recherche est assez
révélateur du cadre spatial de notre champ d'investigation.
« Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est » ainsi libellé marque le pôle d'ancrage de notre
travail.
L'Est, région du soleil levant, est une zone aux
élites peu nombreuses et disparates. Elle est composite et abrite une
population de plus de 833 523 habitants12, pour une superficie
d'environ 109 012 km2 et une densité qui tourne autour de
7,64 habitants/km2. Cette région abrite également l'un
des grands projets structurants13 de la République du
Cameroun et à ce titre a fait l'objet d'indemnisation des populations de
la localité de LOM PANGAR14. La population est en majeure
partie villageoise car elle vit encore de la chasse de l'agriculture et de la
pêche.
La croyance en la toute-puissance de l'administration est
encore très ancrée dans la mentalité et la conscience
populaires. Cette région comporte une élite peu nombreuse, et le
quadrillage administratif du moins au niveau de la décentralisation
technique, y est peu égal. La région de l'Est Cameroun compte 4
départements (voir figure n°1) et est la moins
développée du Cameroun. Les langues de cette région se
subdivisent en deux grandes familles : les langues de famille Bantou (Maka et
Kako), et les langues de famille oubanguiennes (Gbaya, Baka et Bangandu).
12Bureau Camerounais pour de Recensement de la
Population. 13En l'occurrence le barrage hydroélectrique.
14Localité abritant le barrage hydroélectrique.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
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l'Est
Figure 1 : Découpage territorial de la
région de l'Est
Source : Le Cameroun en
bref15
La région de l'Est Cameroun est sous
représentée dans la plus haute administration16.Elle
constitue l'une des régions camerounaises où l'administration
exerce encore un monitoring fort, une région dans laquelle
l'autorité administrative est encore si l'on peut s'exprimer ainsi
vénérée. Une telle localité constitue donc pour
nous, un terrain fertile pour mesurer la confrontation entre les populations et
l'administration dans une arène juridictionnelle que constitue le
Tribunal Administratif dans cette région.
15Google.fr,
consulté le 8 mai 2014 à 14h 23 minutes.
16En faisant une sociographie du gouvernement du 09
décembre 2011, l'on ne décompte que 02 ministres portefeuilles
ressortissants de la région de l'Est sur un total de 36 ministres, soit
un pourcentage de 5,55%.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
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l'Est
3- Délimitation matérielle
L'analyse de la décentralisation de la justice
administrative nous impose l'usage d'un certain nombre d'outils
théoriques.
L'ancrage disciplinaire de notre travail de recherche est
celui de la sociologie de l'action publique. Cette discipline nous permettra de
saisir les dynamiques de l'action publique camerounaise de
décentralisation de la justice administrative dans une logique
relationnelle centre-périphérie, et jeter un regard sociologique
sur la compétence rationae loci dont jouit le tribunal
administratif de la région de l'Est.
De plus, nous mobiliserons le droit administratif pour rendre
compte du cadre normatif et règlementaire de la décentralisation
sinon de l'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs de
proximité au Cameroun. Ces disciplines nous permettrons de mener
à bien nos investigations sur l'accès à la justice
administrative dans la région de l'Est.
III- Objectifs de l'étude
Nos objectifs dans le cadre de travail se déclinent en
un objectif général et en deux objectifs spécifiques
Ainsi, dans le cadre de notre travail de recherche, nous
entendons comprendre et analyser l'impact qu'ont les Tribunaux Administratifs
de proximité sur le contentieux administratif camerounais ; il s'agit en
clair de voir dans quelle mesure, la proximité du juge administratif
multiplierait les saisines de celui-ci.
De plus, il s'agira pour nous de voir, d'analyser et de
comprendre la réception du Tribunal Administratif par les populations
ainsi que par les autorités administratives, et de vérifier si
l'institutionnalisation d'un juge administratif de proximité changerait
la donne dans les pratiques administratives quotidiennes de cette
région.
Nous entendons au demeurant faire ressortir la logique
d'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs suivant soit une dimension
top down ou Botton up de l'action publique étatique de
décentralisation de la justice administrative en la faveur de
l'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs, en relation avec les
préoccupations réelles des populations locales.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
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l'Est
IV- Intérêt de l'étude
Mener une étude sur la justice administrative au
Cameroun dans son aspect décentralisé en la faveur des Tribunaux
Administratifs de proximité, n'est pas chose aisée. Une telle
initiative n'est donc pas sans intérêt. Cet intérêt
qui se veut d'abord scientifique car il s'agit pour nous de faire une
contribution à l'avancement de la science, se veut également
social, car les enjeux de ce travail sont locaux et donc sociaux.
1- Intérêt scientifique de l'étude
L'intérêt scientifique de cette étude
s'articule autour de la compréhension de la nécessité de
l'institution des Tribunaux Administratifs en contexte camerounais aujourd'hui.
En d'autres termes, les populations locales ont-elles été
éduquées et par là prêtent à accueillir une
nouvelle juridiction sur leur territoire ? Cette institution des Tribunaux
Administratifs s'inscrit dans une logique top down, donc celle d'une
politique publique, c'est-à-dire ce que « le gouvernement
décide de faire ou de ne pas faire »17.
L'identification de cette politique publique de décentralisation de la
justice administrative peut être vérifiée au travers de
trois critères :
- Le cadre normatif d'action, qui est précisé
dans la loi du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement
des Tribunaux Administratifs
- Un facteur de coercition, expression de la puissance
publique, qui consiste à une décentralisation de la justice
administrative conforme à la politique
- Un ordre social, que sont les chefs-lieux de chaque
région.
Or, l'on est passé des politiques publiques à
l'action publique18, c'est-à-dire à la prise en compte
de la multiplicité d'acteurs et de la configuration sociale. De ce fait,
la décentralisation de la justice administrative serait donc un choix
politique, c'est-à-dire une appréhension empirique de «
l'évolution des rationalités qui transforment l'action
publique dans un environnement changeant »19. Ainsi, dans
ce registre de mutation du droit administratif camerounais, les Tribunaux
Administratifs nouvellement créés sont un terrain
17Cette définition est celle de Howet et
Ramesh, et regroupe les définitions minimalistes des politiques
publiques 18Il convient en effet de souligner que les
définitions modernes au sujet des politiques publiques mettent l'accent
sur sa nature processuelle, sur sa nature démographique
hétérogène des acteurs pertinents, sur sa nature spatiale
« multi-niveaux », dès lors comme le souligne Patrice
Duran, « il est souvent préférable de parler d'action
publique plutôt que de politique publique, car, si le concept de
politique publique souligne clairement le caractère volontaire de
l'action, il évoque aussi une activité trop linéaire et
unilatérale [...] trop bien maîtrisée qui n'est le plus
souvent qu'une représentation erronée et embellie de la
réalité ».
19Balme et Sylvain Brouard, Les
conséquences des choix politiques, Paris, PUF, 1994.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
fertile pour des investigations et les résultats
récoltés, apporterons une plus-value aussi bien dans les sciences
sociales que dans le droit administratif car il relancera les débats
relatifs à l'accès au juge comme étant un droit
fondamental.
2- Intérêt social de l'étude
L'intérêt social de ce travail de recherche
s'articule autour des résultats qu'il aura produits. Ainsi, une fois
achevé, il devrait avoir une utilité pratique compte tenu de la
multiplicité d'informations qu'il regorgera. De ce fait, les lecteurs
s'y intéresseraient en la faveur de l'éducation qu'il fera
ressortir sur les procédures de saisines du juge administratif, sur la
compétence des juridictions administratives de proximité.
Pourront-ils y retrouver une sociogenèse de la juridiction
administrative au Cameroun, et comprendre au demeurant que l'accès
à la justice, tout comme à la justice administrative est non
seulement un droit fondamental tout comme le droit à la vie, à la
santé ou encore à la justice, mais également un service
public auquel ils ont droit.
Pour les apprenants du droit, il sera un outil de consultation
sur les logiques qui gouvernent à l'expression de la justice
administrative au Cameroun. Pour les professionnels et les praticiens du droit,
ce travail de recherche se présente comme un instrument qui permet de
faire une sociologie du droit dans une logique de saisine du juge administratif
dans la région de l'Est relativement à l'activité
contentieuse de cette région.
V- Cadre conceptuel
Il est important et nécessaire, voire impératif
de procéder à une définition des expressions clefs, afin
de faire ressortir les logiques d'appréhension des mots et concepts dans
le but de nous approprier certains termes. De ce fait, les concepts ici
définis ont fait l'objet d'une adaptation au thème de travail
dans l'idée de mieux orienter la recherche.
Le terme « Tribunal » peut
être apprécié suivant une logique triangulaire. Il peut
être considéré d'un point de vue organique, comme un organe
de l'Etat composé d'un ou de plusieurs magistrats chargé de
trancher les litiges en appliquant les règles de droit. Aussi, peut -il
être appréhendé sous son aspect institutionnel,
c'est-à-dire un lieu où siègent les magistrats qui forment
une juridiction, tout comme il peut enfin être entendu comme une instance
qui porte un jugement. Le terme tribunal ainsi défini, force est de
noter que dans le cadre de ce travail nous nous intéressons à un
type particulier de tribunal qu'est le tribunal administratif.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
Ce dernier s'entend comme une juridiction charger de juger les
litiges entre les particuliers et l'administration ou encore de régler
les conflits relevant du droit administratif
L'expression « justice »
quant-à elle, est passible d'une double définition, car, elle
constitue aussi bien un organe qu'une fonction ;
- Au sens organique, il s'agit de l'ensemble des institutions
juridictionnelles mises en place, pour trancher et régler les litiges et
différends par la voie de jugement et au terme d'une procédure
donnée et bien définie.
- Au sens fonctionnel, la justice est l'activité qui
consiste à juger, mieux à « trancher les litiges sur la
base du droit, (...), statuer sur les contestations juridiques qui naissent de
la vie en société »20.
Il est également impératif d'apporter un
éclaircissement sur la notion
d' « administration ».Il importe,
toutefois, de préciser que nous sommes dans le champ spécifique
de l'administration publique. De ce fait, elle est définie par Jacques
Chevalier et Daniel Lochak comme « l'ensemble des moyens humains et
matériels, chargée sous l'autorité des gouvernants,
d'assurer l'exécution des lois et le fonctionnement des services publics
au bénéfice du citoyen ».L'administration publique est
ainsi, non seulement un organe c'est-à-dire un corps de l'Etat, mais
également une fonction, véritable bras séculier de l'Etat,
chargée d'assurer l'intérêt général.
La « justice administrative » est
donc un sous ensemble de la justice, qui est chargée de trancher les
litiges administratifs. C'est donc un service public qui doit «
répondre à un certain nombre de principes
généraux du service public que sont le libre recours,
l'égalité d'accès, le traitement et la gratuité,
ainsi que la continuité du service »21.
VI- Revue de littérature
Aborder la thématique de l'accès à la
justice administrative revient d'abord à recadrer la
problématique de la justice administrative dans le vaste champ du droit
administratif.
20 Daniel Lochak, La justice administrative,
op.cit., p. 159.
21 F.M Sawadogo, « L'accès à
la justice en Afrique francophone : problèmes et perspectives. Le cas du
Burkina Faso », RJPIC, n°2, 1995, p168.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
Lato sensu, le droit administratif s'entend comme
l'ensemble des règles juridiques applicables à l'activité
de l'administration, que celles-ci soient des règles de droit
privé ou qu'elles soient différentes de ces dernières.
Stricto sensu, on réserve l'expression de
droit administratif pour désigner les seules règles originales,
c'est-à-dire distinctes de celles du droit privé. En effet, si de
nombreux ouvrages étudient les seules règles spéciales
à l'administration, il faut noter qu'ils ne décrivent pas dans sa
totalité, les règles applicables à cette
l'administration22.
La construction d'un édifice de droit administratif est
symptomatique du principe de la soumission de l'administration au droit de par
la responsabilité administrative23 qui peut être soit
contractuelle24 soit extracontractuelle25. En effet, si
le maintien de l'irresponsabilité de l'Etat a été pendant
plusieurs années condamné, l'ampleur des dommages dus à
l'administration relativement au développement de son action et de la
puissance de ses moyens faisait de leur réparation une
nécessité. La responsabilité de l'Etat devait ainsi avoir
un fondement et un régime bien établis26. Cette
responsabilité de l'administration puissance publique ainsi
établie et consacrée, met en érection la
problématique du contrôle de l'administration et donc de la
justice administrative qui somme toute est un service public,
c'est-à-dire « la clé de l'application du droit
administratif »27.
En effet, le service public dont parle Jacques Chevallier dans
son opuscule, se caractérise principalement et
généralement par le droit d'accès car aux yeux de tous les
citoyens, la justice est un recours, une sécurité, un rempart et
surtout un symbole, qui est celui de l'égalité de tous devant le
droit.
Ce postulat aussi exact et porteur de sens soit-il ne
satisfait pas pour autant André Rials qui pousse la réflexion en
alléguant du fait que, pour que la justice soit rendue, il faut encore
que le justiciable puisse la saisir et qu'il ne soit pas retenu par des
contraintes matérielles compte tenu du fait que «
l'accès à la justice est un corollaire de l'Etat de
22Lire sur la question et avec
intérêt, Réné Chapus, Le service public et la
puissance publique, RD. Publ. ,1968 et P. Amseleck, Le service public
et la puissance publique, AJDA, 1968, 492 pages.
23 Jean Moreau, « La responsabilité
administrative », Presses Universitaires de France, Que sais-je
?, 1995.
24A. De Laubadère, Les
éléments d'originalité de la responsabilité
contractuelle de l'administration, Mélanges Mestre, p383.
25 Jean Waline, « L'évolution de la
responsabilité extracontractuelle des personnes publiques »,
EDCE, 1995, n°46, p459.
26Lire dans cette direction, Benoit, « Le
régime et le fondement de la responsabilité de la puissance
publique », JCP, 1954, I, n°1178.
27Jacques Chevallier, Le service public,
Paris, Presses Universitaires de France, 1987, p 18.
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11
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
droit »28. Pour l'auteur, cela
signifie et est coextensif à la possibilité pour chaque citoyen
de pouvoir recourir à la justice. Il s'interroge de ce fait, sur la
valeur de cette égalité de droit, pour le citoyen lambda, qui
n'aurait pas les moyens de supporter la charge d'une procédure.
Or, Bernard Raymond Guimdo, pense que l'accès à
la justice et par conséquent à la justice administrative est un
droit fondamental. Il le démontre en prenant pour cadre
référentiel l'Etat du Cameroun, notamment dans son article «
le droit d'accès à la justice administrative au Cameroun :
Contribution à l'étude d'un droit fondamental
»29. L'auteur y démontre que, le droit d'accès au
service public de la justice administrative est consacré, parce qu'il
est d'une part reconnu par les textes internationaux applicables au Cameroun,
ainsi que par la constitution et la jurisprudence nationales, notamment les
affaires CS/CA, jugement n°7/79-80 du 29 novembre 1979, Essomba Marc
Antoine/Etat du Cameroun et CS/CA, jugement n°40/79-80 du 29 mai 1980,
Monkam Tientcheu David/Etat du Cameroun, et d'autre part, parce que le
constituant et le législateur camerounais ont organisé la
structure organique et matérielle du service public de la justice
administrative ainsi que la procédure qui permet d'y accéder.
Mais cette conception réductionniste et « pro-
juridiciste » de l'accès à la justice administrative ne
semble pas convaincre certains chercheurs et doctrinaires administrativistes.
Dans cette veine, Maurice Kamto30 et Luc Sindjoun31
pensent que, si la procédure que le justiciable doit respecter devant le
juge administratif demeure encore une bastille à prendre en raison du
fait qu'elle est le domaine le moins connu ou le plus méconnu par les
justiciables, « elle est devenue le cimetière où vont
s'enterrer les prétentions contentieuses des requérants ».
Ces auteurs formulent des réserves à l'égard de
l'enthousiasme et du constat établi par Bernard Raymond Guimdo, sur la
consécration de l'accès à la justice administrative en
qualité de service public car en la réalité, bien que- il
importe de le noter- il n'ait pas entièrement tort, Bernard Raymond
Guimdo célèbre le primat de sa chapelle car, son constat, son
analyse et son raisonnement subissent la dictature de son positionnement,
c'est-à-dire un positionnement « pro-juridiciste »,
mettant ainsi en avant le sens et l'interprétation. Sommes-
28André Rials, L'accès à la
justice, Paris, Presses universitaires de France, 1ère
édition, 1993, p 9.
29Bernard. R. Guimdo, « le droit
d'accès à la justice administrative au Cameroun : contribution
à l'étude d'un droit fondamental », op.cit., p 159-216.
30Notamment dans son ouvrage, Droit
administratif processuel du Cameroun. Que faire en cas de litige avec
l'administration, guide pratique, Presses Universitaires du Cameroun,
1990.
31Luc Sindjoun, « A propos du droit
administratif processuel au Cameroun : l'invention du bon justiciable, la
production de la croyance dans le juge et la distinction contentieuse de l'Etat
», in Revue juridique Africaine, Maurice Kamto et Paul
Gérard Pougoué (dir), 1992, 1993, p 215.
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12
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
nous donc surpris par les réserves émises par
Maurice Kamto qui lui, a certainement fait usage des procédés
« pro-sociologiques » c'est-à-dire le terrain, par exemple la
consultation des minutes des greffes de la Chambre Administrative de la Cour
Suprême pour pouvoir rendre compte du déclin du contentieux
administratif camerounais « en volume mais surtout en
qualité au regard de son potentiel »32, et
conclure qu'il s'agit dans une certaine mesure d'une « matière
ésotérique »33.
Toutefois, un autre débat aussi important et houleux
à diviser la doctrine administrativiste. Le débat dont il s'agit
oppose les adversaires aux partisans de la juridiction administrative. En
effet, les adversaires de la juridiction administrative mettent en avant
l'argument de la pluralité de l'ordre de juridiction dans la
résolution des litiges auxquels fait partie l'administration comme
inanité de l'existence d'une juridiction spécialisée dans
le contentieux de l'administration. Ainsi, compte tenu du fait que les litiges
auxquels l'administration est partie peuvent être connus aussi bien par
un juge judiciaire que par un juge constitutionnel, il est peu
nécessaire de créer une juridiction spécialisée
dans le contentieux né de l'action de l'administration puissance
publique.
Au demeurant, il est possible de lire dans les pensées
de ceux que nous pouvons nommer sous le vocable des « adeptes de
l'inanité de la juridiction administrative », le fait que, la mise
sur pied ou la création d'une juridiction administrative ne serait qu'
une exaltation princière de la chose publique dont on voudrait en
restreindre la portée et le contrôle.
Cette lecture des choses et de la réalité ne
satisfait pas les partisans de la juridiction administrative qui eux, voient en
elle un réel moyen de contrôler l'administration de son arbitraire
et une réelle soumission de l'Etat au droit, qui se caractérisent
par la responsabilité de la puissance publique. A l'analyse des
arguments proposés par les partisans de la juridiction administrative,
qui la considère comme un véritable rempart contre l'arbitraire
administratif, l'on est tenté de s'interroger sur l'impact du contexte
d'émergence de la responsabilité administrative ou tout
simplement du droit administratif. En effet, la monarchie parlementaire dont la
fin a été consacrée par la révolution de 1789 en
France a certainement laissé des séquelles dans l'imagerie et la
nostalgie populaires. Les extrémistes y afférents avaient alors
induit une attitude contestataire auprès des populations, car
l'administration était
32Maurice Kamto, Droit administratif processuel du
Cameroun, op.cit., avant-propos. 33Idem.
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13
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
toute puissante. Compte tenu de cet état des choses, il
fallait restreindre l'expression de cette toute puissance de l'administration
à l'aune d'un droit qui devait consacrer également sa
responsabilité juridique, laquelle devrait être établie par
une juridiction administrative.
Au regard de toutes ces considérations et à la
consultation de cette littérature nous avons deux tendances qui se
dégagent : la première consiste à considérer la
justice administrative comme un service public dont les modalités
d'accès sont brillamment consacrées, et nécessaires pour
soumettre l'administration au droit, dans cette logique, la juridiction
administrative est d'une nécessité impérieuse et l'autre
en revanche consiste à dire que la justice administrative est un service
public dont l'accès est limité.
Le positionnement qui est nôtre consiste d'une part
à corroborer que la justice administrative est non seulement un service
public à part entière à l'instar de l'éducation ou
encore de la santé, et que la juridiction administrative- au grand dam
de ses adversaires- à toute sa place, et d'autre part à penser
que l'accès à la justice administrative est un service public
spécial.
VII- Formulation de la problématique
La loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant
organisation et fonctionnement des Tribunaux Administratifs est venue
répondre dix années plus tard, à une prévision
constitutionnelle relativement à la mise en place des Tribunaux
Administratifs.
En effet, si ces deux textes n'avaient qu'une
préoccupation théorique, le décret n°2012/119 du 15
mars 2012 consacrant l'ouverture des Tribunaux Administratifs est venu rendre
opérationnel ce qui auparavant avait été textuellement
prévu. De ce fait, il a fallu à l'Etat camerounais une quinzaine
d'années pour mettre sur pied les Tribunaux Administratifs dans chaque
région sur l'étendue de son territoire ; cette
considération s'inscrit ainsi dans une logique du temps long.
Aujourd'hui, la thématique des Tribunaux Administratifs
révèle l'aspect de la décentralisation de la justice
administrative de par les ressorts territoriaux de la juridiction
administrative. La préoccupation se révèle ainsi en termes
d'accès, d'où la question centrale de notre travail qui est celle
de savoir : la proximité du juge administratif garantit-elle
l'accès des populations à la justice administrative dans la
région de l'Est du Cameroun ?
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
VIII- Hypothèses de recherche
Aborder la question de la décentralisation de la
justice administrative nous amène à établir un rapport
entre le central et le local. Pour pouvoir mettre à nu ce rapport, il
est important pour nous d'adopter une posture hypothétique. Cette
considération nous amène à formuler une hypothèse
principale et quatre hypothèses secondaires.
? Hypothèse principale
Malgré un dispositif institutionnel fort, la justice
administrative reste difficilement accessible par les populations de la
région de l'Est.
? Hypothèses secondaires
? Les populations de la région de l'Est sont ignorantes
des procédures de saisine du juge administratif ;
? Le niveau des populations de vie constitue encore un
obstacle important à l'accès au juge administratif dans la
région de l'Est ;
? La toute-puissance de l'administration est encore
ancrée dans les mentalités des populations de la région de
l'Est ;
? La politique de décentralisation de la justice
administrative n'a pas fait l'objet d'une vulgarisation auprès des
populations de la région de l'Est.
IX- Méthodologie de recherche
En pénétrant dans le champ social, le chercheur
encourt des risques d'erreurs34, car il est exposé à y
recevoir une pseudo science sociologique tout comme il s'expose aussi à
conserver les pensées, pratiques et les intérêts de
l'acteur social qu'il représente lui-même. En effet, la
connaissance du réel est une lumière qui projette toujours
quelque part des ombres, et comme le dit Gaston Bachelard, «
accéder à la science c'est spirituellement rajeunir, c'est
accepter une mutation brusque qui doit contredire un passé
»35. Toutes ces considérations
témoignent à foison de l'importance accordée à la
méthode dans l'univers des sciences sociales. Ainsi, la méthode
par nous employée aux fins de réalisation de ce travail se veut
duale : un cadre d'analyse et un cadre technique de collecte des
données.
34Lire dans cette direction et avec
intérêt, Emilie Durkheim, Les règles de la
méthode sociologique, Paris, Alcan, 1895.
35 Gaston Bachelard, La formation de l'esprit
scientifique, Paris, J. Vrin, 1986.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
1- Le cadre d'analyse
La problématique de l'accès à la justice
administrative via l'institutionnalisation d'un Tribunal Administratif dans la
région de l'Est s'analysera à l'aune d'une approche propre au
domaine des politiques publiques qu'est le néo-institutionnalisme.
Toutefois, il s'agira également de flirter de manière
complémentaire avec des approches de droit, que sont la dogmatique et la
casuistique. Cette combinaison des méthodes est nécessaire pour
la réalisation de ce travail de recherche car il s'agit ici de mesurer
l'impact d'une mesure d'ordre juridique quant-à l'accès à
un service public dans la région de l'Est Cameroun.
Le néo-institutionnalisme est un courant qui s'inscrit
dans la trajectoire de développement de la science politique
américaine et est légèrement moins connu dans les
réseaux francophones. C'est un courant né de la critique et de la
crise du vieil institutionnalisme qui se caractérisait par un
légalisme et un formalisme importants, et par sa nature descriptive et
a-théorique36. Le néo-institutionnalisme a
été développé par des auteurs tels que March et
Olson. Cette approche postule de l'influence des institutions sur les
phénomènes sociopolitiques, qui s'articulent autour de deux
questionnements, voire problématiques. La première concerne
l'influence des institutions sur l'action, et pousse à l'exploration de
l'impact qu'ont les institutions sur les manières et les logiques
d'actions des acteurs, leurs préférences, leurs identités,
leurs stratégies et même leur nature.
La seconde préoccupation est celle du
développement institutionnel qui consiste à s'interroger sur les
origines et le caractère des institutions tout en examinant comment leur
production et leur reproduction s'inscrivent dans un processus où
l'univers institutionnel existant conditionne la possibilité et la
trajectoire du changement institutionnel. Il permet ainsi de structurer le
politique en conférant aux institutions une importance
théorique.
Le néo-institutionnalisme se subdivise en trois
branches : le néo-institutionnalisme historique qui insiste sur la
dimension contingente du poids des institutions sur l'action, le
néo-institutionnalisme du choix rationnel qui se concentre sur
l'importance stratégique des institutions et le
néo-institutionnalisme sociologique qui postule que, la création
de nouvelles institutions se fait dans une logique de compatibilité avec
celles qui existent déjà.
36Peter Hall et Rosemary Taylor, « La science
politique et les trois néo-institutionnalismes », Revue
Française de Science Politique 47e année n°3-4,
1997, Pp. 469-496
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
Dans le cadre de ce travail de recherche, nous mobiliserons le
néo-institutionnalisme sociologique, car il permet de lier la
société aux institutions par le sens que celles-ci
acquièrent et diffusent. Il met donc l'accent sur l'aspect cognitif des
institutions et non sur l'effet contingent ou sur leur dimension
stratégique37.
Etant donné que les institutions existent parce
qu'elles remplissent un besoin social, cette approche nous permettra de montrer
que le Tribunal Administratif dans la région de l'Est est non seulement
un site de conflits, mais également et davantage une entité en
soi. En d'autres termes, le Tribunal Administratif de proximité serait
une arène pour les forces sociales en confrontation, en même temps
qu'il est des procédures, des collections standards et des structures
qui définissent et défendent des valeurs, normes,
intérêts et des identités. Ce Tribunal Administratif serait
donc une institution à part entière et donc au sens de March et
Olson, des règles de comportement, des normes, des rôles, des
aménagements physiques, des bâtiments et des archives , de ce
fait, il est un type de comportement relativement durable (Roger Smith) car
comme le dit si bien Jean Monnet, rien n'est possible sans les hommes et
rien n'est durable sans les institutions. Au regard de toutes ces
considérations, nous pensons donc que l'analyse
institutionnelle38sociologique est appropriée pour
réaliser notre travail de recherche.
Les Tribunaux Administratifs s'inscrivent dans un corpus de
droit public qu'est le droit administratif. Compte tenu de ce postulat, ce
serait un dédouanement méthodologique que de ne pas convoquer les
méthodes propres au droit public dans une logique
d'interdisciplinarité et de complémentarité
méthodologique. Dans cette veine, nous mobiliseront certaines approches
méthodologiques propres au droit, à l'instar de la dogmatique qui
est l'étude des textes. La dogmatique permettra de faire une
exégèse juridique des textes relatifs à la justice
administrative au Cameroun, et de les interpréter relativement à
la possibilité qu'ils offrent aux citoyens de saisir le juge
administratif camerounais dans la conformité.
37L. Zucker, « The role of institutionalization
in cultural persistence », in W.W. Powell et P. DiMaggio (eds), The
new institutional in organization analysis, Pp. 83-107.
38Lire dans cette direction, R. Laurau, L'analyse
institutionnelle, Paris, 1970.
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17
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
2- Technique de collecte des données,
échantillonnage et identification de la population cible
Il est question dans cette partie de préciser les
méthodes opérationnelles, qui permettront de réaliser les
enquêtes de terrain et de collecter les données qui serviront
à vérifier nos hypothèses.
a- la technique de collecte des données
Pour mener à bien cette étude, nous optons pour
une combinaison des méthodes qualitatives et des méthodes
quantitatives. En effet, si l'on a tendance à opposer ces deux types de
techniques, force est de constater que leur rapport relève de la
complémentarité car, comme le souligne Madeleine Grawitz39
« vouloir opposer méthodes qualitatives et quantitatives
alors qu'elles se complètent, c'est renoncer à trouver la
solution efficace des problèmes et risquer de freiner le
développement des sciences sociales au moment où l'on a plus que
jamais besoin d'elles ». Dans cette veine, force est alors de
constater et de conclure que, les techniques qualitatives complètent les
résultats obtenus au moyen de l'utilisation des méthodes
quantitatives et vice-versa. Dans le cadre de ce travail, cette combinaison de
méthodes nous permettra de quantifier les recours introduits
auprès du juge administratif de la région de l'Est, et de faire
ressortir le pourcentage de la population connaissant la procédure de
saisine du juge administratif d'une part, et d'analyser la qualité de la
saisine sous le prisme des rejets des pourvois devant le juge administratif
pour des questions de procédure d'autre part.
Ainsi dit, pour collecter nos données, nous
mobiliserons la recherche documentaire, l'entretien semi directif et le
questionnaire :
? La recherche documentaire permettra de consulter les
archives publiques et les documents officiels des services publics
juridictionnels de l'ordre administratif, les textes de loi sur la justice
administrative au Cameroun, les textes de loi spécifiques sur
l'organisation et le fonctionnement des Tribunaux Administratifs de
proximité.
? l'entretien semi directif sera mobilisé ici, dans
l'optique d'annoncer à nos enquêtés, le thème de
l'entretien, selon un déroulement sans protocole, c'est-à-dire
sans
39Madeleine Grawitz, Méthodes des sciences
sociales, Paris, Dalloz, 1990, page 413.
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18
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
standardisation de la forme ou de l'ordre des questions, le
plus important étant que les sujets aborder devraient tous être
traités.
? Nous avons également fait usage d'un questionnaire
à réponses fermées pour pouvoir rendre compte de
manière assez précise des données quantitatives sur la
connaissance des procédures, le taux des saisines ; ceci nous permettra
d'obtenir des réponses précises, traduisant la
réalité que nous étudierons.
b- Identification de la population cible et
échantillonnage
Etant donné que l'administration ne fait pas partie des
personnes pouvant saisir le juge administratif d'un recours contentieux dans la
mesure où c'est l'administration qui est à l'origine des
décisions querellées, litigieuses et dommageables, celle-ci tient
toujours la position de défendeur.
Tout au plus, peut-elle contre-attaquer au cours de l'instance
par le canal d'une demande reconventionnelle, afin de protéger ses
intérêts. Dans ce cas, elle apparait alors un instant, comme le
demandeur. Eu égard à ces considérations, notre population
cible se limitera à tout particulier, pouvant saisir le juge
administratif en adoptant de ce fait, la posture du demandeur. Nous avons
identifié une population en la subdivisant en catégories
pertinentes. Nous distinguons de ce fait :
? la population active, c'est-à-dire celle-là
qui exerce soit une fonction, soit une activité à but lucratif,
lui permettant d'être aux prises avec l'administration.
? la population dite inactive qui intègre les citoyens
n'exerçant pas une fonction ou une activité
rémunérée ou productive ; cette catégorie regroupe
les élèves et étudiants, les chômeurs.
? la troisième catégorie est la population
villageoise, c'est-à-dire les autochtones qui détiennent les
lopins de terre dans cette région et qui ont été
indemnisés par l'administration en la faveur de la construction du
barrage hydroélectrique de LOM PANGAR.
De plus, nous allons interroger un certain nombre
d'autorités qui sont pour nous des personnes ressources. Il s'agit du
juge du Tribunal Administratif de la région de l'Est, du greffier en
chef du Tribunal Administratif et du Superviseur Scientifique du Programme
National de formation des magistrats administratifs camerounais en Contentieux
administratif.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
19
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
Cette subdivision nous permettra ainsi de réaliser notre
échantillon.
L'échantillon « est la partie de l'univers qui
sera effectivement étudiée et qui permettra par extrapolation de
connaitre les caractéristiques de la totalité de l'univers
»40 . La réalisation de l'échantillon passe
par sa détermination et le respect de la représentativité.
La détermination de l'échantillon peut se faire suivant deux
grands procédés : la technique du choix au hasard ou sondage
probabiliste, et la technique dite de quota.
Dans le cadre de ce travail de recherche la réalisation
de l'échantillon se fera par la technique de quota. Il s'agira, d'une
part, de monter un modèle réduit de la population de la
région de l'Est, en suivant des caractéristiques précises.
Ainsi, pour la population active, l'échantillon se construit à
partir de la répartition en seule une catégorie : les
commerçants.
Pour la population inactive, nous distinguerons les
chômeurs des élèves et étudiants, et enfin pour ce
qui est de la population villageoise, une seule catégorie sera prise en
compte, c'est-à-dire celle autochtone ou des propriétaires
terriens.
Il s'agira d'autre part, de déterminer les quotas en
construisant un contingent de personnes à interroger suivant une marge
d'erreur qui croîtra selon la population à interroger. Dans cette
logique, et selon la proportion de la population de la région de l'Est,
nous avons interrogé 100 personnes réparties comme suit :
60 Commerçants et activistes, 25 étudiants et
élèves et chômeurs et enfin 15 autochtones et
propriétaires terriens.
De plus, nous avons interrogé les personnes ressources,
c'est-à-dire les personnes détentrices d'informations solides et
certaines, qui nous ont permis d'étoffer notre devoir et de
vérifier nos hypothèses. Nous avons ainsi interrogé quatre
personnalités que sont : le Greffier en chef du Tribunal Administratif
de la région de l'Est, deux juges administratifs près du Tribunal
Administratif de l'Est le Superviseur Scientifique du Programme National de
Formation des Magistrats Administratifs camerounais en Contentieux
Administratif.
40Jean-Louis Loubet Del Bayle, Introduction aux
méthodes des sciences sociales, Toulouse, Privat, 1978, p 48.
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l?Est
LES POLITIQUES PUBLIQUES INSTITUTIONNELLES D'ACCES A LA
JUSTICE ADMINISTRATIVE AU CAMEROUN
PREMIERE PARTIE :
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UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
21
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
« La crainte du juge est le commencement de la
sagesse ».Cette affirmation de Jean Rivéro démontre de
fort belle manière que, la seule institutionnalisation d'un juge ou
d'une juridiction est vectrice de modification des comportements et d'actions
dans la gestion du domaine et de la chose publics, quand l'on se trouve dans le
champ du droit ou du contentieux administratifs.
« En la réalité, la juridiction
administrative, loin d'être une anomalie ou un anachronisme est
étudiée avec sympathie dans les autres pays comme par les
institutions internationales »41. Dans cette veine, la
juridiction administrative française a servi de modèle parfois
d'exemple pour la formation et la maturation de l'organe juridictionnel en
charge du contrôle de l'administration42 dans bon nombre de
pays à travers le monde. Ainsi, dans certains pays comme la
Belgique43, l'Egypte44, la Tunisie45 ou encore
le Cameroun46 la juridiction administrative française a
très souvent été le miroir de l'institutionnalisation
d'une juridiction administrative. Ces aspects de transfert des politiques
publiques institutionnelles se caractérisent parfois et même
fortement par une logique de mimétisme institutionnel, or les politiques
publiques ont toujours été présentées comme une
opération d'ingénierie institutionnelle qui agit sur les
règles du jeu en modifiant les enjeux, et recadre le comportement et les
modes de coordination des acteurs. Or, tel n'a pas été
explicitement le cas au Cameroun dans une perspective d'élaboration et
de mise en oeuvre des politiques publiques institutionnelles d'accès
à la justice administrative, d'où l'on voit que le jeu des
acteurs n'a pas considérablement et explicitement été pris
en compte dans la conception et l'implémentation de ces politiques
publiques relatives à l'accès à la justice
administrative.
Quoiqu'il en soit, la photographie du balisement de
l'accès à la justice administrative au Cameroun, fait ressortir
un dispositif institutionnel fort, qui s'est formé dans le temps et a
subi des transformations et réformes souvent liées aux
conjonctures ou aux conjectures
41Raymond Odent, Contentieux administratif,
Tome 1, Paris ? Dalloz, 2007, p 37.
42Lire dans cette direction, Samson Dossoumon,
« Réflexions sur le contrôle juridictionnel de
l'administration dans les pays en voie de développement d'Afrique noire
francophone », Revue Béninoise de Sciences Juridiques et
Administrative n°3, Juin 1985, p 1-22.
43Sur la juridiction administrative en Belgique,
Puget, Le nouveau Conseil d'Etat belge, ED, 1948, 105 pages ou Buch,
Le nouveau Conseil d'Etat de Belgique , ED, 1964, p 175.
44Lire dans cette direction, Watrin, Le Conseil
d'Etat égyptien, ED, 1948, p 119.
45Sur la question, Ladhari, « Le Tribunal
Administratif en Tunisie », Bulletin International d'Administration
Publique n°35, 1975, p 163 ; ou Mestre, Conseil d'Etat
français et Tribunal Administratif tunisien, Mélanges,
Waline, Tome 1, p 59.
46Maurice Kamto, Droit administratif processuel
du Cameroun, op.cit. Ou Philippe Ngole Ngwese, et J. Binyoum,
Eléments de contentieux administratif Camerounais, Paris,
L'Harmattan, 2010, 264 pages. , Joseph Owona, Le contentieux administratif
de la République du Cameroun, Paris, L'Harmattan, 2011, 230
pages.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
relatives à la maturation ou encore à la
facilitation de l'accès au juge (chapitre I). L'exploration
poussée de cette photographie exhume formidablement un
aménagement procédural de l'accès à la justice
administrative au Cameroun car les logiques de saisines du juge administratif
correspondent au respect d'une grille processuelle et même
procédurale (chapitre II).
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
CHAPITRE I-
LE DISPOSITIF ORGANIQUE D'ACCES A LA
JUSTICE ADMINISTRATIVE AU CAMEROUN
INTRODUCTION
« Rien n'est possible sans les Hommes, mais rien
n'est durable sans les institutions »47. Cette affirmation
témoigne clairement de la centralité du dispositif institutionnel
dans une logique de régulation sociale et macro sociale. De ce point de
vue, les institutions jouent un rôle incontournable dans le maintien et
la pérennité de l'équilibre et du lien entre les
différentes perceptions des acteurs formant le tissu social. La
résurgence des institutions comme référent
théorique fondamental représente un développement
théorique important dans l'évolution de la science politique et
des sciences sociales en général. Les institutions politiques en
l'occurrence, s'affirment davantage comme étant des centres
d'intérêt de construction théorique et des recherches
empiriques48.
En effet, le phénomène institutionnel se
manifeste par un large programme d'enquêtes et de recherches, toutes
centrées sur l'influence qu'ont institutions sur les
phénomènes sociopolitiques49. De ce point de vue, les
institutions auraient une influence considérable sur les comportements
des acteurs, leurs actions, leurs stratégies et parfois même leur
identité. Le développement institutionnel conduisant ainsi
à examiner la façon dont la production, la reproduction sinon la
coproduction des institutions s'inscrivent dans un processus contingent et
continu, et où le tissu institutionnel existant conditionne dans une
certaine mesure la trajectoire d'institutionnalisation.
47Affirmation de Jean Monnet, père fondateur de
l'Union Européenne.
48Peter Evans et al., Bringing the State back in,
Cambridge, Cambridge University Press, 1985.
49R. Kent Weaver et Bert, A. Rockman (dir), Do
institutions matter? Government capabilities in the United States and Abroad,
Washington, the Brookings Institution's, 1993.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
Sous cet angle, analyser la problématique de
l'institutionnalisation dans le domaine des politiques publiques ou encore de
la sociologie de l'action publique, revient de prime à bord à
appréhender la notion d'institution. Un tel effort de clarification
conceptuelle ne peut trouver d'ancrage que dans un registre propre au
déploiement institutionnel, et à l'analyse du système
d'acteurs dans une logique de conception et de maturation des institutions. De
ce fait, le néo-institutionnalisme offre une grille
d'appréhension assez panoramique du concept, et apporte deux
réponses à la préoccupation. Ainsi,
D'un côté, on retrouve les
néo-institutionnalistes qui suivent au plus près l'idée du
retour de l'Etat et adoptent une définition matérialiste des
institutions qui inclut les organes de l'Etat, par exemple la structure des
législatures, des exécutifs, des bureaucraties et des tribunaux ;
les constitutions, les arrangements de division territoriale du pouvoir tels le
fédéralisme et le système d'autonomie ; et les
systèmes de partis. De l'autre côté, il y'à les
néo-institutionnalistes qui voient les institutions en termes de normes,
explicitement définies ou non, qui peuvent prendre la forme de
paramètres culturels et cognitifs ou des règles et de
procédures50.
De cette considération notionnelle, l'on
s'aperçoit du fait que l'institutionnalisation de la juridiction
administrative au Cameroun a été le fruit des relations entre des
dynamiques d'acteurs, et s'appréhende comme un phénomène
social total. Aussi, il en ressort que, les institutions sont non seulement des
organes, c'est-à-dire des aménagements physiques et/ou des
bâtiments, mais également des normes, des comportements et des
procédures.
Vu sous cet angle, la mise en place des institutions
d'accès à la justice administrative au Cameroun s'est
posée en s'imposant comme une nécessité impérieuse,
car,« La justice administrative est l'expression concrète de la
protection des citoyens contre les risques d'arbitraire de l'administration,
elle apparait en effet comme un moyen de défense des individus contre
les abus de pouvoir, non pas en vue de compromettre l'autorité de
celui-ci, mais pour lutter contre d'éventuelles dérives
despotiques »51.
De cette considération, la juridiction administrative
s'affirme comme étant d'une extrême nécessité et
comme étant une composante essentielle de l'Etat de droit. La
50André Lecours, « L'approche
néo institutionnaliste en science politique : unité ou
diversité ? », in Politiques et
Sociétés, vol 21 n°3, 2002, Pp. 10-11.
51Maurice Kamto, Idem, p 7.
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25
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
soumission de l'administration et partant, de l'Etat au droit,
se forge et se déploie autour d'un corpus de règles de droit
objectif et des lois positives52. C'est donc cette
préoccupation qui a gouverné dans les modalités de
formation de la juridiction administrative dans le temps et dans l'espace.
Cette juridiction s'est formée et a
évolué progressivement, ses intempéries et les
débats sur la nécessité de son institutionnalisation n'ont
fait que renforcer et accroitre sa légitimité et sa maturation.
De nos jours, ses propriétés présentistes
révèlent éloquemment sa dimension utilitaire car
aujourd'hui et plus que jamais, la juridiction administrative est un instrument
de l'Etat de droit. La trajectoire de l'institutionnalisation de la justice
administrative au Cameroun revient à appréhender la juridiction
administrative comme un ensemble d'aménagements physiques qu'il
conviendrait de saisir comme une institution organe qui a évolué
(section I) et a changé dans le temps (section II).
52Léon Duguit, L'Etat, le droit objectif et
la loi positive, PUF, 1901, p 581.
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26
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
Section I- Les dynamiques du changement des politiques
publiques institutionnelles d'accès à la justice administrative
au Cameroun
L'évolution institutionnelle de la juridiction
administrative au Cameroun correspond nettement à une importation
relative de la juridiction administrative française. « En effet, le
phénomène de transfert d'institutions n'est pas nouveau.
Imposées ou empruntées, les institutions ont souvent régi
des populations auxquelles elles n'étaient pas destinées
»53. Les transferts de droit54
sont depuis plusieurs décennies devenus de plus en plus importants, et
correspondent dans certains cas à une sorte d'importation55
ou davantage à une hybridation56.
En effet, la sociologie de l'action publique saisie par les
institutions permet de caractériser le changement institutionnel sous le
prisme du rôle des institutions57, de leurs impacts sur les
comportements, les valeurs, la culture58 et parfois même sur
la religion59. L'évolution du changement
institutionnel60 de la justice administrative au Cameroun est
relative à l'archéologie de la juridiction administrative.
L'analyse de l'évolution de la juridiction administrative au Cameroun
révèle une pluralité d'institutions et permet de ce fait
d'apprécier les logiques et les dynamiques du changement
institutionnel.
La dynamique du changement institutionnel de la juridiction
administrative au Cameroun peut être subsumée en deux
époques, dont l'une consiste à appréhender la justice
administrative sous la colonisation (paragraphe 1) et l'autre, à faire
un état de la justice administrative dans l'Etat indépendant
(paragraphe 2).
53Communication de Camille Kuyu Mwissa, Les
institutions de la démocratie et l'Etat de droit, point de vue
anthropologique.
54M. Alliot, « Les transferts de droit ou la
double illusion », Bulletin de liaison du LAJP, n°5, Paris,
1983. 55Bertrand Badié, L'Etat importé ;
l'occidentalisation de l'ordre politique, Paris, Fayard, 1992.
56P.L Agondjo Okawe, « L'Etat
africain, un Etat hybride néocolonial », in l'Etat moderne
à l'horizon 2000, Mélanges offerts à P.F Gonidec,
Paris, LGDJ, 1985.
57Claude Menards, Institutions, contracts and
organizations, Northampton (mass), Edward Elgar, 2000.
58Harrisson Lawrence, Samuel Huntington, Culture matters. How
values shape human progress? New York, Basics Books, 2000.
59Francis Fukuyama, Trust. The socials virtues
and the creation of prosperity, New York, Free Press/Simon and Schuster,
1996.
60A.J. Hoffman, « Institutional evolution
changes: Environmental and the U.S Chemical Industry », Academy of
Management Journal, Vol 42, n°4, p. 351-371.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
Paragraphe 1- La garanti institutionnelle de l'accès
à la justice administrative dans l'Etat colonial
La colonisation qui a si profondément et
considérablement bouleversé les structures sociales en Afrique en
général et en Afrique noire francophone en particulier, n'aurait
pas pu épargner les institutions judiciaires. La juridiction
administrative Camerounaise en l'occurrence, en ce qui concerne les
prémices de son institutionnalisation, est un héritage de la
justice coloniale française61. La justice administrative au
Cameroun à l'ère coloniale révèle que la
juridiction administrative camerounaise serait le fruit d'une importation des
technologies institutionnelles françaises sous prétexte de leur
efficacité.
En effet, la justice administrative fait son apparition au
Cameroun par le biais de la colonisation française62 qui (la
France), au lendemain de la première guerre mondiale dont elle
ressortît vainqueur, avait institué un régime juridique
administratif identique au sein de toutes ses colonies. Ainsi, depuis 1916, la
France a pris pied au Cameroun et a introduit un système juridictionnel
fondé sur la distinction entre les juridictions administratives et les
juridictions judiciaires63. Ce transfert ou cette importation des
politiques publiques institutionnelles d'accès à la justice
administrative fut initié par la mise sur pied d'une juridiction
administrative dénommée Conseil du Contentieux administratif (A).
L'évolution du temps relative à l'approche de
l'indépendance de l'Etat camerounais allait ainsi modifier l'appellation
de la juridiction administrative, quoique les compétences et les
attributs de cette juridiction ne connurent pas une modification fondamentale
(B).
A- L'institutionnalisation du Conseil du Contentieux
Administratif en 1920
Le Conseil du Contentieux administratif fut la toute
première juridiction administrative au Cameroun. Il a été
créé par le décret du 14 Avril 1920.Cette juridiction
n'était pas propre au Cameroun, mais commune à toutes les
colonies françaises depuis le décret du 7 septembre 1881.
Même s'il allait acquérir une autonomie par le décret du 8
Juillet 1952, le Conseil du Contentieux Administratif était une
juridiction particulière, car il était
61Joseph John- Nambo, « Quelques
héritages de la justice coloniale en Afrique noire », Droit et
Société 51/52, 2002, p. 325-344.
62Voir sur l'ensemble de la question, les travaux
de : M. Henri Jacquot, « Le contentieux administratif au Cameroun
», in Revue Camerounaise de Droit, n°7, Janvier-
Juin 1975 pp 16-21 ; Maurice Kamto, « La fonction administrative
contentieuse de la cours suprême au Cameroun », in Les
Cours Suprêmes et Hautes Juridictions D'Afrique, Paris, Economica,
1988 ou encore Carlson Anyangwe, The camerounian judicial system,
Yaoundé, CEPER, 1987.
63J. Goudem, L'organisation juridictionnelle du
Cameroun, Thèse, droit, Yaoundé, 1985.
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28
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
considéré comme un simple prolongement de
l'administration (1), ceci, en violation flagrante du principe de la
séparation de la juridiction administrative de l'administration active
(2).
1- Le Conseil du Contentieux Administratif comme
prolongement de l'administration active
L'institutionnalisation du Conseil du Contentieux
Administratif (C.C.A) ne s'est pas véritablement émancipée
de l'administration active car sa composition laissait entrevoir sa
dépendance vis-à-vis de l'administration.
Ainsi, le Conseil du Contentieux Administratif était
présidé par un magistrat du siège, assisté de deux
assesseurs licenciés en droit, qui étaient des administrateurs de
la France d'Outre-mer. De manière exceptionnelle, pouvaient être
nommés comme Commissaire du Gouvernement, des administrateurs adjoints,
licenciés en droit et ayant fait cinq années de service effectif
dans l'administration. Cette composition du C.C.A au Cameroun témoigne
des logiques de prolongement de l'administration qui en effet pouvait
être juge et partie en la faveur du déficit de formation des
magistrats spécialisés dans le domaine du contentieux
administratif.
Cette tare inhérente à la composition du
Conseil du Contentieux Administratif camerounais n'était donc pas
exempte d'une violation du sacro-saint principe de la séparation de la
juridiction administrative de l'administration active.
2- La violation du principe de la séparation
de la juridiction administrative de l'administration active par le Conseil du
Contentieux Administratif
La quête et la conquête de l'autonomisation de la
juridiction administrative et même du juge administratif reposent
fortement sur la séparation de l'administration active de la juridiction
administrative.
En effet, l'évolution de la formation de la juridiction
administrative depuis la France et sa maturation aujourd'hui ont
été bâties sur ce principe, pour ne pas permettre à
l'administration d'administrer et de juger de peur d'être à la
fois juge et partie. Comme si l'on voulait doter la juridiction administrative
camerounaise d'une histoire, et la faire passer par les étapes qu'a
connues la formation de la juridiction administrative française, le
Conseil du Contentieux Administratif camerounais ne faisait que reproduire
même dans la dévolution de ses compétences, la
prégnance de l'administration qui pouvait intervenir et qui
intervenait
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29
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
dans l'instance administrative contentieuse au Cameroun
à cette époque. Il s'agissait ainsi là d'une tare, qui
n'allait pas totalement être éliminée, avant que le Conseil
du Contentieux Administratif ne soit remplacé en 1959 par le Tribunal
d'Etat.
B- L'institutionnalisation d'un Tribunal d'Etat en
1959
L'évolution et l'impact du temps dans l'introduction et
la formation de la juridiction administrative au Cameroun allait induire un
premier mouvement du changement institutionnel. Ainsi, le décret du 4
juin 1959 va remplacer le Conseil du Contentieux Administratif par le Tribunal
d'Etat. Comme le Conseil du Contentieux Administratif, le Tribunal d'Etat ne va
pas s'émanciper de cette violation de principe car ne va s'inscrire que
dans la continuité (1). Mais, force est de constater que les
compétences contentieuses du Tribunal d'Etat sont
considérablement détachables de celles dévolues au Conseil
du Contentieux administratif (2).
1- Le Tribunal d'Etat : une rupture dans la
continuité
L'évolution de la situation politique du Cameroun qui
entraine la création du Tribunal d'Etat, consacre l'abrogation du
Conseil du Contentieux Administratif comme juridiction administrative au
Cameroun. Crée par le décret n°59-83 du 4 juin
195964, le Tribunal d'Etat (T.E) est une juridiction souveraine,
préservée de toute emprise du Conseil d'Etat français.
A l'opposé du Conseil du Contentieux Administratif dont
le Conseil d'Etat était la juridiction d'appel, le Tribunal d'Etat
statue en premier et en dernier ressort ; c'est alors une véritable
juridiction administrative qui commençait à prendre corps au
Cameroun, car le Tribunal d'Etat avait la plénitude de
compétences pour connaitre aussi bien du contentieux pour excès
de pouvoir que du contentieux en indemnisation. A contrario, le Tribunal d'Etat
n'obéit pas davantage que le Conseil du Contentieux Administratif, au
principe de la séparation de la juridiction administrative de
ladministration active. Au regard des logiques de sa composition et
de son fonctionnement, le Tribunal d'Etat jouait subrepticement, le rôle
de juge et de partie, maintenant ainsi un système d'administrateur-juge
sous-jacent, hérité du Conseil du Contentieux Administratif.
Quoiqu'il en soit, le T.E se forgeait en véritablement juridiction
administration car son institutionnalisation instituait en même temps, un
double degré de juridiction.
64Voir Journal Officiel du Cameroun, 1959, p.832.
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30
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
2- Le Tribunal d'Etat et l'institutionnalisation du
double degré de juridiction au Cameroun
Le double degré de juridiction peut être saisi
comme étant la possibilité de faire juger une affaire à
nouveau, en faisant appel devant une cour d'appel, après une
première décision rendue par un tribunal, qui ne nous satisfait
pas.
Le double degré de juridiction est un principe
fondateur de la justice. Il s'agissait là, d'une innovation Camerounaise
en matière de contentieux administratif car, le Tribunal d'Etat venait
sonner le glas à la compétence du Conseil d'Etat Français
comme juridiction d'appel des décisions rendues par la juridiction
administrative Camerounaise.
Ce rapprochement tacite de la juridiction administrative
caractérisé par la compétence du Tribunal d'Etat qui
connaissait le contentieux administratif en premier et en dernier ressort,
présageait alors une nationalisation complète de la juridiction
administrative au Cameroun. Si l'institutionnalisation d'un Tribunal d'Etat en
1959 a valu son pesant d'or, l'évolution conjoncturelle du Cameroun ne
va pas lui permettre de se déployer en véritable juridiction
administrative, car l'accession du Cameroun à l'indépendance
allait encore induire un changement institutionnel.
Paragraphe 2- La consécration institutionnelle de
l'accès à la justice administrative dans l'Etat
indépendant
Les logiques du changement institutionnel sont très
souvent saisies par la conjoncture et l'avènement des
évènements, qui viennent parfois justifier le pourquoi du
changement institutionnel. Les développements
institutionnels65 posent en effet la question des relations entre
les politiques publiques et le changement institutionnel, tout en appelant
à la prudence sur les conditions d'acceptabilité et de
recevabilité de l'ingénierie institutionnelle.
Les théories institutionnelles qui permettent
d'appréhender le changement institutionnel66, rendent compte
des effets de l'institutionnalisation67 sur la modification des
comportements sociétaux. La trajectoire de l'institutionnalisation de la
juridiction
65Colin Crouch et Henry Farell, «Breaking the
path institutional development? Alternatives to a new determinism»
Working paper, Institut Européen de Florence, 2002.
66T. Dacin et al, « Institutional theory and
institutional change: Introduction to the Special Research Forum »,
Academy of Management Journal, Vol 45, n°1, p. 45-57.
67R.L. Jepperson, « Institution, institutional
effects and institutionalism », in W.W. Powel and P.J. DiMaggio (Eds),
The new Institutionalism in Organizational Analysis, University of
Chicago Press, p. 143- 163.
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31
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
administrative dans l'Etat indépendant n'a pas
fondamentalement changé, quoiqu'il faut tout de moins distinguer les
institutions d'accès à la justice administrative dans l'Etat
fédéral (A) des institutions d'accès à la justice
administrative dans l'Etat unitaire (B).
A- L'accès à la justice administrative
dans l'Etat fédéral
L'évolution institutionnelle de l'accès à
la justice administrative au Cameroun a connu une mutation consécutive
à l'accession de l'Etat camerounais-oriental notamment- à
l'indépendance. Cette donnée conjoncturelle a ainsi abouti
à la création d'une Cour Suprême qui malheureusement n'a
pas fait long feu (1), car quelques mois plus tard, le Cameroun Oriental et le
Cameroun Occidental devaient se réunir pour former l'Etat
Fédéral du Cameroun, induisant ainsi l'institutionnalisation
d'une nouvelle juridiction administrative appelée Cour
Fédérale de Justice (2).
1- L'existence éphémère de la Cours
Suprême
Après l'accession du Cameroun -oriental notamment-
à l'indépendance le 1er Janvier 1960, la loi n°
60-12 du 20 Juin 1961 créa la Cour Suprême qui devait être
juge de cassation et juge de conflit. En effet, comme le note si bien Maurice
Kamto,
La création de la Cour Suprême,
consécutive à l'accession du pays à la souveraineté
internationale allait régler cette imperfection juridictionnelle [...]
Elle sera juridiction d'appel du Tribunal d'Etat qui est maintenu, en
même temps qu'elle jouera le rôle de Tribunal de Conflits en cas de
conflits de compétences entre le Tribunal d'Etat et les juridictions
judiciaires68.
L'institutionnalisation de cette nouvelle juridiction
administrative ne venait pas remettre en question le principe du double
degré de juridiction institué par les juridictions qui l'ont
précédée. En effet, en remplissant les compétences
de juge de cassation et juge de conflit, la Cour Suprême étoffait
considérablement le contentieux administratif camerounais et
garantissait la pérennité d'un principe juridictionnel fort.
Toutefois, la Cour Suprême instituée en 1960 n'allait pas faire
long feu, car quelques mois plus tard, elle fut remplacée par la Cour
Fédérale de Justice69.
68Idem, p 11.
69Créée par l'article 33 de la
constitution du 1er septembre 1961.
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32
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
2- L'institutionnalisation d'une Cour
Fédérale de Justice
L'existence de la Cour Suprême n'aura été
qu'éphémère car un an plus tard, elle fut remplacée
par la Cour Fédérale de Justice (C.F.J).Cette nouvelle
juridiction administrative devait alors être une juridiction à
compétence pleinement nationale70, car elle devait connaitre
l'ensemble des litiges administratifs de la République
Fédérale, des Etats Fédérés, des
collectivités publiques et des établissements publics
administratifs. Ainsi, avec la Cour Fédérale de Justice, «
le contentieux administratif camerounais s'étoffe substantiellement et
la justice administrative prend vraiment racine dans les moeurs juridiques de
l'élite administrative camerounaise
»71.
La Cour Fédérale de Justice exerce les fonctions
de juridiction administrative, constitutionnelle et de régulation des
conflits nés de la compétence entre les juridictions les plus
élevées de l'ordre de juridiction des Etats
fédérés. L'organisation de la Cour Fédérale
de Justice est fixée par une ordonnance du 4 octobre 1961. Les lois du
29 novembre 196572 et du 14 juin 196973 viendront
bouleverser sa conception initiale, en la rendant en une juridiction
administrative de pleine compétence. Cependant, une autre donnée
conjoncturelle allait encore bouleverser l'aménagement institutionnel
d'accès à la justice administrative au Cameroun, car
l'avènement de l'Etat unitaire fera disparaitre la Cour
Fédérale de Justice au profit d'une nouvelle juridiction
administrative.
B- Les institutions d'accès à la justice
administrative dans l'Etat unitaire
Le changement institutionnel d'accès à la
justice administrative saisi par la conjoncture permet de relever une
réorganisation organique et procédurale de la justice
administrative au Cameroun. En effet, si la loi du 2 juin 1972 consacre la
création d'une nouvelle Cour Suprême (1), celle-ci n'a
véritablement pas gagné en qualité et en
légitimité, ceci en raison de la composition et de la formation
des magistrats qui devaient y instruire les affaires (2).
