Les communes des borderlands camerounais face aux conséquences des conflits centrafricains de 1960 à 2013. Cas de Garoua Boulai, Ngaoui et Bertoua.( Télécharger le fichier original )par (pas de prénom) GAMBO Université de Ngaounderé-Cameroun - Master 2014 |
E-REVUE DE LA LITTÉRATUREEntreprendre un travail scientifique nécessite au préalable une revue documentaire. En effet, la littérature sur la prévention des conflits, les résolutions des conflits et les rôles des communes est assez récente comparée à celle sur la théorie du conflit. Elle est le fait, autant des hommes politiques que des hommes de science. Les traités de Westphalie constituent une première rationalisation de la prévention des conflits. En effet, ils apparaissent comme le premier exemple de résolution des conflits par la voie de la conciliation, conciliation qui à permis de mettre un terme à la guerre de 30 ans opposant les empires européens. Bien après cet exemple isolé, la réflexion sur la prévention des conflits prendra une plus grande consistance après la première guerre mondiale. En effet, le spectacle affreux des atrocités et les nombreuses séquelles de la guerre ont suscité chez les penseurs et les décideurs le souci de créer des mécanismes qui empêchent la survenue, à l'avenir, de telles horreurs. Cette littérature reste cependant tributaire de la conception et de la culture de guerre prévalant à l'époque à savoir, les guerres classiques opposant des Etats par l'entremise de leurs armées identifiées comme telles. Les actions en prévention des conflits à cette époque revêtirent donc pour la plupart la forme de la diplomatie préventive exercée sur les chefs d'Etats afin de les amener à choisir un mode de résolution de leurs antagonismes qui soit autre que la guerre. C'est dans cette logique que s'inscrit le discours surles 14 points du Président Wilson et, c'est aussi dans ce contexte qu'il faut situer les nombreux succès de la SDN en matière de prévention et de gestion des conflits. La période allant de la fin de la deuxième guerre mondiale à la fin de la guerre froide sera marquée certes par quelques productions tant dans la littérature que dans la 39-Ousmane Bouba, 2011, « l'appui des organismes internationaux et des programmes gouvernementaux aux communes de la Bénoué (Nord-Cameroun) : 1960-2011 », Mémoire de Master II, Histoire, Université de Ngaoundéré, p 21. 19 pratique même de la prévention, mais ces productions resteront toutes influencées par la bipolarité mondiale qui prévalait à l'époque. De fait, les opérations menées dans les années 50 étaient relativement simples. Relevant du Chapitre VI de la Charte des Nations Unies, elles rentraient dans une logique du consentement des parties au conflit, à une médiation et à sa résolution. La période post guerre froide pour sa part fera intervenir une mutation sans précédent dans la polémologie de l'époque. En effet, « l'un des aspects les plus remarquable de l'après-guerre froide, conclut la Commission Carnegie, est que le nombre de conflits se déroulant à l'intérieur d'un état dépasse largement celui des conflits entre états ». Un tel contexte mènera évidement à une révision des conceptions en présence en ce qui est de la prévention des conflits. Aussi, la littérature sur la prévention des conflits mettra, à partir de cette époque, un accent particulier sur les causes intra-étatiques et sociologiques ou encore structurelles de la guerre telles les extrémismes culturels, politiques et religieux afin d'y apporter une solution adéquate. En première analyse, il semble opportun de rechercher une compréhension suffisante de la conflictualité de l'Afrique centrale. Michel Kounou40, en se penchant sur les traits principaux faisant la particularité de la conflictualité en Afrique subsaharienne, apporte une contribution décisive dans cette optique. L'auteur part d'une relecture des principales théories de la guerre pour ensuite les appliquer à la réalité de la zone étudiée. Il constate que les facteurs conflictogènes de cette zone sont plus à chercher sur le terrain politique qu'ethnique. En d'autres termes, même si la composante ethnique peut parfois être un facteur détonateur d'une crise profonde mais latente, d'autres facteurs moins proclamés, moins apparents et moins déterminés seraient susceptibles d'offrir un autre éclairage à la tourmente qui s'est installée en permanence depuis 1960, au sud du Sahara. Il pense que la conflictualité subsaharienne est le fait non seulement de facteurs interne à l'Afrique et aux Etats en conflit mais résulte aussi des implications et des projections externes aux Etats africains. Ainsi il établit que le tracé frontalier inadéquat et la manipulation des sensibilités qui en découlent sont presque toujours à l'origine de ces guerres, que ces guerres connaissent une grande implication et même une participation de mercenaires guidés par l'ambition de faire main basse sur les richesses du sous-sol, et qu'elles portent aussi la marque de la confrontation des ambitions hégémoniques post guerre froide des grandes 40M. Kounou, 2001, « Les conflits armés post-guerre froide en Afrique au sud du Sahara : Un essai de caractérisation » in Revue Africaine d'Etudes Politiques et Stratégiques, N°1, pp 223-245. 