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Le retrait d'agrément aux compagnies d'assurance dans la zone CIMA.

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par Emilienne Michou Goghoue Tchomte
Université de Dschang - master II 2010
  

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Para II- LES OPERATIONS DE LIQUIDATION

Avant d'entrer de plein pied dans les opérations liquidatives, il convient de marquer un temps d'arrêt sur les effets généraux de la liquidation à l'égard des parties.

A. LES EFFETS GENERAUX DE LA LIQUIDATION

A L'EGARD DES PARTIES

Il s'agit ici des effets généraux de la liquidation à l'égard du débiteur, c'est-à-dire à l'égard de la compagnie en cause, et à l'égard des créanciers.

1- Les effets généraux de la liquidation à l'égard du débiteur

L'effet majeur de la liquidation sur la compagnie est le dessaisissement de ses dirigeants. Le jugement d'ouverture de la procédure met fin aux pouvoirs des dirigeants. La compagnie est désormais représentée par le liquidateur qui seul peut agir en son nom. C'est lui qui conduit les opérations liquidatives avec les pouvoirs les plus étendus. Le dessaisissement qui se circonscrit dans un domaine précis ne doit pas se confondre avec ses notions voisines.

Le dessaisissement se diffère de l'incapacité et de l'expropriation. L'incapacité est édictée en vue de protéger l'incapable. Or le débiteur peut poser des actes juridiques inattaquables par lui-même et par les tiers avec lesquels il a traité. Seulement l'acte est inopposable aux créanciers qui sont fondés à l'ignorer tant que dure la procédure. Il n'y a non plus expropriation en ce sens que les créanciers n'acquièrent la propriété du patrimoine du débiteur. Par contre, le dessaisissement se rapproche de la saisie et de l'inopposabilité. D'une part, le dessaisissement entraine l'indisponibilité des biens du patrimoine du débiteur, il s'agit en quelque sorte d'une voie d'exécution propre aux sociétés commerciales. D'autre part, l'inopposabilité qualifie assez bien la situation créée par le jugement d'ouverture. L'inopposabilité se dit d'un acte dont la validité en tant que telle n'est contestée, mais dont les tiers peuvent écarter les effets. Elle se distingue de la nullité qui opère erga omnes, c'est-à-dire à l'égard de tous.

Le dessaisissement dure autant que la procédure, et s'étend à tous les biens du débiteur, que ce soit les biens présents ou à venir, et à tous les actes et actions passés en méconnaissance de la loi. Cependant le dessaisissement ne fait pas obstacle à certaines actions procédurales telles que le recours contre la décision portant retrait d'agrément, et les actions en contestation des créances.

2- Les effets généraux de la liquidation à l'égard des créanciers

Le jugement de redressement judiciaire ou de liquidation des biens produit par lui-même certains effets. Notamment, il suspend les poursuites individuelles, entraine la déchéance du terme, arrête le cours des intérêts, entraine l'inopposabilité de la période suspecte, confère une hypothèque légale au profit de la masse...

La procédure spéciale de liquidation a laquelle nous nous intéressons ne produit pas tous ces effets :

Elle suspend les poursuites individuelles, l'art 325-8 al 2 du code CIMA le déclare expressément. C'est d'ailleurs le corollaire de l'existence d'une procédure collective. Cette suspension a un caractère général en ce sens qu'elle s'applique à tous les créanciers hypothécaires ou privilégiés, puisque la loi ne fait aucune distinction. Il n'est donc pas prévu de délai dans lequel les créanciers munis de sûreté réelle spéciale peuvent reprendre leur droit de poursuite individuelle comme c'est le cas en matière de liquidation de biens (art 149 et 150 AUPCAP). Cette omission s'explique sans doute par le fait que les sommes dues aux assurés qui ont un privilège général, absorbent tout l'actif social et que les créanciers hypothécaires ont bien peu de chance d'être colloqués sur le prix de vente des immeubles hypothéqués, sauf si leur rang leur est préférable81(*).

Elle rend exigible les dettes non échues. Aucune disposition du code CIMA ne consacre expressément cette solution. Mais on peut admettre, par application du droit commun, que le retrait d'agrément entraine déchéance du terme, tout au moins lorsqu'il est la conséquence d'une situation financière déficiente de la société.

Elle permet d'annuler les opérations antérieures. A la requête de la commission, décide l'art 325-13 du code CIMA82(*), le tribunal peut prononcer la nullité d'une ou de plusieurs opérations réalisées par les dirigeants d'une société pourvue d'un liquidateur à la suite de retrait d'agrément, à charge par la commission d'apporter la preuve que les personnes qui ont contracté avec la société savaient que l'actif était insuffisant pour garantir les créances privilégiées des assurés et que l'opération incriminée devait avoir pour effet de diminuer cette garantie. C'est un régime analogue à celui que connaît le droit OHADA des procédures collectives à titre d'inopposabilité de droit et d'inopposabilité facultative pour les actes passés pendant la période suspecte (art 68 et 69 AUPCAP). Mais, ici la période suspecte n'est pas limitée83(*). Le régime est le même pour toutes les opérations incriminées quelles qu'elles soient, et l'action est laissée à l'initiative de la commission qui a la charge d'une preuve qui semble pas très évidente, car le texte établit une présomption simple de bonne foi à l'égard des cocontractants de la société débitrice, présomption qui ne peut être renversée que par la preuve contraire de la commission. Rien n'empêche d'ailleurs le liquidateur d'exercer lui-même l'action paulienne si ses conditions sont réunies84(*).

