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Les communes des borderlands camerounais face aux conséquences des conflits centrafricains de 1960 à  2013. Cas de Garoua Boulai, Ngaoui et Bertoua.

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par (pas de prénom) GAMBO
Université de Ngaounderé-Cameroun - Master 2014
  

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II-ETAT DES LIEUX DES CONSEQUENCES DES CONFLITS CENTRAFRICAINS A BERTOUA, GAROUA BOULAI, ET NGAOUI

L'histoire politique de la République Centrafricaine est jalonnée de soubresauts politiques, entrainant une instabilité institutionnelle et conjoncturelle défavorable à son développement. La République centrafricaine couvre une superficie de 622 000 km228, elle est caractérisée par l'usage de la langue Sango. Ce pays a a pour voisins, le Cameroun à l'Ouest, la République du Congo et la République Démocratique du Congo au Sud, le Soudan à l'Est et le Tchad au Nord. Sur le plan externe, la RCA vit dans un environnement marqué par l'instabilité, tous ses voisins sauf le Cameroun ont connu un conflit armé.

Sur le plan interne, elle a subi pendant une dizaine d'années des conflits militaro-politiques à répétition qui ont affecté le tissu socioéconomique et les forces de défenses et sécurité.

Les facteurs qui justifient ou expliquent la situation précaire qui caractérise la République Centrafricaine sont nombreux. Toutefois, nous pouvons citer entre autres la gestion clanique du pouvoir par les dirigeants centrafricains, facteur qui est à l'origine de nombreux problèmes aujourd'hui, la mauvaise gestion de l'armée qui a conduit à la

27 Monographie de la commune de Bertoua 2ème, 2008.

28 « Géographie de la République Centrafricaine », in http://www.tlfk.ulaval.ca/axl/RCA-prov-htm, consulté le 10 juillet 2014

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situation invivable où l'armée sème la terreur sur les populations locales29. L'échec des efforts de la démocratisation depuis la chute de l'ancien président Jean Bedel Bokassa30. La prolifération des groupes armés et des armes légères de petit calibre à la suite de multiples coups d'Etat, le manque de dialogue franc et sincère entre le pouvoir et l'opposition depuis 1992. La centralisation et la concentration du pouvoir de l'Etat par l'exécutif et la porosité des frontières centrafricaines.

L'autre aspect est la pauvreté et la misère des populations, le tribalisme et le recrutement sur la base de critères obscurs dans les forces armées centrafricaines31. On note également l'impunité de certains auteurs présumés de graves violations des droits de l'Homme et la détérioration des infrastructures de base32.

Les dirigeants centrafricains ne sont pas les seuls responsables de l'instabilité politique qui jadis a régné en République centrafricaine. Des facteurs extérieurs ont aussi une part de responsabilité dans ces crises. Ces facteurs qualifiés de facteurs exogènes sont le rôle de la France33 et l'immobilisme de la communauté internationale34. Cette situation de crise qui plonge des racines en 1960, débute en 1966 et se manifeste par une instabilité sociopolitique chronique faite de pression, rébellion, guerre civile et autres exactions sur les populations. Naturellement, ce climat social n'est pas idéal pour les populations qui excédées, sont contraints de s'en aller, par n'importe quels moyens. Ce qui va entrainer en général, diverses conséquences pour les pays voisins en particulier le Cameroun. Il est ainsi question dans cette partie de scruter les conséquences politiques, économiques, sociales et culturelles des crises centrafricaines dans les communes de Garoua Boulai, Ngaoui et Bertoua.

29MouelleKombi II J.N., « Le Cameroun et les réfugiés », Mémoire de Maîtrise, Droit Public, Université de Yaoundé. Page 45-60.

30 A. Mehler et V. Da Cruz, 2001, « République centrafricaine. La démocratie n'est pas un vaccin », in Afrique-Politique-2000.

