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MASTER 2 RECHERCHE
Droit international et organisations internationales
IREDIES
Mémoire :
L'ÉGALITÉ DES ARMES DANS LE CADRE DE
L'ARBITRAGE INVESTISSEUR-ÉTAT
Par :
Michael FARCHAKH
Sous la direction du professeur Geneviève
Bastid-Burdeau
2015-2016
L'Université n'entend donner aucune approbation ou
improbation aux propos tenus dans le présent mémoire. Ceux-ci
sont propres à leur auteur.
SOMMAIRE
INTRODUCTION
3
CHAPITRE 1: LA CONSTATATION D'UNE CRISE
DANS LE SYSTÈME INVESTISSEUR-ÉTAT
18
Section 1 : L'État pris au piège
de l'arbitrage d'investissement
19
I- L'État, eternel
défendeur
20
II- Les imprévisibilités
inhérentes au système
30
III- Le déraillement de la fonction
étatique
43
Section 2 : Les problèmes auxquels font
face les investisseurs
49
I- L'exécution des sentences
arbitrales
49
II- L'abus d'autorité par
l'État
54
III- L'indépendance et
l'impartialité des arbitres
58
CHAPITRE 2 : UNE JUSTIFICATION DU
DÉSÉQUILIBRE INSTITUTIONNEL
63
Section 1 : La conceptualisation de
l'Arbitrage Investisseur-État en tant que gouvernance globale
65
I- Une analyse structurelle de l'arbitrage
d'investissement en tant que droit administratif internationalisé
65
II- La création de standards de
comportement pour les États
71
Section 2 : Une théorie
séduisante mais pas convaincante
74
I- Le danger posé par l'arbitrage
d'investissement à l'intérêt public
75
II- Le problème d'accountability
en arbitrage d'investissement
78
CHAPITRE 3 : LES SOLUTIONS PRATIQUES
AVANCÉES
83
Section 1 : La refonte du régime des
traités d'investissement
83
I- Les plans de réforme
proposés
84
II- Les inconvénients d'une telle
réforme
89
Section 2 : La création d'une cour
internationale de l'investissement
93
I- Le renforcement du respect de
l'égalité des armes
94
II- Les dangers posés par la
création d'une juridiction permanente
99
CONCLUSION GÉNÉRALE
105
LISTE DES ABRÉVIATIONS
|
ALENA
|
Accord de Libre-Échange Nord-Américain
|
ASIL
|
American Society of International Law
|
BIT
|
Bilateral Investment Treaty
|
CCI
|
Chambre de Commerce Internationale
|
CEDH
|
Cour Européenne des Droits de l'Homme
|
CETA
|
Comprehensive Economic and Trade Agreement
|
CIADH
|
Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme
|
CIJ
|
Cour Internationale de Justice
|
CIRDI
|
Centre International pour le Règlement des
Différents relatifs aux Investissements
|
CIRDI-MS
|
Mécanisme Supplémentaire du CIRDI
|
CNUDCI
|
Commission des Nations Unies pour le Droit du Commerce
International
|
CPA
|
Cour Permanente d'Arbitrage
|
EJIL
|
European Journal of International Law
|
FTA
|
Free Trade Agreement
|
i.e.
|
Id est
|
ICSID
|
International Center for the Settlement of Investment
Disputes
|
ISDS
|
Investor-State Dispute Settlement
|
No.
|
Numéro
|
OCDE
|
Organisation de Coopération et de Développement
Économiques
|
OECD
|
Organization for Economic Co-operation and Development
|
OMC
|
Organisation Mondiale du Commerce
|
ONU
|
Organisation des Nations Unies
|
Op.cit.
|
Opere citato
|
ORD
|
Organe de Règlement des Différends
|
p. / pp.
|
Page / pages
|
Para.
|
Paragraphe
|
RCADI
|
Recueil des Cours de l'Académie de Droit International
de La Haye
|
STJE
|
Standard de Traitement Juste et Équitable
|
TAS
|
Tribunal Arbitral du Sport
|
TBI
|
Traité Bilatéral d'Investissement
|
TPIY
|
Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie
|
TPP
|
Trans-Pacific Partnership
|
TTIP
|
Transatlantic Trade and Investment Partnership
|
UNCITRAL
|
United Nations Commission on International Trade Law
|
UNCTAD
|
United Nations Conference on Trade and Development
|
Vol.
|
Volume
|
INTRODUCTION
«International Arbitration is not
Arbitration», c'est par ces propos que Jan Paulsson inaugure une
conférence tenue en 2008 à l'Université de McGill.
«International arbitration is no more a type of arbitration than a sea
elephant is a type of elephant. True, one reminds us of the other. Yet the
essential difference of their natures is so great that their similarities are
largely illusory»1(*). C'est dans ce même esprit qu'il faut
également faire l'affirmation suivante : Investor-State
Arbitration is not International Arbitration, une idée qui se
manifestera à plusieurs reprises dans les développements qui
suivront. Il convient cependant de commencer par une mise en contexte du sujet
dans le cadre plus général du droit international public.
L'un des premiers pas dans le développement du droit
international tel que connu aujourd'hui a été la création
en 1922 de la « Cour Permanente de Justice
Internationale ». Au lendemain de la Grande Guerre, la
communauté internationale s'est aperçue de l'inefficacité
du droit international en l'absence d'une « justice
internationale », un mécanisme de garantie permettant
d'assurer l'effectivité de ce droit, si ce n'est son existence
même pour certains. Et si la Cour Permanente n'a pas tenu
l'épreuve du temps, elle a pour mérite d'avoir inculqué
cette notion de « justice internationale » dans la
conscience commune de l'humanité ; La Cour Internationale de
Justice a pris la relève, suivie de la création d'une
pléthore de juridictions spécialisées et
générales, régionales et universelles. Ce
phénomène parfois décrit comme la
« juridictionnalisation » du droit international2(*) a conduit à la
popularisation d'un champ auparavant exclusif et a permis de donner une place
de plus en plus expansive aux personnes privées en droit
international.
Toute justice a besoin de justiciables, et pendant longtemps
les seules entités à tenir ce rôle dans le cadre de la
justice internationale ont été les États souverains. La
catégorie des personnes de droit international s'est par la suite
étendue aux organisations internationales formées par la
volonté commune des États souverains, ce qui a été
confirmé par un avis de la Cour Internationale de Justice en
19493(*). L'inclusion de
l'individu en tant que sujet du droit international et justiciable de la
justice internationale a été beaucoup plus tardive et demeure
parfois contestée. La prise en compte de ce nouveau sujet du droit a
été facilitée par la juridictionnalisation du droit
international qui a permis à l'individu un accès directs aux
forums mondiaux : l'émergence du droit international pénal
par exemple, qui a pour but la poursuite de personnes physiques accusées
de crimes internationaux. Que ce soit devant la Cour Pénale
Internationale, Le Tribunal Pénal International pour l'Ex-Yougoslavie ou
le Tribunal Spécial pour le Liban, le justiciable est toujours un
individu. La Cour Européenne des Droits de l'Homme a elle aussi
donné la possibilité aux personnes privées de se
prévaloir de la protection du droit international contre des
États souverains pour des abus à l'encontre de leurs propres
droits, reconnus par la Convention Européenne des Droits de l'Homme.
Mais le mécanisme examiné dans cette étude sort du cadre
des cours internationales et des tribunaux permanents ou semi-permanents car il
se dote des caractéristiques des modes alternatifs de résolution
des différends.
Ce mémoire portera sur l'arbitrage
d'investissement, le système connuégalement sous
l'appellation « Arbitrage Investisseur-État ».
Appellation qui révèle justement la juxtaposition de deux
catégories de justiciables de natures très différentes au
sein d'un même mécanisme. Un contraste qui sera au coeur de cette
étude.
Cette asymétrie institutionnelle de l'Arbitrage
Investisseur-État pose certaines questions : si l'arbitrage
d'investissement est une manifestation de la justice internationale, est-il
vraiment possible d'assurer une bonne administration de la justice quand les
parties au litige sont dans des situations fondamentalement
inégales ? Comment le système peut-il faire face au
déséquilibre considérable entre ces deux types de
parties et assurer le maintien d'une intégrité processuelle
?
L'une des lignes directrices qui a animé la conception
de ce mécanisme a justement été de donner aux
investisseurs, en tant que personnes privées, des moyens leur permettant
d'obtenir gain de cause dans leurs griefs contre les États
étrangers hôtes de leurs investissements. Mais la
prolifération de ce type de litiges au cours des dernières
années a conduit à de nombreuses critiques du
système4(*) ;
pour certains États, les investisseurs ont acquis beaucoup trop de
pouvoir à travers ce mécanisme qui, plutôt que
rééquilibrer la balance, l'a fait pencher en faveur des
intérêts économiques privés. Mais cette vision n'est
pas unanime, la popularité grandissante du système et
l'élargissement constant du club des États qui y participent en
atteste5(*). A en croire
certains critiques, le contraire pourrait même être
affirmé ; la nature arbitrale du mécanisme jouerait selon
eux au profit de l'État en raison des modalités de cette
procédure qui reste dépourvue de certaines garanties
assurées par un système juridictionnel permanent.
L'arbitrage n'est pourtant pas une invention nouvelle, et bien
que ce soit un système qui rencontre beaucoup de critiques, le
non-respect de l'égalité des armes n'en fait ordinairement pas
partie. Traditionnellement, le droit international a connu deux
catégories d'arbitrage : l'arbitrage interétatique entre
entités souveraines et égales en droit international et
l'arbitrage commercial international entre personnes de droit privé
entreprenant des relations d'affaires mutuelles. Le point commun de ces deux
mécanismes est le fait qu'ils s'adressent à des justiciables
d'une même classe, point que ne partage pas l'Arbitrage
Investisseur-État. La transposition en arbitrage d'investissement de la
procédure arbitrale traditionnelle connue de l'arbitrage
interétatique et de l'arbitrage commercial international n'a donc pas
pris en compte la nécessaire adaptation du système pour subvenir
à un conflit naturellement déséquilibré. Comme le
décrit le professeur Thomas Wälde «The Arbitration system
has developed in order to free the parties' from state courts, and in
particular from state courts in one party's state. So equality is the principle
and fundamental assumption; the caveat emptor principle underlying commercial
law means that each party submits to the arbitration procedures, institutional
rules and powers of the arbitral tribunal, without being able to claim a
one-sided privilege»6(*). Le professeur Wälde souligne donc que
l'égalité des armes est au coeur de l'idée même de
l'arbitrage international, un système créé en grande
partie pour radier les avantages d'une partie sur l'autre, et dans ce sens, il
poursuit : «the procedural rules, but also informal conventions
and approaches inherent in international arbitration culture, are not perfectly
fitted for the specific nature of investment arbitration»7(*).
Afin de développer le sujet d'une manière plus
rigoureuse, il convient de retracer le contexte des notions centrales à
son développement : il faudra d'abord revenir sur le concept de
l'arbitrage d'investissement afin d'élucider les nombreuses
subtilités de ce système complexe et controversé. On
discutera par la suite de la notion d'« égalité des
armes » tout en établissant l'étendue que l'on entend
donner à cette notion aux fins de cette analyse.
Dans le vocabulaire juridique anglais, on parle
d'investment arbitration, d'investment-treaty arbitration,
d'ICSID arbitration ou encore d'investor-state dispute settlement
(ISDS). Tous ces termes font référence à des
processus similaires mais qui ne sont pas tout à fait identiques.
L'idée cardinale qui sied à l'ensemble des différends
Investisseur-État est celle de la protection de l'investissement
étranger : un flux de capitaux d'un pays à un autre par le
biais d'un investissement qui représente une contribution par un
investisseur étranger au développement économique d'un
pays qui n'est pas le sien. La définition de l'investissement est source
de controverses et se trouve souvent au centre des litiges. Bien que ce soit
une question fondamentale du droit international des investissements, cette
problématique sort du cadre de cette étude, il sera donc
suffisant de reprendre les caractéristiques de l'investissement tels
qu'établis dans le « test Salini » qui semble
représenter la définition la plus largement acceptée par
les tribunaux : L'investissement représente un (i) apport en nature
ou en espèce, (ii) qui s'inscrit dans une certaine durée de
temps, (iii) qui est soumis à un élément de risque, (iv)
et qui représente une contribution au développement
économique de l'État hôte8(*).
Un point fondamental à rappeler est le caractère
« étranger » de l'investisseur. Le système a
été conçu afin d'assurer une meilleure protection à
une catégorie de personnes particulièrement
vulnérables : des investisseurs non-citoyens de l'État
hôte de l'investissement. L'idée sous-jacente est qu'en l'absence
de relations juridiques formelles avec l'État hôte, l'investisseur
étranger se trouve dans une situation volatile où il se soumet
à l'arbitraire et l'hostilité potentielle des
autorités publiques locales. Il faut donc chercher à rassurer les
investisseurs étrangers afin de favoriser les flux de capitaux et la
création de relations d'affaires transnationales. La solution
initialement conçue en droit international était celle de la
protection diplomatique ; en cas d'atteinte à son investissement,
l'investisseur devait recourir à son État d'origine qui prenait
à son propre compte les réclamations de l'investisseur et pouvait
par la suite se retourner contre l'État hôte auteur du fait
litigieux. Ce mécanisme a pour fondement le principe selon lequel l'une
des principales fonctions de l'État est la protection de ses nationaux
à l'étranger9(*). Le recours à ce procédé est
resté rare dans la pratique, en raison notamment du pouvoir
discrétionnaire des État dans leur exercice de la protection
diplomatique. Au cours du XIXème siècle, certaines
situations litigeuses ont donné lieu à la création de
« Commissions des Réclamations » (Claims
Commissions), des instances ad hoc spécialement
créées à l'initiative des États concernés
pour résoudre de manière collective des différends
relatifs à l'investissement étranger. Mais ce type de solutions
n'a pas été suffisant, la protection diplomatique et les
commissions ad hoc n'ont pas su suivre le développement
fulgurant des relations économiques transnationales qu'a connu le
XXème siècle. Il a donc fallu trouver un nouveau
mécanisme de protection des investissements étrangers. C'est de
cette nécessité que l'arbitrage d'investissement a vu le jour,
notamment avec la création en 1965 du Centre International pour le
Règlement des Différends relatifs aux Investissements (CIRDI) par
le biais de la Convention de Washington.
Ce nouveau mode de résolution des différends
liés à l'investissement a pour mérite de donner à
l'investisseur un recours direct contre l'État hôte de
l'investissement sans devoir passer par son État d'origine. Selon Aron
Broches, principal architecte du régime CIRDI, «the host
country and the foreign investors would be parties on an equal procedural
footing»10(*);
L'intention des créateurs de ce système était donc bien de
maintenir l'égalité des armes entre les parties, mais ayant
été très peu utilisé durant les premières
décennies, ce n'est qu'avec son gain de popularité soudain dans
les années 1990 que l'on a commencé à apercevoir les
imperfections du système.
Quelques distinctions sont à faire, tout d'abord entre
l'arbitrage CIRDI et l'arbitrage non-CIRDI ; rattaché au groupe de
la Banque Mondiale, le CIRDI sert de secrétariat aux tribunaux arbitraux
créés sous son égide et administre la plus grande partie
des litiges liés à l'investissement de par le monde. Mais la
constitution d'un tribunal ad hoc afin de résoudre un
différend (souvent sous les règles CNUDCI) n'est pas chose rare,
surtout lorsque l'État hôte de l'investissement ou l'État
national de l'investisseur n'est pas partie à la Convention de
Washington. Les avantages du système CIRDI sont d'abord la
simplification des démarches administratives et l'apport d'un soutien
aux arbitres dans l'accomplissement de leur mission, mais aussi et surtout la
reconnaissance et l'exécutabilité directe des sentences CIRDI
dans chacun des États membres à la Convention de
Washington11(*).
Une autre distinction nécessaire est entre
l'arbitrage sur le fondement d'un traité d'investissement et l'arbitrage
sur le fondement d'un contrat. L'accès de la personne privé
à l'arbitrage d'investissement est en effet conditionné par
l'existence d'un instrument qui lui donne cette possibilité. Cet
instrument peut notamment prendre la forme d'un contrat avec l'État
hôte, souvent en exécution d'un marché public, qui contient
une clause de résolution des différends stipulant le recours
à l'arbitrage d'investissement (CIRDI ou non). Jusqu'en 1990 la
majorité du contentieux arbitral provenait de stipulations
contractuelles, mais la prolifération des Traités
Bilatéraux d'Investissements (TBI), a conduit à une explosion du
nombre d'arbitrages12(*).
Un Traité Bilatéral d'Investissement est un
accord international conclu entre deux États afin de promouvoir les
investissements réciproques et de garantir une protection
renforcée des investissements réalisés par les
ressortissants de l'un des États partis au sein de l'autre État
parti. Les TBI ont été précédés par les
Traités d'Amitié, de Commerce et de Navigation qui eux ne
contenaient pas de clauses arbitrales13(*). Les plus de 2500 TBI en vigueur aujourd'hui14(*) constituent l'immense
réseau formant le droit substantiel du droit international des
investissements ; cette décentralisation crée des
difficultés examinées plus loin dans ces développements.
Ces TBI contiennent typiquement un nombre de standards de protections des
investissements qui varient en substance et en étendu, on parle
notamment de clause de traitement national, de clause de la nation la plus
favorisée ou encore du standard juste et équitable qui alimentera
une bonne partie de cette étude. Certains traités
multilatéraux, souvent des accords de libre-échange, contiennent
aussi des clauses compromissoires prévoyant le recours à
l'arbitrage d'investissement. Les traités multilatéraux les plus
communément invoqués sont la Charte de l'Énergie ainsi que
l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).
Une troisième catégorie d'instruments existe
aussi, il s'agit des lois nationales d'investissement. Ces lois sont parfois
invoquées par des demandeurs mais n'ont jusque-là pas eu beaucoup
de succès, raison pour laquelle la doctrine y accorde peu d'attention et
qu'on ne s'attardera pas non plus sur ce type de situations dans cette
étude. La plus grande partie de ce travail portera sur les arbitrages
sur le fondement d'un traité car c'est justement ces situations qui
engendrent le plus grand nombre de problèmes relatifs à
l'équilibre procédural.
Pour résumer, l'accès d'un individu à
l'arbitrage d'investissement est possible, mais conditionné par
l'existence d'un instrument contenant une clause arbitrale à cet
effet ; cet instrument peut être un contrat signé avec
l'État hôte, ou bien un traité d'investissement auquel sont
partis l'État hôte ainsi que l'État national de
l'investisseur. Pour accéder spécifiquement à l'arbitrage
CIRDI, celui-ci doit être mentionné par la clause arbitrale en
question et les deux États concernés doivent être partis
à la Convention de Washington pour le règlement des
différends relatifs aux investissements entre États et
ressortissants d'autres États. Des solutions alternatives au CIRDI
existent tel que le recours à la Cour Permanente d'Arbitrage, au Centre
d'Arbitrage de Stockholm ou simplement à un arbitrage ad hoc.
Les protections garanties à l'investisseur seront
énumérées au sein de l'instrument donnant accès
à l'arbitrage.
Les notions de base relatives à l'investissement et la
protection de l'investisseur venant d'être posées, il est encore
nécessaire de décrire la notion
d'« égalité des armes » pour pouvoir ensuite
procéder au fond de cette étude. Le point qui intéressera
plus particulièrement est la conjoncture entre ce principe processuel
fondamental et le phénomène de l'arbitrage d'investissement.
L'usage des termes « égalité des armes » est
en elle-même un peu surprenante, surtout dans le cadre d'un droit
aujourd'hui articulé autour de la résolution pacifique des
différends ; en réalité l'expression trouve son
origine dans le contexte du duel, un mode de procès que la justice
moderne a abandonné depuis bien longtemps. La transposition
contemporaine de cette notion aux enceintes judiciaires suit pourtant la
même logique : «[equality of arms] would require that,
while contestants in a courtroom battle need not possess equal skill or
resources, they must, in terms of the procedural rights enabling each side to
formulate and present its position, be equally armed for
combat»15(*). Il
s'agit donc essentiellement d'une égalité de moyens, une garantie
de la part du juge que les adversaires au procès auront les mêmes
opportunités pour établir leurs arguments et justifier leurs
positions respectives, que la décision sera rendue en raison du
bienfondé des demandes et non de la position dominante de l'une des
parties.
Il faut noter que l'égalité des armes implique
aussi le fait que ces « armes » soient utilisées par
les justiciables de manière légale16(*). Une bonne administration de
la justice exige que l'on ne puisse pas abuser des procédures pour
arriver à des fins autres que celles prévues par la loi. Le
détournement de la procédure est aussi dangereux que la
méconnaissance de celle-ci, considération qui appellera de plus
amples développements dans le corps de cette étude.
La notion d'égalité des armes s'inscrit dans le
cadre plus général du « procès
équitable »17(*), qui garantit aussi le caractère
contradictoire de la procédure : chacune des deux parties doit
être en mesure de contredire tous les arguments de l'autre partie.
L'égalité des armes et le caractère contradictoire de la
procédure sont étroitement liés mais ne se confondent
pas ; dans le premier cas il s'agit plutôt de la construction
institutionnelle du procès et de la procédure en question, alors
que la contradiction se vérifie au cas par cas à chaque
manifestation de la justice.
La question de l'égalité des armes est le plus
souvent soulevée en matière de droit pénal et de
procédure pénale. Dans la sphère du droit international
elle a fréquemment été évoquée devant les
cours et tribunaux pénaux internationaux18(*), mais il ne s'agit pas pour autant d'un principe
réservé aux seules affaires pénales :
« the equality of arms principle [is] an inherent element of the
due process of law in both civil and criminal
proceedings »19(*). La Cour Européenne des Droits de l'Homme
a reconnu le principe comme faisant partie des exigences du procès
équitable20(*). La
Cour Internationale de Justice a quant à elle précisé dans
l'affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci que « la Cour doit souligner que le principe de
l'égalité des parties au différend reste pour elle
fondamental »21(*) ; la Cour en parlant
d' « égalité des parties au
différend » utilise ici un synonyme de l'égalité
des armes pour affirmer son importance capitale dans le cadre du contentieux
international.
Comme beaucoup de notions juridiques, celle de
l'« égalité des armes » peut prendre un sens
large comme un sens étroit. Dans sa conception restrictive le principe
décrit uniquement l'équilibre procédural garanti par le
juge ou l'arbitre en cours d'instance. Dans le cadre de cette étude
cependant une vision plus large du principe sera adoptée pour inclure
non seulement les éléments de la procédure contentieuse,
mais aussi certains facteurs parallèles qui conduisent à un
déséquilibre entre les parties du fait de la nature du
système Investisseur-État. Il faut noter par ailleurs que les
tribunaux arbitraux étant par définition des instances
non-permanentes, l'examen de l'équilibre entre les parties
dépasse naturellement le seul cadre de l'instance en cours. En
matière commerciale par exemple, l'arbitrage consommateur-professionnel
présente un cas typique de déséquilibre où le
respect de l'égalité des parties surpasse le seul cadre de la
procédure arbitrale pour inclure les conditions d'acceptation de la
clause compromissoire et des considérations sur la situation juridique
de chacune des parties22(*).
«Equality of Arms is a foundation principle of
investment arbitration procedure»23(*)déclare Thomas Wälde. L'intention est sans
doute sincère, mais correspond-elle à la réalité
des choses ? L'arbitrage d'investissement oppose systématiquement
un État souverain à une (ou plusieurs) personne(s)
privée(s). Mais l'État et l'individu n'occupent certainement pas
des places égales dans le contexte du droit international. C'est
justement ce point que l'on a cherché à résoudre en
instituant l'arbitrage investisseur-État ; «the host
country and the foreign investors would be parties on an equal procedural
footing»24(*)
précise Aron Broches. Mais à la lumière des critiques
multiples qui ont visé l'arbitrage d'investissement depuis son gain de
popularité dans les années 1990, peut-on vraiment affirmer qu'un
équilibre a été atteint dans la mise en oeuvre de ce
système ? Est-il juste que l'État souverain soit mis dans
une telle situation de potestativité ? En voulant rapprocher David
de Goliath, n'a-t-on pas recréé la scène biblique
où le géant fini par succomber ?
Ce travail aura pour objectif d'étudier le
phénomène de l'arbitrage d'investissement et les critiques qu'il
subit, à la lumière du principe de l'égalité des
armes. Tout au long des pages qui suivront, une tentative d'élucidation
s'opérera quant à cette dynamique complexe qui se forme entre
États et personnes privées dans le cadre de la résolution
des différends relatifs à l'investissement. Il faut cependant
noter que la nature du sujet reste en grande partie théorique et
conceptuelle, ce qui signifie que ce travail ne se résumera pas à
une analyse de la jurisprudence arbitrale comme c'est souvent le cas en
matière d'arbitrage d'investissement. En se basant sur la pratique
internationale, en se référant et en analysant les sentences
pertinentes en lien avec cette étude, une réflexion plus
abstraite sera élaborée autour de la théorie du droit
international public et du droit de l'arbitrage, voir occasionnellement du
droit administratif, pour rationaliser cette étude et mieux comprendre
ses différentes facettes.
La question posée seradonc la suivante :
Quelle place accorde actuellement l'arbitrage d'investissement
au respect de l'égalité des armes et quelle place devrait-il lui
accorder ?
Le développement de l'analyse se fera en trois
étapes successives : d'abord, dans une première
partie, une étude sera faite sur les problèmes existant
dans le cadre actuel de l'Arbitrage Investisseur-État qui entravent le
respect de l'égalité des armes. Cette analyse portera sur des
problèmes structurels et conjoncturels du système. Ces
constatations seront suiviespar une proposition théorique en guise de
deuxième partie, conceptualisant l'arbitrage
d'investissement en tant que droit administratif internationalisé pour
justifier le maintien d'un certain déséquilibre légitime.
Enfin, latroisième partie s'ouvrira à
l'étude de solutions proposées pour remédier aux
problèmes auxquels fait face le système, la viabilité de
ceux-ci et les modalités de leurs éventuelles
implémentations.
Caricature représentant l'idée selon laquelle le
système CIRDI serait biaisé en faveur des investisseurs -
Kangaroo Court
CHAPITRE 1: LA CONSTATATION D'UNE CRISE DANS LE SYSTÈME
INVESTISSEUR-ÉTAT
Avant d'attaquer le fond du problème, un bref
préambule s'impose. Certains groupes qui se sont récemment
levés contre le CIRDI et contre l'arbitrage d'investissement en
général tendent à considérer que le problème
du système provient en grande partie des arbitres eux-mêmes qui
seraient à la solde des investisseurs. On a parfoisdécrit le
systeme de «businessman's court»25(*) en considérant que
«Arbitrators as merchants of adjudicative services, have a financial
stake in furthering arbitration's appeal to claimants, resulting in a potential
bias against the host country»26(*). Les développements qui suivrontne prendront
pas en compte cette perspective car aucune preuve tangible ne supporte
réellement ce postulat27(*).Les arbitres sont bien conscients de leur devoir de
maintenir un équilibre entre les parties et une égalité
des armes entre elles28(*), et font de leurs mieux pour faire respecter ces
principes.Mais leurs pouvoirs sont limités en la matière29(*) et ils ne peuvent contourner
certaines difficultés inhérentes au système ou certains
facteurs qui sortent du cadre strict de l'instance qui se présente
devant eux. Ce sera donc vers ce type de problèmes que l'étude se
tournera et non pas vers une critique des arbitres et de leur travail.
Dans ce premier chapitre, un examen du fonctionnement
même de l'arbitrage d'investissement sera mené pour essayer de
découvrir d'où provient la perception selon laquelle ce
système serait asymétrique. L'étude portera sur des
arguments avancés de part et d'autre du forum arbitral,ceux-ci seront
analysés à la lumière du principe de
l'égalité des armes et de son non-respect en matière
d'arbitrage d'investissement. Une partie de l'analyse concernera les
éléments structurels du régime investor-state, la
procédure et la construction institutionnelle du mécanisme.
Certains aspects conjoncturels du problème seront également
étudiés ; des effets indirects provoqués par
l'arbitrage d'investissement mais aussi des comportements extrajudiciaires de
certaines parties qui risquent de porter atteinte à la bonne
administration de la justice.
Un article ou une contribution typique portant sur une
critique de l'arbitrage d'investissement tend à être biaisé
soit envers la position « pro-state » soit envers
la position « pro-investor ». Plutôt que
d'adopter un point de vue neutre, le problème sera analysé tour
à tour dans chacune de cesperspectives pour pouvoir identifier le plus
grand nombre de problèmes possibles. Cette vision élargie
permettra par la suite d'évaluer avec plus deprécision les
mérites de certaines solutions ou justifications avancées.
Lapremière sectionse concentrera donc sur le point de
vue pro-État pour mieux pouvoir comprendre les mécontentements
exprimés par certains souverains quant au fonctionnement du
mécanisme. La deuxième section s'inscrira quant
à elle dans la perspective pro-investisseur,déplorant les
insuffisances du système tel qu'il se présente aujourd'hui.
SECTION 1 : L'ÉTAT PRIS AU PIÈGE DE
L'ARBITRAGE D'INVESTISSEMENT
On observe aujourd'hui un mécontentement grandissant de
certains États face à l'afflux des litiges
Investisseurs-États. Trois d'entre eux (le Venezuela, la Bolivie et
l'Equateur) ont d'ailleurs déjà dénoncé la
Convention de Washington et abandonné le système CIRDI30(*). D'autres ont choisi de
dénoncer ou de renégocier leurs Traités Bilatéraux
d'Investissement31(*). On
entend parler de « systematic bias »32(*) à l'encontre des
États, celui qui été d'abord en position dominante se
retrouve désormais dominé, pris à son propre piège.
Jan Paulsson l'avait bien prédit en 1995:«Future prospects for
this development in international arbitration may depend on whether national
governments - many of whom may not have appreciated the full implications of
[these] treaty obligations - take fright and reverse track»33(*).Comme l'observe George Kahale,
«States are not likely to continue to play in a game they sense,
justifiably or not, is rigged against them»34(*). D'où provident donc ce
désenchantementdans un système qui semblait tellement
prometteur ? Ce contrecoup à l'arbitrage d'investissement que l'on
observe de la part de nombreux auteurs, activistes et politiciens se
traduira-t-il en un abandon du système, ou représente-t-il
simplement un cri de secours pour une réforme et une
réorganisation de l'arbitrage d'investissement ?
Une chose est certaine, et c'est qu'un nombre grandissant
d'acteurs souverains ressentent l'existence d'une menace à leurs droits
ainsi qu'à leurs souverainetés dans le cadre actuel de
l'Arbitrage Investisseur-État. Ils ont l'impression que
l'équilibre des parties a réellement été
dévié en faveur des investisseurs, une impression qui est certes
ouverte à débat. Une analyse sera donc menéesur les
différentsfacteursqui ont provoqué cette crainte. Le fait que
l'État se trouve toujours en position de défense dans les litiges
Investisseur-État et les implications de cette configurationpour le
principe de l'égalité des armes sera le premier
élément à analyser(I). Dans un
deuxième temps, l'étude se tournera vers les
imprévisibilités multiples du système qui affectent
négativement la position des États (II), que ce
soit au niveau procédural ou substantiel. Enfin, un intérêt
sera porté à certaines conséquences inattendues du recours
à l'arbitrage d'investissement qui portent atteinte au bon
fonctionnement du pouvoir étatique (III).
I- L'ÉTAT,
ÉTERNEL DÉFENDEUR
La raison d'être originelle de l'arbitrage
d'investissement était de fournir à l'investisseur
étranger un « bouclier » contre
l'« épée » de l'État
hôte35(*). Cette
analogie par Thomas Schultz est particulièrement pertinente dans le
cadre de notre étude car elle évoque spécifiquement
l'idée de l'utilisation d'armes dans le combat Investisseur-État.
Ce bouclier a été mis à disposition des personnes
privées pour garantir une certaine égalité des armes
contre les États dont l'épée se heurtait injustement
à leurs intérêts économiques. Mais en survolant les
552 cas enregistrés au CIRDI depuis son fondement36(*), on remarque rapidement que la
quasi-totalité d'entre eux ont été initiés par des
investisseurs à l'encontre d'États.Seules quatre affaires ont
été initiées par un État ou une entité
infra-étatique37(*), ce qui laisse penser que le bouclier s'est
transformé à son tour en épée :
«while the shield is well used, it is increasingly coming to ressemble
a sword [...] the repeated blows against states presumably
contribute to the current backlash against interational investment arbitration,
which is establishing a disproportionate balance of arms»38(*).
Une distinction importante doit cependant être faite sur
ce point ; une demande d'arbitrage provenant d'un État ou d'une
entité infra-étatique est uniquement possible dans le cadre d'un
arbitrage sur fondement d'un contrat (A). En ce qui
concernel'arbitrage sur fondement d'un traité (Investor-Treaty
Arbitration) l'État n'a aucun moyen d'attaquer ou de
contre-attaquer l'investisseur (B).
A) L'ARBITRAGE SUR FONDEMENT D'UN
CONTRAT
Ce type d'arbitrage concerne en général les
contrats publics tels que les concessions de services et les marchés
publics, mais il peut également se fonder sur un contrat de droit
privé où l'autorité publique agie dans sa capacité
industrielle et commerciale. Le contrat en question doit alors contenir une
clause compromissoire prévoyant le recours à l'arbitrage
d'investissement pour la résolution de différends
éventuels.Cet arbitrage peut se faire dans le cadre du CIRDI ou en
dehors de celui-ci, selon les indications des parties et selon la situation de
l'État contractant et de l'État national de l'investisseur quant
à leurs adhésions respectives à la Convention de
Washington.Le contrat servira d'instrument pour la constitutiond'un tribunal
arbitral, tout comme en arbitrage classique l'existence de cette série
de clauses négociées représente une claire manifestation
de la volonté des parties. C'est pour cette raison que la question
de compétence et de consentement à la juridiction sont rarement
problématiques en matière d'arbitrage d'investissement sur
fondement de contrat39(*).
L'existence d'une relation synallagmatique bien établie et bien
démarquée, où les parties au contrat ont chacune des
obligations prédéfinies et un cadre juridique fixe permet alors
à l'État contractant de présenter une demande d'arbitrage
à l'encontre de l'investisseur pour se prévaloir de ses droits
contractuels. Mais si l'arbitrage s'effectue sous l'égide du CIRDI, il
faudra toujours que la situation des parties se conforme aux exigences de la
Convention de Washington, surtout au niveau de l'article 25 qui
détermine la compétence ratione personae et ratione
materiae du tribunal et qui est de nature impérative40(*).
Mais malgré cette possibilité, très peu
d'arbitrages ont en réalité été initiés par
des États. Seules six affaires sont connues du public (les affaires
non-CIRDI pouvant rester confidentielles) par contraste aux centaines de cas
avancés par des investisseurs contractants. Ce
déséquilibre exorbitant indique que malgré la
possibilité pour les États de se porter demandeurs dans le cadre
de l'arbitrage sur fondement d'un contrat, cette utilisation reste rarissime,
ce qui semble souligner une inégalité des armes
systémique.
Les quelques cas dont l'existence est connuen'apportent pas
beaucoup à l'étude de ce phénomène car très
peu est connu de leurs contenus. Le cas de l'Equateur c. BNDES (2011)
avait été enregistré non pas au CIRDI mais à la
Chambre de Commerce Internationale, la confidentialité de la
procédure CCI empêche donc de connaitre les détails de
l'affaire, la seule chose certaine est que l'Equateur n'a pas obtenu gain
de cause41(*). L'affaire
Nicaragua c. Grupo Barcelo Montelimar avait été
reporté dans les medias mais n'a jamais été inscrite dans
le registre du CIRDI, ce qui laisse supposer une résolution à
l'amiable. Les cas du Pérou c. Caraveli Cotaruse Transmisora de
Energia (2013) et du Gabon c. Société Serete (1978)
se sont tous les deux conclus par une résolution du différend
à l'amiable et une interruption de l'instance arbitrale
conformément à l'article 43 (1) du Règlement de
procédure relatif aux instances d'arbitrage CIRDI42(*).L'affaire Tanzania
Electric Supply Company c. Independent Power Tanzania Limited (Tanesco c.
IPTL) a été initiée non pas par un État mais par
une entreprise publique entièrement détenue par l'État
tanzanien, elle s'est conclue par un accord entre les parties consacré
par une sentence des arbitres43(*). Enfin, dans East Kalimantan c. KPC, la
province indonésienne du Kalimantan Oriental soumet un litige au CIRDI
sans l'aval du gouvernement indonésien. Les déclarations
subséquentes des autorités indonésiennes à cet
effet conduisent le tribunal arbitral à se déclarer
incompétent pour connaitre du litige, les exigences de l'article 25(3)
de la convention CIRDI faisant défaut44(*).
A la lumière de ces informations, on pourrait
légitimement se demander pourquoi les États ne se
prévalent-t-il pas plus souvent de cette prérogative
contractuelle ? Mais la vraie question à poser est : quelle
est pour un État l'avantage de recourir à l'arbitrage
d'investissement pour résoudre des conflits en matière
contractuelle ? L'État a la possibilité d'user de ses
prérogatives souveraines sur son territoire, un pouvoir qu'il peut
mettre en oeuvre pour forcer l'investisseur à respecter ses obligations
contractuelles. Le droit administratif offre à l'administration publique
toute une panoplie de mécanismes pour garantir l'exécution des
obligations contractuelles par le contractant privé. Le droit
administratif français par exemple offre à l'État un
pouvoir de direction et de contrôle, un pouvoir de modification et de
résiliation ou encore un pouvoir de sanctionconsacré par la loi
et la jurisprudence. Le Conseil d'État considère que ces pouvoirs
existent même en l'absence de toute clause contractuelle à cet
effet45(*). L'État
peut même aller jusqu'à recourir à l'expropriation,
laissant le choix à l'investisseur d'initier un arbitrage46(*). Si l'État ou
l'autorité publique contractante croie sincèrement que son
utilisation de prérogatives de droit public se conforme à la
légalité, ça ne ferait pas beaucoup de sens de confier la
question à un tribunal arbitral qui ne ferait que ralentir
l'inévitable (du point de vue de l'État),prolongeant une
situation délicate qui pourrait s'aggraver davantage.«When the
host State is intent on bringing claims, it may have at its disposal avenues of
relief more expedient than investment arbitration. Through its sovereign power,
the host State may, within the bounds of legality, exert pressure upon a
foreign investor in a myriad of ways»47(*).
Thomas Schultz et Mehmet Toral identifient un nombre de
situations où l'État aurait intérêt à
recourir à l'arbitrage, entre autres la situation où les avoirs
de l'investisseur au sein du territoire de l'État ne sont pas suffisants
pour éteindre ses obligations48(*). Une sentence arbitrale CIRDI serait sans doute plus
facile à exécuter à l'étranger qu'un jugement
national. Cet argument est intéressant mais il n'est pas très
convaincant ; si cette option était réellement avantageuse
pour l'État, la pratique l'aurait déjà
démontré.
Schultz et Toral mentionnent aussi la situation où
l'autorité publique contractante n'a pas confiance dans les institutions
judiciaires locales, ou encore la situation où un conflit politique
interne rend difficile une prise de mesures par l'autorité en question.
Les auteurs illustrent ces deux arguments en discutant en profondeur les
affaires East Kalimantan c. KPC et Tanesco c. IPTL49(*). Leurs arguments ont
certainement un mérite quand on les considère dans l'optique de
l'utilité du recours de l'autorité publique à l'arbitrage
dans un cadre contractuel, mais dans le contexte de l'équilibre
État-Investisseur ces arguments ajoutent du poids au
problème ; ces deux cas de figure sont susceptibles de concerner
des entités publiques infra-étatiques mais il est peu probable
qu'elles concernent l'État lui-même. Ceci signifie qu'un tel
recours à l'arbitrage pourrait aggraver le conflit interne (comme cela a
été le cas pour le Kalimantan Oriental et le gouvernement
indonésien) et donc encombrer l'État davantage.
En somme, l'arbitrage d'investissement sur fondement d'un
contrat respecte peut-être l'égalité des armes d'un point
de vue purement procédurale, les deux parties ayant la même
possibilité d'accès à l'arbitrage en tant que demandeur,
mais les avantages et les inconvénients sous-jacents à cette
option effacent tout semblant d'équilibre. La pratique en atteste
très clairement, l'État n'a pas de motivation réelle de
recourir à l'arbitrage dans le cadre contractuel ce qui rend ce genre de
clauses compromissoires quasiment unilatérales.
B) L'ARBITRAGE SUR FONDEMENT D'UN
TRAITÉ
Une demande d'arbitrage initiée par un État dans
le cadre d'un Investment Treaty Arbitration est structurellement
impossible dans le cadre actuel du système. L'instrument moteur de ce
procédé est le Traité Bilatéral d'Investissement
qui contient la clause arbitrale. Mais les parties à cet accord sont
deux États souverains, l'investisseur lui-même n'en est que tiers
bénéficiaire. «Treaty Commitments of the host state
toward the investor are unilateral and anyway the investor is not party to the
BIT»50(*).
L'arbitrage sur fondement de traité signifie que l'État donne son
consentement de façon préalable,le consentement de l'investisseur
ne se manifeste qu'au moment de la demande d'arbitrage.Par conséquent
l'État ne peut pas initier une demande d'arbitrage contre
l'investisseur.Shultz et Toral soulignent l'oxymore juridique de ce
désiquilibre des armes : «This procedural bias is built
into a dispute settlement system the lynchpin of which is mutual
consent»51(*).
L'État n'a donc aucune possibilité de recours dans ce type de
litige (i) et peut difficilement présenter une demande
reconventionnelle en tant que défendeur(ii).
.
i) L'intérêt pour
l'État de l'existence d'un recours arbitral contre l'investisseur
Ce n'est qu'en 1987, plus de deux décennies
après sa création, que le CIRDI reçoit sa première
affaire fondée sur un traité52(*). Depuis, ce type d'arbitrage constitue l'essentiel du
contentieux Investisseur-État, représentant en moyenne six
affaires sur sept enregistrées au CIRDI53(*). Les critiques dirigées envers
l'arbitrage d'investissement concernent très souvent l'idéedu
recours à un traité comme fondement de la compétence d'un
tribunal arbitral. Jan Paulsson parle d'« arbitration without
privity »54(*), privity étant un terme juridique
anglais se rapprochant du principe de « l'effet relatif des
contrats » connu du droit romano-germanique. Cette expression
décrit le fait qu'un arbitrage peut avoir lieu entre deux personnes en
l'absence de tout accord les liants de manière directe. L'investisseur a
accès à l'arbitrage à travers un accord non signé
par lui, ce qui lui permet de porter plainte contre l'État sans que
l'inverse ne soit possible.«Foreign investors are to investment
treaties what third-party beneficiaries are to contracts: parties with rights
but no obligations»55(*).
Un déséquilibre très clair se dessine
donc dans la construction même du système. Le juge Stephen
Schwebel s'oppose à l'idée selon laquelle le système
serait asymétrique, arguant plutôt qu'une demande par un
État est possible mais que la formulation des clauses arbitrales TBI
complique l'accès de l'État à la procédure56(*). La Convention de Washington
ne contient aucune disposition en elle-même qui priverait un État
de présenter une demande d'arbitrage, bien au contraire l'article 36(1)
précise : « Un État contractant ou le
ressortissant d'un État contractant qui désire entamer une
procédure d'arbitrage doit adresser par écrit une requête
à cet effet au Secrétaire Général, lequel envoie
une copie à l'autre partie ». Il serait donc concevable qu'un
État puisse initier un arbitrage contre un investisseur si les termes du
TBI le lui permettent expressément.
La question qui se pose alors est de savoir quel serait
l'intérêt pour l'État d'avoir la possibilité de
recourir à l'arbitrage contre un investisseur. La responsabilité
mise en oeuvre dans la cadre de l'arbitrage sur fondement d'un traité
est une responsabilité internationale, le problème alors est que
le droit international impose principalement, si ce n'est exclusivement, des
obligations aux États57(*). L'impossibilité pour l'État d'initier
un recours contre l'investisseur serait alors justifiée au niveau
substantiel. Mais l'évolution du droit international, comme en atteste
le développement assez récent du droit international
pénal, tend à accepter la responsabilité des personnes
privées pour violation de certaines normes internationales, notamment
les droits de l'homme et le droit de l'environnement.
L'idée de base derrière la création de
l'arbitrage d'investissement avait été de protéger
l'investisseur étranger vulnérable de l'arbitraire de
l'État tout-puissant.Mais les réalités économiques
actuelles démontrent que ce cliché n'est pas toujours
vérifiable ; certaines entreprises multinationales ont en effet une
capacité économique plus grande que celle de certains
États en voie de développement58(*).L'interaction entre ces deux types d'acteurspourrait
donc inverser la présomption selon laquelle l'investisseur devrait
être protégé des actions de l'État. Il n'est pas
difficile d'imaginer que dans la gestion de son investissement, une entreprise
multinationale pourrait méconnaitre certaines normes de droit de l'homme
ou porter atteinte à l'environnement. L'intervention de l'État
pour résoudre une telle situation pourrait cependant se traduire en
violation des protections garanties dans un TBI. «Faced with the
impossibility of bringing proceedings directly before the investor on the
international level through arbitration or other means and the inability to
deny the investor the benefit of International Investment Agreement protection
for failure to comply with international human rights' standards, the state is
left with two alternatives. The First is to ignore the human rights' violation
[...] the second alternative is to take appropriate measures to safeguard the
human rights at issue and leave it up to the investor to decide whether to
initiate arbitral proceedings»59(*).
Ce type de dilemme illustre très bien quel serait
l'intérêt pour l'État d'avoir un recours lui permettant de
mettre en jeu la responsabilité des investisseur étrangers.
L'investisseur viole le droit international en se cachant derrière la
protection du droit international, et cela est dû à
l'inégalité des armes inhérente au système.
L'État ne peut prendre de mesures internes pour remédier au
problème sans risquer de violer les clauses d'un TBI, et c'est pour cela
qu'il aurait besoin d'un forum neutre et indépendant qui pourrait renier
à l'investisseur sa protection si les violations alléguées
se vérifient. La construction actuelle du régime TBI ne permet
malheureusement pas ce type d'action, les solutions possibles à ce
problème seront envisagées plus loin dans les
développements.
ii) La question des
demandes reconventionnelles
«It might be said that, absent the ability to submit
a counterclaim, a state cannot win; the most it can hope for is not to
lose»60(*).L'égalité des armes suppose que si une
partie attaque une autre en justice, cette dernière a le droit non
seulement de se défendre mais aussi de contrattaquer. Le droit du
défendeur de présenter une demande reconventionnelle face
à la demande principale est un principe reconnu par tous les
systèmes juridiques dans le monde61(*).
L'intérêt pour l'État d'avoir une
faculté de contrattaque est assez facile à comprendre ; de
nombreux TBI conditionnent l'accès de l'investisseur aux garanties et
protections énumérées à la conformité de
l'investissement à la légalité imposée par la
législation nationale62(*). Mais dans le cadre actuel du système, cette
condition ne peut être évoquée par l'État qu'en tant
que moyen défense. Ainsi, l'investisseur pourra être
débouté dans sa demande pour non-conformité de son
investissement à la loi, mais l'État ne sera pas pour autant
dédommagé pour cette violation. L'illégalité peut
se manifester de manières différentes, notamment à travers
la corruption, la fraude et le non-respect de régulations
impératives. La possibilité pour l'État d'avancer des
demandes reconventionnelles exigeant des réparations pour
remédier à ce type de comportement contribuerait à un
rééquilibrage du système Investisseur-État. Dans le
contexte actuel, l'investisseur n'a presque rien à perde et tout
à gagner en initiant un arbitrage d'investissement en dépit de la
possible illégalité de son entreprise.Le risque d'être tenu
responsable pour de tels agissements conduirait à une réduction
du nombre d'actions frivoles contre les États hôtes et leur
permettrai par la même de mieux faire respecter leurs législations
et réglementations.
La question des demandes reconventionnelles fait cependant
face à un problème similaire à celui des demandes
initiées par l'État : le consentement. Malgré le fait
qu'une fois la demande d'arbitrage est déposée par
l'investisseur, celui-ci est considéré avoir consenti à la
clause arbitrale, le consentement à l'introduction par le
défendeur d'une demande reconventionnelle devrait être explicite
selon une majorité de la jurisprudence arbitrale63(*). Mais le professeur Reisman,
dans une opinion dissidente à l'occasion de l'affaire Roussalis c.
Roumanie adopte une vision différente : «in my view,
when the State Parties to a BIT contingently consent, inter alia, to ICSID
jurisdiction, the consent component of Article 46 of the Washington Convention
is ipso facto imported into any ICSID arbitration which an investor then elects
to pursue»64(*).L'article 46 mentionné par Michael Reisman
dispose que :« Sauf accord contraire des parties, le Tribunal doit,
à la requête de l'une d'elles, statuer sur toutes les demandes
incidentes, additionnelles ou reconventionnelles se rapportant directement
à l'objet du différend, à condition que ces demandes
soient couvertes par le consentement des parties et qu'elles relèvent
par ailleurs de la compétence du Centre ». Le système
envisage donc bien la possibilité de présenter une demande
reconventionnelle, mais le consentement à ce procédé par
l'investisseur a été interprété par les tribunaux
de manière restrictive. Une exception s'est cependant manifestée
récemment dans l'affaire Goetz c. Burundi65(*), le tribunal ayant
adopté le point de vue du professeur Reisman a jugé recevable la
demande reconventionnelle du Burundi pour ensuite la rejeter quant au
fond66(*).
Un deuxième obstacle se pose cependant à la
recevabilité des demandes reconventionnelles : le critère du
rapport direct à l'objet du différend. Si le tribunal
décide que le consentement des parties couvre également les
demandes reconventionnelles, encore faut-il qu'une telle demande se fonde sur
des faits identiques et de même nature que ceux de la demande
initiale67(*). Peu de
tribunaux en sont arrivés à examiner ce critère pour
qu'une tendance restrictive ou extensive dans son interprétation puisse
être reconnue. Si l'évolution de la jurisprudence arbitrale future
suivra Goetz c. Burundi, on peut déjà prévoir que
la prochaine complication à résoudre sera celle du lien de
connexité.
La reconnaissance d'un droit de demande reconventionnelle pour
l'État hôte serait favorable à l'efficacité
procédurale, au respect de l'autorité de la loi, et à la
légitimation du système Investisseur-État68(*). Ce mécanisme servirait
à restaurer un degré de symétrie à un
procédé qui semble avoir perdu de vue son objectif initial.
Que ce soit donc en matière de contrats ou en
matière de traités, le problème reste le même ;
comment peut-on parler d'égalité des armes alors que
l'investisseur est toujours sur l'attaque et l'État sur la
défense ? La construction actuelle du système ne permet pas
la mise en oeuvre de la responsabilité de l'investisseur par
l'État, non seulement les moyens d'actions sont-ils asymétriques,
mais également les obligations endossées par l'une et l'autre des
parties.
II- LES IMPRÉVISIBILITÉS INHÉRENTES AU
SYSTÈME
«Arbitration is a creature of
consent»69(*),
un adage couramment cité dans le contexte de l'arbitrage commercialet de
l'arbitrage interétatique. Cela semble pourtant être moins vrai en
matière d'arbitrage d'investissement, du moins en ce qui concerne les
procédures sur fondement de traité. L'État consent aux
termes du traité bilatéral d'investissement avec son homologue,
il négocie et réajuste ces termes jusqu'à ce qu'ils lui
paraissent raisonnables, mais en signant ce document, l'État s'engage
non pas envers son cosignataire, mais envers l'inconnu ; il ne connait de
son future adversaire que sa nationalité et quelques critères
nécessaires à sa qualification en tant qu'investisseur. De plus,
il ne s'engage non pas seulement en son nom, mais aussi au nom de toutes les
autres personnes publiques autonomes qu'il abrite sous son toit ; il
répondra lui-même de leurs actions. D'un point de vue substantiel,
la question se pose aussi quant au contenu de son engagement ;
l'État connait-il vraiment l'étendu des obligations qu'il
entreprend en incluant les différents standards de protection connus des
TBI ?
«[Investment Arbitration] grants innumerable
present and future investors the right to arbitrate a wide range of grievances
arising from the actions of a large number of public authorities, whether or
not any specific agreement has been concluded with the particular
complainant»70(*). Toutes ces incertitudes placent l'État dans
une situation précaire, il est de plus en plus difficile de
prédire quand et sur quel fondement sa responsabilité sera mise
en oeuvre. « Dans l'arbitrage transnational traditionnel,
fondé sur l'accord ad hoc des parties, ces dernières
sont en mesure d'envisager à l'avance quelles catégories de
litiges elles s'exposent en acceptant des clauses compromissoires et
vis-à-vis de qui. Telle reste encore la situation de l'investisseur dans
tous les cas. En revanche la situation des États qui ont souscrit
à des clauses CIRDI [...] est sensiblement
modifiée »71(*). Une asymétrie importante se dessine donc ici
aussi entre les justiciables de l'arbitrage d'investissement.
L'élément de surprise dont dispose l'investisseur renforce le
déséquilibre des armes, l'État n'ayant aucun moyen de
prédire les conflits éventuels ou l'identité des
demandeurs potentiels. Trois problèmes se posent fréquemment dans
le cadre de l'imprévisibilité de l'arbitrage
d'investissement : l'identité du demandeur (A),
l'origine de l'acte litigieux (B) et le contenu de la
protection garantie (C).
A) L'IMPRÉVISIBILITÉ QUANT
À L'IDENTITÉ DU DEMANDEUR
En concluant un traité bilatéral
d'investissement contenant une clause compromissoire l'État accorde son
consentement, non pas à une personne prédéfinie comme ce
serait le cas dans un arbitrage classique, mais à une catégorie
entière de demandeurs potentiels. Ce consentement général
est donné aux personnes physiques et morales ayant la nationalité
de l'autre État partie au TBI, quelques critères additionnels
peuvent être inclus dans le traité pour mieux définir les
contours de la qualitéd'investisseur. Au moment de son consentement,
l'État n'a donc qu'une idée très vague de
l'identité possible de ces investisseurs, ce qui signifie qu'il pourrait
potentiellement, sans s'en apercevoir, violer ses obligations envers un
investisseur en exerçant des prérogatives étatiques
ordinaires. Le déclenchement d'un arbitrage d'investissement
résulte souvent de mesures discriminatoires ou coercitives prises
directement à l'encontre un investisseur déterminé connu
de l'État, c'est le cas par exemple en cas d'expropriation.Mais la
responsabilité de l'État peut également être
engagée du simple fait de l'implémentation d'une
législation ou réglementation nouvelle ou tout autre agissement
ordinaire de l'État si celle-ci porte atteinteaux garanties de
protection énumérées dans un TBI72(*). «Investment
Arbitration encompasses future disputes that involve an indeterminate classof
potential claimants in relation to a broad range of governmental
activity»73(*).
L'État, constamment en position d'incertitude, est naturellement
désavantagé par le système. Quand on ne connait pas son
adversaire potentiel alors que lui nous connait, l'inégalité des
armes est certaine ; même si les fusils sont du même calibre,
celui qui tire en premier a un avantage certain. Ce consentement large et cette
définition assez relâchée de l'investisseur ont conduit en
pratique à des situations que l'on pourrait qualifierd'abusives74(*), on pensenotamment au
problème du voile corporatif (i) mais aussi de
phénomène plus récent des demandes de masses
(ii).
i) Le problèmedu voile corporatif
et des sociétés coquilles
Les bénéficiaires des garanties de protection et
des clauses compromissoires contenues dans un TBI sont les investisseurs
ressortissants des États partis au traité. Le terme
« ressortissant » désigne non seulement les
personnes physiques, mais aussi les personnes morales ayant la
nationalité de l'État concerné. L'existence d'une personne
morale est bien entendu une fiction juridique, et c'est pour cela qu'il faut
déterminer dans le TBI quel est le mode d'attribution de la
nationalité que l'on entend appliquer pour vérifier la
nationalité d'une société. Le lieu d'incorporation, le
siège social, le lieu des principaux intérêts ou encore la
nationalité de l'actionnaire principal ou des actionnaires principaux
sont des facteurs souvent pris en compte aux fins de cette
détermination75(*).
Les parties au traité sont libres de choisir l'un de ces critères
ou une combinaison de plusieurs d'entre eux, mais l'option la plus populaire
est de loin celle du lieu d'incorporation. Ce critère requière
simplement que la personne morale soit constituée et enregistrée
dans un État conformément à sa législation
nationale76(*).
La relative simplicité avec laquelle on peut
créer des sociétés dans différents États a
permis à certains investisseurs d'abuser du système : une
personne qui n'a normalement pas accès à l'arbitrage
d'investissement (parce qu'elle est ressortissante d'un État n'ayant pas
conclu de TBI avec l'État hôte, voir même ressortissante de
l'État hôte lui-même) crée une
« société coquille »(shell company)
dans un État ayant conclu un TBI avec l'État hôte, elle
transfert par la suite la possession de l'investissement à cette
société. Ainsi, l'investisseur contourne le défaut de
consentement de l'État et gagne indirectement accès à une
clause compromissoire. «The putative investor is in reality a mere
instrument used by a third person or entity that would not otherwise qualify as
a protected investor with standing to bring a claim under the relevant
[International Investment Agreement]»77(*).La survenance de ce
phénomène de corporate nationality planning est de plus
en plus fréquente ; l'investisseur prévoyant un risque de
litige avec l'État hôte cours se cacher derrière de voile
corporatif d'une société coquille, ou société boite
à lettres, qui lui garantitde par son lieu
d'incorporation,l'accès à un arsenal bien supérieur
à celui qui est normalement à sa disposition. Quand le seul
critère de détermination de la nationalité est le lieu
d'incorporation, l'investisseur peut assez facilement réussir son
stratagème, comme en atteste l'affaire Tokios Tokelèsc.
Ukraine78(*).
La question du voile corporatif a aussi été
à la source d'une autre controverse. Dans l'affaire CSOB c.
Slovaquie79(*),
l'investisseur était une société dont les actions
étaient détenues principalement par la République
Tchèque. La Slovaquie a contesté la compétence ratione
personae du Tribunal en avançant que la République
Tchèque se cachait derrière cette société
écran et qu'il s'agissait donc non pas d'un différend
Investisseur-État mais d'un
différendinterétatique80(*), ce qui exclut le recours à l'arbitrage
d'investissement.Le Tribunal a pourtant rejeté cette argumentation et
s'est reconnu compétent pour connaitre du fond du litige.
Ces problèmes se sont résolus de manières
radicalement différentes par les différents tribunaux qui y ont
fait face. La bonne foi et l'abus de droit sont des thèses qui ont
été avancés par des défendeurs pour demander aux
tribunaux de percer le voile corporatifet déterminer la
nationalité de l'investisseur, mais ces arguments n'ont pas eu beaucoup
de succès81(*). Les
Tribunaux ont préféré se tourner uniquement vers des
règles clairement contenues dans les traités applicables ;
quand le critère du contrôle effectif y est mentionné par
exemple, les arbitres n'ont aucune difficulté à priver la
société coquille de l'accès à l'arbitrage. Une
solution subséquente au problème a été d'inclure
dans les TBI nouvellement conclus des clauses dites « Denial of
Benefits » qui permettent à l'État de priver
l'investisseur des protections garanties par le traité si ce dernier
n'est pas effectivement contrôlé à partir de son
État d'incorporation82(*).
Certaines solutions existent donc face à ce
problème, mais elles se rattachent surtout au contenu même des TBI
qui lui seul peut renfermer les outils qui permettent à l'arbitre de
percer le voile corporatif. Les États deviennent de plus en plus
conscients de ce problème et veillent à y remédier dans la
conclusion de nouveaux TBI.Cependant, l'essentiel des accords actuellement en
vigueur ne prévoie pas de solution explicite,le risque d'abus reste donc
très possible.Il s'agit donc là non pas seulement d'une
inégalité des armes, mais d'un accès illégitime aux
armes.
ii) Le
phénomène des demandes de masse
Il est assez commun dans un arbitrage d'investissement d'avoir
un litige comportant plusieurs investisseurs face à l'État
hôte. Les scénarios classiques sont ceux des partenaires
d'affaires agissant en tant que codemandeurs, des actionnaires d'une
société agissant en leurs propre noms, ou encore celuid'une
demande présentée par une société et ses
actionnaires conjointement. La présence de deux, trois voir cinq ou six
investisseurs face à l'État n'a jamais posé
problème. Des premières difficultés se sont cependant
dessinées avec des cas tels que Bayview c. Mexique83(*) et Anderson c. Costa
Rica84(*) qui
comportaient respectivement 46 et 137 demandeurs, compliquant ainsi beaucoup
plus les données. Mais le bouleversement réel a lieu avec
l'affaire Abaclat c. Argentine, dans laquelle plus de soixante mille
demandeurs italiens, obligataires de la dette souveraine argentine, ont
initié un recours collectif suite à la crise financière de
2001.
Cette affaire a été comparée aux
class actions et mass actions connues essentiellement du
droit américain. Ces procédures permettent d'unir les demandes
d'un grand nombre victimes en une seule action contre un même demandeur.
Le règlement CIRDI est complètement silencieux sur
l'admissibilité de telles demandes, le Tribunal arbitral a donc
décidé de trancher cette question par application de l'article 44
de la Convention de Washington85(*). Le 4 aout 2011, le tribunal se reconnait
compétent par une majorité de deux contre un86(*). Le professeur Georges
Abi-Saab dans son opinion dissidente argue la contrariété de la
décision aux garanties du procès
équitable:«handling mass claims in a single arbitral case or
proceeding, or as one arbitral suit or action, necessarily undermines the due
process rights of the Respondent and would be unmanageable»87(*). Face à un nombre
tellement massif de requérants, il est difficile de concevoir comment
l'État répondeur pourrait exercer son droit de défense de
manière satisfaisante, une rupture de l'égalité des armes
est presque assurée. «Where due process in traditional
judicial proceedings applies equally to both sides, mass claims procedural
rules usually favor claimants»88(*). Les contentieux de masse prévus dans les
procédures domestiques, ainsi que dans certains contextes
internationaux, sont conçus de façon à respecter les
exigences d'une bonne administration de la justice, mais les architectes du
système CIRDI n'ont pas adapté sa structure à de tels
scénarios. Rien dans la Convention de Washington ou dans les
règles d'arbitrage CIRDI ne prohibe explicitement les demandes de masse,
mais une telle interprétation extensive ne va-t-elle pas à
l'encontre du consentement de l'État ? En l'absence de toute
disposition à cet effet, l'Argentine n'avait aucun moyen de
prévoir la possibilité d'un tel recours contre elle, on pourrait
donc arguer qu'un consentement spécial aurait été requis
pour permettre ce processus89(*).«Consent to jurisdiction is the exception,
not the default rule.Thus, when the Convention is silent as to whether
the parties consented to jurisdiction, the tribunal should have found there was
no consent and therefore no jurisdiction»90(*).
Toutes ces imprécisions dans la détermination de
la qualité d'investisseur contribuent donc de différentes
manières à l'érosion de l'égalité des armes
dans le cadre de l'arbitrage d'investissement. Sans possibilité de
prévoir contre qui et de quelle manière il pourrait être
attrait devant les tribunaux, l'État n'a aucun moyen de se
défendre adéquatement.
B) L'IMPRÉVISIBILITÉ QUANT
À L'ORIGINE DE L'ACTE LITIGIEUX
Il s'agit ici de la question de l'imputabilité des
actions d'entités infra-étatiques à l'État
lui-même pour attraire ce dernier devant un tribunal arbitral.
L'égalité des parties peut-elle vraiment être
assurée quand l'une d'elles peut être attraite devant le tribunal
pour des actions qu'elle n'a pas commises et qu'elle n'aurait pas pu
prévenir ? Même si la jurisprudence arbitrale n'est pas
uniforme sur ce point, plusieurs tribunaux se sont reconnus compétents
ratione personae pour connaitre de la responsabilité des
États pour des agissements commis par des entités
infra-étatiques.Cette situationamplifie l'imprévisibilité
de l'arbitrage d'investissement au détriment de l'État, pour qui
il devient de plus en plus difficile de prédire la possibilité
d'un contentieux Investisseur-État, ce qui affaiblit ses
capacités de défense.
Il faut bien sûr distinguer entre différentes
catégories d'entités infra-étatiques. Il est difficile par
exemple de contester l'imputabilité d'une action à l'État
quand elle a été commise par l'un de ses ministères ou une
agence sur laquelle elle exerce un contrôle direct91(*). Les complications se posent
surtout au niveau des entités ayant une personnalité juridique
distincte de l'État. En droit privé ou public interne, la
question ne se poserait pas, cette personnalité distincte obligerait le
requérant à poursuivre l'entité elle-même et non pas
l'État. Mais en droit international, l'État est normalement
responsable des agissements de ses émanations, celles-ci n'ayant pas de
personnalité juridique internationale. L'hybridité de l'arbitrage
d'investissement complique donc l'adoption d'une solution uniforme en ce qui
concerne l'attribution des actes.
L'article 25(3) de la Convention CIRDI précise que
« Le consentement d'une collectivité publique ou d'un
organisme indépendant de l'État contractant ne peut être
donné qu'après approbation par ledit État, sauf si
celui-ci indique au Centre que cette approbation n'est pas
nécessaire ». L'interprétation de cet article n'a pas
été uniforme ; l'approbation de l'État
concerne-t-elle uniquement la possibilité pour ces entités
d'être directement parties à un litige ou couvre-t-elle
également le consentement de l'État à être
liés par les agissements de tels organismes ? Le tribunal arbitral
dans CTN c. Saint Christophe et Nevis par exemple a
considéré qu'en l'absence de notification conforme à
l'article 25(3), le gouvernement fédéral ne pouvait pas
être tenu responsable des agissements d'une autorité
fédérative92(*). Le tribunal dans l'affaire Vivendi c.
Argentine arrive cependant à la conclusion contraire93(*), affirmant par ailleurs que
«under international law, and for purposes of jurisdiction of this
Tribunal, it is well established that actions of a political subdivision of
federal state [...] are attributable to the central
government»94(*).Dans l'affaire Maffezinic. Espagne95(*), le Tribunal a
considéré que: «a private corporation operating for
profit while discharging essentially governmental functions delegated to it by
the State could, under the functional test, be considered as an organ of the
State and thus engage the State's international responsibility for wrongful
acts»96(*). La
responsabilité de l'État a donc pu être mise en oeuvre du
fait des agissements d'une partie privée concessionnaire d'un service
public. Quant aux entreprises publiques, elles ont très souvent
été à la source de litiges
Investisseur-État97(*), mais la méthode d'attribution de ces
agissements a oscillé entre différentes théories tel que
celle de la Culpa in Vigilando de l'État ou encore celle de
l'Alter Ego98(*).
Les tribunaux ont souvent recours par ailleurs au droit international
coutumier, notamment les articles 4 et 5 du projet d'articles sur la
responsabilité de l'État pour fait internationalement illicite,
pour justifier l'attribution d'un acte à l'État. James Crawford
souligne cependant que le recours à ces règles doit rester
subsidiaire et peut être contourné si le traité
d'investissement contient des règles spéciales
d'attribution99(*) comme
l'illustre l'affaire UPS c. Canadaen ce qui concerne l'ALENA100(*).
L'État hôte est donc tenu responsable des
agissements d'une multitude d'acteurs avec lesquels ses liens sont souvent
assez minimes. L'inconsistance jurisprudentielle quant aux méthodes
d'attribution ne fait qu'augmenter le risque d'un déséquilibre
des armes entre les parties.
C) L'IMPRÉVISIBILITÉ QUANT
AUX PROTECTIONS GARANTIES
Le mécontentement de certains États à
l'égard du système Investisseur-État concerne non
seulement les aspects procéduraux du mécanisme, mais
également le droit substantiel mis en oeuvre devant ces tribunaux. La
responsabilité de l'État est engagée pour violation des
dispositions d'un traité d'investissement, celles-ci peuvent contenir
des prohibitions spécifiques, comme l'interdiction de l'expropriation,
ou font référence à des « standards de
traitement ». L'expropriation est un concept assez facile à
comprendre même pour un profane, il s'agit essentiellement de la
confiscation par l'État de la propriété foncière
d'un individu101(*). En
effectuant une expropriation, l'État devrait donc ordinairement
être conscient de la nature de ses agissements, mais cela se complique
lorsqu'il s'agit d'« expropriation indirecte »,
construction jurisprudentielle qui mérite d'être
examinée(i). En ce qui concerne les standards de
protection, il faut en distinguer deux catégories : les standards
contingents tels que les clauses de traitement national ou les clauses de la
nation la plus favorisée, ceux-ci ne posent pas beaucoup de
problèmes car ils sont relatifs à un point de
référence objectif que l'État peut facilement identifier.
Les standards non-contingents, notamment le standard de traitement juste et
équitable, peuvent cependant être beaucoup plus
problématiques ; leur contenu est largement ouvert à
l'interprétation des arbitres qui en ont parfois fait un standard
« fourre-tout »(ii).
i) L'expropriation indirecte
L'expropriation indirecte résulte de mesures prises par
l'État dans l'exercice de ses prérogatives régaliennes aux
fins de la régulation d'un secteur économique, et qui ont comme
conséquence l'impossibilité pour un investisseur de jouir de son
investissement. Cette forme d'expropriation n'implique pas
nécessairement une privation du droit de propriété de
l'investisseur sur son investissement, il suffit qu'elle conduise à une
situation où l'investissement devient dépourvu d'utilité
car impossible d'exploiter conformément à la législation
ou aux régulations nouvellement introduites.
Les mesures pouvant conduire à une expropriation
indirecte sont nombreuses : une privation de profits, une
révocation de permis d'exploitation, une prohibition d'imports ou
d'exports, une création de monopoles étatiques ou encore une
taxation exorbitante. Toutes ces actions, connues de la jurisprudence
arbitrale102(*),représentent des prérogatives qui
peuvent être légitimement exercés par l'État dans
certains contextes, ce qui rend difficile l'identification de situations qui
cachent une expropriation indirecte.«There is no mechanical formula to
determine when measures attributable to the Host State breach the dividing line
between legitimate regulation and compensable indirect
expropriation»103(*).Certains États ont souvent recours à
de telles mesures, légales en apparence, mais qui cachent en
réalité une intention de nuire à l'investisseur
étranger en perturbant le bon fonctionnement de son investissement de
manière à le priver de ses bénéfices. Mais un
comportement étatique peut être qualifié d'expropriation
indirecte même en l'absence de toute mauvaise intention de la part de
l'État104(*).
Ceci signifie donc que l'État peut être tenu responsable d'une
violation de garanties de protection du fait de l'exercice ordinaire et
légitime de ses fonctions.
Ce phénomène remet en question le droit de
l'État de réguler105(*), un problème envisagé un peu plus loin
dans cette étude. En ce qui concerne l'imprévisibilité de
l'arbitrage d'investissement, il se manifeste à ce niveau par
l'interprétation inconsistante par les tribunaux arbitraux du concept de
l'expropriation indirecte. Il s'agit donc d'un élément
additionnel à prendre en compte dans le cadre de cette nature
imprévisible de l'arbitrage d'investissement qui se heurte à la
bonne administration de la justice.
ii) Le standard de
traitement juste et équitable
L'un des sujets les plus controversés en matière
d'arbitrage d'investissement est celui de l'utilisation du standard de
traitement juste et équitable (STJE) pour la constatation d'une
violation de protections garanties dans un TBI. Alors que d'autres standards,
tels que celui du traitement national ou encore du traitement de la nation la
plus favorisée, sont assez facile à reconnaitre en raison de leur
nature contingente, le STJE est une notion beaucoup plus vague dont la
définition est difficile à cerner. Le STJE est aujourd'hui
présent dans la quasi-totalité des traités
d'investissement, et même quand il ne l'est pas, il peut y être
incorporé par le biais d'une clause de la nation la plus
favorisée. On a parfois considéré que le STJE est le
standard de traitement le plus important, une demande alléguant la
violation de ce standard étant souvent plus susceptible de
réussite qu'une demande formulée sous un standard plus
spécifique106(*).
Le contenu du standard de traitement juste et équitable
est souvent débattu. L'une des visions avancées est que c'est une
simple référence aux garanties minimales du droit international
coutumier. Une autre vision perçoit le standard de manière plus
élargie, incluant d'autres sources de protections existant en droit
international ainsi que des principes généraux du droit. Enfin,
on a parfois considéré qu'il s'agit d'un concept autonome non
lié au contenu du droit international. Quoi qu'il en soit, l'existence
même de cette controverse contribue à
l'imprévisibilité du système. « Un certain
nombre d'États semblent préoccupés par le fait que moins
les arbitres reçoivent de précisions, plus grande est leur marge
de manoeuvre et plus la procédure aboutit à des décisions
ex aequo et bono »107(*).
«The standard of fair and equitable treatment is
relatively imprecise. Its Meaning will often depend on the specific
circumstances of the case at issue»108(*).Cette flexibilité est parfois saluée,
elle permet en effet de couvrir certaines violations graves des protections
garanties qui ne sont pas explicitement exprimés dans le traité.
Mais cette caractéristique est une lame à double tranchant, car
si elle permet de combler certaines lacunes du régime de protection,
elle peut aussi conduire à une interprétation abusive que
l'État n'aurait pas pu prévoir lors de sa souscription au
TBI. «The current system of investment arbitration has not been
designed in order to promote uniformity or consistency in either rule-making or
rule -interpretation [...] [the inherently subjective nature]
of the Fair and Equitable Treatment Standard, renders its application
unpredictable and unmanageable»109(*).
Une conception uniforme de ce que représente le
standard de traitement juste et équitable est impossible non seulement
à cause des divergences dans les interprétations formulées
par les tribunaux, mais aussi à cause de l'inconsistance dans le langage
utilisé dans la rédaction de telles dispositions. «Even
though many tribunals [...] tend not to find violations lightly, the
different threshold that results from a different wording of the FET clause may
potentially present a problem, particularly for those countries that have
subscribed to treaties using different language. The threshold for qualifying
conduct by the State towards one investor protected by one type of standard can
be different from the finding of a violation with respect to another investor
of a different nationality. The result would then [...] be
unpredictable»110(*).
L'une des composantes fondamentales du STJE est sans doute la
notion d'expectatives légitimes qui prescrit une certaine mesure de
prévisibilité dans l'adoption par l'État de règles
et de politiques nouvelles111(*). Une certaine ironie se dessine ici quand on
constate qu'en voulant assurer à l'investisseur une
sécurité juridique en garantissant la prévisibilité
de l'action étatique, les États sont alors eux-mêmes
victimes d'une imprévisibilité quant aux conséquences de
leurs actions.
L'imprévisibilité de l'arbitrage
d'investissement n'est donc pas limitée à la structure
procédurale de ce système, mais s'étend aussi à une
partie du droit substantiel qui régit la protection des investissements
étrangers. « If the State and its subnational entities do
not know in advance what type of conduct may be considered a breach of treaty,
then it cannot organize its regulatory and administrative decision-making
processes and delegation in a way that ensures its conduct will not incur
liability»112(*).
Le manque de prévisibilité déstabilise
considérablement l'égalité des armes en matière
d'arbitrage d'investissement. L'effet de surprise qui résulte de la
structure du système met l'État dans un désavantage
constant ; d'une part il n'a aucun moyen de prévenir une possible
mise en oeuvre de sa responsabilité et donc de conformer son
comportement à la légalité (il ne connait pas
l'identité de son adversaire potentiel et peut être tenu
responsable d'agissements qui ne sont pas les siens), et d'autre part, une fois
l'instance déclenchée, il n'a pas la possibilité de se
défendre adéquatement car il ne connaît pas
l'étendue réelle de ses obligations (l'interprétation
faite par les arbitres des différentes garanties incluses dans les TBI
étant inconsistante).
III- LE DÉRAILLEMENT DE LA FONCTION ÉTATIQUE
Le problème examiné ici sort du cadre strict de
la question de l'égalité des armes. Il s'agit d'un
problème se situant non pas au niveau du mécanisme lui-même
mais au niveau des conséquences indirectes de l'utilisation du
mécanisme sur la situation des parties. On regardera donc au-delà
de la procédure arbitrale et du droit substantiel de l'investissement
pour essayer de comprendre quelles sont lesrépercussionsde l'arbitrage
d'investissement qui ont conduit au mécontentement grandissant des
États envers ce système. De par sa nature, le système
Investisseur-État a posé un fardeau excessif (undue
burden) sur l'État qui se trouve de plus en plus souvent pris dans
un dilemme entre le respect de ses obligations envers les investisseurs et
l'exercice nécessaire de ses fonctions régaliennes. En
plaçant l'État dans une telle situation, celui-ci est
naturellement désavantagé par le système ; comme
mentionné plus haut, ses options se résument alors à un
choix entre une violation de ses obligations envers les investisseurs
étrangers et une violation de ses obligations envers ses citoyens.
L'égalité des armes (au sens large) est alors violée du
fait que quoi que fasse l'État, il sera d'une manière ou d'une
autre en violation de ses obligations. L'arbitrage d'investissement porte donc
atteinte aux fonctions étatiques tantôt de manière active
en se heurtant à l'intérêt public (A)
tantôt de manière passive en privant l'État de sa
capacité de réglementer (B).