20 puissances occidentales. Compte tenu de cette critériologie particulière, il pense que la prévention des conflits ne devrait pas être abandonnée à l'OUA qui est une institution faible, mais devrait revenir à un Etat central Africain fort et doté des moyens suffisants pour cette fin. Cependant, l'auteur ne mentionne la gestion endogène des conséquences d'une crise comme étant un mode de prévention des conflits. Les travaux de la Commission Carnegie sur la prévention des conflits meurtriers publiés en 199841 occupent une place de choix dans notre sélection de la littérature sur la prévention des conflits, en ceci qu'ils constituent un premier balisage scientifique de la réflexion moderne sur la prévention des conflits intégrant les types et les modalités nouveaux de guerre, telles les guerres asymétriques, les conflits intra-étatiques, ethniques, identitaires et les guerres religieuses. Les Commissionnaires partent du postulat que les conflits meurtriers ne sont pas inévitables et qu'il est moins coûteux de prévenir les guerres que de supporter le coût des pertes qu'elles causent. Les membres de cette commission adoptent une approche très générique de la prévention des conflits faite d'observations et de propositions assez générales. Dans une vision très idéaliste empreinte de conceptions chères à l'approche libérale des relations internationales, les commissionnaires traitent des différents cas de figures, des différentes opportunités et des différents modèles d'action mais ne le font qu'à titre de proposition. On doit à cette Commission la conceptualisation d'une approche de la prévention qui établit une distinction entre la prévention immédiate entendue comme l'ensemble des mesures applicables pour faire face à une crise immédiate, et la prévention structurelle comprise comme l'ensemble des mesures qui permettent d'éviter les crises ou d'empêcher qu'elles ne se reproduisent. Ainsi, la prévention immédiate implique une réaction rapide faite d'un ensemble de mesures politiques économiques et militaires permettant de créer les conditions dans lesquelles des leaders responsables seront capables de régler le différend à l'origine de la crise. Par contre, la prévention structurelle s'appuie sur des stratégies juridiques, économiques et socioculturelles oeuvrant pour la consolidation de la paix par l'instauration et la conservation d'un dialogue social inclusif et la satisfaction des besoins essentiels des populations en matière politique, économique, sociale et culturelle. 41Commission Carnegie. 1997. 21 Paul Ango Ela42, dans son ouvrage, part d'une présentation des causes et des facteurs qui sont à l'origine de la conflictualité dans la sous-région Afrique centrale. Et, en bonne place de ces causes figurent non pas le facteur ethnique apparent, mais des considérations politiques qui poussent les acteurs politiques locaux dans leur plan de conquête ou de préservation du pouvoir, à jouer sur la fibre ethnique et identitaire. Ainsi, la cause principale de la conflictualité de l'Afrique médiane serait le monopole politique entendu comme le refus du partage du pouvoir et de l'alternance au pouvoir. A coté des considérations politiques, les auteurs recensent aussi les projections géostratégiques de certaines grandes puissances, la militarisation de la société civile et la pauvreté. Après les causes, les auteurs se penchent sur quelques cas de prévention et de gestion régionale des conflits réussis et envisagent les moyens de s'en inspirer pour adapter ces succès au contexte de l'Afrique centrale. Dans une ultime partie, les auteurs envisagent les différentes pistes pouvant mener à la mise en place d'un système effectif de prévention et de gestion des conflits en Afrique centrale. Sont ainsi abordés comme catalyseur du dialogue social, l'émergence d'une société civile viable, la mise en place d'une protection sociale effective et la naissance d'une culture de paix en Afrique centrale. Un autre axe cité est celui de l'instauration d'un contexte de participation et de coopération entre la communauté internationale et la sous région dans son projet de construction d'un