Par contre, l'hypothèque légale de la masse n'existe pas à proprement parlé, puisqu'il n'y a pas de masse, mais la commission doit prendre obligatoirement lorsque l'entreprise fait l'objet d'un retrait d'agrément une hypothèque qui semble ne garantir que les intérêts des assurés et bénéficiaires de contrats d'assurance (art 332-1 code CIMA). Les intérêts des créanciers contre la société continuent à courir, en l'absence d'une disposition contraire dans le code CIMA.

Par ailleurs, aux termes de l'art 325-1 du code CIMA, la décision portant ouverture d'une procédure de liquidation d'une compagnie d'assurances ne laisse pas subsister le moindre doute quant au sort réservé aux contrats de travail des employés. En effet l'ouverture d'une procédure de liquidation met fin aux différents contrats de travail qui liaient la compagnie d'assurances aux employés. Le jugement d'ouverture s'impose tant à l'employeur en le dessaisissant de l'administration et de la disposition de ses biens présents et avenirs, qu'aux employés en mettant un terme à leurs contrats de travail sans qu'ils aient un mot à dire. Cette situation ne s'analyse pas en un abus de droit, quelles qu'aient pu être les irrégularités commises dans la gestion de la compagnie d'assurances. Dans ce contexte, la liquidation de la compagnie constitue un motif légitime de rupture des contrats de travail. Cependant, la vocation au désintéressement des droits nés de l'exécution antérieure desdits contrats n'en subsiste pas moins.

En général, les salariés sont des créanciers de la compagnie en ce qui concerne leurs droits. A ce titre, ils sont astreints à la discipline collective. Mais au sein de la masse des créanciers, ils bénéficient d'un traitement différent selon la qualité ou la nature de leur créance. Il en est ainsi du super privilège dont bénéficient les employés de la compagnie d'assurance en liquidation. Ce super privilège est une prérogative exorbitante en faveur des salariés, dans la mesure où d'ordinaire, une créance privilégiée ne procède que d'un droit valablement constitué sur le patrimoine ou un élément du patrimoine de la compagnie avant sa mise en liquidation. Or le super privilège des salariés ne se prête pas à ce formalisme et encore moins n'est soumis à aucune mesure de publicité85(*).

Dans de termes particulièrement avantageux, l'AUPCAP et le code CIMA ont prévu que les sommes garanties par le super privilège doivent être payées par le liquidateur sur simple ordonnance du juge contrôleur, dans les dix jours de la décision portant liquidation, si le liquidateur a en main les fonds nécessaires. Dans le cas contraire, elles sont payées sur les premières rentrées de fonds. Mieux que l'AUPCAP, le code CIMA précise la créance garantie. Ainsi, le super privilège est constitué sur les salaires correspondants aux 60 derniers jours de travail effectif et payable nonobstant l'existence de tout autre privilège. En outre, le législateur CIMA, eu égard au caractère alimentaire de la créance de salaire, a consolidé la protection des employés en mettant à leur disposition une provision payable nonobstant tout autre créance privilégiée, et qui s'impute sur le montant total des créances garanties par le super privilège. Ainsi aux termes de l'art 325-7 al 2 du code CIMA, avant tout établissement du montant des créances prévues à l'art 325-7 al 1er, le liquidateur doit avec l'autorisation du juge contrôleur et dans la mesure des fonds disponibles, verser immédiatement aux salariés, à titre provisionnel, une somme égale à un mois de salaire impayé sur la base du dernier bulletin de salaire.

En substance, la protection des intérêts des employés dans la liquidation des compagnies d'assurance en zone CIMA s'est révélée être au centre des préoccupations des hautes parties contractantes de la conférence parce que d'une part, la paix sociale procède du bien être des citoyens dont l'Etat est garant et, d'autre part le souci de justice contractuelle commande une balance des rapports y afférents86(*). Dans la perspective de parfaire ces droits des employés, la mise sous pied d'une institution au sein de la zone CIMA à l'instar de l'association pour la gestion du régime d'assurance des créances de salaires en France (AGS), sorte de fonds de garantie pour le règlement des droits des salariés en cas d'insuffisance d'actif conjurerait certainement la peur qui plane les esprits de ne voir régler totalement les droits des employés à l'issue des procédures de liquidation des compagnies d'assurance en zone CIMA.

* 81 C'est le cas lorsque l'immeuble est entré dans le patrimoine de l'entreprise déjà grevé d'une hypothèque

* 82 Le texte parle de nullité des opérations antérieures alors qu'in s'agit en réalité d'une inopposabilité car l'acte en lui-même n'en est pas moins valable, seulement, il n'a aucun effet à l'égard des créanciers au nom de qui la nullité est demandée

* 83 Dans l'AUPCAP la juridiction compétente à reçu compétence pour fixé la date de cessation de paiement qui marque le point de départ de la période suspecte. Cette période ne doit pas être plus de 18 mois avant le jugement d'ouverture art 34 AUPCAP

* 84 L'action paulienne est l'action par laquelle le créancier demande en justice la révocation des actes d'appauvrissement accomplis en fraude de ses droit par le débiteur insolvable V. GUILLIEN et J. VICENT, lexique des termes juridique, Dalloz, Paris, 14ème ed 2003 P. 20. Dans ce cas le liquidateur agit aux noms des créanciers qu'il représente.

* 85 Bâtonnier EBANDA EWODO « la sauvegarde des droit des employés » in Assurance et sécurité N° 013 novembre 2008

* 86 Idem

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand