CONCLUSION GÉNÉRALE
Parvenu au terme de notre analyse, il était question de
faire une évaluation des actions des communes de Garoua Boulai, Ngaoui
et Bertoua faceaux conséquences des conflits centrafricains dans les
borderlands camerounais. De ce qui précède, force est de
constater quela dynamique sociopolitique et socioéconomique de la
Centrafrique atteste que l'esprit de guerre est inhérent à la
présence humaine en Centrafrique. La perception de la République
Centrafricaine comme foyer de crise, plonge ses racines dans l'histoire de ses
populations et les rapports qu'elles ont entretenus depuis la présence
de l'homme dans cet ensemble géographique. Du 14èmeau
16 ème siècle, chassé par l'Islam, venant du Soudan, puis
par les razzias esclavagistes, les guerres interminables et coloniales, de
nombreuses populations venues d'horizons divers trouvèrent refuge dans
le pays centrafricain1. Les peuples centrafricains sont alors des
peuples de traditions guerrières, notamment les guerres de
conquête dans le soudan occidental2.
D'autre part, depuis l'aube de son accession à
l'indépendance, la gestion des affaires publiques, le choix de
l'élite politique en Centrafrique sont devenus jusqu'à nos jours
les principales causes des crises que traversent le pays. Mais la politisation
de l'ethnie ou l'utilisation de celle-ci à des fins politiques semble
être la principale raison des problèmes centrafricains depuis 1965
jusqu'à nos jours.
En outre, la présence européenne est
matérialisée en Centrafrique depuis le XIVème
siècle notamment avec l'établissement des Français en
18893. Ces différents passages de forces extérieures
ont favorisé la configuration du territoire centrafricain et ont
impulsé dans la même logique une nouvelle dynamique sociale,
économique et politique dont les séquelles demeurent
indélébiles de nos jours dans ce pays.
Par ailleurs, à l'exception de l'État
camerounais, les autres pays limitrophes de la Centrafrique sont des foyers de
tensions, de guerre civile, des coups d'États militaires et de la grande
criminalité transfrontalière. Outre ces tensions qui
caractérisent l'intérieur de ces États, les relations
conflictuelles caractérisent également les rapports entre
certains États. C'est l'enchevêtrement de tous ces
problèmes qui a fait de la Centrafrique un État «
fantôme »4.
1 Y. Zoctizum., 1983, Histoire de la Centrafrique,
1879-1959, Tome II, Paris, L'Harmattan, p. 30.
2 P. Kalck, 1974, L'histoire centrafricaine des
origines préhistoriques à nos jours, Levrault, Paris,
pp.54-61. 3N.C. Yambeti, 2003, « Histoire de Bangui
(Centrafrique) de 1889-2003 », Mémoire de DEA, Histoire,
Université de Ngaoundéré, p.3.
4 Rapport Afrique de Crisis Group,
N°136, « République Centrafricaine anatomie d'un Etat
fantôme »
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Le Cameroun et la RCA sont contigus et partagent une longue
frontière terrestre de 1700 km. Non maîtrisée et poreuse,
cette frontière est utilisée par les peuples « trait d'union
»5 et les bandes armées qui dictent leurs lois le long
et de part et d'autre de celle-ci. L'instabilité politique en
Centrafrique a ouvert l'ensemble du pays au désordre de toute nature
dont les répercussions s'observent dans les régions
frontalières du Cameroun notamment dans les villes de Garoua Boulai,
Ngaoui et Bertoua. Cette situation a dégénéré dans
ces trois villes, des conséquences négatives telles que la
prolifération et la circulation des armes légères de petit
calibre, les actes violents d'agression, les prises d'otage, les bandits de
grand chemin (zarguina), la présence des maladies
endémiques et épidémiques, les crises alimentaires et les
effectifs pléthoriques dans les établissements scolaires.
Cette situation a obligé les communes des
bortderlands camerounais en particulier, les communes de Garoua
Boulai, Ngaoui et Bertoua à réaliser les actions en vue de
pallier à ces problèmes devenus chroniques. De manière
générale, les communes ont des missions régaliennes qui
consistent à fournir les services de base à ses habitants telles
que l'éducation, la santé, les routes, l'électrification,
l'approvisionnement en eau potable, l'assainissement de la ville, la
sécurité des populations et la promotion des activités
culturelles et sportives. C'est ces missions permanentes qui justifient toutes
les actions entreprises par les communes, à travers leurs multiples
réalisations sur les plans politique, économique, social et
culturel. En effet, l'objectif poursuivi de notre étude était de
scruter les actions qui nous permettent de voir en quoi les communes des
bortderlands camerounais contribuent à la gestion des
conséquences des conflits centrafricains. Pendant des décennies,
il apparait qu'au regard des besoins exprimés sur le terrain, ces
actions n'ont pas totalement atteint les objectifs visés par les
communes. Car, de nos jours encore les populations éprouvent des
difficultés à accéder à l'eau potable, aux soins de
santé, à un environnement sain. On note également la
persistance des conflits entre les réfugiés et les populations
hôtes et de l'insécurité qui s'illustre à travers
des actes d'agression de toute nature. Cependant, il faut reconnaitre à
ces communes le mérite d'avoir réalisé des actions et
d'avoir contribué à la gestion des conséquences des
conflits centrafricains dans les régions frontalières du
Cameroun.