système de prévention des conflits efficace. Car, si la responsabilité première du maintien de la paix et de la sécurité en Afrique relève d'abord et avant tout des africains, le monde et la communauté internationale est également responsable de cette paix et de cette sécurité, au même titre que l'Afrique, bien qu'à une échelle différente43. Mwayila Tshiyembe44, dans son oeuvre publiée en 2003 part du constat que « dans la région de l'Afrique médiane autant que dans d'autres régions de l'Afrique noire, l'ethnie est une « notion sociologique » précoloniale dont l'existence est réelle par opposition à 42 P. Ango, Ela, 2001, « La prévention des conflits en Afrique centrale : prospective pour une culture de la paix », Karthala, p.p 49-53. 43 A. Fogue, 2007, « les questions stratégiques », Séminaire de DEA/Master II sur le thème : le déficit d'autonomie politique et stratégique de l'Etat post colonial et les problèmes africains actuels, Université de Yaoundé II pp 56-57. 44Mwayila Tshiyembe, 2003, Géopolitique de paix en Afrique médiane, Harmattan, Paris, pp 52-59. 22 l'irréalité de l'Etat-Nation. ». Pour l'auteur, la cause principale de la conflictualité dans cette zone est à rechercher dans l'inadéquation du modèle occidental de l'Etat-nation avec la culture ethnique de l'Afrique. Ainsi, la violence en Afrique médiane est une violence politique et non ethnique parce que découlant de l'inadaptation du modèle d'administration et de gestion en vigueur d'avec les réalités locales. De plus, ces guerres n'opposent pas des leaders ethniques mais plutôt des leaders politiques usant politiquement de l'élément ethnique pour accéder au pouvoir ou y rester. En sommes, « la violence politique est la variable structurelle de la conflictualité interne qui ensanglante la région de l'Afrique médiane45 ». Fort de ce constat, il préconise comme palliatif à la conflictualité, la création d'un nouvel ordre politique basé sur la perspective d'une triple fondation du nouveau pacte républicain, du nouveau pacte démocratique et du nouveau pacte constitutionnel. Le nouveau pacte consiste, selon le rédacteur, à partir de la réalité ethnique comme fait national pour parvenir à une fédération des peuples libres dits ethnies et des hommes libres dits citoyens, dont le double consentement constitue désormais le mode de légitimation et de légitimité du pouvoir. Il convient de noter ici que cette oeuvre a le mérite de mettre l'accent sur un point essentiel de la prévention structurelle à savoir la participation des ethnies et des citoyens à la construction du projet de société comme exutoire des tensions et des clivages au sein de la nation. Cependant, tous ces auteurs ne mentionnent pas la gestion des conséquences des conflits dans la prévention des nouveaux conflits. Hamoa Dalailou46 dans sa thèse de Doctorat, retrace l'historique des communes au Nord-Cameroun. Il vente le mérite des notables et la présente comme précurseur de l'institution communale. A travers les biographies de deux anciens maires notamment Mamadou Bako de Garoua et Bobbo Moussa de Ngaoundéré, l'auteur fait le bilan des réalisations des magistrats municipaux de ces deux communes respectives. Cependant, il n'évoque pas les rôles que peuvent jouer les communes dans la résolution d'une crise. C'est à quoi, ce travail s'attèlera à démontrer. 45 Ibid. 46HamoaDalailou, 2006, « Le conseil des notables et l'institution communale au Nord-Cameroun : 19232002 », Thèse de DoctoratPh/D en Histoire, Université de Ngaoundéré. 23 Anne Marie Hochet47 dans son ouvrage, renseigne sur le décalage entre le concept que les communautés rurales ont de leurs développements et les concepts du développement qui évoluent en Europe bien loin d'elles. Or, ces communautés d'une grande créativité, ont leur philosophie, leurs modèles propres et leurs schémas de pensée qu'il nous faut comprendre et respecter, précise l'auteur avant toute tentative de diffuser ceux qui viennent de l'occident. Comme quoi la sagesse en développement consiste avant tout à comprendre la sagesse des populations bénéficiaires. Tous ceux qui interviennent directement ou indirectement en milieu rural doivent savoir analyser leurs concepts au regard de pensée d'autrui et ne pas lui imposer l'écran de leur vocabulaire. L'étude des conflits, a longtemps fait l'objet de réflexion de nombreux auteurs d'Afrique et d'ailleurs. En effet, Michel Dobry48 est l'un des auteurs qui a porté ses analyses sur les crises politiques en Afrique. En effet, l'auteur met en exergue une perception nouvelle de la question des crises. Il tente de présenter les conséquences des crises politiques dans ces aspects sociologiques, y compris dans leur déroulement. L'étude