70Joseph Owona, Droit administratif spécial
de la République du Cameroun, Paris, EDICEF, 1985.
71Maurice Kamto, Droit administratif processuel de
la République du Cameroun, op. Cit, p. 11.
72Loi n°65/LF/29 du 29 novembre 1965 portant
réforme du contentieux administratif. Journal officiel du
République Fédérale du Cameroun, 1er
décembre 1965.
73Loi n°69/LF/1 du 14 juin 1969 fixant la
composition, les conditions de saisine et la procédure devant la Cour
Fédérale de Justice.
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33
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
1- La Constitution du 2 juin 1972 et la création
d'une nouvelle Cour Suprême
Avec l'avènement de l'Etat unitaire en 1972, les
choses allaient encore changer. La loi du 2 juin 1972 entraina ainsi la
réorganisation organique et procédurale de la justice
administrative au Cameroun, tout en gardant et en conservant son statut
constitutionnel et ses compétences. L'article 32 qui crée une
nouvelle Cour Suprême, rénove complètement sa structure.
Désormais, la nouvelle Cour Suprême regroupe en son sein, tout
l'ordre juridictionnel administratif. Elle est ainsi composée d'une
juridiction de premier niveau ou de premier ressort et d'une juridiction
d'appel.
L'ordonnance n°72/06 du 26 Août 1972 fixait ainsi
l'organisation et le fonctionnement de cette juridiction. L'étendue des
compétences de cette nouvelle juridiction administrative camerounaise
était fixée par l'article 32 alinéa 3 de la loi du 2 juin
197274. Elle était de ce fait constituée d'une Chambre
Administrative et d'une Assemblée Plénière. Toutefois, la
nouvelle Cour Suprême ne faisait pas l'unanimité au sein de
l'opinion publique car elle ne semblait pas avoir beaucoup gagné en
qualité.
2- La Nouvelle Cour Suprême face au défi de
l'ingénierie institutionnelle
La Nouvelle Cour Suprême instituée grâce
à l'avènement de l'Etat unitaire ne s'est pas
véritablement émancipée de la Cour Fédérale
de Justice, car elle y avait reconduit la presque totalité de la
jurisprudence. De plus, comme la Cour Fédérale de Justice, la
Nouvelle Cour Suprême emprunte tous ses magistrats à l'ordre
judiciaire. De ce point de vue, « la non spécialisation de ces
magistrats formés à d'autres types de contentieux serait à
l'origine du caractère incertain de la jurisprudence administrative
camerounaise »75. En outre, les décisions rendues
par la Nouvelle Cour Suprême étaient entachées d'une
incertitude juridique dont les causes se trouveraient dans une explication
plausible. En effet,
L'inclination originaire du juge administratif camerounais
à se penser principalement comme le protecteur de l'Etat contre les
particuliers [...], s'inscrit en droite ligne dans la conception des rapports
entre l'Etat et l'individu qui prévaut dans la société :
l'Etat est tout, l'individu n'est rien
74Cet article disposait que la Cours Suprême
devait « statuer souverainement sur les recours en indemnité ou
en excès de pouvoir dirigés contre les actes administratifs
».
75Maurice Kamto, op.cit. p.11.
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34
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
f...].[de plus], La justice camerounaise souffre de
la plupart des maux qui corrompent la
société76.
De ce point de vue et compte tenu de cet état des
choses, une réforme de la justice administrative au Cameroun
relativement à son accès s'est posée en s'imposant comme
impérieuse nécessité. Une réforme des politiques
publiques institutionnelles de l'accès à la justice
administrative s'est imposée, ce qui a été consacré
par la Constitution du 18 janvier 1996.
Section II- La réforme des politiques publiques
institutionnelles d'accès à la justice administrative au
Cameroun.
L'omniprésence des politiques publiques dans les
sociétés contemporaines témoigne du volontarisme des
pouvoirs publics à vouloir traiter les situations qui se sont
posées ou se posent comme étant anormales, donc comme
étant des problèmes publics. Dans le domaine de la sociologie
politique, si le droit, l'économie ou encore l'histoire ont longtemps
permis d'analyser les politiques publiques, aujourd'hui, l'accent est davantage
mis sur la dimension cognitive de celles-ci (politiques publiques), nous
plongeant ainsi dans une sociologie politique de l'action
publique77.
La réforme des politiques publiques s'inscrivant ainsi
dans cette trajectoire explicative permet de saisir les politiques publiques de
décentralisation de l'accès à la justice administrative
sous sa dimension institutionnelle, par le biais d'une sociologie politique de
l'action publique, car les politiques publiques sont une sorte
d'institutionnalisation du travail politique gouvernemental. De ce point de
vue, saisir les réformes des politiques publiques institutionnelles
d'accès à la justice administrative revient de prime à
bord à analyser la substance de la réforme en relation avec les
objectifs visés par la politique (paragraphe 1), et à faire
ressortir les impacts de cette réforme dans l'aménagement
institutionnel présentiste de l'accès à la justice
administrative au Cameroun (paragraphe 2).
76Ibidem.
77Pierre Muller, « L'analyse cognitive des
politiques publiques : vers une sociologie politique de l'action publique
», Revue Française de Science Politique, 50e
année, n°2, 2000, p.189-208.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
Paragraphe 1- La sociologie politique de
l'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs de proximité
L'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs,
substance essentielle de la réforme des politiques publiques
d'accès à la justice administrative au Cameroun, saisie sous le
prisme de la sociologie politique, permet en effet d'analyser la visée
de la politique publique sous l'angle des objectifs. Un tel effort d'analyse
dans le cas échéant, nous permet d'appréhender
l'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs de proximité comme
véhicule du décongestionnement contentieux de la Chambre
Administrative de la Cour Suprême (A), et comme une politique permettant
de rapprocher la justice administrative des administrés locaux (B).
A- L'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs
au Cameroun et le décongestionnement contentieux de la Chambre
Administrative de la Cour Suprême
De 1972 à 201478, soit quarante-deux
années de monitoring fort sur le contentieux administratif camerounais,
la Chambre Administrative de la Cour Suprême a connu une congestion
contentieuse poussée. De ce point de vue, importe-t-il de faire un
état des lieux des recours en instance à la Chambre
Administrative de la Cour Suprême (1), avant de comparer les recours
transférés dans les Tribunaux Administratifs dans certaines
régions au Cameroun (2).
1- Etat des lieux des recours en instance à la
Chambre Administrative avant l'opérationnalité des Tribunaux
Administratifs.
Avant l'opérationnalité des Tribunaux
Administratifs, l'on observait une forte concentration contentieuse des recours
introduits auprès de la Chambre Administrative de la Cour Suprême,
car tous les litiges nés de l'activité administrative
étaient connus par ladite chambre. De ce point de vue, la Chambre
Administrative de la Cour Suprême qui était la seule juridiction
compétente pour connaitre l'ensemble du contentieux administratif
camerounais se vît très souvent submergée par
l'activité contentieuse des citoyens, témoignant de ce fait du
volume des fautes de l'administration publique dans son
78Les Tribunaux Administratifs ont
été ouverts par le décret n°2012/119 du 15 mars 2012
portant ouverture des Tribunaux Administratifs, les magistrats du siège
auprès de ces Tribunaux ont été nommés par le
décret n° 2012/194 du 18 avril 2012 portant nomination des
magistrats du siège dans les Tribunaux Administratifs, mais les
Tribunaux en soi, n'ont été opérationnels qu'à
partir du début de l'année civile 2014.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
36
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
fonctionnement quotidien. Le caractère
extrêmement secret de la justice administrative au Cameroun ne nous a pas
permis de quantifier les recours introduits auprès de la Chambre
Administrative avant l'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs, mais
l'entretien mené auprès du greffe de ladite chambre nous a
révélé une surabondance des recours contentieux, et est
venu corroborer l'idée selon laquelle la mise sur pied des Tribunaux
Administratifs est une mesure salutaire, les affaires seront plus rapidement
traitées, et le personnel de la justice administrative sera de ce fait
bien déployé dans toute l'étendue du territoire national.
De ces considérations, il ne restait plus que les Tribunaux
Administratifs entrent directement, dès leur
opérationnalité, en activité et c'est ce qui a
été fait par la Chambre Administrative de la Cour Suprême
qui a procédé à un transfert du contentieux administratif
dans les dix régions où ont été institués
les Tribunaux Administratifs.
2- Le transfert des recours contentieux dans les
Tribunaux Administratifs de proximité
L'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs de
proximité au Cameroun est arrivée comme une mesure salutaire.
Elle a ainsi permis un décongestionnement contentieux de la C.A/C.S qui
en était déjà quelque peu submergée. De ce point de
vue, pour que les Tribunaux Administratifs entrent directement en
activité, la Chambre Administrative a procédé à un
transfert du contentieux administratif dans les dix régions, en tenant
compte de l'origine régionale du recours introduit. Dans cette veine, le
tableau ci-après compare l'activité contentieuse des citoyens de
quatre régions, sur la base des recours transférés.
Tableau n°1 : transfert des recours
contentieux dans quatre régions au Cameroun
Tribunaux administratifs
|
Chefs- lieux
|
Recours reçus
|
Ouest
|
Bafoussam
|
1800
|
Est
|
Bertoua
|
15
|
Littoral
|
Douala
|
4000
|
Centre
|
Yaoundé
|
2000
|
Total
|
|
7815
|
Source : Greffes de Chaque Tribunal
Administratif
A l'évidence, nous nous rendons compte du fait que le
T.A de la région de l'Est est celui qui a reçu le moins de
recours parmi les quatre T.A. sur l'ensemble du volume du
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
37
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
contentieux de ces quatre régions, la région de
l'Est ne représente que 0,19% de l'ensemble du contentieux de ces quatre
régions, alors que le littoral représente les 51% du volume
contentieux de ces régions. Cet état des choses témoigne
à foison du caractère dérisoire de l'activité
contentieuse dans la région de l'Est avant l'institutionnalisation des
T.A dans chaque région du Cameroun. Espoir reste ainsi nourrit, car la
mise sur pied des T.A est perçu comme une mesure salutaire car elle
revêt a priori plusieurs vertus.
B- Les Tribunaux Administratifs au Cameroun : un
rapprochement de la justice administrative des administrés locaux
Outre le décongestionnement contentieux de la Chambre
Administrative de la Cour Suprême, l'institutionnalisation des Tribunaux
Administratifs avait pour objectif, un rapprochement de la justice
administrative des administrés locaux, car le droit d'accès au
juge est « l'expression de l'égalité des personnes
»79. De plus, avec la poussée
démographique camerounaise et la multiplication des domaines de la
gestion publique, « le devoir de l'Etat n'est plus tant seulement
de conférer l'accès à la justice et d'en sanctionner les
entraves, mais encore d'en assurer l'effectivité pour chacun
»80.
De ce point de vue, ce rapprochement de la justice
administrative des administrés locaux permettra ainsi une
rapidité dans la saisine du juge administratif (1) en même qu'il
garantira une certaine efficacité de la justice administrative au
Cameroun (2).
1- Proximité des Tribunaux Administratifs et
rapidité dans l'accès à la justice
administrative
L'avènement des Tribunaux Administratif de
proximité au Cameroun a donné un coup de pouce au contentieux
administratif camerounais. En effet, en rapprochant la justice administrative
des administrés locaux, l'Etat camerounais garanti ainsi la
rapidité quant à l'accès au juge administratif, car avec
la concentration de la juridiction administrative, la distance
représentait un obstacle important pour la saisine du juge
administratif, paralysant dans certains cas la réparation du
préjudice causé par l'activité administrative lorsque
celle-ci se manifeste en puissance publique.
79M.A. Frison- Roche, « Le droit
d'accès à la justice et au droit », in Libertés
et Droit Fondamentaux, 12e Edition, sous la direction de R.
Cabrillac, M.A. Frison- Roche, Th. Revet, Paris, Dalloz, 2006, p.458
80Idem, p.457.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
38
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
En garantissant la célérité dans la
saisine du juge administratif et dans l'instruction des recours,
l'institutionnalisation les Tribunaux Administratifs permet en effet, de
sanctionner l'arbitraire administratif par l'annulation des actes
administratifs illégaux et par la réparation des dommages que
l'action ou l'inaction de l'administration a causé aux tiers.
Cette rapidité dans la saisine du juge administratif,
induite par l'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs, permet
d'accroitre la substance du contentieux administratif camerounais, et par
là, de garantir l'efficacité de la justice administrative au
Cameroun.
2- Tribunaux Administratifs de proximité et
efficacité de la justice administrative au Cameroun
La problématique de l'efficacité a toujours
été posée dans le domaine des politiques publiques et a
fait l'objet d'une abondante littérature. En effet, si l'atteinte des
objectifs a toujours été la principale préoccupation dans
l'implémentation ou la mise en oeuvre des politiques publiques, c'est
que l'accent aujourd'hui est davantage mis sur la dimension
référentielle81 de l'action publique dans son
ensemble.
Saisir ainsi l'efficacité de la justice administrative
au Cameroun via l'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs de
proximité revient à exhumer l'impact qu'ont les Tribunaux
Administratifs sur la justice administrative camerounaise. De ce point de vue,
l'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs permet d'assurer
l'encadrement des prérogatives de l'administration dont la
finalité est de servir l'intérêt général et
de maintenir l'ordre public pour une meilleure expression des droits et
libertés des citoyens. De cette considération, la justice
administrative camerounaise gagnerait en efficacité et promouvrait la
maturation de l'Etat de droit. L'avènement des Tribunaux Administratifs
a été coextensif à une redéfinition des
rôles, qui a ainsi abouti à la répartition des
compétences entre la Chambre Administrative de la Cour Suprême et
ces Tribunaux Administratifs de proximité.
Paragraphe 2- Le partage des compétences entre la
Chambre Administrative et les Tribunaux Administratifs
L'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs de
proximité au Cameroun a induit une mutation de son contentieux
administratif. En effet, avec l'adoption des lois sur
81A. Faure, G. Pollet, Ph. Warin, Construction
du sens dans les politiques publiques. Débats autour de la notion de
référentiel, Paris, L'Harmattan, 1995.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
39
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
l'organisation judiciaire, notamment la loi n°2006/016 du
27 décembre 2006 fixant l'organisation de la Cour Suprême, et la
loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et
fonctionnement des Tribunaux Administratifs, les compétences
dévolues aux Tribunaux Administratifs (A), diffèrent
considérablement des compétences reconnues à la Chambre
Administrative de la Cour Suprême (B).
A- La dévolution des compétences des
Tribunaux Administratifs de proximité
La loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant
organisation et fonctionnement des Tribunaux Administratifs condense
brillamment, les compétences reconnues aux Tribunaux Administratifs.
En effet, l'exploration de cette loi amène à
adopter une double qualification des compétences reconnues à ces
Tribunaux Administratifs. Ainsi, la substance de leurs compétences
s'articule autour des attributions ordinaires, qui sont les compétences
reconnues et dévolues de manière principale et directe au
Tribunaux Administratifs, lesquelles portent sur le contentieux pour
excès de pouvoir et le contentieux de pleine juridiction ou en
indemnisation (1). En outre il est reconnu aux Tribunaux Administratifs, des
compétences dites accessoires ou additionnelles, qui consistent
substantiellement en le traitement des cas d'urgence en matière de
contentieux administratif (2).
1- L'étendue des attributions principales des
Tribunaux Administratifs au Cameroun
L'étendue de la compétence de la juridiction
administrative renvoie au principe de la séparation des fonctions
administratives et des fonctions judiciaires. Cette séparation de
fonctions permet à la juridiction administrative de connaitre de la
responsabilité pouvant incomber à l'Etat par le fait des
personnes qu'il emploie dans le service public. Au Cameroun, le
constituant82 et le législateur ont précisé le
champ de compétence de la juridiction administrative.
Ainsi, au sens de l'article 40 de loi constitutionnelle du 18
janvier 1996, les Tribunaux administratifs sont des juridictions
inférieures en matière de contentieux administratifs. Ils sont
compétents pour connaitre « en premier ressort, du contentieux
des élections régionales et municipales et, en dernier ressort,
de l'ensemble du contentieux administratif concernant
82Voir article 38 et 40 de la constitution du 18
janvier 1996
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
40
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
l'Etat, les collectivités publiques territoriales
décentralisées et les établissements publics
administratifs »83. De ce point de vue, relève de
la compétence des Tribunaux Administratifs les recours en annulation
pour excès de pouvoir84 et, en matière non
répressive, les recours incidents en appréciation de la
légalité. Aussi, les Tribunaux Administratifs sont
compétents pour connaitre les actions en indemnisation du
préjudice causé par un acte administratif. De plus, les Tribunaux
Administratifs sont compétents pour connaitre les litiges concernant les
contrats ou les concessions de services publics, les litiges intéressant
l'ordre public et enfin, les liges concernant les opérations de maintien
de la paix85.
Les Tribunaux Administratifs jouissent en effet, d'une
compétence rationae loci, qui leur confère la
compétence contentieuse exclusive dans le ressort territorial duquel,
l'autorité ayant pris la décision querellée a
légalement son siège, de la résidence du demandeur, du
lieu d'exécution du contrat, du fait dommageable si ledit fait est
imputable à une décision. De plus, le Tribunal territorialement
compétent pour statuer sur une demande principale l'est également
pour toute demande accessoire, incidente ou reconventionnelle relevant de la
compétence des Tribunaux Administratifs86. En outre, le
Tribunal Administratif du siège de l'autorité ayant pris la
décision attaquée est compétent pour connaitre de l'action
en indemnisation, imputable à la décision querellée, ainsi
que des recours en interprétation et en appréciation de la
légalité de l'acte administratif litigieux intervenant sur
renvoie de l'autorité judiciaire87. En dehors de ses
compétences principales, les Tribunaux Administratifs remplissent
également des attributions dites additionnelles qui consistent pour
l'essentiel, en le traitement de l'urgence.
2- Les Tribunaux Administratifs et l'urgence au Cameroun
: les compétences additionnelles
Du fait de la lenteur avérée de la justice
administrative au Cameroun, certaines décisions peuvent n'avoir qu'une
portée symbolique s'ils interviennent de manière tardive. Par
ailleurs, l'exécution de certaines décisions de justice peut
entrainer des dommages irréparables. C'est
83Article 2 alinéas 1 et 2
de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et
fonctionnement des Tribunaux Administratifs
84Est constitutif d'excès
de pouvoir : le vice de forme ; l'incompétence, la violation d'une
disposition légale ou règlementaire et le détournement de
pouvoir.
85Article 2 alinéa 3 de la
loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et
fonctionnement des Tribunaux Administratifs.
86Idem, article 16
87Idem, article 15 alinéa 2
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
41
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
dans cette logique que le législateur camerounais a
organisé deux procédures d'urgence88 pour solutionner
ce constat ; il s'agit du référé administratif et du
sursis à exécution.
Le référé administratif est une
procédure permettant au juge, de prendre des mesures urgentes afin de
préserver les intérêts des parties, mais sans
préjuger du fond de l'affaire. En effet pour employer le
référé administratif, il faut qu'il y'ait urgence, et
qu'il ne fasse pas obstacle à l'exécution de la décision
administrative. Ainsi, le président du Tribunal ou le magistrat qu'il
aura délégué, peut sur requête, et si le demandeur
justifie de l'introduction d'un recours gracieux, convoquer les parties et
après conclusions du ministère public, ordonner en
référé, toutes mesures utiles89.
Le sursis à exécution quant-à lui, permet
au juge d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision
litigieuse. En principe, le recours gracieux introduit contre un acte
administratif n'en suspend pas l'exécution90. Mais, si
l'exécution dudit acte « est de nature à causer un
préjudice irréparable et [qu'il] n'intéresse ni l'ordre
public ni la sécurité publique ou la tranquillité
publique, le président du tribunal administratif peut, saisi d'une
requête, après communication à la partie adverse et
conclusions du ministère public ordonner le sursis à
exécution »91 . Ainsi, le
président du Tribunal Administratif compétent statue sur la
demande de sursis à exécution par ordonnance, laquelle est dans
les vingt-quatre heures notifiée aux parties en causes. L'effet de
l'acte attaqué est alors suspendu à compter du jour de cette
notification. Ce champ compétentiel des Tribunaux Administratifs,
autrefois dévolu à la Chambre Administrative de la Cour
Suprême a ainsi induit un recadrage des compétences de ladite
chambre.
B- La dévolution compétentielle de la
Chambre Administrative de la Cour Suprême
Avec l'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs de
proximité, la Chambre Administrative de la Cour Suprême a vu ses
compétences redirigées. En effet, depuis 2006, la Chambre
Administrative se cantonne à remplir des compétences relatives
soit à l'appel, soit à
88Bernard Raymond Guimdo Dongmo, Le juge
administratif camerounais et l'urgence. Recherches sur la place de l'urgence
dans le contentieux administratif camerounais, Thèse de Doctorat
d'Etat en droit public, Université de Yaoundé II, 2004, 610
pages.
89Loi n°2006/022, op.cit., article 27
alinéa 1
90Idem, article 30 alinéa 1
91Idem, article 30 alinéa 2.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
42
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
la cassation (1), ou encore à remplir des
compétences consultatives ou indirectes qui s'articulent autour de
l'avis et de l'exception préjudicielle (2).
1- Les attributions directes ou contentieuses de la
Chambre Administrative
La dévolution des compétences directes ou
contentieuses de la Chambre Administrative de la Cour Suprême est
précisée par la loi n°2006/016 du 29 décembre 2006
portant organisation et fonctionnement de la Cour Suprême, et s'articule
autour de l'appel et du pourvoi en cassation.
Ainsi, au terme de l'article 38 de ladite loi, la Chambre
administrative est compétente pour connaitre des appels formés
contre les décisions rendues en matière de contentieux des
élections régionales et municipales. L'appel concerne les
décisions rendues en premier ressort dans les conditions fixées
par des textes particuliers et les décisions rendues en premier ressort
en matière électorale et en matière de
référé.
La lecture de l'article 38 de la loi n°2006/016 du 29
décembre 2006 portant organisation et fonctionnement de la Cour
Suprême, nous permet de déceler une autre compétence qui
s'articule autour du pourvoi en cassation. Ainsi, d'après cet article,
la Chambre administrative de la Cour suprême est compétente pour
connaitre des pourvois formés contre les décisions rendues en
dernier ressort par les juridictions inférieures en matière de
contentieux administratif. A côté de ses compétences
directes, la Chambre Administrative de la Cour Suprême dispose
également des compétences dites indirectes ou consultatives.
2- Les compétences indirectes ou consultatives
de la Chambre Administrative de la Cour suprême
Les compétences indirectes de la Chambre administrative
de la Cour Suprême s'articulent autour de l'avis et de l'exception
préjudicielle en matière d'emprise et de voie de fait. En effet,
au terme de l'article 14 alinéa 2 de la loi n°2006/022 du 29
décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des Tribunaux
Administratifs, les Tribunaux Administratifs doivent, lorsqu'ils se retrouvent
dans une difficulté d'interprétation ou d'appréciation de
la légalité d'un acte administratif, surseoir à statuer et
renvoyer la question
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
43
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
devant la Chambre Administrative de la Cour Suprême.
Ainsi, la Chambre Administrative rend, dans les trois mois de sa saisine, un
avis sur la difficulté à elle
déférée92.
En outre, l'article 3 alinéa 2 de la loi
n°2006/022 du 29 décembre 2006 dispose que : « [...] Il est
statué par la Chambre administrative de la Cour Suprême sur
l'exception préjudicielle soulevée en matière de voie de
fait administrative et d'emprise ». L'emprise est une atteinte
à la propriété immobilière portée sous forme
de dépossession provisoire ou permanente. Le juge administratif de la
Chambre Administrative de la Cour Suprême la constate, mais c'est le juge
judiciaire qui la répare.
La voie de fait administrative peut être soit un acte
juridique, soit une opération immatérielle représentant
une irrégularité manifeste. Il doit donc avoir un acte
manifestement irrégulier ou une irrégularité
grossière qui attente à la propriété
mobilière ou immobilière ou davantage à une liberté
fondamentale pour qu'il soit constatée la voie de fait administrative
par le juge administratif. Mais tout comme l'emprise, c'est le juge judiciaire
qui est compétent pour connaitre de cette irrégularité,
à titre exclusif, en matière d'action en réparation et en
extinction.
92Article 14 alinéa 3 de la loi n°2006/022
du 29 décembre 2006.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
44
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
CONCLUSION
L'institutionnalisation, dans le domaine de la sociologie de
l'action publique permet rendre compte des dynamiques qui confèrent aux
institutions une place importante et prépondérante dans le tissu
social. En effet, la sociologie politique de l'action publique de la mise sur
pied des T.A dans chaque région du Cameroun se veut être un
emblème, quoiqu'il puisse poser certains problèmes. Le souci de
rapprocher la justice administrative des administrés locaux s'est fait
sans consultation du volume du contentieux issu de chaque région, et
s'est affirmé davantage comme étant un programme d'actions
gouvernementales, et dont une politique publique.
Le dispositif institutionnel d'accès à la
justice administrative au Cameroun a évolué et a changé
dans le temps. Il a connu des fractures et des césures liées le
plus souvent aux données conjoncturelles. L'emprunte coloniale qui lui
conférait son caractère mimétique s'estompe
progressivement au point où l'on assiste à l'avènement
d'une juridiction administrative « à la camerounaise
», car les institutions sont le reflet d'un ordre social et sont
censées régir les comportements d'une société
propre, garantissant ainsi la cohésion du tissu social et la
stabilité sociétale dans son ensemble. Aujourd'hui,
l'institutionnalisation des T.A a induit une réelle métamorphose
du contentieux administratif camerounais en qualité et en
quantité ; leur avènement est un coup de souffle à la
gouvernance judiciaire au Cameroun, notamment dans le domaine du contentieux
où l'administration est en cause, ceci participant somme toute à
la promotion et à l'édification de l'Etat de droit au
Cameroun.
CHAPITRE II-
L'AMENAGEMENT PROCEDURAL DE L'ACCES A LA
JUSTICE ADMINISTRATIVE AU CAMEROUN
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
45
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
INTRODUCTION
Les politiques publiques d'accès à la justice
administrative au Cameroun se présentent également sous forme de
règles de procédure, applicables à tous citoyens, et qui
conditionnent véritablement l'accès au juge administratif. En la
matière, le législateur camerounais a balisé un corpus de
procédures, dont le respect détermine le déclenchement, la
continuation ou la suite du procès enclenché par l'introduction
d'un recours contentieux. De ce point de vue, la procédure
administrative est une exigence fondamentale d'une bonne justice, car elle se
présente comme une garantie sérieuse pour les
citoyens93.
Toutefois, la notion de procédure devrait en droit
public ou en sociologie de l'action publique, être utilisée avec
beaucoup de prudence, de précaution et de minutie, car les juristes
privatistes sont très jaloux et regardant en ce qui concerne
l'utilisation de ce concept. En droit privé en l'occurrence la
procédure peut être passible d'une double appréhension
notionnelle. Elle peut être saisie comme un ensemble de règles,
comme elle peut être appréhendée comme une branche du
droit. En tant qu'ensemble de règles, la procédure désigne
des formalités à observer ainsi que des actes à accomplir
afin de parvenir à un règlement juridictionnel. En qualité
de branche du droit, la procédure détermine les règles
relatives à l'organisation judiciaire, aux compétences, à
l'instruction d'un procès et aux logiques de jugement et
d'exécution des décisions de justice. C'est sous ce rapport que
l'on peut ainsi parler de procédure pénale ou de procédure
civile. La notion de procédure ainsi contextuellement
appréhendée, est nécessairement contentieuse.
93René Cassin, « De l'unité de
la justice dans les pays de dualité de juridiction », in La
justice, Paris, Presses Universitaires de France, 1961, p. 270-271.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
46
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
Or, en droit public administratif en l'occurrence, la notion
de procédure peut être contentieuse ou non
contentieuse94. Toutefois, certains auteurs ont eu le mérite
d'identifier la notion de procédure avec celle relative au
procès, en l'appréhendant comme « l'ensemble des
règles suivant lesquelles s'exerce la juridiction contentieuse des
tribunaux »95. De toutes ces
considérations, il est possible d'appréhender la notion de
procédure administrative comme « la procédure suivie devant
les juridictions administratives, régies par les règles
spécifiques caractérisées par l'importance des
éléments écrits par rapport aux éléments
oraux ainsi que ses traits inquisitoires »96.
Au Cameroun en l'occurrence, l'aménagement
procédural de l'accès à la justice administrative a lui
aussi connu une réforme. Avant 2006, trois textes fondamentaux
régissaient la procédure administrative contentieuse au
Cameroun97, mais depuis 2006, deux textes couvrent les aspects
relatifs à la procédure administrative contentieuse98.
De ce point de vue le cycle de vie de la procédure administrative
contentieuse débute par l'introduction d'un recours contentieux, et se
termine par un jugement. Cependant, l'examen ou l'instruction du recours
introduit constitue une phase assez spéciale de la justice
administrative car, c'est à cette étape que se déploient
véritablement les aspects qui confèrent à la justice
administrative son caractère particulier. Ainsi, importe-t-il de faire
un état sur l'instance administrative contentieuse au Cameroun (section
I), avant d'analyser à la fois l'instruction des recours et la
portée des décisions de justice (section II).
94Guy Isaac, La procédure administrative
non-contentieuse, Thèse en droit, Paris, LGDJ, 1968, Préface
de Olivier Dupeyroux, p. 46.
95Charles Debbash, Procédure
administrative contentieuse et procédure civile, Thèse en
droit, Paris, LGDJ, 1962, préface de Jean Boulouis, note n°1, p.
1.
96Lexique des termes juridiques, Paris,
Dalloz, 6e édition, 1985, P.535.
97Il s'agissait de : l'ordonnance n°72-6 du 26
août 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême modifié
par la loi n°76-28 du 14 décembre 1976 ; la loi n°75-16 du 8
décembre 1975 fixant la procédure et le fonctionnement de la Cour
Suprême, et enfin la loi n°75-17 du 8 décembre 1975 fixant la
procédure devant la Cour Suprême statuant en matière
administrative.
