La souveraineté de l'état en période de conflits déstructurés.( Télécharger le fichier original )par Paul Mystère Léonnel NTAMACK BATH Université de Douala - Master II Recherche Droit international public 2010 |
B- La volonté sécessionniste des groupes rebellesLa volonté sécessionniste des factions armées est visible à travers le fait qu'au-delà de la partition militaire, se sont installées au sein de chacune de ces portions, de véritables administrations autonomes et totalement déconnectées des institutions centrales percevant taxes et redevances administratives en leur nom et pour leur propre compte171(*). La volonté sécessionniste des troupes rebelles pendant la période de conflits armés déstructurés fragilise la souveraineté de l'Etat. Ainsi, ce dernier subit une décomposition, un démembrement, ce qui renforce de plus en plus sa défaillance et de surcroît celle de la souveraineté. Une telle situation mine la souveraineté de l'Etat et la sécurité nationale172(*). Par ailleurs, la guerre civile voire déstructurées qui touche l'Etat met en danger l'existence même de l'Etat173(*). Mody BERETHE souligne que ce sont les ressources naturelles d'un Etat en situation déliquescente qui justifient que les péripéties des combats et les alliances dictées par les intérêts des acteurs conduisent rapidement à une prolifération des mouvements, se soldant par la partition du territoire entre factions armées s'arrogeant le contrôle d'un pays aux ressources aussi abondantes que convoitées174(*). Anne-Line DIDIER et Jean-Luc MARRET en analysant le comportement des différents groupes et milices, relèvent que ces organisations ne se contentent pas uniquement d'avoir une dimension de « prédation économique » sur les populations ou les ressources qu'elles dominent mais qu'elles tentent même de remplacer l'Etat sur son territoire, à tout le moins d'instaurer sur la zone qu'elles contrôlent, une sorte de micropouvoir politique alternatif de fait et local, autrement dit une « souveraineté concurrentielle »175(*). En République Démocratique du Congo, l'apparition de « souveraineté concurrentielles » à la souveraineté de l'Etat s'est manifestée, comme le souligne le professeur SAYEMAN Bula-Bula, par le « processus d'atomisation » des différents groupes rebelles et particulièrement le Rassemblement congolais pour la démocratie (R.C.D.) qui a contribué à accentuer le délitement ou l'altération du lien social176(*). A titre d'exemple, le Secrétaire Général Ban Ki-MOON mentionne la création unilatérale d'une nouvelle entité territoriale et administrative apparue avant même la signature de l'Accord global et inclusif. Il s'agit du territoire de « Minembwe », création d'un mouvement armé du R.C.D - Goma dans le Sud-Kivu177(*). Il découle en tout de ce constat qu'au critère organique permettant d'identifier l'Etat défaillant s'ajoute à cette fin un autre critère, fonctionnel celui-ci et plus décisif encore : c'est l'incapacité de cet Etat à reconstruire et à réorganiser un gouvernement effectif et des structures politiques sans une aide ou une intervention extérieure178(*). Spécialement des organisations internationales, comme l'illustrent précisément les cas les plus notoires du Cambodge, de la Somalie, du Libéria et dans un contexte différent, de l'Afghanistan179(*). L'intervention extérieure dont fait face l'Etat en période de conflit armé interne déstructuré, traduit l'échec de l'Etat dans sa mission régalienne de maintien de l'ordre et de la sécurité, ainsi que de la protection des personnes sous son autorité à cause de la violation massive et systématique de leurs droits humains les plus fondamentaux. Une fois cet échec constaté, il est déclenché automatiquement la mise en oeuvre des obligations internationales de protection des droits fondamentaux de la personne humaine, en de telles circonstances de conflit armé interne, des obligations dont il est question, s'imposent à l'Etat de par leur effet erga omnes. Ainsi, en période de conflit armé de caractère non international, la soumission de l'Etat au droit international est plus marquée. Dans ce contexte, la souveraineté de l'Etat une fois de plus, est amoindrie, mise à mal au regard du fait que la protection des droits fondamentaux de la personne humaine en période de conflit armé déstructuré assurée par les normes de Jus Cogens est méconnue par les belligérants. L'Etat à qui incombent les obligations primordiales d'empêcher les violations flagrantes, massives et systématiques des droits fondamentaux de l'homme est dans l'incapacité d'en assurer le respect. * 171 Ibid. * 172 Antonio CASSESE, « La guerre civile et le droit international », R.G.D.I.P., 1986, p. 562. * 173 Ibid., pp. 577-578. * 174 Patrice Emery NTUMBA KAPITA, La pratique onusienne des opérations de consolidation de la paix : analyse, bilan et perspectives, op. cit., p. 61, voir BERETHE Mody, « Problématique de la réforme de la police en situation post conflit : le cas de la RDC », in CONOIR Yvan et VERNA Gérard (Dir.), Faire la paix. Concepts pratiques de la consolidation de la paix, Québec, Les presses de l'Université de Laval, 2005, p. 167. * 175 Ibid. voir DIDIER Anne-Line et MARRET Jean-Luc, Etats « échoués », mégapoles anarchiques, Paris, P.U.F., 2001, p. 12. Ces organisations répolitisent par exemple leurs actions à partir des municipalités comme l'a fait la guérilla colombienne, ou encore la jeunesse déclassée et perdante du système politique local, comme l'a fait le Revolutionnary United Front en Sierra Léone. * 176 Ibid. * 177 Ibid., voir SAYEMAN Bula-Bula, « L'Accord de Pretoria du 31 Juillet 2002 et le protocole de Luanda du 06 Août 2002 relatifs au règlement du conflit armé contre la République Démocratique du Congo », in Annales de la Faculté de Droit Kinshasa, Presses de l'Université de Kinshasa, 2004, vol. XI-XXXII, p. 56. Voir également doc. S/2008/645 du 13 Octobre 2008, dix-huitaine rapport du Secrétaire Général sur l'opération des Nations Unies en Côte-d'Ivoire, §24 ; S/2006/390 du 13 Juin 2006, vingt-et-unième rapport du Secrétaire Général sur la Mission de l'organisation des Nations Unies en République Démocratique du Congo, §8. * 178 Gérard CAHIN, « L'Etat défaillant en droit international: quel régime pour quelle notion ? », op.cit., pp.182-183 * 179 Ibid., p.183, voir, R. GEISS, « Failed States Legal Aspects and Security Implications », G.Y.I.L., 2004, p. 463, «States inability to reorganize and to rebuild and effective government and State structures by its own means and without outside help is a specific feature of Failed State». |
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