31 Entretien avec Poutia Jean chef de colonie centrafricaine à Ngaoui le 23 juillet 2014 à Ngaoui. 32Ibid

33 O. Leaba, 2001, « La crise centrafricaine de l'été 2001 », in Politique Africaine n° 84, Décembre 2001, p.169

34 Dion Essongué Marinette, « La prise en charges des femmes et des enfants réfugiés centrafricains dans les régions de l'Est et de l'Adamaoua au Cameroun de 1960 à 2010 : Etat, Enjeux et Impact ».Université de Ngaoundéré, 2010.

46

A-Les conséquences politiques et économiques des conflits centrafricains à Garoua Boulai, Bertouaet Ngaoui de 1960 à 2013

Les multiples crises politiques qui se sont perpétrées en République Centrafricaine ont eu des effets politiques et économiques favorables et défavorables dans les villes de Garoua Boulai, Ngaoui et Bertoua.

1-Les conséquences politiques des conflits centrafricains à Bertoua, Garoua Boulai et Ngaoui

Depuis son accession à l'indépendance, la République Centrafricaine est entrée dans le cercle des pays « fantôme »35 au monde. C'est un pays qui est victime des crises politiques. Le coup d'Etat militaire de 1965 a plongé ce pays dans un « chaos » total et a modifié à jamais sa dynamique politique. Cette situation qui se vit dans ce pays a tout de même provoqué de lourdes conséquences politiques dans les villes de Bertoua, Garoua Boulai et Ngaoui. Ainsi, on peut comprendre l'interview de M. René Emmanuel Sadi, Ministre camerounais de l'Administration Territoriale et de la Décentralisation :

Le Cameroun a des voisins et naturellement ce qui se passe chez nos voisins ne peut nous laisser indifférents. Il est tout à fait normal que les camerounais soient attentifs à la situation qui prévaut, soit au Nigéria soit en République Centrafricaine. Si les camerounais sont préoccupés par ces situations, je ne saurai affirmer que les camerounais ont peur de cette situation, encore moins les dirigeants qui prennent toutes les mesures pour que notre pays soit préservé des contres coups des situations qui prévalent dans les pays voisins. Pourquoi ? Parce que nous en subissons les contres coups avec des conséquences graves. Du côté de la frontière avec le Nigéria, en raison de la situation qui prévaut entre le gouvernement et les rebelles de BokoHaram, nous avons chaque jour des hordes de populations qui entrent au Cameroun.36

Les crises politiques qui ruinent l'ensemble des pays voisins du Cameroun en particulier la République Centrafricaine, ont déversé des conséquences douloureuses en sol camerounais. Dès lors, on rencontre entre autre :

35 International Crisis Group, 2007, République Centrafricaine : anatomie d'un Etat fantôme, Rapport Afrique n° 136 décembre, p.8.

36 E. R. Sadi, Discours prononcé lors de l'ouverture des travaux de conférence semestrielle des gouverneurs de Région à Yaoundé 2013.

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a-La croissance de l'insécurité

Les crises centrafricaines ont toujours accentués depuis longtemps le phénomène de l'insécurité dans les régions frontalières du Cameroun en particulier les villes de Bertoua, Garoua Boulai et Ngaoui. Il est justifié que les raisons pour lesquelles ces populations quittent leur pays sont parfois involontaires à cause des exactions dont elles sont victimes. Mais toutefois, il faut aussi préciser que parmi ces populations qui migrent pour le Cameroun, figurent bien des anciens combattants des groupes rebelles qui ont été vaincus37 et des soldats de l'armée centrafricaine qui savent bien manipuler les armes. Lors de leur traversée de la frontière, certains entrainent avec eux des armes légères de petit calibre. On rencontre aussi parmi ceux-ci des personnes non éduquées38. Ainsi, leur pénétration et leur installation dans les régions frontalières du Cameroun revêtent un caractère négatif pour la sécurité à l'intérieur des villes et des campagnes comme le reconnait le 1er Adjoint au Maire de la commune de Garoua Boulai, Pkao Raymond :« les crises centrafricaines ont fait de la ville de Garoua Boulai, une ville d'insécurité, car c'est presque tous les jours que nous accueillons dans notre commune des nouvelles personnes qui viennent par dizaine, centaine et millier dont nous ne connaissons pas avec exactitude leur véritable identité »39.