A) LA MÉCONNAISSANCE DE
L'INTÉRÊT PUBLIC
La souveraineté appartient au peuple, et dans toute
société démocratique, le gouvernement est responsable
devant ses citoyens. La promotion et la protection des investissements
étrangers est loin d'être la seule fonction d'un gouvernement,
celui-ci doit organiser et réguler d'innombrables secteurs
d'activités conformément à une politique publique bien
définie, afin de promouvoir l'intérêt public. De plus, un
gouvernement est élu spécifiquement sur la base d'une politique
qu'il entend mettre en oeuvre, celle-ci devient une mission du gouvernement et
même une obligation envers ses citoyens. Si ce dernier n'arrive pas
à tenir ses promesses électorales, l'intérêt public
est alors lésé et le gouvernement aura manqué à ses
obligations envers le peuple. Qu'arrive-t-il alors si cette politique publique
se heurte avec les garanties de protection données aux investisseurs
étrangers dans des contrats ou des traités ? Le tribunal
arbitral dans l'affaire Soabi c. Sénégal apporte la
réponse suivante : «it is not the function of
an arbitral tribunal to ensure compliance with the internal public policy of a
country for discharging the government of that country of an obligation it
recognizes»113(*).Cette position est fortement remise en question
aujourd'hui, les États et leurs citoyens acceptent mal que les
intérêts financiers d'acteurs étrangers prévalent
sur l'intérêt public de tout un pays.
L'affaire Soabi date d'une époque où
l'arbitrage d'investissement n'avait pas la même envergure qu'il connait
aujourd'hui. La méconnaissance par les tribunaux de
l'intérêt public de l'État partie au différend a
déjà conduit à un nombre de sentences très
controversées. Même dans certaines affaires qui au final n'ont pas
été décidées en faveur du demandeur, la simple
contestation d'une politique publique d'intérêt
général avait suffi pour déclencher des troubles publics
au sein de l'État concerné. Dans le contexte de l'ALENA par
exemple, la responsabilité du Canada a été mise en cause
dû à sa prohibition d'un produit
cancérigène114(*), celle des États-Unis pour des mesures de
protections culturelles et sanitaires115(*), et celle du Mexique pour le refus d'un permis de
traitement de déchets dû à des risques
environnementaux116(*).
L'Allemagne s'est engagée en l'an 2000 à un abandon progressif du
recours à l'énergie nucléaire ; cette décision
a conduit à la contestation de ces mesures par un investisseur dans un
arbitrage Vattenfall II c. Allemagne117(*). Selon Stephen Schill, la question de l'abandon du
nucléaire représente «an issue which has marked
Germany's social and political culture over the past decades like no other
issue apart from the fall of the Berlin Wall»118(*), on peut donc comprendre que
sa remise en question par un tribunal arbitral sorti de nulle part pourrait
frustrer l'opinion publique allemande.
L'Argentine, le Venezuela et l'Espagne ont eu des
expériences très amères avec le CIRDI. Suite à une
crise financière en 2001, l'Argentine a dû prendre des mesures
urgentes pour la sauvegarde de son économie, ces mesures ont
donné lieu à une pléthore d'arbitrages CIRDI
initiés contre l'État sud-américain qui lui ont
couté des centaines de millions de dollars en
dommages-intérêts, sans oublier les frais d'avocats et
d'arbitres119(*). L'un
des projets phares depuis 1998 du gouvernement socialiste du Venezuela a
été la renationalisation de certains secteurs de
l'énergie, une politique qui était au centre du schéma
dessiné par Hugo Chavez pour la réforme de l'économie
vénézuélienne et la réduction du taux de
pauvreté endémique. Cette politique, très populaire parmi
les citoyens du pays, a provoqué l'initiation de plus d'une dizaine
d'arbitrages, ce qui a conduit à la dénonciation par le Venezuela
de la Convention de Washington et d'un nombre de TBI120(*). La politique
d'austérité menée par le gouvernement espagnol depuis 2011
comprend entre autres une réforme dans le système des subventions
qui a lourdement affecté les investissements dans les énergies
renouvelables, par conséquent, l'Espagne fait actuellement face à
plus de 24 arbitrages enregistrés en moins de trois ans121(*).
Face à des crises économiques, environnementales
et humanitaires, les États ont un droit légitime d'intervenir par
le biais de régulations et de législations afin de
remédier à ces problèmes122(*). Un gouvernement a une obligation envers ses
citoyens non seulement de tenir ses promesses électorales, mais plus
généralement de veiller au respect et à la promotion de
l'intérêt public. Même si au final l'arbitrage ne va pas
annuler la réglementation prise par l'État, le simple fait que
celui-ci va devoir payer des millions de dollars en compensation à un
investisseur étranger est assez pour frustrer l'opinion publique. Quoi
que fasse le gouvernement, il risque l'érosion de son soutien populaire,
il est constamment dans une position inconfortable qui le pousse souvent
à résoudre ce genre de litiges à l'amiable123(*) ; face à des
armes trop puissantes il préfère brandir le drapeau blanc.
B) LE RISQUE DE GEL
RÉGLEMENTAIRE
Le « gel réglementaire » ou
`regulatory chill', expression anglaise plus couramment
utilisée, est une théorie avancée par plusieurs auteurs
affirmant qu'en conséquence de la multiplication des recours à
l'arbitrage d'investissement, les États sont désormais
méfiants d'adopter de nouvelles réglementations
et législations. «Regulatory chill in the face of
litigious heat»124(*), le risque d'être poursuivi devant un tribunal
arbitral par un investisseur étranger rendrait les États
réticents d'exercer leurs pouvoirs réglementaires, créant
ainsi une quasi-paralysie de la fonction créatrice de normes de
l'État. L'État pourrait aussi choisir de ne pas assurer la mise
en oeuvre de règles déjà existante de peur que leur
application ne conduise à un contentieux Investisseur-État.
«A State actor will fail to enact or enforce bona fides regulatory
measures because of a perceived or actual threat of investment
arbitration»125(*).
L'arbitrage d'investissement aurait donc pour effet non pas
seulement la remise en cause de mesures prises en vertu de
l'intérêt public, mais aussi la neutralisation du pouvoir de
l'État de réglementer et de légiférer. Cette
hypothèse est d'ailleurs au coeur des critiques dirigées envers
l'adoption proposée du Partenariat Transatlantique de Commerce et
d'Investissement (connu communément par l'abréviation anglaise
TTIP) qui contient lui-même un mécanisme de résolution des
différends Investisseurs-États126(*). Une constatation scientifique de ce
phénomène est difficile à élaborer ; l'effet
analysé a un caractère passif donc non quantifiable, ce qui rend
compliqué l'apport de preuves tangibles qui pourraient confirmer
l'hypothèse avancée. Kyla Tienhaara arrive quand même
à illustrer le problème par le biais d'un exemple relatif
à la régulation environnementale au Costa Rica : Harken
Energy et Vanessa Venture dont deux affaires distinctes
où, suite à l'instauration d'un moratorium sur l'exploitation des
mines à ciel ouvert, des investisseurs étrangers ont
menacé de recourir à l'arbitrage d'investissement. Tienhaara
démontre le changement d'attitude de l'État centraméricain
entre les deux affaires : après avoir ignoré la menace lors
de la première affaire et par la suite subit les complications d'un
arbitrage contre une société multinationale, le Costa Rica
décide de ne pas mettre en oeuvre sa réglementation
environnementale face à une menace renouvelée par une autre
société de recourir à l'arbitrage d'investissement. Cet
État a donc préféré abandonner sa politique
environnementale plutôt que de devoir faire face à une nouvelle
action par un investisseur127(*).
On peut par ailleurs s'apercevoir que certaines
sociétés multinationales semblent avoir détourné le
système pour exercer de la pression sur des États afin de les
pousser à abandonner de nouveaux projets de réglementation. Deux
affaires très médiatisées128(*) ont été
initiées par le géant du tabac Philip Morris
International à l'encontre de l'Australie et de l'Uruguay
respectivement. Philip Morris allègue une violation de
garanties TBI à la suite de campagnes anti-tabac menés par ces
États. Le tribunal dans l'affaire contre l'Australie s'est
récemment déclaré incompétent pour connaitre du
fond du litige129(*), et
l'affaire contre l'Uruguay est toujours pendante, mais l'important ici n'est
pas vraiment le résultat final de ces arbitrages, mais le pouvoir de
chantage dont disposent désormais les investisseurs étrangers
à l'encontre des États. L'absence de force obligatoire du
précédent jurisprudentiel, couplé avec
l'impossibilité pour l'État de présenter des demandes
reconventionnelles, signifie que celui-ci ne pourra jamais s'assurer qu'une
menace d'arbitrage, même outrageuse, ne finira pas par aboutir et
l'obliger à payer.
Malgré le fait que le phénomène du
« gel réglementaire » ne peut pas vraiment
être mesuré ou évalué objectivement, il n'est pas
impossible d'imaginer que le système Investisseur-État pourrait
être perverti par les entreprises multinationales pourexercer de la
pression et mener un chantage à l'encontre d'États afin que
ceux-ci renoncent à l'application ou à l'introduction de
réglementations contraires à leurs intérêts
financiers. On ne parle alors plus d'une inégalité des armes
inhérente au système de l'arbitrage d'investissement, mais de
l'utilisation du système lui-même en tant qu'arme pour contraindre
les États à se plier à la volonté des
multinationales, déraillant ainsi la souveraineté
étatique.
En conclusion, un problème tangible existe aujourd'hui
en arbitrage d'investissement. En voulant protéger la partie faible on
l'a surarmé, de sorte qu'aujourd'hui l'État se trouve bien
souvent en position de faiblesse, the State has been outgunned. La
configuration actuelle de l'Arbitrage Investisseur-État a
permis « an Over-Empowering of
Investors »130(*), brisant ainsi l'égalité des armes,
garantie fondamentale d'un procès équitable et pierre angulaire
de la justice internationale. Une analyse a été portée sur
l'asymétrie inhérente au système du fait de
l'impossibilité pour l'État de se poser en demandeur, et les
répercussions de cet état d'affaires sur le bon
déroulement de la justice. L'étude des nombreux aléas du
mécanisme a révéléqu'il est extrêmement
difficile, si ce n'est impossible, pour l'État de préparer une
bonne défense. Enfin, il a étédémontré
comment, en raison de ces incertitudes et ces incapacités d'action, le
système lui-même a été perverti pour servir de moyen
de chantage des sociétés multinationales contre les États.
Avant d'envisager les solutions possibles à ces problèmes, il
convient de s'attarder d'abord sur certaines préoccupations des
investisseurs concernant la structure du système. Il est vrai que cette
étude penche plutôt vers l'hypothèse selon laquelle
c'est l'État, et non pas l'investisseur, qui est
désavantagé par la configuration actuelle de l'arbitrage
d'investissement, mais cela n'empêche pas de prendre en
considération certains arguments avancés par le camp
pro-investisseur afin d'étudier les solutions possibles dans une
perspective plus large et mieux informée, et d'élaborer des
propositions susceptibles de satisfaire un plus grand nombre d'acteurs.
SECTION 2 : LES PROBLÈMES AUXQUELS FONT FACE LES
INVESTISSEURS
Pour certains auteurs et certains acteurs, l'arbitrage
d'investissement ne donne pas aux investisseurs toutes les
« armes » nécessaires pour la réalisation de
son but cardinal : la protection des investissements étrangers
contre l'arbitraire et l'hostilité potentielle des autorités
publiques locales. Selon Pierre Lalive, un facteur constant handicape le
système à sa base:«the inherent and natural difficulty
of a State (or State-controlled entity) to accept a basic tenet of arbitral
procedure, i.e., the principle of equality of the parties»131(*). Les États ne
joueraient donc pas fair-play, ils acceptent d'être liés
par le système pour ensuite tout faire pour le contourner ou le mettre
en échec. «Equality of arms can be impaired by abuse of a
Respondent State's resources and powers»132(*) précise Thomas
Wälde, «self-restraint is difficult for some governments,
particularly if the investment dispute is seen as a domestic political
risk»133(*).
L'État, de par sa nature souveraine, dispose de moyens
de coercition très puissants, des armes qu'il accepte de ne pas utiliser
quand il consent à l'Arbitrage Investisseur-État. Mais certains
États ont apparemment du mal à respecter les règles du jeu
et utilisent leurs pouvoirs supérieurs pour détraquer le
processus arbitral. Cette étude envisagera trois reproches du
« camp investisseurs » à l'encontre de l'arbitrage
d'investissement : laquestion de l'exécution des sentences
arbitrales (I), le problème de l'abus d'autorité
par l'État (II) et la question de l'impartialité
et l'indépendance des arbitres (III).
I- L'EXÉCUTION
DES SENTENCES ARBITRALES
L'égalité des armes, même dans son sens
strict, s'applique non seulement au déroulement du procès mais
aussi à la phase post-décision. Un investisseur ayant obtenu gain
de cause par le jugement d'un tribunal arbitral est alors en possession d'une
sentence arbitrale stipulant la nature et le montant de ses droits de
réparation. La matérialisation de ces réparations
constitue cependant une toute autre bataille pour l'investisseur, une bataille
où il semble effectivement ne pas disposer d'armes du même calibre
que son adversaire souverain. «The enforcement of arbitral awards made
in foreign investment disputes has been far more difficult an issue than the
enforcement of an arbitral award made in other transnational disputes involving
private parties. The difficulties stem from the presence of a sovereign party
[which] immediately raises issues related to sovereign
immunity and act of state»134(*).Une justice bien menée ne se contente pas
d'apporter à un justiciable une constatation de ses droits, elle doit
aussi lui donner les moyens de faire respecter ces droits. Ces moyens, dans
tout système juridique, sont les moyens d'exécution : des
procédures à travers lesquelles les autorités publiques
assistent le justiciable dans l'accomplissement de la justice. Le
problème se pose justement quand l'exécution est demandée
à l'encontre des autorités publiques elles-mêmes, celles-ci
pouvant choisir d'être non-coopératives. Au niveau de
l'exécution dans un État étranger, on retrouve le principe
des immunités étatiques qui viennent compliquer le recours du
justiciable.
En matière d'exécution de sentences arbitrales
issues d'arbitrages d'investissement, une distinction fondamentale doit
être faite entre les sentences CIRDI et les sentences non-CIRDI (presque
toujours des sentences CNUDCI). «The ICSID system, unique in the
arbitration world, is by design divorced from national systems of law. This
isolation brings with it an ease of enforcement that does not attach to awards
rendered by UNCITRAL tribunals»135(*).Cette assertion est sans doute vraie en
théorie, mais en pratique l'arbitrage CIRDI(A) et
l'arbitrage CNUDCI(B) prennent deux chemins différents
pour arriver à un même obstacle.
A) L'EXÉCUTION DE SENTENCES
CIRDI
Le système CIRDI est souvent décrit comme
étant un « régime auto-suffisant »
(Self-Contained Regime) ; ceci signifie que les sentences CIRDI
sont détachées de tout ordre interne d'un État136(*). Le siège de
l'arbitrage n'a aucun impact sur la procédure et il est impossible pour
les juridictions nationales de statuer sur la validité d'une sentence
CIRDI. L'article 54(1) de la Convention de Washington dispose que :
« Chaque État contractant reconnait toute sentence rendue dans
le cadre de la présente Convention comme obligatoire et assure
l'exécution sur son territoire des obligations pécuniaires que la
sentence impose comme s'il s'agissait d'un jugement définitif d'un
tribunal fonctionnant sur le territoire dudit État ».
L'avantage incontestable de l'arbitrage CIRDI est la
reconnaissance automatique de la validité de la sentence dans chacun des
États membres. «As a consequence of recognition, the award
becomes a valid title which can form the basis for
execution»137(*).Ceci laisserait donc croire que l'exécution
d'une sentence CIRDI serait chose facile même en cas de
non-coopérativité de la part de l'État perdant. Cependant
l'article 55 de la Convention précise que : « Aucune des
dispositions de l'article 54 ne peut être interprétée comme
faisant exception au droit en vigueur dans un État contractant
concernant l'immunité d'exécution dudit État ou d'un
État étranger ». Bruno Oppetit commente alors que
« le souci d'efficacité dont témoigne la Convention de
Washington dans son article 54 se trouve en effet fortement
contrebalancé, sinon même annihilé, par la place faite dans
l'article 55 au jeu de l'immunité d'exécution [...] on ne
peut que redouter l'ineffectivité dont risquent de ce fait de
pâtir les sentences CIRDI »138(*). Aron Broches précise
que «Article 55 merely acknowledges the existence of a principle
of public international law that would govern unless waived, or abolished in
relation to a particular country by its legislation»139(*). En somme, ceci signifie
qu'en dépit de la renonciation par l'État à
l'immunité de juridiction de par sa souscription à une clause
compromissoire CIRDI, l'immunité d'exécution est maintenue sauf
indication contraire. Ce problème est partagé avec les sentences
CNUDCI, ses conséquences seront donc examinées dans la
sous-partie suivante.
Un facteur spécifique au système CIRDI, et
contribuant à son caractère auto-suffisant, est l'existence d'un
mécanisme d'annulation des sentences au sein de la Convention de
Washington. La finalité des sentences CIRDI est donc quelque peu moins
garantie que celles des sentences arbitrales ordinaires. «While
ease of enforcement is often cited as one of the main advantages of ICSID
arbitration, a perceived drawback is the ability of a disgruntled party to seek
annulment of the award. A significant number of ICSID Awards have been subject
to annulment proceedings and the substantial majority of these have resulted in
the award being partially or fully annulled»140(*). Bien que les motifs
d'annulations soient limitativement énumérés à
l'article 52, les États peuvent avoir recours à ce
mécanisme pour compliquer et retarder le processus. Il ne s'agit pas
vraiment ici d'une inégalité des armes, étant donné
que les deux parties ont le pouvoir d'initier ce recours si elles ne sont pas
satisfaites de la décision du tribunal. Cependant, le fait que
l'État est toujours défendeur en arbitrage d'investissement
signifie qu'il ne cherchera jamais l'exécution d'une sentence, ce
qui fait qu'il est le seul à pouvoir utiliser ce recours de
manière abusive alors que cela ne pourra jamais se poser pour un
investisseur. On pourrait donc considérer que cela représente en
quelque sorte une inégalité des armes, même s'il est
plutôt question d'une utilisation déloyale de ces
armes.«The frequency with which the annulment procedure has been
invoked has led to the questioning of the effectiveness of the ICSID system.
The much touted finality in the system is being proved a myth as it may be
possible for a party to keep the process alive for a long
time»141(*).
B) L'EXÉCUTION DE SENTENCES
CNUDCI
Les sentences arbitrales Investisseur-État rendues sous
le régime des règles CNUDCI (ou par ailleurs toutes autres
règles non-CIRDI, tel que celles de la CCI ou de la Chambre de Commerce
de Stockholm) suivent à peu près la même procédure
d'exécution que les sentences arbitrales rendues en matière
commerciale. Le principal véhicule garantissant la reconnaissance et
l'exécution de ces sentences est la Convention de New York de 1958. Si
en principe il n'y a pas de recours d'appel possible contre une sentence
CNUDCI, le fait que ce type de sentences ne bénéficie pas du
régime de reconnaissance automatique du CIRDI signifie que les
juridictions du siège de l'arbitrage peuvent, conformément
à la Convention de New York, priver la sentence de son
efficacité. «Enforcing an investment treaty award against a
reluctant State is generally [a] complex task, especially when the award is
obtained outside the ICSID system»142(*). De plus, la Convention de New York permet aux
juridictions nationales de refuser l'exécution des sentences sous
certaines conditions, notamment si le fond du litige n'est pas arbitrable ou si
la sentence est contraire à l'ordre public de l'État
d'exécution143(*). L'exécution d'une sentence CNUDCI peut donc
s'avérer compliquée, surtout que la Convention de New York n'a
pas été conçue avec la préoccupation d'être
appliquée dans un arbitrage comprenant un État
souverain144(*). Par
conséquent, l'immunité d'exécution peut ici aussi se poser
en obstacle à la réalisation du but de l'investisseur.
«Sovereign immunity continues to be as much an
impediment to the enforcement of ICSID awards as it is to the enforcement of
any other arbitral award made in a foreign investment
dispute»145(*). L'immunité d'exécution est donc un
problème commun à l'arbitrage CIRDI et l'arbitrage non-CIRDI.
Certains auteurs ont parfois théorisé qu'en souscrivant à
la clause compromissoire, l'État renonce non seulement à
l'immunité de juridiction mais aussi à l'immunité
d'exécution ; «It is rather illogical that in matters of
arbitration a waiver of immunity is accepted with respect to jurisdiction but
not with respect to execution. If a State agrees to arbitration, it must be
deemed to have accepted all its consequences, including compliance with an
unfavorable award»146(*). Malgré la logique de ces propos, la pratique
n'a jusque-làjamais adopté cette position, mais elle a quand
même mis certaines limites à l'invocation de l'immunité
souveraine ; certaines juridictions nationales ont adopté une
approche fonctionnaliste, par opposition à l'approche absolutiste, quand
elles font face à des questions d'immunité147(*). Cette approche distingue
entre les activités gouvernementales et les activités
commerciales de l'État, elle dispose que les biens de l'États
liés à ses activités commerciales ne
bénéficient pas d'immunités et peuvent donc faire l'objet
d'une procédure d'exécution. Cette approche relaxe donc un peu le
problème de l'immunité, mais elle n'empêche le fait que la
distinction entre les deux catégories d'activités de
l'État est rarement facile à établir.
«Enforcement of an arbitral award can seldom be secured through a
domestic court. [...]Unless the kind-hearted ambassador is willing to point to
the commercial property that is held within jurisdiction by his country, the
law offers no comfort to a plaintiff who wishes to have his award
enforced»148(*).
Les investisseurs ont donc un reproche légitime
à faire quant à l'égalité des armes en arbitrage
d'investissement. Ils ont effet tous les moyens pour gagner la bataille, mais
pas pour gagner la guerre. Une sentence arbitrale qui reste sans
exécution ne vaut pas grand-chose, elle aura même couté
à l'investisseur des sommes considérables en frais d'avocats et
d'arbitres. Les États perdants se soumettent plus souvent que non
à la décision du tribunal, mais ils ne manquent pas à
compliquer et retarder la procédure autant que possible. Un État
récalcitrant peut cependant s'abstenir de toute coopération et
rendre quasi-impossible pour l'investisseur d'obtenir satisfaction.
II- L'ABUS D'AUTORITÉ PAR L'ÉTAT
L'un des déclencheurs les plus communs d'un arbitrage
d'investissement est l'utilisation abusive par l'État de ses
pouvoirs.Souvent, cet abus ne s'arrête pas une fois l'arbitrage
initié, au contraire, certains États n'hésitent pas
à user de leurs pouvoirs pour porter atteinte à un autre droit de
l'investisseur : le droit à un procès équitable qui
comprend notamment le droit à l'égalité des armes. Tout
État, aussi faible qu'il soit, possède un arsenal fabuleux de
moyens de coercition, le monopole de la contrainte étatique étant
d'ailleurs un principede basedu droit constitutionnel. L'État devrait en
principe s'abstenir de tout usage abusif de ses prérogatives, mais face
à la menace d'un arbitrage qu'il perçoit comme une
ingérence, il pourrait choisir de contrattaquer l'investisseur par le
biais d'armes non-conventionnelles.«Some Governments, particularly in
authoritarian states with weak `rule of law', find it difficult to refrain from
using the many means at their disposal to frustrate the arbitration or steer it
in their favor»149(*). L'État peut donc détourner des
procédures légitimes pour exercer de la pression sur
l'investisseur (A) ou peut tout simplement user de ses
pouvoirs pour obstruer le bon déroulement de la justice
(B).
A) L'USAGE DES PRÉROGATIVES
ÉTATIQUES À DES FINS NON-LÉGITIMES
A la suite de l'initiation d'un arbitrage d'investissement,
les autorités étatiques prennent parfois un intérêt
sans précédent dans les activités de l'investisseur sur
leur territoire. Cet intérêt se manifeste notamment par des
procédures de contrôle visant à vérifier la
conformité de l'investissement étranger aux régulations en
vigueur.Les contrôles d'enviromental compliance deviennent par
exemple une méthode favorite de certains États, comme la Russie,
pour mettre de la pression sur les investisseurs litigants150(*) ; sous couvert de la
protection de l'environnement, but noble et légitime, l'État
complique la vie à l'investisseur et terni sa réputation, action
qui pourrait avoir des conséquences importantes lors de l'arbitrage.
L'État peut aussi décider de soumettre l'investisseur à
des audits fiscaux, procédures lourdes un invasives qui permettent aux
autorités publiques de contrôler la quasi-totalité des
dossiers de l'investisseur. Les autorités fiscales peuvent ainsi
procurer à l'État des informations et des preuves auxquels il
n'aurait pas normalement accès à travers la procédure
arbitrale. Il s'agit là d'un détournement de procédure
dangereux qui pourrait peut-être en lui-même justifier un nouveau
recours à l'arbitrage d'investissement. Les pouvoirs de police de
l'État sont des attributs extrêmement importants sans lesquels il
est impossible d'assurer une bonne gouvernance, mais l'usage abusif et
discriminatoire de ces mesures à des fins de stratégie
contentieuse constitue une violation flagrante du principe de
l'égalité des armes.
Par ailleurs, une tactique assez fréquemment
employée par les États défendeurs est le
déclenchement d'enquêtes et de poursuites pénales à
l'encontre de l'investisseur. Cette méthode a naturellement le double
avantage de mettre une pression intenable sur l'investisseur et de permettre
à l'État d'obtenir davantage d'informations sur son adversaire.
