CONCLUSION GENERALE
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L'application des instruments juridiques internationaux de
lutte contre les changements climatiques par le Cameroun soulève un
certain nombre d'interrogations. De ces interrogations, l'on a choisi de
répondre à celle de savoir comment le Cameroun applique-t-il les
instruments juridiques internationaux. Cette difficulté soulevée,
une tentative de réponse s'en a découle. Il s'agit de
démontrer qu'il y a une volonté au Cameroun d'appliquer les
instruments juridiques internationaux de lutte contre les changements
climatiques. La suite de cette hypothèse montre la présence d'un
certain nombre de facteurs qui freinent l'application des textes internationaux
de lutte contre les changements climatiques.
Pour ce qui est de la manifestation de la volonté du
Cameroun, elle est perceptible sur deux plans : dans l'application proprement
dite et dans son contrôle. De fait, pour appliquer les textes
internationaux de lutte contre les changements climatiques, le Cameroun a
d'abord procédé à la réception dans son ordre
juridique des instruments juridiques internationaux. Ainsi, le pays a
ratifié les conventions et protocoles climatiques, et a par la suite
procédé à leur introduction dans son système
juridique. Pour ce faire, divers textes nationaux ont été
adoptés. En ce qui concerne l'exécution, des textes juridiques et
non juridiques à plusieurs échelles de la hiérarchie sont
adoptés. Pour plus de précision, la loi-cadre environnementale
intègre les considérations environnementales, il en est de
même pour la loi sur la gestion des forêts. Quant aux
règlements, plusieurs en ont été adopté. C'est le
cas du décret portant création, organisation et fonctionnement de
l'institution du climat. C'est également le cas des règlements
constituant des comités ministériels. En sus, des institutions
pour conduire la lutte contre les changements climatiques existent, en premier
lieu les ministères (le MINEPDED, le MINTRANS, le MINEE, etc.), ensuite
les collectivités publiques décentralisées à
l'instar des communautés urbaines et les communes
d'arrondissement85. Enfin, les établissements publics
appliquent les instruments juridiques de lutte contre les changements
climatiques (l'ONACC, l'IRAD, etc.). Voilà pour ce qui est des
institutions publiques. Le secteur privé participe également dans
l'application des instruments juridiques internationaux de lutte contre les
changements climatiques, et ce de manière considérable. Cette
participation se concentre dans des actions de certaines entreprises et des
ONG. Les ONG notamment jouent un rôle important en matière
climatique. Leurs actions portent essentiellement sur le contrôle de
l'application par l'administration des instruments juridiques de lutte contre
les changements climatiques. Elles font également un travail
d'information, de sensibilisation, d'éducation des
85 Les régions ne sont pas encore
fonctionnelles au Cameroun.
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populations pauvres, les plus exposées aux effets des
changements climatiques86 sur les effets des changements climatiques
et les éduquent. Quant aux entreprises, elles sont tenues de respecter
la législation climatique en vigueur au Cameroun. De surcroît, ces
entreprises participent aux MDP. L'entreprise d'assainissement des villes
camerounaises, HYSACAM enregistre à son compteur deux centrales de
captage du biogaz, en vue de la réduction des émissions de GES.
Cette entreprise envisageait ventre ces unités de réductions au
marché carbone.
Par ailleurs, la volonté de l'Etat se manifeste en
matière de contrôle et de suivi de l'application de ces
instruments. En matière de contrôle, il convient de relever que
plusieurs institutions et organes ont été recensés au
niveau national et au niveau international. Mais l'orientation donnée
portait sur la division : contrôle juridictionnel et contrôle non
juridictionnel. En matière de contrôle juridictionnel, l'on a
relevé le contrôle juridictionnel international sous la houlette
de la CIJ, suivie d'autres instances à l'instar de l'ORD, des tribunaux
arbitraux, les juridictions régionales des droits de l'homme, etc. Quant
au contrôle juridictionnel national, il convient de relever que le juge
national y intervient soit pour des questions de juridicité soit pour
des questions de responsabilité. Toujours est-il que les juridictions de
l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif sont des acteurs principaux.