Dans la ville de Garoua Boulai, le phénomène de l'insécurité a pris une dimension importante à partir de 200540 qui marque l'arrivée massive des refugiés centrafricains. En 2013, l'effectif de ces réfugiés a presque doublé 41 . La concentration des refugiés centrafricains dans cette localité a fait d'elle un siège de bandit de grand chemin, des prises d'otage et des actes de vandalisme de toute nature exercées sur les nobles citoyens. Au mois d'avril 2013, dix-huit (18) chauffeurs de camion ont été enlevés à 5km du poste de contrôle de gendarmerie en allant vers Bertoua. Parmi ceux-ci, figuraient huit (08) tchadiens et dix (10) camerounais. Il a fallu l'intervention des forces de l'ordre (GPIC) pour leur libération dix jours après leur enlèvement42. Quatre jours après, un véhicule de

37 Entretient avec YaffoNdoe Esther, Maire de la commune de Garoua Boulai le 25 juin 2014 à Garoua Boulai

38GbowéGbowéSimplice, Les conséquences des crises centrafricaine dans l'Adamaoua et l'Est du Cameroun (1960-2010) P129, Mémoire de Master II, Université de Ngaounderé, 2010

39 Entretien avec Pkao Raymond le 24 juin 2014 à Garoua Boulai.

40 GbowéGbowéSimplice, Les conséquences des crises centrafricaines dans l'Adamaoua et l'Est du Cameroun (1960-2010) P129, Mémoire de Master II, Université de Ngaounderé, 2010

41 Source : UNHCR 2013,

42 Entretient avec le Sous-préfet de l'Arrondissement de Garoua Boulai, le 26 juin 2014

48

marque appartenant à la commune de Garoua Boulai a été volé. Après les enquêtes menées par la MISCA, ce véhicule fut retrouvé entre les mains des « anti-balaka »43

À l'intérieur de la ville de Garoua Boulai, les réfugiés sont extravagants et prêts à faire usage du couteau ou de toute autre arme en cas de petites disputes. C'est le cas de ce refugié centrafricain qui a été lui-même victime de son propre fusil.

Photo 4: Un réfugié centrafricain victime d'un coup de fusil le 28 décembre à Garoua Boulai

(c): Ousmanou Abdoulaye, réalisé le 28 décembre 2013 à Garoua Boulai

La photo 4 présente l'état d'un ex-rebelle de la « Séléka » victime d'une mauvaise manipulation de son propre arme. En effet, ce militant de la « séléka » était un refugié

43 Voir les annexes.

49

centrafricain installé au Cameroun et logé dans le site des refugiés de Garoua Boulai. Celui-ci avait entrainé de manière clandestine une armeappelé lance roquette44. Le 28 décembre 2013, il s'était alors éloigné à 13 km de la ville pour envoyer des tirs de roquette contre les « Anti-Balaka». Malheureusement, l'arme retourna contre lui-même pour fausse manipulation. Paralysé, ce sera qu'une famille de retour de son champ, qui va le transporter dans le pouce pour l'apporter à l'hôpital de district de Garoua Boulai où il va rendre l'âme dans la même nuit45.