La police turque a par exemple intercepté des communications
confidentielles entre un investisseur et ses avocats dans l'affaire
Libananco c. Turquie151(*)sous guise d'investigations pénales sans
rapport avec l'affaire en cours d'arbitrage. Le tribunal arbitral dans
l'affaire Quiborax c. Bolivie a ordonné à l'État
sud-américain, dans une décision provisoire, de suspendre les
procédures pénales entamées à l'encontre
d'individus impliqués dans l'affaire152(*). Le tribunal a reconnu ne pas avoir le pouvoir
d'interdire à un État de recourir à ses pouvoirs de
poursuite pénale mais a aussi souligné que la préservation
l'intégrité de la procédure arbitrale nécessitait
une limitation de ces pouvoirs153(*).
Ce phénomène est particulièrement
problématique car ces prérogatives sont étroitement
liées à l'exercice par l'État de ses pouvoirs
souverains, chose qu'un tribunal arbitral ne peut se permettre de
méconnaitre. Le recours à de telles mesures est essentiel
à la protection par l'État de l'intérêt public et
est plus souvent que non légitime et justifié. Mais le potentiel
d'abus existe et le tribunal arbitral a très peu de marge de manoeuvre
lui permettant de rectifier ce déséquilibre des armes.
«Tribunals faced with such challenges have to weigh the legitimate
exercise of State powers against the equally imperative requirement to maintain
and proactively restore the equality of arms»154(*).
B) L'OBSTRUCTION DE LA JUSTICE PAR
L'ÉTAT
Pour saboter l'arbitrage, l'État peut aussi exercer son
influence indirectement pour ralentir et compliquer l'arrivée à
une décision par le tribunal. En matière de preuves par exemple,
l'État peut refuser à l'investisseur et au tribunal
l'accès à certains documents qu'il juge
confidentiels. «Virtually every national government has some
doctrine protecting military, diplomatic, and other State secrets. The
rationale for the privilege is that the danger to the national interest from
disclosure outweighs any public of or private interest in truthful fact-finding
in a particular litigation»155(*). L'État est le seul juge de ce qui est ou
n'est pas confidentiel, il peut ainsi choisir de classifier certains documents
comme tel alors qu'ils sont essentiels à l'investisseur pour
établir son préjudice. L'inégalité dans les moyens
de production de preuves est une illustration parfaite de
l'inégalité des armes, et c'est aussi un problème auquel
le tribunal ne peut pas facilement remédier. L'État peut aussi
soumettre des preuves falsifiées avec beaucoup plus d'aisance que ne
peut le faire une personne privée156(*). «Investment tribunals, unlike State
courts, have no way of effectively compelling a State party to comply with
discovery requests or to punish concealment of documents, forgery, or
fraudulent submission or testimony»157(*).
Quand l'État fait face à un investisseur modeste
dont les ressources financières ne sont pas sans limites, il peut
recourir à une stratégie dilatoire en abusant la procédure
arbitrale. L'État, mieux financé pour le litige, fait de son
mieux pour multiplier considérablement les coûts de l'arbitrage,
de façon à mettre une pression financière sur le
demandeur. L'État peut alors retarder la constitution du tribunal,
contester l'indépendance et la neutralité des arbitres, soulever
toutes les objections procédurales et juridictionnelles possibles,
maximiser les temps de réponse pour chaque phase, insister sur le plus
grand nombre d'audiences possible, changer d'avocats, multiplier les
témoignages pour forcer le demandeur à y répondre, et
initier tout recours possible post-décision pour contester la
validité de la sentence158(*). Une inégalité financière des
parties n'est pas à proprement parler une inégalité des
armes, et l'État peut souvent se permettre d'utiliser cet avantage pour
détraquer une procédure initiée par un demandeur aux fonds
financiers limités. Le tribunal arbitral ne peut pas faire grand-chose
pour contrer ce déséquilibre ce qui en fait en pratique une
inégalité manifeste des armes.
L'État peut en arriver à l'intimidation et le
harcèlement des personnes liées à l'affaire. Il peut par
exemple refuser des visas aux experts et avocats venant de l'étranger,
mettre ces personnes sur des listes noires, les noyers dans des complications
bureaucratiques. Si le demandeur fait appel à des témoins qui
sont fonctionnaires publics, l'État peut inventer des mesures
disciplinaires ou des refus de promotion pour dissuaderses subordonnés.
Il est intéressant par ailleurs de noter que la seulesentence connue
où un tribunal arbitral fait explicitement référence
à la notion d'égalité des armes concernait une possible
interférence de la part des États-Unis dans les relations entre
l'investisseur et ses avocats et une interception de leurs
communications :«the Disputing parties each owed in this
arbitration a general legal duty to the other and to the Tribunal to conduct
themselves in good faith during these arbitral proceedings and to respect the
equality of arms between them»159(*).
L'égalité des armes est donc sérieusement
affectée par la détention par l'État de pouvoirs
coercitifs pouvant considérablement affecter le bon déroulement
de la procédure arbitrale. L'État, avec ou sans le couvert de
l'utilisation de pouvoirs légitimes, peut mener une contre-offensive qui
gênera énormément le processus arbitral et pourra
même conduire à une renonciation de l'investisseur à sa
demande et à ses droits. Il est vrai que l'investisseur peut lui aussi
agir de manière déloyale quand il en a les moyens, mais les
implications de cette possibilité sont très différentes de
la situation où l'abus provient de l'État ;
« With control of the levers of government, public, formal, legal
or secret, the State as a rule will not be distrubed by the existing
institutions of justice (police, prosecution, courts), they will be a part of
its litigation conduct »160(*).
III- L'INDÉPENDANCE ET
L'IMPARTIALITÉ DES ARBITRES
La question de l'indépendance et l'impartialité
des arbitresa été évoquée en dernier lieudans ce
chapitre car bien qu'elle soit le plus souvent soulevée par le camp
pro-investisseur, elle pourrait également être soulevée par
le camp pro-État. «No one with a dog in the fight should judge
the competition. Nor should anyone serve as a referee in a game after having
decided which team will win»161(*).L'indépendance et l'impartialité
de l'arbitre sont des critères essentielsà la
validité de tout arbitrage. Une sentence arbitrale peut d'ailleurs
être annulée pour cause de corruption d'un membre du tribunal dans
le régime CIRDI (Art. 52). Le tribunal arbitral est le gardien de
l'égalité des armes, sa prédisposition envers l'une des
parties violerait donc naturellement l'équilibre exigé pour le
bon déroulement du procès. La question sera d'abord
examinée du point de vue des investisseurs(A), avantde
fermer enfin le cercle en démontrant que l'État peut aussi avoir
des doutes légitimesquant à la neutralité des arbitres
(B).
A) L'EXERCICE DE L'INFLUENCE DE
L'ÉTAT SUR LES ARBITRES
En ce qui concerne d'abord les arbitres désignés
par l'État parti au litige, il semblerait qu'ils se sentent souvent
obligés de recevoir des instructions de la part des autorités
gouvernementales impliquées, ou au moins de les tenir informés
des développements, ceci étant la conséquence de l'aura de
l'État en tant que souverain162(*). Il est bien sûr difficile de ramener des
preuves de tels agissements, ceux-ci se faisant en toute discrétion,
mais il s'agit d'un phénomène assez fréquemment
mentionné par les praticiens du domaine163(*). Par ailleurs, ces arbitres
sont particulièrement susceptibles d'être victimes du
phénomène du client récurrent (repeat client).
L'arbitre vie de dossier en dossier, contrairement au juge permanent il n'a
aucune garantie quant au futur de sa carrière, il est donc conscient que
son comportement à l'occasion d'un arbitrage peut avoir des
conséquences considérables sur ses désignations futures.
En arbitrage commercial, ceci a pour effet d'encourager l'arbitre d'être
au summum du professionnalisme, notamment en maintenant une neutralité
exemplaire, une telle réputation ne pouvant qu'augmentersa
popularité en tant qu'arbitre. Mais en arbitrage d'investissement, il
est de loin beaucoup plus fréquent pour un même État que
pour un même investisseur d'être parti à multiples instances
arbitrales. L'arbitre désigné par l'État aura donc plus de
motivation que l'arbitre désigné par l'investisseur de favoriser
la position de son désignateur, ou même plus
généralement d'adopter sur les différentes
problématiques des positions fermement pro-État. Le client
récurrent forge alors une relation avec l'arbitre récurrent, ce
qui nuit à la crédibilité du
système:«multiple appointments of the same arbitrators could
well be leading to an unhealthy perception of bias and credibility, putting at
risk the very credibility of the ICSID system»164(*).
De plus, les arbitres peuvent eux-aussi, comme les avocats et
les témoins, être victimes d'abus de pouvoirs par l'État
défendeur. Hormis les exemples d'abus déjà
mentionnés dans la partie précédente un État
autoritaire peut en arriver à une intimidation flagrante des arbitres et
même le recours à la violence. Une pratique de plus en plus
fréquente est la délivrance par les tribunaux de l'État
défendeur d'injonctions anti-arbitrages (anti-arbitration
injunctions) ordonnant aux arbitres de s'abstenir de toute décision
sous peine de nullité de leur sentence et potentiellement de poursuites
pénales165(*).Dans l'affaire Himpurna166(*) par exemple, l'arbitre
désigné par l'Indonésie a été
arrêté à l'aéroport et interdit de participer
à la procédure, ce qui a donné lieu à une
décision rendue par un tribunal incomplet. Il a même
été question d'assassinat d'un arbitre dans un arbitrage ad
hoc confidentiel s'étant déroulé en 1980167(*). Face à de tels
risques, l'intégrité du tribunal arbitral ne peut qu'être
atteinte, l'État peut ainsi sérieusement entraver toute
possibilité de résolution du litige.
B) LE PENCHANT NATUREL DES ARBITRES POUR
LES INVESTISSEURS
Le camp « pro-État » a aussi
avancé une série de reproches selon lesquels les arbitres
seraient naturellement biaisés en faveur des investisseurs. Un premier
argument est que les arbitrages d'investissement sont systématiquement
initiés par les investisseurs, ce qui signifie que les arbitres ont plus
à gagner en se ralliant à leurs causes qu'à celles des
États168(*). Par
ailleurs, il existe considérablement plus d'investisseurs que
d'États de par le monde et il n'est pas très probable que ceux-ci
désignent des arbitres qui ne sont pas connus pour être
sympathiques à leurs positions. Le contraire pourtant n'est pas vrai:
«it is remarkable how often states will consider appointing
arbitrators with pro-investor records, substantially reducing or even
eliminating any chance of success in defending the case»169(*). Ceci résulte du
manque de préparation de certains États face à ce type de
litiges ; pris par surprise par un investisseur, ils omettent souvent de
recourir à un cabinet d'avocats spécialiste pour défendre
leurs intérêts, ou du moins ils tardent à le faire et
désignent entre temps un arbitre dont ils n'ont pas bien
étudié l'histoire.
Un autre facteur important est le fait que ces arbitres sont
presque toujours des avocats de profession ayant représenté des
dizaines do sociétés privées dans leurs carrières,
ce qui fait qu'ils ont une tendance inhérente, ou même un
réflexe, d'adopter le point de vue d'un avocat d'affaires en
analysantles différentes problématiques. C'est d'ailleurs pour
cette raison que Brigitte Stern regrette le manque de publicistes parmi les
arbitres170(*). Le
problème se pose d'autant plus dans les cas où un arbitre dans un
tribunal agi en tant que conseil devant un autre tribunal ; quand des
questions juridiques similaires se présentent, l'arbitre aura tendance
à trancher de la manière qui lui convient en tant qu'avocat dans
l'autre arbitrage171(*).
Cette possibilité de porter deux chapeaux différents a d'ailleurs
été fortement critiquée par certains praticiens du domaine
qui ont quitté leurs cabinets d'avocats pour se consacrer à la
vocation d'arbitre ou qui sont restésavocats en refusant toute
nomination en tant qu'arbitre172(*). Des exemples existent aussi quant à des
arbitres qui opèrent en dehors du cadre d'un cabinet d'avocat, offrant
leurs services en tant qu'adjudicateurs neutres, tout en conseillant des
entreprises privées sur la navigation des réglementations des
États où elles sont installées173(*).
De plus, selon une étude empirique menée par Gus
Van Harten174(*), une
tendance très claire s'affirme en arbitrage d'investissement selon
laquelle les arbitres adoptent presque toujours des méthodes
d'interprétation expansives sur les points de débat les plus
contentieux. L'interprétation de ces problématiques, tels que le
champ d'application des clauses de la nation la plus favorisée ou le
champ de protection garantie par le STJE, ne sont jamais favorable à
l'État quand elles sont expansives. Bien qu'une telle étude ne
puisse pas être concluante quant à l'existence d'un biais
systémique, elle donne des indices corroborant l'hypothèse selon
laquelle les arbitres tendent à examiner ces questions du point de vue
d'un corporate attorney.
Les deux camps présentent donc de bons arguments sur ce
sujet. L'essentiel n'est pas de trancher lequel d'entre eux a davantage raison,
mais il suffit de constater qu'un souci réel existe quant à
l'indépendance et l'impartialité des arbitres dans le cadre de ce
système. Qu'il tende vers l'investisseur ou vers l'État, un
arbitre qui a des prédispositions envers un camp ne peut que nuire
à l'égalité des armes entre les parties.
Plus généralement, il faut reconnaitre que le
camp « pro-investisseur » a bien certains reproches
légitimes à présenter quant au respect de
l'égalité des armes en arbitrage d'investissement. Un État
malveillant peut en effet user de ses pouvoirs souverains pour saboter le
processus arbitral et même menacer la sécurité des
participants à ce processus. Sans oublier que la question de
l'exécution des sentences est une préoccupation importante de
l'investisseur à laquelle le système ne semble pas avoir
adéquatement répondu.
Un problème réel et palpable se pose donc quant
au respect de l'égalité des armes en arbitrage d'investissement.
Si notre analyse tend surtout à démontrer un biais
systémique à l'encontre des États, cela n'exclut par pour
autant certains arguments légitimes présentés par le camp
pro-investisseur. La question ultime sera donc de savoir comment
remédier à ce problème ? Mais peut-être
faudrait-il d'abord se demander si un remède est réellement
nécessaire ?
CHAPITRE 2 : UNE JUSTIFICATION DU
DÉSÉQUILIBRE INSTITUTIONNEL
A l'occasion d'une conférence tenue à
Genève sur la nature publique ou privée de l'arbitrage
d'investissement, le professeur José Alvarez tient les propos
suivant : «Equality of arms is a private law concept useful in
commercial arbitration, which assumes that the two parties in ISDS, private and
state, are to be treated the same. But the proper public principle is in
dubio mitius,the margin of appreciation, and other standards of deference
to the sovereign because these are concepts of public law»175(*).José Alvarez fini par
conclure que le système est en fait hybride, mais le cheminement de son
argument passe par une présentation de l'arbitrage d'investissement en
tant que mécanisme de droit public, une théorie avancée
par un nombre d'auteurs dont notamment Gus Van Harten qui y a consacré
un ouvrage176(*). Cette
théorie s'inscrit dans le cadre plus large de la conceptualisation de
l'arbitrage d'investissement en tant que mode de gouvernance globale177(*).
Le concept de la « gouvernance
globale »n'est pas facile à définir. C'est
essentiellement l'idée selon laquelle il n'existe pas de
« gouvernement global », mais qu'un nombre d'institutions
publiques et privées agissent d'une manière qui crée des
règles et des standards affectant la conduite des États et des
sociétés multinationales178(*). L'idée de la gouvernance globale est souvent
associée au droit des organisations internationales, la raison pour cela
est que certaines organisations possèdent d'importantes
prérogatives de droit public dans leur domaine de spécialisation.
L'exemple classique est celui de l'Organisation Mondiale du Commerce et de son
rôle dans la gouvernance du commerce international : l'OMC en tant
qu'organisation internationale exerce des pouvoirsde régulation et
d'adjudication qui affectent directement les politiques publiques des
États. La gouvernance globale tend donc à assurer une certaine
harmonie dans le respect par la société internationale de
l'autorité de la loi. Par ailleurs, si on parle de gouvernance
« globale » et non pas
« internationale », c'est pour maintenir un certain
degré d'ambigüité179(*) ; la gouvernance globale ne se dote pas d'un
système uniforme et hiérarchique mais se manifeste à
travers une série de mécanismes indépendants les uns des
autres mais qui ont tous en facteur commun le pouvoir d'influencer le
comportement étatique par la création de normes transnationales.
On parle de « gouvernance » par opposition à
« gouvernement » car ce terme représente plus
adéquatement l'idée de coordination, de coopération et de
contrôle informels qui est au coeur de la notion de gouvernance
globale.
Cette notion, dont la nature est plutôt
« politique », a donné lieu au concept plus
« juridique » du droit administratif global :
l'idée selon laquelle le transfert de pouvoirs réglementaires du
niveau national au niveau international nécessite une transposition
correspondante du système juridique qui encadre ces pouvoirs. Ce droit
administratif « internationalisé » assure que les
détenteurs des pouvoirs réglementaires sont tenus responsables
(accountable) de l'exercice de leurs prérogatives.
«Like domestic administrative law, [Global Administrative] Law focuses
on the authority of the regulatory agency, on its decision making process
including representation, transparency, participation, reason-giving and
liability»180(*).La gouvernance globale va au-delà des
États et de leurs droits nationaux, elle tend à mettre en place
des structures qui peuvent créer des règles et les faire
respecter au niveau international, le droit administratif global quant à
lui s'intéresse l'exercice de prérogatives de droit public en
dehors du cadre étatique interne. «Global administrative law is
concerned with the exercise of public authority by bodies outside the State,
and by States in ways that reach beyond the State and its law. It thus imports,
at least as an ideal, an aspiration to publicness»181(*).
L'Arbitrage Investisseur-État serait donc une
catégorie de gouvernance globale : un système de
régulation et d'adjudication qui va au-delà de la volonté
individuelle des États dans le but d'harmoniser, de coordonner et de
contrôler l'exercice d'une certaine activité, en l'occurrence
celle des investissements étrangers et des flux de capitaux
internationaux. Cette théorie est intéressante dans le cadre de
cette étude car elle permet d'expliquer pourquoi l'égalité
des armes n'aurait pas de place en arbitrage d'investissement : parce
qu'il s'agit d'un mécanisme de droit public qui se rapproche plus du
droit administratif interne que de l'arbitrage commercial international.
Investment arbitration is not international arbitration, on retrouve
donc l'idée avancée en tout début de ce mémoire.
Cette analogie sera expliquée en ayant recours à certains points
de discussion déjà examinés dans le chapitre
premier(Section 1). La critique de cette théorie
comportera également certains parallélismes
intéressants(Section 2).
SECTION 1 : LA CONCEPTUALISATION DE L'ARBITRAGE
INVESTISSEUR-ÉTAT EN TANT QUE GOUVERNANCE GLOBALE
A l'occasion de la session 2015 de l'Académie
Internationale du Droit de l'Arbitrage, le professeur Donald Francis Donovan
intitule son cours général « Investor-State
Arbitration as Global Governance »182(*),une conceptualisation
reprise par Martin Loughlin qui avance que : « rather than
being viewed as an offshoot of commercial arbitration, investment arbitration
should be treated as a unique, internationally-organized strand of the
administrative law systems of states»183(*). Afin de mieux comprendre
cette analogie, une comparaison structurelle sera d'abord
établie(I) avant de procéder à un examen
portant sur l'identité des buts recherchés par les deux
systèmes (II).
I- UNE ANALYSE
STRUCTURELLE DE L'ARBITRAGE D'INVESTISSEMENT EN TANT QUE DROIT ADMINISTRATIF
INTERNATIONALISÉ
La fonction de l'Arbitrage Investisseur-État est
d'abord et avant tout la résolution des différends relatifs aux
investissements étrangers. Dans le contexte de la gouvernance globale,
il s'agit de l'exercice d'une fonction adjudicative, un rôle dans lequel
cette institution contrôle la légalité d'un certain
comportement. «Investment disputes arise from the host state's
exertion of public authority»184(*) et en contrôlant la légalité de
l'utilisation de telles prérogatives de droit public, les tribunaux
arbitraux sont essentiellement entrain d'agir en tant que cours administratives
internationalisées. Certains auteurs ont même
considéré que ce phénomène représente
«the only exemplar of global administrative law, strictly construed,
yet to have emerged»185(*). Cette internationalisation d'un domaine auparavant
réservé aux seuls juridictions internes rappelle d'une certaine
façon l'émergence du droit international pénal qui lui
aussi a été parfois décrit comme manifestation de la
gouvernance globale186(*). L'une des similarités frappantes entre ces
deux domaines est d'ailleurs l'introduction de la personne privée en
tant que justiciable du droit international, un facteur important dans le cadre
del'analogie examinée(A). Il convient de
s'intéresser également à la nature des réparations
accordées par ces tribunaux (B) avant de revenir une
fois de plus sur la question de l'exécution des sentences arbitrales
(C).
A) UN RECOURS INDIVIDUEL CONTRE
L'ÉTAT DANS UN CONTEXTE INTERNATIONALISÉ
L'une des caractéristiques fondamentales du contentieux
administratif classique est qu'il donne aux personnes privées un recours
contre l'État (ou d'autres personnes de droit public) pour connaitre de
la légalité des agissements de cet État. Il s'agit
là de la comparaison la plus simple et la plus directe entre l'arbitrage
d'investissement et les juridictions nationales de droit administratif qui
existent dans les systèmes juridiques modernes. Emmanuel Gaillard avait
d'ailleurs remarqué que « l'importance de ce contrôle
naissant de la légalité des agissements des États au
regard des exigences du droit international est telle que l'on a pu comparer
cette évolution à celle qui, au XIXème
siècle, a vu la naissance du contrôle de la légalité
des actions de l'administration française par le Conseil
d'État »187(*). Cette possibilité pour des parties
privées, de mettre en jeu la responsabilité internationale de
l'État est d'une nature exceptionnelle dans le contexte historique du
droit international. Certes le régime de la Cour Européenne des
Droits de l'Homme vient à l'esprit, mais la différence majeure
est que contrairement au système européen, l'arbitrage
d'investissement ne requière pas l'épuisement des voies de
recours internes. Cette distinction marque aussi le contraste avec le
régime de la protection diplomatique qui lui aussi nécessitait un
épuisement des voies de recours internes. La présomption selon
laquelle les juridictions nationales de l'État hôte ne sont pas
suffisamment neutres est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquels le
système Investisseur-État a été mis en
place188(*) ; afin
de garantir aux investisseurs étrangers un forum impartial et
indépendant qui pourrait convenablement évaluer la
légalité des agissements de l'État.
Cet abandon du critère de l'épuisement des voies
de recours interne, couplé avec la limitation de l'immunité de
juridiction de l'État permet alors un recours direct de l'investisseur
contre l'État-hôte dans un contexte internationalisé, sans
besoin de passer par l'État national de l'investisseur. Une
parallèle se dessine alors très clairement avec les recours
administratifs internes. «By accepting the investor guarantees
accorded in BITs and FTAs, States have accepted an international form of
supervision. They accept that their own laws, courts and administrative
agencies can be judged by objective international
standards»189(*). De plus, un autre facteur est à prendre en
considération pour perfectionner l'analogie : alors que la plupart
des modes de mise en oeuvre de la responsabilité d'un État
requièrent le consentement subséquent de celui-ci à
être jugé, l'arbitrage d'investissement, comme le contentieux
administratif interne, bénéficie d'un consentement
préalable de l'État. «Under the Investment regime,
unlike interstate mechanisms like the [World Trade Organization], States no
longer control which claims are brought, or, equally significantly, how such
claims are litigated. States are no longer in control of the legal issues that
are given to arbitrators to decide»190(*). On retrouve donc l'une des premières
questions analysées dans cette étude ; le recours
asymétrique de l'investisseur contre l'État se justifie par une
transposition internationalisée du recours de droit administratif
interne qui lui aussi met les autorités publiques toujours en position
de défendeurs contre les personnes privées (sauf bien sûr
en matière contractuelle, similarité supplémentaire).
B) L'ALLOCATION D'INDEMNISATIONS
À TITRE DE RÉPARATION DE DROIT PUBLIC
Un autre élément qui distingue l'arbitrage
d'investissement d'autres contentieux internationaux, et le rapproche des
systèmes administratifs nationaux, est la possibilité pour le
tribunal d'accorder au requérant des indemnisations à titre de
réparation de droit public. C'est une possibilité qu'on ne
retrouve pas devant les autres juridictions internationales telles que la CIJ
ou l'ORD de l'OMC où il est impossible pour une partie privée de
réclamer des indemnisations par un État en raison de ses
agissements illégaux. Cette faculté pour l'individu de faire une
demande en dédommagement pour des préjudices subis du fait du
comportement d'un État est donc elle-même innovatrice dans le
contexte de la résolution des litiges internationaux. Il est vrai que la
CEDH et la CIADH ont aussi une faculté d'accorder des réparations
aux individus, mais celle-ci est beaucoup plus limitée que le
mécanisme existant en arbitrage d'investissement191(*), sans oublier que
l'épuisement des voies de recours internes est nécessaire avant
que ces cours ne puissent statuer sur une demande d'indemnisation.
Le régime des TBI qui a évolué au cours
des décennies précédentes a mis en place un système
qui permet aux investisseurs étrangers de directement poursuivre un
État devant un tribunal arbitral international pour l'obliger à
réparer le préjudice subi du fait de ses agissements.
«Investment treaties replace public law remedies with international
remedies»192(*).«Never before has international law enjoyed
so much authority over the regulatory state on a permanent basis and without
the previous intervention of domestic courts» remarque Santiago Mott,
«this effectively converts investment treaty arbitration into a form
of global governance»193(*). La violation des garanties contenues dans un TBI se
dessine donc en parallèle aux agissements illégaux auxquels doit
répondre l'État devant les juridictions administratives
nationales.
