2.2. Théories de référence : le
dessin du bonhomme selon l'approche de Royer et de Machover
2.2.1. Les stades de Royer
L'évolution du dessin chez l'enfant telle que Royer l'a
développée est liée à l'acquisition progressive de
la notion du temps et de sa traduction dans le graphisme. Elle distingue cinq
stades principaux qui sont :
· Le stade préliminaire ou gribouillage moteur
(1 à 3 ans)
C'est la période gribouillage proprement dit, celui-ci
prend fin avec le gribouillage intentionnel où apparaissent des formes
reconnaissables dans le dessin de l'enfant. C'est dans ce stade qu'apparaissent
le « bonhomme têtard » et la maison « en forme de simple
enclos » : forme arrondie ou angulaire très simplifiée.
Kellogg décrit explicitement les 20 tracés fondamentaux qu'elle a
repérés au cours de ses observations, c'est-à-dire les 20
premiers gribouillis exécutés par l'enfant. Ces tracés
sont indiqués dans le tableau suivant.
Tableau 4: Les vingt
tracés fondamentaux de Kellogg (Kellogg, 1970 ; cité par Gervais,
2005).
· Le stade du dessin éparpillé (4
à 6 ans)
A ce stade, le graphisme est intentionnel et
représentatif. Royer considère que l'enfant ne recherche pas un
lieu sur la feuille pour sa représentation, il n'y a pas de chronologie
et les thèmes sont versatiles. En effet, les différentes formes
représentées par l'enfant sont dispersées sur la feuille,
elles flottent dans l'espace graphique, sans ordre et ne sont pas
parallèles aux bords de la feuille. Il arrive que la même
représentation soit nommée différemment. Les
différentes formes représentées sont à dominantes
anthropomorphiques et la verticalité ne s'acquiert que tardivement. Pour
Royer, c'est la période où les affects oedipiens se manifestent
chez l'enfant et se traduisent graphiquement par la multiplication des
thèmes, des symboles le plus souvent à caractère
phallique.
· Le stade du dessin localisé (6 à 8
ans)
Ce stade correspond à la période de latence, la
période de la scolarité. Le thème du dessin devient unique
même si parfois l'enfant présente plusieurs formes.
L'écriture se différencie du gribouillage et contribue à
améliorer les règles d'orientation dans l'espace, la forme et la
dimension imposées au tracé. La notion du « haut et du
bas » est acquise à travers la représentation du ciel,
du soleil, des arbres, du sol, etc. La notion du temps est
évoquée sous la forme du temps qu'il fait et non sous la forme du
temps qui s'écoule (matin, soir, saisons). La verticalisation est
acquise et l'enfant dessine au crayon noir avant de colorier. Les
éléments sont en relation les uns avec les autres mais la
transparence peut persister jusqu'à 7ans.
Entre 5 et 7 ans, la représentation du soleil est
maximale et Royer propose l'idée de la signification oedipienne du
soleil représentant le père. Vers la fin de ce stade, les
représentations anthropomorphiques baissent considérablement.
· Le stade du dessin temporalisé à
l'âge (9 à 11 ans)
A cet âge, l'unité du temps est acquise par
l'enfant et l'espace de la feuille est bien occupé. La
représentation des objets et des personnes est influencée par les
connaissances que l'enfant accumule. Les formes que l'enfant représente
prennent en compte la variation des dimensions des objets en fonction de leur
éloignement et des relations qu'ils peuvent avoir entre eux.
Le vide entre la terre et le ciel se remplit et la ligne
d'horizon apparait. La représentation des formes cubiques n'est pas
encore maitrisée. La notion de profondeur est acquise et se manifeste
à travers les représentations en plan, la représentation
des motifs de dimensions différentes pouvant être cachés
partiellement en fonction de leur position.
La représentation du mouvement dans les dessins est
intégrée de même que la présentation des personnes
ou des animaux d'âges différents. Le contexte historique s'inscrit
alors dans les dessins. On observe le passage de l'expression implicite
à l'expression explicite (titre, légendes et commentaires).
· Le stade critique (au-delà de 12-13 ans)
Il y a un désintérêt progressif du dessin
chez le préadolescent. Ses dessins sont généralement
empruntés aux bandes dessinées, aux médias (caricatures)
plutôt qu'à la spontanéité créative.
Aubin(1970) pense que c'est la remise en cause de ses
capacités dans le dessin et l'investissement du langage verbal comme
moyen d'expression qui sont à l'origine de la régression du
dessin chez le préadolescent. Ils découvrent à travers les
longues conversations un moyen de communication qui les affranchit de
l'enfance, un moyen de s'affirmer dans les relations sociales et de se
découvrir.
Seul un petit nombre d'adolescents vont conserver un
intérêt pour le dessin, ils travaillent alors à renforcer
en nombre et en qualité les caractéristiques du stade
précédent.
Pour Royer, l'évolution du dessin est liée au
système éducatif de la société qui tend à
développer l'activité de l'hémisphère
cérébral gauche, celui de la raison, aux dépens de
l'hémisphère droit, celui de l'affectivité et de
l'intuition.
Le personnage humain est l'un des contenus les plus
retrouvés dans les dessins d'enfants. Lorsque le personnage est seul, on
pourrait supposer qu'il s'agit d'un autoportrait réalisé plus ou
moins consciemment (Royer, 1995).
La présence des animaux peut
représenter la complicité, la communication non verbale, mais
peuvent également être un symbole des instincts de l'enfant. Ils
peuvent servir à masquer une réalité humaine. L'eau
représenterait la mère et l'essence du féminin tandis
que le feu serait le symbole de la puissance virile. Le
soleil est généralement associé à l'image
paternelle alors que la lune, symbole lié à la
féminité, évoque la nuit et les mystères (Royer,
op.cit.).
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