PREMIERE PARTIE : LA VOLONTE D'APPLIQUER LES
INSTRUMENTS JURIDIQUES INTERNATIONAUX DE LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS
CLIMATIQUES
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CHAPITRE I : LA MANIFESTATION DE LA
VOLONTE D'APPLIQUER PAR LA DIVERSITE DES PROCEDURES D'APPLICATION
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Au Cameroun, l'on observe un certain dynamisme autour de la
lutte contre le réchauffement climatique. Ce dynamisme serait dû
au moins à deux facteurs : d'une part, le Cameroun est victime des
effets des changements climatiques. En effet, le Cameroun est le
théâtre des conséquences fâcheuses du
dérèglement climatique21. D'autre part, l'implication
du Cameroun résulterait de sa situation géographique par rapport
à la forêt équatoriale. En effet, le territoire camerounais
est en partie couvert par le massif forestier du Bassin du Congo dont
l'importance dans la régulation du climat mondial n'est plus à
démontrer. Ces éléments pourraient en effet animer la
volonté des autorités du Cameroun d'appliquer les instruments
juridiques internationaux relatifs à la lutte contre le changement
climatique. A titre de rappel, il convient de relever l'effervescence
communicationnelle qui a entouré la signature de l'Accord de Paris de
décembre 2015. En réalité, un communiqué de la
Présidence de la République a informé l'opinion publique
nationale et internationale de cet événement. Cette
volonté du Cameroun d'exprimer son consentement à être
lié par les instruments juridiques internationaux de lutte contre les
changements climatiques s'accompagne d'une intense publicité portant sur
l'engagement du Cameroun à lutter contre les changements climatiques.
D'ailleurs, de nombreux slogans sont repris par des télévisions
nationales et internationales à cet effet22. Manifestement,
le Cameroun a la volonté d'appliquer les instruments juridiques
internationaux de lutte contre les changements climatiques. Dès lors, on
est tenté de se poser la question suivante : comment se manifeste cette
volonté du Cameroun de lutter contre les changements climatiques ?
Pour répondre à cette question l'on se penchera
sur l'application. L'application effective nécessite un suivi et
contrôle. Ainsi, il conviendra d'étudier aussi la teneur des
mécanismes de contrôle et de suivi de l'application des
instruments juridiques internationaux de lutte contre les changements
climatiques. Alors, on analysera tour à tour les procédures
d'application (chapitre I) et les techniques de suivi et de contrôle
(chapitre II).
21 Les changements climatiques ont des
conséquences diverses, on peut en recenser d'un point de vue
économique, écologique, social, etc.
22 Slogan publié sur Africa 24.
De manière classique, l'application du droit
international se fait sur deux champs : dans l'ordre international et dans
l'ordre interne. C'est l'application dans l'ordre interne qui nous
intéresse ici. Il convient toutefois de préciser que, pour
l'application dans l'ordre interne des instruments juridiques internationaux,
des procédures nationales et internationales sont mises à
contribution. Cet enchevêtrement de textes et institutions fait
naître un certain nombre de difficultés dont celles relatives aux
questions de réception, d'incorporation ou d'intégration des
normes internationales. Dans le cadre de l'application des instruments
juridiques internationaux de lutte contre les changements climatiques, ce sont
les mêmes réalités. Ainsi, l'on analysera les
procédures nationales (section I) et les procédures
internationales d'application (section II).
SECTION I : LES PROCEDURES NATIONALES D'APPLICATION
Les procédures nationales d'application portent
essentiellement sur la réception et l'incorporation des normes
internationales de lutte contre les changements climatiques dans l'arsenal
juridique camerounais, pour leur application. Ainsi, des procédures
législatives et réglementaires (paragraphe I), et les
procédures institutionnelles (paragraphe II) sont identifiées
ici.
Paragraphe I : les procédures législatives et
réglementaires
Synonyme de procédés, les procédures
renvoient à une « suite d'opérations effectuées
selon un processus méthodique »23. Evoquer les
procédures législatives et réglementaires d'application
des instruments juridiques revient à analyser les procédés
de ratification d'une part (A), et les procédés
d'exécution d'autre part (B).