98Il s'agit en l'occurrence de la loi
n°2006/016 du 27 décembre 2006 fixant l'organisation et le
fonctionnement de la Cour Suprême, et de la loi n°2006/022 du 29
décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des Tribunaux
Administratifs.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
Section I- L'aménagement de l'instance
administrative contentieuse au Cameroun
L'existence d'un ordre juridictionnel administratif distinct
de l'ordre judiciaire est un des éléments caractéristique
de la spécialité et de l'originalité du contentieux
administratif. En effet, c'est par l'existence et la consécration de
cette séparation d'ordres de juridictions que le système
camerounais en l'occurrence diffère encore radicalement de nos jours du
système dit anglo-saxon.
Au Cameroun, les textes offrent plusieurs possibilités
aux administrés de contester une action, de revendiquer une inaction ou
davantage de contester un comportement de l'administration auprès d'un
juge administratif. Toutefois en la matière, il importe de noter
l'existence des domaines de saisine du juge administratif camerounais
relativement aux types des recours que les administrés peuvent
introduire auprès de la juridiction administrative (paragraphe 1).
L'introduction des recours ciblés auprès de la juridiction
administrative n'est pas exempte de conditions, car la recevabilité d'un
recours obéit à certaines règles, visant à
conférer à la justice administrative une dose de qualité
et de légitimité (paragraphe 2).
Paragraphe 1- L'organisation aspectuelle de la saisine du
juge administratif au Cameroun
La saisine du juge administratif camerounais est
fondamentalement différente de la saisine du juge judiciaire. En effet,
il existe des aspects se saisine intimement liés à la
compétence du juge administratif dans l'ambition du règlement des
différends opposant l'administration et les particuliers. Dans le cas
limitatif relatif au déclenchement de la procédure administrative
contentieuse qui se fait auprès des Tribunaux Administratifs, nous
allons occulter la saisine juge administratif de la Chambre Administrative de
la Cour Suprême statuant soit en appel, soit en cassation, car la
décision rendue par un Tribunal Administratif peut mettre fin au litige
et partant, à la procédure.
Dans cette veine, les administrés ayant un
différend avec l'administration peuvent saisir le juge administratif
camerounais en introduisant des recours contentieux qui peuvent être
subsumés en deux catégories dont l'une relève des recours
dits principaux (A), et l'autre des recours incidents ou accessoires (B).
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
A- L'articulation des recours principaux introduits
auprès du Tribunal Administratif au Cameroun
Les mécanismes juridictionnels de la justice
administrative au Cameroun sont mis en relief par les requêtes
contentieuses que les requérants peuvent porter devant le juge
administratif. Ces recours principaux, déterminants fondamentaux de la
compétence du juge administratif camerounais s'articulent autour du
contentieux de la légalité ou le recours pour excès de
pouvoir (1), ou autour du contentieux subjectif, de pleine juridiction ou le
recours en indemnisation (2).
1- La compétence du juge administratif
camerounais en matière de recours pour excès de
pouvoir
Encore appelé contentieux de la légalité,
le recours pour excès de pouvoir est un recours introduit par un
justiciable, relatif à la légalité d'un acte
administratif. En effet, si le requérant prétend que l'acte pris
par une autorité administrative est illégal, il demande ainsi au
juge administratif de l'annuler.
Le recours pour excès de pouvoir fait partie du corpus
du contentieux dit objectif, car il soulève une question relative
à la violation par l'administration, d'une règle de droit
objectif. Le recours pour excès de pouvoir au Cameroun s'articule autour
du vice de forme, de l'incompétence, de la violation d'une disposition
légale ou règlementaire ou encore du détournement de
pouvoir99. Le recours pour excès de pouvoir est
déclaré ouvert en principe d'un principe général du
droit selon lequel, toute décision administrative peut faire l'objet
d'un recours devant le juge administratif100.
Dans l'affaire Monkam Tientcheu David en l'occurrence, le juge
administratif camerounais à clairement adopté et mis en
application ce principe général de droit, dans une de ses
jurisprudences101, lorsqu'il affirma :
Il a été jugé que même dans
l'hypothèse où une loi dispose qu'un acte
ne peut faire l'objet d'aucun recours administratif ou
judiciaire ; cette disposition ne saurait être
interprétée comme excluant le recours pour excès
99Voir dans cette direction l'article 2
alinéas 3, a) de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006
portant organisation et fonctionnement des Tribunaux Administratifs.
'°°Voir décision du Conseil d'Etat
français du 17 février 1950, Dame Lamote.
'°'CS/CA, jugement, n°40 du 29 mai 1980.
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49
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
de pouvoir qui est ouvert même sans texte contre
tout acte administratif et qui a pour effet d'assurer conformément aux
principes généraux de droit de légalité.
D'après cette considération d'ordre
jurisprudentielle, nous constatons que le juge administratif produirait donc le
droit102 et aurait ainsi un pouvoir normateur103. Cette
possibilité donnée au juge administratif d'évoquer un
principe général de droit pour contourner la loi est connue par
la doctrine administrativiste, sous le nom d'écran
transparent104. A côté de ce contentieux objectif,
ou de la légalité, il existe un autre contentieux dit subjectif,
qui relève également de la compétence du juge
administratif.
2- Le juge administratif camerounais face au
contentieux subjectif : le recours de pleine juridiction
Le recours de pleine juridiction est encore appelé
recours en indemnisation, en réparation ou encore en
responsabilité. En introduisant un recours de pleine juridiction, le
requérant prétend avoir droit à quelque chose de la part
de l'administration, qui peut s'articuler autour d'une prestation, d'une dette
d'argent, ou d'une réparation d'un dommage.
Le recours de pleine juridiction comprend le contentieux des
contrats, où le requérant prétend avoir droit, à la
suite d'un contrat passé avec l'administration, à une situation
individuelle telle qu'une créance d'argent dont l'administration
conteste le montant ou l'existence ; et le contentieux de la
responsabilité qui est une situation où le requérant est
victime d'un dommage dont il attribue la responsabilité à
l'administration qui en conteste le
102 Sur la question lire, De Bechillon Denys, Le juge et
son oeuvre, un an de fabrication du droit administratif dans la jurisprudence
du Conseil d'Etat, Mélange Michel Troper, Economica, 2006.
103De Bechillon Denys, « Comment traiter
le pouvoir normatif du juge ? », Mélanges Philippe Jestaz,
libre propos sur les sources du droit, Dalloz, 2006.
104La théorie de l'écran transparent
s'applique dans deux cas de figure : d'une part, lorsque la loi écran
est vide dans le fond, et d'autre part, lorsque l'acte administratif viole un
principe général de droit. Dans ces deux cas, le juge
administratif peut procéder à un contrôle de l'acte
administratif litigieux.
Dans le premier cas en effet, arrive que la loi investisse
simplement le gouvernement de la mission de prendre certaines mesures sans
aucune vocation à mettre en oeuvre des principes. La loi ne permet pas
au gouvernement de méconnaitre la constitution à l'occasion de
l'édiction des mesures administratives. L'écran législatif
ne joue désormais plus que pour disposition de fond, et le juge
administratif va ainsi s'affranchir de l'écran législatif et
contrôler directement les dispositions de l'acte administratif
contesté par rapport à la constitution (dans ce sens, Conseil
d'Etat, 19 novembre 1986, société Smanor).
Dans le second cas, le juge administratif interprète
dans le sens de la compatibilité aux principes généraux du
droit, les lois présentes dans certaines matières pour statuer
sur la juridicité de l'acte administratif querellé. En effet, la
référence aux principes généraux du droit permet au
juge administratif de procéder au contrôle dudit acte dans le cas
où ce dernier serait écarté par une loi manifestement
contraire à un principe général de droit ; la loi en
question devient donc transparente, le juge administratif pouvant s'en
passer.
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50
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
bien-fondé ou le montant. Dans le recours en
indemnisation, le rôle du juge administratif camerounais est plus
complexe à cause du caractère que présente la
prétention du requérant.
De ce fait, la décision du juge administratif aura donc
une portée particulière car elle consistera à fixer les
droits du requérant et à condamner l'administration dans le
rétablissement ou la réalisation de ses droits. Il ne s'agit
alors plus d'annuler un acte administratif, mais de condamner une des parties,
à savoir l'administration. Le juge administratif camerounais, à
côté de ces recours que les administrés peuvent introduire
auprès de la juridiction administrative, peut aussi être saisi par
des recours dits accessoires ou incidents.
B- Les autres types de recours ou les requêtes
incidentes
L'aménagement aspectuel des recours qu'il est possible
introduire devant la juridiction administrative au Cameroun correspondent,
à la compétence du juge administratif camerounais. En effet,
à côté du recours en indemnisation ou du recours pour
excès de pouvoir qui constituent les recours principaux, il existe
d'autres types de recours qui peuvent être instruits par le juge
administratif (1), lesquels ont une portée originale (2).
1- L'appréciation de la légalité
d'un acte administratif par le juge administratif camerounais
Dans le cadre du recours en appréciation de la
légalité d'un acte administratif, le juge administratif
camerounais est appelé à déterminer la validité
juridique dudit acte. Ce type de recours en donc incident, car il est la
dérivation d'une instance en cours devant un tribunal judiciaire, et la
question relative à la légalité, posée au juge
administratif est directement liée à cette instance.
En effet, c'est dans l'hypothèse où un tribunal
judiciaire est saisi d'une affaire qu'il est compétent pour juger, mais
qu'il ne peut pas sans qu'ait été résolue une
difficulté relative à la légalité de l'acte
administratif. Le tribunal judiciaire, alors incompétent pour se
prononcer sur cette difficulté, va surseoir à statuer et renvoyer
ainsi l'affaire et les parties devant la juridiction administrative, notamment
le tribunal administratif territorialement compétent, non pas pour qu'il
annule l'acte, mais pour qu'il en apprécie la légalité. Ce
pouvoir du juge administratif a donc une portée originale.
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51
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
2- La portée du recours en appréciation
de la légalité d'un acte administratif
La compétence du juge administratif camerounais en
matière d'appréciation de la légalité d'un acte
administratif correspond à sa dévolution originaire qui le place
et le pérennise comme gardien de la légalité
administrative.
Le juge administratif camerounais serait finalement
spécialisé dans le règlement du contentieux né de
l'activité administrative dans son fonctionnement quotidien et dans la
préservation de la légalité administrative. Dans cette
veine le juge administratif camerounais serait non pas gardien administratif de
la légalité, mais gardien de la légalité
administrative105, car il est en principe au service du seul droit
dont il est le défenseur vigilant, protégeant avec la même
rigueur, le droit des particuliers et ceux de l'Etat, dans l'optique de
promouvoir au Cameroun, l'Etat de droit. Toutefois, les types de recours ainsi
identifiés pour la saisine du juge administratif camerounais, le
législateur a aménagé des conditions de
recevabilité desdits recours.
Paragraphe 2- L'introduction des requêtes
contentieuses auprès des Tribunaux Administratifs : les conditions de
recevabilité
Au Cameroun, les règles qui gouvernent la
procédure administrative contentieuse ont formulées par les
textes et par les principes généraux de droit
énoncés par le juge administratif. Cette procédure a deux
caractéristiques essentielles ; elle est inquisitoire,
c'est-à-dire que c'est le juge administratif qui dirige la
procédure ; et elle est écrite.
Outre ces caractéristiques, la requête du
recourant doit remplir certaines conditions liées à la
recevabilité de celle-ci. Au Cameroun en l'occurrence l'exercice d'un
recours contentieux devant le juge administratif est conditionné par
l'introduction auprès de l'autorité administrative, auteur de
l'acte administratif querellé, d'un recours gracieux préalable
(A). En dehors de cette condition, l'introduction de la requête doit se
faire dans le strict respect des délais, et la personne du recourant
n'étant pas également exempte de toute conditionnalités
(B).
105Jean Rivéro, Le juge administratif :
gardien de la légalité administrative ou gardien administratif de
la légalité ?, Mélanges Waline, Tome 2, Paris, LGDJ ?
1974.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
A- L'exigence de l'introduction d'un recours gracieux
préalable
De manière générale, pour que la
requête du justiciable soit recevable, il faut d'abord que celui-ci ait
introduit un recours gracieux préalable auprès de
l'autorité auteur de l'acte administratif lui faisant grief. Le recours
gracieux préalable, qui relève d'une formalité relative
à la procédure administrative non contentieuse permet de
régler autrement les conflits et a une substance important au Cameroun
(1). Toutefois, l'exigence de l'introduction préalable d'un recours
gracieux permet à l'administration elle-même, de réparer le
tort qu'elle a causé au particulier ; c'est la toute la
problématique de la portée du recours gracieux préalable
au Cameroun.
1- La substance du recours gracieux préalable
en contentieux administratif camerounais.
D'après l'article 17 alinéa 1 de la loi
n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et
fonctionnement des Tribunaux Administratifs, « le recours devant le
tribunal administratif n'est recevable qu'après rejet d'un recours
gracieux adressé à l'autorité auteur de l'acte
attaqué ou à celle statutairement habilitée à
représenter la collectivité publique ou l'établissement
public en cause ».
En tant que conditions sine qua non du déclenchement du
procès administratif, le recours gracieux est cloisonné dans les
délais. De ce point de vue, il doit à peine de forclusion,
être formé dans les trois mois de la notification ou de la
publication de l'acte administratif querellé, et en cas de demande en
indemnisation, il doit être formulé dans les six mois suivant la
réalisation du dommage ou sa connaissance, et en cas d'abstention d'une
autorité ayant compétence liée, il doit être
formulé dans les quatre ans à compter de la date à
laquelle ladite autorité était défaillante106.
Le non-respect de ces délais donne systématiquement lieu au rejet
du recours par le juge107 car ils ont un caractère
impératif.
En cas de silence de l'autorité administrative à
qui le recours gracieux a été adressé pendant une
durée de trois mois, le demandeur doit ainsi considérer que le
recours a été
'°6Voir sur l'ensemble de la question,
l'article 17 alinéa 2 de la loi n°2006/022 du 29 décembre
2006 portant organisation et fonctionnement des Tribunaux Administratifs.
'°7Voir dans cette veine, CS/CA jugement
n°34/82-83, du 24 février 1983, Beng Elouga Jean louis c/ Etat
du Cameroun ou encore CS/CA, jugement n°8 du 25 novembre 1976,
Libam Kouang Melchaide contre Etat du Cameroun.
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53
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
rejeté108. En cas de demande en
indemnisation, l'autorité dispose d'un délai de trois mois pour
proposer le montant de l'indemnisation, après s'être
prononcé favorablement sur le principe de ladite demande en
indemnisation du demandeur. En contentieux administratif camerounais, le
recours gracieux peut avoir plusieurs inférences, parce qu'il a une
portée assez importante.
2- La portée de l'introduction préalable
d'un recours gracieux
Le recours gracieux préalable peut être saisi
comme un instrument au service du bon accomplissement de la gestion de la chose
publique par l'administration. Dans cette direction, il serait ainsi
considéré comme une instance de reconsidération de la
position administrative initiale. En effet, le recours gracieux repose sur le
principe selon lequel, l'administration étant censée garantir
l'intérêt général, peut elle-même
réparer le tort qu'elle a causé à l'administré. Le
recours gracieux serait donc un mode alternatif109 de
règlement des litiges entre l'administration et l'administré et
permettrait de désengorger les Tribunaux
Administratifs110.
Le recours gracieux préalable est en principe une
règle d'application générale. De ce point de vue et sauf
dispositions textuelles contraires111, le requérant à
l'obligation de s'adresser préalablement à l'administration avant
de saisir le juge, quel que soit la forme du contentieux en cause. En tout
état de cause, l'introduction préalable d'un recours gracieux par
le justiciable n'est pas la seule condition à laquelle il fait face pour
que sa requête soit recevable par le juge administratif.
B- Les conditions temporelles et personnelles de
recevabilité des recours contentieux
La saisine du juge administratif camerounais est
également conditionnée par des pesanteurs liées au temps
et à la personne du requérant. En effet, la procédure
administrative contentieuse au Cameroun est coextensive à
l'aménagement des délais (1), sous peine de forclusion, qui font
en sorte que la justice administrative respecte les droits des
requérants. De
1°8Voir Maurice Kamto et Bernard Raymond
Guimdo, « Le silence de l'administration en droit administratif
camerounais », Lex lata n°5, 1994, p.10 et suivants,
notamment sur la notion de silence de refus ou silence normateur de sens
négatif.
1°9Jean Marie Auby, Les modes alternatifs
de règlement des litiges. Les recours administratifs préalables,
AJDA, 1997, p.11
11°M. Courtin, Les recours
précontentieux : une voie de désengorgement des tribunaux
administratifs, Gaz. Pal, 1987, p. 467.
111Il en est ainsi du contentieux de la dissolution
ou de la suspension des associations et des organisations non gouvernementales
; du contentieux de la législation, de la dissolution et de la
suspension des partis politiques, et du contentieux des élections
municipales.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
plus, le justiciable doit également remplir certaines
conditions, directement liées à sa personne pour ainsi justifier
de l'opportunité de sa requête (2).
1- Le temps dans le déclenchement de la
procédure administrative contentieuse au Cameroun
De manière générale, le requérant
doit préalablement obtenir de la part de l'administration, une
décision contraire à l'objet de sa requête avant d'intenter
un recours contentieux devant le juge administratif.
Ainsi, d'après la législation en vigueur au
Cameroun, le demandeur dispose d'un délai de 60 jours sous peine de
forclusion pour saisir le juge administratif, s'il n'a pas obtenu satisfaction
ou gain de cause auprès de l'autorité compétente, saisie
d'un recours gracieux112. Ce délai court à compter du
lendemain du jour de la notification à personne ou à domicile
élu113, et est prorogé seulement si le
requérant a saisi une juridiction incompétente ou a
déposé une demande d'assistance judiciaire114.
A l'analyse, ces délais de prescription peuvent
être perçus comme étant un garde four pour la saisine du
juge administratif camerounais. Ce « légicentrisme »
poussé du droit administratif processuel camerounais en
matière de délais, pourrait être perçu comme un
obstacle à l'accès à la justice administrative et par
là, anéantirait les prétentions contentieuses des
requérants, lorsque un acte posé par l'administration puissance
publique leur fait grief. Mais, ces délais ne sont opposable qu'aux
justiciables remplissant certaines conditions liées à la personne
du recourant.
2- Les conditions tenant à la personne du
requérant
De manière générale, pour intenter une
action en justice, notamment dans le domaine de la justice administrative au
Cameroun, le requérant doit remplir certaines conditions pour que sa
requête soit recevable. L'effort de qualification de ces conditions
liées à la personne du recourant nous permet de les subsumer en
trois en trois catégories.
112Article 18 alinéa 1 de la loi
n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et
fonctionnement des Tribunaux Administratifs.
113Idem, article 18 alinéa 2
114Idem, article 19 alinéa 1
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
De ce point de vue, le recourant doit avoir la qualité
pour agir car la qualité est en soi, une condition de
recevabilité de l'action en justice115. La notion de
qualité doit ainsi être entendue comme « le titre qui
permet au plaideur d'exiger du juge qu'il statue sur le fond du litige
»116. Cela signifie en clair que, « l'on puisse
se prévaloir d'un titre qui justifie que l'on engage le procès
»117car le défaut de qualité est un motif
d'irrecevabilité du recours introduit par le
requérant118.
De plus, le requérant doit avoir la capacité
à agir, c'est-à-dire qu'il doit avoir l'aptitude légale
pour ester en justice, et le juge administratif camerounais est regardant sur
cette clause car il en exige le respect119. La capacité
suppose une majorité, un équilibre mental et une
personnalité juridique pour les personnes morales.
En définitive, le recourant doit avoir un
intérêt à agir, c'est-à-dire qu'il doit justifier
d'un intérêt à demander l'annulation d'un acte
administratif lui ayant causé grief de manière
individuelle120 et parfois de manière
collective121. L'intérêt à agir peut être
soit matériel, c'est-à-dire quand la décision
attaquée concerne l'atteinte du patrimoine du recourant, il peut
également être moral. L'inobservation ou l'irrespect de ces
conditions plombe directement l'examen des recours et partant le jugement de
l'affaire.
Section II- L'examen des recours contentieux au
Cameroun et la portée des décisions de justice
En droit administratif camerounais, l'examen des recours
introduits par le requérant n'est pas en soi conditionné par des
délais. L'examen des requêtes est une procédure qui est
destinée à déboucher sur des mesures définitives et
portant ainsi autorité de la chose jugée (paragraphe 2) .
L'examen des recours contentieux au Cameroun par le juge administratif est
ainsi l'expression profonde de la particularité du procès
administratif par rapport aux autres types de procès, et met ainsi en
exergue de manière assez significative, les pouvoirs du juge
administratif camerounais (paragraphe 1).
115Claude Giverdon, La qualité, condition
de recevabilité de l'action en justice, D.I, 1952, p.85.
116Ibidem
117Maurice Kamto, op.cit., p.21
118Voir dans cette direction, les affaires CS/CA,
Jugement n°75/8283 du 26 mai 1983, Syndicat National des Producteurs
Agricoles et Paysans camerounais contre Etat du Cameroun ; T.E, 8 mars
1963, Sieurs Olle Mathieu et Engamba Emile contre Etat du Cameroun et
Société Forestière du Dja et Lobo
119Voir dans cette direction l'affaire CCA,
Arrêt n°662 du 25 octobre 1957, Kamdem Ninyim Pierre contre Etat
du Cameroun
120Voir dans cette veine, CS/CA, Jugement n°51
du 29 mars 1979, Baba Youssoufa contre Etat du Cameroun
121T.E, Arrêt n°216 du 12 avril 1962, Syndicat
National des Administrateurs civils contre Etat du Cameroun.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
Paragraphe 1- L'examen des recours en contentieux
administratif Camerounais
L'introduction des recours contentieux auprès de la
juridiction administrative camerounaise fait l'objet d'une instruction par le
juge administratif. En effet, l'exploration de l'examen des requêtes
contentieuses nous permet de voir en filigrane, les pouvoirs du juge
relativement dans ses rapports avec l'administration et dans ses rapports avec
les administrés (B). Toutefois, l'instruction a pour objet de
réparer la décision du juge administratif, en l'éclairant
sur l'ensemble des données de fait ainsi que de droit du litige (A).
A- L'instruction des requêtes contentieuses par
le juge administratif au Cameroun
De manière générale, l'instruction des
recours contentieux se caractérise et se traduit par l'examen des
mémoires produits par chacune des parties au procès, dans
lesquels elles développent les moyens destinés à justifier
les conclusions par elle émises, ainsi que par le prononcé des
moyens d'instruction (2). L'instruction des recours en contentieux
administratif camerounais a ainsi un caractère particulier, parce
qu'elle présente des caractéristiques singulières (1).
1- La particularité de l'instruction des
recours en contentieux administratif camerounais
L'instruction des recours en droit administratif camerounais
est assez particulière, car elle présente des
caractéristiques qui se démarquent considérablement de
l'instruction des recours en matière judiciaire. Cette
particularité qui s'articule autour des caractéristiques de
l'instruction des recours contentieux, révèle qu'elle est d'abord
principalement écrite, c'est-à-dire qu'elle se fait à
partir de la rédaction et de l'échange des mémoires des
parties au procès ainsi qu'à partir de l'élaboration des
procès-verbaux des mesures d'instruction. Le caractère
principalement écrit de la procédure administrative a toujours
constitué un trait spécifique du contentieux
administratif122. Cette procédure principalement
écrite n'est entachée d'aucun formalisme, les requêtes
pouvant être rédigées comme toute lettre de
réclamation.
La procédure administrative est également
inquisitoriale, c'est-à-dire exclusivement rédigée par le
juge qui organise les échanges de mémoires et prescrit les
délais. Et enfin elle est contradictoire, et impose donc que tous les
éléments de l'affaire soient connus du juge et
122Rémy Schwartz et Myriam Kacmarek, La
procédure contentieuse devant les juridictions administratives, La
Gazette, avril 2004, p. 211.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
discutées par les parties. Le principe du
contradictoire est un principe général de droit qui oblige
l'information d'une partie sur l'existence d'une procédure contentieuse
la concernant par une communication de la requête et une invitation
à produire des réponses et des observations relatives à
l'objet de la requête. Toutefois, ces caractéristiques sont ainsi
remplies au niveau des mesures d'instruction.
2- Les mesures d'instruction en contentieux administratif
camerounais
La loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant
organisation et fonctionnement des Tribunaux Administratifs prévoit six
mesures d'instruction dans la procédure administrative contentieuse au
Cameroun : les enquêtes, la descente sur les lieux ; l'audition des
parties, la vérification des écritures et les expertises.
Les enquêtes sont ordonnées soit d'office, soit
à la demande des parties, et la décision qui ordonne
l'enquête, indique les traits sur lesquels elle doit
porter.123Toutefois, la décision qui ordonne l'enquête
est notifiée aux parties, mais elle devient sans objet si les parties
sont présentes au moment du prononcé de la
décision124.
La descente sur les lieux relève de la
compétence du tribunal administratif qui peut directement de transporter
sur les lieux ou commettre un juge pour effectuer toutes les
vérifications et constatations essentielles à l'avancée du
procès125. De plus, la décision qui ordonne le
transport précise les points à constater ou à
vérifier et fixe l'heure et le jour du transport126. Les
frais de transport liés à la descente sur les lieux sont
fixés par la même décision, et font l'objet d'une avance de
la part du demandeur, laquelle avance est ainsi consignée au greffe du
Tribunal Administratif compétent127.
Selon l'article 77 de la loi n°2006/022 du 29
décembre 2006 portant organisation et fonctionnement de Tribunaux
Administratifs, « le tribunal peut d'office ou sur demande, ordonner
l'audition des parties », laquelle audition a lieu devant le
tribunal128. Mais si une
123Voir dans cette direction, l'article 65,
alinéas 1 et 2 de loi n°2006/022 du 29 décembre 2006
portant
organisation et fonctionnement des Tribunaux Administratifs.
124Idem, article 66 alinéas 1
et 2
125Idem, article 72
126Idem, article 73 alinéa
1
127Ibidem, alinéa 2
128Idem, article 78 alinéa
1
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
partie est dans l'impossibilité de comparaitre, le
tribunal peur commettre un de ses juges qui se déporte auprès
d'elle accompagné d'un greffier129.
En ce qui concerne la vérification des
écritures, « si une partie allègue la fausseté
d'un acte sous seing privé, public ou authentique, elle doit en
rapporter la preuve conformément au droit commun
»130.
En définitive, pour ce qui est des expertises, le
tribunal peut, même d'office, ordonner qu'il soit procédé
à une expertise qui est confiée à un ou plusieurs experts,
suivant la nature et les circonstances de laffaire. De plus, Les
parties peuvent s'entendre sur le choix des experts. En cas de désaccord
entre les parties, la juridiction en désigne d'office.
Toutefois, La décision qui ordonne l'expertise fixe les
points sur lesquels elle doit porter et la date à laquelle les experts
doivent prêter serment devant le Président ou devant le magistrat
délégué ainsi que le délai qui leur est imparti
pour accomplir leur mission. Les experts peuvent être dispensés de
la prestation de serment, d'accords entre les parties131. De ce
point de vue, peuvent être récusé les experts commis
d'office, qui sont parents ou alliés de l'une des parties jusqu'au
quatrième degré inclusivement ou qui ont été
condamnés pour crime ou délit contre la
probité132.
Somme toute, l'instruction des recours contentieux par le juge
administratif lui confère des pouvoirs important, en lui
conférant le statut de pierre angulaire de la procédure
administrative contentieuse.
B- Les pouvoirs du juge administratif camerounais dans
l'examen des recours contentieux
L'examen des recours contentieux en droit administratif
camerounais par le juge administratif lui confère des pouvoirs
importants. En effet, au Cameroun tout comme le juge judiciaire, le juge
administratif doit statuer dans les limites des conclusions des parties. Il ne
doit ainsi statuer « ni ultra petita, ni infra petita
»133. L'articulation des pouvoir du juge administratif en
la matière peut ainsi s'analyser autant au niveau de leur important (1),
qu'au niveau de leur limitation (2).
129Ibidem, alinéa 2
130Idem, article 83
131Idem, article 84 alinéas
1,2 et 3
132Idem, article 85
133Dans le langage juridique cela signifie :
ni au-delà, ni en deçà.
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59
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
1- L'importance des pouvoirs du juge administratif
camerounais dans l'examen des recours contentieux
Après avoir statué sur la recevabilité
du recours contentieux introduit par le requérant, le juge administratif
devient la pierre angulaire de la procédure administrative
contentieuse.
En effet, le caractère inquisitorial de la
procédure administrative contentieuse lui confère le pouvoir
d'élever d'office certains moyens, notamment ceux qui ressortissent de
l'ordre public. En la matière et lorsque les parties ont
négligé de les évoquer, il convient de les relever
d'office. Sont d'ordre public, les moyens tirés de la
méconnaissance des moyens intéressant le fond du droit,
c'est-à-dire par exemple, la méconnaissance d'une annulation pour
excès de pouvoir, ou davantage le fait qu'il y'ait matière
à statuer sur la base d'un régime de responsabilité sans
faute de l'administration puissance publique.
Toutefois, l'importance des pouvoirs du juge administratif
camerounais connait une relativité, parce qu'elle connait des
limitations liées aux rapports entre le juge administratif et
l'administration active.
2- La limitation des pouvoirs du juge administratif
camerounais dans l'examen des recours contentieux
La limitation des pouvoirs du juge administratif camerounais
en matière d'examen des recours contentieux est intimement liée
à ses rapports avec l'administration ou davantage avec le pouvoir
exécutif. En effet, en dehors du fait ne peut annuler les mesures prises
par l'administration relativement à l'exécution de ses contrats,
il ne dispose pas du pouvoir de condamner l'administration à des
obligations de faire ou de ne pas faire, c'est-à-dire à adresser
à l'administration des injonctions. Toutefois, si l'on a souvent
allégué du mimétisme institutionnel dans le cadre de la
justice administrative au Cameroun relativement à celle en vigueur en
France, le cas échéant démontre une émancipation
progressive de la justice administrative camerounaise quoique le fond de ladite
émancipation reste encore sujet à caution.
En effet en France, la loi investie le juge administratif du
pouvoir d'adresser à l'administration des injonctions134 en
vue de l'exécution d'une décision de justice qui revêt
la
'3'Ces injonctions s'appliquent dans deux cas
précis : celui où la chose jugée nécessite qu'une
mesure d'exécution soit prise, et celui où elle implique
nécessairement qu'une décision soit prise au terme d'une
décision de l'affaire.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
60
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
toge d'autorité de la chose jugée, tel n'est pas
encore le cas pour le juge administratif camerounais. Après avoir
examiné les recours et les conclusions des parties, le juge
administratif juge ainsi l'affaire selon le droit et selon sa
conscience135et la décision qu'il prendra aura
autorité de la chose jugée
Paragraphe 2- Les décisions du juge administratif en
contentieux administratif camerounais
Une fois l'affaire jugée, les décisions prises
par le juge administratif camerounais revêtent l'autorité de la
chose jugée, de ce fait, les parties se doivent de les exécuter.
Toutefois, les décisions du juge administratif camerounais ne sont pas
absolues c'est-à-dire susceptible d'aucune voie de recours ; en la
matière en l'occurrence, le législateur camerounais a
parfaitement aménager les voies de recours aux décisions du juge
administratif (A), quoique l'exécution de ces décisions se fait
à géométrie variable (B).
A- L'aménagement juridictionnel des voies de
recours aux décisions du juge administratif camerounais
Les décisions de rendues par la juridiction
administrative n'ont pas valeur absolue au Cameroun ; il existe des voies qui
permettent aux justiciables d'intenter un recours contre une décision du
juge administratif. En la matière, la loi n°2006/022 du 29
décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des Tribunaux
Administratifs a prévu des voies dites de rétractation (1), ainsi
que les voies dites de réformation (2).
1- Les voies de rétractation aux
décisions de la juridiction administrative au Cameroun
A la lecture de loi n°2006/022 du 29 décembre 2006
portant organisation et fonctionnement des Tribunaux Administratifs, nous
pouvons dénombrer quatre voies de rétractations en matière
de décisions du juge administratif. Il s'agit en effet de l'opposition,
de la tierce-opposition, du recours en révision et du recours en
rectification d'erreur matérielle.
L'opposition est une voie de droit, ouverte à la partie
contre laquelle la décision a été rendue. Le délai
de l'introduction d'un recours en opposition est de 15 jours, à compter
de la date de notification du jugement. Pendant ce délai, le jugement ne
peut être exécuté à moins
135Article 37 alinéa 2 de la loi
constitutionnelle du 18 janvier 1996
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
61
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
que, en cas d'urgence ou de péril à la demeure,
l'exécution provisoire avec ou sans caution n'ait été
ordonnée136. La tierce opposition quant-à elle est une
voie ouverte à toute personne contre une décision qui porte
atteinte à ses droits et au prononcé de laquelle ni elle ni ceux
qu'elle représente n'ont été appelés. La tierce
opposition est soumise aux règles édictées par le droit
commun, et la demande y relative est soumise aux conditions de la requête
introductive d'instance137.
Pour ce qui est du recours en révision, il constitue
une exception de la chose jugée, car il ne peut être formé
que dans trois hypothèses ; lorsqu'il y'a dol personnel, lorsqu'il a
été statué sur des pièces reconnues ou
déclarées fausses depuis la décision, ou lorsqu'un partie
a succombé, faute de présenter une pièce décisive
retenue par son adversaire138. Ce recours doit être
formé dans les trente jours de la connaissance de la cause ouvrant le
droit à révision, et il est instruit et jugé par le
tribunal qui a rendu le jugement prétendument vicié et selon la
procédure suivie devant lui139. Enfin, le recours en
rectification d'erreur matérielle présente un caractère
exceptionnel car il a une portée limitée due au fait qu'il ne
peut être adressé qu'en dehors de lapsus, de fautes de calcul ou
d'expression. Dans le cas échéant, c'est-à-dire que
lorsque le jugement du tribunal est entaché de telles erreurs, la partie
intéressée peut ainsi introduire un recours en rectification
devant son président140. Ce recours peut être introduit
par simple requête dans un délai de trente jours à compter
de la notification du jugement en cause aux parties141. En dehors de
ces voies, le législateur camerounais a prévu d'autres
dispositifs pour faire recours aux décisions de justice.
2- La réformation des décisions des
Tribunaux Administratifs au Cameroun
Les décisions des juridictions inférieures
rendues en premier ressort sont susceptibles d'appel, sauf prescription
législative contraire, et celles rendues en premier et dernier ressort
par les mêmes juridictions sont susceptibles de pourvoi.
L'appel des décisions rendues par les Tribunaux
Administratifs en premier ressort est introduit devant la Chambre
Administrative de la Cour Suprême142. Il a un effet suspensif
sauf
136Article 110 de la loi n°2006/022 du
29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des Tribunaux
Administratifs.
137Idem article 115 alinéas 1
et 2
138Idem, article 118, alinéa
1
139Idem, article 118 alinéa
2
140Idem, article 117 alinéa
1
141Idem, article 117 alinéa
2
142Idem, article 114
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62
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
décision contraire de la Chambre
Administrative143. La déclaration d'appel doit être
faite au greffe du tribunal ayant rendu la décision contestée,
soit par le demandeur ou par son avocat, soit par un mandataire muni d'un
mandat spécial.
Le pourvoi en cassation est prévu par la constitution
de la république du Cameroun, auprès de la Chambre Administrative
de la Cour Suprême contre les décisions rendues en dernier ressort
par les juridictions administratives inférieures. En effet, le pourvoi
doit être exercé dans les formes et les délais
prévus par la loi144. Le pourvoi a été
organisé par la loi n°2006/016 du 27 décembre 2006. A peine
de forclusion, le pourvoi doit être formé dans les quinze jours de
la notification de la décision de la juridiction inférieure en
matière de contentieux administratif145. Le pourvoi est fait
par déclaration au Greffe de la juridiction inférieure en
matière de contentieux administratif dont émane la
décision querellée, soit par le demandeur en personne ou son
avocat, soit par un mandataire muni, à peine d'irrecevabilité,
d'un pouvoir spécial. Le greffier qui enregistre le pourvoi est
également chargé de dresser le procès-verbal et de
délivrer une expédition au demandeur146.
Les décisions rendues par la juridiction administrative
sont entachées de l'autorité de la chose jugée. Pour cela
elles doivent automatiquement être exécutées car cela
participe de l'édification de l'Etat de droit.
B- L'exécution des décisions de justice
au Cameroun
L'autorité de la chose jugée s'impose aussi bien
à l'administration qu'aux particuliers. Toutefois, s'il existe des
moyens ou des voies d'exécution des décisions de la juridiction
administrative pour les particuliers au Cameroun (2), l'exécution de ces
décisions par l'administration se fait encore à
géométrie variable, car il n'existe pas de voie
d'exécution pour contraindre l'administration à exécuter
ces décisions (1).
1- L'absence des voies d'exécution des
décisions de justice contre l'administration
En principe, l'administration est dans la stricte obligation
d'exécuter les décisions rendues à son encontre en vertu
de l'autorité de la chose jugée. Au Cameroun, il n'existe pas de
voie d'exécution à l'encontre de l'administration. En effet, l'on
ne peut pas faire usage
'43Idem, article 114 alinéa
2
'44Idem, article 116
'45Article 89 de la loi n°2006/016 du 29
décembre 2006 portant '46Idem, article 90
alinéas 1, 2 et 3
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
63
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
contre l'administration, des voies d'exécution
forcée ni lui donné des ordres147. Le juge
administratif peut annuler les actes de l'administration, il peut la condamner
au paiement de telle somme, mais il ne peut pas lui prescrire ou lui interdire
de faire un acte ou une opération, encore moins se substituer à
elle. Il est possible par contre, de faire recours à des méthodes
de contrainte contentieuse par le recours pour excès de pouvoir, mais
« l'efficacité d'une telle procédure est cependant
limitée, car elle conduit à faire procès sur procès
plutôt qu'à obtenir une exécution effective de la
décision de justice »148. De ce point de vue, pour que
l'administration exécute les décisions de justice, il n'est que
possible de compter sur sa bonne foi149. Toutefois,
l'exécution des décisions de justice révèlent une
dimension asymétrique des relations entre l'administration et les
administrés car à contrario, il a été
aménagé des voies d'exécution des décisions de
justice contre les particuliers.
2- L'aménagement des voies d'exécution
contre les particuliers
L'autorité de la chose jugée au Cameroun
s'impose inconditionnellement aux particuliers. En effet, à
l'opposé de l'administration, le législateur a prévu et
aménagé des voies d'exécution des décisions de
justice administrative qui sont prononcées contre les particuliers.
Il en est ainsi par exemple de la saisie immobilière
où la partie initialement demanderesse est condamnée à
payer des indemnités à l'administration, et dans le cas où
elle ne le fait pas ou le fait hors délais, il peut arriver ses biens
meubles et immeubles pour ainsi soit lui obliger à payer les
indemnités auxquelles elle a été condamnée ou
davantage procéder par compensation.
D'autres voies d'exécution telles que la
saisie-arrêt ou davantage la saisie-exécution. Quoiqu'il en soit
à l'analyse nous constatons une asymétrie dans l'exécution
de la justice administrative qui varie selon le statut et la relation que les
parties éventuellement condamnées entretiennent avec la justice
administrative, la carrière des magistrats au Cameroun étant
gérée par le pouvoir exécutif.
147CS/AP, Arrêt n°4/A du 16
février 1978, Etat du Cameroun, Procureur près la Cour
Suprême contre Dame Veuve née Perrier Danièle
148Maurice Kamto, op.cit., p. 98.
149Ibidem.
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64
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
CONCLUSION
Les politiques publiques d'accès à la justice
administrative au Cameroun n'ont pas seulement été des
aménagements physiques ou encore des organes qui permettront de garantir
les droits des justiciables, mais elles également été une
institutionnalisation des normes et des procédures par lesquelles, les
administrés pourront faire valoir et prévaloir leurs droits.
L'aménagement procédural de l'accès
à la justice administrative est une donnée fondamentale dans
l'exerce de la justice administrative dans son ensemble, car son inobservation
ou son irrespect entraine automatiquement la perte des réclamations
issues des dommages que l'administration puissance publique aurait
causés aux particuliers, dans l'exercice de ses missions de service
public. La procédure administrative contentieuse se révèle
donc être une condition sine qua non pour toute personne désireuse
de voir ses droits rétablis lorsque ceux-ci ont été
violés par l'administration.
Toutefois, la procédure administrative contentieuse se
révèle être d'une extrême complexité, car le
langage juridique qu'elle emprunte n'est pas à la portée du
citoyen lambda ; de plus, la durée de cette procédure, depuis
l'introduction du recours contentieux jusqu'au jugement, ajoutée
à l'intervention du ministère public qui peut
considérablement ralentir cette procédure, est une dissuasion
d'ordre fonctionnel pour les administrés qui veulent promouvoir l'Etat
de droit, en faisant respecter leurs droits initialement bafoués par
l'Etat.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
65
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
Les politiques publiques d'accès à la justice
administrative camerounaise ont connu dans le temps, des réformes assez
importantes et inhérentes au développement de l'Etat camerounais.
Ce développement qui a induit un changement des politiques publiques
d'accès à la justice administrative a aussi impacter sur la
logique d'institutionnalisation en matière de juridiction administrative
camerounaise.
De ce point de vue, la dynamique du changement des politiques
publiques institutionnelles d'accès à la justice administrative
au Cameroun permet de saisir ces juridictions comme reflet des logiques
comportementales des acteurs pertinents, desquels elle est censée
régler les différends. Cette juridiction s'est affirmée
dans le temps comme une forme de régulation sociale car réguler
est aussi le rôle et le devant être d'une institution. Toutefois,
si la colonisation française a remarquablement marqué de son
empreinte dans les logiques de formation et de maturation de la juridiction
administrative camerounaise, force est de noter que les
propriétés présentistes de cette juridiction laissent
échapper des aspects de rupture de celle en vigueur en France car
l'ingénierie institutionnelle camerounaise s'arroge le
mérité de s'arrimer aux problèmes qui se posent avec
acuité, tout ceci dans l'intérêt de l'Etat camerounais.
L'ingénierie institutionnelle de la justice
administrative au Cameroun est ainsi consacrée d'une part au regard de
la mise en place d'un dispositif organique solide qui passe par
l'institutionnalisation d'une juridiction administrative inférieure en
matière de contentieux administratif que constituent les Tribunaux
Administratifs et d'une juridiction administrative suprême qu'est la
Chambre Administrative de la Cour Suprême, et d'autre, elle est
consacrée par un aménagement procédural fort qui en
conditionne l'accès.
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l?Est
L'ACCES A LA JUSTICE ADMINISTRATIVE PAR LES
POPULATIONS DE LA REGION DE L'EST
DEUXIEME PARTIE :
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UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
67
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
La sociologie de l'action publique saisie par les institutions
permet en effet, de rendre compte des dynamiques sociales des politiques
publiques dans les rapports qu'entretiennent le centre et la
périphérie. Les nouvelles stratégies gouvernementales
d'intervention publique dans le domaine de la justice administrative au
Cameroun permettent de mener une sociologie de la réception des
Tribunaux Administratifs de proximité par les populations de la
région de l'Est.
Les dynamiques sociales de l'action publique de
l'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs au Cameroun et
particulièrement dans la région de l'Est permettent d'analyser
l'ancrage sociologique desdits tribunaux dans les mentalités, les
pratiques quotidiennes et dans l'habitus des populations de la
région de l'Est. Cette sociologie de l'implémentation s'inscrit
dans une dimension cognitive qui permet de saisir l'impact des institutions de
justice administrative sur les comportements des populations, en fournissant
des schèmes de représentation cognitifs que se taillent les
administrés de la région de l'Est.
Cette partie au détail, s'attèle à faire
une évaluation de la politique de décentralisation de la justice
administrative, via la réception du Tribunal Administratif dans la
région de l'Est. Elle permet de mesurer l'impact qu'a eu
l'institutionnalisation de la juridiction administrative à l'Est, sur
les comportements des populations et des autorités administratives de
cette région. De plus dans cette partie, il sera question d'analyser la
connaissance par les populations de la région de l'Est, des
règles de procédure pour saisir le juge administratif et avoir
ainsi accès à la justice administrative. A l'épreuve des
faits, l'on constate une sous connaissance des règles de
procédures par les populations pour saisir le juge administratif, ceci
en raison de plusieurs causes liées soit à l'organe de la justice
administrative, soit à la politique de décentralisation de cette
justice. C'est la raison pour laquelle, nous nous lançons dans une
ébauche de thérapie visant à garantir l'accès
à la justice administrative au citoyen lambda au Cameroun.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
68
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
CHAPITRE III :
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DANS LA REGION DE L'EST
: UN CAS LIMITE D'INANITE INSTITUTIONNELLE
INTRODUCTION
Evaluer l'institutionnalisation du Tribunal Administratif dans
la région de l'Est revient à exhumer les logiques qui sou tendent
l'atteinte des objectifs fixés par la politique de la
décentralisation de la justice administrative au Cameroun. Dans cette
direction, les Policy analysis permettent ainsi d'évaluer
l'ingénierie sociale du Tribunal Administratif de la région de
l'Est pour ainsi faire ressortir les instruments qui permettront de mesurer
l'adéquation entre les objectifs visés par la politique, et les
résultats présentistes.
La sociologie politique du Tribunal Administratif de la
région de l'Est, dans son rapport avec la société
révèle, davantage les dimensions de sa nécessité
que celles de son utilité. En effet, l'institutionnalisation dans le
domaine de la sociologie de l'action publique ne permet pas seulement
d'appréhender les actions des institutions, mais les actions des divers
acteurs pris en réseaux d'interdépendance, impliquant ainsi
à différents niveaux ces logiques d'institutionnalisation. Compte
tenu de cela, l'institutionnalisation serait multi acteurs et multi niveaux. La
décentralisation de la justice administrative au Cameroun
analysée sous l'angle de la sociologie de l'action publique revient
à exhumer les dimensions verticales et top down d'une telle
action relativement à son utilité dans l'analyse de la relation
entre le tribunal et les populations de la région de l'Est.
La sociologie de l'action publique saisie par les institutions
met en exergue la nécessité de penser l'action
publique150 de l'institutionnalisation car une institution de
caractérise par sa durabilité et sa relation avec les acteurs qui
l'incarnent.
150P. Duran, Penser l'action publique, Paris,
LGDJ, 1999.
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69
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
L'institutionnalisation d'une juridiction administrative dans
la région de l'Est analysée sous l'angle du néo
institutionnalisme sociologique permet en effet de mettre en relation la
politique de décentralisation de la justice administrative dans ses
rapports avec les populations de la région de l'Est mettant ainsi
à la lumière le déficit d'information (section I), tout
comme l'ignorance révélée des procédures de saisine
du juge administratif par les populations n'en constitue pas moins un
déficit de formation (section II).
Section I- La décentralisation de la justice
administrative au Cameroun et les populations de la région de l'Est
Les dimensions multi acteurs et multi niveaux de l'action
publique aujourd'hui, mettent en exergue les logiques de participation, sinon
de concertation, du moins d'implication des différents acteurs dans les
processus de façonnement, de fabrication et d'implémentation des
politiques publiques, car elles sont censées refléter une
réalité sociale qui s'est posée et s'est imposée en
tant que problème public. De ce point de vue, la décentralisation
de la justice administrative au Cameroun relativement à son
implémentation dans la région de l'Est correspond peu, à
la vision ou à l'effet qu'a voulu lui donner le politique151
(paragraphe 1). De plus, l'épreuve des faits et les descentes sur le
terrain permettent d'extraire chez les populations, les aspects liés
à une absence de vulgarisation de la décentralisation de la
justice administrative dans la région de l'Est (paragraphe 2).
Paragraphe 1- L'inadéquation de la vision de
décentralisation de la justice administrative dans la région de
l'Est
La décentralisation de la justice administrative telle
que pensée au Cameroun, avait pour intention et vision, de rapprocher la
justice administrative des administrés locaux, afin de combattre
l'arbitraire administratif dans toute l'étendue du territoire. Mais,
à l'épreuve des faits, cette vision n'en reste qu'une dans la
région de l'Est car, si le rapprochement du juge administratif des
administrés locaux a été l'un des points focaux de cette
politique, la distance demeure encore un obstacle important pour l'accès
à la justice administrative dans la région de l'Est (A), car il
était en effet possible de rapprocher la justice administrative
administrés locaux d'une autre manière (B).
151Entendu ici comme polity,
c'est-à-dire le système politique.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
70
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
A- Etat de la proximité entre la juridiction
administrative et les populations dans la région de l'Est
L'institutionnalisation d'un Tribunal Administratif, dit de
proximité dans la région de l'Est, n'a pas fondamentalement
changé les aspects liés à la distance,
appréhendée comme obstacle dans l'accès à la
justice administrative. C'est état des choses se vérifie
brillamment dans le fait que la région de l'Est est la plus vaste du
Cameroun, et les distances entre les départements, les arrondissements
et les villages (1) sont d'autant plus considérables que, les saisines
du juge administratif frisent le néant dans cette région (2).
1- Le maintien de l'obstacle lié à la
distance dans l'accès au juge administratif dans la région de
l'Est.
La région de l'Est qui a une superficie d'environ 109
002 Km2 compte quatre départements qui sont
considérablement éloignés l'un par rapport à
l'autre. Le Tribunal Administratif est logé dans la ville de Bertoua
chef-lieu du département du Lom- et-djérem. Cet état de la
décentralisation de la justice administrative dans la région de
l'Est ne peut pas facilement permettre aux populations de certains villages qui
sont considérablement éloignés de Bertoua d'avoir
accès au juge administratif.
Ainsi les descentes auprès des populations du nouveau
village Lom Pangar et du village Lom 2152 révèlent que
la distance entre ces villages et la ville de Bertoua demeure un obstacle
important dans la saisine du juge administratif, car 110 Km séparent la
ville de Bertoua et le village Lom 2. De plus, la distance qui sépare
les départements, les arrondissements et les villages de la
région de l'Est s'apprécie également comme des
écueils à l'accès à la justice administrative.
De ce point de vue, en prenant simplement les chefs-lieux des
départements, la ville de Batouri est séparée par 90 Km de
la ville de Bertoua, celle de Yokadouma nécessité un parcours de
279 Km pour les populations si celles-ci prétendent saisir le juge
administratif et la ville d'Abong-Mbang est séparée par 30 Km de
la ville de Bertoua. Cette distanciation entre les villes et les villages est
peut être à l'origine du caractère insignifiant du taux de
saisine du Tribunal Administratif de la région de l'Est.
152Villages où ont été
recasées les populations déguerpies pour la construction du
Barrage hydroélectrique de Lom Pangar
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
71
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
2- L'insignifiante activité contentieuse du
Tribunal Administratif de la région de l'Est
L'exploration des minutes de greffes du Tribunal Administratif
de la région de l'Est révèle une activité
contentieuse qui frise le néant. En effet, le taux de saisine du juge
administratif y est encore insignifiant, en comparaison par exemple avec le
taux de saisine du juge administratif à Douala, à Yaoundé
ou encore à Bafoussam (voir tableau n°1). Le diagnostic d'un tel
état de choses exhume plusieurs causes et permet ainsi de corroborer
l'idée selon laquelle l'institutionnalisation des Tribunaux
Administratifs est davantage une politique publique qu'elle en est une action
publique.
Tableau n°2 : comparaison de
l'activité contentieuse de quelques T.A au Cameroun
Tribunaux Administratifs
|
recours introduits par mois
|
recours introduits par trimestre
|
recours introduits par an
|
Bafoussam
|
15
|
45
|
180
|
Bertoua
|
1
|
3
|
12
|
Douala
|
60
|
180
|
720
|
Yaoundé
|
30
|
90
|
360
|
Source : Greffe de chaque Tribunal
Administratif.
Le tableau ci-dessus démontre le caractère
insignifiant de l'activité contentieuse du T.A de la région de
l'Est en comparaison avec l'activité contentieuse des autres T.A au
Cameroun, en l'occurrence de celui de Bafoussam, de Yaoundé et de
Douala. En effet, pendant que l'on note une presque submersion contentieuse
chez les juges administratifs de Douala ou encore de Yaoundé, les juges
administratifs de Bertoua se tordent les pouces car l'activité
contentieuse frise avec le néant. Ainsi, sur l'ensemble des recours
introduits dans ces quatre juridictions depuis leur
opérationnalité c'est-à-dire de janvier 2014 à
janvier 1015, ceux introduits à l'Est ne représentent que 0,94%
de la totalité des recours contentieux. De plus même au niveau des
décisions rendues, le T.A de la région de l'Est n'a rendu sur la
même période qu'un référé administratif, un
sursis à exécution et deux jugements153.
153Entretien mené avec le Greffier en chef du
T.A de l'Est, le jeudi 9 avril 2015 à 12h 10 minutes.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
72
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
B- Un difficile combat contre l'arbitraire
administratif local
L'une des visées de la politique de
décentralisation de la justice administrative au Cameroun était
non seulement de rapprocher le juge administratif des administrés
locaux, mais également de combattre l'arbitraire administratif dans
toute l'étendue du territoire. Dans la région de l'Est en
l'occurrence, l'opérationnalité de cette vision est difficile,
compte tenu de la quasi-spécialisation du contentieux administratif dans
le domaine foncier (1), c'est la raison pour laquelle il importait certainement
de rapprocher autrement cette justice administrative des administrés
locaux (2).
1- La quasi-spécialisation du contentieux
administratif en le domaine foncier à l'Est
Au Cameroun, les domaines du contentieux administratif sont
de plusieurs ordres, parmi lesquels le domaine foncier. A la consultation des
minutes de greffe du tribunal administratif de la région de l'Est, l'on
peut extraire une forte spécialisation contentieuse. Les litiges
fonciers dans la région de l'Est sont les affaires plus connues par les
juges administratifs. En effet, même si le taux de saisine de la
juridiction administrative frise le néant dans cette région, les
litiges fonciers représentent plus de 80% des recours
transférés par la Chambre Administrative de la Cour Suprême
au Tribunal Administratif, et de plus, les décisions rendues jusqu'ici
par le T.A de l'Est ressortissent presque ou en totalité du domaine
foncier. Cette forte spécialisation du contentieux administratif dans
cette région suscité ainsi une interrogation sur l'utilité
de l'institutionnalisation de cette juridiction et laisse ainsi penser qu'il
était possible de rapprocher la justice administrative des populations
par le biais d'un tout autre procédé.
2- De l'échec de la proximité à la
révision du rapprochement
Il est clair que, compte tenu du volume du contentieux dans le
Tribunal Administratif de l'Est et le nombre de recours
transférés par la Chambre administrative de la Cour Suprême
à cette juridiction, il était possible de rapprocher autrement la
justice administrative des administrés locaux. En effet, d'après
un de nos enquêtés, « il était possible de rapprocher
autrement la justice administrative des administrés locaux en organisant
des audiences foraines qui réuniront les litiges administratif des
régions à faible volume contentieux
»154.
154Ibidem
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
73
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
Au regard de cette considération, il est évident
que sous un rapport actuel comme nous le démontrerons par la suite,
l'institutionnalisation d'un Tribunal Administratif dans la région de
l'Est est en quête de pertinence, car le domaine de la justice
administratif dans la région de l'Est est encore très
embryonnaire, le confort aussi bien intellectuel que financier n'en favorisant
pas l'exercice, tout comme l'absence de vulgarisation de la politique de
décentralisation de la justice administrative au Cameroun.
Paragraphe 2- Une absence de vulgarisation de la politique
de décentralisation de la justice administrative dans la région
de l'Est
La politique de décentralisation de la justice
administrative n'a pas fait l'objet d'une vulgarisation dans la région
de l'Est. A l'épreuve des faits, l'information n'a pas été
véhiculée et relayées auprès des populations de
cette localité qui ignorent en majorité, l'existence d'un T.A
dans leur région (A), affichant de ce fait un
désintérêt important et prégnant pour les causes de
justice administrative car connaissant très peu l'utilité d'une
juridiction administration et dont du juge administratif. (B).
A- Une méconnaissance de l'existence d'un
Tribunal Administratif à l'Est par les populations
L'analyse des rapports entre le T.A de l'Est et les
populations révèle que celles-ci n'ont pas été
impliquées dans les logiques de formation et d'institutionnalisation
dudit T.A. En effet, les descentes sur le terrain nous ont permis de constater
dans l'ensemble de l'échantillon, une méconnaissance accrue de
l'existence d'un T.A dans la région de l'Est (1), ceci dû à
une forte paupérisation des populations qui se sentent moins
concernées pas les affaires de justice administrative (2).
1- Etat de la connaissance de l'existence d'un
Tribunal Administratif à l'Est dans
l'ensemble de l'échantillon
Les résultats obtenus lors de nos descentes sur le
terrain relativement à la connaissance même de la part des
populations de la région de l'Est, de l'existence d'un T.A, ont
été très négatifs. Dans les catégories de
l'échantillon, l'on note le fait majoritaire de la méconnaissance
de l'institutionnalisation d'un T.A dans la région de l'Est. Le tableau
ci-dessous fait alors l'état de la connaissance au sein des
catégories de l'échantillon, de l'existence d'un T.A dans la
région de l'Est.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
74
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
Tableau n°3 : connaissance de l'existence
d'un T.A par les populations de la région de l'Est
Populations cibles
|
Nombres d'enquêtés
|
Réponses positives
|
Réponses négatives
|
1. Commerçants et activistes
|
60
|
8
|
52
|
2. Etudiants, élèves et chômeurs
|
25
|
5
|
20
|
3. Autochtones/propriétaires terriens
|
15
|
3
|
12
|
|
Total
|
100
|
16
|
84
|
Source : enquête menée
auprès des populations de la région de l'Est les7, 8, 9 et 10
avril 2015.
Ce tableau fait ainsi l'état de la connaissance de
l'existence d'un T.A dans la région de l'Est. Dans toutes les
catégories de l'échantillon, l'on note une forte
méconnaissance de l'existence d'un T.A à l'Est. Ainsi, 84% de la
population de la région de l'Est est ignorante de l'existence d'un T.A
à l'Est. A l'analyse dans chacune des catégories de
l'échantillon, les commerçants et activistes sont paradoxalement,
les moins avisés en ce qui concerne la connaissance de l'existence d'un
T.A à l'Est car seulement 13,33% de cette population est au parfum de
son existence, contre 20% chez les étudiants, élèves et
chômeurs, et 20% chez les autochtones et propriétaires
terriens.
De plus, dans la catégorie intégrant les
commerçants et les activistes, la connaissance de l'existence d'un T.A
à l'Est est encore plus dérisoire, car seuls les
propriétaires des grands magasins et les grandes boutiques connaissent
l'existence d'un T.A à l'Est. Cet état des choses trouverait,
certainement, une explication en le caractère des populations de la
région de l'Est, qui se sentent moins concernés par les causes de
justice administratives que par leur survie.
2- Un désintérêt prégnant des
populations pour les causes de justice administrative
L'intérêt pour les causes de justice
administrative est la chose du monde la moins partagée pour les
populations de la région de l'Est. Un tel désintérêt
trouverait une explication dans les relations entre l'administration et les
administrés dans la région de l'Est. Les descentes sur le terrain
nous ont en effet permis de comprendre et d'extraire chez les
enquêtés une crainte assez poussée de l'autorité
administrative. Le tableau qui suit, fait état de
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
75
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
la peur ressentie par les populations de la région de
l'Est vis-à-vis de l'autorité administrative ou de
l'administration toute entière.
Tableau n°4 : connaissance de la justice
administrative et possibilité pour les populations de se confronter
à l'administration
|
Raisons accusées
|
Populations cibles
|
Nombre d'enquêtés
|
connaissance de la justice administrative
|
impossibilité de se confronter
à l'administration
|
L'Etat est tout puissant
|
Manque de
moyens
|
1. Commerçants et activistes
|
60
|
9
|
52
|
50
|
2
|
2. Etudiants, élèves et chômeurs
|
25
|
2
|
23
|
12
|
11
|
3.