Il faut cependant noter que, comme en droit public interne,
l'État maintient une certaine marge de discrétion lui permettant
de nuire à l'investisseur dans un but d'intérêt
public. «The regulatory state has the `right to harm' citizens
and investors, but only if acting diligently and legitimately, and only if the
resulting allocation of burdens and benefits complies with the constraints
posed by the anti-distributive strength of property rights and
investments»194(*). La simple constatation d'un préjudice
économique n'est donc pas suffisante pour exiger réparation d'un
gouvernement, il faut qu'un certain seuil de gravité soit franchi pour
que la responsabilité de l'État soit mise en oeuvre. Ici aussi,
une parallèle avec le droit administratif interne semble s'affirmer.La
nature publique des réparations accordées par les tribunaux
d'investissement résulte de l'objectif qu'elles cherchent à
atteindre : décourager l'État de l'adoption de mesures
illégales et incompatibles avec les garanties accordées aux
investisseurs étrangers par le biais des TBI.«Although awards
are compensatory and usually do not include exemplary or punitive damages, the
award of damages, by imposing retrospective sanction, has a deterrent effect on
the state»195(*).
Un nombre de points problématiques analysés
à l'occasion du premier chapitre résultent directement de la
structure du régime TBI. Une conceptualisation de ce régime en
tant que droit public internationalisé donne donc une optique
différente sur les mérites et les critiques du
système.« International Investment Law, though based
mainly on BITs, is in fact a multilateral order that introduces principles of
an emergent `global administrative law' into the regulation of state conduct in
relation to foreign investors and their investments»196(*).
C) L'EXÉCUTION DES SENTENCES
ARBITRALES
L'exécution de sentences arbitrales contre un
État est un sujet qui a déjà été
examiné dans le cadre de cette étude, la constatation
étant que les difficultés auxquelles font face les investisseurs
dans ce processus conduisent à une rupture de l'égalité
des armes. Cependant, il faut remarquer qu'en droit public interne la situation
n'est pas très différente ; l'immunité de juridiction
de l'État n'existe pas au niveau national, et cela est
reflété en arbitrage d'investissement, mais le maintien d'une
immunité d'exécution rappelle le fait qu'en droit interne
l'État est maitre des procédures d'exécution et peut donc
également refuser de se conformer aux décisions des juridictions
administratives. Dans les deux situations l'État est entrain de
perpétuer l'illégalité, mais dans les deux cas
l'égalité des armes ne joue pas de rôle car on est dans la
sphère du droit public.
Cependant, il est important de préciser que
malgré ces difficultés, dans la majorité des arbitrages,
comme en droit administratif interne, l'État fini par se conformer
à la décision rendue. Ce niveau élevé de
conformité des États aux sentences arbitrales est en partie
dû aux régimes puissants posés par la Convention CIRDI et
la Convention de New York197(*), mais une autre raison importante est
l'intégration du CIRDI dans l'architecture du groupe de la Banque
Mondiale198(*). Cette
situation décourage les États de défier les sentences du
CIRDI par crainte qu'un tel comportement ne conduise à des
représailles de la part d'une organisation internationale aussi
puissante que la Banque mondiale. Ce phénomène renvoi au concept
de la gouvernance globale dans laquelle un acteur non-étatique peut
influencer le comportement des États. Le CIRDI profite ainsi
indirectement de l'aura et de l'autorité de la Banque Mondiale pour
faire valoir sa propre autorité.
On peut donc conclure que d'un point de vue structurel, en
donnant aux individus un recours direct contre l'État pour exiger des
réparations à titre de droit public qui peut aboutir à une
décision très susceptible d'être respectée par le
souverain, l'arbitrage d'investissement ressemble en effet en beaucoup de
points au contentieux administratif interne. Cette ressemblance structurelle
permet de pousser l'analogie plus loin pour écarter le jeu du principe
de l'égalité des armes dans le cadre de l'arbitrage
d'investissement.
II- LA CRÉATION DE STANDARDS DE COMPORTEMENT POUR LES
ÉTATS
Au-delà des seules ressemblances structurelles qui
permettent de percevoir l'arbitrage d'investissement en tant que droit
administratif internationalisé, le système
Investisseur-État partage aussi un but avec le domaine émergeant
du droit administratif global : En rendant des sentences qui
définissent des standards pour le comportement des États, les
tribunaux arbitraux sont entrain de contribuer au développement de la
gouvernance globale. «Arbitral tribunals are placed in a position of
having to develop concrete norms of state behavior towards foreign
investors»199(*). En créant ces normes, l'arbitrage
d'investissement joue donc non seulement un rôle adjudicatif dans le
contexte du mécanisme de la gouvernance globale, mais aussi un
rôlerégulateur. La jurisprudence arbitrale contribue donc à
la création de règles qui définissent ce qu'un État
peut et ne peut pas faire en relation à l'investissement étranger
présent sur son territoire. Malgré l'absence de stare decisis
en arbitrage d'investissement, la publicité de la plupart des
sentences rendueset l'adoption par les tribunaux de solutions similaires (en se
référant les uns aux autres) donne lieu à un corps
jurisprudentiel important qui indique aux États quel comportement ils
sont supposés adopter. Par ailleurs ce développement de
règles par voie jurisprudentielle rappel le processus connu en droit
administratif interne. Ce phénomène se manifeste par le recours
au standard de traitement juste et équitable (A) et
l'utilisation du principe de proportionnalité (B).
A) LE STANDARD DE TRAITEMENT JUSTE ET
ÉQUITABLE
Un titre a déjà été
consacré dans cette étude à la notion du standard de
traitement juste et équitable dans le contexte de
l'imprévisibilité de l'arbitrage d'investissement. Il a
été question de l'ambigüité de la notion, de la marge
d'interprétation qu'elle laisse aux arbitres et des risques qui cela
posent alors quant au respect de l'égalité des armes. Mais c'est
justement cette flexibilité et cette adaptabilité qui a permis
aux tribunaux arbitraux de développer une jurisprudence
considérable quant au contenu de la notion. Les définitions que
les arbitres ont donné au standard servent alors à
déterminer quels comportements de l'État sont ou ne sont pas
conformes aux exigences de la légalité.
Le standard de traitement juste et équitable peut
concerner un très grand nombre d'activités étatiques. En
matière normative par exemple, le standard exige un degré de
prévisibilité afin d'assurer la sécurité
économique de l'investisseur. «There can be no doubt that a
stable legal and business environment is an essential element of fair and
equitable treatment» explique le Tribunal dans CMS c.
Argentine200(*). Un
État ne peut donc pas changer sa législation ou ses
régulations de manière brusque sans risquer de violer le STJE,
« the core aspect of normativity of law allows individuals and
entities to adapt their behavior to the requirements of the legal order and
form stable social and economic relationships, it is an aspiration of most
legal systems»201(*). La gouvernance globale, comme la gouvernance
nationale, requière une mesure de stabilité et de
prévisibilité qui est alors assurée à travers le
STJE.
Le respect des expectatives légitimes de l'investisseur
est un autre élément fondamental de la notion :
«For the individual concerned, legal certainty first and foremost
means that individual expectations are protected, that public authorities act
in a forseeable and reliable way»202(*). L'État doit donc maintenir un comportement
cohérent notamment en agissant conformément à ses
déclarations et actions précédentes, il ne doit pas vexer
les intérêts de l'investisseur en changeant de façon
considérable la manière dont il exécute ses devoirs.
«Legitimate expectations refer to expectations arising from the
foreign investor's reliance on specific host state conduct»203(*).
Enfin, les autorités judiciaires doivent veiller au
respect du due process, de la bonne administration de la justice.
«Due process is closely linked with denial of justice which is
traditionally defined as any gross misadministration of justice by domestic
courts resulting from the ill-functioning of the State's judicial
system»204(*).
L'exigence de due process est considérée comme
l'antithèse du déni de justice et il incombe au pouvoir
judiciaire de veiller à son respect205(*).
Il est difficile d'établir une liste exhaustive des
éléments qui composent le STJE, mais comme on a pu le constater,
ce standard permet aux tribunaux arbitraux de scruter le comportement de
l'État dans l'exerciceses différentes fonctions, qu'elles soient
normatives, exécutives ou adjudicatives. «[This
Standard] relates to the exercise of public power by governmental
agencies, as well as by national courts and legislatures. [It is] used as a
standard of evaluation of national governmental action, a classic
administrative law function»206(*). L'ambigüité du STJE renforce donc
l'idée selon laquelle l'arbitrage d'investissement est une forme
internationalisée du droit administratif national.
B) LE RECOURS AU PRINCIPE DE
PROPORTIONNALITÉ
Le recours au « principe de
proportionnalité » par les tribunaux arbitraux, principe
fondamental de droit administratif interne, n'a jusque-là pas
été très fréquent, mais augmente progressivement en
popularité. Le respect de ce principe est essentiel à toute bonne
gouvernance, globale ou nationale, Alec Stone Sweet le décrit en
définissant la gouvernance
commeétant : « the process through which the
rule systems in place in any social setting are adapted to the needs and
purposes of those who live under them »207(*). Le principe de
proportionnalité est utilisé pour essayer de concilier les
intérêts divergents de deux parties de manière
équitable ; dans le contexte du droit administratif interne la
proportionnalité régit les relations entre les
intérêts de l'administration et ceux des citoyens, en droit des
investissements elle appelle à un équilibrage entre la protection
de l'investisseur et le droit de réglementation de
l'État208(*).
Le principe est parfois utilisé en conjoncture avec le
STJE, mais son rôle le plus important a été dans
l'identification des situations d'expropriation indirecte. Une analyse de la
proportionnalité requiert un examen de trois
éléments : d'abord, la conformité à un
objectif légitime de gouvernance, le but recherché devant
être lié à l'intérêt public.
Deuxièmement, un test de « nécessité »
est exigé pour savoir s'il n'y aurait pas une manière moins
intrusive de réaliser l'objectif fixé. Et enfin, le
critère de non-disproportion qui exige que les actions prises ne soient
pas démesurées quant à l'importance de l'objectif
recherché209(*).
Cette triple détermination est utilisée dans la majorité
des systèmes nationaux de droit public pour déterminer la
légalité des agissements de l'État dans des situations
à caractère complexe. En adoptant ce principe, les tribunaux
arbitraux écartent considérablement les risques
d'imprévisibilité posés par la notion d'expropriation
indirecte.
Il y a donc une forte corrélation entre l'arbitrage
d'investissement et la théorie de la gouvernance globale. Cette analogie
avec les régimes de droit public interne a permis de
réévaluer sous une perspective différente un nombre des
points discutés dans le chapitre premier. Les similarités de
structures et d'objectifs justifieraient ainsi la conceptualisation de
l'arbitrage d'investissement en tant que droit public internationalisé,
écartant par conséquent le jeu du principe de
l'égalité des armes. Les justiciables du droit des
investissements ne sont donc pas égaux.Comme en droit administratif
interne on est en présence d'un régime d'exceptions qui permet
occasionnellement une remise en question de l'exercice par l'État de ses
pouvoirs souverains.
SECTION 2 : UNE THÉORIE SÉDUISANTE MAIS
PAS CONVAINCANTE
La conceptualisation de l'arbitrage d'investissement en tant
que mode de gouvernance globale n'a pas connu un enthousiasme universel. Un
reproche important est fait quant au« déficit
démocratique » créé par l'arbitrage
d'investissement. Le transfert de pouvoirs administratifs du national à
l'international a eu des conséquences dangereuses,«[it]
has eroded the traditional checks and balances found in many
democracies»210(*). La gouvernance globale comme la gouvernance
nationale a besoin d'une structure d'équilibrage de ses
différents pouvoirs, chose qui sembleabsente dans le cadre de
l'arbitrage d'investissement. «There is room to question whether the
world of BITs, FTAs and investor-state arbitral rulings really constitute a
form of global governance»211(*);la critique se concentrera essentiellement sur la
question du respect de l'intérêt public (I) et
sur le problèmed'accountability de l'arbitrage d'investissement
(II).
I- LE DANGER
POSÉ PAR L'ARBITRAGE D'INVESTISSEMENT À L'INTÉRÊT
PUBLIC
Un système ne peut vraiment être conçu en
tant que système de droit public sans qu'il n'accorde une place centrale
au respect de l'intérêt public. La gouvernance globale ne peut
s'effectuer que dans le cadre des principes de la démocratie212(*), ce qui exige une prise en
compte de l'intérêt public avec chaque décision prise par
l'autorité gouvernante. L'arbitrage d'investissement peut-il alors
être qualifié de mode de gouvernanceen dépit de la
perceptionpartagée par beaucoup, notamment les opposants du TTIP, selon
quoi il représenterait une menace à la démocratie ?
Le manque de contributions publiques dans lesystème (A)
ainsi que sur le risque de paralysie institutionnelle (B) sont
les principales inquiétudes exprimées dans cette optique.
A) LE MANQUE DE CONTRIBUTION
PUBLIQUE
Le mouvement anti-arbitrage d'investissement que l'on voit
actuellement surgir dans l'opinion publique est dû en grande partie
à une crainte que ce système ne conduise à une
érosion de la démocratie. «Concerns arise with
investment arbitration's curtailment of democratic expression through its
ability to counter a state's sovereign decision-making
authority»213(*). L'investisseur étranger peut aujourd'hui
influencer la politique publique de l'État hôte de
l'investissement ; le gouvernement, qui devrait être guidé
par la volonté du peuple et le mandat qu'il a reçu de celui-ci
lors des dernières élections, devra adapter ses
réglementations non-pas à la volonté de ses citoyens mais
aux intérêts des investisseurs étrangers
bénéficiant du régime de protection des TBI. Ceci nuit
sérieusement à la conceptualisation de l'arbitrage
d'investissement en tant que droit public internationalisé.
«Public law requires the availability of processes and forums through
which citizens can participate in shaping the policies and structures of their
regulatory regimes»214(*).
En exerçant un pouvoir normatif sur l'État sans
aucune contribution publique, l'arbitrage d'investissement porte atteinte au
processus démocratique, un facteur qui ne peut pas être
concilié avec la possibilitéd'appartenance de ce système
au régime de la gouvernance globale. Toute gouvernance doit être
légitime, et la légitimité provient du peuple par le biais
d'une procédure lui permettant d'exprimer son opinion quant à la
construction des politiques publiques et quant à la prise en
considération de l'intérêt public dans les décisions
gouvernementales215(*).
Il n'est plus question de protection de l'investisseur opprimé contre
l'arbitraire de l'État, mais de la protection du peuple de cet
État des multinationales et des investisseurs multimillionnaires qui
chercher à maximiser leurs marges de profits au détriment de
l'intérêt public.«If democratically elected governments
enact public interest regulations in response to public concerns or to address
democratic ideals, how can investment arbitrators make decisions affecting such
regulation without public input?»216(*)
Une solution partielle au problème du déficit
démocratique a été introduite par la permission
d'interventions amicus curiae par des tierces-parties lors de la
procédure arbitrale217(*). Ces intervenants sont le plus souvent des
Organisations Non-Gouvernementales qui cherchent à défendre des
politiques publiques qui risquent d'être violées par la
décision du tribunal. Certaines interventions ont été
faites par des acteurs internationauxtel que la Commission Européenne
qui souligne fréquemment aux tribunaux les complexités de la
conciliation d'objectifs divergeant du droit international218(*). «Amicus
submissions aim to protect important public interests such as environmental and
health protection, human rights, worker's rights, sustainable development,
cultural heritage, the fight against corruption, and governmental policies. The
significance of these public interests emphasizes the importance of bringing
them to the attention of arbitrators through amicus
submissions»219(*).
Mais cette solution reste en réalité très
limitée; l'institution amicus curiae est surtout connue des
États de common law, les États à tradition
civiliste pourraient donc en être méfiants. De plus, cette
pratique ne se concilie pas très bien avec les caractéristiques
de l'arbitrage car elle méconnait la nature consensuelle de celui-ci.
Elle pose par ailleurs un risque aux stratégies contentieuses des
parties, un risque à la confidentialité de certaines informations
et peut considérablement ralentir la procédure et multiplier les
coûts220(*).
Enfin, n'oublions pas que ces contributions ne lient en rien le tribunal dans
sa décision et peuvent au final n'avoir aucune influence concrète
sur la décision des arbitres.
B) LE RISQUE DE GEL
RÉGLEMENTAIRE
Beaucoup a déjà été dit sur ce
problème dans le chapitre premier de cette étude. Ce qui a
été discuté plus haut reste vrai ici car ce
phénomène porte atteinte à la fois à
l'égalité des armes et à la conceptualisation de
l'arbitrage d'investissement en tant que gouvernance globale. L'État,
victime d'une paralysie institutionnelle, ne peut plus prendre les mesures et
les politiques publiques nécessaires pour la garantie du bien-être
social et économique de son peuple. Ce « gel »
affecte des domaines d'importance primordiale tels que les droits de l'homme,
les standards du travail et la protection environnementale. C'est pour cette
raison qu'il est difficile de concevoir comment l'arbitrage d'investissement
serait une composante de la gouvernance globale ; il serait
contre-productif pour la gouvernance globaled'abriter un mécanisme qui
risque de saboter les efforts de coordination et de coopération
internationaux en matière de protection des droits de l'homme et de
l'environnement. La gouvernance globale ne peut être entrain de
promouvoir ces causes d'une part et de gêner leur mise en oeuvre par les
États d'autre part à cause des conséquences inattendues du
système Investisseur-État.
La méconnaissance de l'intérêt public et
le risque de paralysie institutionnelle sont donc des thèmes communs aux
deux premiers chapitres de notre étude. Ces phénomènes
contribuent à une érosion de la démocratie, ce qui se
heurte à la conceptualisation de l'arbitrage d'investissement en tant
que droit public et à son appartenance à la sphère de la
gouvernance globale.
II- LE PROBLÈME D'ACCOUNTABILITY EN ARBITRAGE
D'INVESTISSEMENT
Le terme accountability est en manque
d'équivalent exact dans le vocabulaire français. Cette notion
évoque essentiellement une mise en oeuvre de la responsabilité et
une reddition de comptes. L'arbitrage d'investissement est en lui-même,
dans sa fonction adjudicative, un mécanisme d'accountability
des États hôtes face aux investisseurs étrangers. Mais dans
son rôle créateur de normes et de règles de comportement
pour les États, il devrait subir lui-même un processus
d'accountability. «Some attribute the problems of global
regulatory governance to the erosion, as a result of globalization, of domestic
and international mechanisms of regulatory accountability»221(*). Quand une juridiction
nationale façonne le droit par le biais de sa jurisprudence, les
contrepoids constitutionnels des pouvoirs exécutif et législatif
assurent que le judiciaire ne dépasse pas ses pouvoirs.
L'accountability est une pierre angulaire de la gouvernance
démocratique, et notamment de la gouvernance globale222(*), or l'arbitrage
d'investissement ne connait aucun contrepoids qui puisse garantir sa reddition
de comptes. Dans cetteoptiqueil convient de présenter les
problèmes du manque de transparence de l'arbitrage d'investissement
(A) et de la non-accountability des arbitres
(B).
A) LA TRANSPARENCE EN ARBITRAGE
D'INVESTISSEMENT
La mise en oeuvre de l'accountability d'un
système requière que celui-ci soit transparent.
«Transparency supports democracy, and democracy confers legitimacy to
a system of governance»223(*). La transparence permet d'obtenir
l'intégralité des informations nécessaires à
l'évaluation de la performance d'un mécanisme. En l'absence de
telles informations, une critique constructive et réparatrice devient
impossible, et c'est précisément ce problème qui se pose
en arbitrage d'investissement. La nature décentralisée et
non-hiérarchique du système Investisseur-État rend
difficile une définition concrète des exigences de la
transparence, on peut toutefois procéder à une
énumération indicative des informations qui pourraient être
pertinentes : le contenu précis des instruments invoqués par
l'investisseur (TBI, contrat, législation), le contexte factuel du
litige (identité de l'investisseur, nature de son activité,
relation avec l'État), les survenances procédurales de l'instance
(requêtes, plaidoiries, décision et raisonnement des arbitres,
termes d'une résolution amicale). Toutes ces informations devraient
être mises à disposition du public pour assurer que celui-ci
puisse exercer le mode suprême d'accountability dans un
système de gouvernance démocratique.
Certaines bases de données collectionnent et publient
les instruments contenant les garanties accordées aux investisseurs,
mais un nombre considérable de ces textes restentconfidentiels ou
difficiles d'accès224(*). Quant au contexte factuel des litiges, le CIRDI
essaye au mieux de fournir un minimum d'information sur les arbitrages inscrits
à son registre, mais les arbitrages non-CIRDI peuvent rester
complètement secrets, parfois même sans que leur existence ne
puisse être révélée par les institutions
administrant. Quant aux développements procéduraux, le CIRDI ne
publie que des informations très générales sur ses
affaires, et les autres institutions ne publient presque rien. Normalement,
tous les documents du procès restent confidentiels, la publication de la
sentence requière le consentement des deux parties qui est
généralement, mais pas systématiquement,
accordé225(*).
Comment garantir alors l'accountability du système en l'absence
de la disponibilité du dossier arbitral dans son
intégralité ?Les preuves, les témoignages et les autres
éléments qui ont pu nourrir la décision des arbitres sont
nécessaires pour pouvoir évaluer le bon fondement de celle-ci. De
plus, très peu d'informations sont connues sur le coût d'un
arbitrage ; les frais d'avocats, d'arbitres, d'administration, et les
éventuels dommages-intérêts à payer sont
puisés directement du trésor public ce qui a des implications
directes pour le citoyen contribuable226(*). Absence de transparence équivaut à
absence de légitimité, compliquant d'avantage la
conceptualisation de l'arbitrage d'investissement en tant que gouvernance
globale ou droit public internationalisé.
B) L'ACCOUNTABILITY DES ARBITRES
Une difficulté considérable est posée par
l'analogie entre droit des investissements et droit administratif internequand
on considère le contraste entre avoir d'une part des adjudicateurs
privés désignés à chaque occasion et d'autre part
des magistrats de carrière. Dans un système juridictionnel
national, la séparation des pouvoirs et les contrepoids constitutionnels
garantissent l'indépendance du pouvoir judiciaire.
L'inamovibilité des juges et leur mode de recrutement sont essentiels au
maintien de l'indépendance du pouvoir judicaire, ce sont des facteurs
qui rassurent les citoyens et justiciables que leur sort est entre les mains
d'une personne neutre, indépendante et impartiale. L'arbitrage quant
à lui se distingue spécifiquement par la possibilité de
composer un tribunal sur-mesure selon le litige qui se présente. Cette
spécificité de l'arbitrage convient très bien aux litiges
de droit commercial et de droit international privé, mais elle est moins
appropriée au droit des investissements. Quand bien même
l'investisseur et l'État seraient contents de pouvoir constituer le
tribunal de leur choix, il est plus que probable que le litige touche à
des questions d'intérêt public, ce qui signifie que les citoyens
de l'État défendeur ont unintérêt légitime
dans le bon déroulement de l'instance. Au niveau national, si une
solution rendue par une juridiction déplait au public, le pouvoir
législatif peut remédier à cela pour le futur en adoptant
de nouvelles législations. En arbitrage d'investissement, une telle
mesure par le législatif pourrait elle-même être
considérée comme une nouvelle violation des garanties de
protection des investisseurs.
Les arbitres ne rendent pas de comptes au public, et c'est
l'une des principales raisons pour laquelle la légitimité de
l'arbitrage d'investissement est mise en cause227(*). «Because
investment arbitrators may have no relationship to the state whose regulation
is under scrutiny, the degree to which the arbitrators can be held responsible
to the affected public is negligible»228(*). Cet argument se joint
également aux différents reproches à l'indépendance
et l'impartialité des arbitres qu'on a présentés dans le
chapitre premier, notamment celui relatif à la possibilité pour
les mêmes personnes d'être arbitres dans un litige et conseils dans
un autre ; envisager cette possibilité dans un système de
justice national serait presque une hérésie.
«Three normative conceptions can be identified for an
administrative law of global governance, with potential relevance also to
Investor-State arbitration as a form of governance: (1) promotion of democracy,
(2) promotion of internal administrative accountability, (3) protection of
private rights and the rights of States»229(*). Si l'on suit cette logique
posée par Benedict Kingsbury et Stephan Schill, de sérieux doutes
se posent alors quant à la qualification de l'arbitrage d'investissement
en tant que mode de gouvernance globale, et par extension en tant que droit
public. L'arbitrage d'investissement ne semble pas se conformer aux trois
éléments énumérés, notamment au
critère de l'accountability.
«As a public law system, investment treaty
arbitration engages the regulatory relationship between state and individual
rather than a relationship between juridical equals»230(*).Mais l'arbitrage
d'investissement est-il vraiment un système de droit public ? Une
réponse positive justifierait la plupart des constations du premier
chapitre par un écartement du jeu du principe de l'égalité
des armes. Cependant, la réponse n'est pas concluante ; une forte
corrélation avec le droit administratif interne existe, mais de
nombreuses divergences marquent profondément le système.
Le droit des investissements s'imprègne sans doute de
caractéristiques de droit public, mais ceux-ci ne sont pas exclusifs.
Alex Mills avance que:«the argument is not that a public or private
perspective has to be `chosen', or that a decision has to be made as to which
one is `correct', but rather that international investment law inherently
brings together these apparently contradictory perspectives, and that it is the
amalgamation of these oppositions which gives it such uncertain
foundations»231(*). La complexité conceptuelle de l'arbitrage
d'investissement provient donc en grande partie de l'aspect hybride qui semble
le définir. Le dilemme public-privé ne correspond pas vraiment
à la qualification de ce système qui présente un
caractère sui generis.
Un équilibre entre principes de droit public et
principes de droit privé doit être atteint pour un bon
fonctionnement du système. Certaines des problématiques
posées par l'arbitrage d'investissement se heurtent d'ailleurs à
la fois au respect de l'égalité des armes et à la
conceptualisation de ce mécanisme en tant que système de droit
public. Les solutions envisagées doivent donc tenir compte de cette
dualité afin d'arriver à un résultat satisfaisant.
