On entend par itinéraires thérapeutiques la
succession dans le temps et dans l'espace de toutes les actions de soins
liées à un épisode de maladie. Avec cette notion : on
restitue donc à la maladie sa dimension temporelle et complexe (recours
successifs à des systèmes de soins médicaux
différents) et on lui redonne sa signification de quête
(étapes successives permettant d'accéder à la
guérison) (FASSIN, 1992).
? Types de recours
Les recours thérapeutiques ont fait l'objet d'une
littérature assez abondante et diversifiée. Nous pouvons retenir
que le choix d'un type de soins varie d'une région à une autre,
d'un pays à un autre. Cependant, il ressort de façon
générale que le recours aux tradipraticiens ou aux
guérisseurs constitue le dernier choix thérapeutique des
populations, tandis que l'automédication et la consultation moderne se
partagent de façon alternée la première ou la seconde
place.
Ainsi, une étude réalisée à
Bobo-Dioulasso sur les itinéraires thérapeutiques
révèle que les recours aux tradipraticiens représentent
16% des modalités du premier traitement et les soins familiaux 46,4%
(Anonyme cité par ZOUNDI, 2001). Dans l'Oubritenga, en milieu
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rural, en 1995 le schéma thérapeutique
privilégié est l'automédication (48%) ; viennent ensuite
le dispensaire (20%), l'agent de santé communautaire (15%), la
pharmacopée (9%) et le guérisseur (6%) (ZOUNDI, 2001). Une
enquête réalisée en Mai 1996 dans le district sanitaire
Paul VI à Ouagadougou, montre que 75% des recours sont modernes, bien
avant l'automédication (20%) et le recours aux tradipraticiens (2%)
(WILLEM et al., 2001).
Au Bénin dans la sous préfecture de
Ouessè, 69,7% du premier recours ont été traités
par automédication, 26,8% directement par recours à un
spécialiste de la santé et 0,2% simultanément par
automédication et recours extérieur (RICHARD, 2001). Une
étude réalisée dans trois pays (Bénin, Côte
d'Ivoire, Mali) par AKOTO et al. (2002) montre
l'existence de différents modèles d'itinéraires
thérapeutiques : Il ressort de cette étude qu'au Bénin
lors d'un épisode de maladie, les malades recourent en priorité
au secteur moderne de soins (55%) et à l'automédication (40%). Il
en est de même en Côte d'Ivoire, indiquent les mêmes auteurs.
Le Mali se distingue des autres pays par la faiblesse relative de la proportion
de malades qui pratiquent l'automédication (moins de 30%) et le
pourcentage relativement élevé (57%) des recours à la
médecine moderne lors de la première consultation.
En milieu rural, dans le campement de pêcheurs à
Solingué au Mali, l'automédication a concerné 80% de
l'ensemble des recours, la médecine moderne 9% et la médecine
traditionnelle 6% (TRAORE et al. cité par AKOTO et al.
2002). Une enquête sur les dépenses de santé et des recours
aux soins réalisée auprès de 412 ménages du
quartier de Bankoni dans la périphérie de Bamako a
révélé de très faibles recours aux
guérisseurs traditionnels (4%) au profit de l'automédication
(51%) et de la thérapie moderne (3%) (DIAKITE et al., 1993). En
somme AKOTO et al. (2002) montrent que le secteur moderne restera
prédominant dans le choix du système de soins en Afrique de
l'Ouest. Dans les trois pays, plus d'un malade sur deux recourent à la
médecine moderne (54,7% au Bénin ; 54,6% en Côte-d'Ivoire ;
57% au Mali). La médecine traditionnelle quant à elle, continuera
à jouer un rôle de second plan tandis que l'automédication
risque de devenir le premier recours ou recours définitif du fait du
coût des médicaments et des prestations dans le secteur moderne.
Il ressort de l'étude qu'en cas d'une mobilité
thérapeutique, c'est vers le secteur moderne que se dirige le plus, la
majorité des malades dans les différents pays. C'est aussi celui
dont les malades partent plus vers d'autres secteurs. Le secteur moderne et
l'automédication réfèrent plus qu'ils ne reçoivent
lorsqu'il y a une mobilité thérapeutique alors que le secteur
traditionnel reçoit plus qu'il n'envoie.
? Maladie de l'enfance
Des multiples problèmes de santé qui assaillent
l'enfance, le paludisme, les infections respiratoires aiguës, les maladies
diarrhéiques constituent les principales causes de
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consultations. Les infections respiratoires aiguës et les
maladies diarrhéiques sont l'apanage des enfants de moins de cinq
ans.