Quant au contrôle non juridictionnel, il est
assuré au niveau international par la pression internationale
exercée par la diplomatie climatique et par l'opinion publique
internationale. Au niveau national, ce contrôle est porté par les
mouvements nationaux ; qu'ils soient institutionnels ou non. Ainsi, on a
relevé l'action des institutions comme le parlement, certains autres
organismes tels la CNDHL, la CONAC, etc. Aussi, la société civile
est très active dans le contrôle de l'application par le Cameroun
des instruments juridiques internationaux de lutte contre les changements
climatiques, comme l'atteste l'activité des médias.
La réponse à la question posée nous a
amenés à étudier les difficultés auxquelles fait
face ce pays dans l'application des instruments juridiques internationaux de
lutte contre les changements climatiques. En réalité,
l'étude de ces difficultés s'articule autour de l'insuffisance
des moyens et des obstacles qui freinent l'ardeur du Cameroun. Au rang des
insuffisances, l'on a relevé l'insuffisance de moyens techniques et
technologiques. L'insuffisance des moyens techniques se traduit par le suivi
limité de l'évolution du climatique et par les moyens
limités d'atténuation et d'adaptation aux effets des changements
climatiques. Par ailleurs, l'insuffisance des moyens technologiques se traduit
par un déficit de connaissances climatiques et une assistance
internationale insuffisante. Pour ce qui est de l'insuffisance des moyens
financiers, l'on a étudié le déficit des moyens
consacrés au climat, dû à la primauté des
contraintes économiques et des problèmes de gouvernance. Ensuite,
il existe des limites à l'aide internationale par le fait que celle-ci
est dirigée vers des objectifs ciblés et parcellaires. Cette aide
n'est d'ailleurs pas à la hauteur des besoins qu'implique la lutte
contre les changements climatiques. Enfin, les obstacles structurels et
conjoncturels ont été relevés. Ces obstacles portent sur
les insuffisances légales et réglementaires. Les
86 MEVONO MVOGO D.
op. cit.
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insuffisances institutionnelles se déclinent dans les
insuffisances des institutions publiques et dans les institutions
privées.
Si le processus d'application de ces instruments fait
ressortir la volonté du Cameroun, qui est freinée par des
difficultés rencontrées. Pour pallier ces difficultés et
rendre l'action de ce pays davantage efficace, il convient d'optimiser le
financement de la lutte contre les changements climatiques. En effet, ce sont
des opérations qui coûtent extrêmement chers et que ne
peuvent pas supporter les pays en développement comme le Cameroun.
Ainsi, il serait nécessaire de rendre économiquement rentables
les projets carbones afin d'attirer plus d'investisseurs. Cette rentabilisation
intègrerait les avantages écologiques et économiques des
MDP87. Pour ce faire, l'on devra restructurer le marché
carbone, et prévoir des garanties institutionnelles pour cette
catégorie d'investisseurs en activant un mécanisme d'assurance
internationale. Le FEM pourrait être une institution idoine pour
l'accomplissement d'une telle politique88.
Par ailleurs, la création d'une juridiction
environnementale internationale avec une section climatique serait de bon aloi.
Car l'environnement présente des spécificités dont les
contours n'épousent pas toujours la logique classique du droit
international public. A titre d'exemple, la CIJ qui est la juridiction
internationale ne peut être saisie par les individus ; or le droit
à l'environnement est avant tout un droit subjectif dont les individus
devraient en jouir mais également en exercer. Dans la logique actuelle
du système juridictionnel international, cela s'avère
compliqué. Dès lors, l'avènement d'une juridiction
intégrant ces spécificités est nécessaire. Une
reconfiguration de la CIJ pourrait partiellement résoudre ce
problème qui de plus en plus se fait ressentir, et auquel la doctrine
accorde de plus en plus d'attention.
87 Le manque à gagner connu par certaines
entreprises dans les projets MDP pourrait décourager plus d'un
investisseur.
88 A titre d'exemple, Michel NGAPANOUN, le PDG
D'HYSACAM envisage un plan Marshall pour le climat en Afrique.
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