A. Les procédés de ratification
La ratification est une étape de la procédure de
conclusion d'un traité. C'est le document par lequel le Chef de l'Etat
ou toute autre autorité compétente confirme la validité de
la signature que son plénipotentiaire a apposée au bas d'un
traité24. La procédure de
23 Dictionnaire ENCARTA, op. cit.
24 Blaise Freddy NGUIMBI, L'impact du droit
international de l'environnement sur le droit national congolais,
mémoire, Master DICE, Université de Limoges, 2006, mémoire
online.
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ratification des traités n'est pas totalement
régie par le droit international public, il revient donc à chaque
Etat d'en préciser le régime. Ainsi, on peut distinguer trois
(03) systèmes de ratification : le système de compétence
exclusive de l'exécutif, le système de compétence
exclusive du législatif et le système mixte. C'est ce dernier
système que le Cameroun a adopté. En effet, suivant l'article 43
de la Constitution camerounaise, « le Président de la
République négocie et ratifie les traités et accords
internationaux. Les traités et accords internationaux qui concernent le
domaine de la loi, défini à l'article 2625 ci -
dessus, sont soumis, avant ratification, à l'approbation en forme
législative par le Parlement ». Ainsi, il ressort clairement
de cette disposition que la ratification des traités incombe au Chef de
l'Etat, mais le parlement est mis à contribution (pour approuver ledit
traité) lorsque l'objet de ce dernier relève du domaine du
pouvoir législatif dont le parlement en est l'incarnation. Après
ratification, l'instrument juridique international doit être
incorporé dans l'arsenal juridique camerounais, pour être
placé sur un pallier en dessous de la Constitution et au-dessus des
lois26 ; on dit alors que le traité est infra constitutionnel
et supra législatif.
Le Cameroun, comme la plupart des pays francophones est de
tradition moniste27 avec primauté du droit international.
Cela signifie qu'après ratification d'un traité, les dispositions
de celui-ci peuvent être directement invoquées par un justiciable
devant un tribunal camerounais, sans que le contenu de ce texte soit transcrit
dans un instrument juridique national (loi ou règlement). C'est en
réalité ce que le juge administratif camerounais a
admis28. Cette hypothèse est valable lorsqu'il s'agit des
traités self executing, c'est-à-dire des traités
suffisamment clairs et précis, prévoyant directement au
demeurant, des droits et obligations à l'endroit des
justiciables29. Cependant, « les normes de
conventions-cadres sont
25 Les changements climatiques ne sont pas
clairement définis par l'article 26, comme relevant du domaine de la
loi, contrairement au régime des ressources naturelles (al. d-5).
Cependant, le régime des droits fondamentaux (al. a) auquel appartient
le « droit à un environnement sain » proclamé
dans le préambule de la constitution, relève du domaine de la loi
; le climat faisant partie de l'environnement, on peut aisément
déduire que sa protection relève du domaine de la loi.
D'ailleurs, le législateur camerounais a toujours reconnu sa
compétence dans ce domaine. Ainsi, au cours de la session parlementaire
de juin 2016, l'Accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 et
signé par le Cameroun le 22 avril 2016, a été soumis au
parlement pour approbation avant sa ratification par le Chef de l'Etat.
26 Voir les articles 44 et 45 de la Constitution du
Cameroun.
27 Le monisme est avec le dualisme les deux grandes
théories qui s'affrontent sur des questions d'application dans l'ordre
interne du droit international.
28 Confer l'Arrêt CFJ-CAY, 8 juin 1971 dans
l'affaire Compagnie Commerciale et Immobilière Africaine des Chargeurs
Réunis c. Etat du Cameroun. Dans cet arrêt, le juge énonce
: « considérant que les conventions internationales constituent
les sources de droit interne, que leur violation peut être
invoquée à l'appui d'un recours devant le juge administratif
» Voir Maurice KAMTO, « Rapport général
introductif », in Michel PRIEUR (dir), La mise en oeuvre nationale du
Droit International de l'Environnement dans le pays francophones, Limoges, PUL,
2003, pp. 9-41 (spéc. p.22).
29 La Cour Permanente de Justice Internationale
(ci-après : « CPJI ») a reconnu les tribunaux nationaux
peuvent statuer sur l'exécution des accords internationaux. Voir Cour
Permanente de Justice Internationale, Avis
rarement self-executing, l'intervention des
législateurs est indispensable pour leur mise en oeuvre
»30. Ces mesures permettent l'exécution des
instruments des obligations contenues dans les instruments juridiques
internationaux.
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