Des études sur le paludisme, il ressort que celui-ci
est reconnu comme une maladie pouvant provoquer le décès mais qui
peut être également traité. Pour le traitement des cas de
paludisme chez les enfants de moins de cinq ans, les mères font recours
à l'automédication, à la consultation moderne et rarement
à la consultation d'un guérisseur. En milieu rural,
l'automédication est une pratique courante aux premiers moments du
paludisme chez 96% des mères contre 82% en milieu urbain (ZOUNDI, 2001).
Des maladies spécifiques de l'enfant de moins de 15 ans, les
fièvres qui se traduisent par la notion de « corps chaud » et
le « koom » qui correspond en mooré au paludisme chez les
enfants sont les plus représentées. Ainsi, pour les cas de
fièvre, 74% ont fait l'objet de consultations modernes contre 14% pour
la consultation traditionnelle et pour les cas de paludisme (koom), 67% des
consultations sont orientées vers le secteur moderne contre 18% pour le
secteur traditionnel (VAUGELADE, 1991).
Pour l'itinéraire thérapeutique, lorsque
l'enfant ou la mère présente un signe évocateur du
paludisme, les premiers soins se font toujours à domicile au
Bénin (KINIFFO et al. 2000). C'est en cas de persistance après
cette automédication que l'on se rend dans un centre de santé. En
cas de complication ou de non amélioration de l'état de
santé suite à la consultation au centre de santé, les
malades se rabattent d'emblée vers les tradithérapeutes, parce
qu'on suppose dans ce cas que la maladie n'est pas à soigner dans un
centre de santé (KINIFFO et al. 2000).
Certains travaux ont été effectués sur
plusieurs pathologies de l'enfant à la fois et présentent des
résultats mitigés. En zone non lotie à Ouagadougou
(Taabtenga) comme dans le loti (Wemtenga), en cas de fièvre, la
quasi-totalité des familles ont recours à la médecine dite
moderne, principalement par l'automédication (essentiellement la
consommation de restes de médicaments à domicile) puis
consultation dans une formation sanitaire. En revanche, en cas de
diarrhée, les familles ont beaucoup plus recours à la
médecine traditionnelle, soit directement à domicile, soit en
consultant le tradipraticien (UERD, 2002)4. De même,
l'étude de WILLEM et al. (2001) dans le district sanitaire Paul
VI de Ouagadougou révèle qu'en cas de diarrhée
l'automédication est le recours le plus utilisé par les
mères. Par contre, en cas de paludisme ou de toux, elles font plus
recours aux ressources thérapeutiques hors du ménage pour les
soins des enfants.
Pour les cas de diarrhées, l'automédication
tient la première place au premier recours. Les mères ont recours
aux plantes qu'elles connaissent avant tout remède. Le recours aux
tradipraticiens vient en seconde place, suivie de l'automédication
moderne
4 Unité d'Enseignement et de Recherche en
Démographie (UERD) actuelle ISSP, Santé, Education, Habitat
à Ouagadougou, in Ouaga Focus N° 9 Juin 2002
21
tandis que le dispensaire constitue le dernier recours. La
structure de soins moderne est surtout utilisée comme second recours
(KANKI et al. 1991).
De la réponse à la question, Quelle
démarche ferez-vous si votre enfant a une diarrhée ? Il
apparaît que la pharmacopée au plan global vient en
deuxième position avec 35% après le recours à une
formation sanitaire 38% (PODA et al. 2003).
Selon EDSBF-III- 2003, parmi les enfants5 ayant
présenté des symptômes d'infections respiratoires
aiguës, 33 % seulement ont été conduits dans un
établissement sanitaire ou auprès de personnel médical
pour traitement ou conseils. Les enfants de 6-11 mois et de 1223 mois sont ceux
qui sont conduits le plus fréquemment dans un établissement
sanitaire (respectivement, 37 % et 38 %). Pour ce qui est de la
diarrhée, seulement 17% des enfants ont été conduits dans
un centre de santé moderne au cours de leur maladie. Nous constatons que
le paludisme et la diarrhée ont fait l'objet de nombreuses études
contrairement aux infections respiratoires aiguës notamment la toux ou la
pneumonie.
Le choix d'une option thérapeutique ne se fait pas de
façon fortuite, donc dépend d'un certain nombre de facteurs.