INTRODUCTION GéNéRALE
L'accès à l'eau potable est une priorité
des politiques urbaines conduites dans presque tous les pays du monde,
notamment dans les pays en développement. La question de l'eau
préoccupe toutes les catégories sociales et tous les secteurs des
industries alimentaires. La croissance démographique, l'urbanisation et
l'industrialisation rapide, l'expansion de l'agriculture et du tourisme, ainsi
que le changement climatique, exercent des pressions croissantes sur
l'environnement en général et les ressources en eau en
particulier. Il serait donc indispensable que cette ressource vitale soit
gérée méthodiquement pour satisfaire les besoins des
populations et les contraintes économiques.
« Les risques, et notamment ceux qui sont involontaires,
semblent être de moins en moins acceptés socialement. Nos
concitoyens exigent naturellement une protection contre la mort, mais aussi
contre la maladie et l'inconfort. Dans ces conditions, l'impact de l'eau sur la
santé fait désormais l'objet d'une exigence accrue »
(MATTEI, J-F 1996). La gestion des risques est une approche large,
intégrée et structurée. Son objectif premier est la
protection de la santé humaine (BOLDUC, 2003).
En effet, la gestion des risques environnementaux dans un
projet d'eau potable en milieu urbain, qui nous préoccupe dans cette
étude sera appréhendée comme étant un ensemble des
processus qui visent à permettre la production et à
prévenir les contaminations de cette eau par toutes sortes de germes
microbien , bactérien ou par des éléments chimiques nocifs
charriés par les eaux de pluie de ruissèlement, dès que
ces eaux entrent en contact avec l'eau potable au niveau de tous les points
où les tuyaux seraient cassés. Depuis l'école primaire, il
nous a été donné d'apprendre que « l'eau potable est
un liquide incolore, inodore, sans saveur et sans danger pour la santé
». Pour un réseau urbain relevant du Service Publique de l'Eau
(SPE), la potabilité est garantie par l'état (Décret
N° 2001/ 163/ PM du 08 Mai 2001). Il ne sera donc pas question ici de
faire la biochimie de l'eau produite à Yato.
Pour cette étude, la potabilité de l'eau qu'en
lieu et place de l'Etat, de par un contrat d'affermage, les entreprises
Cameroon Water Utilities Cooperation (CAMWATER) et la Camerounaise des Eaux
(CDE) livrent conjointement à la ville de Douala dans le cadre du projet
CAMWATER Phase II qui est le support de notre travail, sera donc une
disposition préalable, un prérequis qu'il importera de
gérer avec le maximum d'attention, c'est-à-dire en fait de
manière prudentielle pour éviter et prévenir tout risque
environnemental , c'est-à-dire tout incident dommageable au plan de
l'environnement politique et économique dans lequel
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cette eau est produite d'une part ; au plan de l'environnement
écologique, social et sécuritaire dans lequel cette eau est
transportée, stockée et distribuée à la population
d'autre part.
Parce que le corps de l'homme est constitué de 70%
d'eau, l'eau potable est un bien indispensable à l'existence humaine.
Aussi a-t-on pu dire que « l'eau, c'est la vie ».
KAMRAN (1990)1, estimait que : « Si vous
interrompez l'alimentation en pétrole, ce sont les moteurs qui
s'arrêtent ; mais si vous interrompez l'alimentation en Eau, c'est la vie
qui s'estompe. ». On a vu les mots « Donnez-nous de
L'Eau » écrits en arabe sur les flancs d'une montagne au
Nord de la Mauritanie et cette image parue dans ce documentaire sur
l'Odyssée montrant une femme afghane et son fils avec une pancarte
où il était transcrit : « Mon Dieu, apportez nous de
l'eau ». Plus encore, au Nord du Yémen, des femmes
devaient dévaler 26 kilomètres par jour, sous le poids
d'énormes baquets pour obtenir de l'eau. Au Cameroun, on a vu
ces dernières années dans la capitale Yaoundé, des
camions-citernes de la police et des sapeurs-pompiers distribuer de l'eau
potable dans les quartiers ! Ces évènements nous
démontrent combien l'eau est vitale pour l'existence humaine dans les
quatre coins du globe terrestre.
Malgré cette importance avérée,
l'accès à cette ressource pose encore d'énormes
difficultés dans plusieurs régions du monde, non seulement pour
avoir l'eau potable en quantité suffisante mais aussi pour en maintenir
la potabilité depuis la source de captage jusqu'au robinet du dernier
consommateur. En effet, selon Gauthier (2004), au cours des
cinquante dernières années, si la population mondiale a
triplé, les surfaces irriguées ont été
multipliées par six et la demande en eau par sept. D'autres statistiques
du même auteur montrent que un milliard quatre cent millions environ
d'êtres humains dans le monde n'avaient toujours pas accès
à l'eau potable en 2003 et parmi eux, 450 millions se situaient en
Afrique. Selon International Water Management Institute (IWMI), au cours des
dix dernières années, la consommation de l'eau dans le monde a
quadruplé. Tous ces éléments mettent en exergue l'urgence
de la prise de conscience et l'élaboration des mesures efficaces pour
atténuer le besoin alarmant de l'eau potable dans nos cités.