Dans la ville de Bertoua, les combattants pro-Patassé présents sur le sol camerounais en 2003, avaient déposé leurs armes à la garnison militaire de Bertoua. Mais dans les rangs, ces armes semblent ne pas être remises dans toute leur globalité. Puisque, le pompiste de la société TOTAL qui avait perdu la vie la même année avait été déclaré assassiné par ces combattants centrafricains logés au camp militaire et à la sous-préfecture46. En juin 2013, ces réfugiés centrafricains prêts à faire usage de leurs couteaux, ont ôté à un commissaire de police de deuxième grade, l'une de ses deux bras comme l'illustre la photo ci-dessous.

Photo 5 : La main d'un commissaire de police lynché par les réfugiés centrafricains à Bertoua le 26

novembre 2013

(c): Mohamadou Awalou Garba réalisé le 13 juin 20130 à Bertoua

44 Hamadjida Missa, Caporal au B.I.R, consulté le 23 novembre 2014 à Ngaoundéré à 07 h 23.

45 Entretien avec Ousmanou Abdoulaye à Garoua Boulai le 22 juin 2014 à Garoua Boulai. 46GbowéGbowéSimplice, 2010, p.129.

50

La photo 5 présente le bras d'un commissaire de police en service dans la ville de Bertoua qui a été lynché par un refugié centrafricain. En principe, un conflit avait opposé les réfugiés centrafricains entre eux dans leur camp. Les forces de l'ordre voulant alors intervenir avec les armes à la main, le commissaire a fait face à une résistance d'un refugié qui a usé de sa machette47 et d'un seul coup l'a rendu manchot en lui ôtant la main gauche.

À Ngaoui, « le fait pour les Centrafricains de considérer que Ngaoui fait partie de leur territoire, est une menace permanente pour nous», indique Beuboum Roger du département du Mbéré, région de l'Adamaoua48. Ce qui explique que, chaque fois que les hostilités se déclenchent en RCA, Ngaoui et ses environs en subissent les conséquences. Comme ce fut encore le cas, lors de la récente prise de pouvoir par la rébellion du Séléka, le 24 mars 201349. Des habitants de Ngaoui, Yamba, BatouaGodolé et Damissa témoignent avoir encore assisté à ces velléités de conquête50

Le 25 mars 2005, des rebelles attaquent Djohong et Ngaoui et tuent le chef du village de Yarman III51, Peu avant, à Baboua, à 10 km de Djohong, ils avaient enlevé cinq enfants et exigé le paiement d'une rançon. Le lendemain, dans les villages camerounais d'Ouro-Ade et Djabori, deux autres villageois ont été tués et une dizaine d'enfants enlevés. Pour Marius Yaya Doumba, lamido de Djohong, les coupables sont tous désignés. «Ce sont d'anciens militaires tchadiens qui ont aidé François Bozizé à prendre le pouvoir en Centrafrique. Déclarés persona non grata en RCA et au Tchad, ils ont trouvé un terrain fertile dans cette partie de notre territoire pour perpétrer leurs crimes»52, explique-t-il.

Sobba, toujours à la frontière du département du Mbéré avec la RCA. Ce jour-là, 16 personnes (06 camerounais et 10 centrafricains), ont été enlevées et conduites en territoire centrafricain. Cinq des otages seront libérés pour faire connaître les exigences des ravisseurs aux familles, lesquelles se chiffraient à plusieurs millions de francs CFA53. Ces exactions des rebelles centrafricains viennent s'ajouter à un autre enlèvement, en 2004, de plusieurs enfants et adultes dans ce qui était alors le district de Ngaoui.

47 Les machettes des ANTI BALAKA ne sont pas de simples machettes ou encore des machettes ordinaires comme toute autre. Ces machettes sont mystiques au point où leur utilisation impose au préalable une un rite initiatique pour l'utilisateur.

