4.2. MODERNISATION DU SECTEUR AGRICOLE
L'un des grands thèmes de l'histoire et de la
théorie économiques est que le meilleur indicateur du potentiel
de croissance et de développement d'une nation est l'instauration d'un
secteur agricole performant. C'est- à -dire qu'une économie
nationale est sur la voie d'une
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25Voir HEILBRONER l. Robert. Le Grand
Essor. La lutte pour le développement économique,
op.p.29-33.
croissance durable lorsqu'elle devient capable de produire
suffisamment des denrées alimentaires pour assurer les besoins de la
population de plus en plus denses tout en réservant d'abondants surplus
nécessaires aux centres et agglomérations urbains, dynamiques
foyers de développement.
C'est là répondre aux sirènes des
exemples tirés des expériences réalisées dans une
partie du monde qui a sa propre dimension historique et culturelle. Ces
sirènes ont amené la science économique dominante - donc
officielle - à imposer es cathedra un postulat :
« [...J la modernisation de l'agriculture est
le levier de la croissance et du développement pour n'importe quelle
nation ».
Dans cette condition, la sécurité alimentaire,
l'autosuffisance alimentaire devient la seule et unique clé qui ouvre la
porte de la croissance cumulative, durable et auto entretenue.25De
là à se persuader que les décideurs politiques de
n'importe quel pays à la traîne, pour développer leur
nation, n'ont qu'une seule voie, une seule solution : faire de
l'agriculture la priorité des priorités. Selon
cette vision des choses, seule la modernisation de l'agriculture est capable de
faire à l'économie nationale un saut qualitatif porteur d'avenir
puisque générateur d'un impact en termes de création des
valeurs, d'emplois et ce dans le reste de tous les secteurs de
l'économie du pays. Cette vision explique la nième
décision des Chefs d'Etat Africains lors du Sommet de l'Union Africaine
(UA), tenu à Malabo (Guinée Equatoriale) en juin 2013. A cette
conférence, les dirigeants africains ont réaffirmé, une
fois de plus, que l'agriculture était au centre de leurs
préoccupations et de s'engager illico à allouer à cette
dernière 10% de leur budget annuel.
Cependant, cela fait aujourd'hui presque plus d'un
demi-siècle (50 ans) que les gouvernements congolais qui ont
succéder à la tête du pouvoir ne cessent de proclamer
« l'agriculture priorité des priorités » et de
s'engager à augmenter la part du secteur agricole dans leur budget
au-delà
L'agriculture et la croissance inclusive en
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de 10%. Mais, le problème se pose lorsque l'on veut
savoir Pourquoi ce programme se limite toujours à un simple slogan ? En
d'autre terme, très rare sont les gouvernements congolais qui ont
respecté leur engagement.
Ce n'est pas la mauvaise foi, ce n'est là que le
résultat d'un diagnostic qui ignore les réalités locales.
Or, lorsque le diagnostic posé est erroné, le remède
prescrit est inopérant et le malade ne sera jamais guéri, car
toute prise de conscience n'est porteuse d'avenir que si elle saisit la nature
et la profondeur de la maladie qui rongent la santé du patient. Tout
simplement parce l'Etat congolais aime toujours mettre la charrue devant les
boeufs26, S'il est vrai que l'agriculture demeure la première
source d'emplois en RDC et le meilleur remède dans la réduction
de la pauvreté. Il est aussi vrai qu'elle ne peut opérer
qu'à la condition de disposer d'énormes ressources
financières, de bénéficier d'un bon environnement
macroéconomique, assis sur des reformes structurelles visant la gestion
des finances publiques et la bonne gouvernance, sans oublier les
préalables en amont à surmonter avant de réussir le
programme qui fait de l'agriculture priorité des priorités.
4.2.1. LES PREALABLES EN AMONT
4.2.1.1. Les changements des mentalités, des
habitudes culturelles
Aucun programme agricole ne peut porter des fruits aussi
longtemps que certaines mentalités n'ont pas changés. A titre
d'exemple, dans notre pays l'agriculture n'est pas encore
considérée comme un métier, encore moins un métier
noble. Dans la culture bantoue l'agriculture est destinée à ceux
qui n'ont pas eu la chance de réussir leur scolarité. Combien de
fois on n'a pas entendu un père de famille dire à son enfant que
s'il n'aime pas l'école, il sera renvoyé au village pour cultiver
les champs. Ainsi, l'agriculture n'est pas considérée comme un
métier noble alors que le démarrage économique de la
République Démocratique du Congo dépend dans une grande
mesure de la capacité de ses paysans de cultiver des
26Mettre la charrue devant les boeufs
c.à.d. commencer par où l'on devrait finir.
L'agriculture et la croissance inclusive en
RDC Madue Wanet Joël
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produits vivriers et de leur capacité de gagner
suffisamment d'argent pour créer un marché à la production
manufacturière.
De la même manière qu'à l'époque
coloniale, le service militaire était l'apanage des
indisciplinés, aujourd'hui, quand on veut humilier et punir un
récalcitrants ou un prisonnier politique, on le relègue dans son
village d'origine, équipé de houes et de semences, pour qu'il
retourne travailler la terre. Derrière de telles initiatives se profile
une réalité : la terre n'est pas perçue comme
un facteur économique, un capital à fructifier, à l'instar
de n'importe quel business. Bien au contraire, le travail de la
terre souffre d'un préjugé social défavorable, qui le
considère comme une corvée réservée aux classes
inferieurs. Ce qui explique le nombre très réduit des
écoles rurales où l'on forme des cultivateurs.
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