1KAMRAN Iman, ministre de
l'énergie et des ressources Turc d'avant 1990 lors d'une communication
ministériel : « Si vous interrompez l'alimentation en
pétrole, ce sont les moteurs qui s'arrêtent ; mais si vous
interrompez l'alimentation en Eau, c'est la vie qui s'estompe. ».
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Les pressions exercées sur les ressources en eau
mettent en lumière l'interdépendance hydrologique, sociale,
économique et écologique dans les bassins des fleuves, des lacs
et des aquifères. Elles rendent nécessaire une plus grande
intégration des politiques des différents acteurs qui
déploient les réseaux aéro-souterains en ville tel que les
canaux d'évacuations des eaux pluviales, électricité,
télécommunication et gaz. Tous ces réseaux qui exploitent
les mêmes emprises des routes urbaines commandent une relation dynamique
entre les acteurs gouvernementaux, privés et les populations locales
pour assurer la viabilité des décisions qu'ils prennent en vue
d'atteindre les objectifs d'un développement durable. (Global Water
Patnership 2010)
Le Global Water Patnership souligne qu'en l'an 2000 l'accent
devait être mis en particulier sur la réalisation effective de
l'approche de gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) dans
les bassins des fleuves, des lacs et des aquifères. Dans ce cadre, il a
mis au point un manuel de procédure pour prendre des décisions
liées à la gestion de l'eau. En effet, recommande-t-il, les
gouvernements devraient mettre en place des systèmes de gestion dont les
objectifs sont d'atténuer les impacts des catastrophes naturelles et de
fournir de l'eau pour des usages productifs et sociaux, tout en veillant
à la protection de l'environnement.
Selon UN Habitat (2006), l'impact environnemental devient un
enjeu de plus en plus important. Plusieurs sources encouragent une
réduction de cet impact, notamment les gouvernements, les associations
professionnelles, les chaînes d'approvisionnement et les partenaires
financiers en mettent en exergue la responsabilité environnementale qui
devient collective : elle concerne tout le monde partout où on est et
quel que soit ce que l'on fait.
Longtemps négligée dans nos pays où les
gens disent par plaisanterie ou par raillerie que « la saleté ne
tue pas le noir », la gestion de l'environnement depuis quelques
décennies commence à avoir une place de choix dans les projets de
grande envergure. Par exemple en Ethiopie et à Djibouti, s'il y a un
aspect à retenir ces vingt dernières années ce sont les
projets d'adduction d'eau et la gestion de l'environnement qui auront
particulièrement marqué les activités. C'est
également le cas du Cameroun où la politique des « Grandes
Réalisations » s'articule autour des grands projets de
développement comme l'extension du réseau d'eau potable
dans la ville de Douala (projet qui est à la base de notre
étude). L'importance stratégique du volet environnemental dans la
conception et la mise en oeuvre de ces ouvrages pour la sécurité
des populations et la survie de la biodiversité est remarquable.
Douala capitale économique du Cameroun, située
au fond du Golfe de Guinée et abondamment arrosée par le fleuve
Wouri et ses affluents, est par contre une des villes où la carence en
eau potable s'est fait vivement sentir ces dernières années. Ce
paradoxe induit des
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problématiques qui freinent la modernisation de cette
grande métropole afin qu'elle soit une ville en développement
durable à l'horizon 2035. La réalisation de la phase II du projet
CAMWATER pour la ville de Douala dont le but est de porter la fourniture en eau
potable de 150,000m3 /jour à
250,000m3/jour s'inscrit dans cette dynamique. La ville de
Douala étant « bénie » par son riche potentiel en
ressources littoraux dont le port, n'est pas seulement au centre des
activités économiques au Cameroun mais aussi de la
sous-région d'Afrique centrale. C'est ainsi qu'on l'appelle souvent :
« le noyau économique de la zone CEMAC ». Cette situation
accentue la pression sur les ressources naturelles de la ville, notamment l'eau
potable.
