C- Le refroidissement des relations entre
l'É.É.C. et l'É.R.P.B. (1977-1987)
Vers la fin des années 1970, les rapports entre
l'É.É.C. et l'Église Hollandaise ont connu quelques
perturbations et tensions. Il s'agit là d'une crise qui n'a pas
entraîné de rupture entre les deux. L'une des sources de tension
entre les deux Églises avait trait à la gestion des projets. Les
propos du pasteur Hollandais Hollemans, qui a travaillé dans la
formation des laïcs de l'É.É.C. de 1976 à 1979,
notamment au Centre construit à cet effet à
Bonabéri-Douala, étayent ce climat tendu. En effet, il
déclare dans un article :
L'Église Réformée a jusqu'à
maintenant été responsable pour la mise en oeuvre et/ou le
financement, en partie ou total de certains projets au sein de
l'É.É.C., et elle a mis aussi du personnel à sa
disposition. Chaque tentative de l'Église Réformée des
Pays-Bas, de mettre en discussion le point de départ de ces projets et
la mise en disposition du personnel peut-être interprétée
par l'É.É.C. comme une ingérence dans sa politique interne
d'Église autonome, comme aussi un essai d'imposer des idées
européennes par l'intermédiaire du robinet de
l'argent253.
L'É.É.C. était donc jalouse de son
autonomie. Elle accusait les missionnaires Hollandais de s'ingérer dans
les affaires internes, en voulant agir comme à l'époque de la
Mission. Ce que les Hollandais n'appréciaient pas du tout.
Une autre source de tension réside dans le
détournement des fonds donnés par les Hollandais. Des fonds,
destinés à certains projets, et dont la gestion était
confiée aux Camerounais. C'est le cas de l'argent pour la construction
du foyer Protestant de Nkongsamba, des fonds de coopération hollandaise
pour les hôpitaux, entre autres254.
Bien plus, plusieurs événements
désagréables rendaient la coopération difficile entre les
deux partenaires :
- les tensions entre les missionnaires hollandais et les
ouvriers locaux dues aux différences de traitement matériel,
notamment en ce qui concerne les moyens de déplacements dont
bénéficiaient plus ces étrangers ;
- le manque ou l'insuffisance d'encadrement de ces missionnaires
par l'É.É.C.
253 C. J. Hollemans, Quelques réflexions sur la place
d'un expatrié au sein de l'Église Évangélique du
Cameroun, Bonabéri-Douala, mars 1979, p.4. Archives Michel Ngapet.
254 E. Tchuindjang, « Les expressions oecuméniques
d'une jeune Église », p.239.
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Ces faits désagréables entre les deux parties
ont été vécus et ressentis. Les relations difficiles entre
le pasteur Hollemans et son assistant au centre de formation des laïcs, le
pasteur Emmanuel Elouti, peuvent l'illustrer. Ces deux ouvriers vécurent
et se séparèrent d'une manière qui ne servit pas la cause
de l'Évangile255.
Les envoyés néerlandais se sont plaints
auprès de leur Église. Il s'est suivi un entretien qui a eu lieu
à Foumban le 10 mars 1977 avec la délégation de
l'Église Réformée des Pays-Bas qui est venue assister aux
festivités marquant le XXè anniversaire de l'autonomie
de l'É.É.C256. Cet entretien a porté sur les
relations entre les deux Églises. Le rapport de cette rencontre est
discuté le 13 octobre 1977 à Oegstgeest, lors de la session du
Conseil de Mission 257. Au cours de cette session, le Secrétaire
Général du Département Missionnaire, Bootsma, souligne
:
Qu'il y a une tension entre l'Église du Cameroun et le
Conseil de Mission de l'Église Réformée des Pays-Bas, dont
l'envoyé missionnaire devient victime. Puis, il pensa qu'il fallait un
entretien avec l'Église du Cameroun. Pour la réussite d'un tel
entretien, il est d'importance, selon lui, que les envoyés missionnaires
soient impliqués dans l'ordre du jour qu'il faudra
dresser258.
Suite à ces discussions, le Conseil prend les
résolutions suivant lesquelles les envoyés devront dans l'avenir
donner des informations qui serviront à établir la politique
générale à leur Église, et que les relations entre
les deux Églises devront être fixées dans une consultation
une fois tous les deux ans.