Autochtones/propriétaire s terriens
|
15
|
9
|
13
|
12
|
1
|
|
Total
|
100
|
20
|
88
|
74
|
14
|
Source : enquête menée
auprès des populations de la région de l'Est les 7, 8, 9 et 10
avril 2015.
Ce tableau multi colonnaire établie la photographie
à la fois de la connaissance de la justice administrative chez les
populations de la région de l'Est, en même temps qu'il exhume la
possibilité qu'ont les populations de se confronter à
l'administration tout comme il fait état des raisons accusées par
ces populations ayant répondues par la négative.
Ainsi, seulement 20% de la population de la région de
l'Est connait ce qu'est la justice administrative ; de plus 88% de la
population de la région de l'Est pense être incapable de se
confronter à l'administration car 74% de la population estime que l'Etat
est tout puissant et que par conséquent il leur est impossible
d'intenter une action en justice contre lui, et 14% de la population de la
région de l'Est évoque le manque de moyens comme
impossibilité pour eux d'intenter un procès contre la puissance
publique. Cet état des choses justifierait ainsi l'ignorance des
populations de la région de l'Est, relativement à
l'utilité du juge administratif.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
76
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
B- La connaissance de l'utilité du juge
administratif chez les populations de la région de l'Est
La connaissance de l'utilité ou de l'importance d'un
juge administratif au sein des populations de la région de l'Est est
d'un caractère extrêmement dérisoire. Les populations de la
région de l'Est sont en majorité ignorantes de l'utilité
d'un juge administratif (1), et n'opèrent cependant pas une distinction
entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire dans les
litiges qui les opposeraient à l'administration puissance publique
(2).
1- Le caractère dérisoire de la
connaissance de l'utilité d'un juge administratif au sein de
l'échantillon
La connaissance de l'utilité de juge administratif par
les populations de la région de l'Est n'est pas importante. En effet,
dans l'ensemble de l'échantillon on peut observer les logiques
liées à une prégnante ignorance de ce à quoi
servirait un juge administratif. Le tableau ci-après, fait état
de la connaissance de l'importance sinon de l'utilité d'un juge
administratif par les populations de la région de l'Est.
Tableau n°5 : connaissance de
l'utilité du juge administratif chez les populations de la région
de l'Est
Populations cibles
|
Nombre d'enquêtés
|
Réponses positives
|
Réponses négatives
|
1. Commerçants et activistes
|
60
|
7
|
53
|
2. Etudiants, élèves et chômeurs
|
25
|
1
|
24
|
3. Autochtones/propriétaires terriens
|
15
|
7
|
8
|
|
Total
|
100
|
15
|
85
|
Source : enquête menée
auprès des populations de la région de l'Est les 7, 8, 9 et 10
avril 2015.
Dans l'ensemble de la population de la région de l'Est,
le juge administratif est encore méconnu, un point de vue de son
utilité. Ainsi, 85% de la population de la région de l'Est est
ignorante de l'utilité d'un juge administratif.
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77
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
La consultation des minutes de greffe du T.A de l'Est
révèle une forte spécialisation du contentieux dans le
domaine foncier. Ce serait donc analysé comme un paradoxe, que de
constater que plus de la moitié de la population autochtone et des
propriétaires terriens, soit 53,33%, ignore l'utilité d'un juge
administratif. Ceci expliquerait peut être le fait qu'il n'existe pas
chez les populations de la région de l'Est, une forte distinction entre
la juridiction administrative et la juridiction judiciaire.
2- Une indifférenciation entre la juridiction
administrative et la juridiction judiciaire chez les populations de la
région de l'Est
La distinction entre la juridiction administrative et la
juridiction judiciaire n'est pas très légion dans la
région de l'Est. Les descentes sur le terrain nous ont permis d'extraire
une forte indifférenciation entre la juridiction administrative et la
juridiction judiciaire de la part des populations.
En effet, à l'analyse, nous nous rendons compte du fait
que, dans toutes les catégories de l'échantillon, les populations
sont encore très majoritairement cantonnées dans des
règles de procédures de droit privé qui régissent
les rapports entre les particuliers mais par contre, les règles de droit
public administratif ou davantage de contentieux administratif restent et
demeurent une bastille à prendre pour elles. Ce constat est donc
à l'origine de plusieurs irrecevabilités des recours introduits
auprès des juges judiciaires de l'Est, pour incompétence.
L'entretien mené avec le Greffier en chef du T.A de l'Est nous a ainsi
permis de dénombrer deux recours renvoyés auprès du T.A
par la juridiction judiciaire, les populations de la région de l'Est
font preuve d'un sous-développement juridique important car elles sont
majoritairement ignorantes des procédures de saisine du juge
administratif camerounais.
Section II- Le sous-développement juridique des
populations de la région de l'Est
Dans la région de l'Est et en matière de
contentieux administratif, l'ignorance des procédures par les
populations reste et demeure « un cimetière où vont
s'enterrer les prétentions contentieuses des requérants
»155. En la réalité, les populations de
la région de l'Est font preuve d'un sous-développement juridique
important dans le domaine du contentieux administratif camerounais. Dans toutes
les catégories de l'échantillon, les règles
155Luc Sindjoun, « A propos du droit
administratif processuel au Cameroun : l'invention du bon justiciable, la
production de la croyance dans le juge et la distinction contentieuse de l'Etat
», in Revue Juridique Africaine, Maurice Kamto et Paul
Gérard Pougoué (dir), 1992- 1993, p.215.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
78
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
de procédures sont les moins connues par les
populations (paragraphe 1), de plus l'exploration du niveau de vie de ses
populations laisse présager et comprendre que le coût de la
procédure administrative contentieuse demeure encore un obstacle
important pour l'accès à la justice administrative (paragraphe
2).
Paragraphe 1- Les populations de la région de l'Est
et la procédure administrative contentieuse
La procédure est ce qui dans le fond, fait la
particularité et la singularité du contentieux administratif
camerounais. C'est en effet ces règles de procédure qui
permettent aux populations Camerounaises en général, de voir le
contentieux administratif comme une matière ésotérique.
Les populations de la région de l'Est ne se départissent pas de
ce constat. Dans toutes les catégories de l'échantillon, et
à l'analyse, il est possible de conclure que la procédure
administrative contentieuse reste encore le domaine le moins connu, ou
davantage le plus méconnu par les populations de la région de
l'Est (A). Ceci s'expliquerait certainement par l'environnement sociétal
de la région de l'Est où l'on note une théorie et une
pratique du droit très dérisoires (B).
A- L'ignorance des procédures de saisine du juge
administratif par les populations de la région de l'Est
Les populations de la région de l'Est connaissent
très peu la procédure administrative contentieuse. En effet, les
descentes sur le terrain permettent de comprendre que la procédure
administrative contentieuse est un obstacle à l'accès à la
justice administrative pour ces populations qui d'une part l'ignore
complètement (1), mais préfèrent en majorité les
autres types de règlements de litiges, corroborant ainsi l'idée
selon laquelle vaut mieux un mauvais arrangement qu'un bon procès
(2).
1- Une méconnaissance accrue des
procédures dans toutes les catégories de
l'échantillon
La sociologie de la connaissance des procédures de
saisine du juge administratif dans la région de l'Est
révèle une ignorance profonde chez les populations de ladite
région. De ce point de vue, le tableau ci-dessus se propose de faire
l'état de la connaissance des procédures de saisine du juge
administratif dans les catégories de l'échantillon.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
79
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
Tableau n°6 : connaissance de la
procédure administrative contentieuse dans la région de
l'Est
Populations cibles
|
Nombre d'enquêtés
|
Réponses positives
|
Réponses négatives
|
1. Commerçants et activistes
|
60
|
2
|
58
|
2. Etudiants, élèves et chômeurs
|
25
|
3
|
22
|
3. Autochtones/propriétaires terriens
|
15
|
1
|
14
|
Total
|
100
|
6
|
94
|
Source : enquête menée
auprès des populations de la région de l'Est les 7, 8, 9 et 10
avril 2015
A l'analyse il est clair et visible que la procédure
administrative contentieuse est très méconnue des populations de
la région de l'Est. Ainsi, 94% de la population de la région est
ignorante des procédures de saisine du juge administratif. Dans les
catégories de l'échantillon l'on note que seul 6,66% de la
population autochtone et des propriétaires terriens de la région
de l'Est connait la procédure de saisine du juge administratif. Or, dans
la population constituée des étudiants des élèves
et des chômeurs, 12% de la population connait comment intenter un
procès contre l'administration si celle-ci a posé un acte ou
s'est abstenue d'en poser. A l'observation, l'on constate que les
commerçants et activistes et commerçants constituent la
population la moins avisée en termes de connaissance de la
procédure administrative contentieuse car 96,66% est ignorante des s
modalités et formalités à remplir pour pouvoir ester
devant la juridiction administrative. Ces données font ressortir de
manière profonde, le sous-développement des populations dans la
région de l'Est car en réalité,« la procédure
administrative est très complexe ; c'est une affaire de professionnel
étant donné qu'il y'a trop de formalisme, par exemple trop de
délais imposés à peine de nullité, la plupart des
justiciables bute sur ces formalités d'entrée et cela conduit
l'irrecevabilité des recours »156.Toutefois,
dans leur rapport conflictuel avec l'administration, les populations de la
région de l'Est optent le plus souvent, pour des modes de
résolutions autres que les règlements contentieux.
156Entretien mené avec un juge administratif
dans la région de l'Est, mercredi, 8 avril 2015, à 13h 50
minutes.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
80
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
2- La prééminence des modes alternatifs
de règlement chez les populations de la région de
l'Est
De manière générale, nous pouvons lire
chez les populations de la région de l'Est, une phobie du juge,
quoiqu'elle trouve des explications dans leur déficit de formation et
d'information. En effet, de la croyance en la toute-puissance de
l'administration se développe un cadre sui generis de
règlement des différends qui parfois opposent l'administration
avec certains citoyens.
Les entretiens menés avec deux dans deux structures,
dont l'une était une quincaillerie et l'autre une poissonnerie, nous ont
permis de comprendre que dans la région de l'Est, le règlement
amiable est la plus adéquate et la plus usuelle. A un des
enquêtés de penser que « le règlement amiable quand tu
as les problèmes avec l'Etat est le meilleur moyen de te sortir des
problèmes, et en plus il permet de nouer de bonne relations avec l'Etat
; vos histoires de juge là sont très longues... ».
Ces affirmations permettent ainsi de comprendre que les modes alternatifs de
règlements des différends entre l'administration et les
administrés prennent véritablement le pas sur les modes
juridictionnels, car même si le règlement amiable est prévu
par les textes au Cameroun, les mêmes textes pourraient insidieusement
institutionnaliser157 et légitimer en même temps les
pratiques de corruption étant en outre donné que la pratique du
droit dans cette région n'est pas très prisée.
B- Une faible pratique du droit public administratif
dans la région de l'Est
Dans la région de l'Est, la pratique du droit,
notamment du droit administratif ou encore du contentieux administratif n'est
pas légion. Au regard de cela, le faible pourcentage des praticiens du
droit dans cette région (2) s'expliquerait certainement par l'absence ou
le caractère insuffisant des formations universitaires de droit dans
ladite région (1).
1- L'absence des formations universitaires de droit dans
la région de l'Est
L'une des particularités de la région de l'Est
est qu'on n'y retrouve aucune université d'Etat. Qu'à cela ne
tienne, il existe néanmoins une université privée dans
ladite région qui offre quand même une formation en droit au sein
de la Faculté des Sciences Sociales et de Gestion ; il s'agit de
l'Institut Catholique de Bertoua. Si cette université s'attèle
autant que
157G.S Bakoa Bakoa, L'institutionnalisation de
la corruption au Cameroun, Mémoire de DEA en science politique,
Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Université de
Yaoundé II, 2007.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
81
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
faire se peut à mettre à la disposition des
populations de la région de l'Est des connaissances en matières
de droit, force est de noter que toutes les populations de la région de
l'Est ne peuvent avoir accès à cette institution car le
coût de la formation est important en comparaison avec le niveau de vie
des citoyens.
De plus, en faisant la sociographie des étudiants
inscrits dans la Faculté de Sciences Sociales et de Gestion de
l'Institut Catholique de Bertoua, l'on note le fait minoritaire des populations
originaire de la région de l'Est. Cette quasi absence des formations
universitaires de droit dans la région de l'Est expliquerait le fait
qu'il y'ait une faible pratique du droit dans cette région car la
théorie n'est pas assise par les populations, ce qui dresse le lit du
pessimisme du point de vue de la pratique proprement dite, car «confort
intellectuel des populations pose un problème »158.
2- Une faible présence des praticiens du droit
dans la région de l'Est
Si dans le contentieux administratif camerounais le service de
l'avocat n'est pas indispensable, l'on observe néanmoins dans la
région de l'Est une absence notoire de praticiens du droit, en termes
d'avocats ou encore de professeur d'université.
Dans le domaine du contentieux administratif, en l'occurrence,
la région de l'Est n'enregistre jusqu'ici, aucun avocat formé et
spécialisé dans la justice administrative, encore moins aucun
professeur de droit public administratif qui dans certains cas pourrait venir
en aide à certains citoyens désireux de se confronter à
l'administration quand celle-ci a posé ou s'est abstenue de poser un
acte qui leur fait grief. Cette absence de professionnels du droit en
l'occurrence du droit public administratif peut ainsi être
analysée comme étant à l'origine d'une faible pratique
administrative contentieuse au sein du Tribunal Administration de la
région de l'Est car ceci pourrait également être
appréhendé comme un écueil quant à l'accès
au juge administratif, étant donné que les procédures de
saisine sont encore très méconnues par les populations de la
région de l'Est qui, non seulement se heurtent à cet obstacle,
mais également, rencontrent des dissuasions d'ordre financier quand ils
prétendent recourir au règlement juridictionnel dans les
différends qu'il auraient eu avec l'administration puissance
publique.
158Idem
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
82
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
Paragraphe 2- Le coût de la procédure comme
obstacle à l'accès à la justice administrative pour les
populations de la région de l'Est
L'accès à la justice administrative est
subordonné à certaines conditions financières que doit
remplir tout requérant voulant intenter un procès contre
l'administration. Etant donné la nécessité de faire
fonctionner les Tribunaux Administratifs il importe de verser certaines sommes
qui seront utilisées pour des causes diverses et visant à
garantir la bonne administration de la justice administrative (A), quoique,
l'importance de ces conditions financières peut être
appréhendée comme un frein à l'accès au juge pour
les populations de la région de l'Est (B).
A- Consistance panoramique du coût d'une
procédure administrative contentieuse au Cameroun
Le coût de la procédure administrative
contentieuse au Cameroun se trouve être assez consistant pour le citoyen
lambda. En effet, lorsqu'on comptabilise les frais que peut débourser un
justiciable du début de la procédure jusqu'au jugement, l'on se
rend compte du fait qu'intenter une action auprès du juge administratif
n'est pas une action à la portée de tout citoyen camerounais
encore moins du citoyen de la région de l'Est, car les émoluments
auxiliaires de justice (1), et les honoraires d'avocat (2) sont assez
consistants.
1- La substance des émoluments auxiliaires de
justice au Cameroun
Concernant la consistance du coût de la procédure
administrative, un de nos enquêtés pensait « qu'il vaut
mieux parler de la gratuité de la justice administrative au Cameroun
».Peut-être voyait-il juste car sa position présageait
une certaine opulence qui le mettait à l'abri d'un u certain nombre de
besoins. Toutefois, est-ce pareil chez le citoyen lambda qui vit en dessous du
seuil de pauvreté ?
L'exploration de la consistance des émoluments de
justice dans le domaine de la justice administrative révèle que
la requête introductive d'instance donne lieu à la consignation
d'une provision de vingt mille francs159, de plus, une consignation
supplémentaire peut en cas de nécessité, être
ordonnée par le président du tribunal160. Les
descentes sur le terrain et les expertise sont aux frais du requérant,
tout comme les indemnités des témoins qui varient de
159Article 34 alinéa 1 de la loi
n°2006/022 du 29 décembre 2006 portant organisation et
fonctionnement des Tribunaux Administratifs.
160Ibidem, alinéa 3
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83
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
500 à 7000 Francs. De ces considérations, ces
frais peuvent considérer un obstacle important pour l'accès
à la justice administrative par le citoyen lambda.
2- Les honoraires d'avocat
Dans le procès administratif, le ministère
d'avocat n'est pas indispensable, car la procédure y est
majoritairement, voire essentiellement inquisitoriale. Mais, le
ministère d'avocat s'avère être important pour le citoyen
lambda qui ne maitrise pas le droit, et dont doit se faire
représenter.
Mais d'entrée de jeu, cette représentation n'est
pas gratuite, car l'avocat vit de son art. Dans cette logique le justiciable
doit lui verser une certaine somme d'argent pour que celui-ci le
représente et défende ses droits. Le requérant qui a
solliciter un avocat, devrait en principe lui verser cinq milles (5000) pour
les droits fixes de constitution du dossier et dix à deux cent mille
pour les droits proportionnels selon la difficulté de l'affaire et
l'importance de la procédure. Compte tenu de ces données, il est
difficile au citoyen lambda, en l'occurrence celui de la région de
l'Est, d'avoir accès à la justice administrative, le confort
économique de l'ensemble des populations permettant difficilement de
supporter les frais de justice.
B- Le niveau de vie des populations de la région
de l'Est comme entrave à l'accès au juge administratif
L'analyse du niveau de vie des populations de la région
de l'Est se présente comme un obstacle pour elles, quant à
l'accès au juge administratif. En effet, les populations de la
région de l'Est sont en majorité commerçantes,
c'est-à-dire que l'activité la plus en vogue est le commerce, non
pas forcément au sens prévu les statuts et les textes de loi,
mais au sens où il est un moyen de survie pour toutes les populations de
cette région. Ainsi, si les populations de la région de l'Est ne
peuvent pas facilement avoir accès au juge administratif en raison de
leur niveau de vie (1), elles n'en demeurent pas moins ignorantes de la
possibilité existante de se voir attribuer une aide judiciaire pouvant
leur permettre de garantir le respect et le rétablissement de leurs
droits, lorsque ceux-ci ont été bafoués par
l'administration puissance publique (2).
1- La vie économique de l'ensemble de
l'échantillon
Les populations cibles ne présentent pas une vie
économique et financière assez fructueuse. A l'épreuve des
faits, la vie économique et financière des populations de
cette
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84
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
région relativement à leur revenu journalier ne
place pas l'accès à la justice administrative au premier rang des
priorités, même lorsque leurs droits ont été
violés. Ainsi, les autochtones et les propriétaires terriens ne
disposent pas de revenus stables pour ainsi permettre d'intenter un
procès contre l'administration. L'exploration du niveau de vie de
quelque enquêté nous a permis de comprendre que, dans la
région de l'Est, les populations ont davantage des besoins
physiologiques que des besoins de sécurité, d'appartenance,
d'estime ou encore d'auto-détermination161 ; à un des
enquêtés d'affirmer que, « nous, nous sommes les populations
de bas échelle, nous faisons notre petit commerce pour pouvoir vivre et
subvenir aux besoins de nos enfants. Aller encore en justice, et contre
l'administration, mon frère, ça c'est nous ruiner quand l'on sait
même que gagner un procès contre l'administration c'est faire
Yaoundé-Bertoua à pied »162.
De ce point de vue, elles ne peuvent lancer une action en
justice contre l'administration, car cette action leur prendrait non seulement
beaucoup de temps dans la quête de la satisfaction de leur besoin
physiologique, mais également beaucoup d'argent pour ainsi suivre
quotidiennement le dossier en instance auprès de la juridiction
administrative, étant donné qu'un très petit nombre de la
population est au courant de la possibilité d'octroi d'une assistance
judiciaire lorsque le justiciable ne dispose des moyens matériels ou
financiers pour faire valoir ses droits auprès de la juridiction
administrative.
2- La connaissance de l'existence d'une assistance
judiciaire par les populations de la région de l'Est
Dans l'optique de promouvoir l'Etat de droit au Cameroun via
la protection des droits des justiciables contre l'arbitraire administratif, il
est aménagé une assistance judiciaire pour les populations ou les
justiciables qui se trouvent dans l'incapacité matérielle ou
financière de veiller elles même, à ce que la justice leur
soit rendue.
Toutefois, force est de constater et de noter que cette
possibilité d'assurer que le droit soit dit sur un différend que
le justiciable aurait contre un autre particulier ou contre l'administration,
reste encore un secret des dieux. Dans le domaine de la justice administrative
en l'occurrence, la connaissance de l'existence de l'assistance judiciaire
reste encore une
161 Abraham H. Maslow théorise la hiérarchie des
besoins ; il part du principe selon lequel, les individus ont un ensemble
complexe de besoins exceptionnellement forts, qui peuvent être
classés dans un ordre hiérarchique. Voir dans cette direction,
Abraham H. Maslow, « Theory of human motivation », Psychological
Review, 1943, n°80, p370-396 ou son ouvrage Motivation and
personnality, New York, Harper and Row, 1970.
162Entretien mené avec une commerçante,
buyam sellam, le jeudi 9 avril 2015 à 9h 05 minutes.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
85
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
bastille à prendre, notamment par les populations de la
région de l'Est. Le tableau ci-contre fait état de la
connaissance de l'existence d'une assistance judiciaire dans l'ensemble de
l'échantillon.
Tableau n°7 : connaissance de l'existence de
l'assistance judiciaire par les populations de la région de
l'Est.
Populations cibles
|
Nombre d'enquêtés
|
Réponses positives
|
Réponses négatives
|
1. commerçants et activistes
|
60
|
1
|
59
|
2. Etudiants, élèves et chômeurs
|
25
|
3
|
22
|
3. Autochtones/propriétaires terriens
|
15
|
0
|
15
|
Total
|
100
|
4
|
96
|
Source : enquête menée
auprès des populations de la région de l'Est les 7, 8, 9 et 10
avril 2015
Au regard des descentes sur le terrain, nous constatons que
l'assistance judiciaire dans la région de l'Est est encore très
méconnue. En effet, dans toute la région de l'Est, 96% de la
population est ignorante de l'existence d'une assistance judiciaire, contre 4%
des populations qui en sont au courant. Les propriétaires terriens et
les autochtones sont la population la plus ignorante de cette
possibilité, avec un pourcentage de 0%, contre 1,66% chez les
commerçants et activistes. Les étudiants et les
élèves arrivent ainsi en première position, avec un
pourcentage de 12% de la population connaissant l'existence d'une assistance
judiciaire. Somme toute, l'accès à la justice administrative dans
la région de l'Est demeure encore enfouit dans les décombres des
obstacles financiers qui restreignent considérablement l'exercice des
droits des citoyens.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
86
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
CONCLUSION
Les politiques publiques d'accès à la justice
administrative au Cameroun ne se sont pas intégrées dans une
logique relationnelle, mais plutôt dans un registre unilatéral.
Elles ont été implémentées par le biais des
instruments de l'action publique à l'instar des normes et des lois. Mais
cette politique ne trouve réellement pas ça pertinence dans la
région de l'Est car l'exercice de la justice administrative y reste
encore très prisée.
Ce manque de pertinence de la politique publique
d'accès à la justice administrative notamment dans la
région de l'Est, se démontre de par la connaissance de
l'existence d'un T.A dans cette région par les populations, qui est de
16%, ou encore par le biais de la connaissance même ce qu'est la justice
administrative par les populations dont le pourcentage est de 20%. En outre,
seul 15% de la population de la région de l'Est connait l'utilité
d'un juge administratif, et la procédure de saisine de ce juge
administratif n'est connue qu'à 6% par les populations de la
région de l'Est. Cette quasi-ignorance et ce
désintérêt profond pour les causes de justice
administrative dans la région de l'Est-ce caractérise
également par une méconnaissance accrue de l'existence d'une
assistance judiciaire qui n'est connu qu'à 4% par l'ensemble de la
population.
Cette crise de la pertinence de la politique de
décentralisation de la justice administrative ne peut donc pas lui
permettre d'être efficace. Dans cette direction il importe de
réaménager ou davantage de réformer l'accès
à la justice administrative au Cameroun aussi bien dans son exercice que
dans son expression, pour en garantir l'accès à tous, la
protection des droits de justiciables, la bonne administration de justice
administrative et enfin la promotion de l'Etat de droit.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
87
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
CHAPITRE IV :
VERS UNE JUSTICE ADMINISTRATIVE ACCESSIBLE A TOUS
: ESSAI DE THERAPIE POUR UNE BONNE GOUVERNANCE DE LA JUSTICE
ADMINISTRATIVE AU CAMEROUN
INTRODUCTION
La réforme des politiques publiques d'accès
à la justice administrative n'a pas fondamentalement résolu le
problème de l'accès au juge administratif dans toute
l'étendue du territoire camerounais en général et
davantage dans la région de l'Est. En effet, l'évaluation des
politiques publiques appréhendée comme un avatar de la
planification163témoigne du déficit de concertation
dans les logiques d'implémentation de la politique de
décentralisation de la justice administrative au Cameroun.
De prime à bord, une politique publique est
censée avoir des impacts considérables sur les perceptions et les
comportements des populations cibles auxquelles elle s'applique. La pertinence
d'une politique publique se mesurant ainsi par ce biais, permet dans le cas
échéant de remarquer que l'institutionnalisation de la
juridiction administrative dans la région de l'Est n'a pas
fondamentalement modifié les représentations et perceptions des
populations de cette région. La redécouverte de
l'institutionnalisation constitue le point de départ d'une lecture et
même d'une relecture du politique, car met en évidence de
nouvelles interrogations sur le rôle politique des institutions en tant
que forme de régulation et de cohésion sociales. Les institutions
d'accès à la justice administrative au Cameroun permettent ainsi
de corroborer la thèse de l'émergence de l'Etat
régulateur, qui se développe dans les ruines de l'Etat
producteur164. En tout état de cause, ce retour de l'Etat qui
est d'un caractère tâtonnant165 ajouté à
la mise en oeuvre des politiques publiques qui dévoile le visage de
l'Etat
163Vincent Spenlehauer, L'évaluation des
politiques publiques, avatar de la planification, Thèse de
doctorat, en science politique, Université Pierre Mendes-France de
Grenoble, 1998, 357 pages.
164Auguste Nguelieutou, « L'évolution
de l'action publique au Cameroun : l'émergence de l'Etat
régulateur », Polis, RCSP/CPRS ; Vol 15 n°1et 2,
2008.
165B. Jessop, « Le retour tâtonnant de
l'Etat », in F. Arcy, et L. Rouban (eds), De la 5e
République. Hommage à Jean-Louis Quermonne, Paris, FNSP,
1996.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
88
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
aujourd'hui166 nécessite dans la plus part
des cas de penser à nouveau, sinon de repenser l'action publique et
même le service public. Cette préoccupation qui se pose et
s'impose avec acuité permet d'exhumer et d'implémenter l'action
publique dans une logique ascendante où administrateurs, usagers,
citoyens, chercheurs, agents, coproduisent les réponses aux
problèmes à tous les niveaux du tissu social et s'affirment comme
référent essentiel de cette politique.
Sous ces rapports, repenser les politiques publiques
d'accès à la justice administrative au Cameroun nécessite
ainsi, de réformer dans une double logiques matérielle et
fonctionnelle, les modalités qui en restreignent l'exercice tout en
balisant un cadre idoine, fondamental et propice à l'accès au
juge administratif par le citoyen lambda. Dans cette logique, si l'accès
à la justice administrative au Cameroun nécessite une
réforme profonde (section I), l'information et la formation des
populations s'affirment comme étant un canal important et indispensable
dans la vulgarisation de cette justice, dans la professionnalisation du droit
public administratif notamment enfin, dans l'édification de l'Etat de
droit au Cameroun (section II).
166P. Hassenteufel, « L'Etat mis à nu par
les politiques publiques ? », in Bertrand Badié et Yves Deloye,
Le temps de l'Etat, Mélanges à l'honneur de Pierre
Birnbaum, Paris, Fayard, 2007.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
89
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
Section I- Nécessité d'une réforme
de la justice administrative au Cameroun
Les défis posés à l'action publique
tiennent généralement à la situation sociale,
économique et parfois politique des sociétés humaines. Ces
défis institutionnels qui conditionnent très souvent la
mobilisation et l'innovation publiques semblent recéler une
réelle aptitude thérapeutique quand bien même ils sont
relevés, reflétant par là une cohésion sociale. Les
politiques publiques d'accès à la justice administrative au
Cameroun se sont affirmées comme étant pensées dans une
logique assez verticale. Or, les mutations de l'Etat dues à la
redéfinition de ses rôles imposent une autre logique dans la
conception et la maturation d'une politique publique, la société
politique étant déjà multi acteurs et multi niveaux.
Au regard des politiques de développement local,
l'affirmation et la détermination des populations locales occupent une
place prépondérante dans la fabrique de l'action publique
localisée, quoique le centre impulse toujours la dynamique
d'implémentation. De ce point de vue, il est d'essence nécessaire
de repenser le service public et l'action publique de l'accès à
la justice administrative au Cameroun. Cette réforme porterait ainsi sur
deux considérations majeures dont l'une serait structurelle et
matérielle (paragraphe 1), et l'autre essentiellement fonctionnelle
(paragraphe 2).
Paragraphe 1- La substance des réformes
matérielles et structurelles
Réformer l'accès à la justice
administrative au Cameroun impose de repenser le service public de la justice
administrative dans son ensemble. En effet, l'expression de la justice
administrative au Cameroun est parsemée d'embuches qui ne favorisent pas
la bonne administration de cette justice et partant, l'accès au juge
administratif. La justice administrative au Cameroun est régie par un
ensemble de textes épars qui imposent une lecture diagonale pour en
exhumer la substance ; or, le droit romano-germanique se particularise et se
démarque du droit anglo-saxon non seulement par son caractère
écrit, mais également par son caractère codifié.
Ainsi, la codification de la justice administrative au
Cameroun se pose en s'imposant comme une nécessité
impérieuse permettant ainsi la production d'un code de justice
administrative (A) pour une meilleure condensation de la justice administrative
et une facilitation de l'information des populations. Toutefois, cette
préoccupation serait sans intérêt fécond si la
justice administrative n'était pas davantage rapprochée des
administrés locaux.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
90
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
De ce point de vue, importerait-il d'arrimer l'architecture
juridictionnelle de la justice administrative à celle de la justice
judiciaire, pour réellement être plongé dans une logique de
décentralisation du juge administratif (B).