48 Entretien avec Beboum Roger le 16 juillet 2014 à Ngaoui.

49 Entretien avec Poutia Nestor le 16 juillet 2014 à Ngaoui.

50 Entretient avec Abdouraman Labi le 17 juillet 2014 à Ngaoui 51Ibid

52 Entretient avec Moussa Ibrahim à Ngaoui le 10 juillet à Ngaoui.

53 Entretien avec Adouraman Labi le 17 juillet 2014 à Ngaoui

51

Les éleveurs Bororo, à qui ils demandent de fortes rançons, restent encore à ce jour leur cible principale, sans doute parce que la localité de Ngaoui, chef-lieu de l'arrondissement éponyme, abrite un grand marché sous-régional à bétail54. «Au départ, ils ne s'en prenaient qu'au bétail qu'ils revenaient vendre dans ce marché. Mais comme il était facile de reconnaître les animaux d'un troupeau, les coupeurs de route ont commencé à enlever les enfants qui coûtaient plus chers »55.

La RCA à cause de ses multiples conflits politiques, a mis son voisin le Cameroun dans une situation d'insécurité qui englobe à la fois les agressions, les assassinats, les prises d'otage, les bandits de grand chemin, et la circulation des armes de guerre de petit calibre. Ces crises centrafricaines, accompagnées par le caractère perméable de la frontière et bien d'autres facteurs ont favorisé l'insécurité dans les localités de Ngaoui, Garoua Boulai et Bertoua.

b-La naissance de plusieurs conflits

La gestion des refugiés est une tâche ardue et difficile car elle implique à la fois de nombreux acteurs et des moyens énormes. Pour l'année 2013 par exemple, une somme de 551 millions de dollars a été mise en place pour mettre en oeuvre le plan d'investigation stratégique et répondre aux défis humanitaires posés par le Chaos centrafricain56. Les réfugiés sont alors devenus un « fonds de commerce » important. Plusieurs acteurs de prise en charge ou encore de gestion des crises centrafricaines se font d»énormes richesses derrière ceux-ci. Les enjeux de cette entreprise ont alors dégénéré au sein de ces trois villes une multitude de conflit.

Sur le plan administratif, on note un conflit de leadership. C'est le cas du Maire de la commune de Garoua Boulai qui est en désaccord avec le gouverneur de la région de l'Est au sujet de la gestion des terrains pour la construction des sites des réfugiés dans la commune de Garoua Boulai. En effet, le site de Mborguené qui abritait plus de quinze mille (15000) refugiés a été déporté à Gado Badjeré dans la commune de Garoua Boulai

54 Entretien avec HamadouNgomna le 16 juillet 2014 à Ngaoui.

55 Entretient avec Kanou Emmanuel le 15 juillet 2014 à Ngaoui.

56Abou Moussa, Yaoundé, 14 mars 2012, Conférence de presse du représentant spécial du Secrétaire Général

des Nations Unies et chef de l'UNOCA.

52

sans l'avis du maire. Cet acte fut le concours d'une négociation qui s'est effectuée entre les partenaires du HCR et le gouverneur de la région de l'Est57.

D'autre part, il existe un conflit qui oppose le maire de ladite commune et le Sous-préfet de l'arrondissement de Garoua Boulai au sujet de la gestion des biens fournis pour la gestion des refugiés58. Le sous-préfet estime qu'il en est le chef de terre par conséquent, la gestion de tous ces bien lui revient. Tandis que le maire en retour, ne partage pas cette vision59. Un autre conflit dans cette ville, est également celui qui oppose les militants des partis politiques. En effet, ceux qui quittent la RCA pour le Cameroun sont à majorité les Peuls et les Bororo qui sont à grand nombre des musulmans. Une fois arrivés en terre camerounaise, ceux-ci sont souvent très vite accueillis par des élites musulmanes qui sont pour la plus part les militants du parti de l'UNDP. Ils leur offrent des logements, ensuite ils procèdent à l'établissement de leurs Cartes nationales d'identité. Or, le RDPC qui est composé à majorité des chrétiens voient le risque de perdre les prochaines élections municipales à cause de l'augmentation en nombre de la population au côté de l'UNDP. Cette situation fait alors partir de l'une des raisons pour lesquelles l'établissement des cartes nationales d'identité a été arrêté dans tous les commissariats frontaliers du Cameroun avec la RCA60.