CHAPITRE 3 : LES SOLUTIONS PRATIQUES AVANCÉES
Après avoir constaté l'existence d'un
problème palpable d'égalité des armes en arbitrage
d'investissement, et après avoir examiné la théorie selon
laquelle ce mode de résolution de différends appartient à
la sphère du droit public, il faut maintenant rechercher une solution
possible à la multitude de problèmes qui se posent dans le cadre
de ce sujet. Il n'y a aucun doute que l'arbitrage d'investissement est
imprégné de caractéristiques de droit public, mais cela ne
veut pas pour autant dire que l'égalité des armes n'y a pas de
rôle à jouer. Les solutions envisagées devraient donc tenir
compte non pas seulement de l'équilibre des parties mais aussi du droit
légitime des États de réguler. Les propositions
d'abolition de l'arbitrage Investisseur-État232(*) ne seront pas
examinées, il faut plutôt essayer de trouver des solutions
positives qui pourraient assurer une restructuration efficace du
système. Plusieurs solutions pratiques ont déjà
été proposées pour essayer de résoudre les
différentes complications issues de l'arbitrage d'investissement. Notre
examen de ces solutions se fera dans l'optique de la promotion de
l'égalité des armes.
Pour bien résoudre un problème, il faut chercher
sa source. On remarque qu'un élément problématique
récurrent est le régime TBI et sa construction
particulière(Section 1), la réforme de ce
régime serait donc une solution à envisager.Une autre solution
proposée est la création d'une Cour Internationale
d'Investissement à caractère permanent(Section
2).
SECTION 1 : LA REFONTE DU RÉGIME DES
TRAITÉS D'INVESTISSEMENT
Cettesolution ne concernerait bien sûr que les
arbitrages sur fondement de traité, mais étant donné que
ce régime a causé beaucoup plus de controverse que celui des
arbitrages sur fondement de contrat, l'examen de cette proposition reste
très pertinent. «A shared view is emerging on the need to
reform the International Investment Agreement regime to ensure that it works
for all its stakeholders. The question is not about whether to reform or not,
but about what, how and extent of such reform»233(*).Aucun acteur ne peut
vraiment prétendre être complètement satisfait de la
configuration actuelle du système Investisseur-État, d'où
la nécessité certaine de réformes (I). Un
tel effort n'est cependant pas sans difficultés(II).
I- LES PLANS DE
RÉFORME PROPOSÉS
Les traités d'investissement déterminent par
leur contenu une grande partie des facteurs aléatoires qui sont à
la source des critiques du système Investisseur-État. Ces
traités ont plus souvent que non été
négociés par des fonctionnaires et politiciens ayant peu
d'expérience en droitdes investissements. Ces personnes n'auraient donc
pas pu prévoir les conséquences du choix délicat de
formulation des différents standards et définitions contenues
dans un TBI. Par ailleursles signataires de TBI adoptent souvent le texte d'un
traité modèle qui aurait été élaboré
avant l'émergence des problèmes contemporains de l'arbitrage
d'investissement. La révision et la renégociation des
traités existants pourraient donc constituer un premier pas important
dans la réforme du système (A). Dans ce
même esprit, il a été suggéré qu'une
réforme bien menée nepeut être accomplie que par une
multilatéralisation du droit des investissements
(B).
A) LE CONTENU DE LA RÉFORME
Par des éclaircissements et des définitions plus
élaborées, une révision du langage des traités
d'investissement pourrait contribuer considérablement à un
renforcement de l'égalité des armes en arbitrage
d'investissement. L'asymétrie institutionnelle de ce mécanisme
peut être remédiée par une définition plus
précise des droits et obligations des États et des investisseurs.
Le juge Stephen Schwebel considère que le système n'est pas
asymétrique en lui-même, mais que c'est la formulation des
articles contenus dans les TBI qui donne cet effet : «The BIT
arbitral process is not asymmetrical, in point of fact, some BITs provide that
`either' of the disputing parties may bring a claim to
arbitration»234(*). La clé du problème est alors
d'inclure dans le traité une provision expresse permettant à
l'État de présenter une demande contre un investisseur. Il serait
opportun de mentionner par la même occasion la possibilité pour
l'État de présenter des demandes reconventionnelles face à
une demande initiale par un investisseur. Encore faut-il cependant que le
traité impose des obligationssur l'investisseur pour que celui-ci puisse
être tenu responsable. Des propositions ont été
avancées pour l'incorporation d'obligations positives de respect des
droits de l'homme et de la protection de l'environnement par
l'investisseur235(*),
une telle inclusion jouerait non seulement en faveur de l'égalité
des armes au sens strict, mais aussi en faveur de la lutte contre le
phénomène du gel réglementaire. Par ailleurs, la
possibilité de mettre en oeuvre la responsabilité de
l'investisseur a été illustrée par une décision
d'un tribunal arbitral constitué sur le fondement de l'Accord des
membres de l'Organisation de la Coopération Islamique relatif à
la promotion et la protection des investissements. L'article 9 de cet accord
pose une obligation pour l'investisseur de respecter la loi de l'État
hôte, le tribunal a alors considéré que: «An
investor of course has a general obligation to obey the law of the host state,
but article 9 raises this obligation from the plane of domestic law (and
jurisdiction of domestic tribunals) to a treaty obligation binding on the
investor in an investor-state arbitration»236(*).
Les imprévisibilités multiples du système
peuvent elles aussi être remédiées par une meilleure
rédaction des traités d'investissement. Les problèmes
liés à l'identité de l'investisseur par exemple peuvent
être résolus en ajoutant des critères
supplémentaires à la définition de
l'investisseur237(*). Le
problème du voile corporatif notamment peut être contré par
une provision expresse exigeant que l'investisseur ait une activité
réelle et effective dans son lieu d'incorporation, ou alors par
l'insertion d'une « denial of benefits clause »
comme discuté plus haut238(*). Il serait également utile de donner au
tribunal la faculté de déterminer la nationalité d'une
société selon le critère de contrôle effectif. La
question des demandes de masses peut quant à elle être
résolue en prévoyant une prohibition explicite de ce type de
recours, ou du moins une restriction du nombre maximum de codemandeurs. Le
tribunal n'aura alors plus de marge d'appréciationen la matière.
Sur la question de l'attribution des agissements
d'entités infra-étatiques à l'État lui-même,
le projet d'articles sur la responsabilité de l'État apporte
lui-même la solution dans son article 55 lorsqu'il précise que
« les présents articles ne s'appliquent pas dans les cas et
dans la mesure où les conditions de l'existence d'un fait
internationalement illicite ou le contenu ou la mise en oeuvre de la
responsabilité internationale d'un État sont régis par des
règles spéciales de droit international ». Une
explicitation dans le traité d'investissement des modes d'attributions
acceptés par l'État serait alors une lex specialis qui
pourrait écarter la possibilité d'être lié par les
agissements d'une autorité infra-étatique indépendante.
«The ILC Articles are residual articles and an adjudicator must first
look at the treaty under review and see what it says on the subject. If the
treaty (such as a BIT) covers the field of the issue at stake, the ILC Articles
have no role to play»239(*).
L'imprévisibilité quant aux protections
garanties peut aussi être minimisée par une définition plus
rigoureuse du contenu des différends standards. L'une des approches
suggéréesest par exemple l'exclusion des standards
non-contingents dans les TBI nouvellement négociés. Une autre
approche possible est l'énumération exhaustive du contenu de ces
standards ou leur rattachement explicite aux normes de traitement minimales du
droit international coutumier240(*). Une référence au principe de
proportionnalité dans le traité d'investissement peut aussi
servir à tempérer l'interprétation du tribunal quant
à la violation possible des garanties de l'investisseur, notamment en
matière d'expropriation indirecte241(*).
Une nullification de l'effet de surprise dont est souvent
victime l'État devient possible par l'introduction de
« notices de différend » (notice of
dispute). Ainsi, la demande de l'investisseur ne pourra procéder
qu'après un certain laps de temps où celui-ci devra
négocier une possible résolution à l'amiable. Cette
période de « cooling off » permettra alors
à l'État de mieux appréhender le problème et
d'être mieux préparé lorsque l'éventuel arbitrage
sera initié. L'Inde par exemple a décidé d'inclure ce type
de mécanisme dans tous les TBI conclus ou renégociés
à partir de 2015242(*).
En contrepartie de ces nombreuses modifications qui confortent
la position des États, il serait judicieux pour eux de renoncer à
leur immunité d'exécution dans le traité
révisé. Le jeu de l'article 55 de la Convention de Washington
peut être écarté par la volonté explicite de
l'État. On peut même trouver parmi les clauses modèles
proposées par le CIRDI la formulation suivante :
« L'État d'accueil renonce par la présente à se
prévaloir pour lui-même et pour ses biens de toute immunité
souveraine afin de faire échec à l'exécution d'une
sentence rendue par un Tribunal arbitral constitué conformément
au présent accord »243(*).
B) LA MULTILATÉRALISATION DU
DROIT INTERNATIONAL DE L'INVESTISSEMENT
Une révision du contenu des traités
d'investissement pourrait donc contribuer considérablementà la
promotion de l'égalité des armes en arbitrage d'investissement.
Cependant, l'introduction de telles réformes gagnerait en
efficacité en étant mise en oeuvre sur une échelle plus
grande. Un abandon progressif des traités bilatéraux
d'investissement en faveur de traités multilatéraux
régionaux, voir même d'un traité global sur
l'investissement a donc été proposé.
Dans les parties précédentes de cette
étude, il a été démontré que l'une des
causes directes du non-respect de l'égalité des armes et
l'interprétation inconsistante par les tribunaux des différentes
notions problématiques de l'arbitrage d'investissement. Ceci est en
grande partie dû à la fragmentation du droit international de
l'investissement qui est contenu dans des milliers de traités
différents qui adoptent des langagescomparables mais non
identique244(*).
«As of now, there is no coherent regime concerning investment at the
multilateral level»245(*).Une multilatéralisation du régime de
protection des investissements servirait donc à promouvoir une
cohérence du droit et de la jurisprudence de l'arbitrage
d'investissement.
«The fragmentation into bilateral treaties would make
it impossible to understand international investment law as a system of law or
perceive it as part of an overarching order for international economic
relations»246(*).Une uniformisation du droit international de
l'investissement contribuerait au renforcement de la
prévisibilité du système en résolvant une
série de controverses sur l'interprétation de certaines notions
telles que le standard de traitement juste et équitable, la clause de la
nation la plus favorisée ou encore la définition de
l'investisseur et de l'investissement. Une telle initiative limiterait par la
même occasion le recours au « forum-shopping »par
le biais de création de sociétés écrans.
«Investor-state arbitration causes issues of conflicting awards and
forum shopping; all of this would be solved by creating a stable
non-discriminatory multilateral investment treaty»247(*).
La réforme du système Investisseur-État
par le biais de la révision et de la renégociation des
traités d'investissement est une solution qui pourrait permettre de
remédier considérablement au problème de
l'égalité des armes. En confortant la position de
l'État, une telle réforme assurerait par la même la prise
en compte de l'intérêt public par le régime arbitral.
Idéalement, cette mise en oeuvre devrait s'opérer dans un cadre
multilatéral pour assurer le plus haut niveau de conformité et
d'harmonisation possible. Le renforcement de la sécurité
juridique des parties par une telle multilatéralisation du droit
international des investissements favorisera certainement un équilibrage
entre justiciables de l'arbitrage d'investissement. Par ailleurs, une tendance
à la multilatéralisation semble se dessiner
aujourd'hui:«Evidenced by the consensus achieved in some of the major
investment treaties concluded or currently under negotiation, such as the
Trans-Pacific Partnership Agreement (TPP), TTIP, CETA, and the China-USA BIT,
it seems that a new generation of BITs of global import is taking
shape»248(*).
II- LES INCONVÉNIENTS D'UNE TELLE RÉFORME
La solution présentée n'agit que sur un seul
élément du mécanisme. Cet élément est certes
le plus problématique, mais il ne constitue qu'une seule pièce
parmi tant d'autres qui forment la mécanique de l'arbitrage
d'investissement. Cette solution ne peut donc qu'être partielle ;
elle peut soulager mais elle ne peut pas éradiquer le problème du
respect de l'égalité des armes (A). De plus, la
mise en oeuvre d'un tel projet, qu'elle soit faite de manière
bilatérale ou multilatérale, serait extrêmement difficile
(B).
A) LES INSUFFISANCES DE LA SOLUTION
PROPOSÉE
Le traité d'investissement est l'instrument sur lequel
se fonde la compétence du tribunal arbitral, il contient l'essentiel du
droit substantiel applicable et un nombre de règles procédurales
facultatives249(*). Mais
les règles pertinentes à une possible réforme de
l'arbitrage d'investissement vont au-delà du seul contenu des
traités d'investissement, elles comprennent notamment les règles
arbitrales applicables et les règles institutionnelles qui encadrent le
litige. «From a procedural or institutional perspective, focusing on
arbitral rules and processes may be more effective than focusing on individual
investment treaties [...] since treaties typically build on and refer
to existing rule and frameworks such as those under ICSID or UNCITRAL,
reform to these rules can affect some 3,000 treaties at
once»250(*).
Une réforme plus complète devrait donc tenir compte de ces
éléments pour atteindre le plus grand nombre de buts possibles.
En ce qui concerne l'égalité des armes, un nombre de points
discutés plus haut ne peuvent pas se résoudre par la seule
modification des traités d'investissement ; une action plus large,
incorporant notamment des réformes au CIRDI et aux règles CNUDCI
serait nécessaire.
La carence la plus prononcée concerne les moyens
d'action du tribunal arbitral ainsi que l'indépendance et
l'impartialité de ses membres. Le traité d'investissement a
très peu à contribuer à ces questions, une réforme
concentrée sur cet instrument aura donc un effet très
limité quant à ces enjeux. En cas d'abus d'autorité par
l'État, le tribunal dispose de certains pouvoirs pour enjoindre
l'État à respecter l'égalité des armes, les mesures
conservatoires prévues à l'article 39 des règles CIRDI et
l'article 26(3) des règles CNUDCI en sont un exemple. Cependant
l'efficacité de telles mesures laisse à désirer251(*), un État
obstinément récalcitrant ne se conformera pas aux ordres du
tribunal, et ce dernier n'a aucun moyen concret à sa disposition pour
l'y obliger. Une réforme plus vaste du système est alors
nécessaire pour répondre à ce type de problèmes.
Les abus procéduraux que peut commettre l'État en tant que
défendeur ne peuvent être adéquatement résolus en
agissant sur les traités d'investissement, il faut là aussi une
réforme plus intégrale pour restaurer l'équilibre des
parties.
Sur la question de la neutralité des arbitres, toute
tentative de réforme doit nécessairement impliquer une
révision des règles arbitrales et institutionnelles ; le
CIRDI devrait suivre l'exemple du Tribunal Arbitral du Sport qui a
révisé ses règles en 2010 pour préciser que
« les arbitres et médiateurs du TAS ne peuvent pas agir comme
conseil d'une partie devant le TAS »252(*). Par ailleurs, la
procédure prévue dans le cadre du CIRDI pour la récusation
des arbitres en cas de doute sur leur indépendance et
impartialité a été fortement critiquée253(*). Les articles 57 et 58 de la
Convention de Washington prévoient que le tribunal arbitral
lui-même doit statuer sur une demande de récusation de l'un de ces
membres. Ceci met les deux membres non-contestés dans une position
embarrassante et inconfortable, ce qui a conduit à une
inefficacité systémique du mécanisme de récusation
CIRDI comparé aux mécanismes du CNUDCI ou de la Chambre de
Commerce de Stockholm par exemple254(*). A ce jour, une seule demande de récusation
CIRDI sur plus de quarante a abouti255(*).
D'autre part, cette solution n'adresse que partiellement le
problème de cohérence de la jurisprudence arbitrale qui est au
coeur du problème de la sécurité juridique de
l'État qui menace l'égalité des armes entre les parties.
Une multilatéralisation du droit international de l'investissement
contribuerait à la centralisation du système, mais celui-ci
resterait marqué par une structure non-hiérarchique et donc
susceptible de donner lieu à des décisions contradictoires.
Enfin, une bonne réforme doit se fonder sur des
critères objectifs et quantitatifs. L'absence de transparence du
système Investisseur-État limite l'accès à ces
informations qui peuvent être déterminantes pour une bonne
réorganisation du mécanisme. Ce problème lui aussi ne peut
être résolu que par une réforme institutionnelle profonde
qui dépasse le seul cadre des traités bilatéraux et
multilatéraux d'investissement256(*).
B) LES OBSTACLES À SA MISE EN
oeUVRE
Malgré ses lacunes, le projet de refonte du
régime TBI reste une proposition intéressante qui pourrait au
moins constituer un premier pas vers une solution plus intégrale. Mais
la mise en oeuvre d'un tel projet présente des difficultés
considérables. L'idée n'est d'ailleurs pas nouvelle, en 1995 les
membres de l'OCDE ont commencé à négocier une adoption
possible d'un Accord Multilatéral sur l'Investissement qui devait
être un premier pas vers l'harmonisation du droit international de
l'investissement257(*).
Cependant, le projet fut abandonné en 1998quand il était devenu
apparent que les divergences d'opinions entre les différents
États étaient trop grandes pour pouvoir arriver à un
terrain commun258(*). On
peut donc imaginer que quand un groupe d'États développés
ne peuvent pas arriver à un consensus sur une vision uniforme du droit
des investissements, la mission sera encore plus difficile lorsque dans un
traité global les intérêts des pays du sud et des pays du
nord s'affronteront.«The willingness of countries to enter into
regional and bilateral investment agreements does not necessarily signify the
unconditional willingness to sign onto a global investment agreement that
grants all states, rights vis-à-vis all other potential host states of
investments»259(*).Le consentement accordé dans un tel
traité multilatéral est sans doute trop large, le régime
TBI actuel permet aux États de choisir prudemment avec quels homologues
s'associer pour une protection mutuelle de leurs ressortissants investisseurs.
Dans un traité global, l'État perdrait ce contrôle et
pourrait se trouver dans des situations indésirables. Un autre
problème potentiel serait la question de la structure encadrant un tel
traité ; devrait-il se développer dans le cadre de l'ONU, de
l'OMC, de la Banque Mondiale, ou peut-être dans une nouvelle organisation
créée spécialement à cet effet ? La
résolution des différends se fera-t-elle dans le cadre du
régime CIRDI ou laisserons-t-on le choix libre quant à
l'institution administrant et les règles d'arbitrage
applicables ?
«It is no secret that the complexity of treaty
negotiations has increased: first, because of the number of parties generally
involved; second, because of the sensitivities, political and otherwise, of the
issues at stake; third and last, because experience has made States more
mindful of the implications of international agreements and more cautious as to
the consequences of their application»260(*). La refonte du régime
TBI, qu'elle soit opérée au niveau multilatéral ou
bilatéral, impliquerait un processus de négociations très
lourd. Il est difficile d'imaginer qu'une telle initiative pourrait aboutir,
les tentatives d'harmonisation précédentes ayant toutes
échouées même lorsque les critiques envers le
système étaient plus modérées et moins vocales
qu'aujourd'hui.
Une refonte, même partielle, du régime TBI
pourrait conduire à une amélioration du respect de
l'égalité des armes en arbitrage d'investissement. Un nombre
important de solutions peut être obtenu en agissant sur les
traités d'investissement et en tentant d'harmoniser et d'élucider
leurs contenus. Cependant, même si l'on arrive à franchir les
obstacles considérables de la négociation d'un tel projet,
celui-ci ne pourrait pas remédier à l'intégralité
du problème. Un plus grand nombre d'éléments constitutifs
de l'arbitrage d'investissement devrait être pris en compte pour une
solution plus complète et plus réaliste.
SECTION 2 : LA CRÉATION D'UNE COUR INTERNATIONALE
DE L'INVESTISSEMENT
Dans le cadre de la négociation du Partenariat
Transatlantique de Commerce et d'Investissement, la Commission
Européenne a proposé en 2015 la créationd'une Cour
Internationale Permanente comme forum pour la résolution des
différends relatifs à l'investissement261(*). Cette étude a
commencé avec le postulat selon lequel « Investor-State
Arbitration is not International Arbitration », elle se conclue
par une proposition qui écarte le processus arbitral du mécanisme
de résolution des différends entre investisseurs et États.
En agissant sur la structure même du contentieux
investisseur-État, une réforme plus complète serait
possible tant au niveau procédural que substantiel.
«If the governments of the world preferred an
investment court to arbitration, or a court of international arbitral appeals
they could constitute them; they have not»262(*). Cette Remarque de Stephen
Schwebel est intéressante, mais elle n'est pas
entièrementcorrecte : une cour permanente d'investissement existe
déjà dans le cadre de la Ligue des États Arabes263(*). Cette juridiction peu
connue, ainsi que de la proposition de la Commission Européenne,
pourront donc servir d'inspiration pour évaluer les avantages d'une
telle solutiondans la perspective du renforcement de l'égalité
des armes dans le contentieux Investisseur-État (I).
Les propos de Stephen Schwebel seront cependant retenus pour essayer de
comprendre pourquoi cette solution n'a toujours pas réussià
gagner de momentum(II).
I- LE RENFORCEMENT
DU RESPECT DE L'ÉGALITÉ DES ARMES
A travers la création d'une Cour Internationale
d'Investissement, un remodelage intégral du contentieux
Investisseur-État serait possible. SelonGus Van Harten, une institution
permanente correspondrait mieux au caractère public du droit des
investissements264(*).Une telle transformation serait en effet
suffisamment radicale pour permettre multiples réformes
simultanées ; elle pourrait à la fois répondre aux
préoccupations des États et des investisseurs quant aux
défauts actuels du système Investisseur-État. Une Cour
Permanente garantirait aux justiciables un accès égal aux armes
du procès (A), et la protection de cette
égalité par des magistrats de
carrière(B).
A) DES JUSTICIABLES AUX ARMES
ÉGALES
Le premier avantage à considérer dans le
contexte de cette solution est de nature purement technique : une Cour
permanente nécessitera un secrétariat et des employés
permanents. Une telle structure répond beaucoup mieux aux exigences d'un
litige auquel participe un État souverain. Il a été
remarqué par exemple que les demandes d'arbitrages non-CIRDI
étaient souvent mal notifiées aux États, ce qui les laisse
sans possibilité de préparer une défense
adéquate265(*).
Une institution permanente permet d'établir un contact plus direct avec
les États ce qui garantit alors une meilleure notification des
différents développements procéduraux, surtout en
début d'affaire lorsqu'il est critique pour une partie
défenderesse de pouvoir comprendre quelles sont les allégations
avancées à son encontre. Cet avantage est illustré par
exemple dans l'article 37 du statut de la Cour Arabe d'Investissement qui
encadre la coordination entre le secrétariat de la Cour et les
autorités concernées des États partis266(*). Cet élément
pourrait également favoriserune meilleure transparence du
système:«[the]staff, appointed prior to the existence
of a dispute, could be said to solve one of the issues of transparency in the
system, insofar as their role in the dispute will be clear and public at all
times, and thus would not give rise to the concerns that have been expressed
about the role performed by administrative secretaries of tribunals or lawyers
that assist arbitrators»267(*).
Un système symétrique d'introduction de demandes
pourrait être envisagé dans une Cour permanente. Du
côté de l'investisseur, des incertitudes ont été
exprimées sur les modalités de son accès à la
juridiction nouvellement créée268(*) ; dans la configuration actuelle, ce sont les
traités d'investissement comportant des clauses compromissoires qui
donnent à l'investisseur un recours international contre l'État.
Ces clauses compromissoires prévoient normalement quelles seront les
règles arbitrales applicables et l'institution arbitral administrant en
cas de litige. On pourrait alors penser qu'une révision de ces
traités bilatéraux serait nécessaire pour inclure un
recours à la Cour permanente, mais une solution bien moins encombrante
est disponible : l'État peut consentir de manière
générale à la compétence de la cour par un acte
unilatéral semblable aux déclarations facultatives de juridiction
obligatoires connues de la CIJ. Une autre solution envisageable serait
l'adoption par l'État d'une législation nationale reconnaissant
la compétence de la Cour dans les litiges l'opposant à des
investisseurs étrangers, à l'instar de la législation
syriennerelative à la Cour Arabe d'Investissement269(*).
Du côté de l'État, la possibilité
d'une demande contre l'investisseur est facile à envisager d'un point de
vue procédural ; la compétence de la Cour serait obligatoire
par l'effet de l'incorporation du traité constitutif de la Cour dans la
législation nationale, une telle compétence serait alors
fondée dans la loi et non pas dans le consentement des parties comme en
matière arbitrale. Cependant, d'un point de vue substantiel, il est
moins clair comment la responsabilité de l'investisseur pourrait
être mise en oeuvre. Le droit substantiel est essentiellement contenu
dans les traités d'investissement qui prévoient rarement des
obligations positives pour les investisseurs. Une solution possible est
l'inclusion d'une charte des obligations de l'investisseur dans le
traité constitutif de la Cour. En matière contractuelle
cependant, la présence de magistrats permanents restaure
l'utilité du recours de l'État contre l'investisseur ; dans
le cadre de l'arbitrage il faut attendre la constitution du tribunal pour que
celui-ci puisse prendre les mesures nécessaires, les États
préfèrent alors, par souci de rapidité, prendre les
mesures rectificatrices eux-mêmes plutôt que de recourir à
l'arbitrage270(*). Le
magistrat permanent, contrairement à l'arbitre, serait prêt pour
connaitre du litige dès que celui-ci survient ; une
procédure de référés serait même
envisageable.
En ce qui concerne la possibilité de demandes
reconventionnelles, celles-ci ne devraient pas poser problème
étant donné que le problème du consentement de
l'investisseur271(*) est
écarté dans le cadre d'une juridiction permanente. Le
traité constitutif pourra alors prévoir la possibilité de
demandes reconventionnelles dans lesquelles un État peut exiger des
réparations adéquates du fait de l'illégalité de
l'investissement.