de l'auteur a pour principal objectif d'avoir des connaissances approfondies sur la manière et les causes des crises respectivement par des questions « comment de la crise ? » et « qu'est ce qui se passe ?». L'auteur pense que l'étude d'un conflit doit fonder ses racines sur la « la différenciation structurelle » des sociétés, soit de l'existence de contextes de sens de « différenciés ». Il s'inscrit alors en faux contre la représentation de la crise comme « rupture de l'ordre routinier » et prône en retour celle de la « continuité » de la crise par rapport à la normale. Selon Miche Dobry, l'analyse de la crise devrait tenir compte de la continuité c'est-à-dire, de son impact dans le milieu où elle se déroule et ailleurs. Car une crise est une conjoncture fluide. Par ailleurs, de nombreuses grilles d'analyses ont été développées dans l'analyse des crises en Afrique. De manière générale, les auteurs en question se sont penchés sur une vision dualiste des facteurs exogènes des crises en Afrique. D'autres par contre, donnent une lecture causale interne. Saïbou Issa, Sali Bakari et Christian Bouquet dans leur étude du conflit tchadien, placent son origine dans la dialectique Nord-Sud. Selon ces auteurs, cette dialectique existe depuis l'époque précoloniale. Les religions, l'ethnie et la pluralité des cultures opposent ces deux ensembles depuis des époques reculées. 47 A. M. Hochet, 1997, les concepts du développement en question : Afrique de l'Ouest et Centrale, Edition Datafro. 48 M. Dobry, 1986, Sociologie des crises politique : dynamique des mobilisations multisectorielles, Paris, Presses de la fondation nationale des Sciences politiques. 24 Dans leur lecture de conflit politique en Afrique, John Hari49, et Perre-Franklin Travares50 présentent les origines des crises centrafricaines au-delà de ce continent. Selon ces derniers, les occidentaux sont coupables des conflits observés à travers l'Afrique. Ils sont en fait, le résultat de l'ingérence et de la manipulation des forces occidentales. Paul. Kalck51, Yarisse Zoctizum, D. Bigo52et Jean PierrGoupandé53 retracent le profil de l'occupation de l'Oubangui Chari par les différents peuples centrafricains. Ils donnent également une nette clarification sur les différentes raisons les ayant poussé à s'y installer. Ces auteurs ont le mérite de montrer dans leurs différents travaux l'origine du caractère belligérant de ces peuples. Ils étudient à ce titre la sociologie politique de pays depuis la préhistoire jusqu'à l'époque post coloniale. Ils renseignent sur la pratique politique depuis l'indépendance jusqu'à nos jours et justifient l'oppression de l'Etat centrafricain. Cependant, ils ne présentent pas la gestion des conséquences des conflits centrafricains au Cameroun. De nombreux auteurs se sont également penchés sur l'étude des conséquences de conflits centrafricains dans les pays hôtes. J.N. Mouelle Kombi II54, Saïbou Issa55 et Gbwowé Gbowé Simplice56, ont orienté leur étude sur cet angle. Après avoir étudié les conséquences sociopolitiques de départ ayant provoqué les crises centrafricaines, ils scrutent leurs conséquences dans les zones frontalières du Cameroun. Ils mettent un accent sur la réalité de l'impact des crises centrafricaines sur les différentes zones d'accueils respectives. Ces travaux ont le mérite de traiter des conséquences des crises centrafricaines au Cameroun, mais ignorant l'ampleur de la situation dans les villes de Garoua Boulai, Ngaoui et Bertoua, nous nous sommes donnés pour mission d'approfondir l'analyse dans ces trois villes frontalières. 49 Johann Hari, 2007, « Centrafrique : une guerre française oubliée », in http://contre info/article.ph3 ?id consulté le 23 septembre 2014 à 21h 30 min. 50P-F Travares, 2004, « Pourquoi tous ces coups d'Etat en Afrique ? », Le monde Diplomatique, Archives, Janvier 2004. 51 P. Kalck, 1974, L'histoire de la Centrafrique des origines préhistoriques à nos jours, Levrault, Paris. 52 D. Bigo, 1988. 53J.P. Ngoupande, 1997, Chronique de la Crise centrafricaine : 1976-1997. Le syndrome Barracuda, Paris, Harmattan. 54J.N. Mouelle Kombi II, 1986, « Le problème des réfugiés en Afrique et ses conséquences pour les pays hôtes : cas des réfugiés Namibiens, Sud-Africains et Zaïrois en Angola », Mémoire de Maîtrise, Droit Publique, Université de Yaoundé. 55 Saïbou Issa, 2006, « La prise d'otage aux confins du Cameroun, du Tchad et de la République Centrafricaine. 56Gbowé Gbowé Simplice, 2010, « Les conséquences des crises politiques centrafricaines dans l'Adamaoua et l'Est du Cameroun (1960-2010) », Mémoire de Master II, Université de Ngaoundéré. 25 |
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