Dans le même ordre d'idées, s'est tenue une
rencontre entre une délégation officielle de l'Église
Réformée des Pays-Bas et le bureau de l'É.É.C. les
16 et 17 mai 1978 à Foumban. Le rapport de la délégation
hollandaise a été discuté au Conseil des Missions du 14
septembre 1978. La remarque selon laquelle les points essentiels concernant le
travail des envoyés hollandais au sein de l'É.É.C. n'a pas
été bien définis a été relevée. Selon
le conseil, ses points essentiels sont au nombre de quatre :
- la vision commune entre l'É.É.C. et
l'É.R.P.B. ;
- l'envoi de missionnaires qui coopèrent en toute modestie
;
- la continuité de la collaboration en respectant le
moratoire ;
- le renforcement du dialogue continu dans le travail de
l'envoyé.
En outre, lors du Synode Général de
l'É.É.C. tenu à Bafoussam en 1979, quelques
résolutions sont prises et qui dénotent une certaine tension
entre les deux partenaires. Il est dit entre autres que :
255 Entretien avec Emmanuel Elouti, 66 ans, pasteur de
l'É.É.C, paroisse Essos, Yaoundé, 13 juin 2014.
256 C.J. Hollemans, p.5.
257 Ibid.
258 Ibid.
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- l'É.É.C. est une Église autonome qui
doit établir sa propre politique. Les Hollandais qui viennent, doivent
se conformer à cette politique. Ils doivent se soumettre à la
hiérarchie qui a été fixée par la constitution de
l'Église ;
- l'envoyé Hollandais ne doit pas introduire de
nouvelles idées ou doctrines, car, elles seraient cause de troubles.
Par ailleurs, ce même synode approuve aussi la
décision de la Commission Exécutive de demander à
l'É.R.P.B. huit envoyés pasteurs. Ceci démontre tout
simplement que les critères de collaboration devaient être
révisés comme le reconnurent plus tard les pasteurs Hollemans et
Pier Magre. Ce dernier, répondant à la question d'un journaliste,
qui voulait savoir la cause de la rupture entre les deux Églises
à mi-parcours, déclare :
Tout d'abord, je voudrais dire que je ne suis pas content
quand on parle de rupture. Il convient de souligner que dans le cours des
années les choses ont changé. On a pas fait assez attention, on a
pas vu à temps ces changements de sorte qu'on a fini par avoir un manque
de communications, un manque de relations dans le domaine de la
réflexion qui a trop longtemps duré et qui, à un certain
moment a causé la crise dans la relation259.
Bref, la crise sans rupture dans les relations entre
l'É.É.C. et l'Église Réformée des Pays-Bas
était causée par :
- la mauvaise gestion et le détournement des fonds mis
à la disposition de l'É.É.C. pour
les projets ;
- le manque des cahiers de charges des envoyés hollandais
;
- l'ingérence des envoyés hollandais dans la
politique générale de l'É.É.C. ;
- le complexe des ouvriers locaux ;
- le manque de communication et de réflexion
- les incompréhensions entre le bureau de
l'É.É.C. et les envoyés hollandais
- le vieillissement des critères solides de
collaboration.
Dès 1987, la situation commença à s'apaiser.
En effet, une délégation de l'Église
néerlandaise forte de quatre personnes se rend au
Cameroun. Elle est composée de :
- Karel Blei, pasteur et Secrétaire Général
de l'É.R.P.B. ;
- Mme Den Tex, Vice-Présidente du Conseil des Missions,
- Pier Magre, pasteur et Secrétaire pour l'Afrique du
Conseil de Mission ;
- le pasteur Johannes Roldanus, membre du Conseil de Mission et
professeur d'Histoire
à la Faculté de Théologie
d'Utrecht260.
Cette délégation a eu des entretiens avec le
bureau de l'É.É.C. Ces entretiens ont porté
essentiellement sur la mise sur pieds des nouvelles bases de la
coopération entre les deux
259 L'Appel n°1, p.5.
260 L'Appel n°2, janvier-février 1988,
pp.14-16.
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Églises. Ainsi, les pourparlers avec la Hollande ont
abouti. Les malentendus ont été dissipés et une nouvelle
lune de miel se profilait à l'horizon. Un protocole d'accord a
été signé261.
Après dix ans de piétinement, la
coopération entre l'Église Évangélique du Cameroun
et l'Église Évangélique des Pays-Bas est repartie sur des
bases solides.
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