Ainsi, les actions menées par les communes des
borderlands camerounais dans le cadre de la promotion sociale, ont eu un
impact considérable dans la vie des réfugiés, des
5 D. Mokam, 2000, « Les peuples trait d'union et
l'intégration en Afrique Centrale : cas des Gbaya et des Moundang
», in Annale de la FALSH, Université de
Ngaoundéré, pp.5-32.
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populations locales ainsi que de l'État camerounais.
Elles ont favorisé l'intégration des réfugiés
centrafricains au sein des populations locales et a diminuer le
phénomène de l'insécurité, ce qui est un facteur de
stabilité et de paix pour l'État camerounais. Dans le cadre de la
promotion de l'éducation, on note un impact considérable sur
l'éducation des jeunes. Pour ce qui est de l'approvisionnement en eau
potable, des actions concrètes ont permis de résoudre de
manière efficace et efficiente l'épineux problème d'eau
que rencontre les populations réfugiées de Garoua Boulai, Ngaoui
et Bertoua. À cet effet, il faut noter que plus de quarante et cinq
forages ont été construits dans les trois localités. Dans
le domaine institutionnel, les séminaires de formation en agriculture
ont permis d'éviter des crises alimentaires. Cela démontre que
les communes constituent en n'en point douté les organes sur lesquels
l'on peut fonder l'espoir sur la résolution des crises
centrafricaines.
Il est évident que depuis quelques années, les
communes de Garoua Boulai, Ngaoui et Bertoua sont appuyées dans leurs
actions par des acteurs endogènes et exogènes. À partir de
2001 déjà, mais surtout en 2005, les organismes humanitaires
viennent appuyer cette initiative communale. Un appui qui s'illustre dans de
nombreux domaines. Assistance et protection des réfugiés, tels
sont les objectifs du HCR et de ses partenaires qui se déploient dans
les communes de Garoua Boulai, Ngaoui et Bertoua. Des efforts conjoints
menés pour les réfugiés en général et les
réfugiés centrafricains en particulier. D'autre part, on note
aussi un appui de l'État camerounais qui s'illustre dans la lutte contre
l'insécurité et celui des populations hôtes. Ces derniers
leur apportent des appuis ponctuels. Cependant, les communes à leurs
niveaux, se déploient, malgré la modicité de leurs moyens,
pour satisfaire les besoins de ses habitants. Au regard de l'exemple des
communes de Garoua Boulai, Ngaoui et Bertoua, on peut ainsi multiplier à
travers l'ensemble de la zone frontalière.
Par ailleurs, les communes de Garoua Boulai, Ngaoui et Bertoua
font face à d'énormes difficultés dans la
réalisation de leurs actions. Cela limite les collectivités
territoriales dans leurs actions qui sont celles de la gestion des
conséquences des crises centrafricaines. Cependant, au-delà de
l'insuffisance financière, les communes des borderlands
camerounais rencontrent encore plusieurs autres difficultés qui
s'illustrent par une quantité insuffisante des ressources
génératrices des recettes propres et la fermeture des
frontières qui ralentie les activités commerciales et
empêche les contribuables de
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s'acquitter de leurs taxes communaux. D'autre part, on note
aussi la malversation des dons octroyés par le HCR et les habitudes
traditionnels des réfugiés qui rendent difficile l'application
des programmes de prise en charge mises en place par les communes.
Donc, il serait souhaitable que, étant les
premières zones victimes des crises centrafricaines, l'État
camerounais et les organismes humanitaires prennent à coeur la place et
le rôle que jouent les communes dans cette entreprise. Ceci, en mettant
à leur disposition des moyens financiers et matériels
nécessaires, leur permettant de mener victorieusement et jusqu'à
bon port leur combat. Ceci, afin que l'impact négatif des
conséquences des conflits centrafricains ne s'observent non pas
seulement dans les régions frontalières, mais surtout, dans tout
l'étendue du territoire camerounais voir dans le monde en
général. Or, pour que quelque chose de positif sorte de ces
actions des communes, il faut mettre en place des conditions adéquates
d'optimisation de cette entreprise.
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