A- Nécessité de l'institutionnalisation
d'un code de justice administrative au Cameroun
La codification dans le domaine du droit à ceci de
particulier qu'elle regroupe et condense les textes au sein d'un seul et unique
document qui organise les aspects liés à l'objet de ladite
codification. Il s'agit donc d'une opération consistant essentiellement
à convertir les règles coutumières, en un corpus de
règles écrites et systématiquement regroupées dans
un document unique qui en rend compte. Dans le domaine de la justice
administrative au Cameroun en l'occurrence, la codification serait d'une
importance capitale car elle est perçue dans son ensemble comme un canal
de transmission du droit (2), quoiqu'en soi il n'est pas aisé de
codifier le droit administratif (1).
1- La justice administrative : un droit difficilement
codifiable
D'une manière générale, la
différence qui existe entre la justice administrative de la justice
judiciaire au Cameroun réside au niveau de l'institutionnalisation des
codes. En effet, si dans le domaine de la justice judiciaire au Cameroun, il
existe un Code Civil, un Code Pénal, un Code de Procédure Civile
ou encore un Code de Procédure Pénale, tel n'est pas le cas dans
le domaine de la justice administrative, où se sont de simples textes
épars qui en régissent la substance.
Les difficultés de codification de la justice
administrative résident pour l'essentiel, dans la nature du droit
administratif qui est un droit mouvant et vivant. De plus la
jurisprudence administrative notamment a joué et joue encore un
très grand rôle dans la formation et la maturation du droit
administratif. En sa qualité de droit vivant, il s'adapte ainsi aux
réalités de la société à laquelle il
s'applique, et les juges administratifs contribuent énormément
à le façonner à partir des jugements et des
décisions de justice qu'ils rendent ; de ce point de vue, la justice
administrative serait un droit essentiellement prétorien.
Ce caractère inhérent au droit administratif et
partant à la justice administrative favorise peu sa codification au
Cameroun, quoique dans certains Etats, l'on est parvenu à réunir
l'ensemble des textes dans un seul document appelé code de justice
administrative ; ce cette
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
91
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
considération, l'Etat camerounais pourrait adopter
cette mesure, pour ainsi permettre aux citoyens de disposer d'un
référent juridique lorsqu'ils ont un contentieux avec
l'administration, comme ils en disposent lorsqu'ils ont des litiges avec leurs
compatriotes.
2- La codification comme vecteur de transmission du
droit
De nos jours, la fabrique du droit positif passe par une forte
codification des règles qui régissent les rapports entre les
individus dans la société. En tant que vecteur de transmission du
droit, la codification permet en effet de mieux condenser les textes, afin de
les réunir dans un document appelé code.
Dans le domaine de la justice administrative au Cameroun en
l'occurrence, la codification à la fois du droit matériel et du
droit processuel dans un document unique appelé code de justice
administrative permettra aux citoyens d'avoir des références
exactes et précises, et de posséder un document qui sera pour eux
comme une boussole qui les orienterait quand un acte posé par
l'administration leur fera grief. De ce point de vue, la codification de la
justice administrative au Cameroun serait ainsi une courroie de transmission du
droit de générations en générations. De plus, si
dans l'ordre judiciaire, le droit est totalement codifié, pourquoi
afficher une attitude craintive relativement à l'institutionnalisation
d'un code de justice administrative qui en la matière ne serait pas une
première167.
L'entretien mené avec un de nos enquêtés
nous a permis de comprendre que la mise sur pied d'un code de justice
administrative serait de bon ton au Cameroun car il permettra « la
facilitation de la compréhension des règles de procédures
et l'information des justiciables et des praticiens du droit »,
car le droit administratif ne peut pas être indéfiniment
jurisprudentiel168
Toutefois, si l'institutionnalisation d'un code de justice
administrative s'affirme comme étant une mesure salutaire, il importe
tout de même de reconnaitre que le droit administratif dans son ensemble
est difficilement codifiable en raison de son caractère
extrêmement mouvant. De toute façon, si l'institutionnalisation
d'un code de justice administrative au Cameroun s'impose, une
amélioration de la proximité entre le juge administratif et
les
167Bon nombre d'Etat ont déjà
codifié la justice administrative. Ainsi, en France notamment il existe
un Code de Justice Administrative, pour l'exemple de l'Europe, et en Afrique
les Etats comme le Burundi dispose également d'un Code de Justice
Administrative.
168George Vedel, « Le droit administratif peut-il
être indéfiniment jurisprudentiel ? » in Etudes et
documents du Conseil d'Etat, 1970-80, n°31, p.31.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
populations se pose avec acuité dans les logiques de
saisine du juge administratif camerounais.
B- Nécessité d'une localisation
poussée de la juridiction administrative au Cameroun
Le rapprochement de la justice administrative des
administrés ou des justiciables locaux constitue une condition
«sine qua non« dans la facilitation de l'accès au juge
administratif. L'effort camerounais de rapprochement de cette juridiction
administrative, matérialisé par l'institutionnalisation des T.A,
se veut davantage être densifié. En effet, même si les
possibilités d'avoir un litige avec l'administration ne sont pas
comparables aux possibilités des particuliers d'entrer en litige entre
eux il importe, tout de même, d'arrimer l'architecture institutionnelle
de la justice administrative à celle de la justice judiciaire pour un
réel quadrillage juridictionnel du territoire camerounais (1), pour
permettre aux populations où qu'elles soient de pouvoir avoir
accès au juge administratif. Cet état des choses permettra ainsi
à la justice administrative camerounaise de gagner en rapidité et
en célérité (2).
1- Le quadrillage juridictionnel du territoire
camerounais par la juridiction administrative
Le quadrillage juridictionnel a pour principale vertu,
l'extension de la juridiction administrative sur toute l'étendue du
territoire. En effet pour que la justice administrative soit davantage proche
des justiciables Camerounais, il importerait de mettre sur pied des
juridictions administratives dans chaque départements.
De ce point de vue, l'on aurait des T.A au niveau des
départements, les cours administratives d'appel au niveau des
régions et enfin la cassation administrative au niveau de la Chambre
Administrative de la Cour Suprême. Ce remodelage de l'architecture
institutionnelle de la juridiction administrative au Camerounais permettra
ainsi de mettre fin au double degré de juridiction au niveau de la
C.A/C.S qui statue en appel et en cassation, et permettra de ce point de vue de
mieux organiser l'accès à la justice administrative au Cameroun.
De cette considération, la juridiction administrative camerounaise se
présenterait comme suit.
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
Figure 2 : la possible architecture institutionnelle de
la juridiction administrative camerounaise
COUR
SUPRÊME (CHAMBRE ADMINISTRAIVE)
ETAT
COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL
REGION
TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DEPARTEMENT
Cette figure pyramidale représente la possible
architecture institutionnelle de la juridiction administrative camerounaise,
relativement aux soucis de la rapprocher des justiciables et de
spécialiser chaque niveau de juridiction en matière
administrative contentieuse. De ce point de vue, les T.A seront des
juridictions administratives d'instance, les Cours Administratives d'Appel
seront compétentes pour l'appel des décisions rendues par les
T.A, et la C.A de la C.S connaitra exclusivement des pourvois en cassation
formés contre les décisions rendues par les Cours Administratives
d'Appel.
Dans cette logique la France, notamment a emboité le
pas à l'Etat camerounais en hiérarchisant la justice
administrative relativement à la mise sur pied de trois niveaux de
juridiction institutionnellement et fonctionnellement distincts, à
savoir le Conseil d'Etat qui constitue la juridiction suprême, les Cours
Administratives d'Appel qui sont compétentes pour les recours en appel,
et les Tribunaux Administratifs qui constituent des juridictions de premier
degré en matière administrative contentieuse, ce qui permet une
rapidité et une célérité de la justice
administrative.
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UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
2- Pour plus de célérité et de
rapidité de la justice administrative au Cameroun
En décomposant ainsi la juridiction administrative au
Cameroun, on se rapproche considérablement de l'architecture
institutionnelle de la juridiction judiciaire qui fait l'objet d'un quadrillage
effectif du territoire. Dans cette logique, la juridiction administrative au
Cameroun serait mieux rapprochée des justiciables et favoriserait la
rapidité dans la saisine du juge et la socialisation les citoyens au
contentieux administratif et à la justice administrative.
Cette décentralisation et cette spécialisation
contentieuse de chaque juge administratif à son niveau de juridiction va
permettre une célérité de la justice administrative. Dans
cette logique, dans la région de l'Est en l'occurrence, l'on disposera
de quatre T.A, relativement à l'existence de quatre départements
dans cette région, et les obstacles relatifs à la distance entre
la juridiction administrative et les administrés locaux seraient
considérablement amenuisés, et les populations pourraient ainsi
avoir facilement accès au juge administratif, même s'il importe
encore pour cela, de réformer la justice administrative au Camerounais
d'un point de vue fonctionnel.
Paragraphe 2- Importance d'une réforme fonctionnelle
de la justice administrative au Cameroun
Au Cameroun, les règles régissant le
fonctionnement de la justice administrative ne favorisent pas
considérablement l'accès au juge administratif car elles
constituent dans certains cas, des écueils pour le justiciable, quand
celui-ci veut la réparation d'un préjudice qui lui a
été causé par l'administration, la loi
étant censée assurer à tous les hommes le droit
de se faire rendre justice. Vu dans cette logique, il importe
d'opérer une réforme fonctionnelle de la justice administrative
camerounaise, non seulement en élargissant les délais et en
spécialisation l'assistance judiciaire en matière administrative
(A), mais également en conférant au juge administratif
camerounais un véritable statut de jurislateur qui lui permet
d'être lui-même administrateur de ses décisions (B).
A- Extension des délais et spécialisation
de l'assistance judiciaire en matière administrative
Si les politiques publiques sont censées
résoudre des problèmes qui se sont posés comme
étant des préoccupations publiques, c'est qu'elles doivent
être le reflet de la société sur laquelle elles
s'appliquent. En effet,
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
si l'analyse des politiques publiques a contribué
à renouveler de manière spectaculaire un certain nombre
d'interrogations fondamentales de la science politique, cette entreprise se
heurte aujourd'hui à un certain nombre d'obstacles pour répondre
à ce qui reste l'une des questions centrales de la science politique :
comment fabrique-t-on de l'ordre dans une société complexe ? Dans
la mesure où elle considère que l'objet des politiques publiques
n'est plus seulement de résoudre les problèmes, mais de
construire des cadres d'interprétation du monde169
Dans cette logique, importe-t-il de réformer les
politiques publiques d'accès à la justice administrative au
Cameroun sous son rapport fonctionnel, non seulement en élargissant les
délais de saisine du juge administratif (1), mais également en
spécialisant l'assistance judiciaire en matière administrative
(2).
1- Nécessité d'une réforme des
délais de saisine du juge administratif au Cameroun
Le formalisme poussé de la justice administrative
camerounaise se présente généralement aux yeux des
populations comme un écueil important dans la saisine du juge
administratif. Les délais impartis à la saisine du juge
administratif camerounais nécessitent dans certains cas, d'être
élargis et dans d'autres d'être raccourcis, pour donner la
possibilité à tous les justiciables de faire valoir leurs
droits.
Dans cette direction le délai de soixante jours
prévu pour saisir le juge administratif lorsque le recours gracieux
à fait l'objet de rejet mérite d'être élargi pour
ainsi permettre aux justiciables de réunir toutes les données
matérielles ou financières pour se lancer dans un procès
contre l'administration. Ce délai de soixante jours pourrait donc
être élargi à quatre-vingt-dix jours, soit un trimestre,
dans l'optique de mieux garantir les droits des citoyens.
A contrario, un autre délai mérite d'être
raccourci, car pouvant véritablement plomber la
célérité de la justice administrative camerounaise. Il en
est ainsi du délai de trente jours imparti au ministère public,
pour rendre ses conclusions. En effet, « la présence du
ministère public est un frein à la célérité
de la justice administrative au Cameroun, car malgré le délai
169Pierre Muller, « L'analyse cognitive des
politiques publiques : vers une sociologie politique de l'action publique
», op.cit., p. 189
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
de trente jours qui lui est imparti, il peut arriver qu'il ne
respecte pas ces délais, car celui attend les ordres de la chancellerie
; ainsi, on est obligé d'attendre au siège
»170.
De ce point de vue, importe-t-il de non seulement de
raccourcir ce délai à 20 jours, mais également d'en
assurer le respect pour permettre à la justice administrative
camerounaise de gagner en rapidité et en célérité.
Les nécessaires réformes fonctionnelles de la justice
administrative camerounaise sont abondantes, car si la justice administrative
s'affirme comme étant une justice spéciale, certaines
règles régissant sont fonctionnement méritent
également d'être spécialisées. Il est ainsi de
l'assistance judiciaire qui somme toute nécessité d'être
adaptée et spécialisée dans le domaine du contentieux
administratif, pour maintenir et pérenniser la séparation des
ordres de juridiction au sein de l'Etat.
2- Nécessité d'une assistance judiciaire
spécialisée dans le contentieux administratif
Au Cameroun, l'assistance judiciaire est régie par un
seul texte à savoir le décret n°2009/004 du 14 avril 2009
portant assistance judiciaire. L'exploration de ce texte révèle
qu'il n'institue pas une commission d'assistance judiciaire devant les
Tribunaux Administratifs171. Cette commission est, en revanche,
instituée auprès des juridictions de l'ordre judiciaire, et le
texte prévoit en matière administrative, une assistance
judiciaire seulement auprès de la Cour Suprême.
Cet état des choses peut laisser croire que
l'assistance judiciaire est inopérante devant les Tribunaux
Administratifs, ce qui somme toute est une aberration dans un registre de
décentralisation de la justice administrative au Cameroun. De ce point
de vue, les réformes s'imposent et l'assistance judiciaire doit
être spécialisée en matière administrative. Dans le
fond, l'organisation de l'assistance judiciaire en matière
administrative doit être réformée, et adaptée aux
nécessités et à la particularité de l'ordre de
juridiction administratif. Au demeurant, dans le souci de faire respecter les
droits des justiciables et de construire l'Etat de droit, il importe de mettre
sur pied des mesures qui obligeront l'administration à exécuter
les décisions de justice ; cette réforme porte ainsi pour
l'essentiel, sur l'extension des pouvoirs du juge administratif camerounais.
170Entretien mené avec un juge administratif,
le mercredi 8 avril 1015 à 15h45 minutes.
171 En effet, cette loi prévoit que les demandes
d'assistance judiciaire sont instruites par des commissions instituées
auprès des tribunaux de première instance, des tribunaux de
grande instance, des tribunaux militaires, des cours d'appel, et auprès
de la cours suprême.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
97
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
B- Le nécessaire accroissement des pouvoirs du
juge administratif camerounais dans l'exécution des décisions de
justice
Au Cameroun l'exécution des décisions de justice
par l'Etat camerounais se fait à géométrie
variable172. L'absence des voies d'exécution des
décisions contre l'administration permet souvent à l'Etat
camerounais de n'exécuter que les décisions qu'il trouve
opportunes. Or, dans un registre de promotion et d'édification de l'Etat
de droit au Cameroun, cela se révèle être une aberration
quand l'on s'est qu'en France notamment, le juge administratif est un
véritable juge jurislateur, administrateur de ses décisions, dont
la substance se résume dans le droit d'injonction (1) et le droit
d'astreinte (2), droits dont doivent jouir le juge administratif
camerounais.
1- Le juge administratif camerounais et
l'exécution des décisions de justice : son droit
d'injonction
Mener une réflexion sur l'injonction consiste à
réfléchir sur la portée opérationnelle de
l'autorité de la chose jugée. Au Cameroun, les décisions
rendues par les juridictions administratives sont relativement
exécutées par l'administration. Or, l'obligation
d'exécuter les décisions de justice répond à un
impératif constitutionnel car, si les administrateurs ont le devoir de
se conformer aux décisions de la juridiction administrative, c'est parce
que dans le système de l'unité de l'Etat, tout acte posé
par une autorité administrative opérant dans le cadre de sa
compétence régulière, doit normalement valoir comme
manifestation de l'activité de la personne Etat, une et
indivisible173.
Au Cameroun en effet, il est légion de constater et de
voir que l'administration est un peu voyou, dans l'exécution
des décisions de justice prononcées à son encontre car,
« l'inexécution des décisions de justice par
l'administration est ce qui fait le plus problème dans la justice
administrative »174ceci en raison du fait que le juge
administratif camerounais n'est pas lui-même, administrateur des
décisions qu'il prononce. Or dans les Etats comme la France, le juge
administratif s'affirme comme véritable juge jurislateur, garant
inconditionnel de la légalité administrative au point où
il lui est permis d'adresser des injonctions à l'administration lorsque
celle-ci est réticente dans l'exécution des décisions
qu'il prononce.
172Jean Magloire Nlate, Les psychodrames
consécutifs au boycott des décisions de la Cour Suprême par
l'Etat du Cameroun : étude de cas avec les affaires CMC/Sam
Mbendé contre Etat du Cameroun, Conseil de paroisse EPCO Ekounou contre
Etat du Cameroun, Yaoundé, Editions Magolo Makele, 2013, 227
pages.
173Carré de Malberg, Contribution à
la théorie générale de l'Etat, Tome 1, p.727.
174Maurice Kamto, op.cit., p. 97
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
98
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
Le but de l'injonction est en effet de
rééquilibrer les outils, pour ainsi conforter la place du juge et
par ce biais renforcer ses moyens ; elle participe d'une subjectivation du
contentieux et d'une « fondammentalisation » du
droit175. L'injonction fait partie du pouvoir de juger ; il exprime
de ce fait l'impérium du juge administratif. L'injonction a ainsi deux
principales fonctions dont l'une s'affirme être pédagogique et
l'autre davantage préventive.
Sous son rapport pédagogique, l'injonction est non
seulement une démarche d'appui, mais une réponse à
l'incertitude des parties au procès, sur les mesures d'exécution
des décisions de justice176. En France en l'occurrence,
Pierre Méhaignerie avait brillamment éclairci la notion
d'injonction en considérant que par elle, « le juge administratif
ne fait qu'aider et éclaircir l'administration. En lui indiquant des
mesures précises, il évite que le justiciable ne revienne devant
la juridiction pour non-exécution, ou simplement mauvaise
exécution de la décision rendue ».
Sous un rapport préventif, l'injonction permet pour
l'essentiel d'anticiper l'inertie supposée ou redoutée de
l'administration dans l'exécution des décisions de justice. Au
regard de ces considérations, il importe donc pour le juge administratif
camerounais de disposer de ce pouvoir, non pas pour amenuiser l'autorité
de l'Etat, mais pour renforcer son autorité et celle des
décisions qu'il rend, dans l'optique de promouvoir l'Etat de droit. A
côté de ce moyen dont devrait disposer le juge administratif
camerounais, il existe un autre moyen pour lui permettre d'être
administrateur des décisions qu'il rend ; ce pouvoir se trouve au sein
du droit d'astreinte.
2- Le droit d'astreinte du juge administratif
camerounais et l'exécution des décisions de justice
L'exécution des décisions rendue par les
juridictions, qu'elles soient judiciaires ou administratives est un
baromètre de l'Etat de droit. De ce point de vue, il importe que les
jugements soient exécutés même si certaines mesures
infléchissent l'autorité de l'Etat. Pour cela, il importe dans
certains cas pour le juge administratif de disposer du pouvoir d'astreinte pour
que ses décisions soient exécutées.
Au Cameroun, le juge administratif ne peut pas encore utiliser
la procédure d'astreinte contre l'administration. Cela signifie qu'il
n'existe aucune pénalité d'ordre pécuniaire de
175Communication colloque Montpellier, « le
besoin d'injonction », 5 septembre 2014, p. 5.
176Idem, p. 6.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
99
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
nature à obliger l'administration à
exécuter les décisions de justice. A l'analyse, nous nous rendons
compte du fait que cette impossibilité d'usage des mesures d'astreinte
par la juge administratif donne une marge de manoeuvre et une liberté
à l'administration dans l'exécution des décisions qu'il
rend. Or, le respect et l'exécution des décisions de la
juridiction administrative permet en effet de saisir certains contours de
l'Etat de droit et de la protection des justiciables. Si en France par exemple,
le juge administratif dispose de cette prérogative ou de ce pouvoir, le
juge administratif camerounais en devrait également disposer car en
infligeant des sanctions pécuniaire à l'administration, celle-ci
se verrait certainement dans l'obligation d'exécuter les
décisions rendues par les juridictions administratives, dans le but de
garantir l'intérêt général.
Section II- Importance de la socialisation juridique
des populations en matière de justice administrative
De manière générale la socialisation est
un moyen d'apprentissage de la société et de ses règles ;
elle permet en effet, d'adapter les individus ou les citoyens à leur
société ou davantage à l'habitus culturel public,
en leur permettant d'acquérir et d'intérioriser les valeurs et
normes, afin d'être membre à part entière de cette
société car, sans l'intériorisation de ces valeurs et
normes, la société ne pourrait harmonieusement fonctionner. De ce
point de vue, la justice administrative, en tant que norme et valeur
régulant le comportement des individus dans toutes les
sociétés en en particulier au Cameroun mérite une
initiative de socialisation juridique des populations.
Sous ce rapport, étudier les phénomènes
de socialisation juridique, c'est analyser les développements des
représentations citoyennes et populaires vis-à-vis du droit. Pour
les juristes purs, cette socialisation se résume aveuglement dans la
célèbre maxime du « nul n'est censé ignorer le droit
» ; or le problème se pose avec acuité dans la mesure
où, la loi et société ne forment qu'un seul corps et que
dans cette veine il importe de socialiser le droit177, dont la
substance se subsume autour de l'information (paragraphe 1) et de la formation
(paragraphe 2) citoyennes.
177J.P Tapp, « Socialization, the law, and
society: Reflections », Journal of Social Issues, 1971, 27/2, pp.
4-5.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
100
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
Paragraphe 1- la socialisation juridique par
l'information
Effectuer des analyses sur la socialisation juridique c'est
essentiellement mettre un accent sur les facteurs qui déterminent
l'apprentissage des populations dans la maitrise des aspects liés
à la justice administrative. Il s'agit en effet ici, d'étudier le
phénomène de socialisation juridique relativement à la
justice administrative sous crible des outils de socialisation qui permettront
aux citoyens camerounais de saisir les logiques liées à la
possibilité d'intenter une action en justice contre l'Etat, et dont de
vulgariser dans son ensemble, la justice administrative sur toute
l'étendue du territoire camerounais. Cette initiative passerait pour
l'essentiel, par des campagnes de sensibilisation que nous appréhendons
ici, comme une condition sine qua non de socialisation juridique des
populations camerounaises (A). De plus, cette socialisation citoyenne par
l'information passerait également pour nous, par la vulgarisation de la
possibilité qui existe, d'obtenir une assistance judiciaire pour ainsi
assurer la protection des droits des justiciables (B).
A- Les campagnes de sensibilisation sur la justice
administrative comme vecteur de socialisation juridique
La sensibilisation du public constitue un
élément de réussite des politiques publiques. Dans le
domaine de la justice administrative en l'occurrence, les politiques publiques
d'accès méritent de faire l'objet d'une sensibilisation
citoyenne. De ce point de vue, la sensibilisation se pose en s'imposant comme
une condition un instrument au service de la socialisation juridique dont
l'efficacité exhume brillamment les pesanteurs utilitaristes (1). En
outre ces campagnes de sensibilisation, qui permettront aux citoyens
camerounais en général et aux citoyens de la région de
l'Est en particulier de s'informer sur la justice administrative, permettront
également de la vulgariser (2).
1- La consistance des campagnes de sensibilisation
dans l'efficacité des politiques publiques d'accès à la
justice administrative au Cameroun
Dans la gestion de l'incertitude en politique publique ou en
sociologie de l'action publique, l'information constitue un pouvoir important
pour palier à d'éventuels risques auxquels encourt la politique
ou l'action publique. Dans cette direction, la sensibilisation se
présente ainsi comme une donnée importante pour l'information des
populations sur les aspects relatifs à la justice administrative. Sous
ce regard, les activités de sensibilisation dans le domaine de la
justice administrative feraient usage d'une multitude de moyens pour
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
101
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
informer les citoyens ; ainsi, cette sensibilisation se
déclinerait en l'occurrence en termes d'ateliers d'information qui
permettraient de dynamiser les populations et d'accroitre leur information dans
le domaine. Dans la région de l'Est en l'occurrence, ces ateliers
d'information pourraient se tenir tous les premiers jeudis du
mois178. De plus, la sensibilisation tournerait également
autour des rencontres avec les autorités, les rencontres et les
manifestations grand public, ou davantage les campagnes publiques d'action
comme l'inscription des citoyens aux formations de droit.
L'usage des outils et instruments de communication politique
peut également être féconds pour cette initiative de
sensibilisation. Sous ce rapport, les campagnes d'affichage, la distribution
des tracts, des dépliants ou encore des prospectus et des autocollants
s'avèreraient être importantes dans cette logique. De plus,
l'usage des médias pourrait être un instrument nécessaire
dans la sensibilisation des populations sur les causes de justice
administrative ; dans cette veine, les campagnes médiatiques y compris
les émissions radiophoniques et télévisuels s'affirment
être des instruments importants de sensibilisation dans une optique de
socialisation juridique des populations au Cameroun. Cette sensibilisation
revêt ainsi une portée qui consiste pour l'essentiel à
vulgariser la justice administrative au Cameroun.
2- La vulgarisation de la justice administrative au
Cameroun saisie par la sensibilisation
La sensibilisation a pour fonction, de vulgariser la politique
publique, pour que celle-ci ait un ancrage plus important dans les
représentations et perceptions sociales. La vulgarisation de la justice
administrative au Cameroun saisie par la sensibilisation permet de saisir les
dynamiques relatives au processus des politiques publiques qui plongent
l'analyse dans une approche linéaire. Dans cette veine le schéma
ci-contre fait état du processus de causes à effets de la
sensibilisation.
178Dans la région de l'Est, notamment
à Bertoua, le premier jeudi du mois constitue le jour du ménage
au grand marché et par ricochet, une occasion de réunir tous les
commerçants afin d'organiser des ateliers d'information sur la justice
administrative.
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
Figure 3 : cycle de causes à effets de la
sensibilisation
Attirer l'attention des acteurs et susciter leur
intérêt
Elever le niveau de connaissance et
de compréhension du grand public
Renforcer les aptitudes et compétences de la
société en vue du changement
Renforcer les capacités pour la mise en oeuvre du
changement
Mettre en oeuvre le changement et évaluer les
progrès réalisés
? Phase1 : prise de contact + identification
des acteurs.
? Phase 2 : collecte et partage de
l'information
? Phase 3 : développer l'initiative des
acteurs
? Phase 4 :
mobilisation des ressources nécessaires
? Phase 5 :
évaluation + suivi post-évaluation
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
102
Source: Adapté de « Raising
awareness of forest and foresty » joint FAO/ECE/ILO Committee on
Forest Technology, Managment and Training, Geneva, 2003.
Ce schéma représentant la vulgarisation de la
justice administrative au Cameroun par le biais de la sensibilisation permet de
retracer le cycle de la sensibilisation ainsi que les objectifs par phase.
Ainsi dans la première phase, il s'agit en effet, d'identifier les
acteurs, d'analyser le contexte, de définir les buts de la politique, et
enfin d'identifier les centres d'intérêt des acteurs et adapter
les messages. Dans la deuxième phase, la sensibilisation
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
103
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
consiste en la collecte et le partage de l'information ; de
plus, elle consiste à améliorer l'auto-analyse la situation et
à forger la confiance dans les prises de décisions.
Quant-à la troisième phase, il s'agit de donner
aux populations les moyens de briser les barrières relatives à la
toute-puissance de l'administration et de développer les initiatives de
saisine du juge administratif lorsque l'administration a posé un acte
faisant grief à un citoyen. Cette phase est suivie d'une
quatrième au cours de laquelle on mobilise les ressources
nécessaires en vue du changement, et enfin d'une cinquième, au
cours de laquelle l'on observe le changement dans les représentations et
les perceptions des acteurs sociaux ; ce cycle se clôture ainsi par un
suivi des progrès réalisés relativement à
l'augmentation du volume du contentieux dans les T.A de chaque
départements179, et une évaluation des
résultats escomptés à l'initiative de la sensibilisation.
Au demeurant, il importe également que les justiciables au Cameroun,
soient informés sur l'existence de l'assistance judiciaire et de ses
conditions d'octroi.
B- Nécessité d'une vulgarisation des
textes sur l'assistance judiciaire au Cameroun
Les textes sur l'assistance judiciaire au Cameroun sont
très peu connus, ou davantage très méconnus par les
citoyens. A cet effet il importe de vulgariser ces textes afin de permettre
à chaque citoyen d'avoir une connaissance sur la question pour ainsi lui
permettre d'en avoir accès quand celui-ci rempli les conditions (1). Cet
effort de vulgarisation de la possibilité existante de jouir de
l'assistance judiciaire permet ainsi de faire ressortir son importance et son
utilité relativement à ses effets (2).
1- Information sur les conditions d'octroi de
l'assistance judiciaire
Le droit de se faire rendre justice est un droit fondamental
de l'homme garanti par la constitution. En effet, au terme de la lecture de
l'article 8 de la loi du 29 décembre 2009 portant sur l'organisation
judiciaire au Cameroun, « la justice est gratuite sous réserve des
dispositions fiscales et celles concernant la multiplication des dossiers
d'appel et de pourvoi ».Au regard de cet article, l'accès
à la justice, notamment la justice administrative devrait être
garanti à toute personne, mais à l'épreuve des faits, nous
nous rendons compte du fait que l'accès à la justice occasionne
diverses charges qui incombent aux justiciables. De ce point de vue, et dans
l'optique de promouvoir et de consolider l'Etat de droit au Cameroun, il
179En référence à l'architecture
institutionnelle que nous avons modélisée plus haut.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
104
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
a été adopté une loi sur l'assistance
judiciaire180. Mais cette loi reste encore inconnue du point de vue
de son contenu. Il importe ainsi d'édifier les populations sur les
conditions d'obtention de cette assistance judiciaire, car tout le monde n'est
pas éligible par ledit texte.