Des six municipalités qui constituent la ville de
Douala, Douala premier peut être considérée comme
étant l'arrondissement le plus moderne. En effet, situé le long
de la zone sud de la ville aux abords du Wouri, il est
caractérisé par la zone portuaire, le centre commercial (Central
Business District Akwa), le centre administratif de Bonanjo, la zone
résidentielle et semi-résidentielle de Bonapriso, Bali et une
bonne partie de Deido. Toute la valeur de cette municipalité se
dégage de ces zones qui font d'elle une des plus importantes de la ville
notamment au plan urbanistique. Cependant, des lacunes du système
d'approvisionnement en eau potable impactent souvent négativement les
relations entre la société de distribution d'eau (CDE) et ses
clients dans cette partie de la ville. Cette étude arrive donc à
point nommé, dans la mesure où ce projet d'adduction d'eau
potable se veut urgent et l'analyse prudentielle du risque environnemental qui
nous préoccupe sera effectuée pendant et après la pose des
canalisations de la mise en oeuvre de la phase II dudit projet auquel nous
avons participé pendant notre stage professionnel à l'Agence de
Développement de Douala (A2D).
Cette étude serait donc une contribution
nécessaire parmi les éléments susceptibles de diminuer
l'occurrence des maladies hydriques et le risque d'agression de ce
réseau par des populations irresponsables ou par la cohabitation
désordonnée avec les autres réseaux urbains (drains des
eaux pluviales, électricité, télécommunication, gaz
etc...) dans la municipalité de Douala premier. La prise en compte de la
zone de Bonaberi nous semble également utile. Car c'est par cet
arrondissement que l'eau potable produite Yato pénètre à
Douala par le canal du « pont-tuyau » qui traverse le fleuve Wouri.
Les résultats de l'étude dans les arrondissements de Douala IV et
Douala I seront projetés dans les autres arrondissements de la ville
pour avoir une vision globale.
Comme l'indique le Docteur Fritz Ntonè Ntonè, 1
« L'accès à l'eau potable à Douala
n'excède pas 35%. Les populations font de plus en plus recours aux puits
d'eau
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artisanaux, aux forages et aux eaux minérales
dont certaines sont de qualité douteuse, avec tout ce que cela comporte
comme risque de maladies hydriques. » Il y aurait donc
nécessité d'appuyer à l'avenir le projet de CAMWATER par
une analyse environnementale non seulement avant les travaux comme cela a
été le cas, mais aussi pendant et après les travaux.
Compte tenu de tout ce qui précède, cette
étude réalisée pour l'obtention d'un Master II
Professionnel en Environnement et Développement Durable à
l'Université de Douala comprend trois parties :
-La première partie porte sur
l'environnement de stage qui a permis notre imprégnation dans le milieu
professionnel à savoir l'Agence de Développement de Douala (A2D)
afin de suivre sur le terrain comme stagiaire la mise en oeuvre du projet
CAMWATER Phase II.
-La deuxième partie porte sur le
protocole de recherche. Il nous a permis d'élucider les aspects
théoriques de l'étude de cas à savoir la gestion des
risques environnementaux au sein du projet CAMWATER Phase II. Après une
revue de la littérature sur ce qui se fait au niveau international, en
Afrique et au Cameroun, notre approche méthodologique nous permet de
cerner le sujet grâce à différentes techniques de collecte
des données sur le terrain à savoir : l'observation dynamique et
rigoureuse du projet, les entretiens libres, semi-dirigés et
dirigés avec certains membres des équipes sur le terrain ainsi
que les populations riveraines. A cela, nous avons ajouté d'autres
approches d'analyse scientifique des données telles que :
-l'Ishikawa qui nous a permis de construire un «
diagramme de cause à effet » afin de mettre en exergue les risques
environnementaux au sein du projet ; le Plan-Do-Check-Act (PDCA) pour
l'application du principe de l'amélioration continue ; le
Strength-Weaknesses Opportunity-Treats (SWOT) qui est un outil anglais
d'analyse stratégique ; le Diagramme de Pareto basé sur la loi de
80/20 à savoir 20% de cause produisent 80% d'effet.
-La troisième partie est
consacrée à la vulgarisation des résultats de nos
recherches obtenus lors des investigation sur le terrain dans le cadre du
projet afin de formuler des propositions concrètes pour une
stratégie intégrée qui prendra en compte le management des
risques environnementaux avant, pendant et après la mise en oeuvre de
certains projets structurants comme celui de l'adduction d'eau potable de
CAMWATER en sa phase II dans la métropole de Douala et d'autres projets
du même genre que l'Etat envisagerait de réaliser dans
l'avenir.
1Le Docteur Fritz Ntonè
Ntonè, Délégué du Gouvernement auprès de la
Communauté Urbaine de Douala, communication numéro 1 faite lors
de la cérémonie de présentation du plan de
développement de CAMWATER le 22 Août 2013 dans la salle de
conférence de l'Hôtel SAWA à Douala.
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