À Ngaoui, la mésentente entre le maire de la commune et le sous-préfet de l'arrondissement de Ngaoui a favorisé la création d'un site de réfugié dans l'arrondissement de Djohong plutôt qu'à Ngaoui. Ainsi, une partie des refugiés présent à Ngaoui a été déporté dans la commune de Djohong. Ce qui permet à cette commune de bénéficier aujourd'hui de plusieurs offres de l'UNHCR61. Quant au secteur agricole, les conflits éleveurs et agriculteurs se sont d'avantage accentués. Puisque parmi ces refugiés centrafricains qui sont au Cameroun, il existe des Bororo qui sont arrivés avec leurs cheptels62.

De même, à Bertoua, un conflit a opposé et continu à opposer la population locale et les réfugiés. En effet, les réfugiés qui sont venus de la RCA refusent non seulement de

57 Entretient avec Pkao Raymond, 1er Adjoint au Maire de la commune de Bertoua à Garoua Boulai le 24 juin 2014

58 L'Etat camerounais, le HCR et plusieurs autres acteurs de la gestion des conséquences des crises centrafricaines fournissent d'énormes moyens aux autorités locales pour les actions.

59 Entretient avec le Sous-préfet de l'arrondissement de Garoua Boulai le 23 Juin 2014 à Garoua Boulai

60 Entretien avec Gabana Jean Francis le 18 juillet 2014.

61 Entretient avec YaffoNdoé Esther le 29 juin 2014 à Garoua Boulai

62 Entretien avec Abdouraman Labi le 16 juin 2014 à Ngaoui.

53

se soumettre aux chefferies dans lesquelles ils ont été casés, mais surtout ceux-ci revendiquent leur propre chefferie. Les réfugiés qui entrent au Cameroun, viennent le plus souvent par communauté. Une fois installé, le chef de la communauté depuis la Centrafrique exerce son influence sur ses sujets jusqu'au Cameroun. Ces mouvements des populations et ce transfert de pouvoir de la RCA vers le Cameroun est un facteur de conflit majeur parmi tant d'autres. Bien plus, ils sont également responsables de plusieurs actes de vandalisme, d'agression, assassinats, de vole etc. Tout ceci ne plait pas à la population locale, ce qui est cause de multiples accrochages63.

c-La création des nouveaux villages de 1960 à 2013

Depuis plusieurs décennies déjà, de nombreux centrafricains obligés de s'exiler ont opté pour le Cameroun comme destination de refuge. Ces mouvements migratoires, en fonction de l'importance du flux de personne, ont obligés les autorités étatiques et traditionnelles à créer des nouveaux villages. Ainsi, on peut observer à partir du tableau suivant quelque noms des villages qui ont été crées suite aux crises centrafricaines.

Tableau 3 : Répartition des refugiés centrafricains dans les nouveaux villages créés de 1960 à 2013

Nom du village

Communes

Total des refugiés

Année

GadoBadzéré

Garoua Boulai

18 281

2013

Mbonga

Garoua Boulai

3 214

1975

Mborguené

Garoua Boulai

15 035

1960

Taparé

Garoua Boulai

1 032

1960

Yokosiré

Garoua Boulai

5 501

1985

Bindia (Lycée Technique)

Bertoua

1 347

2010

Garga Pella

Ngaoui

814

1961

Source : Rapport du HCR 2012.

Le tableau 3 nous renseigne sur l'évolution du nombre de villages crées à la suite des crises centrafricaines dans les communes de Garoua Boulai, Ngaoui et Bertoua 2ème.

On se rend compte effectivement que le nombre des nouveaux villages n'a cessé d'évoluer. Cette évolution se justifie par de nouveaux arrivés des refugiés. La création des nouveaux villages dans ces trois communes est alors sujette aux conflits centrafricains. Plus la

63 Entretient avec Soumanou Colette le 09 juin 2014 à Bertoua

54

Centrafrique connait de nouvelles crises, plus de nouveaux villages sont créés dans ces trois localités.

d-Les opportunités de coopération

L'instabilité politique en République Centrafricaine a aussi des effets favorables. En fait, les crises politiques en RCA vont donner naissance à deux types de coopération. Il s'agit d'une part, de la coopération interétatique et d'autre part, une coopération par le bas64.

Face aux épineux problèmes d'insécurité que génèrent les conflits politiques et la situation des populations refugiés, certaines autorités traditionnelles camerounaises notamment celles de Garoua Boulai ont initié des assises avec leurs homologues de la RCA afin de trouver des solutions aux problèmes d'insécurité qui minent les deux villes voisines. Le 20 mai 2010, le sous-préfet de l'arrondissement de Garoua Boulai a convié son homologue le sous-préfet centrafricain de Bouar et ensemble, les deux administrateurs ont porté une réflexion sur les mesures à prendre pour lutter contre l'insécurité transfrontalière dans cette localité65.

Avec l'intensification des crises centrafricaines, les Etats ont cessé d'être les seuls acteurs des relations bilatérales qui existent entre le Cameroun et la RCA. On observe aussi des coopérations par le bas66. Le nord-ouest centrafricain partage une longue frontière avec la région camerounaise de l'Adamaoua. Aussi, le sud-ouest centrafricain est frontalier à la région camerounaise de l'Est et les différentes parties des deux pays ont à leur sein les mêmes composantes sociologiques séparées juste de part et d'autre de la frontière héritée de la colonisation. C'est dans ce contexte que les peuls, les Gbaya et les Pana sont divisés entre l'Adamaoua et le nord-ouest centrafricain, tandis que les Gbaya du sud-ouest de la RCA sont séparés de leurs frères de l'Adamaoua et de l'Est du Cameroun par la même frontière. C'est ainsi que les valeurs culturelles, ethniques transcendent les limites ou mieux les frontières des Etats. Il est alors aisé de comprendre que lorsque la vie est lugubre en RCA, la traversée de la frontière pour besoin de refuge dans les familles à Bertoua,

64 Abdouraman Halirou « Les conflits frontaliers Cameroun-Nigeria dans le lac Tchad : les enjeux de l'île de Darak, disputée et partagée », in culture et conflit, pp. 1-5.

65GbowéGbowéSimplice, 2010, p 129.

66-karefa-Smart J, 1984, l'Afrique, le progrès par la coopération, Paris, L'Harmattan, pp 32-35.

55

Garoua Boulai et Ngaoui est la première option pour les Centrafricains ; ce sont les peuples trait d'union67.

e-La création des emplois

Les communes de Garoua Boulai, Ngaoui et Bertoua regorgeaient déjà plus de 140 000 réfugiés en décembre 201268. Les réfugiés qui sont installés sur le territoire camerounais ne bénéficient pas seulement de l'assistance du gouvernement et de la population locale, ils reçoivent tout de même une prise en charge des organismes humanitaires. Toutefois, leurs actions demandent une main d'oeuvre de multitude. Ainsi tous les organismes spécialisés partenaires classiques ont entre autre recruté plusieurs Camerounais pour le fonctionnement de l'entreprise dans les localités de Bertoua, Ngaoui et Garoua Boulai. Les ONG classiques pour assister le HCR dans cette mission, recrute également des Camerounais pour les différents services. En définitive, les réfugiés générés par les conflits intra-centrafricains, sont établis majoritairement dans les villes de Ngaoui, Bertoua et Garoua Boulai. Cette présence des refugiées a offert quelques opportunités aux populations des zones d'accueil69.

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"Ceux qui rĂªvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rĂªvent de nuit"   Edgar Allan Poe