Les demandes de masses,qui se réconcilient mal avec la
structure arbitrale du contentieux Investisseurs-État et qui ne sont pas
explicitement prévus par le système CIRDI272(*), pourraient désormais
trouver place dans une juridiction permanente. Le nouveau mécanisme
pourra être adapté aux exigences procédurales que
présente un recours de masse, garantissant ainsi le respect de
l'égalité des armes tout en donnant aux investisseurs un mode de
recours fiable et légitime.
En contrepartie des garanties assurées aux États
par la création d'une telle juridiction, etnotamment par la prise en
compte de l'intérêt public et du droit de l'État de
réguler, l'immunité d'exécution maintenue dans le
système CIRDI par le jeu de l'article 55 devrait alors être
écartée. Les État accorderaient alors à cette
nouvelle institution leur confiance et en lui permettantde prendre des
décisions exécutables dans leurs territoires respectifs et dans
les territoires de tous les États partis au traité constitutif.
Ainsi, l'investisseur obtient des garanties de protections plus
complètes et l'État est réconforté quant au souci
de légitimité de ces décisions internationales.
B) DES ADJUDICATEURS GARDIENS DE
L'ÉGALITÉ DES ARMES
L'imprévisibilité de l'arbitrage
d'investissement est sans doute son plus grand défaut. L'inconsistance
jurisprudentielle qui imprègne le système actuel menace
sérieusement l'égalité des armes et la bonne
administration de la justice. «Any system where diametrically opposed
decisions can legally coexist cannot last long»273(*).Des questions cruciales
telles que l'admissibilité des demandes de masses, la nationalité
des personnes morales, l'attribution d'actes d'entité
infra-étatiques à l'État, l'identification de situations
d'expropriation indirecte ou encore et surtout la détermination du
contenu du standard de traitement juste et équitable, ont toutes
été interprétée de façons contradictoires
par la jurisprudence arbitrale274(*).Selon Christoph Schreuer «the creation of a
permanent investment court is [a] possible solution to the problem of
inconsistencies»275(*).Une juridiction permanente pourra plus facilement
établir une jurisprudence constante qui garantira la
sécurité juridique des parties et contribuera à une
construction plus cohérente du droit international de l'investissement.
Les juges de cette Cour seront également guidés par un souci de
respect de l'intérêt public et du droit légitime de
réguler de l'État, qui pèsera dans leur
appréciation de la légalité des agissements du souverain.
«Effectiveness may be further strengthened by establishing a permanent
institutional mechanism, which produces consistent and authoritative judicial
decisions»276(*).
Une solution alternative parfois proposée est le
maintien du système arbitral actuel et la création d'un
mécanisme d'appel surplombant qui assurerait une cohérence dans
le développement de la jurisprudence277(*). Un tel mécanisme contribuerait certainement
à l'harmonisation du droit des investissements, mais il ne serait pas
d'une grande utilité dans la résolution des autres
problèmes liés à l'égalité des armes.
Les critiques de cette solutionavancent le fait que la
nouvelle institution permanente coexistera obligatoirement avec certains
tribunaux arbitraux qui subsisteront pour les États non-partis au
nouveau mécanisme, perpétuant ainsi l'inconsistance
jurisprudentielle278(*).
Il est cependant beaucoup plus probable que ces tribunaux arbitraux s'inspirent
de la jurisprudence de l'institution permanente, même en l'absence de
force obligatoire du précédent, de la même manière
que les arbitres dans des arbitrages interétatiquesqui citent
fréquemment les arrêts et opinions de la Cour Internationale de
Justice.
Un point qui est resté jusque-là
problématique dans toutes les parties de cette étude est la
question de l'indépendance et l'impartialité des arbitres ;
le danger posé à l'égalité des armes en l'absence
de cette garantie a étéconstaté dans le premier chapitre,
le second chapitre a vu une dénonciation de l'impossibilité de
responsabiliser ces adjudicateurs et enfin dans ce troisième chapitre,
la première solution formulée n'a pas su répondre à
ce problème. Orla distinction cardinale entre la création d'une
Cour permanente et la configuration actuelle du système est le
remplacement des arbitres désignés par des magistrats
permanents.Cette cour serait composée de juges à mandat fixe
élus par l'assemblée des États partis selon des
critères stricts.Le problème de l'indépendance et
l'impartialité des adjudicateurs sera alors largement résolu.
L'article 28 de l'accord de la ligue arabe et l'article 9 du projet de la
commission européenne279(*)illustrent des exemples de modes de sélection
de juges qui garantissent à la fois leur neutralité et leur
expertise. «Security of tenure insulates the adjudicator from
influence by powerful private interests, so as to ensure that no one can say
that the judge was predisposed to decide a case or interpret the law in a way
that would increase his or her prospects for future income and career
advancement»280(*).La sécurité professionnelle qui va de
pair avec un mandat fixe réconforte les parties quant à
l'impartialité de l'adjudicateur. De plus, il serait naturellement
impossible pour ces magistrats d'agir en tant que conseils ou experts dans
d'autres litiges281(*),
ce qui écarte le problème de conflits d'intérêt. Par
conséquent, les demandes de récusation d'adjudicateurs
deviendront beaucoup plus rares, et même quand elles auront lieu, un
mécanisme plus efficace pourra être prévu pour leur
examen282(*).
Enfin, une Cour permanente pourrait être dotée de
moyens de contrainte contre les États récalcitrants qui
abuseraient de leurs pouvoirs pour pervertir le procès.
L'efficacité de ces mesures serait liée à
l'intégration de cette Cour permanente à une organisation
internationale influente telle que l'ONU ou l'OMC283(*). Ainsi, les magistrats
auront les moyens de garantir le respect de l'égalité des armes
en assurant qu'aucune des deux parties ne puisse abuser de ses pouvoirs ou de
ses ressources ; les investisseurs ne pourront pas opérer de
chantages à l'encontre des États pour les forcer à adopter
une politique règlementaire qui leur est favorable, et les États
ne pourront pas user de leurs forces de contrainte pour dissuader les
investisseurs de poursuivre leurs revendications.
«Given the numerous challenges arising from the
current Investor-State dispute settlement regime, it is timely for States to
examine it, weighing options for reform and then decide upon the most
appropriate route [...] some voices have advocated for the creation of
permanent investment tribunals»284(*). L'abandon de l'arbitrage comme mécanisme de
résolution des différends Investisseur-État serait donc
nécessaire pour garantir le respect de l'égalité des armes
de façon intégrale. La création d'une juridiction
permanente permettrait de reconcevoir le système de manière
à garantir une meilleure symétrie entre justiciables, de
favoriser une prévisibilité des décisions, et d'assurer la
neutralité des adjudicateurs.
II- LES DANGERS POSÉS PAR LA CRÉATION D'UNE
JURIDICTION PERMANENTE
«Naturally international arbitral tribunals place the
litigants on the same plane. Equality of arms is the essence of the judicial
and arbitral process» rappel Stephen Schwebel, «to assume
that a tenured court, national or international, is objective, while
international tribunals are not, does not comport with the
facts»285(*).L'arbitrage partage avec le contentieux
traditionnel, du moins en théorie, une révérence au prince
de l'égalité des armes. Malgré les nombreuses
inconsistances de l'adoption du système arbitral pour la
résolution des différends Investisseur-État, son abandon
par la création d'une Cour permanente conduirait à la perte de
certains bénéfices de l'arbitrage (A). Par
ailleurs, une telle juridiction permanente disposerait d'un degré de
puissance et de légitimité qui pourrait être par la suite
regretté par les États (B).
A) L'ÉROSION DES AVANTAGES
LIÉS À L'ARBITRAGE
L'attrait de l'arbitrage en tant que mode de résolution
des différends tient à plusieurs caractéristiques qui le
rendent plus flexible que le contentieux traditionnel devant des cours
permanentes. La constitution d'une Cour internationale de l'investissement
conduirait nécessairement à l'abandon d'un nombre de ces
caractéristiques qui définissent l'arbitrage. Or la perte de
certaines de ces spécificités, qui conviennent parfaitement
à la nature transnationale des litiges Investisseur-État,
pourrait à son tournuire à l'équilibre des parties.
La confidentialité par exemple est une qualité
de l'arbitrage qui le rend très désirable en matière
commerciale. En arbitrage d'investissement, cette caractéristique se
heurte au souci de transparence comme constatédans cette étude.
Toutefois, malgré l'importance primordiale de la transparence, il ne
faut pas négliger le fait que ces investisseurs risquent par l'absence
de confidentialité des pertes collatérales liées à
la divulgation de secrets commerciaux286(*). Ce risque pourrait dissuader l'investisseur de
poursuivre ses revendications, le risque économique étant plus
grand que le gain éventuel. Du côté de l'État, si
celui-ci fait face à plusieursdemandes parallèles ayant des
contextes factuels similaires, sa stratégie de défense risque
d'être révélée dans l'un de ces litiges avant les
autres, ce qui pourrait conduire à un désavantage
subséquent considérable287(*). La confidentialité du processus a donc
certains mérites et son écartement pourrait avoir des
répercussions sur l'égalité des armes des parties.
Un autre facteur important à considérer est la
possibilité en arbitrage de choisir le siège du tribunal. En
anglais, une distinction est faite entre seat of arbitration et
venue ; la première notion est liée aux choix des
autorités compétentes pour une éventuelle contestation de
la sentence arbitrale et pour la demande de certaines mesures provisoires, son
importance dans le cadre de l'arbitrage d'investissement est marginale. Le
choix de venue par contre, le lieu de rencontre du tribunal, est un
aspect purement logistique mais qui peut avoir une importance
considérable dans un litige transnational. Une Cour permanente aurait un
siège fixe dans une ville déterminée où tous les
litiges seraient examinés. Dans le cas de la Cour Arabe d'Investissement
par exemple, les parties doivent obligatoirement se rendent au Caire pour les
différentes phases du procès: «The seat of the
Court shall be at the permanent headquarters of the League of Arab States in
Cairo and shall not be transferred unless the Court takes a substantial
decision to convene its sessions or undertake its functions in another
location»288(*).Ce manque de flexibilité pourrait
sérieusement affecter la possibilité pour des partiesaux
capacités économiques modestes de bien suivre la
procédure.
Enfin, l'abandon de l'arbitrage signifie que les parties ne
pourront pas choisir leurs adjudicateurs. «The legitimacy if
investment-dispute arbitration rests, to a large extent, on the fact that the
parties to the proceedings can participate in the appointment of arbitrators.
This ensures that the decision-making process is not perceived as something
wholly extraneous to the parties, but instead as a legitimate mode of resolving
disputes»289(*). Le mandate fixe des juges dans une Cour permanente
garantie certainement que ceux-ci ne seraient pas biaisés en faveur
d'une partie ou d'une autre, mais il ne faut pas oublier que ces juges seraient
au final élus par l'assemblée des États parties. Et
même si ces juges seraient indépendants et ne favoriseraient pas
un État en particulier, il est peu probable que les États
élisent des personnes à tendance idéologique
« pro-investisseur ». La liste des magistrats serait donc
composée d'individus aux idéologies modérées,
voir « pro-État », ce qui risque de
sérieusement désavantager les investisseurs.
La création d'une Cour Internationale de
l'Investissement ressouderait sans doute l'essentiel du problème
d'égalité des armes dans le système actuel, mais elle
pourrait apparemment créer de nouveaux types de
déséquilibre. L'arbitrage a certainement ses vertus et une
réforme du contentieux Investisseur-État ne devrait pas
négliger ces qualités dans la création d'un
mécanismenouveau.
B) LE RISQUE DE DÉVELOPPEMENTS
JURISPRUDENTIELS NON-ANTICIPÉS
Une Cour Internationale d'Investissement telle que
conçue dans notre hypothèse sert essentiellement à
réconforter les justiciables, notamment les États, quant à
la légitimité et l'équilibre procédural du
contentieux Investisseur-État. L'adoption d'un tel projet par la
communauté internationale mettrait alors en place une institution ayant
une autorité et une notoriété importantes. Le contentieux
Investisseur-État deviendra donc moins élusif, moins flexible et
moins contournable. En consolidant le pouvoir d'adjudication et
d'interprétation entre les mains d'une seule juridiction permanente, le
régime Investisseur-État se rapprocherait alors davantage
à un système gouvernance globale290(*). Les décisions
de cette Cour deviendront essentielles à la régulation des
investissements internationaux, et affecteront donc des transactions
chiffrées à des centaines de milliards de dollars. Dans cette
perspective, les États pourraient en arriver à regretter la
création d'une institution d'une telle puissance.
«Permanent institutions may display stronger dynamics
in enlarging their jurisprudential powers than a system of one-off arbitral
tribunals. After all, a permanent institution would be able to develop
international investment law much more consistently in ways that governments do
not agree with»291(*).Dans le système actuel, la communauté
des États peut prendre le risque de tomber sur un tribunal dont la
décision ne se conforme pas à leur conception du droit
international de l'investissement ou du droit international
général. Une telle sentence sera fortement critiquée et
remise en question, elle déplaira certainement à l'État
concerné mais elle ne risque pas de créer de jurisprudence
affectant le reste de la communauté internationale. Une Cour
Internationale d'Investissement pourrait par contre, par un système de
précédents, façonner le droit substantiel d'une
manière qui serait contraire à la volonté d'une
majorité d'États. Il serait alors beaucoup plus difficile
d'isoler ou de contourner cette jurisprudence pour le futur en raison de la
légitimité et de l'autorité dont disposerait cette Cour.
«The obvious problem with this model of global governance is that it
converts judges into policymakers»292(*).Le pouvoir créateur de normes du juge risque
alors de s'étendre au-delà de la volonté des
États ; La communauté internationale aura consenti au cadre
juridique encadrant le droit international de l'investissement, mais son
consentement ne sera plus pertinent pour le développement futur de ce
droit.« The one-off nature of arbitration [serves] to control the
interpretative powers of the investment dispute settlement [by] limiting their
authority. Creating a permanent investment court, by contrast, would
necessarily raise the question of how to further concretize the substantive
standards and how to set up a political organ that controls the decision-making
of such institutions without a truly multilateral system»293(*).
Une réforme structurelle du contentieux
Investisseur-État semble répondre plus pertinemment aux soucis
d'égalité des armes qu'une action dirigée uniquement vers
les traités d'investissement. Certes, la négociation du
traité constitutif d'une potentielle Cour Internationale
d'Investissement ne serait pas aisée, mais cette solution reste beaucoup
plus pragmatique que celle de la révision des milliers de TBI
actuellement en vigueur. «The creation of permanent investment
tribunals may seem like a titanic task at the moment, requiring political
consensus and diplomatic maneuvering of many States. Yet the consensus would
not need to be universal: a standing investment court might well start as a
multilateral initiative, with an opt-in mechanism for those that wish to
join»294(*).Mais la solution des problèmes
évoqués par l'introduction d'une structure nouvelle pourrait
donner lieu à de nouveaux problèmes d'équilibre entre les
parties. Une solution tellement radicale pourrait avoir des effets inattendus
ce qui explique sans doute pourquoi les États sont réticents
à poursuivre une telle initiative.
Les deux solutions présentées ne seraient pas
faciles à implémenter, mais tout espoir de corriger les
défauts du système et de combler ses lacunes doit
nécessairement passer par une réforme monumentale du
système. Des révisions ponctuelles au niveau bilatéral ou
régional ne seraient pas suffisantes pour répondre au
problème systémique du non-respect de l'égalité des
armes, toute initiative sérieuse devrait passer par une
multilatéralisation du régime. «Even if, in the
abstract, multilateralism and a world investment court could be more efficient,
it is now very difficult for this mutation to occur; today's benefits of a
multilateral treaty must outweigh today's costs of negotiating a multilateral
treaty and replacing thousands of BITs and a variety of arbitral institutions
with a world investment court»295(*).La tâche n'est pas facile mais elle est
nécessaire. La proposition formulée par la Commission
Européenne en ce qui concerne la possible introduction d'un tribunal
permanent dans le cadre du partenariat transatlantique donne espoir ;
l'idée commence à s'incruster dans les esprits des acteurs
concernés, elle pourra peut-être aboutir d'ici quelques
années. Aucune des deux solutions avancées n'est parfaite, mais
elles se complémentent mutuellement : dans unesituation
idéale un corps de règles uniformes régissant le droit
international de l'investissement serait mis en place aux
côtésd'une instance permanente universelle résolvant les
différends Investisseurs-États.
CONCLUSION GÉNÉRALE
Quelle place accorde actuellement l'arbitrage d'investissement
au respect de l'égalité des armes ?
«Equality of Arms is a foundation principle of
investment arbitration procedure»296(*) affirme Thomas Wälde, «equality of
arms is the essence of every judicial and arbitral process»297(*) ajoute Stephen Schwebel.
Mais les constatations faites dans cette étude ont
démontré qu'un nombre important d'éléments
entravent l'observance de ce principe fondamental de la justice internationale.
Il faut bien constater que le système Investisseur-État a
été mal conçu ; on a voulu mettre États et
personnes privées sur un même pied
d'égalité298(*) mais on a fini parse trouver face à une
asymétrie institutionnalisée. Que cette asymétrie joue en
faveur de l'État ou de l'investisseur est sans importance dans la
perspective de cette discussion, quel que soit la réponse elle ne fait
qu'affirmer le fait que l'égalité des armes ne trouve aujourd'hui
pas de place dans le cadre de l'arbitrage d'investissement.
Mais l'arbitrage d'investissement
devrait-il vraiment tenir compte de ce principe ?
Cette question peut légitimement se poser dans le
contexte du débat conceptualiste qui cherche à classer
l'arbitrage d'investissement soit dans la case du droit privé soit dans
celle du droit public. Cette qualification a des implications qui
dépassent le seul cadre théorique299(*). L'appartenance de
l'arbitrage d'investissement au régime de la gouvernance globale
expliquerait peut-être pourquoi un déséquilibre entre les
parties serait souhaitable et même nécessaire. Mais une analyse
plus minutieuse de ce mécanisme démontre que cette qualification
n'est pas très convaincante. Le contentieux Investisseur-État ne
peut pas être confiné à la sphère du droit public ou
celle du droit privé, il flotte entre ces deux mondes, d'où la
nécessité d'envisager la question avec un esprit plus ouvert.
Oui, l'arbitrage d'investissement devrait tenir compte de
l'égalité des armes entre États et investisseurs, car en
l'absence de cette garantie le système ne pourra pas survivre. Les
États ne peuvent plus piétiner impunément les droits des
personnes privées et les investisseurs ne devraient pas pouvoir dicter
aux États leurs politiques publiques. Une bonne justice requière
la confiance de ses justiciables, chose qui ne peut être assuré
quand l'une des parties ressent qu'un biais systémique existe dans ce
processus.
Comment garantir alors une place pour l'égalité
des armes dans le contentieux Investisseur-État ?
Le problème de l'égalité des armes en
arbitrage d'investissement se rattache aux fondements du système. Une
réforme profonde de cette structure serait donc nécessaire pour
ajuster l'équilibre des parties de manière à optimiser la
bonne administration de la justice. «There is no easy blueprint for
patching up the system, and there is no magic wand that can scrap it so we can
start from scratch. The infrastructure of investor-state arbitration is, by
design, so elaborate that it is almost impossible to dismantle. That does not
mean that the issue should not be discussed, as heightened sensitivity to the
problems plaguing the system is better than the ostrich
approach»300(*).La tâche est monumentale, mais elle est
incontournable. L'abolition de l'arbitrage Investisseur-État est une
demande irréaliste, mais une restructuration du système reste
possible et devrait même être une priorité pour la
communauté internationale.
Investor-State Arbitration is not International
Arbitration. Que ce soit en matière d'égalité des
armes ou dans tout autre problème touchant à l'arbitrage
d'investissement, un changement d'optique est nécessaire. On ne peut
plus se fier aux analogies posées avec l'arbitrage commercial
international pour essayer d'apporter des réponses aux nombreuses
questions qui se posent avec le développement fulgurant de ce domaine.
Le contentieux Investisseur-État représente une catégorie
sui generis de mode de résolution des différends, un
champ du droit international qui cherche encore son identité.
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CNUDCI, Ethyl Corporation c. Canada, Sentence du 24
Juin 1988
CNUDCI, Himpurna California Energy Ltd c.
République d'Indonésie, Sentence du 16 octobre 1999
CNUDCI, Hesham T.M.. Al Warraq c. République
d'Indonésie, Sentence du 15 décembre 2014
IV- Textes Juridiques
Accord de libre-échange nord-américain (ALENA)
Accord des membres de l'Organisation de la Coopération
Islamique relatif à la promotion et la protection des investissements
Accord unifié pour l'investissement de capitaux arabes
dans les États arabes
Convention pour le règlement des différends
relatifs aux investissements entre États et ressortissants d'autres
États (Convention de Washington / Convention CIRDI)
Convention pour la reconnaissance et l'exécution des
sentences arbitrales étrangères (Convention de New York)
Projet d'articles sur la responsabilité des
États pour fait internationalement illicite
Règlement d'arbitrage de la Commission des Nations
Unies pour le Droit du Commerce International (Règles CNUDCI)
V- Sites internet
icsid.worldbank.org
investmentpolicyhub.unctad.org
trade.ec.europa.eu
www.arbitrationacademy.org
www.corporateeurope.org
www.courdecassation.fr
www.economist.com
www.ejiltalk.org
www.herbertsmithfreehills.com
www.iisd.org
www.italaw.org
www.kluwerarbitrationblog.org
www.pvyap.org
www.theguardian.com
www.vimeo.com
www.who.int
www.un.org
TABLE DES
MATIÈRES
SOMMAIRE
3
LISTE DES ABRÉVIATIONS
5
INTRODUCTION
7
CHAPITRE 1: LA CONSTATATION D'UNE CRISE
DANS LE SYSTÈME INVESTISSEUR-ÉTAT
18
Section 1 : L'État pris au piège
de l'arbitrage d'investissement
19
I- L'État, eternel
défendeur
20
A) L'arbitrage sur fondement d'un
contrat
21
B) L'arbitrage sur fondement d'un
traité
25
i) L'intérêt pour l'État
de l'existence d'un recours arbitral contre l'investisseur
25
ii) La question des demandes
reconventionnelles
28
II- Les imprévisibilités
inhérentes au système
30
A) L'imprévisibilité quant
à l'identité du demandeur
31
i) Le problème du voile corporatif et
des sociétés coquilles
32
ii) Le phénomène des demandes
de masse
34
B) L'imprévisibilité quant
à l'origine de l'acte litigieux
36
C) L'imprévisibilité quant aux
protections garanties
38
i) L'expropriation indirecte
39
ii) Le standard de traitement juste et
équitable
40
III- Le déraillement de la fonction
étatique
43
A) La méconnaissance de
l'intérêt public
43
B) Le risque de gel réglementaire
46
Section 2 : Les problèmes auxquels font
face les investisseurs
49
I- L'exécution des sentences
arbitrales
49
A) L'exécution de sentences CIRDI
50
B) L'exécution de sentences
CNUDCI
52
II- L'abus d'autorité par
l'État
54
A) L'usage des prérogatives
étatiques à des fins non-légitimes
55
B) L'obstruction de la justice par
l'État
56
III- L'indépendance et
l'impartialité des arbitres
58
A) L'exercice de l'influence de
l'État sur les arbitres
59
B) Le penchant naturel des arbitres pour les
investisseurs
60
CHAPITRE 2 : UNE JUSTIFICATION DU
DÉSÉQUILIBRE INSTITUTIONNEL
63
Section 1 : La conceptualisation de
l'Arbitrage Investisseur-État en tant que gouvernance globale
65
I- Une analyse structurelle de l'arbitrage
d'investissement en tant que droit administratif internationalisé
65
A) Un recours individuel contre
l'État dans un contexte internationalisé
66
B) L'allocation d'indemnisations à
titre de réparation de droit public
68
C) L'exécution des sentences
arbitrales
69
II- La création de standards de
comportement pour les États
71
A) Le standard de traitement juste et
équitable
71
B) Le recours au principe de
proportionnalité
73
Section 2 : Une théorie
séduisante mais pas convaincante
74
I- Le danger posé par l'arbitrage
d'investissement à l'intérêt public
75
A) Le manque de contribution publique
76
B) Le risque de gel réglementaire
77
II- Le problème d'accountability
en arbitrage d'investissement
78
A) La transparence en arbitrage
d'investissement
79
B) L'accountability des
arbitres
80
CHAPITRE 3 : LES SOLUTIONS PRATIQUES
AVANCÉES
83
Section 1 : La refonte du régime des
traités d'investissement
83
I- Les plans de réforme
proposés
84
A) Le contenu de la réforme
84
B) La multilatéralisation du droit
international de l'investissement
87
II- Les inconvénients d'une telle
réforme
89
A) Les insuffisances de la solution
proposée
89
B) Les obstacles à sa mise en
oeuvre
91
Section 2 : La création d'une cour
internationale de l'investissement
93
I- Le renforcement du respect de
l'égalité des armes
94
A) Des justiciables aux armes
égales
94
B) Des adjudicateurs gardiens de
l'égalité des armes
97
II- Les dangers posés par la
création d'une juridiction permanente
99
A) L'érosion des avantages
liés à l'arbitrage
100
B) Le risque de développements
jurisprudentiels non-anticipés
102
CONCLUSION GÉNÉRALE
105
BIBLIOGRAPHIE
107
TABLE DES MATIÈRES
122
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* 4 Waibel (M.), «The
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* 5 Au jour même de la
rédaction de ce paragraphe (Le 17 novembre 2015), l'Irak signe et
ratifie la Convention CIRDI :
https://icsid.worldbank.org/apps/ICSIDWEB/Pages/News.aspx?CID=172&ListID=74f1e8b5-96d0-4f0a-8f0c-2f3a92d84773&variation=en_us
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* 41 Grupo de Estudos em
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* 42 Voir
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et
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(2 décembre 2015)
* 43 Voir
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