A la lecture de cette loi, les catégories de personnes
éligibles sont les indigents, les hommes de rang de toute armée
pendant la durée de leur service, les personnes assujetties à
l'impôt libératoire et le conjoint en charge d'enfants mineurs, en
instance de divorce qui ne dispose d'aucun revenu propre. De plus, les
personnes qui ne sont pas expressément visées par le texte de
loi, peuvent demander une assistance judiciaire lorsque les frais
exposés ne peuvent pas être supportés par leurs ressources
réputées initialement insuffisantes. Ces conditions ainsi
brillamment prévues dans les textes méritent en effet de faire
l'objet, par les pouvoirs publics ou davantage par les organisations de la
société civile, d'une large diffusion sinon d'une vulgarisation
dans l'optique de permettre à tous les citoyens d'en avoir accès
car les effets produits par cette assistance judiciaire permettent de redorer
le blason de l''Etat de droit au Cameroun.
2- Nécessité d'un renseignement des
populations sur les effets de l'assistance judiciaire
Dans un registre de décentralisation de la justice
administrative, l'information sur les procédures joue un rôle
déterminant sur la portée des décisions rendues. En effet,
les citoyens méritent de connaitre les effets produits par l'assistance
judiciaire quand ils en ont fait la demande. De ce point de vue, l'assistance
judiciaire produit des effets aussi bien sur les frais de justice que sur
l'instance.
Les effets de l'assistance judiciaire sur les frais de justice
se déclinent en la dispense du paiement total ou partiel, de toute les
sommes dues au trésor public, notamment le droit de timbre, le droit
d'enregistrement et le droit de greffe ou encore toute consignation. De ce
point de vue, les émoluments de justice, les honoraires d'avocat, si le
justiciable veut être représenté, le ministère
d'avocat n'étant pas obligatoire dans le procès administratif, ou
encore les droits dus aux officiers publics ou ministériels, commis
d'office pour lui prêter leur concours, sont tous à la charge du
trésor public. Mais force est de relever que, si le justiciable
initialement bénéficiaire de l'assistance judiciaire retrouve des
ressources
180Il s'agit de la loi n°2009/004 du 14 avril
2009 portant organisation de l'assistance judiciaire.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
105
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
suffisantes en cours de procès ou suite à
l'exécution de la décision, les sommes exposées par l'Etat
au titre de l'assistance judiciaire sont remboursées.
Les effets de l'assistance judiciaire sur l'instance se
déclinent en le fait que, celle-ci s'applique sur le territoire
national, aux procédures et actes de décisions obtenues avec son
bénéfice et à ceux postérieurs à la
décision vidant l'instance pour laquelle elle a été
accordée. Elle est ainsi valable devant toutes les juridictions
appelées à connaitre le déroulement du litige
jusqu'à son jugement. Quoiqu'il en soit, il importe également
pour les populations camerounaises d'être formées dans le domaine
de la justice administrative.
Paragraphe 2- Importance de la formation des populations en
matière de justice administrative
La socialisation juridique des populations camerounaises passe
également par leur formation en matière de justice
administrative. En effet, la formation est un moyen nécessaire à
la vulgarisation de la justice administrative et à la protection des
droits des justiciables qui désormais intérioriseront la
possibilité d'intenter un procès contre l'administration tout en
ayant les moyens juridiques nécessaires. Cet effort de formation
ressortit non seulement de la compétence de l'Etat, mais
également des organisations de la société civile, dans une
logique d'action publique multi acteurs (A) dans le but de promouvoir une
gouvernance judiciaire au Cameroun (B).
A- Le suivi citoyen de l'action publique et la
formation des populations : une responsabilité des organisations de la
société civile
La formation des populations dans le domaine de la justice
administrative s'affirme être une nécessité fondamentale,
car tous les citoyens ne disposent pas des moyens, pour suivre des cours de
droit ou tout simplement pour se former en droit. Dans cette direction les
organisations de la société civile, qui se posent comme des
intermédiaires importants entre l'Etat et les populations doivent non
seulement former les populations dans le domaine de la justice administrative
(1), mais également faire un suivi post-formation dans le but de
consolider les acquis (2).
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
1- La mise sur pied des projets d'appui à la
vulgarisation de la justice administrative
Dans un mécanisme de gouvernance concertée, il
serait intéressant que les organisations de la société
civile (OSC) travaillant dans le domaine de la justice mettent sur pied des
projets, pour appuyer les populations et vulgariser la justice administrative
au Cameroun. Cette formation participe ainsi d'une responsabilité
sociale des OSC qui s'appréhende de par leur niveau d'intégration
dans la fabrique et l'implémentation des politiques publiques.
Substantiellement, la formation des populations en
matière de justice administrative par les OSC, s'articule autour de
l'organisation des ateliers de formations, des colloques ou davantage des
séminaires de formation et d'apprentissage de la saisine du juge
administration avec mise en scène. L'implémentation de ces
projets permettra aux populations et au citoyen lambda, d'avoir un
aperçu sur les domaines et litiges qui ressortissent de l'ordre
administratif, sur l'utilité d'un juge administratif et les
modalités et aspects relatifs à sa saisine. Ces projets
s'avère ainsi être d'une importance capitale dans la promotion et
le renforcement de droit, quoiqu'il importe encore de suivre ces populations
après la formation pour ainsi consolider les acquis reçus.
2- Le suivi post-formation des populations par les
organisations de la société civile
La formation des populations dans le domaine de la justice
administrative est importante, mais elle ne saurait à elle seule suffir
car la justice administrative est une matière assez délicate ;
pour cela, il importe de suivre les populations après leur formation
pour leur permettre de consolider les acquis. Le suivi post-formation est une
mesure d'accompagnement qui permettra aux populations de mettre en pratique les
connaissances acquises tout au long de la formation, de s'engager
réellement dans l'apprentissage et de mettre en pratiques les
compétences. Ce suivi post-formation se présente ainsi comme un
moyen pour la société civile de s'affirmer au sein de la
sphère publique camerounaise et notamment dans le domaine de la justice
administrative dans une relation horizontale de l'action publique, pour la
construction, l'édification, la promotion de l'Etat de droit et la
gouvernance judiciaire au Cameroun.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
B- Pour la gouvernance judiciaire et la consolidation
de l'Etat de droit au Cameroun
Au Cameroun, la formation des populations dans le domaine de
la justice administrative ne peut que renforcer l'Etat de droit. En effet, pour
les citoyens, la justice administrative se présente comme étant
un rempart ou davantage un symbole car elle permet à ce que leurs droits
les plus fondamentaux et inaliénables soient protégés.
Dans cette veine, il est important que l'accès à cette justice ne
soit pas recouvert d'obstacles matériels et davantage processuels
d'où l'utilité de la formation et de l'information des
populations dans le but de promouvoir la gouvernance judiciaire et l'Etat de
droit qui passent par la bonne administration de la justice administrative (1)
et la protection des droits des justiciables (2).
1- Bonne administration de la justice administrative
et gouvernance judiciaire au Cameroun
La bonne administration de la justice administrative au
Cameroun engage d'entrée de jeu, la responsabilité des juges. En
effet, l'inscription de la justice administrative camerounaise dans une logique
de promotion de l'Etat de droit passe nécessairement par le
sérieux du travail dans les Tribunaux Administratifs, notamment la
rapidité dans le traitement des dossiers, l'accueil des justiciable
ainsi le fait de dire le droit.
Toutefois, cette possibilité est sérieusement
compromise par la présence du ministère public dans la
procédure administrative, qui constitue une pierre dans la chaussure
de la célérité et de l'efficacité de la
justice administrative camerounaise. La présence du ministère
public dans le procès administratif peut considérablement
ralentir et influencer une décision de justice car celui-ci
reçoit très souvent des instructions de la chancellerie ; et
quand nous savons qu'au Cameroun la carrière des magistrats est
gérée par le pouvoir exécutif, le chef de l'Etat
étant président du Conseil Supérieur de la Magistrature,
l'attitude des juges administratifs peut être craintive du point de vue
de la sanction et surtout du point de vue de l'innovation érodant ainsi
la protection des droits des justiciables.
2- Une protection des droits des justiciables au
Cameroun
La protection des droits des justiciables est un
baromètre de l'Etat de droit dans un pays. Dans cette veine, cette
protection juridictionnelle des citoyens s'impose comme une
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
108
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
nécessité qui se caractérise non
seulement par le droit d'accès aux tribunaux mais également par
le droit à un procès équitable.
L'information et la formation, socle de la socialisation
juridique des citoyens camerounais constituent le point nodal de la protection
des droits fondamentaux des justiciable. Cette protection multidimensionnelle
des droits des justiciables s'affirme ainsi comme étant un principe
constitutionnel car tout le monde a le droit de se faire rendre justice. Au
Cameroun en l'occurrence la protection des droits des justiciables se
détermine comme étant un principe constitutionnel. En effet, la
loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 n'a pas remis en cause ce principe en
prévoyant en son article 2, l'égalité de tous devant la
loi et en son préambule, le droit dont dispose tout citoyen camerounais
de se faire rendre justice. De ce point de vue, protection des droits des
justiciables au Cameroun a des bases constitutionnelles et est donc opposable
à toutes les juridictions, notamment les juridictions administratives
qui sont chargées de protéger les justiciables contre les
éventuelles dérives administratives.
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
109
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
CONCLUSION
Au demeurant, pour garantir l'accès à la justice
administrative à tous les citoyens camerounais, le service public de
justice administrative mérité d'être réformé
aussi bien du point de vue structurel et matériel, que du point de vue
fonctionnel.
Il s'agit de repenser les politiques publiques camerounaises
d'accès à la justice administrative sous un rapport relationnel
qui permettra de les insérer dans un tissu institutionnel fort et
révélateur des dynamiques qui sou tendent les logiques de
perceptions et représentations des populations auxquelles elle
s'applique. Réformer ainsi la justice administrative camerounaise c'est
élever au pinacle le droit d'accès qui, de plus en plus s'affirme
comme un droit fondamental et inaliénable du citoyen. Mais pour que le
citoyen jouisse de ce droit, il faut encore qu'il ait des moyens aussi bien
matériels que financiers. Mais le plus important à notre avis
s'articule autour de socialisation juridique qui marquera une rupture
importante de par l'assimilation et l'acceptation populaire de la
possibilité existante d'intenter un procès contre
l'administration, puissance publique ; cette socialisation est à la fois
information sur les modalités et de saisine du juge, d'octroi de
l'assistance judiciaire, et formation qui consiste à donner aux citoyens
des outils procéduraux et matériels pour leur permettre de
protéger leurs droits lorsque ceux-ci sont violés par
l'administration.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
La décentralisation de la justice administrative au
Cameroun, qui d'un point de vue structurel, matériel et fonctionnel
devait fondamentalement rapprocher le juge administratif des administrés
ne reflète pas cette préoccupation majeure, dans la région
de l'Est. En effet à l'épreuve des faits, l'on s'aperçoit
du fait que l'institutionnalisation d'un tribunal administratif dans la
région de l'Est est plus une conformité à la politique de
décentralisation de la justice administrative lancée par le
pouvoir politique.
Aux yeux des populations de la région de l'Est, la
justice administrative reste et demeure encore une matière
ésotérique. Les populations de cette région sont en
majeure partie ignorantes de la matière et des règles de
procédure pour saisir le juge administratif et par ce biais
protéger leurs droits lorsque ceux-ci sont violés par la
puissance publique. Au regard des faits, la justice administrative est
sérieusement ignorée par les populations de la région de
l'Est, qui ne constitue qu'un échantillon, car d'un point de vue
général, hors-mis les villes de Yaoundé, de Douala ou
encore de Bafoussam, la justice administrative reste encore une bastille
à prendre par les populations des autres régions. Dans cette
perspective et compte tenu de ce constat, il importe de réformer les
politiques d'accès à la justice administrative au Cameroun pour
permettre à tous les citoyens de se faire rendre justice.
Cette réforme permettra ainsi d'insérer la
justice administrative dans une logique relationnelle de l'action publique.
Substantiellement, ces réformes portent aussi bien sur le fond que sur
la forme de la justice administrative, dans le souci de la rapprocher davantage
des citoyens et de permettre son exercice qui ne fera qu'édifier l'Etat
de droit au Cameroun. De plus, importe-t-il dans une logique de gouvernance
concertée et de responsabilité sociale, pour les OSC d'informer
et de former les populations sur la matière de la justice administrative
et sur le droit administratif processuel. Cette socialisation juridique des
populations permettra ainsi de garantir la protection des droits des
justiciables et de promouvoir l'Etat de droit.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
CONCLUSION GENERALE
La dynamique politique qui consacra l'avènement ou
l'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs de proximité au
Cameroun a été construite pendant plusieurs décennies. Les
épisodes politiques et juridiques qui ont précédés
l'institutionnalisation d'une juridiction administrative de proximité
ont été relatifs aux propriétés contextuelles et
plus souvent conjoncturelles.
L'accès à la justice administrative au Cameroun
s'est affirmé être un problème crucial et fondamental dans
les logiques de renforcement de l'Etat de droit. L'érection de
l'accès à la justice administrative en tant que problème
public a connu règlement progressif intimement lié à la
conjoncture et la conjecture des faits politiques au Cameroun. Depuis
l'avènement de du Conseil du Contentieux Administratif, la
problématique juridique et sociale de l'accès au juge et
notamment au juge a commencé subrepticement à prendre corps pour
ainsi donner ce qu'elle est aujourd'hui. De nos jours et plus qu'avant,
l'accès à la justice administrative est devenu un droit
fondamental. L'Etat camerounais a ainsi pris en compte cette
problématique et l'a consacré ce droit dans les textes
constitutionnel, législatif et dans des dispositions
décrétales. Le législateur camerounais brillamment
aménagé le droit d'accès à la justice
administrative au Cameroun mettant sur pied un ensemble d'institutions,
entendues ici au sens organique et au sens normatif pour garantir l'expression
juridictionnelle du droit administratif et la protection du droit des
justiciables.
Mais à l'épreuve des faits, cette architecture
institutionnelle se heurte aux réalités sociales camerounaises,
ce qui permet ainsi d'extraire les dynamiques verticales de
l'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs. En effet l'on constate
sur le terrain que le droit d'accès à la justice administrative
au Cameroun est limité ; les obstacles qui en sont liés sont de
plusieurs ordres. Dans la région de l'Est en l'occurrence, les
populations rencontrent encore des difficultés aussi bien
matérielles que financières, mais aussi fonctionnelles dans
l'accès au juge administratif. L'exploration des minutes de greffe du
Tribunal Administratif de la région de l'Est ne viendra que confirmer ce
postulat. L'ignorance des procédures, la méconnaissance de
l'utilité d'un juge administratif, ajoutées à l'inconfort
intellectuel et financier des populations de cette région obstruent
considérablement l'expression de ce droit fondamental.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
Ce constat peut en effet être
généralisé ; la région de l'Est qui s'est
présentée pour nous comme un échantillon d'investigation,
mais les résultats peuvent faire l'objet de généralisation
car ce qui est réel au Cameroun en général c'est le
caractère ésotérique, technique et quasi insaisissable de
la justice administrative par les populations camerounaises, or
l'activité contentieuse des tribunaux est un instrument et un
baromètre de l'Etat de droit. De ce point de vue, avons-nous
postulé pour une réforme profonde de la justice administrative au
Cameroun aussi bien dans le fond qu'au niveau de la forme, pour permettre
à tous les citoyens quels qu'ils soient de voir en la justice une
garanti inconditionnelle de protection des droits, lorsque ceux-ci
violés par l'administration. A ces réformes, doivent se greffer
une culture juridique forte des populations camerounaises, laquelle ne peut
être possible que par une socialisation des populations aux aspects
liés à la justice administrative, responsabilité des
organisations de la société civile dans un registre de
gouvernance concertée.
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
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l'organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême,
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l'assistance judiciaire.
Archives
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l'Est
TABLE DES MATIERES
Sommaire i
Dédicace ii
Remerciements iii
Résume iv
Abstract v
Liste des tableaux vi
Liste des figures vii
Liste des sigles et abréviations viii
INTRODUCTION GENERALE 1
I- Contexte de l'étude 2
1- contexte politico-juridique 2
2- Contexte social 3
II- Délimitation du travail 3
1- Délimitation temporelle [2012-2015] 3
2- Délimitation spatiale 4
Figure 1 : Découpage territorial de la région de
l'Est 5
3- Délimitation matérielle 6
III- Objectifs de l'étude 6
IV- Intérêt de l'étude 7
1- Intérêt scientifique de l'étude 7
2- Intérêt social de l'étude 8
V- Cadre conceptuel 8
VI- Revue de littérature 9
VII- Formulation de la problématique 13
VIII- Hypothèses de recherche 14
IX- Méthodologie de recherche 14
1- Le cadre d'analyse 15
2- Technique de collecte des données,
échantillonnage et identification de la population
cible 17
PREMIERE PARTIE : LES POLITIQUES PUBLIQUES INSTITUTIONNELLES
D'ACCES A LA JUSTICE ADMINISTRATIVE AU CAMEROUN 20
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l'Est
CHAPITRE I- LE DISPOSITIF ORGANIQUE D'ACCES A LA
JUSTICE
ADMINISTRATIVE AU CAMEROUN 23
Section I- Les dynamiques du changement des politiques publiques
institutionnelles d'accès à
la justice administrative au Cameroun 26
Paragraphe 1- La garanti institutionnelle de l'accès
à la justice administrative dans l'Etat
colonial 27
A- L'institutionnalisation du Conseil du Contentieux
Administratif en 1920 27
1- Le Conseil du Contentieux Administratif comme prolongement de
l'administration
active 28
2- La violation du principe de la séparation de la
juridiction administrative de
l'administration active par le Conseil du Contentieux
Administratif 28
B- L'institutionnalisation d'un Tribunal d'Etat en 1959 29
1- Le Tribunal d'Etat : une rupture dans la continuité
29
2- Le Tribunal d'Etat et l'institutionnalisation du double
degré de juridiction au
Cameroun 30
Paragraphe 2- La consécration institutionnelle de
l'accès à la justice administrative dans l'Etat
indépendant 30
A- L'accès à la justice administrative dans l'Etat
fédéral 31
1- L'existence éphémère de la Cours
Suprême 31
2- L'institutionnalisation d'une Cour Fédérale de
Justice 32
B- Les institutions d'accès à la justice
administrative dans l'Etat unitaire 32
1- La Constitution du 2 juin 1972 et la création d'une
nouvelle Cour Suprême 33
2- La Nouvelle Cour Suprême face au défi de
l'ingénierie institutionnelle 33
Section II- La réforme des politiques publiques
institutionnelles d'accès à la justice
administrative au Cameroun. 34
Paragraphe 1- La sociologie politique de l'institutionnalisation
des Tribunaux Administratifs
de proximité 35
A- L'institutionnalisation des Tribunaux Administratifs au
Cameroun et le
décongestionnement contentieux de la Chambre
Administrative de la Cour Suprême 35
1- Etat des lieux des recours en instance à la Chambre
Administrative avant
l'opérationnalité des Tribunaux Administratifs.
35
2- Le transfert des recours contentieux dans les Tribunaux
Administratifs de
proximité . 36
Tableau n°1 : transfert des recours contentieux dans quatre
régions au Cameroun 36
B- Les Tribunaux Administratifs au Cameroun : un rapprochement de
la justice
administrative des administrés locaux 37 1-
Proximité des Tribunaux Administratifs et rapidité dans
l'accès à la justice
administrative 37
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
2- Tribunaux Administratifs de proximité et
efficacité de la justice administrative au
Cameroun 38
Paragraphe 2- Le partage des compétences entre la Chambre
Administrative et les Tribunaux
Administratifs 38
A- La dévolution des compétences des Tribunaux
Administratifs de proximité 39
1- L'étendue des attributions principales des Tribunaux
Administratifs au Cameroun 39
2- Les Tribunaux Administratifs et l'urgence au Cameroun : les
compétences
additionnelles 40
B- La dévolution compétentielle de la Chambre
Administrative de la Cour Suprême 41
1- Les attributions directes ou contentieuses de la Chambre
Administrative 42
2- Les compétences indirectes ou consultatives de la
Chambre Administrative de la
Cour suprême 42
CONCLUSION 44
CHAPITRE II- L'AMENAGEMENT PROCEDURAL DE L'ACCES A LA JUSTICE
ADMINISTRATIVE AU CAMEROUN 45
Section I- L'aménagement de l'instance administrative
contentieuse au Cameroun 47
Paragraphe 1- L'organisation aspectuelle de la saisine du juge
administratif au Cameroun 47
A- L'articulation des recours principaux introduits auprès
du Tribunal Administratif au
Cameroun 48
1- La compétence du juge administratif camerounais en
matière de recours pour excès
de pouvoir 48
2- Le juge administratif camerounais face au contentieux
subjectif : le recours de pleine
juridiction 49
B- Les autres types de recours ou les requêtes incidentes
50
1- L'appréciation de la légalité d'un acte
administratif par le juge administratif
camerounais 50
2- La portée du recours en appréciation de la
légalité d'un acte administratif 51
Paragraphe 2- L'introduction des requêtes contentieuses
auprès des Tribunaux
Administratifs : les conditions de recevabilité 51
A- L'exigence de l'introduction d'un recours gracieux
préalable 52
1- La substance du recours gracieux préalable en
contentieux administratif
camerounais. 52
2- La portée de l'introduction préalable d'un
recours gracieux 53
B- Les conditions temporelles et personnelles de
recevabilité des recours contentieux 53
1- Le temps dans le déclenchement de la procédure
administrative contentieuse au
Cameroun 54
2- Les conditions tenant à la personne du
requérant 54
Section II- L'examen des recours contentieux au Cameroun et la
portée des décisions de
justice 55
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Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
Paragraphe 1- L'examen des recours en contentieux administratif
Camerounais 56
A- L'instruction des requêtes contentieuses par le juge
administratif au Cameroun 56
1- La particularité de l'instruction des recours en
contentieux administratif camerounais 56
2- Les mesures d'instruction en contentieux administratif
camerounais 57
B- Les pouvoirs du juge administratif camerounais dans l'examen
des recours
contentieux. 58
1- L'importance des pouvoirs du juge administratif camerounais
dans l'examen des
recours contentieux 59
2- La limitation des pouvoirs du juge administratif camerounais
dans l'examen des
recours contentieux 59
Paragraphe 2- Les décisions du juge administratif en
contentieux administratif camerounais
60
A- L'aménagement juridictionnel des voies de recours aux
décisions du juge
administratif camerounais 60
1- Les voies de rétractation aux décisions de la
juridiction administrative au Cameroun 60
2- La réformation des décisions des Tribunaux
Administratifs au Cameroun 61
B- L'exécution des décisions de justice au Cameroun
62
1- L'absence des voies d'exécution des décisions
de justice contre l'administration 62
2- L'aménagement des voies d'exécution contre les
particuliers 63
CONCLUSION 64
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 65
DEUXIEME PARTIE : L'ACCES A LA JUSTICE ADMINISTRATIVE PAR LES
POPULATIONS DE LA REGION DE L'EST 66
CHAPITRE III : LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DANS LA REGION DE L'EST
: UN
CAS LIMITE D'INANITE INSTITUTIONNELLE 68
Section I- La décentralisation de la justice
administrative au Cameroun et les populations de
la région de l'Est 69
Paragraphe 1- L'inadéquation de la vision de
décentralisation de la justice administrative
dans la région de l'Est 69
A- Etat de la proximité entre la juridiction
administrative et les populations dans la
région de l'Est 70
1- Le maintien de l'obstacle lié à la distance
dans l'accès au juge administratif dans la
région de l'Est. 70
2- L'insignifiante activité contentieuse du Tribunal
Administratif de la région de l'Est 71
Tableau n°2 : comparaison de l'activité contentieuse
de quelques T.A au Cameroun 71
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
131
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
B- Un difficile combat contre l'arbitraire administratif local
72
1- La quasi-spécialisation du contentieux administratif
en le domaine foncier à l'Est 72
2- De l'échec de la proximité à la
révision du rapprochement 72
Paragraphe 2- Une absence de vulgarisation de la politique de
décentralisation de la justice
administrative dans la région de l'Est 73
A- Une méconnaissance de l'existence d'un Tribunal
Administratif à l'Est par les
populations 73
1- Etat de la connaissance de l'existence d'un Tribunal
Administratif à l'Est dans
l'ensemble de l'échantillon 73
Tableau n°3 : connaissance de l'existence d'un T.A par les
populations de la région de l'Est 74
2- Un désintérêt prégnant des
populations pour les causes de justice administrative ... 74
Tableau n°4 : connaissance de la justice administrative et
possibilité pour les populations de
se confronter à l'administration 75
B- La connaissance de l'utilité du juge administratif chez
les populations de la région de
l'Est 76
1- Le caractère dérisoire de la connaissance de
l'utilité d'un juge administratif au sein
de l'échantillon 76
Tableau n°5 : connaissance de l'utilité du juge
administratif chez les populations de la région
de l'Est 76
2- Une indifférenciation entre la juridiction
administrative et la juridiction judiciaire
chez les populations de la région de l'Est 77
Section II- Le sous-développement juridique des
populations de la région de l'Est 77
Paragraphe 1- Les populations de la région de l'Est et la
procédure administrative
contentieuse 78
A- L'ignorance des procédures de saisine du juge
administratif par les populations de la
région de l'Est 78
1- Une méconnaissance accrue des procédures dans
toutes les catégories de
l'échantillon 78
Tableau n°6 : connaissance de la procédure
administrative contentieuse dans la région de l'Est
79
2- La prééminence des modes alternatifs de
règlement chez les populations de la région
de l'Est 80
B- Une faible pratique du droit public administratif dans la
région de l'Est 80
1- L'absence des formations universitaires de droit dans la
région de l'Est 80
2- Une faible présence des praticiens du droit dans la
région de l'Est 81
Paragraphe 2- Le coût de la procédure comme obstacle
à l'accès à la justice administrative
pour les populations de la région de l'Est 82
A- Consistance panoramique du coût d'une procédure
administrative contentieuse au
Cameroun 82
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
132
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
1- La substance des émoluments auxiliaires de justice au
Cameroun 82
2- Les honoraires d'avocat 83
B- Le niveau de vie des populations de la région de l'Est
comme entrave à l'accès au
juge administratif 83
1- La vie économique de l'ensemble de
l'échantillon 83
2- La connaissance de l'existence d'une assistance judiciaire
par les populations de la
région de l'Est 84
Tableau n°7 : connaissance de l'existence de l'assistance
judiciaire par les populations de la
région de l'Est. 85
CHAPITRE IV : VERS UNE JUSTICE ADMINISTRATIVE ACCESSIBLE A TOUS :
ESSAI DE THERAPIE POUR UNE BONNE GOUVERNANCE DE LA JUSTICE
ADMINISTRATIVE AU CAMEROUN 87
Section I- Nécessité d'une réforme de la
justice administrative au Cameroun 89
Paragraphe 1- La substance des réformes matérielles
et structurelles 89
A- Nécessité de l'institutionnalisation d'un code
de justice administrative au Cameroun
90
1- La justice administrative : un droit difficilement codifiable
90
2- La codification comme vecteur de transmission du droit 91
B- Nécessité d'une localisation poussée de
la juridiction administrative au Cameroun 92
1- Le quadrillage juridictionnel du territoire camerounais par
la juridiction
administrative 92
Figure 2 : la possible architecture institutionnelle de la
juridiction administrative
camerounaise 93
2- Pour plus de célérité et de
rapidité de la justice administrative au Cameroun 94
Paragraphe 2- Importance d'une réforme fonctionnelle de la
justice administrative au
Cameroun 94
A- Extension des délais et spécialisation de
l'assistance judiciaire en matière
administrative 94
1- Nécessité d'une réforme des
délais de saisine du juge administratif au Cameroun 95
2- Nécessité d'une assistance judiciaire
spécialisée dans le contentieux administratif 96
B- Le nécessaire accroissement des pouvoirs du juge
administratif camerounais dans
l'exécution des décisions de justice 97
1- Le juge administratif camerounais et l'exécution des
décisions de justice : son droit
d'injonction 97
2- Le droit d'astreinte du juge administratif camerounais et
l'exécution des décisions de
justice 98
Section II- Importance de la socialisation juridique des
populations en matière de justice
administrative 99
Paragraphe 1- la socialisation juridique par l'information 100
UCAC-ICY-FSSG-MGAP Ntoual Amougou Cédric Rodrigue Page
133
Tribunaux Administratifs de proximité et accès
à la justice administrative au Cameroun : cas de la région de
l'Est
A- Les campagnes de sensibilisation sur la justice administrative
comme vecteur de
socialisation juridique 100
1- La consistance des campagnes de sensibilisation dans
l'efficacité des politiques
publiques d'accès à la justice administrative au
Cameroun 100
2- La vulgarisation de la justice administrative au Cameroun
saisie par la sensibilisation
.101
Figure 3 : cycle de causes à effets de la sensibilisation
102
B- Nécessité d'une vulgarisation des textes sur
l'assistance judiciaire au Cameroun 103
1- Information sur les conditions d'octroi de l'assistance
judiciaire 103
2- Nécessité d'un renseignement des populations
sur les effets de l'assistance
judiciaire 104
Paragraphe 2- Importance de la formation des populations en
matière de justice
administrative 105
A- Le suivi citoyen de l'action publique et la formation des
populations : une
responsabilité des organisations de la
société civile 105
1- La mise sur pied des projets d'appui à la
vulgarisation de la justice administrative106
2- Le suivi post-formation des populations par les organisations
de la société civile . 106
B- Pour la gouvernance judiciaire et la consolidation de l'Etat
de droit au Cameroun 107
1- Bonne administration de la justice administrative et
gouvernance judiciaire au
Cameroun 107
2- Une protection des droits des justiciables au Cameroun 107
CONCLUSION 109
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 110
CONCLUSION GENERALE 111
BIBLIOGRAPHIE 113
ANNEXES 121
TABLE DES MATIERES 127
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