3) Les modèles de la théorie du
financement hiérarchique
La conception de l'ordre hiérarchique des sources de
financement n'est pas nouvelle. Elle apparaît clairement dans une
étude de Donaldson (1961). En effet, en
décrivant le comportement financier des firmes,
Donaldson (1961) conclut que les firmes s'abstiennent
habituellement d'émettre des actions et n'empruntent que si
l'investissement requiert des fonds supérieurs aux cash flows existants.
Pour Donald son 1961 les firmes se finances prioritairement par autofinancement
puis par emprunts et en dernier recours par augmentation de capital. Ce
comportement de financement hiérarchique a été
modélisé par Myers et Majluf
(1984).
Selon Myers et Majluf (1984)
les nouveaux actionnaires interprètent une augmentation de capital comme
un signal d'un état défavorable ce qui engendre la
réduction de la valeur de la firme. Cependant, les anciens actionnaires
préfèrent la situation d'investissement car elle augmente leur
richesse (malgré la baisse de la valeur de la firme). Pour éviter
la réduction des prix des actions, le dirigeant a intérêt
à utiliser un autre financement. Ainsi, la hiérarchie choisie est
la suivante : autofinancement, dette non risquée, dette risquée
et augmentation de capital.
L'information privilégiée des managers quant aux
perspectives de l'entreprise et la valeur de ses titres risqués pose le
problème de sous investissement car le recours à un financement
externe risqué a alors un coût important. Ce coût est tel
qu'il balaie les autres avantages et inconvénients du financement
externe et conduit les managers à adopter un mode de financement
hiérarchique (Myers 1984).
Toutefois, il faut noter qu'un comportement de financement
hiérarchique peut également résulter des conflits
d'intérêts entre actionnaires et managers. Les managers cherchent
à éviter le rôle disciplinaire de la dette, c'est pourquoi
ils préféreront se financer par autofinancement. Ils
évitent également de se financer par augmentation de capital car
ces opérations nécessitent l'accord des représentants des
actionnaires et attirent leur attention, en particulier lorsque l'entreprise
n'est pas performante.
Dans le modèle de Cornell et
Shapiro (1987) l'objectif du dirigeant est de maximiser la
valeur de la firme. Pour les autres partenaires (prêteurs, clients, ...)
l'objectif est de minimiser les risques liés à l'achat ou le
financement des investissements spécifiques. La réalisation de
ces deux objectifs suppose, selon Cornell et
Shapiro (1987), la minimisation des coûts des contrats
implicites. Pour minimiser les coûts de ces contrats, la firme a
intérêt à ne pas épuiser ses capacités
d'autofinancement et d'endettement avant la date à laquelle elle doit
honorer ses contrats implicites. En effet, à cette date,
l'émission d'actions peut être très coûteuse. La
hiérarchie soutenue est donc : autofinancement, augmentation du capital
et endettement, en dernier ressort.
La théorie du financement hiérarchique nous permet
de conclure aux non séparatistes entre les décisions
d'investissement et de financement. Cependant, il y a des problèmes de
testabilité des théories du financement hiérarchique
rendus encore plus difficiles à cause des conclusions parfois
contradictoires de chacun des modèles. Ces théories du
financement hiérarchique ont une caractéristique commune, il
s'agit d'établir toujours le même classement entre les
financements pour des circonstances déterminées. Dans ce sens,
les modèles de Myres et Williamson
sont les plus célèbres.
Dans son modèle ; Williamson (1988)
suppose qu'afin de rendre viable à long terme la relation contractuelle
entre les parties au contrat (actionnaires, dirigeants et créanciers),
il est nécessaire d'effectuer des perpétuels ajustements ex-post.
Dans ce cadre, la dette et l'augmentation de capital ne sont plus à
considérer seulement comme des sources de financement, mais aussi comme
moyens permettant de réaliser plus au moins ces ajustements.
Si l'actif est spécifique, l'augmentation de capital (avec
une diffusion de titres qui ne soit pas trop importante) est plus efficace que
l'endettement pour réaliser les ajustements des contrats liant la firme
aux apporteurs de capitaux, puisque si l'investissement spécifique est
par exemple un projet de recherche et de développement, les actionnaires
toléreront davantage que les prêteurs le fait qu'il ne
dégage pas la rentabilité escompte dans les délais
prévus. Par contre, si l'actif n'est pas spécifique,
l'endettement qui est une formule de financement plus simple, parait plus
approprie.
Donc selon Williamson, la
spécificité de l'actif reste la caractéristique clé
expliquant le choix d'un mode de financement et la structure financière.
Williamson (1988) avance en plus l'idée
séduisante que, contrairement à l'approche conventionnelle qui
considère au départ une firme entièrement financée
par fonds propres et recherche ensuite des justifications à l'usage de
la dette, il faudrait considérer la dette comme l'instrument «
naturel » de financement et les fonds propres comme la solution de dernier
ressort.
Dans le modèle de Myres (1990), celui-ci
conçoit la firme comme une coalition recherchant à augmenter le
volume des fonds propres et du surplus organisationnel (c'est à dire son
pourvoir de redistribuer au personnel des bonifications). Dans ce cas,
l'augmentation de capital sera préférée à
l'endettement s'il est nécessaire de recourir à un financement
externe.
Myres (1990) a montré que le surplus
augmente avec l'augmentation de capital et non avec l'endettement. Mais, il a
précisé en plus que cette augmentation ne peut être sans
limite. De ce fait, Myres (1990) considère que pour
financer des investissements, la firme préfère conserver des
bénéfices plutôt que de recourir à une augmentation
de capital qui obligerait implicitement à distribuer des dividendes
supplémentaires. Donc, dans ce cas, la firme privilégie
l'autofinancement à l'augmentation de capital. Ainsi
Myres (1990) conclut que chaque firme applique une
hiérarchie entre les financements de la manière suivante :
d'abord l'autofinancement, ensuite l'augmentation de capital et la dette en
dernier ressort [(ce qui est contradictoire avec le modèle de
Myres et Majluf (1984)].
Dans le même contexte d'autres modèles ont permis de
démontrer que le modèle de Myres et Majluf (1984) peut être
invalide. Lorsque les firmes ont plus de choix de financement, parmi lesquelles
: tout d'abord le modèle de Brennan & Kraus
(1987) qui enrichit les choix de financement auxquels une firme peut
être confrontée tout en précisant que les entreprises
peuvent émettre de la dette mais que réellement elles ne le font
pas.
Ensuite, le modèle de Constantinides
& Grundy (1989) qui modifie le modèle de Myres et
Majluf en permettant aux entreprises d'émettre des titres voulus et de
racheter les fonds propres existants.
Enfin, le modèle de Noe (1988) qui
prédit une réponse négative de la part du marché
lors de l'annonce d'une émission d'actions et une réponse
positive lors d'une émission de dette, mais qui permet aux firmes
d'émettre soit de la dette soit de l'équité.
Alors qu'au contraire, d'autres modèles obtiennent des
résultats similaires à Myres et Majluf
(1984) en utilisant une approche différente parmi lesquels :
les modèles Narayanan (1988) Heinkel et
Zechner (1990) qui montrent que lorsque l'asymétrie
d'information ne concerne que la valeur du nouveau projet, il peut y avoir un
surinvestissement, c'est à dire des projets ayant une VAN
négative peuvent être acceptées. Ces modèles
supportent en partie la théorie des préférences
ordonnées de Myres et Majluf
(1984).
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